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La maison en ordre : $b comment un révolutionnaire devint royaliste

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PRÉFACE

Au milieu des factions de toute espèce, nous n’appartenons qu’à l’Église et à la Patrie.

Louis VEUILLOT.

Dans un temps aussi troublé que le nôtre, les principes de la Révolution, la démocratie, le régime parlementaire, — qui ne valurent jamais grand’chose — se prouvent tout à fait impuissants à vivifier la France après l’effroyable saignée qu’elle vient de subir.

C’est donc un devoir, pour quiconque aime son pays, de le servir en lui montrant, selon des expériences personnelles, les causes des maux dont il souffre et les remèdes propres à le guérir.

J’essaie de contribuer à ce labeur patriotique dans les pages suivantes. On y trouvera le témoignage d’un homme, âgé aujourd’hui de soixante ans, qui, jusqu’à la quarantaine, connut les pires aberrations de l’individualisme aussi bien sur le plan philosophique et social que dans le domaine de la littérature. Sa formation romantique, l’esprit de révolte qui s’ensuivit l’obligèrent de les appliquer tant que la grâce de Dieu ne l’eut pas amené à l’Église.

Je l’ai dit ailleurs : « Une conversion, c’est une rentrée dans l’ordre. » Et, c’est, en effet, par la Vérité catholique que j’ai acquis le sens de la règle, de la discipline, de la hiérarchie et le goût de la stabilité dans la tradition. Ensuite, ayant beaucoup souffert et beaucoup vu, ayant peut-être passablement retenu, j’ai compris que notre patrie ne pouvait redevenir forte et prospère que par un régime qui prendrait le contre-pied de la doctrine et des institutions dont nous sommes affligés depuis 1789.

Ce régime, c’est la monarchie.

Comme on le verra plus loin, je conçus les bienfaits de la monarchie, j’admis sa nécessité, d’abord par désillusion. Observant les partis en leurs querelles pour s’assurer les faveurs de la femme sans tête qui a nom République, je fus dégoûté par la bassesse de leurs ambitions et l’ignominie de leurs convoitises. Je saisis combien il était absurde que les intérêts les plus essentiels de la France dépendissent des fluctuations d’assemblées soi-disant représentatives où pullulaient les illettrés et les incapables, où dominaient quelques intrigants, captifs eux-mêmes de financiers louches. Je constatai l’évidence, c’est-à-dire que les changements perpétuels de ministères empêchaient toute continuité dans les desseins et dans les actes. Je vis la discorde entretenue dans les provinces par les politiciens subalternes qui mènent aux fondrières cet aveugle : le suffrage universel. Je vis enfin d’honnêtes gens, pleins de bonne volonté, voués à l’impuissance, malgré leurs efforts, parce qu’ils ne réussissaient pas à se libérer de l’erreur démocratique. Et je conclus que si une réaction salutaire ne ramenait pas le Roi pour rétablir l’ordre dans la maison, nous pourrions peut-être bientôt écrire en pleurant sur la porte : Finis Galliae ! Que Dieu détourne le présage !… Arrivé à ce point, il y a une douzaine d’années, je m’informai des doctrines de l’Action française. Je lus surtout Maurras, non plus en dilettante, comme naguère, mais afin de vérifier, par les faits, si le régime qu’il proposait pour le salut de la France était conforme à la vérité politique. La réponse fut totalement affirmative.

C’est le récit de mon évolution que l’on va lire. On m’excusera si j’ai donné à cet essai la forme de mémoires. Elle m’a paru la moins aride et la plus capable de persuader le lecteur. Je l’avais déjà employée lorsque j’écrivis Du diable à Dieu, où j’ai rapporté comment j’avais été conduit de l’ignorance religieuse à la foi. L’indulgence avec laquelle fut accueilli ce petit livre m’a décidé à user d’une forme à peu près analogue pour exposer comment je fus amené de la frénésie révolutionnaire à l’indifférence politique, puis à la doctrine royaliste.

Est-il besoin d’ajouter que je n’ai été déterminé, en entreprenant ce travail, par aucune ambition autre que celle de servir la France dans la mesure de mes moyens ? Depuis des années, je vis à l’écart, soit au cœur de la forêt, soit dans des monastères, soit au village. Je ne veux rien être. Je ne fréquente ni les milieux politiques ni les cénacles littéraires, ni les salons — non par dédain, certes, mais par un penchant inné à la solitude et au silence. Il se peut que cette habitude de vie présente quelques inconvénients. Mais elle possède un grand avantage : elle me permet de juger les vicissitudes de la politique avec un entier détachement.

Au surplus, j’aime à travailler dans mon petit coin pour le public, composé de catholiques fervents, chérissant la France parce que catholiques, qui veut bien me suivre depuis 1906.

Je leur offre donc ce livre qui, vu la maladie chronique et sans cesse aggravée dont je souffre, en me soumettant à la volonté de Dieu, sera peut-être le dernier que j’écrirai. Je souhaite de leur faire partager ma conviction, qui se résume en ceci : ayant contracté un mariage d’amour avec l’Église et un mariage de raison avec la Monarchie, j’estime que cette bigamie louable est nécessaire à tous ceux qui prient, pâtissent et combattent pour le salut de notre France bien-aimée, royaume de Marie par le vœu de Louis XIII et Fille aînée du Saint-Siège par la miséricorde de la Providence.

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