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La vie privée d'autrefois; Arts et métiers, modes, moeurs, usages des parisiens du XIIe au XVIIIe siècle. Les soins de toilette; Le savoir-vivre

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Extrait de la Civilité de Jean Sulpice[305],

imitée en français par Pierre Broë en 1552.

Sur toute chose amonester te veux
Que tu n'aies point le nez ord ne mourveux,
Car trop seroys à moquer et reprendre
S'on te voioyt distiler ou descendre
Du nez en bas la roupie ou morveau,
Qui te feroyt estre estimé pour veau.
D'un autre point aussi je t'amoneste:
Garde toy bien de te grater la teste
Devant les gens tant qu'à table seras.
Puces et poux aussy ne chasseras,
Ni autre beste ou meschante vermine,
Quoyqu'en ton doz ou en ton col chemine.
•     •     •     •     •     •     •     •     •     •     •    
Mais de peter garde qu'il ne t'eschappe,
Retiens ce vent et en dedans l'atrappe,
Ferme le trou, joins les fesses ensemble
Et serre fort, encores qu'il te semble
Que la douleur te deust tant tormenter
Comme une femme approchant d'enfanter:
Car pour un pet ord, puant et infame
Fait à la table, il n'est homme ne femme
Qui ne te dist que tu es à outrance
L'un des plus grands archevilains de France.
J'en dis autant sur ce propos ici
Si tu avoys ocultement vessi:
Car quelque cas que die le stoïque[306],
Le rot, le pet et la vesse impudique
Sont reprouvez en bonne compaignie.
Il n'est celui qui sans honte le nie.

Nous avons vu plus haut[307] qu'Érasme prêchait une doctrine contraire à celle qui est si poétiquement exposée ici, et qu'en 1613 encore on enseignait aux enfants à NE PAS retenir la ventosité du ventre. Il faut dire, à la louange de nos mœurs, qu'au milieu du dix-septième siècle cette théorie n'était plus en faveur. Je n'en veux pour preuve que les vers suivants, attribués à Saint-Évremont, et que j'extrais d'un petit volume rare publié en 1661[308].

SUR UN PET QU'UN AMANT FIT EN PRÉSENCE DE SA MAISTRESSE.

Unique objet de mes désirs,
Philis, faut-il que mes plaisirs
Pour rien se changent en supplices,
Et qu'au mépris de vostre foy
Un pet efface les services
Que vous avez receu de moy?
Je sçay bien, ô charmant objet,
Que vous avez quelque sujet
D'estre pour moy toute de glace;
Et je confesse ingénûment,
Puisque mon cul fait ma disgrâce,
Qu'elle n'est pas sans fondement.
Si pourtant cet extrême amour
Dont j'eus des preuves chaque jour
Pour un pet s'est changé en haine,
Vous ne pouviez jamais songer
A rompre une si forte chaisne
Pour aucun sujet plus léger.
Mon cœur outré de déplaisirs
Estoit gros de tant de soûpirs,
Voyant votre amour si farouche,
Que l'un d'eux se trouva réduit,
Ne pouvant sortir par ma bouche,
A chercher un autre conduit.
S'il est vray qu'on n'ose nier
La porte à chaque prisonnier
Alors que la Princesse passe,
Ce pet pouvoit avec raison
Vous demander la mesme grâce,
Puisqu'il se voyoit en prison.
S'il ne s'est pas fort bien conduit,
Qu'il ait fait quelque peu de bruit
Lors qu'il se fraya cette voye,
C'est qu'il estoit si transporté
Qu'il fit en l'air un cry de joye
En recouvrant sa liberté.
Hélas! quand je viens à songer
A ce sujet foible et léger
Qui cause mon malheur extrême,
Je m'écrie en ma vive ardeur:
Falloit-il me mettre moy-même
Près de vous en mauvaise odeur?
Si pour un pet fait par hazard,
Vostre cœur où j'ay tant de part
Pour jamais de moy se retire,
Voulez-vous que d'oresnavant
Vous me donniez sujet de dire
Que vous changez au moindre vent?

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