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La vie privée d'autrefois; Arts et métiers, modes, moeurs, usages des parisiens du XIIe au XVIIIe siècle. Les soins de toilette; Le savoir-vivre

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Sur l'épilation.

Clément Marot raille ainsi les barbiers réduits au rôle d'épileurs:

Parmi les talents variés que prétend posséder le Varlet à tout faire de Christophe de Bordeaux[310], figure l'art de manier dextrement le rasoir:

Je suis fort bon barbier d'estuves
Pour raser et tondre maujoint.

La Chambrière à tout faire[311] est prête à rendre le même service aux dames plus réservées. Je suis, dit-elle,

Fort bonne barbière d'estuves
Pour raser et tondre le cas.

L'auteur du Banquet des chambrières[312] nous introduit dans des étuves où viennent d'entrer trois jeunes servantes délurées, Perrette, Alizon et Ysabeau, conduites par une vieille commère, servante comme elles. Les quatre femmes ont apporté de quoi déjeuner, mais on les invite à se baigner auparavant:

Filles, montés sans babiller;
Si vous voulez deshabiller,
Le baing est désormais trop chaud.

Après le bain, la vieille se rendit dans un petit cabinet où

Quelque chambrière ou varlet
Luy ratissa d'ung vieil cousteau
Le ventre jusques à la peau.

Elle fut remplacée par Perrette, puis par Alizon,

Ausquelles on faucha leur prez.

Mais Ysabeau avait peur, et refusait de se laisser raser. Elle finit cependant par céder:

La vieille ratissa en sorte
Que Babeau cuydoit estre morte.
Mais en fin elle fut moult fière
D'avoir ung si mignon derrière.

Le poëte, qui n'a pas eu tort de garder l'anonyme, nous apprend ensuite que Babeau, ayant remis sa chemise, le repas commença:

La nappe fut près du baing mise,
Le petit banquet appresté.

Au chapitre des redevances curieuses, Sauval raconte que la comtesse d'Auge recevait chaque année de ses vassaux un rasoir[313], dont l'usage n'est d'ailleurs pas indiqué. Il est certain que, dans le peuple et la bourgeoisie, la mode de l'épilation disparut en même temps que l'habitude d'aller aux étuves. Un passage des Facétieuses paradoxes de Bruscambille[314], passage que je ne veux pas reproduire, montre bien qu'au seizième siècle la plupart des femmes y avaient renoncé. Mais parmi les recherches de la coquetterie à cette époque, il faut mentionner la coutume de s'épiler les sourcils, de manière à ne conserver au-dessus des yeux qu'une ligne à peine visible[315].

Dans le grand monde, l'épilation resta en honneur jusqu'à la fin du dix-huitième siècle. En 1766, quand le duc d'Orléans épousa madame de Montesson, l'époux reçut la chemise, le soir des noces, avec le cérémonial usité à la cour. Le marquis de Valençay la présenta, et le prince, se dépouillant de celle qu'il portait, offrit à tous les assistants le spectacle d'une épilation complète, suivant les règles de la plus brillante galanterie du temps. «Les princes et les grands, ajoute Soulavie[316], ne consommaient des mariages ou ne recevaient les premières faveurs d'une maîtresse qu'après cette opération préalable.»


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