← Retour

Lexique comparé de la langue de Molière et des écrivains du XVIIe siècle

16px
100%
«Çà, là, galons-le en enfant de bon lieu.»
(La Fontaine. Le Diable de Papefig.)

REGARDER; NE REGARDER RIEN, ne regarder à rien:

Pour moi, je ne regarde rien quand il faut servir un ami.

(B. gent. III. 6.)

REGARDS CHARGÉS DE LANGUEUR:

Ces longs soupirs que laisse échapper votre cœur,
Et ces fixes regards, si chargés de langueur,
Disent beaucoup sans doute à des gens de mon âge.
(Pr. d’Él. I. 1.)

RÉGLER A... régler sur, d’après:

Que sur cette conduite à son aise l’on glose;
Chacun règle la sienne au but qu’il se propose.
(D. Garcie. II. 1.)
Le douaire se règle au bien qu’on nous apporte.
(Éc. des fem. IV. 2.)
Vous savez mieux que moi qu’aux volontés des cieux,
Seigneur, il faut régler les nôtres.
(Psyché. II. 1.)

REGRETS; FAIRE DES REGRETS, comme faire des cris:

Nous voyons une vieille femme mourante, assistée d’une servante qui faisoit des regrets....

(Scapin. I. 2.)

RÉGULARITÉS, comme règles:

Je traiterai, monsieur, méthodiquement, et dans toutes les régularités de notre art.

(Pourc. I. 10.)

RELATION au sens particulier d’un mot employé dans une locution faite:

Ayons un cœur dont nous soyons les maîtres.

(D. Juan. III. 5.)

Qu’avez-vous fait pour être gentilhomme? Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les armes?

(Ibid. IV. 6.)

Corneille, à qui Molière a emprunté la pensée et presque l’expression de ce passage, a mis le verbe à l’indicatif après que:

«Croyez-vous qu’il suffit d’être sorti de moi?»
(Le Ment. V. 3.)

RELEVÉ; de fortune relevée:

Elle n’a pas toujours été si relevée que la voilà!

(B. gent. III. 12.)

REMENER:

Remenez-moi chez nous.
(Dép. am. IV. 3.)

Et non pas ramenez-moi, comme on parle aujourd’hui. Le simple est menez-moi, et non amenez-moi.

Raconter, rapporter, et plusieurs autres, sont dans le même cas que ramener; c’était autrefois reconter, reporter, etc.

«Si i alad, e remenad ses serfs.»

(Rois. p. 232.)

«Et li poples recontad que li reis ço e ço durreit a celi ki l’ociereit.»

(Ibid. p. 64.)

REMERCIER L’AVANTAGE, rendre grâce à l’avantage:

Certes, il peut remercier l’avantage qu’il a de vous appartenir.

(G. D. I. 5.)

REMETTRE (SE), verbe actif, pour reconnaître, se rappeler:

Vous ne vous remettez point mon visage?

(Pourc. I. 6.)

Vous ne vous remettez pas tout cela?—Excusez-moi, je me le remets.

(Ibid.)

REMONTRER A QUELQU’UN, lui en remontrer:

Que les jeunes enfants remontrent aux vieillards.
(Dép. am. II. 7.)

REMPLACER DE QUELQUE CHOSE, avec quelque chose, par quelque chose:

Elle a suivi le mauvais exemple de celles qui, étant sur le retour de l’âge, veulent remplacer de quelque chose ce qu’elles voient qu’elles perdent.

(Crit. de l’Éc. des fem. 6.)

RENCHÉRI, adjectif, prude, austère:

Vous avez dans le monde un bruit
De n’être pas si renchérie.
(Amph. prol.)

RENDRE (SE) construit avec un adjectif, se montrer, devenir:

Bon! voyons si son feu se rend opiniâtre.
(L’Ét. III. 1.)

Je les dauberai tant en toutes rencontres, qu’à la fin ils se rendront sages.

(Crit. de l’Éc. des fem. 6.)
Il se rend complaisant à tout ce qu’elle dit.
(Tart. III. 1.)
Non, Damis, il suffit qu’il se rende plus sage.
(Ibid. III. 4.)
Elle se rendra sage; allons, laissons-la faire.
(Fem. sav. III. 6.)

RENDRE DES CIVILITÉS:

Mais du moins sois complaisante aux civilités qu’on te rend.

(Pr. d’Él. II. 4.)

RENDRE DES DEHORS, observer les bienséances:

Mais quand on est du monde, il faut bien que l’on rende
Quelques dehors civils que l’usage demande.
(Mis. I. 1.)

RENDRE GRACE SUR QUELQUE CHOSE:

Et le mari benêt, sans songer à quel jeu,
Sur les gains qu’elle fait rend des grâces à Dieu.
(Éc. des fem. I. 1.)

RENDRE INSTRUIT, instruire:

Vous me direz: Pourquoi cette narration?
C’est pour vous rendre instruit de ma précaution.
(Éc. des fem. I. 1.)

L’emploi de ce tour est fréquent dans Bossuet: «Plusieurs, dans la crainte d’être trop faciles, se rendent inflexibles à la raison.»

(Oraison fun. de la duchesse d’Orléans.)

RENDRE OBÉISSANCE A QUELQU’UN, lui obéir:

Nous vous avons rendu, monsieur, obéissance.
(Ibid. V. 1.)

RENFORT DE POTAGE:

NICOLE. J’ai encore ouï dire, madame, qu’il a pris aujourd’hui, pour renfort de potage, un maître de philosophie.

(B. gent. III. 3.)

«Le peuple dit d’un écornifleur, que c’est un renfort-potage

(Trévoux.)

Cette figure est naturellement de la rhétorique de Nicole, qui est cuisinière.

RENGAINER UN COMPLIMENT:

Hé! monsieur, rengaînez ce compliment.

(Mar. for. 16.)

Cette expression existait avant Molière:

«Le compliment fut court, le maire le rengaîne
(Senecé.)

Pascal a dit RENGAîNER absolument, pour cesser d’attaquer, abandonner une manœuvre, une intrigue commencée:

«On rengaîna, et promptement.»

(Pensées.)[76]

RENGAÎNER UNE NOUVELLE:

CLITIDAS (bouffon.)

Puisque cela vous incommode, je rengaîne ma nouvelle, et m’en retourne droit comme je suis venu.

(Am. magn. V. 1.)

RENGRÉGEMENT, archaïsme:

Rengrégement de mal, surcroît de désespoir!

(L’Av. V. 3.)

La racine de ce mot est l’ancien comparatif de grand, greignour. Il y avait aussi le verbe rengréger (re-en-greger.)

«Chacun rendit par là sa douleur rengrégée
(La Font. La Matrone d’Éphèse.)

Rengrégement, rengréger, n’ont point d’équivalents dans la langue moderne. Accroître, empirer, remplacent mal le verbe; accroissement est plus faible et moins harmonieux que rengrégement; empirement, bien qu’il se trouve dans Montaigne, n’est pas français, et agrandissement blesserait l’usage dans cette acception, un agrandissement de chagrin.

RENTRER AU DEVOIR, dans le devoir:

Pour rentrer au devoir je change de langage.
(Mélicerte. II. 5.)

RENTRER DANS SON AME:

Rappelle tous tes sens, rentre bien dans ton âme.
(Amph. II. 1.)

REPAITRE, verbe neutre, manger:

—Mais, seigneur Trufaldin, songez-vous que peut-être
Ce monsieur l’étranger a besoin de repaître?
(L’Ét. IV. 3.)

REPAÎTRE, verbe actif, pris au sens figuré:

Pour souffrir qu’un valet de chansons me repaisse.
(Amph. II. 1.)

RÉPANDRE, distribuer:

Aux pauvres, à mes yeux, il alloit le répandre.
(Tart. I. 6.)

RÉPANDRE (SE) DANS LES VICES:

C’est ainsi qu’aux flatteurs on doit partout se prendre
Des vices où l’on voit les humains se répandre.
(Mis. II. 5.)

RÉPARER, restituer, rendre, et construit de même avec le datif:

Je veux jusqu’au trépas incessamment pleurer
Ce que tout l’univers ne peut me réparer.
(Psyché. II. 1.)

REPART, substantif masculin, repartie:

Il a le repart brusque et l’accueil loup-garou.
(Éc. des mar. I. 6.)

RÉPONSE DE... réponse à...:

J’attends avec un peu d’espérance respectueuse la réponse de mon placet.

(3e Placet au roi.)

REPROCHE, tache, sujet de reproche:

Si je ne suis pas né noble, au moins suis-je d’une race où il n’y a point de reproche.

(G. D. II. 3.)

RÉPRÉHENSION, dans le sens de réprimande, mais d’une nuance moins forte:

On souffre aisément des répréhensions, mais on ne souffre pas la raillerie.

(Préf. de Tartufe.)

On dit reprendre et répréhensible; pourquoi ne dirait-on pas répréhension, comme l’on dit comprendre, compréhensible, compréhension?

RÉPUGNANCE AVEC (AVOIR), se mal accorder avec, répugner à:

Une passion...... dont tous les désordres ont tant de répugnance avec la gloire de votre sexe.

(Pr. d’Él. II. 1.)

RÉPUGNER; LE TEMPS RÉPUGNE A...:

M. CARITIDÈS.
Monsieur, le temps répugne à l’honneur de vous voir.
(Fâcheux. III. 2.)

Bien que M. Caritidès s’exprime en général correctement, il est probable que Molière a l’intention de lui prêter ici une expression ridicule par le pédantisme.

REQUÉRIR, querir de nouveau:

Va, va vite requérir mon fils.

(Scapin. II. 11.)

RÉSOUDRE; SE RÉSOUDRE DE (un infinitif), se résoudre à:

Sus, sans plus de discours, résous-toi de me suivre.
(Dép. am. V. 4.)
Il faut attendre
Quel parti de lui-même il résoudra de prendre.
(Ibid.)
La haine que pour vous il se résout d’avoir.
(D. Garcie. II. 6.)

Je serois fâché d’être ingrat, mais je me résoudrois plutôt de l’être que d’aimer.

(Pr. d’Él. III. 4.)

RESPIRER LE JOUR, latinisme, vivre:

Je n’entreprendrai point de dire à votre amour
Si done Ignès est morte, ou respire le jour.
(D. Garcie. V. 5.)

RESSENTIMENT, en bonne part, sentiment profond, reconnaissance:

Mais apprenez. . . . . .
Que je garde aux ardeurs, aux soins qu’il me fait voir,
Tout le ressentiment qu’une âme puisse avoir.
(D. Garcie. III. 3.)

Madame, je viens... vous témoigner avec transport le ressentiment où je suis des bontés surprenantes dont vous daignez favoriser le plus soumis de vos captifs.

(Pr. d’Él. IV. 4.)

Je n’ai point connu qu’elle ait dans l’âme aucun ressentiment de mon ardeur.

(Am. magn. I. 2.)

ARISTIONE. En vérité, ma fille, vous êtes bien obligée à ces princes, et vous ne sauriez assez reconnoître tous les soins qu’ils prennent pour vous.

ÉRIPHILE. J’en ai, madame, tout le ressentiment qu’il est possible.

(Ibid. III. 1.)

Souffrez, mon père, que je vous en donne ici ma parole, et que je vous embrasse pour vous témoigner mon ressentiment.

(Mal. im. III. 21.)

Ce mot, dont l’usage a déterminé l’acception en mauvaise part, ne signifiait jadis que sentiment avec plus de force, comme le ressouvenir exprime un souvenir qui date de plus loin.

RESSENTIR (SE) D’UNE OFFENSE, la sentir vivement:

Une offense dont nous devons toutes nous ressentir.

(Pr. d’Él. III. 4.)

RESSORT qu’on ne comprend pas, et qui sème un embarras:

Oui, c’est elle, en un mot, dont l’adresse subtile,
La nuit, reçut ta foi sous le nom de Lucile,
Et qui, par ce ressort qu’on ne comprenoit pas,
A semé parmi vous un si grand embarras.
(Dép. am. V. 9.)

Il faut avouer que ce passage, et quelques autres pareils, justifieraient l’accusation de jargon et de galimatias portée par la Bruyère contre Molière, s’il était loyal ou seulement permis de caractériser le style d’un écrivain d’après quelques taches perdues au milieu de beautés excellentes.

(Voyez MÉTAPHORES VICIEUSES.)

RESSOUVENIR; SE RESSOUVENIR, pour se souvenir:

De cet exemple-ci ressouvenez-vous bien;
Et quand vous verriez tout, ne croyez jamais rien.
(Sgan. 24.)

Ressouvenez-vous que, hors d’ici, je ne dois plus qu’à mon honneur.

(D. Juan. III. 5.)

Ah! je suis médecin sans contredit. Je l’avois oublié, mais je m’en ressouviens.

(Méd. m. lui. I. 6.)

Attendez qu’on vous en demande plus d’une fois, et vous ressouvenez de porter toujours beaucoup d’eau.

(L’Av. III. 2.)

Laissez-moi faire: je viens de me ressouvenir d’une de mes amies qui sera notre fait.

(Ibid. IV. 1.)

Vous ne vous ressouvenez pas que j’ai eu le bonheur de boire avec vous, je ne sais combien de fois?

(Pourc. I. 6.)

Molière emploie partout se ressouvenir, au lieu de se souvenir. C’est la même prédilection que pour s’en aller au lieu d’aller; par exemple: il s’en va faire jour.

(Voyez EN construit avec ALLER.)

RESTE; DONNER SON RESTE A QUELQU’UN:

Monsieur est frais émoulu du collége: il vous donnera toujours votre reste.

(Mal. im. II. 7.)

Métaphore empruntée au jeu, où le plus fort, sûr de triompher, est toujours en mesure d’offrir à l’autre de jouer son reste.

RETATER QUELQU’UN SUR.... figurément comme sonder:

Je veux la retâter sur ce fâcheux mystère.
(Amph. III. 1.)

RETENIR EN BALANCE, comme tenir en balance:

Oui, rien n’a retenu son esprit en balance.
(Fem. sav. IV. 1.)

RÉTIF A (un substantif):

Vous êtes rétive aux remèdes, mais nous saurons vous soumettre à la raison.

(Méd. m. lui. II. 7.)

RETIRER, se retirer:

Les mauvais traitements qu’il me faut endurer
Pour jamais de la cour me feroient retirer.
(Fâcheux. III. 2.)

Retirez-vous d’ici, ou je vous en ferai retirer d’une autre manière.

(Pr. d’Él. IV. 6.)

Molière a supprimé la seconde fois le pronom réfléchi, pour n’avoir pas à mettre deux me ou deux vous, dont le rapprochement eût alourdi sa phrase: me feraient me retirer; je vous ferai vous retirer. (Voyez PRONOM RÉFLÉCHI supprimé.)

RETRANCHER (un substantif) A, pour borner, réduire à:

Je retranche mon chagrin aux appréhensions du blâme qu’on pourra me donner.

(L’Av. I. 1.)

RÉUSSIR, sans impliquer l’idée de bon ou de mauvais succès:

Et comme ton ami, quoi qu’il en réussisse,
Je te viens contre tous faire offre de service.
(Fâcheux. III. 4.)
Voyons ce qui pourra de ceci réussir.
(Tart. II. 4.)

M. Auger blâme cet emploi de réussir pour résulter, en se fondant sur l’usage. Il paraît se tromper. On dit: une réussite bonne ou mauvaise; pourquoi le verbe n’aurait-il pas la même ampleur de sens que son substantif? Il a bien réussi, il a mal réussi, personne ne songeait à blâmer cette manière de s’exprimer; preuve que réussir n’emporte pas nécessairement l’idée d’heureux succès. Il reçoit souvent et très-bien cette dernière valeur, mais c’est par extension de sens. Il en est de même des mots heur, succès, fortune, ressentiment, qui sont indifférents par eux-mêmes et indéterminés.

REVENIR AU CŒUR, au sens figuré:

Ces coups de bâton me reviennent au cœur; je ne les saurois digérer.

(Méd. m. lui. I. 5.)

RÉVÉRENCE; PARLANT PAR RÉVÉRENCE pris adverbialement:

Ce damoiseau, parlant par révérence,
Me fait cocu, madame, avec toute licence.
(Sgan. 16.)

RÉVÉRENCE PARLER, comme parlant par révérence:

.... Que j’ai mon haut-de-chausses tout troué par derrière, et qu’on me voit, révérence parler....

(L’Av. III. 2.)

REVERS DE SATIRE, un revirement, un retour de satire:

Pourtant je n’ai jamais affecté de le dire;
Car enfin il faut craindre un revers de satire.
(Éc. des fem. I. 1.)

REVOULOIR:

Mais si mon cœur encor revouloit sa prison?
(Dép. am. IV. 3.)

RHABILLER, figurément rajuster, couvrir, déguiser:

Combien crois-tu que j’en connoisse qui, par ce stratagème (l’hypocrisie), ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse.....?

(D. Juan. V. 2.)

RIDICULE, substantif; UN RIDICULE:

Et l’on m’en a parlé comme d’un ridicule.
(Éc. des fem. I. 6.)

Ne voyez-vous pas bien que c’est un ridicule qu’il fait parler?

(Crit. de l’Éc. des fem. 7.)

La constance n’est bonne que pour des ridicules.

(D. Juan. I. 2.)
Parbleu, je viens du Louvre, où Cléonte, au levé,
Madame, a bien paru ridicule achevé.
(Mis. II. 5.)

Dans une bourde que je veux faire à notre ridicule.

(B. gent. III. 14.)

RIEN, mot positif; quelque chose:

..... Contre la coutume de France, qui ne veut pas qu’un gentilhomme sache rien faire.

(Sicilien. 10.)

C’est-à-dire, qui ne veut pas qu’un gentilhomme sache faire quelque chose.

Il ne sera pas dit que je ne serve de rien dans cette affaire-là.

(Ibid.)

Que je n’y serve de quelque chose.

Pourquoi consentiez-vous à rien prendre de lui?
(Tart. V. 7.)

A prendre quelque chose.

Allons, vous dis-je, il n’y a rien à balancer.

(G. D. I. 8.)

Il n’y a chose à balancer, il n’y a pas à balancer.

C’est le sens conforme à l’étymologie rem. (Voy. des Var. du lang. fr., p. 500.)

RIEN, négatif:

Et sa morale, faite à mépriser le bien,
Sur l’aigreur de sa bile opère comme rien.
(Fem. sav. II. 8.)

C’est que la négation est ici renfermée dans l’ellipse: sa morale opère comme rien (n’opère), comme chose qui n’opère pas.

RIEN, surabondant, NE FAIRE RIEN QUE:

Et plusieurs qui tantôt ont appris mon martyre,
Bien loin d’y prendre part, n’en ont rien fait que rire.
(Sgan. 16.)

N’en ont fait chose ou autre chose que rire.

RIEN MOINS:

Ma comédie n’est rien moins que ce qu’on veut qu’elle soit.

(1er Placet au roi.)

Elle est tout, plutôt que ce qu’on veut qu’elle soit. Et les ennemis de Molière soutenaient qu’elle n’était rien de moins que ce qu’ils disaient.

Un pédant qu’à tout coup votre femme apostrophe
Du nom de bel esprit et de grand philosophe,
D’homme qu’en vers galants jamais on n’égala,
Et qui n’est, comme on sait, rien moins que tout cela?
(Fem. sav. II. 9.)

Il n’est rien moins qu’homme d’esprit, c’est-à-dire qu’il ne l’est pas du tout.—Homme d’esprit? il n’est rien moins que cela; il est tout, plus que cela. S’il l’était, il faudrait dire: Il n’est rien de moins qu’homme d’esprit.

RIEN QU’A; N’AVOIR RIEN QU’A DIRE:

Monsieur, vous n’avez rien qu’à dire:
Je mentirai, si vous voulez.
(Amph. II. 1.)

Expression elliptique: vous n’avez rien (à faire) qu’à dire, qu’à parler; il suffira d’un mot de vous.

RIRE A QUELQU’UN:

On l’accueille, on lui rit, partout il s’insinue.
(Mis. I. 1.)

RIRE A SON MÉRITE:

Cet indolent état de confiance extrême,
Qui le rend en tout temps si content de soi-même,
Qui fait qu’à son mérite incessamment il rit.
(Fem. sav. I. 3.)

RISÉE, rire. (Voyez ÉCLAT DE RISÉE.)

ROBINS, gens en robe, terme de mépris:

O les plaisants robins, qui pensent me surprendre!
(L’Ét. III. 11.)

Trufaldin s’adresse à une troupe de masques en dominos.

ROIDEUR DE CONFIANCE. (Voyez BRUTALITÉ.)

ROIDIR; SE ROIDIR CONTRE UN CHEMIN:

Des naturels rétifs, que la vérité fait cabrer, qui toujours se roidissent contre le droit chemin de la raison.

(L’Av. I. 8.)

Cette métaphore représente le chemin de la raison comme escarpé et difficile à gravir.

ROMPRE, interrompre, empêcher; ROMPRE UN ACHAT, DES ATTENTES:

Je sais un sûr moyen
Pour rompre cet achat où tu pousses si bien.
(L’Ét. I. 10.)
Je ne m’étonne pas si je romps tes attentes.
(Ibid. III. 5.)

ROMPRE L’ORDRE COMMUN:

Il rompt l’ordre commun, et devance le temps.
(Mélicerte. I. 4.)

ROMPRE TOUT A QUELQU’UN, traverser toutes ses entreprises:

Cet homme me rompt tout!
(Éc. des f. III. 4.)

ROMPRE UN DÉPART, UN DESSEIN, UNE PENSÉE:

Elle vint me prier de souffrir que sa flamme
Puisse rompre un départ qui lui perceroit l’âme.
(Éc. des mar. III. 2.)
Et vous avez bien vu que j’ai fait mes efforts
Pour rompre son dessein et calmer ses transports.
(Tart. IV. 5.)

J’en suis fâché, car cela rompt une pensée qui m’étoit venue dans l’esprit.

(L’Av. IV. 3.)

ROMPRE LA PAILLE:

Pour couper tout chemin à nous rapatrier,
Il faut rompre la paille. Une paille rompue
Rend entre gens d’honneur une affaire conclue.
(Dép. am. IV. 4.)

Sur l’emploi d’un fétu de paille comme symbole, voyez Du Cange, aux mots festuca, infestucare, exfestucare.

ROUGE; UN ROUGE, substantif, une rougeur:

Au visage sur l’heure un rouge m’est monté.
(Fâch. I. 1.)

RUDANIER:

LUBIN. Adieu, beauté rudanière.

(G. D. II. 1.)

La première édition écrit en deux mots rude asnière.

«Terme populaire qui se dit des gens grossiers, qui rabrouent fortement les autres. Il est composé de rude et ânier, comme qui dirait un ânier qui est trop rude à ses ânes.»

(Trévoux.)

RUER, verbe actif, prenant un régime:

Ah! je devois du moins lui jeter son chapeau,
Lui ruer quelque pierre, ou crotter son manteau.
(Sgan. 16.)

On dirait ces vers composés tout exprès pour nous faire comprendre la différence entre jeter et ruer, et notre misère d’être aujourd’hui réduits exclusivement au premier. On jetait à quelqu’un son chapeau à bas, mais on lui ruait une pierre.

Cette nuance existait dès l’origine de la langue. Absalon percé par Joab, les soldats du parti de David décrochent son cadavre de l’arbre:

«Pois ruerent Absalon en une grant fosse de cele lande, e jeterent pierres sur lui.»

(Rois. p. 187.)

Ils ruèrent le cadavre du fils rebelle avec passion, et jetèrent avec indifférence des pierres dessus pour le couvrir.

Plus loin, Joab assiége Abelmacha. Une sage dame vient parlementer aux créneaux, et, voyant qu’il ne s’agit que de livrer le révolté Siba, dit au capitaine:

«Nus vus frum ruer son chief aval del mur.»

(Rois. p. 200.)

Nous dirions sans énergie: jeter sa tête du haut des murailles.

SABOULER:

Comme vous me saboulez la tête avec vos mains pesantes!

(Comtesse d’Esc. 3.)

SAGES PROUESSES, prouesses de vertu:

Ces honnêtes diablesses
Se retranchant toujours sur leurs sages prouesses.
(Éc. des fem. IV. 8.)

SAISIR LES GENS PAR LEURS PAROLES, les prendre au mot:

Je suis homme à saisir les gens par leurs paroles.
(Éc. des f. I. 6.)

SAISON; temps, moment:

En une autre saison, cette naïveté
Dont vous accompagnez votre crédulité,
Anselme, me seroit un charmant badinage.
(L’Ét. II. 5.)
........ Ce n’est pas la saison
De m’expliquer, vous dis-je.
(Dép. am. II. 2.)
La lettre que je dis a donc été remise;
Mais sais-tu bien comment? En saison si bien prise,
Que le porteur m’a dit que, sans ce trait falot,
Un homme l’emmenoit, qui s’est trouvé fort sot.
(L’Ét. II. 14.)
Remettons ce discours pour une autre saison;
Monsieur n’y trouveroit ni rime ni raison.
(Fem. sav. IV. 3.)

Saison pour temps était fort usité au XVIIe siècle.

«Soit; mais il est saison que nous allions au temple.»
(Corn. Le Menteur.)
«Un homme entre les deux âges,
«Et tirant sur le grison,
«Jugea qu’il étoit saison
«De songer au mariage.»
(La Fontaine. L’Homme entre deux âges.)

L’usage a maintenu hors de saison pour déplacé, mal à propos.

SALIR L’IMAGINATION, expression nouvelle en 1663, et raillée par Molière:

CLIMÈNE (précieuse ridicule). Peut-on, ayant de la vertu, trouver de l’agrément dans une pièce qui tient sans cesse la pudeur en alarme, et salit à tout moment l’imagination?

ÉLISE. Les jolies façons de parler que voilà!

(Crit. de l’Éc. des fem. 3.)

SANGLIER, dissyllabe:

Partout, dans la Princesse d’Élide:

Où pourrai-je éviter ce sanglier redoutable?
(I. 2.)
J’ai donc vu ce sanglier, qui par nos gens chassé.....
(Ibid.)
Fuir devant un sanglier, ayant de quoi l’abattre!
(Ibid.)

(Voyez la remarque sur le mot OUVRIER, p. 276.)

SANS QUE (l’indicatif), archaïsme, pour si (un substantif) ne, suivi du conditionnel:

Sans que mon bon génie au-devant m’a poussé,
Déjà tout mon bonheur eût été renversé.
(L’Ét. I. 11.)

Si mon bon génie ne m’eût poussé au-devant...

«Sans que je crains de commettre Géronte,
«Je poserois tantôt un si bon guet,
«Qu’il seroit pris ainsi qu’au trébuchet.»
(La Fontaine. La Confidente sans le savoir.)

Sans cette circonstance, savoir, que je crains, etc. Sans cette circonstance, que mon bon génie m’a poussé au-devant.... On doit regretter la perte de cette ellipse, pleine de naturel et de vivacité. Aujourd’hui l’on serait obligé de dire: Si je ne craignois de commettre Géronte, si mon bon génie ne m’eût poussé au-devant. Quand il n’existe qu’une seule tournure pour exprimer les choses, la prose encore s’en accommode, étant tout à fait libre de ses allures; mais, par la suppression des doubles formes et de certains idiotismes, c’est la poésie qu’on ruine, ou, si l’on veut, l’art de la versification.

SATISFAIRE A:

Je ne prétends point qu’il se marie, qu’au préalable il n’ait satisfait à la médecine.

(Pourc. II. 2.)

«Notre grand Hurtado de Mendoza, dit le père, vous y satisfera sur l’heure.»

(Pascal, 7e Prov.)

SAVANTAS:

Et des gens comme vous devroient fuir l’entretien
De tous ces savantas qui ne sont bons à rien.
(Fâcheux. III. 3.)

«Injure gasconne. Le baron de Fæneste se moquoit de tous les savantas

(Furetière.)

SAVOIR ENROUILLÉ:

On s’y fait (à la cour) une manière d’esprit qui, sans comparaison, juge plus finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants.

(Crit. de l’Éc. des f. 7.)

NOUS SAVONS CE QUE NOUS SAVONS:

SGANARELLE. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.

(Méd. m. lui. I. 1.)

Formule de réticence du style familier; espèce de dicton populaire. (Voyez SUFFIT QUE.)

SAVOIR QUELQU’UN, connaître quelqu’un:

Je sais un paysan qu’on appeloit Gros-Pierre.
(Éc. des fem. I. 1.)

SAVOIR SA COUR:

Laissez-moi faire: je suis homme qui sais ma cour.

(Am. magn. II. 2.)

SCANDALE, au sens d’affront, esclandre; FAIRE UN SCANDALE A QUELQU’UN, lui faire un esclandre:

Trouves-tu beau, dis-moi, de diffamer ma fille,
Et faire un tel scandale à toute une famille?
(Dép. am. II. 8.)

Scandale, outre le sens qu’il porte aujourd’hui, avait encore celui d’outrage. Nicot cite, au mot Scandaliser, cette explication de Budée: «Le peuple exprime quelquefois, par scandaliser quelqu’un, ce que les gens bien élevés rendent par reprocher à quelqu’un une faute.» Le Dictionnaire de l’Académie de 1694 consacre les deux acceptions de scandale et scandaliser; Trévoux les maintient encore en 1740.

Scandale est de formation moderne, c’est-à-dire, du XVIe siècle, lorsque l’oreille ne craignait plus les doubles consonnes. Le moyen âge avait tiré de scandalum, esclande, qu’on prononçait éclande, et qui persiste sous cette forme esclandre. L’usage s’est chargé d’attribuer à chacun de ces deux mots une nuance de signification qui rend l’un et l’autre utile; mais c’est une occasion de remarquer: 1o qu’en augmentant le nombre des mots, il a fallu restreindre leur signification, et faire aux nouveaux un apanage aux dépens des anciens; 2o que, selon les époques où ils ont passé dans notre langue, les mots latins ont subi l’empire d’une loi différente. De spatium, spongium, spiritus, le moyen âge avait fait les substantifs espace, esponge, esprit (l’s ne sonnant point); plus tard, après la perte de la tradition primitive, et sous l’influence du pédantisme de la renaissance, on créa les adjectifs spacieux, spongieux, spirituel, qui serrent de plus près la forme latine. Au lieu de spirituel, le moyen âge disait espiritable.

On peut à ce signe reconnaître tout d’abord si tel mot français est antérieur ou postérieur à la renaissance, car le moyen âge n’en avait pas un seul qui commençât par deux consonnes consécutives[77].

SE JOUER, sans complément, pour jouer:

On n’est point capable de se jouer longtemps, lorsqu’on a dans l’esprit une passion aussi sérieuse.....

(Comtesse d’Esc. 1.)

On disait, avec ou sans la forme réfléchie, jouer, ou se jouer, comme combattre, ou se combattre; fuir, dormir, dîner, mourir, ou se fuir, se dormir, se dîner, se mourir.

(Voyez ARRÊTER.)

SE METTRE SUR L’HOMME D’IMPORTANCE, sur le ton ou sur le pied d’homme d’importance:

Je veux me mettre un peu sur l’homme d’importance,
Et jouir quelque temps de votre impatience.
(Mélicerte. I. 3.)

SE... NOUS, corrélatifs:

Se dépouiller entre les mains d’un homme qui ne nous touche de rien.

(Am. méd. I. 5.)

SECOURS, au singulier, les auxiliaires:

Ah, tête! ah, ventre! que ne le trouvé-je tout à l’heure avec tout son secours! que ne paroît-il à mes yeux au milieu de trente personnes!

(Scapin. II. 9.)

SEMBLANT DE RIEN (FAIRE, NE PAS FAIRE). Voyez à la fin de l’article PAS.

SEMBLER DE (un infinitif):

Quand il m’a dit ces mots, il m’a semblé d’entendre:
Va-t’en vite chercher un licou pour te pendre.
(Dép. am. V. 1.)

Pourquoi cette préposition? Commencer de est, par euphonie, pour commencer à, afin d’éviter quelque hiatus; mais sembler se construit avec un second verbe, sans préposition intermédiaire.

Cependant c’est encore la raison d’euphonie qui lui a donné celle-ci; ou, pour mieux dire, il n’y a pas réellement de préposition: il n’y a qu’un d euphonique, vestige de la prononciation primitive. Ce d ou t final armait autrefois toutes les terminaisons en é, soit des substantifs, soit du participe, comme on peut s’en convaincre en jetant les yeux sur les plus anciens monuments de notre langue. «J’ai peched à lui seul,» qu’on lit dans saint Bernard, est comme «il m’a sembled entendre.»

Que l’oreille ait ensuite causé l’erreur de la main, et qu’on ait écrit: il me semble de voir, d’entendre, c’est ce qui est arrivé mainte autre fois. Par exemple, lorsqu’on a mis: Il y en a d’aucuns, pour il y en ad aucuns;—Ma tante pour mat ante; Ante, d’amita, conservé dans l’anglais aunt.

(Voyez D euphonique.)

SEMENCES, figurément, principes; SEMENCES D’HONNEUR:

Isabelle pourroit perdre dans ces hantises
Les semences d’honneur qu’avec nous elle a prises.
(Éc. des mar. I. 4.)

SEMONDRE, exhorter par un sermon, un avis:

De peur que cet objet qui le rend hypocondre
A faire un vilain coup ne me l’allât semondre.
(L’Ét. II. 3.)

M. Auger dérive semondre de submonere, à tort, selon moi. Il a pris cette étymologie dans Nicot, où il aurait fallu la laisser cachée.

La racine de semondre me paraît être sermo; semondre serait alors une forme primitive de sermonner. L’r s’éteignait dans la prononciation, pour éviter deux consonnes consécutives: sermonner, semoner, semonre, enfin semondre, avec un d euphonique, comme dans pondre tiré de ponere, dans moudre, de molere (moul(d)re). Si l’on veut que semondre vienne de monere, il faudra expliquer d’où vient la syllabe initiale se. On ne peut admettre qu’elle représente le latin sub; il n’y en aurait pas d’autre exemple.

On trouve dans Nicot SEMONNEUR, vocator, monitor; n’est-ce pas le même mot que SERMONNEUR? Celui qui fait des sermons et celui qui donne des semonces, n’est-ce pas tout un?

Nous doutons, et nous soumettons nos doutes aux doctes capables de les dissiper.

S’EN RETOURNER, avec la tmèse de en:

Et, dès devant l’aurore,
Vous vous en êtes retourné.
(Amph. II. 2.)

(Voyez EN construit avec un verbe, p. 150.)

SENS, au pluriel; le sens, la signification:

Et les sens imparfaits de cet écrit funeste
Pour s’expliquer à moi n’ont pas besoin du reste.
(D. Garcie. II. 4.)

Les sens imparfaits d’un écrit funeste qui n’ont pas besoin du reste pour s’expliquer, c’est là sans doute ce que la Bruyère appelait du jargon, et il n’y a pas moyen d’y contredire. Hormis quelques fragments, comme la scène de jalousie du IVe acte, cette malheureuse pièce de Don Garcie est entièrement de ce style. Molière, pour cette fois, était sorti de son domaine habituel, la vérité, et il ne pouvait pas mettre un style vrai sur un sujet faux et romanesque.

SENSIBLE, clair, intelligible, qui tombe sous le sens:

Mon malheur m’est visible,
Et mon amour en vain voudroit me l’obscurcir;
Mais le détail encor ne m’en est pas sensible.
(Amph. II. 2.)

SENTIMENTS OUVERTS; PARLER A SENTIMENTS OUVERTS:

Et je crois, à parler à sentiments ouverts,
Que nous ne nous en devons guères.
(Amph. prol.)

SENTIR, construit avec un pronom possessif, suivi d’un substantif; SENTIR SON BIEN:

A l’heure que je parle, un jeune Égyptien,
Qui n’est pas noir pourtant et sent assez son bien,
Arrive, accompagné d’une vieille fort hâve.
(L’Ét. IV. 9.)

Bien, dans cette locution, signifie bonne extraction; sentir son bien né, son homme bien né:

SENTIR SON VIEILLARD, SON HOMME QUI...:

Cela sent son vieillard qui, pour en faire accroire,
Cache ses cheveux blancs d’une perruque noire.
(Éc. des mar. I. 1.)

Votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise.

(Am. méd. I. 1.)

«Mon languaige françois est altéré, et en la prononciation et ailleurs, par la barbarie de mon creu. Je ne veis jamais homme des contrées de deçà qui ne sentist bien evidemment son ramage, et qui ne bleceast les aureilles pures françoises.»

(Montaigne. II. 17.)

«Il y a trop de somptuosité à votre habit: cela ne sent pas sa criminelle assez repentante.»

(La Fontaine. Psyché. II.)

«Cybèle est vieille, Junon de mauvaise humeur; Cérès sent sa divinité de province, et n’a nullement l’air de cour.»

(Id. Ibid.)

SENTIR LE BATON, impersonnel:

C’est qu’il sent le bâton du côté que voilà.
(Dép. am. V. 4.)

SENTIR (SE), avoir la conscience de son être:

Petit serpent que j’ai réchauffé dans mon sein,
Et qui dès qu’il se sent, par une humeur ingrate,
Cherche à faire du mal à celui qui le flatte!
(Éc. des fem. V. 4.)

SERRER, verbe actif, en parlant d’une maladie, peste, fièvre, etc:

Que la fièvre quartaine puisse serrer bien fort le bourreau de tailleur!

(B. gent. II. 7.)

(Voyez FIÈVRE.)

SERVIR SUR TABLE:

GALOPIN. Madame, on a servi sur table.

(Crit. de l’Éc. des fem. 8.)

C’était l’expression consacrée:

«Ainsi dit Gilotin, et ce ministre sage
«Sur table au même instant fait servir le potage.»
(Boileau. Le Lutrin.)

SERVIR DE QUELQUE CHOSE:

Et voilà de quoi sert un sage directeur.
(Éc. des fem. III. 1.)
L’un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères.
(Ibid. I. 1.)

—Dans cette façon de parler, NE SERVIR DE RIEN, on usait d’une inversion au participe passé:

Tout cela n’a de rien servi.

(Préf. de Tartufe et 2e Placet au roi.)

SES, pluriel, précédant deux substantifs au singulier:

Chacun, à ses péril et fortune, peut croire tout ce qu’il lui plaît.

(Mal. im. III. 3.)

Cette façon de parler est tout à fait conforme à l’ancienne langue. Aussi je ne crois pas que la vraie locution soit: à ses risques et périls, mais à ses risque et péril, au singulier.

SEUL, faisant pléonasme avec ne que:

Notre sort ne dépend que de sa seule tête.
(Éc. des fem. III. 1.)
Mais j’entends que la mienne
Vive à ma fantaisie, et non pas à la sienne;
Que d’une serge honnête elle ait son vêtement,
Et ne porte le noir qu’aux bons jours seulement.
(Éc. des mar. I. 2.)
Ce n’est qu’après moi seul que son âme respire.
(Ibid. II. 14.)
Et je n’ai seulement qu’à vous dire deux mots.
(Tart. III. 2.)

Ce n’est que la seule considération que j’ai pour monsieur votre père.

(Pourc. III. 9.)
Ce n’est qu’à l’esprit seul que vont tous les transports.
(Fem. sav. IV. 2.)

Ce tour, qu’on appellerait aujourd’hui un pléonasme, est très-familier aux écrivains du XVIIe siècle:

«Le roi son mari lui a donné jusqu’à la mort ce bel éloge, qu’il n’y avoit que le seul point de la religion où leurs cœurs fussent désunis.»

(Bossuet. Or. f. de la r. d’A.)

SI, pris substantivement; UN SI, une condition:

Ces protestations ne coûtent pas grand’chose,
Alors qu’à leur effet un pareil si s’oppose.
(Dép. am. II. 2.)
«Je te la rends dans peu, dit Satan, favorable;
Mais par tel si, qu’au lieu qu’on obéit au diable
Quand il a fait ce plaisir-là,
A tes commandements le diable obéira.»
(La Fontaine. La Chose impossible.)

Cette locution est très-fréquente dans les poëtes du XIIIe siècle: Le comte de Forest, le fanfaron Lisiard, se vante de faire en moins de huit jours la conquête de la belle Euriant, à condition qu’elle ne sera de rien prévenue:

«Et par si qu’on ne li voist dire.»
(Gibert de Montreuil. La Violette. p. 17.)

Par tel si qu’on n’aille le lui dire, la mettre sur ses gardes.

Il est très-important d’observer que nos pères avaient se et si; se exprimait seul un sens dubitatif, et venait du latin si; au contraire, si n’était jamais dubitatif, aussi venait-il de sic. Cette distinction est essentielle pour l’intelligence de certains archaïsmes.

Plus loin, Lisiard propose à Gérard un défi; Gérard l’accepte, mais en dicte les conditions, et les soumet à la demoiselle affligée qu’il s’agit de venger:

«Et par si soit fait li recors,
S’il me puet ocire et conquerre,
Que vous et toute vostre terre
Serez à son comandement;
Et se je le conquiers, ensement.»
(La Violette. p. 84.)

«Et soit fait notre accord par tel si, que s’il me peut tuer et conquérir, vous lui appartiendrez avec toute votre terre; et de même, si c’est moi qui le conquiers.»

SI (sic), toutefois; ET SI, et pourtant, et encore:

J’ai la tête plus grosse que le poing, et si elle n’est pas enflée.

(B. gent. III. 5.)

SI FAUT-IL, encore faut-il:

MORON. Si faut-il tenter toute chose, et éprouver si son âme est entièrement insensible.

(Pr. d’Él. III. 5.)

Si faut-il bien pourtant trouver quelque moyen.... pour attraper notre brutal.

(Sicilien. 5.)
«On m’a pourvu d’un cœur peu content de soi-même,
«Inquiet, et fécond en nouvelles amours:
«Il aime à s’engager, mais non pas pour toujours;
«Si faut-il une fois brûler d’un feu durable.»
(La Font. Elég. III.)

SI... COMME (sic ut):

Je vous félicite, vous, d’avoir une femme si belle, si sage, si bien faite, comme elle est.

(Méd. m. lui. II. 4.)

Sic pulchra ut est.

Comme, dans l’origine, était le complément naturel de si, aussi, tant.

«Li reis jurad: Si veirement cume Deus vit, David ne murrad.»

(Rois. p. 74.)

«Ki, entre tute ta gent, est si fidel cume David vostre gendre est?»

(Ibid. p. 87.)

Ou sans séparation, sicume (italien, siccome):

«E fud a curt sicume il out ested devant.»

(Rois. p. 74.)

Comme se construisait de même avec tel:

«Deus te face tel merci cume tu m’as mustred ici.»

(Ibid. p. 95.)

«Vous voulez vous guérir de l’infidélité, et vous en demandez les remèdes? Apprenez-les de ceux qui ont été tels comme vous

(Pascal. Pensées. p. 272.)

Comme suppléait que, au grand avantage de l’euphonie:

«Peut-être que tu mens aussi bien comme lui.»
(Corneille. Le Menteur. IV. 7.)
«Qu’il fasse autant pour soi comme je fais pour lui.»
(Id. Polyeucte. III. 3.)

Sur quoi Voltaire dit: «Ce vers est un solécisme; on dit autant que, et non pas autant comme.» Mais pourquoi pas? L’usage? Il était du temps de Corneille en faveur d’autant comme. La logique? C’est un pur latinisme. Les Latins faisaient donc aussi un solécisme, de dire:

Haud ita vitam agerent ut nunc plerumque videmus?
(Lucrèce. III.)

Il est fâcheux que Voltaire ait appuyé une réforme sans motif, qui appauvrit la langue, surtout celle des poëtes, et envieillit les écrivains faits pour rester modèles. J’ai dit que l’emploi de comme relatif avait jadis pour soi l’autorité de l’usage; voici en preuve quelques exemples:

Marot demandant une haquenée à François Ier:

«Savez comment Marot l’acceptera?
«D’aussi bon cueur comme la sienne il donne
«Au fin premier qui la demandera.»
«Ma foi seule, aussi pure et belle
«Comme le sujet en est beau.....»
«Il n’est rien de si beau comme Calixte est belle.»
(Malherbe.)
«Tant qu’a duré la guerre, on m’a vu constamment
«Aussi bon citoyen comme parfait amant.»
(Corneille. Horace.)

Mais tout à coup cette façon de parler a déplu aux grammairiens-jurés de la fin du XVIIe siècle: ils l’ont réprouvée d’un commun accord. Ménage donne pour raison qu’«elle n’est pas naturelle.» (Obs. p. 348.) La nature est ici invoquée bien à propos! Mais est-il prouvé que ce mot que soit plus rapproché de la nature que le mot comme? Est-il sûr que l’usage consacré par une longue suite de siècles, appuyé sur la logique, sur l’étymologie, et fortifié par l’exemple des meilleurs écrivains, doive céder au caprice de trois ou quatre pédants sans autorité que celle qu’ils s’arrogent avec insolence? Cela n’est pas naturel non plus, et pourtant, hélas! cela se voit tous les jours.

Comme, à la place de que, est un archaïsme qui a de la grâce et de la naïveté:

«Catin veut espouser Martin;
«C’est une très-fine femelle!
«Martin ne veut pas de Catin:
«Je le trouve aussi fin comme elle.»
(Marot.)

SI dubitatif (si),... ET QUE...:

S’il ne vous suffit pas de toute l’assurance
Que vous peuvent donner mon cœur et ma puissance,
Et que de votre esprit les ombrages puissants
Forcent mon innocence à convaincre vos sens...
(D. Garcie. IV. 8.)

Ce seroit une chose plaisante si les malades guérissoient, et qu’on m’en vînt remercier!

(D. Juan. III. 1.)

«Si Babylone eût pu croire qu’elle eût été périssable comme toutes les choses humaines, et que une confiance insensée ne l’eût pas jetée dans l’aveuglement.....»

(Bossuet. Hist. un. IIIe p.)

SI, répondant au latin an, utrum:

Et je suis en suspens si, pour me l’acquérir,
Aux extrêmes moyens je ne dois point courir.
(L’Ét. III. 2.)

Je suis dans l’incertitude si je dois me battre avec mon homme, ou bien le faire assassiner.

(Sicilien. 13.)

SI C’ÉTAIT QUE:

Et si c’étoit qu’à moi la chose pût tenir...
(Mis. IV. 1.)

SI (un adjectif) QUE DE (adeò... ut...); tant ou tellement... que de...:

Et j’ai eu un aïeul, Bertrand de Sotenville, qui fut si considéré en son temps que d’avoir permission de vendre tout son bien pour le voyage d’outre-mer.

(G. D. I. 5.)

S’il étoit si hardi que de me déclarer son amour, il perdroit pour jamais ma présence et mon estime.

(Am. magn. II. 3.)

Ouais! je ne croyois pas que ma fille fût si habile que de chanter ainsi à livre ouvert.

(Mal. im. II. 6.)

«Celui-ci le paya d’ingratitude, et fut si méchant que d’oser souiller le lit de son bienfaiteur.»

(La Font. Vie d’Ésope.)

SIÈCLE D’AUJOURD’HUI (AU):

C’est une chose rare au siècle d’aujourd’hui.
(Mis. IV. 1.)

SINGULIER; SINGULIER A, particulier à:

Cette fermeté d’âme, à vous si singulière.
(Fem. sav. V. 1.)

«On dit d’une chose qu’elle est particulière à quelqu’un, mais non pas qu’elle lui est singulière.» (M. Auger.)

Et pourquoi ne le dirait-on pas? On dit bien singulier, sans complément, pour particulier. M. Auger n’a rien repris à ces vers:

Et je ne veux aussi, pour grâce singulière,
Que montrer à vos yeux mon âme tout entière.
(Tart. III. 3.)

Grâce singulière est pourtant bien là pour grâce particulière. Si on laisse au mot singulier le sens de singularis dans un cas, pourquoi ne pas le lui laisser dans l’autre? Pourquoi le permettre sans complément et le défendre, avec un complément?

En général, on critique beaucoup trop par cette formule: cela ne se dit pas. Ce qu’il faut montrer, c’est que cela ne doit pas, ne peut pas se dire, surtout quand cela a été dit par des gens comme Molière, Pascal ou Bossuet.

SINGULIER (verbe au) après un nombre pluriel:

Quatre ou cinq mille écus est un denier considérable.

(Pourc. III. 9.)
Et deux ans, dans le sexe, est une grande avance.
(Mélicerte. I. 4.)

(Voyez C’EST ou EST en accord avec un pluriel, et CE SONT.)

SI PEU QUE DE (un infinitif):

Vous êtes-vous mis dans la tête qu’un homme de soixante-trois ans.... considère si peu sa fille que de la marier avec un homme qui a ce que vous savez?

(Pourc. II. 7.)

(Voyez SI (un adjectif) QUE DE, p. 375.)

SIQUENILLES (sic dans l’édition originale; Ribou, 1669), souquenilles:

Quitterons-nous nos siquenilles, monsieur?

(L’Av. III. 2.)

SITUÉ; AME BIEN SITUÉE:

Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située
Qui veuille d’une estime ainsi prostituée.
(Mis. I. 1.)

L’expression est insolite; cependant nous disons chaque jour, avec l’autorité de l’usage: Avoir le cœur bien placé. C’est la même figure.

SŒURS D’INFORTUNE, comme frères d’armes:

Nous nous voyons sœurs d’infortune.
(Psyché. I. 1.)

SOI, où l’usage moderne emploie lui, elle, eux:

Bien que de vous mon cœur ne prenne point de loi,
Et ne doive en ces lieux aucun compte qu’à soi...
(D. Garcie. II. 5.)
C’est une fille à nous, que, sous un don de foi,
Un Valère a séduite et fait entrer chez soi.
(Éc. des mar. III. 5.)

Apud se, et non apud illum.

Agnès, dit Horace,

N’a plus voulu songer à retourner chez soi,
Et de tout son destin s’est commise à ma foi.
(Éc. des fem. V. 2.)
Je vous dis que mon fils n’a rien fait de plus sage
Qu’en recueillant chez soi ce dévot personnage.
(Tart. I. 1.)
Toi, Sosie?—Oui, Sosie; et si quelqu’un s’y joue,
Il peut bien prendre garde à soi.
(Amph. I. 2.)

Ne voyez-vous pas qu’il tire à soi toute la nourriture, et qu’il empêche ce côté-là de profiter?

(Mal. im. III. 14.)
Cet indolent état de confiance extrême,
Qui le rend en tout temps si content de soi-même.
(Fem. sav. I. 3.)
Ce sont choses, de soi, qui sont belles et bonnes.
(Ibid. IV. 3.)
Le savoir garde en soi son mérite éminent.
(Ibid.)
Il n’est pour le vrai sage aucun revers funeste;
Et, perdant toute chose, à soi-même il se reste.
(Ibid. V. 4.)

Tout le XVIIe siècle a ainsi parlé. Les grammairiens se sont perdus en distinctions et en subtilités pour régler quand il fallait soi, et quand lui. Tout cela est chimérique. Les grands écrivains du temps de Louis XIV se sont guidés bien plus sûrement sur un seul point: partout où le latin mettrait se, ils ont mis soi,

«Qu’il fasse autant pour soi comme je fais pour lui.»
(Corneille. Polyeucte. III. 8.)

Pro se ipso, et non pro illo.

«Mais il se craint, dit-il, soi-même plus que tous.»
(Racine. Androm. V. 2.)

Timet se ipsum.

«Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi
(Id. Phèdre.)

Post se, et non post illum.

«Mais souvent un auteur, qui se flatte et qui s’aime,
«Méconnoît ses défauts et s’ignore soi-même
(Boileau.)

«Il n’ouvre la bouche que pour répondre...... Il crache presque sur soi

(La Bruyère.)

«Idoménée, revenant à soi, remercia ses amis.»

(Fénelon.)

«Tant de profanations que les armes traînent après soi

(Massillon.)

«Dieux immortels, dit-elle en soi-même, est-ce donc ainsi que sont faits les monstres?»

(La Fontaine. Psyché. I.)

On voit qu’il n’est pas besoin de tant raffiner, à la suite de Vaugelas, d’Olivet et les modernes.

SOIENT, monosyllabe:

Et votre front, je crois, veut que du mariage
Les cornes soient chez vous l’infaillible apanage.
(Éc. des fem. I. 1.)
«Qu’ils soient comme la poudre et la paille légère
«Que le vent chasse devant lui.»
(Racine. Esther. I. 5.)

SOIS-JE, dans une formule de souhait:

Sois-je du ciel écrasé si je mens!
(Mis. I. 2.)

Forme excellente, au lieu de puissé-je être.

SOLÉCISMES EN CONDUITE:

Le moindre solécisme, en parlant, vous irrite;
Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite.
(Fem. sav. II. 7.)

SOLLICITER DE QUELQUE CHOSE:

J’ai cru faire assez de fuir l’engagement dont j’étois sollicitée.

(Am. magn. IV. 7.)

Ne me refusez point la grâce dont je vous sollicite.

(L’Av. II. 7.)

SON, SA, SES, se rapportant à un autre mot que le sujet de la phrase:

Je ne puis vous celer que ma fille Célie
Dès longtemps par moi-même est promise à Lélie,
Et que, riche en vertus, son retour aujourd’hui
M’empêche d’agréer un autre époux que lui.
(Sgan. 24.)

Son retour, c’est le retour de Lélie; riche en vertus se rapporte aussi à Lélie, quoique la construction de la phrase semble appliquer ces mots au retour. Il n’y a pas moyen d’excuser cette faute, source d’équivoques.

Jusqu’ici don Louis, qui vit à sa prudence

(La prudence de don Louis.)

Par le feu roi mourant commettre son enfance,

(L’enfance de don Alphonse.)

A caché ses destins aux yeux de tout l’État...

(Les destins d’Alphonse.)

Et bien que le tyran, depuis sa lâche audace,

(L’audace du tyran.)

L’ait souvent demandé pour lui rendre sa place,

(La place d’Alphonse.)

Jamais son zèle ardent n’a pris de sûreté

(Le zèle d’Alphonse.)

A l’appât dangereux de sa fausse équité.
(D. Garcie. I. 2.)

(La fausse équité du tyran.)

Il est difficile d’écrire avec plus de négligence.

On dit bien la surveillance de l’État, mais non les yeux de l’État. L’État est une abstraction, une idée complexe, qui ne saurait être personnifiée jusqu’à prendre des yeux ni des oreilles.

SON, SA, rapportés à un nom de chose:

LYSIDAS (parlant de sa pièce). Tous ceux qui étoient là doivent venir à sa première représentation.

(Crit. de l’Éc. des fem. 7.)

SON avec sentir. (Voyez SENTIR, p. 370.)

SONGER, actif, pour imaginer, méditer:

C’est une foible ruse;
J’en songeois une...—Et quelle?—Elle n’iroit pas bien.
(L’Ét. I. 2.)

J’avois songé une comédie où il y auroit eu un poëte, etc...

(Impromptu. 1.)

SONGER DE (un infinitif); songer à:

Et qu’ils s’étoient promis une foi mutuelle,
Avant qu’il eût songé de poursuivre Isabelle.
(Éc. des mar. III. 6.)

(Voyez p. 99, DE remplaçant A.)

SONT pour font, en style d’arithmétique:

Je crois que deux et deux sont quatre.

(D. Juan. III. 1.)

L’édition d’Amsterdam a corrigé, selon sa coutume, et mis font.

SONT-CE:

Sont-ce encore des bergers?—C’est ce qu’il vous plaira.

(B. gent. I. 2.)

Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire?

(Ibid. II. 6.)

Sont-ce des visions que je me mets en tête?

(Psyché. I. 1.)

(Voyez CE SONT.)

SORTILÉGE; DONNER UN SORTILÉGE A QUELQU’UN, lui jeter un sort:

C’est un sortilége qu’il lui a donné.

(Pourc. III. 9.)

SORTIR HORS:

Tenez, voyez ce mot, et sortez hors de doute.
(Dép. am. I. 2.)
Mais lui fallant un pic, je sortis hors d’effroi.
(Fâcheux. II. 2.)

SOT, terme adouci pour exprimer ce qu’ailleurs Molière appelle crûment un cocu:

Elles font la sottise, et nous sommes les sots.
(Sgan. 17.)
Elle? Elle n’en fera qu’un sot, je vous l’assure.
(Tart. II. 2.)
Épouser une sotte est pour n’être point sot.
(Éc. des mar. I. 1.)
«Il veut à toute force être au nombre des sots
(La Font. La Coupe enchantée.)

SOT, passionné au point d’en perdre le sens:

Si bien donc?—Si bien donc qu’elle est sotte de vous.
(L’Ét. I. 6.)

ÊTRE SOT APRÈS QUELQU’UN, en être assotté:

MARINETTE.
Que Marinette est sotte après son Gros-René!
(Dép. am. IV. 4.)

SOUCIER, verbe actif, comme affliger, chagriner:

Hé! je crois que cela foiblement vous soucie.
(Dép. am. IV. 3.)
«Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
«Me fasse peur, ni me soucie
(La Fontaine. Le Lion et le Moucheron.)

SOUFFRIR, absolument; SOUFFRIR DE QUELQU’UN:

Ciel! faut-il que le rang, dont on veut tout couvrir,
De cent sortes de sots nous oblige à souffrir!
(Fâcheux. I. 6.)

SOUFFRIR QUELQUE CHOSE A QUELQU’UN:

De grâce, souffrez-moi, par un peu de bonté,
Des bassesses à qui vous devez la clarté.
(Fem. sav. I. 1.)

«Mais le père Lemoine a apporté une modération à cette permission générale; car il ne le veut point du tout souffrir aux vieilles

(Pascal. 9e Prov.)

SOUFFRIR A QUELQU’UN DE (un infinitif), lui permettre:

. . . . . . . . . . . . . . . . . . Souffrez à mon amour
De vous revoir, madame, avant la fin du jour.
(Mis. IV. 4.)
Si votre cœur me considère
Assez pour me souffrir de disposer de vous....
(Psyché. I. 3.)

Me est ici au datif, et non à l’accusatif.

SOUPÇON; HORS DE SOUPÇON:

On ne reçoit plus rien qui soit hors de soupçon.
(L’Ét. II. 6.)

Qui soit à l’abri du soupçon, qui ne soit suspect.

SOUPÇONS DE QUELQU’UN:

Ce n’est pas d’aujourd’hui, Nicole, que j’ai conçu des soupçons de mon mari.

(B. gent. III. 7.)

Molière dit soupçons de quelqu’un, comme l’hymen, la vengeance, la jalousie de quelqu’un, c’est-à-dire, relativement à quelqu’un.

SOUPÇON ENTRE DEUX PERSONNES, qui porte sur deux personnes:

Cela ne vous offense point: il ne tombe entre lui et vous aucun soupçon de ressemblance.
(Scapin. II. 7.)

SOUPÇONNER, suspecter:

On soupçonne aisément un sort tout plein de gloire;
Et l’on veut en jouir avant que de le croire.
(Tart. IV. 5.)

SOUS, au lieu de par ou avec:

Enfin je l’ai fait fuir, et, sous ce traitement,
De beaucoup d’actions il a reçu la peine.
(Amph. I. 2.)

Ne prétendez pas vous sauver sous cette imposture.

(L’Av. V. 5.)

SOUS COULEUR, sous prétexte:

Anselme, instruit de l’artifice,
M’a repris maintenant tout ce qu’il nous prêtoit,
Sous couleur de changer de l’or que l’on doutoit.
(L’Ét. II. 7.)

(Voyez COULEUR et COLORÉ.)

SOUS DES LIENS:

La fille qu’autrefois de l’aimable Angélique,
Sous des liens secrets, eut le seigneur Enrique.
(Éc. des fem. V. 9.)
Ce n’est pas à mon cœur qu’il faut que je défère,
Pour entrer sous de tels liens.
(Psyché. I. 3.)

SOUS DES SOINS:

Je ris des noirs accès où je vous envisage,
Et crois voir en nous deux, sous mêmes soins nourris,
Ces deux frères que peint l’École des maris.
(Mis. I. 1.)

L’idée de protection, enfermée dans le verbe nourrir, sauve cette métaphore:

«Parva sub ingenti matris se subjicit umbra
(Virg.)

SOUS L’APPAT DE..., sous le prétexte de:

Ce marchand déguisé,
Introduit sous l’appât d’un conte supposé:
(L’Ét. IV. 7.)

SOUS SA MOUSTACHE:

On n’est point bien aise de voir, sous sa moustache, cajoler hardiment sa femme ou sa maîtresse.

(Sicilien. 14.)

SOUS TANT DE VRAISEMBLANCE:

Quoi! le premier transport d’un amour qu’on abuse
Sous tant de vraisemblance est indigne d’excuse!
(Dép. am. IV. 2.)

SOUS UN DON DE FOI:

C’est une fille à nous, que, sous un don de foi,
Un Valère a séduite et fait entrer chez soi.
(Éc. des mar. III. 5.)

Dans toutes ces locutions, sur serait aussi bien venu que sous. Molière, pour l’emploi de l’un et de l’autre, paraît n’avoir suivi que le hasard, et l’usage l’y autorisait. (Voyez au mot SUR, où l’origine de cette confusion est exposée.)

SOUTENIR LE COURROUX, y persévérer:

Pour vouloir soutenir le courroux qu’on me donne,
Mon cœur a trop su me trahir.
(Amph. II. 6.)

SPIRITUELLE, substantif; UNE SPIRITUELLE:

Moi, j’irois me charger d’une spirituelle
Qui ne parleroit rien que cercle et que ruelle?
(Éc. des fem. I. 1.)

(Voyez RIDICULE, substantif.)

SUBJONCTIF qui en commande un autre, dans une place où nous mettrions aujourd’hui l’indicatif:

J’aurois assez d’adresse pour faire accroire à votre père que ce seroit une personne riche, outre ses maisons, de cent mille écus en argent comptant; qu’elle seroit éperdument amoureuse de lui, et souhaiteroit de se voir sa femme.

(L’Av. IV. 11)

Il est clair qu’en effet la forme conditionnelle est la meilleure dans tout ce passage, qui n’expose qu’une hypothèse.

—Construit avec un présent de l’indicatif:

Que vient de te donner cette farouche bête?
—Cette lettre, monsieur, qu’avecque cette boète
On prétend qu’ait reçue Isabelle de vous.
(Éc. des mar. II. 8.)

On dirait en style moderne: on prétend qu’a reçue. Il est manifeste que le conditionnel est plus juste, puisqu’il s’agit encore ici d’une hypothèse.

(Voyez CONDITIONNELS, FUTURS.)

SUCCÉDER, arriver, réussir, contingere:

Quelque chose de bon nous pourra succéder.
(Dép. am. III. 1.)
Ces maximes, un temps, leur peuvent succéder.
(D. Garcie. II. 1.)

SUCCÈS, issue d’une affaire, dans le sens du latin exitus, sans impliquer l’idée de bien ni de mal:

Ce qu’on voit de succès peut bien persuader
Qu’ils ne sont pas encor fort près de s’accorder.
(L’Ét. V. 12.)
J’en viens d’entendre ici le succès merveilleux.
(Ibid. V. 15.)
Adieu; nous en saurons le succès dans ce jour.
(Dép. am. I. 2.)
Daignez, je vous conjure,
Attendre le succès qu’aura cette aventure.
(Ibid. III. 7.)
Hé bien! ce beau succès que tu devois produire?
(Ibid. III. 9.)
Vous vous tromperez.—Soit. J’en veux voir le succès.
—Mais...—J’aurai le plaisir de perdre mon procès.
(Mis. I. 1.)

SUCRÉE (FAIRE LA), faire la prude, la renchérie:

Elle fait la sucrée, et veut passer pour prude.
(L’Ét. III. 2.)

—Qui, moi?—Oui; vous ne faites point tant la sucrée.

(G. D. I. 6.)

SUFFISANCE, en bonne part; HOMME DE SUFFISANCE:

Homme de suffisance, homme de capacité.

(Mar. for. 6.)

Dans le XVIIe siècle, suffisant et suffisance se prenaient en bonne part, au sens de qui suffit à quelque chose. Voici les exemples que donne Furetière: «Le roi a des ministres qui sont d’une grande suffisance, d’une grande capacité, d’une grande pénétration.» Et au mot SUFFISANT: «Se dit d’un grand mérite et de la sotte présomption. Le roi cherche des gens qui soient suffisants, et capables de remplir les prélatures et les grandes charges.»

SUFFISANT DE (un infinitif), qui suffit; qui suffit à, capable de:

Bon Dieu! que de discours!
Rien n’est-il suffisant d’en arrêter le cours?
(Dép. am. II. 7.)
«Je me déchargerai d’un faix que je dédaigne,
«Suffisant de crever un mulet de Sardaigne.»
(Regnier. Sat. VI.)

SUFFIT QUE, suivi d’un verbe à l’indicatif:

Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.

(Méd. m. lui. I. 1.)

Nous savons ce que nous savons, cela suffit, c’est en dire assez. Il suffit que nous sachions présenterait un sens tout autre.

SUITE; EN SUITE DE. (Voyez ENSUITE DE.)

SUITE, développement:

Don Alphonse dit à dona Elvire, qui vient de réciter trente-cinq vers sans interruption:

J’ai de votre discours assez souffert la suite.
(D. Garcie. V. 5.)

D’UNE LONGUE SUITE, très-suivi:

Et tâcher, par des soins d’une très-longue suite,
D’obtenir ce qu’on nie à leur peu de mérite.
(Mis. III. 1.)

SUITE, conséquence:

Un avis dont la suite
Vous réduit au parti d’une soudaine fuite.
(Tart. V. 6.)
Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfants, un ménage.
(Fem. sav. I. 1.)

SUIVRE LE COURROUX DE QUELQU’UN, s’y associer:

Assembler des amis qui suivent mon courroux.
(Amph. III. 5.)

SUIVRE QUELQU’UN AU DESSEIN DE (un infinitif):

Bon.—Et moi, pour vous suivre au dessein de tout rendre....
(Dép. am. IV. 3.)

Pour vous imiter dans ce dessein.

SUIVRE SA POINTE:

Quel diable d’étourdi, qui suit toujours sa pointe!

(Scapin. III. 11.)

SUJET à la première personne, et le verbe à la troisième. (Voyez PRONOM.)

SUJET SOUS-ENTENDU autre que le sujet exprimé:

Elle vous diroit bien qu’elle vous trouve bon,
Et qu’elle n’est point d’âge à lui donner ce nom.
(Tart. I. 2.)

Elle n’est point d’âge à ce qu’on puisse lui donner.

Le besoin de brièveté, joint à la clarté de l’expression, paraît plus que suffisant à excuser cette légère inexactitude.

SUPERFLU DE LA BOISSON (LE), périphrase qui s’entend de reste:

Je m’étois amusé dans votre cour à expulser le superflu de la boisson.

(Méd. m. lui. III. 5.)

SUPPORT, dans le sens moral; appui:

Elle n’a ni parent, ni support, ni richesse.
(Éc. des fem. III. 5.)
L’éclat d’une fortune en mille biens féconde
Fera connoître à tous que je suis ton support.
(Amph. III. 11.)

SUPPORTER QUELQU’UN DANS, comme nous disons soutenir dans:

Nous ne sommes point gens à la supporter dans de mauvaises actions.

(G. D. I. 4.)

SUPPRESSION; A MA SUPPRESSION, en me supprimant, m’excluant:

A ma suppression il s’est ancré chez elle.
(Éc. des fem. III. 5.)

Comme on dit à mon profit, à mon dam.

Bossuet a dit: «Au grand malheur des hommes ingrats.»

(Or. fun. de la R. d’A.)

SUR LE FIER; SE TENIR SUR LE FIER:

Mais puisque sur le fier vous vous tenez si bien.....
(Mélicerte. I. 3.)

SUR PEINE DE, sous peine de:

On ne doit de rimer avoir aucune envie,
Qu’on n’y soit condamné sur peine de la vie.
(Mis. IV. 1.)

Mais à condition......... que vous n’en ouvrirez la bouche à personne du monde, sur peine de la vie.

(Am. magn. II. 3.)

«Madame, qui de tous poins veoit le seigneur de Saintré à combattre meu et desliberé, feloneusement luy dist: Sire de Saintré, nous voulons et vous commandons, sur peine d’encourir nostre indignacion, que incontinent tous deux vous desarmez.»

(Le Petit Jehan de Saintré.)

«Les seigneurs du Carthage, voyants que leur pays se despeuploit peu à peu, feirent desfense expresse, sur peine de mort, que nul n’eust plus à aller par là.»

(Montaigne. I. 30.)

«Si mon fils a jamais des enfants, je veux qu’ils étudient au collége de Clermont, sur peine d’être déshérités.»

(St.-Évremond. Convers. du P. Canaye.)

«Est-ce un article de foi qu’il faille croire, sur peine de damnation?»

(Pascal. 18e Prov.)

On écrivait originairement sor et soz; quand la consonne finale était muette, comme l’o sonnait le plus souvent ou, la prononciation confondait pour l’oreille sour et souz; de là l’emploi indifférent de l’un ou de l’autre dans certaines locutions consacrées, comme sur peine et sous peine.

(Voyez des Var. du lang. fr., p. 430.)

SUR LE PIED DE (un infinitif):

Et veulent, sur le pied de nous être fidèles,
Que nous soyons tenus à tout endurer d’elles.
(Éc. des fem. IV. 8.)

Sous prétexte qu’elles nous sont fidèles; s’appuyant sur ce qu’elles nous sont fidèles.

SUR UN SEMBLANT:

Chargement de la publicité...