Lexique comparé de la langue de Molière et des écrivains du XVIIe siècle
Prince, comme jusqu’ici nous avons fait paroître une conformité de sentiments, et que le ciel a semblé mettre en nous, etc.
«Comme elle possédoit son affection.... et que son heureuse fécondité redoubloit tous les jours les sacrés liens...»
«Comme c’est la vocation qui nous inspire la foi, et que c’est la persévérance qui nous transmet à la gloire....»
«Comme il fut sorti de Delphes, et que il eut pris le chemin de la Phocide.....»
—COMME pour que; S’ÉTONNER COMME...:
Je m’étonne comme le ciel les a pu souffrir si longtemps.
(Voyez ADMIRER COMME.)
—TOUT COMME, adverbialement:
COMMENCER DE:
Commencer à paraît avoir été la forme primitive; c’est celle qu’emploie le plus ancien monument connu de notre langue:
«Saul estoit fis d’un an, quand il comencad a regner.»
Mais plus tard, quand le d euphonique fut tombé, par l’influence de la langue écrite sur la langue parlée, le soin de l’euphonie suggéra d’éviter l’hiatus, en construisant aussi avec de tous ces verbes qui se construisaient déjà avec à.
(Voyez DE remplaçant à entre deux verbes.)
COMMENT, comme, à quel point:
Vous ne sauriez croire comment l’erreur s’est répandue, et de quelle façon chacun s’est endiablé à me croire médecin!
Comment, c’est-à-dire, à quel point l’erreur s’est répandue. (Voyez COMME.)
COMMERCE, AVOIR COMMERCE CHEZ QUELQU’UN:
.... Cette marquise agréable chez qui j’avois commerce.
COMMETTRE A QUELQU’UN, lui confier:
—COMMETTRE QUELQU’UN A UN SOIN:
Je vous commets au soin de nettoyer partout.
Le substantif commis n’est autre chose que le participe passé de ce verbe, et se construit de même avec le datif: un commis aux aides, commis à la douane.
—COMMETTRE (SE) DE.... se confier relativement à:
Agnès, dit Horace,
De est ici le de latin.
COMPAGNONS, pour confrères:
COMPAS; RÉGLÉ PAR COMPAS:
COMPASSER, verbe actif, mesurer au compas, c’est-à-dire, examiner à la rigueur:
COMPATIR AVEC, être compatible avec:
L’engagement ne compatit point avec mon humeur.
COMPÉTITER:
Furetière et Trévoux ne donnent que compétiteur. Il y a grande apparence que compétiter est forgé par Gros-René d’après ce substantif. On dit, en termes de droit, compéter, mais dans une autre acception que compétiter.
COMPLAISANT A....:
Mais, au moins, sois complaisante aux civilités qu’on te rend.
COMPLEXION; ÊTRE DE COMPLEXION AMOUREUSE...:
Ah, ah! vous êtes donc de complexion amoureuse?
COMPLIMENT; ÊTRE SANS COMPLIMENT, sans façon:
—Devoir à quelqu’un un compliment de quelque chose, c’est-à-dire, la politesse de lui en donner avis:
COMPOSER (SE) PAR ÉTUDE:
Là, tâchez de vous composer par étude; un peu de hardiesse, et songez à répondre résolument sur tout ce qu’il pourra vous dire.
CONCERT DE MUSIQUE:
Il faut qu’une personne comme vous... ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis.
M. Auger blâme cette expression, comme redondante. Il est vrai qu’aujourd’hui l’on a restreint le mot concert à signifier concert de musique, mais ce n’est pas l’acception essentielle du mot; la preuve en est qu’on dit également bien un concert de louanges, un concert d’intrigues. Concerter ne s’applique pas exclusivement à la musique, et déconcerter ne s’y applique pas du tout.
Tout le XVIIe siècle a dit concert de musique.
CONCERTÉ, en parlant d’un seul, par exemple, du ciel:
Une aventure, par le ciel concertée, me fit voir la charmante Élise.
Concertée veut dire simplement ici préparée.
CONCLURE DE, suivi d’un infinitif:
(Voyez DE remplaçant à entre deux verbes.)
CONCURRENCE; BONHEUR QUI EST EN CONCURRENCE:
En effet, l’amour d’Horace n’a plus à craindre de concurrent, puisque Agnès s’est enfuie du logis d’Arnolphe, pour se mettre sous sa protection.
CONDAMNER D’UN CRIME, c’est-à-dire, pour un crime, à cause d’un crime; latinisme, damnare de...:
Pascal a dit de même blâmer de:
«Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix, car vous n’en savez rien.»
(Voyez DE dans tous les sens du latin de.)
CONDITIONNELS: deux conditionnels, le second commandé par le premier:
Pour moi, j’aurois toutes les hontes du monde, s’il falloit qu’on vînt à me demander si j’aurois vu quelque chose de nouveau que je n’aurois pas vu.
Nous dirions aujourd’hui, si j’ai vu; mais on suivait alors pour les conditionnels une certaine loi de symétrie qui s’appliquait aussi aux futurs. (Voyez FUTURS.)
S’il falloit qu’il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirois hautement que tu en aurois menti.
Je leur disois que si quelqu’un leur venoit dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu’il en auroit menti.
Je croirois que la conquête d’un tel cœur ne seroit pas une victoire à dédaigner.
Si je n’étois sûre que ma mère étoit honnête femme, je dirois que ce seroit quelque petit frère qu’elle m’auroit donné depuis le trépas de mon père.
L’usage actuel mettrait: Je dirais que c’est quelque petit frère qu’elle m’a donné, etc.
La Fortune dit à l’enfant qu’elle trouve endormi sur le rebord d’un puits:
Cette symétrie, empruntée du latin, était, dans l’ancienne langue, une règle inflexible. Guillemette dit à Patelin, son mari, dans la scène de la folie feinte:
Si adjutorium haberem, te ligarem.
Et Patelin, moqué par Aignelet:
Pascal ne manque jamais à cette loi:
«Si vous ne m’aviez dit que c’est le père le Moine qui est l’auteur de cette peinture, j’aurois dit que c’eût été quelque impie qui l’auroit faite, à dessein de tourner les saints en ridicule.»
«S’il s’en trouvoit qui crussent que j’aurois blessé la charité que je vous dois en décriant votre morale...»
—CONDITIONNEL construit avec un indicatif:
Si je me dispense ici de m’étendre sur les belles et glorieuses vérités qu’on pourroit dire d’elle, c’est par la juste appréhension que ces grandes idées ne fissent éclater encore davantage la bassesse de mon offrande.
Racine a dit de même, dans Andromaque:
Sur quoi d’Olivet élève une chicane grammaticale aussi pédante qu’elle est injuste. Rien n’est plus logique, ni plus irréprochable que cette alliance de temps, puisqu’il existe entre les deux l’ellipse bien claire d’une condition:—on craint (si l’on me laissait mon fils) qu’il n’essuyât un jour, etc......—Je me dispense de cet éloge, de peur que (si je l’essayais) le contraste des idées ne fît ressortir la bassesse de mon offrande.
De peur que (si je laissais la porte ouverte) elle ne revînt.
(Voyez Subjonctif.)
CONDUITE, direction:
—CONDUITE, celui qui conduit, comme sentinelle, garde, celui qui fait sentinelle, celui qui garde:
CONFIRMER QUELQU’UN A (un infinitif), le fortifier dans la résolution de...:
CONFORME, absolument, et en sous-entendant le complément:
Philinte veut dire que le caractère d’Éliante se rapproche du caractère d’Alceste, et qu’ainsi Alceste, choisissant Éliante au lieu de Célimène, eût fait un choix plus conforme à ses goûts et à ses principes.
Cette absence du complément paraît rendre l’expression trop vague, et laisser la pensée incertaine.
CONGÉ, permission:
Nous n’oserons plus trouver rien de bon sans le congé de messieurs les experts.
CONGRATULANT, adjectif verbal, comme chatouillant:
CONSCIENCE; C’EST UNE CONSCIENCE, c’est-à-dire, un cas de conscience:
C’est une conscience de voir une pauvre jeune femme mariée de la façon.
CONSEILLER; (SE) CONSEILLER A QUELQU’UN, prendre le conseil de quelqu’un:
Je me suis même encore aujourd’hui conseillé au ciel pour cela.
Mais si je me conseillois à vous pour ce choix?
—Si vous vous conseilliez à moi, je serois fort embarrassé.
«Comment Panurge se conseille à Her Trippa.—Comment Panurge se conseille à Pantagruel.»
Sur le fréquent emploi des verbes réfléchis au commencement de la langue, voyez au mot Arrêter.
CONSENTIR, verb. act., CONSENTIR QUELQUE CHOSE:
—CONSENTIR QUE, accorder que:
Consentir à ce que rendrait une pensée différente. Alceste ne consent pas à ce que la lettre de Célimène soit pour un autre; il consent, c’est-à-dire, il accorde par hypothèse qu’elle soit pour un autre que lui.
Si consentir que eût été une expression fautive ou seulement insolite, il était facile à Molière de mettre:
Pascal, Montaigne et Molière lui-même disent, consentir que pour à ce que:
«Elle (la société de Jésus) consent qu’ils gardent leur opinion, pourvu que la sienne soit libre.»
«Homere a esté contrainct de consentir que Venus feust blecée au combat de Troie.»
CONSÉQUENCE; CHOSE DE CONSÉQUENCE:
Que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m’en donner avis?
En vérité, monsieur, ce procès m’est d’une conséquence tout à fait grande.
«Je laisserai beaucoup de petites choses où il fit paroître la vivacité de son esprit.........; elles sont de trop peu de conséquence pour en informer la postérité.»
«J’ai pensé que le sujet des disputes de Sorbonne étoit........ d’une extrême conséquence pour la religion.»
—CONSÉQUENCE (FAIRE OU NE FAIRE POINT DE):
Un homme mort n’est qu’un homme mort, et ne fait point de conséquence.
Ne produit pas de suites.
—HOMME DE CONSÉQUENCE:
Prépare-toi désormais à vivre dans un grand respect avec un homme de ma conséquence.
CONSIDÉRABLE, digne d’être considéré, en parlant des personnes et des choses:
Comme je sais que vous êtes une personne considérable, je voudrois vous prier.....
Ah! mon père, le bien n’est pas considérable lorsqu’il est question d’épouser une honnête personne.
Le bien n’est pas à considérer.
La noblesse, de soi, est bonne; c’est une chose considérable assurément.
—CONSIDÉRABLE A QUELQU’UN:
Monsieur, votre vertu m’est tout à fait considérable.
«Ces raisons ont..... rendu leur condition (des hommes) si considérable à l’Eglise, qu’elle a toujours puni l’homicide qui les détruit....»
CONSIDÉRATION; A LA CONSIDÉRATION DE, c’est-à-dire, en considération de:
Je vous donne ma parole, don Pèdre, qu’à votre considération, je vais la traiter du mieux qu’il me sera possible.
CONSOLATIF:
Je suis homme consolatif, homme à m’intéresser aux affaires des jeunes gens.
Pascal a dit consolatif à..... et consolatif pour....:
«Discours bien consolatif à ceux qui ont assez de liberté d’esprit..., etc.»—«Un beau mot de saint Augustin est bien consolatif pour de certaines personnes.»
Consolatif paraît formé de consoler, aussi légitimement que récréatif de récréer, portatif de porter, etc.
CONSOMMER, consumer:
—SE CONSOMMER DANS QUELQUE CHOSE:
On dit encore, au participe, il est consommé dans son art; on disait autrefois se consommer dans un art, dans une science, dans la pratique de la vertu, etc., etc.
C’est-à-dire éclate au plus haut degré.
La confusion entre consommer et consumer a été signalée par Vaugelas comme une faute, à la vérité commune chez de bons écrivains, mais enfin comme une faute.
Ménage, sans en donner une bonne raison, n’a pas voulu se rendre à la décision de Vaugelas; mais l’Académie l’a adoptée, et le sens des racines commanderait en effet la distinction, si consommer venait de summa, et consumer de sumere. Je n’en crois rien: consumere est la seule racine des deux formes. L’usage de prononcer le um latin par on (voyez Matrimonion) a conduit tout d’abord à traduire consumere par consommer.
«Ceste qualité estouffe et consomme les aultres qualités vrayes et essentielles.»
Alors la forme consumer n’existait pas; consommer était seul; car il faut toujours se rappeler que notre langue a été soumise à deux systèmes de formation très-différents. Consommer est le mot de première époque, et consumer le mot de seconde époque. L’archaïsme luttait encore du temps de Molière.
CONSTAMMENT, avec constance:
CONSTITUER A, c’est-à-dire, préposer à....:
Je vous constitue pendant le souper au gouvernement des bouteilles.
CONSTRUCTIONS IRRÉGULIÈRES:
La passion légitime qui trouble Orgon excuse le dérangement grammatical de sa phrase. On le comprend d’ailleurs très-bien. C’est comme s’il disait: Je voudrois donner... et pouvoir, etc...
C’est bien la moindre chose que je vous doive, après m’avoir sauvé la vie.
Après que vous m’avez sauvé la vie;—mais l’autre façon est incomparablement plus rapide.
C’est-à-dire: Si l’un de nous peut montrer..., l’autre lui fera place.
J’oserais blâmer cette construction, à cause de l’ambiguïté. Rejetant mes vœux se rapporte à votre bouche; la construction grammaticale semble le rapporter à mon cœur, qui est le sujet de ce second membre de phrase.
Dans l’ordre naturel, l’action de voir a précédé celle de rire. Virgile a dit pareillement:
Si l’on commençait par mourir, il ne serait plus temps ensuite de se jeter au milieu des ennemis. Les grammairiens, habiles à couvrir de beaux noms les fautes échappées aux grands poëtes, ont trouvé pour celle-là le terme imposant d’hystérologie, c’est-à-dire renversement de l’ordre, qui met devant ce qui devait être derrière. La faute de Virgile, en bonne foi, n’est pas justifiable; celle de Molière le serait peut-être davantage, en ce qu’on peut dire que l’action de rire et celle de voir sont simultanées.
(Voyez PARTICIPE PRÉSENT.)
CONSULTER, absolument et sans régime, comme délibérer:
Laissez-moi consulter un peu si je le puis faire en conscience.
—CONSULTER, verb. act.: consulter quelque chose: une maladie, un procès, c’est-à-dire, délibérer là-dessus:
J’ai ici un ancien de mes amis, avec qui je serai bien aise de consulter sa maladie.
Voici un habile homme, mon confrère, avec lequel je vais consulter la manière dont nous vous traiterons.
Je vous prie de me mener chez quelque avocat, pour consulter mon affaire.
CONTE; DONNER D’UN CONTE PAR LE NEZ. Voy. NEZ.
CONTENTÉ DE (ÊTRE), être payé, récompensé de:
CONTENTEMENT, construit avec le verbe être:
Elle dit que ce n’est pas contentement pour elle que d’avoir cinquante-six ans.
Ce n’est pas contentement pour l’injure que j’ai reçue.
Ce n’est pas satisfaction pour l’injure que j’ai reçue.
CONTESTE:
Conteste est le substantif de contester, dont la forme primitive est contrester (contra stare). Les Italiens disent contrastar, et nous avons formé, à une époque relativement récente, contraste, qui est au fond le même mot que conteste. On a oublié la loi qui changeait l’a des Latins en e français:
«Li marescaus de nostre ost esgarda devant un casal, et pierchut la gent Barile qui venoient huant et glatissant,et menant li grand tempieste, que bien cuidoient contrester à nos fourriers.»
Nicot écrit contr’ester, et cite pour exemple cette phrase:—«Onc n’avoit trouvé homme qui luy peust contr’ester en champ de bataille Guy de Warwich.»
M. B. Lafaye fait cette distinction chimérique:—«Le conteste est une simple difficulté; la contestation en est la manifestation.» (Synon., p. 391). L’un est le mot ancien, et l’autre le moderne: le sens est identique.
CONTRADICTOIRE A:
CONTRAIRE PARTI:
... Il se venge hautement en prenant le contraire parti.
Corneille avait dit, dans Cinna:
La prose de Molière nous montre que la locution était ainsi faite, et non parti contraire.
CONTRARIÉTÉS, taquineries par représailles:
Il faut noter dans ce mot un exemple de la substitution des liquides l et r. Les racines sont contra et alium; la forme primitive du verbe était contralier.—Dans Partonopeus:
Nous disons armoire (d’armarium, racine, arma), et nous avons raison; nos aïeux écrivaient almarie, almoire, qu’ils prononçaient par au, aumarie, aumoire. (Voyez les Rois, passim.) C’était l’inverse de la faute que nous commettons en disant contrarier, pour contralier.
CONTREFAISEUR DE GENS:
Point de quartier à ce contrefaiseur de gens.
CONTREFAIT, simulé; UN ZÈLE CONTREFAIT:
.... Attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistiquée.
CONVULSIONS DE CIVILITÉS:
COQUIN ASSURÉ, effronté coquin:
Marot, dans son Épistre au Roi, pour avoir esté desrobé:
CORDE: SI LA CORDE NE ROMPT, formule empruntée au métier du danseur de corde:
CORRESPONDANCE; DE LA CORRESPONDANCE, du retour:
Quoi! écouter impudemment l’amour d’un damoiseau, et y promettre en même temps de la correspondance!
On dit bien, dans ce sens, correspondre à l’amour de quelqu’un; pourquoi pas correspondance à l’amour?
COTE DE SAINT LOUIS; ÊTRE DE LA CÔTE DE SAINT LOUIS, d’une antique noblesse:
Est-ce que nous sommes, nous autres, de la côte de saint Louis?
Comme Ève était de la côte d’Adam.
COUCHER DE, mettre au jeu; figurément:
Coucher de signifie être au jeu pour une somme de: «parce qu’en effet on couche, on étend l’argent sur une table, sur une carte..... On le dit figurément des paroles: Ce garçon ne demande pas moins qu’une fille de 100,000 écus; il couche trop gros.—Il ne couche pas moins que de faire employer pour lui toutes les puissances.......»
Sur quoi Voltaire remarque qu’on disait, en termes de jeu, couché de 20 pistoles, de 30 pistoles; couché belle.
Les éditions modernes ont tu payes. Ce n’était pas la peine de changer, pour prêter à Molière une faute de versification.
COULEUR, métaphoriquement, faux prétexte, mensonge:
(Voyez Douter.)
Ils ont l’art de donner de belles couleurs à toutes leurs intentions.
Molière a dit, par la même métaphore, excuses colorées.
«Des peuples surprins soubs couleur d’amitié et de bonne foy.»
Cette métaphore est restée en usage parmi le peuple: C’est une couleur; on lui a donné une couleur.
«Au reste, leurs injustices (des Romains) étoient d’autant plus dangereuses, qu’ils savoient mieux les couvrir du prétexte spécieux de l’équité, et qu’ils mettoient sous le joug insensiblement les rois et les nations, sous couleur de les protéger et de les défendre.»
—COULEUR DE FEU, subst. masc.; UN COULEUR DE FEU:
Je vous trouve les lèvres d’un couleur de feu surprenant.
Couleur de feu est ici un terme composé, dans lequel le mot couleur, pas plus que le mot feu, ne fait prédominer son genre. L’ensemble est au neutre, dont, en français, la forme ne se distingue pas de celle du masculin.
COUPER A, couper court à:
—COUPER CHEMIN A:
COURIR A, recourir:
COURAGE, non pas dans le sens restreint de valeur, mais dans le sens large du latin animus, disposition morale qu’une épithète détermine en bien ou en mal:
COURRE; COURRE UN LIÈVRE:
Quand il vous plaira, je vous donnerai le divertissement de courre un lièvre.
C’est la forme primitive dérivée de currere, comme ponre (pondre) de ponere. Il est demeuré comme terme de chasse. Des vocabulaires techniques seraient de précieux répertoires de notre vieille langue.
COURT, pris adverbialement:
—DEMEURER COURT A QUELQUE CHOSE:
N’as-tu point de honte, toi, de demeurer court à si peu de chose?
—COURT, adjectif; COURT DE, pour à court de....:
Sur l’emploi de à dans ce passage, voyez: A, par le moyen de.
—COURT JOINTÉ (court est ici adverbe), terme de manége; cheval court jointé, comme celui du chasseur dans les Fâcheux:
«Court jointé, c’est le nom qu’on donne au cheval qui a le paturon court, qui a les jambes droites depuis le genou, jusqu’à la couronne.»
COUSU DE PISTOLES:
On viendra me couper la gorge, dans la pensée que je suis tout cousu de pistoles!
La Fontaine:
COUVRIR, au figuré, excuser, autoriser, dissimuler:
Je veux changer de batterie, couvrir le zèle que j’ai pour vous, et feindre d’entrer, etc.
«Nostre religion est faite pour extirper les vices: elle les couvre, les nourrit, les incite.»
CRACHÉ, TOUT CRACHÉ, c’est-à-dire ressemblant:
Lucas. Le v’là tout craché comme on nous l’a défiguré.
Cette métaphore, aujourd’hui reléguée parmi le bas peuple, était, au XVIe siècle, du langage ordinaire. Pathelin, qui, comme avocat, s’exprime toujours bien, l’emploie sans difficulté. Il loue le drapier, monsieur Jousseaume, de ressembler à défunt son père:
Plus loin, faisant à sa femme le récit de cette scène:
Observez que nos pères disaient c’êtes vous, et non c’est vous. Ils gardaient au moins l’accord des personnes, en quoi ils se montrent meilleurs logiciens que leur postérité.
CRAINTE, adverbialement; CRAINTE DE....:
Pascal emploie de la même façon manque:
«Manque de loisir; manque d’avoir contemplé ces infinis.»
Et l’usage commun a consacré faute de...., c’est-à-dire de ou par crainte, manque, faute.
Le peuple dit peur de.... Le caprice de l’usage n’a point admis cette expression.
CRAYON, un dessin, une esquisse:
Ce n’est ici qu’un simple crayon, un petit impromptu, dont le roi a voulu faire un divertissement.
CRÉDIT, PRENDRE CRÉDIT SUR:
CRIER QUELQU’UN, LE GRONDER:
Cet archaïsme rappelle le petit pays où Agnès a été élevée loin de toute pratique, comme dit Arnolphe.
—CRIER APRÈS QUELQU’UN:
... de zèles indiscrets qui... crieront en public après eux, qui les accableront d’injures.
Ses plus célèbres philosophes (de l’antiquité) ont donné des louanges à la comédie, eux qui.... crioient sans cesse après les vices de leur siècle.
—CRIER VENGEANCE AU CIEL:
Voilà qui crie vengeance au ciel.
CRINS-CRINS, de méchants violons, par onomatopée:
CROIRE, actif; CROIRE QUELQUE CHOSE, croire à quelque chose:
Un Turc, un hérétique, qui ne croit ni ciel, ni saint, ni Dieu, ni loup-garou......
Mais encore faut-il croire quelque chose dans le monde. Qu’est-ce donc que vous croyez?
Molière emploie croire quelque chose et croire à quelque chose:
Un homme qui croit à ses règles plus qu’à toutes les démonstrations des mathématiques.
—CROIRE A QUELQU’UN:
A qui croire des deux?
Et, au contraire, dans l’Étourdi:
—CROIRE DU CRIME A QUELQUE CHOSE:
Un homme qui croit à ses règles plus qu’à toutes les démonstrations des mathématiques, et qui croiroit du crime à les vouloir examiner.
Qui croiroit qu’il y a du crime. La forme elliptique de Molière est cent fois préférable.
CUL-DE-COUVENT, comme cul-de-basse-fosse, cul-de-sac, c’est-à-dire sac, fosse, et couvent sans issue par l’extrémité opposée à l’entrée:
Voltaire a beaucoup raillé cette expression, cul-de-sac: la métaphore peut manquer de noblesse (quoique, après tout, l’habitude efface le relief de ces locutions), mais elle ne manque pas de justesse, puisque le sac se tient assis sur son fond, et qu’une personne obstinée à traverser une impasse n’en viendrait non plus à bout qu’une obstinée à sortir d’un sac par le fond.
Cul-de-couvent est par analogie. Ce terme énergique est arraché à Arnolphe par la fureur. On voit qu’il est, comme au reste il le dit lui-même, poussé à bout.
CURIOSITÉS au pluriel, dans la même acception qu’au singulier:
Molière, en ce passage, s’est rencontré avec un poëte du XIIIe siècle, Gibert de Montreuil, qui introduit Gérard de Nevers chantant, dans un couplet:
D EUPHONIQUE:
Il a du dor à son habit tout depis le haut jusqu’en bas.
Dans l’origine du langage, tous les mots étaient armés d’une consonne finale, pour préserver la voyelle précédente du choc et de l’élision contre une voyelle initiale du mot suivant. Quelquefois cette voyelle est demeurée attachée au commencement du mot auquel elle n’appartenait pas. Ainsi le substantif or avait fait le verbe orer, comme argent, argenter; mais, par suite de quelque locution, comme c’est oré, on aura écrit c’est doré, et le mot dorer est resté.
Ma(t) ante (mea amita) est, par la même façon, devenu ma tante. (Voyez au mot D’AUCUNS).
Le d euphonique jouait un grand rôle dans l’ancienne prononciation; on le trouve écrit à chaque page du Livre des Rois, de la Chanson de Roland, des Sermons de saint Bernard, etc.
«Cument Semeï ki maldist nostre seignur le rei escaperad il de mort?»
Nous écrivons aujourd’hui entre deux tirets échappera-t-il; il est certain cependant que ce t final appartient au verbe, dont il caractérise la troisième personne.
«Il y en a d’aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents.»
Le d appartient au verbe: il y en ad, comme dans ce vers du Roland:
«Dans la poignée dorée de Durandal il y a beaucoup de reliques.»
Il serait donc mieux d’imprimer avec dud or..... Il y en ad aucunes.
Mais comme le sens des traditions se perd souvent, on a cru que ce d était l’initiale du second mot, et on l’a si bien cru, que l’usage s’en est établi, et que l’Académie le ratifie en permettant de commencer une phrase par d’aucuns: d’aucuns ont dit, d’aucuns ont pensé..... d’aucuns croiront que j’en suis amoureux..... On voit ici l’origine de cette méprise. C’est justement comme si l’on disait un jour: Mes souliers sont pétroits, sous prétexte qu’on fait sonner le p dans trop étroits.
(Voyez sur le D euphonique: Des Variations du langage français, p. 92 et 339).
D’ABORD QUE:
DADAIS. Voy. MALITORNE.
DAME! exclamation:
Oh! dame, interrompez-moi donc!...
Dame est la traduction primitive de dominum, par syncope domnum, et, par une prononciation altérée, damne, dame, damp. Ce mot s’appliquait au masculin:
Dame Dieu, damp abbé.
Dam-Martin, damp-Pierre, et autres noms propres, déposent encore du sens et de l’étymologie de dame.
Ainsi, cette exclamation signifie simplement Seigneur!
DANS pour à:
N’allez point pousser les choses dans les dernières violences du pouvoir paternel.
—DESCENDRE DANS DES HUMILITÉS:
—S’INTÉRESSER DANS QUELQUE CHOSE:
—DANS L’ABORD, au commencement, dès l’abord:
—DANS LA DOUCEUR, en douceur:
Pour moi, je ne le cèle point, je souhaite fort que les choses aillent dans la douceur.
—DANS UNE HUMEUR (ÊTRE):
Vous êtes aujourd’hui dans une humeur désobligeante.
—ASSASSINER QUELQU’UN DANS SON BIEN, SON HONNEUR:
On m’assassine dans le bien, on m’assassine dans l’honneur.
—COMPRENDRE QUELQU’UN DANS SES CHAGRINS:
DATIF, de perte ou de profit:
A qui la bourse?—Ah, dieux, elle m’étoit tombée!
Exciderat mihi.
Me chasser, me réparer, pour chasser, réparer à moi, à mon bénéfice, ne sont pas conformes à l’usage et ne paraissent pas désirables, à cause de l’équivoque qui peut en résulter.
—DEUX PRONOMS AU DATIF placés consécutivement:
Allons, monsieur, faites le dû de votre charge, et dressez-lui-moi son procès comme larron et comme suborneur.
—DATIF marquant la cause, l’occasion:
Dans les tendres sentiments, à l’occasion des tendres sentiments.
L’emploi du datif ou de l’ablatif, car c’est tout un, pour exprimer ce qu’on rend aujourd’hui avec la préposition dans, est un latinisme qui remonte à l’origine de la langue. Je me contenterai de deux exemples pris chez Montaigne:
«De toutes les absurdités, la plus absurde aux epicuriens est desadvouer la force et l’effet des sens.»
«C’est à l’adventure quelque sens particulier qui.... advertit les poulets de la qualité hostile qui est au chat contre eux.»
Absurdum est epicureis;—inest feli. Cette tournure, qui va se perdant chaque jour, était encore en pleine vigueur du temps de Molière. (Voyez AU, AUX, pour dans).
—DATIF REDOUBLÉ, ou non redoublé:
Non redoublé:
Redoublé:
(Voyez A, datif redoublé surabondamment.)
DAUBER QUELQU’UN, QUELQUE CHOSE, au figuré:
Je les dauberai tant en toutes rencontres, qu’à la fin ils se rendront sages.
On m’a dit qu’on va le dauber, lui et toutes ses comédies, de la belle manière.
—DAUBER SUR QUELQU’UN:
D’AUCUNS, D’AUCUNES:
Il y en a d’aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents.
Cette façon de parler n’est explicable que comme un reste de l’ancien langage français, et par le d euphonique. L’écriture a mal figuré l’expression en attachant le d à aucuns; c’est au verbe qu’il appartient: il y en ad aucunes.
Ensuite de cette méprise, dont l’œil seulement, et non l’oreille, pouvait s’apercevoir, s’est établi l’usage de commencer une phrase par d’aucuns: d’aucuns ont pensé...
(Voyez D euphonique, et DE devant certains.)
DAVANTAGE QUE:
Jacqueline. Pour un quarquié de vaigne qu’il avoit davantage que le jeune Robin.
Il n’y a rien assurément qui chatouille davantage que les approbations que vous dites.
Tous les grammairiens condamnent hautement cette façon de parler; et tous nos plus habiles écrivains l’ont employée: Amyot, la Bruyère, Sarrasin, Molière, Bouhours, Bossuet, J. J. Rousseau. (Des variations du langage français, p. 425.)
Le substantif avantage se construit avec sur. Davantage (de ou par avantage) marque une comparaison, et se construit comme plus, avec la marque du comparatif que. L’idée de l’adjectif au comparatif prévaut sur la forme du substantif.
Dire, comme font les grammairiens, que davantage est adverbe, par conséquent incapable d’un régime, c’est ne rien dire; c’est mettre en fait le point en question. Au reste, deux autorités sont en présence, on n’a qu’à choisir.
«La foiblesse de l’homme paroît bien davantage en ceux qui ne la connoissent pas qu’en ceux qui la connoissent.»
«Il est impossible que cette surprise ne fasse rire, parce que rien n’y porte davantage qu’une disproportion surprenante entre ce qu’on attend et ce qu’on voit.»
«Je puis dire devant Dieu qu’il n’y a rien que je déteste davantage que de blesser la vérité.»
«L’une en prisant davantage le temporel que le spirituel.»
«Voulez-vous être rare? Rendez service à ceux qui dépendent de vous. Vous le serez davantage par cette conduite que par ne pas vous laisser voir.»
«Quel astre brille davantage dans le firmament que le prince de Condé n’a fait en Europe?»
«Une tuile qui tombe d’un toit peut nous blesser davantage, mais ne nous navre pas tant que une pierre lancée à dessein par une main malveillante.»
Mais voici l’oracle qui abat toutes autorités:
«Davantage NE PEUT PAS être suivi d’un complément, comme dans: J’aime davantage la campagne que la ville. Il faut, dans ce cas, employer l’adverbe plus.»
Il faut, paraît bien dur en présence de telles autorités!
DE, dans tous les sens du latin de, touchant, par, à cause de, pour:
Noli damnare me de luctu.
Il me faudroit des journées entières pour me bien expliquer à vous de tout ce que je sens.
Ce sont particulièrement ces dernières pour qui je suis, et dont je sens fort bien que je ne pourrai me taire quelque jour.
Silere de aliqua re.
Molière dit de même;—se découvrir de quelque chose;—désavouer de quelque chose;—éluder de... (Voyez ces mots.)
Quid esset de vita?
«J’ai veu un gentilhomme de bonne maison aveugle nay, au moins aveugle de tel aage qu’il ne sçait que c’est de veue.»
De n’est pas ici marque du génitif: comparaison de mine, de cœur, etc.; c’est le latin de, comme dans ces formules de moi, de soi, pour quant à moi, quant à soi; et dans celles-ci, de l’Allemagne;—de la prière;—de la grâce;—de l’amitié. Comparaison quant à la mine, au cœur, etc.
Le même emploi de de paraît dans cet autre passage: Agnès, dit Horace,
C’est un pur latinisme:—Confidere alicui de aliqua re.—Et ce latinisme remonte à l’origine de la langue:
«E tut li poples oïd cume li Reis fist sun cumandement de Absalon.»
De remplit encore l’office du de latin dans cette locution de rien; cela ne sert de rien:
.... se dépouiller de l’un et de l’autre (sa fille et sa fortune) entre les mains d’un homme qui ne nous touche de rien.
C’est-à-dire en rien; de (nulla) re; de nihilo, nullatenus.
—DE exprimant la cause, la manière, et répondant à par, avec, pour:
Après quelques paroles dont je tâchai d’adoucir la douleur de cette charmante affligée.
Nous faisons maintenant la médecine d’une façon toute nouvelle.
On dit tous les jours, par la même tournure, de gré ou de force; c’est-à-dire, par gré ou par force.
Avec mépris, avec le même air, le même langage.
Je ne vois pas d’autre explication possible à cette locution, traiter du haut en bas, qu’en traduisant du par avec: avec le haut en bas, en mettant en bas ce qui est en haut; c’est-à-dire, en renversant, bouleversant cette personne, en lui mettant la tête aux pieds.
Pour s’emploie plus communément à cet usage: Qu’ont-ils fait pour ne jouir d’aucun hommage?
—DE, entre deux verbes, le second à l’infinitif:
Dans ce dernier passage, on pourrait peut-être construire de avec forfait: le forfait d’avoir offensé vos beaux yeux.
Est-ce pour rire, ou si tous deux vous extravaguez, de vouloir que je sois médecin?
—DE, entre deux substantifs, où il ne marque pas le génitif du second, mais en fait la qualification du premier:
D’Olivet essaye d’expliquer le tour par un latinisme, parce que Plaute a dit: Scelus viri, monstrum mulieris.
Vaugelas trouve ce de «bien étrange, mais bien françois.»
—DE, représentant que le:
Chose étrange que le soin... que l’aimer! l’infinitif pris substantivement.
La construction grammaticale est: la chose d’aimer,... la chose de voir,... le fait du soin... est étrange. Les infinitifs voir, aimer, sont ici de véritables substantifs; et cette façon d’employer de rentre dans l’article précédent, où l’on voit de entre deux substantifs, servant à qualifier le premier par le second.
(Voyez DU.)
—DE, remplaçant à entre deux verbes:
La crainte fait en moi l’office du zèle..., et me réduit d’applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste.
Molière prend cette tournure pour fuir l’hiatus: me réduit à applaudir.—Je vous apprendrai à... Il dit de même commencer de... obliger de... chercher de. (Voyez ces mots.)
Une galère turque où on les avoit invités d’entrer.
Cet amas d’actions indignes dont on a peine d’adoucir le mauvais visage.
Peine à adoucir serait insupportable.
«Il exhorta le poëte de ne plus faire de vers la nuit.»
Le XVIIe siècle employait sans difficulté de pour à, comme aussi devant pour avant.
Voyez CHERCHER DE,—COMMENCER DE,—CONCLURE DE,—FEINDRE DE et FEINDRE A.
—DE, et non des, devant un adjectif que l’on traite aujourd’hui comme incorporé au substantif:
On dirait aujourd’hui, sans scrupule, des bons mots.—Bon mot n’étant considéré que pour un substantif, comme jeune homme.
—DE, entre deux substantifs, marquant le sens actif du premier sur le second:
Chez les Latins, amor patris signifiait aussi bien la tendresse du père au fils que celle du fils au père; c’était au reste de la phrase à déterminer l’acception active ou passive. Molière a dit de même, la contrainte des parents, pour exprimer, non la contrainte qu’ils subissent, mais celle qu’ils imposent:
Il y en a d’aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents.
(Voyez aux mots CHOIX, CHOSE, HYMEN.)
—DE; supprimé après aimer mieux.... suivi d’un infinitif:
—Après à moins que, suivi d’un infinitif:
—Après avant que, suivi d’un infinitif:
—Après plutôt que, suivi d’un infinitif:
Cela paraît une concession à la mesure, car ailleurs Molière exprime le de:
—Après valoir mieux que, suivi d’un infinitif:
—Après quelque chose:
—Dans cette locution, rien de tel:
Il n’est rien tel en ce monde que de se contenter.
«Il n’est rien tel que les jésuites.»
—Après vous plaît-il, suivi d’un infinitif:
Vous plaît-il, don Juan, nous éclaircir ces beaux mystères.
—DE, surabondant, après valoir mieux:
Il leur vaudroit bien mieux, les pauvres animaux, de travailler beaucoup et de manger de même.
Il vaut bien mieux pour vous de prendre un vieux mari qui vous donne beaucoup de bien.
Il me vaudroit bien mieux d’être au diable que d’être à lui.
Après prétendre:
C’est en vain que tu prétendrois de me le déguiser.
—Surabondant avec dont et en:
Ce n’est pas de ces sortes de respects dont je vous parle.
Ce n’est pas de vous, madame, dont il est amoureux.
(Voyez A répété surabondamment.)
—Devant besoin; IL EST DE BESOIN:
—Devant certains:
Il y a de certains impertinents au monde qui viennent prendre les gens pour ce qu’ils ne sont pas.
—Devant aucuns:
Il y en a d’aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents.
(Voyez D euphonique.)
—Devant coutume dans cette locution, avoir de coutume:
... Pour vous ôter l’envie de nous faire courir toutes les nuits, comme vous aviez de coutume.
—Après à quoi bon, suivi d’un infinitif:
A quoi bon de dissimuler?
—DÉ, particule inséparable en composition:
De avait en latin la même valeur, et Lucile, par le même procédé que Molière, avait forgé deargenture, depeculare et depoculare, voler de l’argent, des coupes:
«Depeculassere[48] aliqua, sperans me ac deargentassere.»
«Me impune irrisum depeculatumque eis.»
(Voyez DÉSATTRISTER, DÉSENAMOURER, DÉSUISSER.)
DÉ, TENIR LE DÉ, par métaphore empruntée au jeu, où le dé passe de main en main:
—TENIR LE DÉ A (un infinitif):
DÉBATTU, pour contesté:
DE BOUT EN BOUT, d’un bout à l’autre, complétement:
DÉBUTER A QUELQU’UN, avec quelqu’un:
Par où lui débuter, signifie que lui dire d’abord. Lui est donc aussi recevable dans une locution que dans l’autre; il n’y a que la différence de l’usage.
DE CE QUE, dans le sens de parce que:
Ce n’est pas tant la peur de la mort qui me fait fuir, que de ce qu’il est fâcheux à un gentilhomme d’être pendu.
DÉCHANTER; FAIRE DÉCHANTER; métaphoriquement troubler, déranger dans ses entreprises:
Il te fait sortir du ton et perdre la mesure.
DÉCHARPIR, séparer des combattants acharnés l’un contre l’autre:
Nicot, et Trévoux après lui, donnent le verbe charpir; charpir de la laine, carpere lanam; et par composition, décharpir, charpir entièrement, comme définir, de finir.
Il nous reste encore le substantif charpie.
Décharpir les combattants, est regrettable comme terme expressif; séparer est loin d’atteindre à la même énergie.
DÉCORUM (GARDER LE) DE:
DÉCOUCHER (SE), se lever:
C’est un archaïsme:
«Quand ce vint à l’endemain, toutes les mesnies de l’ostel s’assemblerent, et vinrent au seigneur à l’heure qu’il fut descouché.»
Dans le récit de l’assassinat du connétable de Clisson par Pierre de Craon:
«Duquel coup il (Clisson) versa jus de son cheval, droit à l’encontre de l’huis d’un fournier, qui jà estoit descouché pour ordonner ses besognes et faire son pain et cuire.»
DÉCOUVRIR (SE) DE...:
(Voyez DE dans tous les sens du latin de.)
—DÉCOUVRIR QUELQU’UN (un adjectif), démontrer qu’il est ce que marque l’adjectif:
Tous les hommes sont semblables par les paroles; ce n’est que les actions qui les découvrent différents.
DE FORCE OU D’INDUSTRIE, par force ou par adresse:
(Voyez DE exprimant la cause, la manière.)
DE LA FAÇON, ainsi, de cette sorte:
DÉCRIS au pluriel:
Le décri est une défense faite à cri public. Cri et crier ont fait décri et décrier: c’est revenir sur la permission ou l’ordonnance proclamée par le cri.
De là l’expression figurée, tomber dans le décri.
DEDANS, préposition:
Dedans, dessus, dessous, devers, suivis d’un complément, sont aussi vieux que la langue française. Je ne vois pas sur quelle autorité l’on a prétendu, depuis un demi-siècle, les restreindre au rôle d’adverbes. C’est apparemment pour leur inventer une valeur différente de celle de la forme simple dans, sur, sous, vers, dont ils ne sont qu’une variante. Mais après avoir proclamé, d’une manière absolue, qu’il n’y avait dans aucune langue deux mots parfaitement synonymes, il fallait nécessairement reviser la nôtre, constituer à chacun de ses mots un apanage, et le circonscrire, sans égard pour les anciennes limites; autrement cette profonde maxime eût été bien vite renversée.
C’est ce qui fait que Molière, Pascal et Bossuet sont remplis de solécismes posthumes.
«Ceux qui ont la foi vive dedans le cœur voient...»