Lexique comparé de la langue de Molière et des écrivains du XVIIe siècle
REGARDER; NE REGARDER RIEN, ne regarder à rien:
Pour moi, je ne regarde rien quand il faut servir un ami.
REGARDS CHARGÉS DE LANGUEUR:
RÉGLER A... régler sur, d’après:
REGRETS; FAIRE DES REGRETS, comme faire des cris:
Nous voyons une vieille femme mourante, assistée d’une servante qui faisoit des regrets....
RÉGULARITÉS, comme règles:
Je traiterai, monsieur, méthodiquement, et dans toutes les régularités de notre art.
RELATION au sens particulier d’un mot employé dans une locution faite:
Ayons un cœur dont nous soyons les maîtres.
Qu’avez-vous fait pour être gentilhomme? Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les armes?
Corneille, à qui Molière a emprunté la pensée et presque l’expression de ce passage, a mis le verbe à l’indicatif après que:
RELEVÉ; de fortune relevée:
Elle n’a pas toujours été si relevée que la voilà!
REMENER:
Et non pas ramenez-moi, comme on parle aujourd’hui. Le simple est menez-moi, et non amenez-moi.
Raconter, rapporter, et plusieurs autres, sont dans le même cas que ramener; c’était autrefois reconter, reporter, etc.
«Si i alad, e remenad ses serfs.»
«Et li poples recontad que li reis ço e ço durreit a celi ki l’ociereit.»
REMERCIER L’AVANTAGE, rendre grâce à l’avantage:
Certes, il peut remercier l’avantage qu’il a de vous appartenir.
REMETTRE (SE), verbe actif, pour reconnaître, se rappeler:
Vous ne vous remettez point mon visage?
Vous ne vous remettez pas tout cela?—Excusez-moi, je me le remets.
REMONTRER A QUELQU’UN, lui en remontrer:
REMPLACER DE QUELQUE CHOSE, avec quelque chose, par quelque chose:
Elle a suivi le mauvais exemple de celles qui, étant sur le retour de l’âge, veulent remplacer de quelque chose ce qu’elles voient qu’elles perdent.
RENCHÉRI, adjectif, prude, austère:
RENDRE (SE) construit avec un adjectif, se montrer, devenir:
Je les dauberai tant en toutes rencontres, qu’à la fin ils se rendront sages.
—RENDRE DES CIVILITÉS:
Mais du moins sois complaisante aux civilités qu’on te rend.
—RENDRE DES DEHORS, observer les bienséances:
—RENDRE GRACE SUR QUELQUE CHOSE:
—RENDRE INSTRUIT, instruire:
L’emploi de ce tour est fréquent dans Bossuet: «Plusieurs, dans la crainte d’être trop faciles, se rendent inflexibles à la raison.»
—RENDRE OBÉISSANCE A QUELQU’UN, lui obéir:
RENFORT DE POTAGE:
NICOLE. J’ai encore ouï dire, madame, qu’il a pris aujourd’hui, pour renfort de potage, un maître de philosophie.
«Le peuple dit d’un écornifleur, que c’est un renfort-potage.»
Cette figure est naturellement de la rhétorique de Nicole, qui est cuisinière.
RENGAINER UN COMPLIMENT:
Hé! monsieur, rengaînez ce compliment.
Cette expression existait avant Molière:
Pascal a dit RENGAîNER absolument, pour cesser d’attaquer, abandonner une manœuvre, une intrigue commencée:
«On rengaîna, et promptement.»
—RENGAÎNER UNE NOUVELLE:
CLITIDAS (bouffon.)
Puisque cela vous incommode, je rengaîne ma nouvelle, et m’en retourne droit comme je suis venu.
RENGRÉGEMENT, archaïsme:
Rengrégement de mal, surcroît de désespoir!
La racine de ce mot est l’ancien comparatif de grand, greignour. Il y avait aussi le verbe rengréger (re-en-greger.)
Rengrégement, rengréger, n’ont point d’équivalents dans la langue moderne. Accroître, empirer, remplacent mal le verbe; accroissement est plus faible et moins harmonieux que rengrégement; empirement, bien qu’il se trouve dans Montaigne, n’est pas français, et agrandissement blesserait l’usage dans cette acception, un agrandissement de chagrin.
RENTRER AU DEVOIR, dans le devoir:
—RENTRER DANS SON AME:
REPAITRE, verbe neutre, manger:
—REPAÎTRE, verbe actif, pris au sens figuré:
RÉPANDRE, distribuer:
—RÉPANDRE (SE) DANS LES VICES:
RÉPARER, restituer, rendre, et construit de même avec le datif:
REPART, substantif masculin, repartie:
RÉPONSE DE... réponse à...:
J’attends avec un peu d’espérance respectueuse la réponse de mon placet.
REPROCHE, tache, sujet de reproche:
Si je ne suis pas né noble, au moins suis-je d’une race où il n’y a point de reproche.
RÉPRÉHENSION, dans le sens de réprimande, mais d’une nuance moins forte:
On souffre aisément des répréhensions, mais on ne souffre pas la raillerie.
On dit reprendre et répréhensible; pourquoi ne dirait-on pas répréhension, comme l’on dit comprendre, compréhensible, compréhension?
RÉPUGNANCE AVEC (AVOIR), se mal accorder avec, répugner à:
Une passion...... dont tous les désordres ont tant de répugnance avec la gloire de votre sexe.
RÉPUGNER; LE TEMPS RÉPUGNE A...:
Bien que M. Caritidès s’exprime en général correctement, il est probable que Molière a l’intention de lui prêter ici une expression ridicule par le pédantisme.
REQUÉRIR, querir de nouveau:
Va, va vite requérir mon fils.
RÉSOUDRE; SE RÉSOUDRE DE (un infinitif), se résoudre à:
Je serois fâché d’être ingrat, mais je me résoudrois plutôt de l’être que d’aimer.
RESPIRER LE JOUR, latinisme, vivre:
RESSENTIMENT, en bonne part, sentiment profond, reconnaissance:
Madame, je viens... vous témoigner avec transport le ressentiment où je suis des bontés surprenantes dont vous daignez favoriser le plus soumis de vos captifs.
Je n’ai point connu qu’elle ait dans l’âme aucun ressentiment de mon ardeur.
ARISTIONE. En vérité, ma fille, vous êtes bien obligée à ces princes, et vous ne sauriez assez reconnoître tous les soins qu’ils prennent pour vous.
ÉRIPHILE. J’en ai, madame, tout le ressentiment qu’il est possible.
Souffrez, mon père, que je vous en donne ici ma parole, et que je vous embrasse pour vous témoigner mon ressentiment.
Ce mot, dont l’usage a déterminé l’acception en mauvaise part, ne signifiait jadis que sentiment avec plus de force, comme le ressouvenir exprime un souvenir qui date de plus loin.
RESSENTIR (SE) D’UNE OFFENSE, la sentir vivement:
Une offense dont nous devons toutes nous ressentir.
RESSORT qu’on ne comprend pas, et qui sème un embarras:
Il faut avouer que ce passage, et quelques autres pareils, justifieraient l’accusation de jargon et de galimatias portée par la Bruyère contre Molière, s’il était loyal ou seulement permis de caractériser le style d’un écrivain d’après quelques taches perdues au milieu de beautés excellentes.
(Voyez MÉTAPHORES VICIEUSES.)
RESSOUVENIR; SE RESSOUVENIR, pour se souvenir:
Ressouvenez-vous que, hors d’ici, je ne dois plus qu’à mon honneur.
Ah! je suis médecin sans contredit. Je l’avois oublié, mais je m’en ressouviens.
Attendez qu’on vous en demande plus d’une fois, et vous ressouvenez de porter toujours beaucoup d’eau.
Laissez-moi faire: je viens de me ressouvenir d’une de mes amies qui sera notre fait.
Vous ne vous ressouvenez pas que j’ai eu le bonheur de boire avec vous, je ne sais combien de fois?
Molière emploie partout se ressouvenir, au lieu de se souvenir. C’est la même prédilection que pour s’en aller au lieu d’aller; par exemple: il s’en va faire jour.
(Voyez EN construit avec ALLER.)
RESTE; DONNER SON RESTE A QUELQU’UN:
Monsieur est frais émoulu du collége: il vous donnera toujours votre reste.
Métaphore empruntée au jeu, où le plus fort, sûr de triompher, est toujours en mesure d’offrir à l’autre de jouer son reste.
RETATER QUELQU’UN SUR.... figurément comme sonder:
RETENIR EN BALANCE, comme tenir en balance:
RÉTIF A (un substantif):
Vous êtes rétive aux remèdes, mais nous saurons vous soumettre à la raison.
RETIRER, se retirer:
Retirez-vous d’ici, ou je vous en ferai retirer d’une autre manière.
Molière a supprimé la seconde fois le pronom réfléchi, pour n’avoir pas à mettre deux me ou deux vous, dont le rapprochement eût alourdi sa phrase: me feraient me retirer; je vous ferai vous retirer. (Voyez PRONOM RÉFLÉCHI supprimé.)
RETRANCHER (un substantif) A, pour borner, réduire à:
Je retranche mon chagrin aux appréhensions du blâme qu’on pourra me donner.
RÉUSSIR, sans impliquer l’idée de bon ou de mauvais succès:
M. Auger blâme cet emploi de réussir pour résulter, en se fondant sur l’usage. Il paraît se tromper. On dit: une réussite bonne ou mauvaise; pourquoi le verbe n’aurait-il pas la même ampleur de sens que son substantif? Il a bien réussi, il a mal réussi, personne ne songeait à blâmer cette manière de s’exprimer; preuve que réussir n’emporte pas nécessairement l’idée d’heureux succès. Il reçoit souvent et très-bien cette dernière valeur, mais c’est par extension de sens. Il en est de même des mots heur, succès, fortune, ressentiment, qui sont indifférents par eux-mêmes et indéterminés.
REVENIR AU CŒUR, au sens figuré:
Ces coups de bâton me reviennent au cœur; je ne les saurois digérer.
RÉVÉRENCE; PARLANT PAR RÉVÉRENCE pris adverbialement:
—RÉVÉRENCE PARLER, comme parlant par révérence:
.... Que j’ai mon haut-de-chausses tout troué par derrière, et qu’on me voit, révérence parler....
REVERS DE SATIRE, un revirement, un retour de satire:
REVOULOIR:
RHABILLER, figurément rajuster, couvrir, déguiser:
Combien crois-tu que j’en connoisse qui, par ce stratagème (l’hypocrisie), ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse.....?
RIDICULE, substantif; UN RIDICULE:
Ne voyez-vous pas bien que c’est un ridicule qu’il fait parler?
La constance n’est bonne que pour des ridicules.
Dans une bourde que je veux faire à notre ridicule.
RIEN, mot positif; quelque chose:
..... Contre la coutume de France, qui ne veut pas qu’un gentilhomme sache rien faire.
C’est-à-dire, qui ne veut pas qu’un gentilhomme sache faire quelque chose.
Il ne sera pas dit que je ne serve de rien dans cette affaire-là.
Que je n’y serve de quelque chose.
A prendre quelque chose.
Allons, vous dis-je, il n’y a rien à balancer.
Il n’y a chose à balancer, il n’y a pas à balancer.
C’est le sens conforme à l’étymologie rem. (Voy. des Var. du lang. fr., p. 500.)
—RIEN, négatif:
C’est que la négation est ici renfermée dans l’ellipse: sa morale opère comme rien (n’opère), comme chose qui n’opère pas.
—RIEN, surabondant, NE FAIRE RIEN QUE:
N’en ont fait chose ou autre chose que rire.
—RIEN MOINS:
Ma comédie n’est rien moins que ce qu’on veut qu’elle soit.
Elle est tout, plutôt que ce qu’on veut qu’elle soit. Et les ennemis de Molière soutenaient qu’elle n’était rien de moins que ce qu’ils disaient.
Il n’est rien moins qu’homme d’esprit, c’est-à-dire qu’il ne l’est pas du tout.—Homme d’esprit? il n’est rien moins que cela; il est tout, plus que cela. S’il l’était, il faudrait dire: Il n’est rien de moins qu’homme d’esprit.
—RIEN QU’A; N’AVOIR RIEN QU’A DIRE:
Expression elliptique: vous n’avez rien (à faire) qu’à dire, qu’à parler; il suffira d’un mot de vous.
RIRE A QUELQU’UN:
—RIRE A SON MÉRITE:
RISÉE, rire. (Voyez ÉCLAT DE RISÉE.)
ROBINS, gens en robe, terme de mépris:
Trufaldin s’adresse à une troupe de masques en dominos.
ROIDEUR DE CONFIANCE. (Voyez BRUTALITÉ.)
ROIDIR; SE ROIDIR CONTRE UN CHEMIN:
Des naturels rétifs, que la vérité fait cabrer, qui toujours se roidissent contre le droit chemin de la raison.
Cette métaphore représente le chemin de la raison comme escarpé et difficile à gravir.
ROMPRE, interrompre, empêcher; ROMPRE UN ACHAT, DES ATTENTES:
—ROMPRE L’ORDRE COMMUN:
—ROMPRE TOUT A QUELQU’UN, traverser toutes ses entreprises:
—ROMPRE UN DÉPART, UN DESSEIN, UNE PENSÉE:
J’en suis fâché, car cela rompt une pensée qui m’étoit venue dans l’esprit.
—ROMPRE LA PAILLE:
Sur l’emploi d’un fétu de paille comme symbole, voyez Du Cange, aux mots festuca, infestucare, exfestucare.
ROUGE; UN ROUGE, substantif, une rougeur:
RUDANIER:
LUBIN. Adieu, beauté rudanière.
La première édition écrit en deux mots rude asnière.
«Terme populaire qui se dit des gens grossiers, qui rabrouent fortement les autres. Il est composé de rude et ânier, comme qui dirait un ânier qui est trop rude à ses ânes.»
RUER, verbe actif, prenant un régime:
On dirait ces vers composés tout exprès pour nous faire comprendre la différence entre jeter et ruer, et notre misère d’être aujourd’hui réduits exclusivement au premier. On jetait à quelqu’un son chapeau à bas, mais on lui ruait une pierre.
Cette nuance existait dès l’origine de la langue. Absalon percé par Joab, les soldats du parti de David décrochent son cadavre de l’arbre:
«Pois ruerent Absalon en une grant fosse de cele lande, e jeterent pierres sur lui.»
Ils ruèrent le cadavre du fils rebelle avec passion, et jetèrent avec indifférence des pierres dessus pour le couvrir.
Plus loin, Joab assiége Abelmacha. Une sage dame vient parlementer aux créneaux, et, voyant qu’il ne s’agit que de livrer le révolté Siba, dit au capitaine:
«Nus vus frum ruer son chief aval del mur.»
Nous dirions sans énergie: jeter sa tête du haut des murailles.
SABOULER:
Comme vous me saboulez la tête avec vos mains pesantes!
SAGES PROUESSES, prouesses de vertu:
SAISIR LES GENS PAR LEURS PAROLES, les prendre au mot:
SAISON; temps, moment:
Saison pour temps était fort usité au XVIIe siècle.
L’usage a maintenu hors de saison pour déplacé, mal à propos.
SALIR L’IMAGINATION, expression nouvelle en 1663, et raillée par Molière:
CLIMÈNE (précieuse ridicule). Peut-on, ayant de la vertu, trouver de l’agrément dans une pièce qui tient sans cesse la pudeur en alarme, et salit à tout moment l’imagination?
ÉLISE. Les jolies façons de parler que voilà!
SANGLIER, dissyllabe:
Partout, dans la Princesse d’Élide:
(Voyez la remarque sur le mot OUVRIER, p. 276.)
SANS QUE (l’indicatif), archaïsme, pour si (un substantif) ne, suivi du conditionnel:
Si mon bon génie ne m’eût poussé au-devant...
Sans cette circonstance, savoir, que je crains, etc. Sans cette circonstance, que mon bon génie m’a poussé au-devant.... On doit regretter la perte de cette ellipse, pleine de naturel et de vivacité. Aujourd’hui l’on serait obligé de dire: Si je ne craignois de commettre Géronte, si mon bon génie ne m’eût poussé au-devant. Quand il n’existe qu’une seule tournure pour exprimer les choses, la prose encore s’en accommode, étant tout à fait libre de ses allures; mais, par la suppression des doubles formes et de certains idiotismes, c’est la poésie qu’on ruine, ou, si l’on veut, l’art de la versification.
SATISFAIRE A:
Je ne prétends point qu’il se marie, qu’au préalable il n’ait satisfait à la médecine.
«Notre grand Hurtado de Mendoza, dit le père, vous y satisfera sur l’heure.»
SAVANTAS:
«Injure gasconne. Le baron de Fæneste se moquoit de tous les savantas.»
SAVOIR ENROUILLÉ:
On s’y fait (à la cour) une manière d’esprit qui, sans comparaison, juge plus finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants.
—NOUS SAVONS CE QUE NOUS SAVONS:
SGANARELLE. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.
Formule de réticence du style familier; espèce de dicton populaire. (Voyez SUFFIT QUE.)
—SAVOIR QUELQU’UN, connaître quelqu’un:
—SAVOIR SA COUR:
Laissez-moi faire: je suis homme qui sais ma cour.
SCANDALE, au sens d’affront, esclandre; FAIRE UN SCANDALE A QUELQU’UN, lui faire un esclandre:
Scandale, outre le sens qu’il porte aujourd’hui, avait encore celui d’outrage. Nicot cite, au mot Scandaliser, cette explication de Budée: «Le peuple exprime quelquefois, par scandaliser quelqu’un, ce que les gens bien élevés rendent par reprocher à quelqu’un une faute.» Le Dictionnaire de l’Académie de 1694 consacre les deux acceptions de scandale et scandaliser; Trévoux les maintient encore en 1740.
Scandale est de formation moderne, c’est-à-dire, du XVIe siècle, lorsque l’oreille ne craignait plus les doubles consonnes. Le moyen âge avait tiré de scandalum, esclande, qu’on prononçait éclande, et qui persiste sous cette forme esclandre. L’usage s’est chargé d’attribuer à chacun de ces deux mots une nuance de signification qui rend l’un et l’autre utile; mais c’est une occasion de remarquer: 1o qu’en augmentant le nombre des mots, il a fallu restreindre leur signification, et faire aux nouveaux un apanage aux dépens des anciens; 2o que, selon les époques où ils ont passé dans notre langue, les mots latins ont subi l’empire d’une loi différente. De spatium, spongium, spiritus, le moyen âge avait fait les substantifs espace, esponge, esprit (l’s ne sonnant point); plus tard, après la perte de la tradition primitive, et sous l’influence du pédantisme de la renaissance, on créa les adjectifs spacieux, spongieux, spirituel, qui serrent de plus près la forme latine. Au lieu de spirituel, le moyen âge disait espiritable.
On peut à ce signe reconnaître tout d’abord si tel mot français est antérieur ou postérieur à la renaissance, car le moyen âge n’en avait pas un seul qui commençât par deux consonnes consécutives[77].
SE JOUER, sans complément, pour jouer:
On n’est point capable de se jouer longtemps, lorsqu’on a dans l’esprit une passion aussi sérieuse.....
On disait, avec ou sans la forme réfléchie, jouer, ou se jouer, comme combattre, ou se combattre; fuir, dormir, dîner, mourir, ou se fuir, se dormir, se dîner, se mourir.
(Voyez ARRÊTER.)
SE METTRE SUR L’HOMME D’IMPORTANCE, sur le ton ou sur le pied d’homme d’importance:
SE... NOUS, corrélatifs:
Se dépouiller entre les mains d’un homme qui ne nous touche de rien.
SECOURS, au singulier, les auxiliaires:
Ah, tête! ah, ventre! que ne le trouvé-je tout à l’heure avec tout son secours! que ne paroît-il à mes yeux au milieu de trente personnes!
SEMBLANT DE RIEN (FAIRE, NE PAS FAIRE). Voyez à la fin de l’article PAS.
SEMBLER DE (un infinitif):
Pourquoi cette préposition? Commencer de est, par euphonie, pour commencer à, afin d’éviter quelque hiatus; mais sembler se construit avec un second verbe, sans préposition intermédiaire.
Cependant c’est encore la raison d’euphonie qui lui a donné celle-ci; ou, pour mieux dire, il n’y a pas réellement de préposition: il n’y a qu’un d euphonique, vestige de la prononciation primitive. Ce d ou t final armait autrefois toutes les terminaisons en é, soit des substantifs, soit du participe, comme on peut s’en convaincre en jetant les yeux sur les plus anciens monuments de notre langue. «J’ai peched à lui seul,» qu’on lit dans saint Bernard, est comme «il m’a sembled entendre.»
Que l’oreille ait ensuite causé l’erreur de la main, et qu’on ait écrit: il me semble de voir, d’entendre, c’est ce qui est arrivé mainte autre fois. Par exemple, lorsqu’on a mis: Il y en a d’aucuns, pour il y en ad aucuns;—Ma tante pour mat ante; Ante, d’amita, conservé dans l’anglais aunt.
(Voyez D euphonique.)
SEMENCES, figurément, principes; SEMENCES D’HONNEUR:
SEMONDRE, exhorter par un sermon, un avis:
M. Auger dérive semondre de submonere, à tort, selon moi. Il a pris cette étymologie dans Nicot, où il aurait fallu la laisser cachée.
La racine de semondre me paraît être sermo; semondre serait alors une forme primitive de sermonner. L’r s’éteignait dans la prononciation, pour éviter deux consonnes consécutives: sermonner, semoner, semonre, enfin semondre, avec un d euphonique, comme dans pondre tiré de ponere, dans moudre, de molere (moul(d)re). Si l’on veut que semondre vienne de monere, il faudra expliquer d’où vient la syllabe initiale se. On ne peut admettre qu’elle représente le latin sub; il n’y en aurait pas d’autre exemple.
On trouve dans Nicot SEMONNEUR, vocator, monitor; n’est-ce pas le même mot que SERMONNEUR? Celui qui fait des sermons et celui qui donne des semonces, n’est-ce pas tout un?
Nous doutons, et nous soumettons nos doutes aux doctes capables de les dissiper.
S’EN RETOURNER, avec la tmèse de en:
(Voyez EN construit avec un verbe, p. 150.)
SENS, au pluriel; le sens, la signification:
Les sens imparfaits d’un écrit funeste qui n’ont pas besoin du reste pour s’expliquer, c’est là sans doute ce que la Bruyère appelait du jargon, et il n’y a pas moyen d’y contredire. Hormis quelques fragments, comme la scène de jalousie du IVe acte, cette malheureuse pièce de Don Garcie est entièrement de ce style. Molière, pour cette fois, était sorti de son domaine habituel, la vérité, et il ne pouvait pas mettre un style vrai sur un sujet faux et romanesque.
SENSIBLE, clair, intelligible, qui tombe sous le sens:
SENTIMENTS OUVERTS; PARLER A SENTIMENTS OUVERTS:
SENTIR, construit avec un pronom possessif, suivi d’un substantif; SENTIR SON BIEN:
Bien, dans cette locution, signifie bonne extraction; sentir son bien né, son homme bien né:
—SENTIR SON VIEILLARD, SON HOMME QUI...:
Votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise.
«Mon languaige françois est altéré, et en la prononciation et ailleurs, par la barbarie de mon creu. Je ne veis jamais homme des contrées de deçà qui ne sentist bien evidemment son ramage, et qui ne bleceast les aureilles pures françoises.»
«Il y a trop de somptuosité à votre habit: cela ne sent pas sa criminelle assez repentante.»
«Cybèle est vieille, Junon de mauvaise humeur; Cérès sent sa divinité de province, et n’a nullement l’air de cour.»
—SENTIR LE BATON, impersonnel:
—SENTIR (SE), avoir la conscience de son être:
SERRER, verbe actif, en parlant d’une maladie, peste, fièvre, etc:
Que la fièvre quartaine puisse serrer bien fort le bourreau de tailleur!
(Voyez FIÈVRE.)
SERVIR SUR TABLE:
GALOPIN. Madame, on a servi sur table.
C’était l’expression consacrée:
—SERVIR DE QUELQUE CHOSE:
—Dans cette façon de parler, NE SERVIR DE RIEN, on usait d’une inversion au participe passé:
Tout cela n’a de rien servi.
SES, pluriel, précédant deux substantifs au singulier:
Chacun, à ses péril et fortune, peut croire tout ce qu’il lui plaît.
Cette façon de parler est tout à fait conforme à l’ancienne langue. Aussi je ne crois pas que la vraie locution soit: à ses risques et périls, mais à ses risque et péril, au singulier.
SEUL, faisant pléonasme avec ne que:
Ce n’est que la seule considération que j’ai pour monsieur votre père.
Ce tour, qu’on appellerait aujourd’hui un pléonasme, est très-familier aux écrivains du XVIIe siècle:
«Le roi son mari lui a donné jusqu’à la mort ce bel éloge, qu’il n’y avoit que le seul point de la religion où leurs cœurs fussent désunis.»
SI, pris substantivement; UN SI, une condition:
Cette locution est très-fréquente dans les poëtes du XIIIe siècle: Le comte de Forest, le fanfaron Lisiard, se vante de faire en moins de huit jours la conquête de la belle Euriant, à condition qu’elle ne sera de rien prévenue:
Par tel si qu’on n’aille le lui dire, la mettre sur ses gardes.
Il est très-important d’observer que nos pères avaient se et si; se exprimait seul un sens dubitatif, et venait du latin si; au contraire, si n’était jamais dubitatif, aussi venait-il de sic. Cette distinction est essentielle pour l’intelligence de certains archaïsmes.
Plus loin, Lisiard propose à Gérard un défi; Gérard l’accepte, mais en dicte les conditions, et les soumet à la demoiselle affligée qu’il s’agit de venger:
«Et soit fait notre accord par tel si, que s’il me peut tuer et conquérir, vous lui appartiendrez avec toute votre terre; et de même, si c’est moi qui le conquiers.»
—SI (sic), toutefois; ET SI, et pourtant, et encore:
J’ai la tête plus grosse que le poing, et si elle n’est pas enflée.
—SI FAUT-IL, encore faut-il:
MORON. Si faut-il tenter toute chose, et éprouver si son âme est entièrement insensible.
Si faut-il bien pourtant trouver quelque moyen.... pour attraper notre brutal.
—SI... COMME (sic ut):
Je vous félicite, vous, d’avoir une femme si belle, si sage, si bien faite, comme elle est.
Sic pulchra ut est.
Comme, dans l’origine, était le complément naturel de si, aussi, tant.
«Li reis jurad: Si veirement cume Deus vit, David ne murrad.»
«Ki, entre tute ta gent, est si fidel cume David vostre gendre est?»
Ou sans séparation, sicume (italien, siccome):
«E fud a curt sicume il out ested devant.»
Comme se construisait de même avec tel:
«Deus te face tel merci cume tu m’as mustred ici.»
«Vous voulez vous guérir de l’infidélité, et vous en demandez les remèdes? Apprenez-les de ceux qui ont été tels comme vous.»
Comme suppléait que, au grand avantage de l’euphonie:
Sur quoi Voltaire dit: «Ce vers est un solécisme; on dit autant que, et non pas autant comme.» Mais pourquoi pas? L’usage? Il était du temps de Corneille en faveur d’autant comme. La logique? C’est un pur latinisme. Les Latins faisaient donc aussi un solécisme, de dire:
Il est fâcheux que Voltaire ait appuyé une réforme sans motif, qui appauvrit la langue, surtout celle des poëtes, et envieillit les écrivains faits pour rester modèles. J’ai dit que l’emploi de comme relatif avait jadis pour soi l’autorité de l’usage; voici en preuve quelques exemples:
Marot demandant une haquenée à François Ier:
Mais tout à coup cette façon de parler a déplu aux grammairiens-jurés de la fin du XVIIe siècle: ils l’ont réprouvée d’un commun accord. Ménage donne pour raison qu’«elle n’est pas naturelle.» (Obs. p. 348.) La nature est ici invoquée bien à propos! Mais est-il prouvé que ce mot que soit plus rapproché de la nature que le mot comme? Est-il sûr que l’usage consacré par une longue suite de siècles, appuyé sur la logique, sur l’étymologie, et fortifié par l’exemple des meilleurs écrivains, doive céder au caprice de trois ou quatre pédants sans autorité que celle qu’ils s’arrogent avec insolence? Cela n’est pas naturel non plus, et pourtant, hélas! cela se voit tous les jours.
Comme, à la place de que, est un archaïsme qui a de la grâce et de la naïveté:
—SI dubitatif (si),... ET QUE...:
Ce seroit une chose plaisante si les malades guérissoient, et qu’on m’en vînt remercier!
«Si Babylone eût pu croire qu’elle eût été périssable comme toutes les choses humaines, et que une confiance insensée ne l’eût pas jetée dans l’aveuglement.....»
—SI, répondant au latin an, utrum:
Je suis dans l’incertitude si je dois me battre avec mon homme, ou bien le faire assassiner.
—SI C’ÉTAIT QUE:
—SI (un adjectif) QUE DE (adeò... ut...); tant ou tellement... que de...:
Et j’ai eu un aïeul, Bertrand de Sotenville, qui fut si considéré en son temps que d’avoir permission de vendre tout son bien pour le voyage d’outre-mer.
S’il étoit si hardi que de me déclarer son amour, il perdroit pour jamais ma présence et mon estime.
Ouais! je ne croyois pas que ma fille fût si habile que de chanter ainsi à livre ouvert.
«Celui-ci le paya d’ingratitude, et fut si méchant que d’oser souiller le lit de son bienfaiteur.»
SIÈCLE D’AUJOURD’HUI (AU):
SINGULIER; SINGULIER A, particulier à:
«On dit d’une chose qu’elle est particulière à quelqu’un, mais non pas qu’elle lui est singulière.» (M. Auger.)
Et pourquoi ne le dirait-on pas? On dit bien singulier, sans complément, pour particulier. M. Auger n’a rien repris à ces vers:
Grâce singulière est pourtant bien là pour grâce particulière. Si on laisse au mot singulier le sens de singularis dans un cas, pourquoi ne pas le lui laisser dans l’autre? Pourquoi le permettre sans complément et le défendre, avec un complément?
En général, on critique beaucoup trop par cette formule: cela ne se dit pas. Ce qu’il faut montrer, c’est que cela ne doit pas, ne peut pas se dire, surtout quand cela a été dit par des gens comme Molière, Pascal ou Bossuet.
SINGULIER (verbe au) après un nombre pluriel:
Quatre ou cinq mille écus est un denier considérable.
(Voyez C’EST ou EST en accord avec un pluriel, et CE SONT.)
SI PEU QUE DE (un infinitif):
Vous êtes-vous mis dans la tête qu’un homme de soixante-trois ans.... considère si peu sa fille que de la marier avec un homme qui a ce que vous savez?
(Voyez SI (un adjectif) QUE DE, p. 375.)
SIQUENILLES (sic dans l’édition originale; Ribou, 1669), souquenilles:
Quitterons-nous nos siquenilles, monsieur?
SITUÉ; AME BIEN SITUÉE:
L’expression est insolite; cependant nous disons chaque jour, avec l’autorité de l’usage: Avoir le cœur bien placé. C’est la même figure.
SŒURS D’INFORTUNE, comme frères d’armes:
SOI, où l’usage moderne emploie lui, elle, eux:
Apud se, et non apud illum.
Agnès, dit Horace,
Ne voyez-vous pas qu’il tire à soi toute la nourriture, et qu’il empêche ce côté-là de profiter?
Tout le XVIIe siècle a ainsi parlé. Les grammairiens se sont perdus en distinctions et en subtilités pour régler quand il fallait soi, et quand lui. Tout cela est chimérique. Les grands écrivains du temps de Louis XIV se sont guidés bien plus sûrement sur un seul point: partout où le latin mettrait se, ils ont mis soi,
Pro se ipso, et non pro illo.
Timet se ipsum.
Post se, et non post illum.
«Il n’ouvre la bouche que pour répondre...... Il crache presque sur soi.»
«Idoménée, revenant à soi, remercia ses amis.»
«Tant de profanations que les armes traînent après soi!»
«Dieux immortels, dit-elle en soi-même, est-ce donc ainsi que sont faits les monstres?»
On voit qu’il n’est pas besoin de tant raffiner, à la suite de Vaugelas, d’Olivet et les modernes.
SOIENT, monosyllabe:
SOIS-JE, dans une formule de souhait:
Forme excellente, au lieu de puissé-je être.
SOLÉCISMES EN CONDUITE:
SOLLICITER DE QUELQUE CHOSE:
J’ai cru faire assez de fuir l’engagement dont j’étois sollicitée.
Ne me refusez point la grâce dont je vous sollicite.
SON, SA, SES, se rapportant à un autre mot que le sujet de la phrase:
Son retour, c’est le retour de Lélie; riche en vertus se rapporte aussi à Lélie, quoique la construction de la phrase semble appliquer ces mots au retour. Il n’y a pas moyen d’excuser cette faute, source d’équivoques.
(La prudence de don Louis.)
(L’enfance de don Alphonse.)
(Les destins d’Alphonse.)
(L’audace du tyran.)
(La place d’Alphonse.)
(Le zèle d’Alphonse.)
(La fausse équité du tyran.)
Il est difficile d’écrire avec plus de négligence.
On dit bien la surveillance de l’État, mais non les yeux de l’État. L’État est une abstraction, une idée complexe, qui ne saurait être personnifiée jusqu’à prendre des yeux ni des oreilles.
—SON, SA, rapportés à un nom de chose:
LYSIDAS (parlant de sa pièce). Tous ceux qui étoient là doivent venir à sa première représentation.
—SON avec sentir. (Voyez SENTIR, p. 370.)
SONGER, actif, pour imaginer, méditer:
J’avois songé une comédie où il y auroit eu un poëte, etc...
—SONGER DE (un infinitif); songer à:
(Voyez p. 99, DE remplaçant A.)
SONT pour font, en style d’arithmétique:
Je crois que deux et deux sont quatre.
L’édition d’Amsterdam a corrigé, selon sa coutume, et mis font.
—SONT-CE:
Sont-ce encore des bergers?—C’est ce qu’il vous plaira.
Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire?
Sont-ce des visions que je me mets en tête?
(Voyez CE SONT.)
SORTILÉGE; DONNER UN SORTILÉGE A QUELQU’UN, lui jeter un sort:
C’est un sortilége qu’il lui a donné.
SORTIR HORS:
SOT, terme adouci pour exprimer ce qu’ailleurs Molière appelle crûment un cocu:
—SOT, passionné au point d’en perdre le sens:
—ÊTRE SOT APRÈS QUELQU’UN, en être assotté:
SOUCIER, verbe actif, comme affliger, chagriner:
SOUFFRIR, absolument; SOUFFRIR DE QUELQU’UN:
—SOUFFRIR QUELQUE CHOSE A QUELQU’UN:
«Mais le père Lemoine a apporté une modération à cette permission générale; car il ne le veut point du tout souffrir aux vieilles.»
SOUFFRIR A QUELQU’UN DE (un infinitif), lui permettre:
Me est ici au datif, et non à l’accusatif.
SOUPÇON; HORS DE SOUPÇON:
Qui soit à l’abri du soupçon, qui ne soit suspect.
—SOUPÇONS DE QUELQU’UN:
Ce n’est pas d’aujourd’hui, Nicole, que j’ai conçu des soupçons de mon mari.
Molière dit soupçons de quelqu’un, comme l’hymen, la vengeance, la jalousie de quelqu’un, c’est-à-dire, relativement à quelqu’un.
—SOUPÇON ENTRE DEUX PERSONNES, qui porte sur deux personnes:
SOUPÇONNER, suspecter:
SOUS, au lieu de par ou avec:
Ne prétendez pas vous sauver sous cette imposture.
—SOUS COULEUR, sous prétexte:
—SOUS DES LIENS:
—SOUS DES SOINS:
L’idée de protection, enfermée dans le verbe nourrir, sauve cette métaphore:
—SOUS L’APPAT DE..., sous le prétexte de:
—SOUS SA MOUSTACHE:
On n’est point bien aise de voir, sous sa moustache, cajoler hardiment sa femme ou sa maîtresse.
—SOUS TANT DE VRAISEMBLANCE:
—SOUS UN DON DE FOI:
Dans toutes ces locutions, sur serait aussi bien venu que sous. Molière, pour l’emploi de l’un et de l’autre, paraît n’avoir suivi que le hasard, et l’usage l’y autorisait. (Voyez au mot SUR, où l’origine de cette confusion est exposée.)
SOUTENIR LE COURROUX, y persévérer:
SPIRITUELLE, substantif; UNE SPIRITUELLE:
(Voyez RIDICULE, substantif.)
SUBJONCTIF qui en commande un autre, dans une place où nous mettrions aujourd’hui l’indicatif:
J’aurois assez d’adresse pour faire accroire à votre père que ce seroit une personne riche, outre ses maisons, de cent mille écus en argent comptant; qu’elle seroit éperdument amoureuse de lui, et souhaiteroit de se voir sa femme.
Il est clair qu’en effet la forme conditionnelle est la meilleure dans tout ce passage, qui n’expose qu’une hypothèse.
—Construit avec un présent de l’indicatif:
On dirait en style moderne: on prétend qu’a reçue. Il est manifeste que le conditionnel est plus juste, puisqu’il s’agit encore ici d’une hypothèse.
(Voyez CONDITIONNELS, FUTURS.)
SUCCÉDER, arriver, réussir, contingere:
SUCCÈS, issue d’une affaire, dans le sens du latin exitus, sans impliquer l’idée de bien ni de mal:
SUCRÉE (FAIRE LA), faire la prude, la renchérie:
—Qui, moi?—Oui; vous ne faites point tant la sucrée.
SUFFISANCE, en bonne part; HOMME DE SUFFISANCE:
Homme de suffisance, homme de capacité.
Dans le XVIIe siècle, suffisant et suffisance se prenaient en bonne part, au sens de qui suffit à quelque chose. Voici les exemples que donne Furetière: «Le roi a des ministres qui sont d’une grande suffisance, d’une grande capacité, d’une grande pénétration.» Et au mot SUFFISANT: «Se dit d’un grand mérite et de la sotte présomption. Le roi cherche des gens qui soient suffisants, et capables de remplir les prélatures et les grandes charges.»
—SUFFISANT DE (un infinitif), qui suffit; qui suffit à, capable de:
SUFFIT QUE, suivi d’un verbe à l’indicatif:
Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.
Nous savons ce que nous savons, cela suffit, c’est en dire assez. Il suffit que nous sachions présenterait un sens tout autre.
SUITE; EN SUITE DE. (Voyez ENSUITE DE.)
—SUITE, développement:
Don Alphonse dit à dona Elvire, qui vient de réciter trente-cinq vers sans interruption:
—D’UNE LONGUE SUITE, très-suivi:
—SUITE, conséquence:
SUIVRE LE COURROUX DE QUELQU’UN, s’y associer:
—SUIVRE QUELQU’UN AU DESSEIN DE (un infinitif):
Pour vous imiter dans ce dessein.
—SUIVRE SA POINTE:
Quel diable d’étourdi, qui suit toujours sa pointe!
SUJET à la première personne, et le verbe à la troisième. (Voyez PRONOM.)
SUJET SOUS-ENTENDU autre que le sujet exprimé:
Elle n’est point d’âge à ce qu’on puisse lui donner.
Le besoin de brièveté, joint à la clarté de l’expression, paraît plus que suffisant à excuser cette légère inexactitude.
SUPERFLU DE LA BOISSON (LE), périphrase qui s’entend de reste:
Je m’étois amusé dans votre cour à expulser le superflu de la boisson.
SUPPORT, dans le sens moral; appui:
SUPPORTER QUELQU’UN DANS, comme nous disons soutenir dans:
Nous ne sommes point gens à la supporter dans de mauvaises actions.
SUPPRESSION; A MA SUPPRESSION, en me supprimant, m’excluant:
Comme on dit à mon profit, à mon dam.
Bossuet a dit: «Au grand malheur des hommes ingrats.»
SUR LE FIER; SE TENIR SUR LE FIER:
SUR PEINE DE, sous peine de:
Mais à condition......... que vous n’en ouvrirez la bouche à personne du monde, sur peine de la vie.
«Madame, qui de tous poins veoit le seigneur de Saintré à combattre meu et desliberé, feloneusement luy dist: Sire de Saintré, nous voulons et vous commandons, sur peine d’encourir nostre indignacion, que incontinent tous deux vous desarmez.»
«Les seigneurs du Carthage, voyants que leur pays se despeuploit peu à peu, feirent desfense expresse, sur peine de mort, que nul n’eust plus à aller par là.»
«Si mon fils a jamais des enfants, je veux qu’ils étudient au collége de Clermont, sur peine d’être déshérités.»
«Est-ce un article de foi qu’il faille croire, sur peine de damnation?»
On écrivait originairement sor et soz; quand la consonne finale était muette, comme l’o sonnait le plus souvent ou, la prononciation confondait pour l’oreille sour et souz; de là l’emploi indifférent de l’un ou de l’autre dans certaines locutions consacrées, comme sur peine et sous peine.
(Voyez des Var. du lang. fr., p. 430.)
—SUR LE PIED DE (un infinitif):
Sous prétexte qu’elles nous sont fidèles; s’appuyant sur ce qu’elles nous sont fidèles.
—SUR UN SEMBLANT: