Les rubis du calice
VI
Le Credo est une étoile…
Quel réconfort pour la foi, pour l’espérance, pour la charité que ce chant du Credo lorsqu’il n’y a pas une bouche qui ne le profère le dimanche, à la messe ! Il est le symbole des mystères où notre vie intérieure s’abreuve pour refleurir toujours plus vivace. Il résume l’histoire des luttes de l’Église contre les hérésies insidieuses qui tentent de diviser ceux que l’Esprit-Saint a réunis. Il est l’affirmation immuable de la doctrine transmise par les apôtres, hommes sanctifiés par le Seigneur lui-même, pour nous ouvrir la voie du salut à travers les âges.
L’époque ténébreuse où nous sommes condamnés à vivre voudrait faire dévier les enfants de l’Église vers les marécages où tremblotent les feux-follets de son orgueil. Des sophistes argumentent, subtilisent, jonglent, avec les vocables, comme des turlupins de foire, avec des boules brillantes et creuses. Des savants attestant l’évidence de la matière éternelle, présentant comme des axiomes décisifs leurs conjectures versatiles, construisent des cheminées aux fourneaux du démon pour que la noire fumée qui s’en échappe dissimule le monde à Celui qui créa toutes les choses visibles et toutes les choses invisibles et qui les embrasse d’un seul regard. Des réprouvés, qui se donnèrent une peine infinie pour arracher en eux les racines de la foi, errent çà et là en ricanant — de quel rire lugubre — et déclarent : — L’humanité, maîtresse d’elle-même comme de l’univers conquis par sa science, n’a plus besoin de votre Dieu…
Cadavres ambulants, troupeau sinistre que rassemble, pour son domaine, celui-qui-nie, celui qui n’a pas voulu servir — l’odeur de la mort flotte autour d’eux.
D’autre part, voici nos frères séparés du protestantisme. Ils se plaignent de voir s’éparpiller en milles sectes les adhérents à l’erreur qu’ils s’efforcent de maintenir. Mais comment n’en irait-il pas ainsi ? Quand on pose en principe que chacun a le droit d’élire, parmi les dogmes, ceux qu’il juge de nature à flatter son imagination et d’écarter ceux qui lui déplaisent, on ne peut s’attendre à fonder une religion stable. La confiance qu’ils accordent au sens propre, aggrave l’aberration de la fausse doctrine. Niant l’autorité révélée dont l’Église garde le dépôt, le dissident lui reproche de ne pas évoluer selon les caprices multiples de l’inconstance humaine. Il ne comprend pas que la force en Dieu de l’Église procède du fait qu’elle a promulgué, pour les siècles, la formule de la certitude par la foi. Cette formule c’est le Credo. On ne peut rester catholique si, par fantaisie personnelle, on la mutile ou si l’on en modifie les articles. Il est arrivé que l’Église opérât des changements dans sa discipline ou dans sa liturgie. Jamais elle n’a touché, jamais elle ne touchera au dogme. Et c’est pourquoi, tandis qu’autour d’elle, les schismes et les hérésies tombent en décrépitude ou se pulvérisent dans le doute, elle garde la claire vision du Dieu qui réjouit sa jeunesse impérissable…
Aussi, de quel cœur plein d’une sérénité joyeuse je chante Credo, je crois, à l’unisson avec tous mes frères répandus sur le globe entier, reclus pour un temps, au Purgatoire, bienheureux au Ciel ! Credo, c’est la rémission des péchés, c’est la communion des Saints. C’est la conviction qu’il n’y a qu’une seule Vérité, qu’une seule Église. Comme je respire à l’aise me sentant une parcelle de ce corps mystique dont Jésus est la tête !
Le Credo, c’est une réponse à la parole de Dieu : Que la lumière soit ! c’est un écho de la voix qui nous enseigne le sens surnaturel de la vie par les prophètes, par le Verbe incarné, par les apôtres, par les Pères de l’Église.
Le Credo donne des ailes à ma prière ; il me secourt dans la tentation ; il m’arme pour le combat de tous les jours ; il me fera espérer dans la miséricorde divine à l’heure de l’extrême-onction et du linceul.
Sans le Credo, je ne serais qu’une feuille sèche, emportée par la bise.
Le Credo est une étoile fixe dont aucun nuage, suscité par l’enfer, ne réussirait à voiler le rayonnement. Si des vagues ennemies assaillent la barque de Pierre, si des écueils se hérissent alentour, je n’ai qu’à lever les yeux ; je vois l’astre auxiliateur briller au-dessus de l’assemblée des fidèles.
Par lui, je suis orienté, consolé, rassuré, par lui, je sais que Jésus protège ma faiblesse.
Reste-moi donc toujours présente, ô belle étoile du Credo !
Je voudrais maintenant rappeler l’admirable développement du Credo attribué à saint Athanase qui fut l’une des plus hautes figures de l’antiquité chrétienne. Évoquons d’abord, s’il se peut, cette gloire de l’Église.
Athanase naquit dans la ville d’Alexandrie en l’an 295. Il reçut une forte instruction et marqua, dès son adolescence, par son goût des lettres sacrées et des lettres profanes. Petit de taille et d’apparence chétive, tant qu’il se taisait, beaucoup étaient enclins à le considérer comme un personnage des plus insignifiants. Mais dès qu’il prenait la parole, l’ardeur de sa foi le transfigurait et l’on ne tardait pas à s’apercevoir qu’en ce corps frêle habitait une âme indomptable. De même, ses écrits donnent l’impression d’une telle vigueur que ses adversaires, mis en déroute par sa science des choses saintes et sa foudroyante dialectique, ne savaient où se reprendre pour lui tenir tête. Et ce qui prouve sa maîtrise c’est qu’alors, suivant la coutume des polémistes impulsifs, ils répondaient à ses raisons par des injures. Le plus passionné d’entre eux, Julien l’Apostat s’écriait : « Croirait-on que ce n’est pas un homme mais un homuncule qui ose me contredire ! »
Très jeune encore, Athanase mena, quelque temps, la vie d’ascète au désert de la Thébaïde et l’on suppose qu’il s’y mit sans l’obédience de ce Maître de la Pénitence : saint Antoine. Il écrivit dans cette solitude son Discours contre les Gentils où il pose ce principe que la source de toutes les erreurs qui troublaient le monde à son époque c’est le paganisme c’est-à-dire l’adoration des forces naturelles ou des facultés humaines divinisées. Il prend pour objet principal de sa critique non pas la vieille mythologie qui tombe en pourriture au fond des temples abandonnés, mais surtout le néo-platonisme en faveur parmi un grand nombre d’Alexandrins. Avec une sagacité merveilleuse, il analyse le désordre intellectuel et moral qui en résulte malgré les formes subtiles « éthérées » que les néo-platoniciens donnaient à leur idolâtrie. A leurs rêveries il oppose la doctrine catholique du Verbe. Et il le fait avec une solidité d’argumentation et une élévation de pensée bien définies par Bossuet lorsqu’il écrit : « Le caractère d’Athanase fut d’être grand partout. »
De retour à Alexandrie, il entra dans le clergé et y exerça pendant six ans l’office de lecteur. L’évêque le distingua, l’appela au diaconat et le choisit comme secrétaire.
C’était le temps où Arius, curé d’une des paroisses les plus importantes de la ville, commençait à répandre son hérésie.
« L’évêque Alexandre apprit avec tristesse, dit M. Mourret, dans son excellente Histoire de l’Église, que des doctrines étranges circulaient parmi son peuple et son clergé au sujet de la Personne du Fils de Dieu. Des hommes soutenaient que la seconde Personne de la Trinité n’avait pas existé de toute éternité et qu’elle n’était que le premier-né des créatures. Pour ceux qui proféraient ces assertions, l’Incarnation et la Rédemption, mystères d’un Dieu fait homme et se sacrifiant pour notre salut, n’étaient plus que de vains songes. » On voit la conséquence : « L’insondable abîme creusé par les philosophes païens entre la pauvre humanité et la Divinité inaccessible se rouvrait ; le monde n’était pas plus avancé après la prédication de l’Évangile qu’avant la venue du Sauveur. »
Telle fut l’origine d’une hérésie qui séduisit beaucoup d’intelligences, suscita de terribles luttes, et, sous la protection de maints empereurs, égarés dans la controverse, aurait peut-être conquis le monde si Dieu n’avait fait naître pour la défense de la Vérité unique d’incomparables athlètes. Au premier rang, Athanase.
Or l’évêque qui, d’après les historiens de l’époque, semble avoir été un indécis, peu porté à prendre des initiatives et fort ami de son repos, hésitait à sévir contre Arius et les adeptes que celui-ci, très habile, très éloquent, consommé dans l’esprit d’intrigue, s’était acquis.
Inquiet de voir le prélat temporiser, tandis que le péril pour la foi ne cessait de s’accroître, Athanase, qui était la volonté même, lui représenta d’une façon vive, l’urgence qu’il y avait à condamner l’hérésie nouvelle. Stimulé par le jeune diacre, l’évêque se décida enfin à prendre des mesures énergiques contre Arius. Il le cita à comparaître devant lui, en présence de tout le clergé d’Alexandrie, pour expliquer sa doctrine. Il y eut deux audiences à la suite desquelles l’hérétique fut condamné et frappé d’anathème. Comme on le devine, Athanase avait eu grande part à cette excommunication.
Mais Arius ne se soumit pas. Au contraire, secondé par ses partisans de plus en plus nombreux, il accentua sa propagande. Non seulement la ville et le diocèse en furent gravement contaminés mais encore les provinces voisines et bientôt tout l’empire d’Orient. Maints évêques inclinent à l’hérésie, suivis par leur clergé et par force laïques trop amoureux d’innovations. Les membres de l’Église s’entre-déchirent. Et Satan qui souffle allègrement la discorde, se frotte les mains.
Toujours à l’instigation de l’infatigable Athanase, l’évêque d’Alexandrie adresse à tous les diocèses deux lettres où l’erreur d’Arius et ses menées sont dénoncées sans aucun ménagement. Elles déterminent partout un mouvement de réaction salutaire chez les orthodoxes. Et c’est alors que l’empereur Constantin, soucieux de rétablir la paix dans l’Église, convoque le célèbre concile œcuménique de Nicée.
Athanase y accompagna son évêque et s’y fit tout de suite remarquer. « Athanase, dit l’annaliste Socrate, apparut à tous comme l’adversaire le plus vigoureux des Ariens. »
Nous avons aussi, sur ce point, le témoignage de saint Grégoire de Nazianze : « Lorsque, rapporte-t-il, les Ariens voyaient le redoutable champion, petit de taille et si frêle mais le port assuré et le front haut, se lever pour prendre la parole, on voyait passer dans leurs rangs un frisson de haine. Pour la majorité de l’assemblée, elle regardait alors d’un regard confiant celui qui allait se faire l’interprète irréductible de sa pensée. »
De fait, nul ne savait comme Athanase « saisir le nœud d’une difficulté et, mieux encore, exposer le fait central d’où tout dépend et en faire jaillir ces flots de lumière qui éclairent la foi en même temps qu’ils démasquent l’hérésie ».
On sait que le concile de Nicée prononça la condamnation d’Arius et formula l’essentiel de ce symbole, le Credo que nous récitons tous les jours avec les additions qu’y joignit pour écarter d’autres hérésies le concile de Constantinople.
Trois ans après l’assemblée où la divinité du Verbe incarné fut ainsi promulguée, l’évêque d’Alexandrie mourut. En ses derniers jours il avait exprimé le désir qu’on lui donnât pour successeur le diacre Athanase. Les fidèles acclamèrent ce choix. Les évêques de la province d’Égypte le ratifièrent. Le nouvel évêque fut sacré le 7 juin 328 au milieu des ovations de tout un peuple qui répétait : « Athanase ! Athanase ! C’est un vrai chrétien ! C’est un ascète ! C’est un véritable évêque ! »
Athanase avait à peine 33 ans. « Outre les qualités du pasteur accompli, écrit Monseigneur Duchesne, Dieu lui avait donné un esprit clair, un œil bien ouvert sur la tradition chrétienne, sur les évènements, sur les hommes. Avec cela, un caractère hautement indomptable tempéré par une parfaite bonne grâce, mais incapable de faillir devant qui que ce soit. L’orthodoxie de Nicée avait trouvé son défenseur ! Déjà menacée à cette heure, elle allait traverser des crises redoutables. On put croire à certains moments qu’elle n’avait plus d’autre soutien qu’Athanase. C’était assez. Athanase eut contre lui l’empire et sa police, des conciles hétérodoxes, un épiscopat de dissidents : la partie était encore égale tant qu’un tel homme restait debout. »
En effet, voici venu le temps où l’arianisme, niant l’autorité du concile de Nicée, plus arrogant que jamais, prétend imposer son erreur à l’Église. Il séduit, il excite contre la vérité les empereurs qui succèdent à Constantin. Il absorbe la majorité des diocèses. Il persécute, il chasse comme des bêtes fauves, ceux qui persistent à défendre la doctrine des Apôtres. Surtout, il s’acharne à réduire Athanase au silence.
Dès l’an 332, les hérétiques ont acquis tant d’influence que, par leurs calomnies sur le compte du saint, ils réussissent à lui aliéner Constantin.
On l’accuse à la fois de simonie, d’abus de pouvoir, d’empiètements sur l’autorité civile, de lèse-majesté. On insinue qu’il a prêté la main à des sacrilèges et enfin qu’il a machiné l’assassinat d’un de ses contradicteurs.
Athanase se disculpe sans trop de peine. Cependant l’empereur garde une certaine prévention contre lui.
Les hérétiques en profitent pour renforcer leurs intrigues et circonvenir Constantin. Ils déployèrent tant de ruses qu’en 334, ils obtinrent la réhabilitation d’Arius. Celui-ci rédigea une profession de foi en termes vagues où l’empereur, qui n’était pas théologien, crut voir qu’il acceptait le symbole de Nicée. Il décida aussitôt qu’Arius serait réintégré dans ses fonctions et pria l’évêque d’Alexandrie de le recevoir en sa communion. Athanase refusa net. L’empereur, de plus en plus aveuglé par les Ariens, prit fort mal la chose. On lui persuada qu’Athanase était un esprit brouillon et ambitieux qui cherchait à se créer une primauté sur ses collègues. L’empereur irrité le fit juger par une sorte de concile provincial, présidé par un fonctionnaire laïque et où ne furent convoqués que les ennemis les plus avérés du Saint.
Athanase se présenta devant ce singulier tribunal. Mais il s’aperçut tout de suite qu’il se trouvait en butte à l’animosité d’une faction résolue à le condamner sans l’entendre. Il quitta l’assemblée qui s’empressa de prononcer contre lui une sentence de déposition. Dans le même temps une nouvelle calomnie fut lancée contre lui. Durant une famine, il avait distribué de larges aumônes dans sa ville épiscopale. On l’accusa d’avoir accaparé les grains et tenté, par là, d’affamer Constantinople. L’empereur, hors de lui, ne voulut même pas consentir à une enquête. Il fit arrêter Athanase et donna l’ordre de le conduire au fond des Gaules, dans la ville de Trêves où il fut interné.
Ce sont là les premières luttes d’Athanase contre l’hérésie. Raconter dans le détail toutes celles qui suivirent demanderait un volume. Il suffira d’indiquer que du jour où commença son exil jusqu’à sa mort — en 373 — il n’y eut guère d’armistice. Quarante années durant, il ne cessa de combattre pour le triomphe de la saine doctrine — il fut le champion invincible du Verbe incarné. Rétabli sur le siège d’Alexandrie, sous le successeur de Constantin, il dut plusieurs fois prendre la fuite pour se dérober à la haine de ses adversaires, maîtres du pouvoir. L’empereur Constant souffrit, sans intervenir, qu’on le persécutât. L’empereur Constance, arien zélé, eût voulu le faire saisir et mettre à mort comme le dernier des malfaiteurs. Afin de lui échapper Athanase quitta pour la troisième fois, Alexandrie. Après s’être caché, quelques jours, aux environs de la ville, il se dirigea vers la Haute-Égypte. Mais les policiers de Constance le traquaient farouchement. Ici se place un épisode qui montre la présence d’esprit que le Saint conservait à travers tant de périls. M. Mourret, dans son Histoire de l’Église, le rapporte de la façon suivante :
« Les moines de la Thébaïde accueillirent comme un père celui dont Saint Pacôme avait été l’ami et à qui Saint Antoine avait légué sa tunique. Toujours fugitif, toujours poursuivi, mais toujours protégé par l’indéfectible fidélité de ses hôtes, dont plusieurs se laissèrent torturer plutôt que de le trahir, Athanase erra pendant tout le reste du règne de Constance, c’est-à-dire pendant un an, de désert en désert. Plus d’une fois ses ennemis furent près de l’atteindre. Le dévouement des religieux, son admirable sang-froid, une protection particulière de la Providence le tirèrent de tous les dangers. Un soir, il remontait le Nil en barque lorsqu’il entendit derrière lui un bruit de rames. C’était la galiote de la police impériale. Elle l’eut bientôt rejoint. On l’interpella : « N’avez-vous pas vu Athanase ? Mais si, répond-il aussitôt, il est devant vous. » Comprenant que le proscrit fuyait en amont sur le fleuve, les autres reprirent leur course tandis qu’Athanase virait de bord et regagnait sa retraite. »
Après la mort de Constance, il revint à Alexandrie. C’était maintenant le règne de Julien l’Apostat qui, follement, prétendait restaurer le paganisme. Il eut immédiatement à compter avec Athanase. L’empereur avait interdit de baptiser les idolâtres. Athanase n’eut cure de cette défense. Julien, outré de colère, écrivit au préfet d’Égypte : « Je n’apprendrai de toi aucun acte plus agréable que l’expulsion hors de toutes les villes de ta province de ce misérable Athanase qui, moi régnant, a osé, contre mes ordres, faire des baptêmes. Qu’il soit proscrit ! »
Athanase s’enfuit, une quatrième fois, au désert (363). Mais, par inspiration divine, il savait que ce nouvel exil ne durerait guère. « Soyez sans crainte, dit-il à ses amis, c’est un petit nuage qui passera vite. »
De fait, Julien mourut quelques mois après. Athanase rentra dans Alexandrie. Un peu plus tard l’empereur Valens voulut encore l’en chasser. Mais la population de la ville qui chérissait son grand évêque se souleva en une émeute si violente qu’il fallut rapporter le décret d’expulsion. Les huit années qui suivirent furent à peu près tranquilles pour Athanase. « De sorte, dit le martyrologe romain, que cet homme contre lequel tant de puissances s’étaient conjurées, cet évêque qui avait subi tant d’exils, au milieu des pires dangers, mourut dans son lit le 2 mai 373. »
A présent que nous connaissons l’homme, nous saisirons mieux la signification et la portée du symbole auquel on a donné son nom. La plupart des critiques actuels doutent qu’il l’ait établi tout-à-fait dans la forme où il nous est parvenu. Ils ont peut-être raison. Mais en tout cas, on a le droit de penser que son inspiration s’y révèle. Pour moi, j’y sens la flamme de sa conviction. Je ne puis le réciter sans qu’il me paraisse entendre la voix du Saint combattant pour le Verbe que nous adorons. Je veux donner cette sublime profession de foi pour que ceux qui l’auraient oubliée y puisent un renouvellement de foi dans la doctrine de l’Église.
SYMBOLE DE SAINT ATHANASE
Quiconque veut être sauvé, doit, avant tout tenir la foi catholique.
Et celui qui ne l’aura pas gardée entière et inviolable, se perdra, sans aucun doute, pour l’éternité.
Or la foi catholique consiste en ceci que nous révérons un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité.
Sans confondre les personnes ni diviser la substance.
Car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit.
Mais la divinité du Père et du Fils et du Saint-Esprit est une, la gloire égale, la majesté coéternelle.
Tel le Père, tel le Fils, tel le Saint-Esprit.
Le Père est incréé, le Fils, incréé, le Saint-Esprit, incréé.
Immense le Père, immense le Fils, immense le Saint-Esprit.
Éternel le Père, éternel le Fils, éternel le Saint-Esprit.
Et cependant il n’y a pas trois éternels mais un seul éternel.
Comme aussi ce ne sont pas trois incréés mais un seul incréé, ni trois immenses mais un seul immense.
De même, tout-puissant est le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint-Esprit ;
Et pourtant, il n’y a pas trois tout-puissants mais un seul tout-puissant.
Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu.
Et, néanmoins, il n’y a pas trois Dieu, mais un seul Dieu.
Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur.
Et il n’y a pas trois Seigneurs mais un seul Seigneur.
Car, de même que la vérité chrétienne nous oblige de confesser que chacune des trois personnes prises à part est Dieu et Seigneur : de même la religion catholique nous défend de dire trois Dieux ou trois Seigneurs.
Le Père n’est ni fait ni créé ni engendré d’aucun autre.
Le Fils est du Père seul : non pas fait ni créé mais engendré.
Le Saint-Esprit est du Père et du Fils : ni fait, ni créé, ni engendré mais procédant.
Il n’y a donc qu’un seul Père et non trois Pères ; un seul Fils et non trois Fils ; un seul Saint-Esprit et non trois Saints-Esprits.
Et dans cette Trinité, il n’y a ni antérieur, ni postérieur, ni plus grand ni moindre ; mais les Trois Personnes sont toutes coéternelles et égales entre elles ;
De sorte qu’en tout et partout on doit vénérer l’Unité dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité.
Celui qui veut être sauvé qu’il pense donc ainsi de la Sainte-Trinité.
Mais il est nécessaire encore, pour le salut éternel, que l’on croie fidèlement à l’Incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Or il est d’une foi droite que nous croyions et confessions que N.-S. Jésus-Christ, fils de Dieu, est Dieu et homme.
Il est Dieu étant engendré de la substance de son Père avant les siècles, et il est homme étant né de la substance d’une mère dans le temps ;
Dieu parfait et homme parfait, subsistant dans une âme raisonnable et un corps d’homme.
Égal au Père selon la divinité, moindre que le Père selon l’humanité.
Bien qu’il soit Dieu et homme, il n’est cependant qu’un seul Christ et non deux.
Il est un, non que la divinité ait été changée en humanité mais parce que Dieu a pris l’humanité et se l’est unie.
Il est un enfin, non par confusion de substance mais par unité de personne.
Car, de même que l’âme raisonnable et la chair est un seul homme, ainsi Dieu et l’homme est un seul Christ,
Qui a souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts ;
Est monté au ciel, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant et de là viendra juger les vivants et les morts.
A l’avènement duquel tous les hommes ressusciteront avec leurs corps et rendront compte de leurs actions personnelles ;
Et ceux qui auront fait le bien iront dans la vie éternelle ; et ceux qui auront fait le mal iront dans le feu éternel.
Telle est la foi catholique, et quiconque ne la gardera pas fidèlement et fermement ne pourra être sauvé.
Si le Démon du doute t’attaque répète à haute voix ces affirmations pressantes, répète-les d’un cœur docile au Saint-Esprit, et tu sentiras le feu divin embraser ton âme. Les ténèbres se dissiperont ; tu verras l’étoile du Credo luire au ciel clair de la certitude reconquise.