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La maison en ordre : $b comment un révolutionnaire devint royaliste

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CHAPITRE PREMIER
IMPRESSIONS D’ENFANCE

C’est en 1869. J’ai six ans, et je me prélasse en un petit fauteuil à bras, dans un cabinet de travail tout tapissé de livres depuis le plancher jusqu’au plafond. Assis à son bureau qu’encombrent des dossiers et des brochures, mon grand-père penche sa tête aux cheveux argentés sur un manuscrit du Moyen Age qu’il scrute avec une loupe et dont l’aspect fripé, les teintes jaunâtres et l’odeur rance me causent une sorte de répulsion. Une lampe à huile nous éclaire. Parfois elle charbonne et fait entendre par des bruits singuliers qu’elle a besoin qu’on la remonte.

Mon grand-père est un érudit dont l’ex-libris porte cette phrase de Montaigne : « Les historiens sont le vrai gibier de mon étude. »

Sur mes genoux je tiens un volume in-8o, dont la reliure en maroquin rouge est si fanée qu’elle a pris la nuance de la gelée de groseilles. C’est l’Histoire de Napoléon, publiée par le baron de Norvins en 1827 et illustrée par Raffet.

Ce Norvins avait rempli diverses fonctions administratives sous l’Empire. Mis à la retraite par le gouvernement de la Restauration, plein de rancune et enthousiaste de l’Empereur, il ne montrait aucun esprit critique. Son histoire, c’était une apologie à outrance de son héros et une espèce de pamphlet plein d’allusions malveillantes aux Bourbons. Cela, je l’ai constaté plus tard ; mais alors je ne puis m’en rendre compte et je m’enivre de cette lecture comme d’un vin capiteux qui m’emplit la tête de fanfares, de canonnades et d’un cliquetis d’armes entrechoquées.

Un silence studieux règne sur nous, rendu plus sensible par les crépitements du feu de coke qui s’effrite dans la cheminée, par le grignotis de la plume lorsque mon grand-père prend une note et par les houlements plaintifs du vent d’hiver qui jette des poignées de grésil contre les volets bien clos.

Comme il y a plusieurs soirs que je lis Norvins, j’en suis à la campagne de Marengo. Elle me conquiert, mais, en même temps que je la dévore, je revois Toulon, Rivoli, les Pyramides, Brumaire. Toute cette épopée me possède au point qu’il m’est impossible de continuer à suivre le texte. Le front brûlant, les yeux dans le vague, je vois flotter devant moi de grandes images — mille fois plus belles que les dessins de Raffet. La figure de Napoléon s’en détache comme un soleil parmi des nuages empourprés. Il me semble que son regard fulgurant me prédit un avenir de gloire belliqueuse. Je crois entendre sa voix brève me dicter des plans de batailles…

Cette hallucination me tient si fort que quand ma bonne grand’mère entre dans la chambre pour nous demander si nous oublions qu’il est l’heure du souper, je reste immobile, sans l’entendre, tant j’ai perdu le sentiment des choses extérieures.

Mon grand-père repousse son fauteuil, se lève et, me voyant tout rouge, les paupières papillotantes, m’interroge :

— Est-ce que tu dormais, mon petit ?

— Oh non, grand-papa, je voyais Napoléon !

Ma grand’mère s’inquiète :

— Tu as tort, dit-elle à son mari, de laisser cet enfant lire si longtemps près du feu…

Mais grand-père ne l’écoute pas. Pensif, il m’examine puis pose sa main sur ma tête :

— Il n’est pas malade, dit-il, mais il a de l’imagination. Ce n’est pas la première fois que je remarque combien cette lecture le passionne… Après tout, j’aime mieux qu’il s’enflamme pour Bonaparte que pour des contes de fées. Qu’il apprenne l’histoire. Quand il sera plus grand, nous verrons à rectifier les notions plus ou moins exactes que Norvins lui inculque en ce moment…

Nous passons dans la salle à manger. D’habitude je jase volontiers pendant les repas et mon babil amuse mes grands-parents. Mais, ce soir-là, je mange mon œuf à la coque comme en rêve et je demeure silencieux.

— Décidément, tu tombes de sommeil, dit ma grand’mère, je vais te mettre au lit tout de suite après souper.

Je ne proteste pas. Je n’ai nullement envie de dormir, mais je me dis que dans la solitude de ma petite chambre je pourrai repasser à loisir les événements prodigieux dont je viens de lire le récit sans être dérangé par personne, pas même par ces excellents vieillards que j’aime de tout mon cœur. Et qui sait, peut-être que je reverrai Napoléon dans un songe !… Disons tout de suite que mon grand-père, — nullement bonapartiste — ne rectifia rien des notions fournies par Norvins. D’abord ses travaux l’absorbaient beaucoup. Puis il estimait superflu de me fatiguer l’esprit par des considérations de politique abstraite auxquelles, selon toute vraisemblance, lui-même croyait peu. Enfin, comme pas mal d’hommes de sa génération, il s’était imbu des idées de Rousseau et il avait coutume de dire : — Laissons les enfants se développer selon leur nature.

C’est d’après un principe analogue qu’il me permettait de butiner, à tort et à travers, dans sa bibliothèque. Méthode d’éducation périlleuse et contre laquelle, à mon détriment, toute l’affection qu’il me portait ne sut pas le mettre en garde.

Autant que je puis me le représenter maintenant, en philosophie il professait le scepticisme. La politique lui apparaissait comme une arène nauséabonde où révolutionnaires et conservateurs échangeaient de burlesques gourmades pour le triomphe de la sottise humaine. Sur toutes choses, il émettait des jugements où l’ironie se tempérait d’une certaine pitié. Car il était bon, charitable aux malheureux et déplorait seulement que ses contemporains n’eussent pas découvert, dans la loi naturelle, une doctrine qui les fît vivre en paix les uns avec les autres. Si quelque politicien de sa connaissance l’adjurait de prendre parti, c’était avec le plus goguenard des sourires qu’il répondait, en mémoire de Candide : — Je cultive mon jardin.

Rien de plus exact. — Car s’il prenait de l’intérêt à déchiffrer les palimpsestes et à cataloguer les incunables, il se plaisait encore davantage à biner une planche de carottes, arroser ses salades et greffer des roses sur les églantiers dont il plantait ses parterres.

Il n’aurait pas fait de mal à une mouche. Je ne lui ai connu que deux haines : contre le socialisme et contre l’Église. Je me rappelle ses invectives quand on parlait devant lui de l’Internationale alors à ses débuts. Quant à l’Église, on eût dit qu’il nourrissait à son égard des motifs de rancune personnels. Il ne cessait de bafouer le clergé que pour railler les dogmes. Aussi multiplia-t-il les précautions pour que je ne reçusse aucun enseignement religieux.

En ce temps lointain, un jour par semaine, le curé venait faire à l’école un cours de catéchisme et l’on récitait un Pater et un Ave au commencement et à la fin de chaque classe. Mais l’aversion de mon grand-père pour le catholicisme allait si loin que, lorsqu’il me conduisit pour la première fois au pédagogue, il stipula, de la façon la plus formelle, que je n’assisterais pas aux prières et que je n’aurais aucun contact avec le prêtre.

Ma grand’mère était pieuse et pratiquait régulièrement. Or, il n’entravait point ses dévotions, tolérait un crucifix au mur de leur chambre à coucher, acceptait qu’elle servît du maigre le vendredi et s’abstenait même de blasphémer en sa présence. Elle aurait bien voulu m’emmener à la messe le dimanche. Mais, sur ce point, il se montra irréductible. Non seulement il exigea d’elle la promesse de ne me faire assister à aucune cérémonie du culte, mais encore il lui interdit de me parler de Dieu.

Ma grand’mère obéissait en soupirant. Toutefois, je me souviens que, le soir et le matin, avant de me border dans mon lit ou de présider à mes ablutions, elle traçait à la dérobée un signe de croix sur mon front et sur ma poitrine. Ce geste m’intriguait. Il m’arriva de lui demander ce qu’il signifiait.

Elle me répondit : — Tu l’apprendras quand tu seras grand…

Et comme j’insistais, elle se contenta d’ajouter : — Cela te portera bonheur.

C’est trente-six ans plus tard que ce signe m’a, en effet, porté bonheur…

Je me suis souvent demandé si, féru de Rousseau et, je crois, en particulier, de ce recueil de balivernes emphatiques : l’Émile, mon grand-père, m’appliquant son système de « bride sur le cou » aggravé d’ignorance religieuse, ne voulait pas tenter une expérience. En tout cas, il ne put la mener à terminaison, car il mourut en 1872, après avoir, à maintes reprises, formulé sa volonté que ses obsèques fussent civiles. Ce qu’il confirma par son testament. Elles eurent donc lieu au grand chagrin de ma pauvre grand’mère et au scandale du village dont la majeure partie pratiquait. N’oubliez pas qu’à cette époque un enterrement sans Dieu était chose fort rare et considérée par presque tout le monde comme une monstruosité. Il n’y avait guère que quelques disciples de Proudhon pour se livrer à des manifestations de cet acabit. Si l’on avait fait remarquer à mon grand-père qu’il imitait ainsi ceux qu’il tenait pour de dangereux utopistes, il eût probablement essayé de se justifier par des distinguo non moins subtils que les ergoteries de certains scolastiques. Et pourtant, quel illogisme chez cet homme d’une évidente bonne foi, mais qui prétendait maintenir debout l’édifice social en lui retirant son appui le plus indispensable : la religion ! Il possédait une vaste intelligence ; malheureusement, comme à beaucoup de savants du XIXe siècle, les préjugés anticléricaux lui bouchaient l’horizon spirituel.

C’est à la campagne, où nous vivions les trois quarts de l’année, que je fus élevé de la sorte. J’étais un enfant rêveur, très impressionnable, avide de lectures, et déjà si amoureux de la solitude qu’en dehors des heures de classe je fuyais mes camarades de l’école. Cela, non par sotte vanité, mais parce que l’obligation d’échanger des propos quelconques avec autrui m’était souvent pénible. Je préférais contempler, loin de tous, les images féeriques dont se peuplait avec surabondance mon univers intérieur et me forger des aventures merveilleuses où la réalité morose n’avait aucune part. Il me semble que telle est restée la dominante de mon caractère. Aujourd’hui que l’âge me mène par le sentier qui décline vers la tombe, je récapitule les phases très diverses d’une existence qui, contre mon gré, fut parfois si mêlée aux agitations humaines. Et je m’aperçois que mes jours les plus heureux, je les ai vécus auprès de bûcherons taciturnes, dans un village ignoré, à la lisière de la forêt de Fontainebleau ou chez des moines cisterciens voués au silence perpétuel.

Dès le temps de mon enfance, je souffrais lorsqu’il me fallait aller à la ville. Le cœur serré, j’y respirais mal. J’avais envie de faire la grimace à tous les passants et de tirer la langue aux statues ridicules des carrefours. Je haïssais le tumulte des voitures, les pavés grisâtres, les hautes maisons à façade revêche, l’atmosphère enfumée. Au retour, dans le calme de notre campagne, comme je me dilatais à l’aise !

Le domaine n’était pas très étendu, mais d’aspect très varié. Il s’adossait à une colline toute chevelue de taillis serrés où les chênes rugueux alternaient avec mes frères de prédilection : les bouleaux, toujours frémissants, et dont le feuillage chuchote, pour ceux qui savent les entendre, d’incomparables poèmes. Au commencement de juin, pour la joie de mes yeux, les genêts couvraient le sous-bois d’une royale toison d’or.

Il y avait un potager dont les choux bien alignés, les bordures de thym odorant et les ruches bruissantes d’abeilles me ravissaient. Il y avait une sapinaie pleine d’ombres mystérieuses où le vent imitait tour à tour le murmure des vagues marines et le chant grave de l’orgue. Il y avait un verger, à l’herbe drue, semé tantôt de marguerites, tantôt de scabieuses. De vieux pommiers trapus y portaient des barbes de lichen et de mousses. Longeant la propriété d’un bout à l’autre, une rivière, qui était mon amie la plus intime. Je passais de longues heures sur le bord à mirer les papillotis de la lumière et le reflet vagabond des nuages sur les ondes couleur d’ardoise bleutée et d’émeraude. Ah ! celui qui n’aime pas à regarder indéfiniment l’eau qui coule et à y faire cingler vers des régions fabuleuses les escadrilles de ses rêves ne connaîtra jamais une des plus grandes joies que la vie puisse nous offrir.

Enfin il y avait, devant la maison, une profusion de rosiers, greffés, comme je l’ai dit, par mon grand-père, et des roses de toute espèce et de toutes nuances, depuis le blanc safrané jusqu’au rouge-ponceau, presque noir — des roses, des roses, partout des roses dont je respirais avec volupté les parfums, dont j’admirais éperdument les teintes. Là aussi, en cette campagne si douce, j’ai connu le bonheur. Je me trouvais tellement bien, près de mes grands-parents, que, pénétrée de leur chaude tendresse, mon âme s’épanouissait comme un glaïeul au soleil.

Lorsque je m’étais concentré des journées entières sur moi-même, parmi les fleurs et les arbres, j’éprouvais, par foucades, un besoin irrésistible d’épancher au dehors les lyrismes exubérants qui me mettaient l’esprit en fête. Alors je narrais aux bons vieux, avec un violent coloris d’expression et avec mille détails imprévus, les histoires délicieusement chimériques que j’avais inventées et dont j’alimentais mon imagination sans aboutir à la satiété.

— Où va-t-il chercher tout ce qu’il raconte ? s’écriait ma grand’mère ébahie et charmée.

Et mon grand-père, riant sous cape, prophétisait : — Si celui-là ne devient pas un poète, je veux moi-même devenir… tout ce qu’on voudra !

On devine quel brandon la légende de l’Empereur vint ajouter à ce foyer imaginatif déjà si effervescent. A la lettre, j’idolâtrais Napoléon et je rendais une sorte de culte à une gravure d’après David, suspendue à l’un des murs du salon et qui le représentait, rigide et fier sur un cheval cabré, indiquant d’un geste impérieux le sommet du mont Saint-Bernard. Cette image théâtrale me comblait d’admiration.

Bientôt, à la lecture assidue de Norvins, je joignis celle d’une publication en je ne sais combien de volumes intitulée : Victoires et Conquêtes des Français. Alors je ne rêvai plus que batailles. Dès que, revenu de l’école, j’avais bâclé mes devoirs à la va-vite, je m’élançais dehors pour y reproduire les luttes épiques dont, servi par une mémoire extraordinaire, j’avais retenu toutes les péripéties.

Armé d’une latte, en guise de sabre, je lâchais dans le verger les volailles de la basse-cour. Elles me représentaient les Prussiens à Iéna, les Russes à Friedland, les Espagnols à Somo-Sierra. Coqs, poules, dindons, canards, je les pourchassais sans pitié, je les traquais dans les buissons où elles cherchaient un refuge. A leurs caquets, à leurs gloussements éperdus, à leurs coins-coins désespérés je répondais par le cri de : « Vive l’Empereur ! » Et je ne cessais de les affoler que quand, hors d’haleine, je me laissais tomber dans l’herbe pour y apaiser les battements désordonnés de mon cœur.

Or, des pattes démises et des ailes cassées résultèrent de ces glorieux combats. Des poussins tombés à l’eau s’y noyèrent. La servante chargée du poulailler se plaignit hautement. Ma grand’mère, malgré son penchant à excuser mes incartades, trouva que, cette fois, j’allais un peu loin. On soumit le cas à mon grand-père. Je lui expliquai que, malmenant la volaille, je faisais la conquête de l’Europe à la suite de l’Empereur. Il rit beaucoup. Cependant il m’interdit de poursuivre mes exploits.

J’obéis à regret et, pour donner une autre issue à mon humeur guerrière, je m’attaquai à une chèvre qu’on laissait paître en liberté dans tout le domaine. Une phrase de Victoires et Conquêtes m’excitait d’une façon prodigieuse. Je me la rappelle comme si je l’avais lue hier ; la voici : « Nos bataillons attaquèrent vigoureusement et culbutèrent les Autrichiens. »

Du coup, je vis les vaincus de Ratisbonne et de Wagram s’écrouler, cul par-dessus tête, sous le choc de nos baïonnettes. Et aussitôt je prétendis faire subir à la chèvre un sort identique. Mais la maligne bête était d’un caractère beaucoup moins endurant que mes victimes habituelles. Elle me laissa foncer, se déroba au moment où j’allais l’atteindre puis, revenant sur moi et, me chargeant à son tour, d’un solide coup de tête, elle m’envoya rouler dans un fossé plein d’orties qui me piquèrent outrageusement. Je me relevai, couvert d’ampoules cuisantes et je criai à la chèvre : « Tu n’es qu’un sale Kaiserlik !… » Ce qui était, à mon sens, la suprême injure. Toutefois j’avais appris que je n’étais pas invincible et, par la suite, je me gardai de renouveler mon attaque.

Lorsque le mauvais temps m’empêchait de sortir, je recommençais nos batailles avec des soldats de plomb. J’en possédais une quantité, car mes grands-parents qui me gâtaient comme je l’ai dit et qui encourageaient mon goût pour les jeux de Bellone, m’en donnaient des boîtes à toute occasion : étrennes, anniversaires, etc.

Mes lectures m’ancrèrent dans cette conviction que l’Empereur était infaillible, qu’il ne pouvait jamais avoir tort. Toute opposition à ses volontés me semblait un sacrilège. Je considérais ses adversaires comme d’ineptes croquants dont la résistance devait être punie par de formidables raclées. Aussi, quand j’en fus aux revers : la retraite de Russie, Leipsick, la première abdication, je tombai dans une désolation indicible. Quoique je n’eusse encore rien lu de Victor Hugo, comme lui « j’accusais le destin de lèse-majesté ». Autour de mon dieu, je ne distinguais plus que des traîtres et des lâches. Le retour de l’île d’Elbe me rendit quelque allégresse. Frémissant d’enthousiasme, je hurlai par les corridors cette phrase de la proclamation impériale : « L’aigle a volé de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame ! » Mais Waterloo me précipita de nouveau dans le désespoir. Je ne voulais pas que la bataille eût été perdue. Je lisais et relisais les pages funèbres avec le désir enragé que « l’infâme » Grouchy vînt quand même à la rescousse et que la Garde mît Blücher et Wellington en compote. Je vous certifie que j’ai pleuré quand Napoléon abdiqua pour la seconde fois. Ah ! si j’avais tenu Fouché, Lafayette et les pleutres du gouvernement provisoire, quelle bastonnade, mes amis !

L’exil à Sainte-Hélène me navra. Je haïssais les Anglais d’une haine irréductible. Je barbouillai d’encre l’effigie d’Hudson Lowe qui, à mon avis, déshonorait le volume où l’agonie de Napoléon était rapportée. Et pour atténuer mon deuil, je relus passionnément la campagne d’Austerlitz…

Si je récapitule, dans l’ensemble, ces premiers souvenirs, il m’apparaît que mon enfance annonce nettement ce que je devais être jusqu’au jour où la Grâce divine me conduisit à la foi catholique et l’expérience de la vie au royalisme. Travaillé, sans doute, d’hérédités rebelles à la règle, poussé comme une plante sauvage, à peu près sans contrôle, dénué de principes religieux, doué d’une imagination exubérante qui se portait aux aventures, à la poésie et au romantisme, surestimant, d’après l’histoire de Napoléon, la force sans contre-poids, ni entraves, me développant à une époque de mœurs plates, de démocratie pourrissante et de parlementarisme infécond — tout conspirait à ce que je devinsse un révolté.

Et c’est, en effet, ce qui arriva.

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