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La vie privée d'autrefois; Arts et métiers, modes, moeurs, usages des parisiens du XIIe au XVIIIe siècle. Les soins de toilette; Le savoir-vivre

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Extrait de la CIVILITÉ d'Érasme,

imitée en français par C. Calviac en 1560[283].

[1530]

Il faut que l'enfant tourne la face de costé quand il voudra cracher, de peur qu'il ne crache sur personne, ou qu'il ne face mal au cueur de ceux qui le verront cracher: pour laquelle raison il doit aussi effacer ce qu'il a craché en mettant le pied dessus. Que s'il ne luy est commode de se tourner ny de cracher en terre ou autre lieu propre à cela, il pourra cracher dans son mouchoir plus tost que d'en avaler l'ordure, car cela est vilain et ord.

Comme aussi de cracher ou de tousser à tous propos sans necessité, mais aussi par une mauvaise coustume; cela est propre aux menteurs, qui en parlant songent ce qu'ilz doibvent dire. Toutefois à aucuns cela sert de cherche-memoire, car en ce faisant, ilz pensent mieux à ce qu'ilz doivent dire, combien qu'en nulle sorte cela n'est point honeste.

Il est fort vilain de s'accoustumer à roter, veu que mesme quand cela advient par inadvertance, peut estre tenu pour autre.

S'il advient que l'enfant veuille tousser par necessité, qu'il se tourne en arrière la face, et qu'il se garde que ce ne soit sur la face d'autruy, ou sur la viande s'il est à table.

Le vomir, peter, roter et faire telles ordures, quoy que les autres en jugent, il me semble que se doyvent faire si secretement, si on y est contrainct, que personne n'en oye rien, ou pour bien faire s'en abstenir du tout.

Il faut que les dens soyent nettes et blanches. Que si il demeure quelque chose entr'elles après le repas, il les faut nettoyer avec un cure-dens de boys propre à cela, ou bien avec un des petits os de ceux qu'on tire des ergotz des chappons. Et non point avec le cousteau ou avec les ongles, comme les chiens, ne avec la serviette.

Il faut que tous les matins l'enfant lave sa bouche et ses yeux avec de l'eau fraische et nette, et qu'il se peigne en menant le peigne du devant en arrière de la teste, pour tousjours renvoyer en derrière les humeurs qui descendent sur les yeux et le visage.

Il faut que les cheveux d'un enfant ne viennent jamais si grans qu'ilz luy tombent jusques aux yeux et aux espaules. Et ne les doit point secouer en hochant sa teste, car cela appartient aux chevaux qui se pompent. Il ne se doit point grater la teste ne le reste du corps avec ses ongles, car cela est vilain et ord, et principalement s'il le fait par accoustumance plus que par nécessité.

Du corps et de sa contenance.—L'enfant ne doyt point baisser la teste entre les deux espaules, car c'est signe de paresse; ne se renverser aussi, car c'est signe d'arrogance. Mais se doyt tenir droict et sans effort, car cela ha bonne grâce. Et ne faut point aussi que sa teste penche d'un costé ne d'un autre dessus son corps, à la mode des hypocrites, si ce n'est que le propos ou chose semblable requiert telles contenances à gester.

Il faut que l'enfant tienne ses espaules avec un juste contrepoix, sans en hausser l'une et baisser l'autre sans aucune modestie ny honesteté.

Il n'est guière bien seant à un jeune enfant de tenir les bras au sein ny en croix l'un sur l'autre, car c'est signe de paresse; ne de les tenir derrière le dos, car cela donne à penser qu'il soyt ou larron ou paresseux, ou tenant quelque chose en la main qu'il ne veut point qu'on voye.

Aucuns trouvent beau de tenir une main au costé et présenter le coude à costé, à la mode des souldats, mais cela n'est point bienséant à un enfant.

Il est fort honeste à un petit enfant de ne manier point ses parties honteuses, mesme quand la necessité le requerra et qu'il sera seul, qu'avec honte et comme vergogne: car cela denote grande pudicité et honesteté. Et quand il luy faut qu'il rende son urine, il se doict separer et tirer à part que nul ne le voye, et pour le moins faut qu'il y procede le plus secretement et modestement qu'il pourra, sans toutes fois la retenir si longtemps que cela luy puisse engendrer la pierre.

Il faut que quand l'enfant sera assis qu'il tienne ses genoux joinctz et les pieds aussi, non point ouvers et estallés, car cela n'est point modeste. Et quand il sera droyt, il luy sera bien seant de les tenir moyennement ouvers. Il n'est point honeste qu'estant assis il tienne l'un genoux sur l'autre et les jambes en croix; ne qu'estant debout il tienne ses jambes serrées et les bras croysés, car c'est le propre de ceux qui sont pensifs.

Il ne fault point que l'enfant bransle les jambes estant assis, comme les folz; ne qu'il face un tas de frectillemens des mains, qui demonstrent que l'entendement est peu sain et entier.

Il y a plusieurs façons de faire la reverence, selon les pays où on se trouve et les coustumes d'iceux. Mais les Françoys ployent seulement le genouil droyt, se tenant autrement plus droyctz que enclinés, avec un doux contournement et mouvement du corps; et estant le bonet de la main droyte, le tenant ouvert par le devant, l'obeissent au mesme costé droyt.

Après, s'il fault faire plusieurs reverences tenant tousjours bas le bonet, dessous la jambe droicte font la rentrance de la gauche en la mesme sorte qu'ilz ont faict de la droicte, et ainsi de l'une puis de l'autre, autant qu'il en sera de besoin, et selon que le personnage à qui on adressera et le propos ou recueil le requerrent.

Il fault que l'alleure de l'enfant soit asseurée droitte et par pas de mediocre grandeur, et non point comme rompue et feinte, car c'est le propre des gens effeminés et de nul courage; ne trop hastée, comme celle des gens furieux ou impatiens; ne bersante ou chancellante d'un costé ou d'autre, car cela donne à penser qu'on soit verollé ou infecté de quelque telle maladie; ne par des grans pas, qui signifient prodigalité et arrogance; ne par trop petis, qui signifient avarice et chifeté; mais mediocres, ou de mesme, poursuivie tousjours d'un mesme train.


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