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Lexique comparé de la langue de Molière et des écrivains du XVIIe siècle

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Il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net,
D’épouser une fille en dépit qu’elle en ait.
(Fem. sav. V. 1.)

FAIRE FAUX BOND A L’HONNEUR:

Mais il faut qu’à l’honneur elle fasse faux bond...
(Éc. des fem. III. 2.)

FAIRE FORCE A (un substantif), forcer, contraindre:

Je veux bien néanmoins, pour te plaire une fois,
Faire force à l’amour qui m’impose des lois.
(L’Ét. IV. 5.)

FAIRE GALANTERIE DE (un infinitif). Voyez GALANTERIE.

FAIRE LA COMÉDIE:

Ne voulez-vous point, un de ces jours, venir voir avec elle le ballet et la comédie que l’on fait chez le roi?

(B. gent. III. 5.)

FAIRE LES HONNEURS DE QUELQUE CHOSE:

Faisons bien les honneurs au moins de notre esprit.
(Fem. sav. III. 4.)

FAIRE MÉTIER ET MARCHANDISE DE:

Ces gens qui, par une âme à l’intérêt soumise,
Font de dévotion métier et marchandise.
(Tart. I. 6.)

SE FAIRE LES DOUCEURS D’UNE INNOCENTE VIE:

Et, de cette union de tendresse suivie,
Se faire les douceurs d’une innocente vie.
(Fem. sav. I. 1.)

FAIRE PARAITRE (SE), se montrer:

La douceur de sa voix a voulu se faire paroître dans un air tout charmant qu’elle a daigné chanter.

(Pr. d’Él. III. 2.)

FAIRE POUR QUELQU’UN, agir pour lui, le protéger:

Dieu fera pour les siens.
(Dép. am. III. 7.)
C’est ce qui fait pour vous; et sur ces conséquences
Votre amour doit fonder de grandes espérances.
(Éc. des mar. I. 6.)

(Voyez FAIRE CONTRE QUELQU’UN.)

FAIRE SCRUPULE, causer du scrupule:

Ce nom (de gentilhomme) ne fait aucun scrupule à prendre.

(B. gent. III. 12.)

FAIRE SEMBLANT QUE....:

Profitons de la leçon si nous pouvons, sans faire semblant qu’on parle à nous.

(Crit. de l’Éc. des fem. 7.)

FAIRE SON POUVOIR, faire son possible:

Faites votre pouvoir, et nous ferons le nôtre.
(Dép. am. I. 2.)

C’était l’expression du temps:

«J’ai fait mon pouvoir, sire, et n’ai rien obtenu.»
(Corneille, Le Cid. I. 6.)

FAIRE UNE BOURLE (bourle, de l’italien burla, moquerie):

.... Une certaine mascarade que je prétends faire entrer dans une bourle que je veux faire à notre ridicule.

(B. gent. III. 14.)

(Voyez BOURLE.)

FAIRE UNE VENGEANCE DE QUELQU’UN; en tirer vengeance:

Et je prétends faire de lui une vengeance exemplaire.

(Scapin. III. 7.)

FAIT A (un infinitif), habitué à....:

Car les femmes y sont faites à coqueter.
(Éc. des fem. I. 6.)

FAIT, substantif; C’EST UN ÉTRANGE FAIT QUE....:

C’est un étrange fait que, avec tant de lumières,
Vous vous effarouchiez toujours sur ces matières.
(Ibid. IV. 8.)

LE FAIT DE QUELQU’UN; tout ce qui le concerne, sa conduite, sa fortune, etc....:

Tout son fait, croyez-moi, n’est rien qu’hypocrisie.
(Tart. I. 1.)
Je crains fort pour mon fait quelque chose approchant.
(Amph. II. 3.)

Bienheureux qui a tout son fait bien placé!

(L’Av. I. 4.)

Dans La Fontaine:

«Le malheureux, n’osant presque répondre,
«Court au magot, et dit: C’est tout mon fait
(Le Paysan qui a offensé son seigneur.)

DIRE SON FAIT A QUELQU’UN:

Il me donna un soufflet, mais je lui dis bien son fait!

(Pourc. I. 6.)

FALLANT, participe présent de falloir:

Mais lui fallant un pic, je sortis hors d’effroi.
(Fâcheux. II. 2.)

Comme il lui fallait un pique. Le participe abrège singulièrement, et mériterait pour cela seul d’être en usage.

FALLOT, plaisant, grotesque; TRAIT FALLOT:

Sans ce trait fallot,
Un homme l’emmenoit, qui s’est trouvé fort sot.
(L’Ét. II. 14.)
«. . . . . . . . Hé quoi, plaisant fallot,
«Vous parlerez toujours, et je ne dirai mot?»
(Th. Corneille, Jodelet prince.)
«Là, par quelque chanson fallote,
«Nous célébrerons la vertu
«Qu’on tire de ce bois tortu.»
(St.-Amand.)

«Falot se prend aussi pour un muguet, compagnon de village:—Un gentil falot

(Nicot.)

Au sens propre, le substantif falot est très-ancien dans notre langue, où il est venu de la basse latinité. Dans les actes de Minutius Félix (ap. Baron. ad ann. 303), on trouve déjà cereofalum, un falot de cire; et dans une charte de l’évêché d’Amiens, en 1240, falæ signifie les torches employées aux enterrements.

Falæ était traduit failles en français:

«Et des murs toutes les entrailles
«Portent brandons et mettent failles
(R. d’Athis et Prophil.)
«Failles emportent et brandons;
«Tot en resplent (resplendit) la regions.»
(R. de la Guerre de Troie.)

De faille ou fale, le diminutif falot.

Falot se trouve dans Albert Mussato, de Padoue, qui écrivait, au commencement du XIVe siècle, la chronique des gestes d’Henri VI: «Soudain ils voient briller, au sommet de la Gorgone, une sorte de signal par le feu, qu’ils appellent falot: quod ipsi falo nuncupabant.»—Sur quoi Nicolas Villani fait une note pour expliquer ce que c’est qu’un falot, et il dérive ce mot du grec φαλὸς, dérivé lui-même du verbe φάλω, briller.

Il est à remarquer que ceux dont il est question, et que désigne le mot ipsi, ce sont les Padouans. Falot, ou plutôt falo, était donc, vers 1300, un terme italien. On le retrouve en effet dans la chronique de Modène: «Et ex hoc facti fuerunt magni falo mutinæ.»

(Ap. Muratori, t. 15.)

Fallodia, fallogia, dans les chroniques italiennes du moyen âge, sont des illuminations.

J’ai insisté sur l’origine de ce mot, parce qu’il a causé beaucoup de tortures aux érudits; on peut voir dans Trévoux les peines qu’ils se sont données pour tirer falot du saxon bal, ou du chaldéen lappid, changé en peled, qui se serait à son tour transformé en falot.

Le passage du sens propre au sens métaphorique ne peut arrêter personne. Il est tout naturel de comparer un homme gai, facétieux, folâtre, à une flamme qui joue sous le vent. Les Latins disaient, par une figure pareille, igniculi ingenii (Quintilien).

(Voyez Du Cange aux mots Falo, Phalæ, Fallodia.)

FAMEUX, au sens de considérable, important:

Et me donner le temps qui sera nécessaire
Pour tâcher de finir cette fameuse affaire.
(L’Ét. IV. 9.)
Oui, je suis don Alphonse; et mon sort conservé
Est un fameux effet de l’amitié sincère
Qui fut entre son prince et le roi notre père.
(D. Garcie. V. 5.)
Et ce fameux secret vient d’être dévoilé.
(Ibid. V. 6.)

Cet emploi de fameux, qui paraît avoir été du style noble du temps de Molière, est aujourd’hui une des formes triviales du langage du peuple.

Quoi! faut-il que pour moi vous renonciez, seigneur,
A cette royale constance
Dont vous avez fait voir, dans les coups du malheur,
Une fameuse expérience?
(Psyché. II. 1.)

Royale constance, fameuse expérience, laissent trop voir la précipitation de l’écrivain.

FANFAN, terme de tendresse et de mignardise:

Oui, ma pauvre fanfan, pouponne de mon âme.
(Éc. des mar. II. 14.)

C’est la dernière syllabe du mot enfant, redoublée, à l’imitation des enfants eux-mêmes.

FANFARONNERIE:

C’est pure fanfaronnerie
De vouloir profiter de la poltronnerie
De ceux qu’attaque notre bras.
(Amph. I. 2.)

La fanfaronnade est l’expression de la fanfaronnerie.

FATRAS au pluriel:

Et se charger l’esprit d’un ténébreux butin
De tous les vieux fatras qui traînent dans les livres.
(Fem. sav. IV. 3.)

FAUT, de faillir:

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le cœur me faut.
(Éc. des fem. II. 2.)

De même de défaillir, défaut:

«Que si la frayeur nous saisit de sorte que le sang se glace si fort que tout le corps tombe en défaillance, l’âme défaut en même temps.»

(Bossuet. Connaissance de Dieu. p. 115.)

Dans l’édition in-12, imprimée en 1846 chez MM. Didot, l’éditeur a mis: «l’âme semble s’affaiblir.» De pareilles corrections sont de véritables sacriléges. Comment n’a-t-on pas vu l’intention de ce rapprochement entre les mots défaillance et défaillir? comment, à cette expression énergique l’âme défaut, a-t-on osé substituer cette misérable et lâche expression, semble s’affaiblir? comment enfin se trouve-t-il des mains qui osent toucher à Bossuet, et mutiler sa pensée?

FAUTE, absence, manque; IL VIENT FAUTE DE:

S’il vient faute de vous, mon fils, je ne veux plus rester au monde.

(Mal. im. I. 9.)

FAUX, dans le sens de méchant, félon, déloyal:

Mais le faux animal, sans en prendre d’alarmes,
Est venu droit à moi, qui ne lui disois rien.
(Pr. d’Él. I. 2.)

FAUX BOND. Voyez FAIRE FAUX BOND.

FAUX MONNOYEURS EN DÉVOTION:

..... Toutes les grimaces étudiées de ces gens de bien à outrance, toutes les friponneries couvertes de ces faux monnoyeurs en dévotion....

(1er Placet au Roi.)

FAVEUR, ressource, protection:

Afin que pour nier, en cas de quelque enquête,
J’eusse d’un faux-fuyant la faveur toute prête.
(Tart. V. 1.)

On dit encore tous les jours à la faveur de: il a nié, à la faveur d’un faux-fuyant.

FAVEURS ÉTROITES. Voyez ÉTROIT.

FEINDRE A (un infinitif), hésiter à.....:

Tu feignois à sortir de ton déguisement.
(L’Ét. V. 8.)
Vous ne devez point feindre à me le faire voir.
(Mis. V. 2.)

Nous feignions à vous aborder, de peur de vous interrompre.

(L’Av. I. 5.)

FEINDRE DE (un infinitif), même sens:

Ainsi, monsieur, je ne feindrai point de vous dire que l’offense que nous cherchons à venger..... etc.

(D. Juan. III. 4.)

Je ne feindrai pas de dire, de faire, c’est-à-dire, je dirai, je ferai réellement, sincèrement.

Nous ne feignons point de mettre tout en usage.

(Pourc. I. 3.)

Je ne feindrai point de vous dire que le hasard nous a fait connoître il y a six jours.

(Mal. im. I. 5.)

FEINDRE, suivi d’un infinitif sans préposition, hésiter, comme feindre à, et feindre de:

Feindre s’ouvrir à moi, dont vous avez connu
Dans tous vos intérêts l’esprit si retenu!
(Dép. am. II. 1.)

La reine de Navarre construit pareillement feindre avec un infinitif, sans préposition intermédiaire:

«Le seigneur de Bonnivet, pour luy arracher son secret, feignit luy dire le sien.»

(Heptam., nouvelle 14.)

La vieille langue employait se faindre, pour exprimer s’épargner à quelque chose, ne faire que le semblant de.....

«Ne se doit pas faindre de luy aider.....»
«De luy aider ne se va pas faignant
(Ogier. V. 9632 et 9638.)

Nicot dit: «Se faindre, parcere labori, remittere, summittere. Sans se faindre, sedulo.—Se faindre, prævaricari. Tu te fains à jouer; non bona fide ludis

Montaigne emploie se feindre absolument, pour feindre, comme se jouer, pour jouer; se mourir, pour mourir:

«Pour revenir à sa clemence (de César), nous en avons plusieurs naïfs exemples au temps de sa domination, lorsque, toutes choses estant reduictes en sa main, il n’avoit plus à se feindre

(Mont. II. 33.)

FEMME DE BIEN, recevant comme un adjectif la marque du comparatif:

Croyez-moi, celles qui font tant de façons n’en sont pas estimées plus femmes de bien.

(Crit. de l’Éc. des fem. 3.)

FERME, adverbialement:

Vous me parlez bien ferme! et cette suffisance...
(Mis. I. 2.)
Allons, ferme! poussez, mes bons amis de cour!
(Ibid. II. 5.)

(Voyez PREMIER QUE, FRANC, NET.)

FERMER, métaphoriquement; FERMER LES MOYENS DE:

C’est que vous voyez bien que tous les moyens vous en sont fermés.

(G. D. III. 8.)

Vous en sont interdits. (Voyez OUVRIR.)

FÉRU, blessé, de férir, archaïsme, dans le sens restreint de rendre amoureux:

Peut-être en avez-vous déjà féru quelqu’une?
(Éc. des fem. I. 6.)

FESTINER QUELQU’UN, lui offrir un festin:

C’est ainsi que vous festinez les dames en mon absence!

(B. gent. IV. 2.)

FEU, invariable:

Je tiens de feu ma femme, et je me sens comme elle
Pour les désirs d’autrui beaucoup d’humanité.
(Mélicerte. I. 4.)
Et l’on dit qu’autrefois feu Bélise, sa mère...
(Ibid. II. 7.)

Furetière qualifie ce terme substantif, et il lui donne, comme à un adjectif, un féminin: le feu roi, la feue reine. Il nous apprend même que les notaires de province usent du pluriel furent, en parlant de deux personnes conjointes et décédées, ce qui, ajoute-t-il, marque que ce mot vient de fuit et de fuerunt. C’est une raison pour maintenir feu invariable. Dans le temps que la notation eu sonnait u, l’on prononçait fu mon père, fu ma mère (fut mon père, fut ma mère); l’ignorance des origines a laissé s’introduire, à la suite d’une mauvaise orthographe, une mauvaise prononciation qui a prévalu; en sorte qu’aujourd’hui cette espèce de prétérit-adverbe est transformé en un véritable adjectif.

Nicot dérive feu de defunctus, et le qualifie adjectif; puis il ajoute: «Aussi le pourrait-on extraire de cette tierce personne fuit..... comme feut signifiant en ce sens a esté ou fut, c’est-à-dire, a vescu et n’est plus.»

C’est la bonne étymologie.

FEU QUI SE RÉSOUT EN ARDEUR DE COURROUX:

Tout son feu se résout en ardeur de courroux.
(Dép. am. V. 8.)

FIEFFÉ, FOU FIEFFÉ:

Peste du fou fieffé!

(Méd. m. lui. I. 1.)

Fieffé est celui à qui l’on a donné un fief, ce qui suppose un homme en son genre excellant par-dessus ses confrères. Cette locution se rapporte aux mœurs du moyen âge. Aujourd’hui qu’il n’y a plus de fiefs, mais des brevets d’invention, on dirait, par une expression tout à fait correspondante: un fou breveté.

FIER, adjectif; ÊTRE FIER A QUELQU’UN:

Oh! qu’elles nous sont bien fières par notre faute!
(Dép. am. IV. 2.)

FIÈVRE QUARTAINE (VOTRE)......., sorte de serment elliptique:

... Si vous y manquez, votre fièvre quartaine!....
(L’Ét. IV. 8.)

Si vous y manquez, vous consentez à être pris de la fièvre quartaine; jurez sur votre fièvre quartaine.

C’est aussi une espèce d’exclamation imprécatoire: Que la fièvre quartaine te serre! ta fièvre quartaine!

Dans l’explication entre le prêtre et le pelletier, joués par Pathelin:

LE PREBSTRE.
«Je ne le congnois nullement.
«Il m’a dit que presentement
«Vous confesse, et que payerez
«Tres-bien, et si me baillerez
«Argent, pour dire une douzaine
«De messes.
LE PELLETIER.
Sa fiebvre quartaine!»
(Le nouv. Pathelin.)
LE PREBSTRE.
«Vuyde dehors, fol insensé,
«Car il est temps que tu t’en partes.
LE PELLETIER:
«Et je feray, tes fiebvres quartes
(Ibid.)

FIGURE, dans le sens restreint de forme. Molière a dit, en ce sens, la figure du visage:

Et de ces blonds cheveux, de qui la vaste enflure
Des visages humains offusque la figure.
(Éc. des mar. I. 1.)

Offusque la forme des visages humains.

TENIR LA FIGURE DE:

Je vous laisse à penser si, dans la nuit obscure,
J’ai d’un vrai trépassé su tenir la figure.
(Éc. des fem. V. 2.)

Cette acception de figure se rapporte à celle de FIGURER. (Voyez ce mot.)

FIGURER, se rapportant à tout l’extérieur, à la configuration, en quelque sorte:

Voici monsieur Dubois plaisamment figuré.
(Mis. IV. 2.)

.... Une vieille tante qui.... nous figure tous les hommes comme des diables qu’il faut fuir.

(B. gent. III. 10.)

FILER DOUX:

Tu n’es pas où tu crois; en vain tu files doux.
(Amph. II. 3.)

Doux est adverbial, comme franc, ferme, net, clair, soudain, etc., dans des locutions analogues.

FILET, diminutif de fil:

Il semble, à vous entendre, que monsieur Purgon tienne dans ses mains le filet de vos jours, et que, d’autorité suprême, il vous l’allonge ou le raccourcisse comme il lui plaît.

(Mal. im. III. 7.)

Trévoux indique encore filet comme diminutif de fil, tenue filum; et Regnier décrivant le costume de son pédant:

«Les Alpes en jurant lui grimpoient au collet,
«Et la Savoy, plus bas, ne pend qu’à un filet
(Sat. X.)

FILLE A SECRET, capable de garder un secret:

Ascagne, je suis fille à secret, Dieu merci.
(Dép. am. II. 1.)

FILLOLE, filleule, archaïsme:

Il n’a pas aperçu Jeannette ma fillole,
Laquelle m’a tout dit, parole pour parole.
(L’Ét. IV. 7.)

Nicot dit: «filleul ou fillol.»

Vaugelas déclare que fillol pour filleul, c’est très-mal parler. Pourquoi, puisque la racine est filiolus? L’usage, dira-t-on? A la bonne heure, si l’on pose en principe que l’usage ne saurait avoir tort.

FIN. Voyez FAIRE LE FIN DE QUELQUE CHOSE (p. 176).

FIN FOND:

Et nous fûmes coucher sur le pays exprès,
C’est-à-dire, mon cher, en fin fond de forêts.
(Fâcheux. II. 7.)

Fin, dans l’ancienne langue, se joignait comme affixe à un substantif ou à un adjectif, pour lui donner la forme superlative.

«De lermes sont lor vis moilliez,
«Sourdant de fin cueur amoureus.»
(R. de Coucy. v. 6176.)
«La dame estoit si fine bele,
«Que n’avoit dame ne pucele
«Ens el païs qui l’ataindist.»
(Ibid. v. 150.)

On dit, en certains pays vignobles, que du vin est fin clair. Il nous reste encore, dans l’usage commun, fin fond, et fine fleur.

«Près de Rouen, pays de sapience,
«Gens pesant l’air, fine fleur de Normands.»
(La Font. Le Remède.)
«Nous mourons de fine famine

dit Guillemette à Pathelin. Et plus loin:

«Vous en estes un fin droict maistre.» (de tromperie.)

FLAIREUR DE CUISINE:

Impudent flaireur de cuisine!
(Amph. III. 7.)

FLÉCHIR AU TEMPS:

Il faut fléchir au temps sans obstination.
(Mis. I. 1.)

Molière eût mis aussi bien céder au temps; mais fléchir au temps fait une image bien plus vive et poétique.

FOIN! exclamation:

Ce mot n’a que la forme de commun avec foin, fœnum.

On rencontre fréquemment, dans Plaute et dans Térence, l’exclamation phu! (en grec φεῦ), exprimant tantôt le dégoût, tantôt l’admiration: peste, oh oh, diantre! Ce phu est devenu en français foin, par le changement de l’u en oi, comme pungere, ungere, poindre, oindre. Il s’emploie sans complément ou avec un complément:

Foin! que n’ai-je avec moi pris mon porte respect!
(L’Ét. III. 9.)
«Foin du loup et de sa race!»
(La Fontaine. Le Chevreau, la Chèvre et le Loup.)

Foin ou fi sur le loup—phu de lupo.

«Adieu donc. Fi du plaisir
«Que la crainte peut corrompre!»
(La Font. Fables. I. 9.)

FOND D’AME, substantif; UN FOND D’AME:

Et n’est-ce pas sans doute un crime punissable,
De gâter méchamment ce fond d’âme admirable?
(Éc. des fem. III. 4.)

FONDANTE EN LARMES:

Une jeune fille toute fondante en larmes, la plus belle et la plus touchante qu’on puisse jamais voir.

(Scapin. I. 2.)

M. Auger veut qu’ici fondant soit un participe présent, et non un adjectif verbal, attendu le complément indirect en larmes. La raison ne paraît pas convaincante. On dit bien: cette jeune fille est charmante de grâces. Le complément ne fait donc rien à l’affaire; mais le féminin toute, qui précède fondante, y fait beaucoup, et détermine au second mot le caractère d’adjectif. Cette femme est toute riante de santé, ou bien toute fondante en larmes; il est clair qu’il s’agit d’un état, d’une manière d’être, et non pas d’une action.

(Voyez PARTICIPE PRÉSENT variable.)

FONDER SUR QUELQUE CHOSE, absolument:

Tant de méchants placets, monsieur, sont présentés,
Qu’ils étouffent les bons; et l’espoir où je fonde
Est qu’on donne le mien quand le prince est sans monde.
(Fâcheux. III. 2.)

L’espoir où je me fonde. (Voyez ARRÊTER.)

FORCE, adverbe; FORCE GENS:

Voir cajoler sa femme, et n’en témoigner rien,
Se pratique aujourd’hui par force gens de bien.
(Sgan. 17.)

Nicot: «Force, id est copia: il luy est allé force gens au devant.—Lieux où il y a force arbres

Cette locution est trop commune pour qu’il en faille rapporter des exemples. Je me contenterai d’observer que le mot force doit être porté sur la liste des substantifs que l’usage a transformés en adverbes dans certains cas donnés, comme pas, point, trop (qui est une ancienne forme de troupe), rien, mot ou motus.

FORCER, vaincre en luttant; FORCER UN MALHEUR:

Il m’échappe! ô malheur qui ne se peut forcer!
(L’Ét. II. 14.)

L’emploi de forcer est ici le même que dans cette locution: forcer un lièvre.

FORFANTERIE D’UN ART, vanité d’un art qui se vante:

Sans découvrir encore au peuple,...... la forfanterie de notre art.

(Am. méd. III. 2.)

Les Italiens disent un furfante; mais, au rebours de ce qu’affirme Nicot, ce n’est pas d’eux que nous avons emprunté forfant ni forfanterie, car les racines de ces mots sont exclusivement françaises. Forfanterie est pour forvanterie. For, en composition, signifie tantôt hors, comme dans forligner, forclore, forbannir, forban, etc., tantôt mal, parce que le mal résulte de l’excès qui franchit les limites. Ainsi forfaire, forsenné, forconseiller, forjuger, formarier et formariage (mariage contre la loi et la coutume), formener (malmener), etc. Se forfanter, c’est se vanter au delà de la vérité, se vanter à faux; et c’est de nous que les Italiens l’ont emprunté.

FORGER UN AMUSEMENT:

Votre feinte douceur forge un amusement,
Pour divertir l’effet de mon ressentiment.
(D. Garcie. IV. 8.)

(Voyez DIVERTIR et AMUSER.)

FORLIGNER DE:

Jour de Dieu! je l’étranglerois de mes propres mains, s’il falloit qu’elle forlignât de l’honnêteté de sa mère!

(G. D. II. 14.)

Fors-ligner, c’est sortir hors de la ligne droite, se dévier, comme on parlait jadis.

(Voyez FORFANTERIE.)

FORMER DES SENTIMENTS, comme former des vœux:

Et je ne forme point d’assez beaux sentiments
Pour.....
(Dép. am. I. 3.)

FORT EN GUEULE:

MADAME PERNELLE:
..... Vous êtes, m’amie, une fille suivante
Un peu trop forte en gueule, et très-impertinente.
(Tart. I. 1.)

FORTE PASSION, passion dominante:

Ta forte passion est d’être brave et leste.
(Éc. des fem. V. 4.)

FORTUNE, au sens du latin fortuna, la destinée, dans ce vers d’Horace:

Fortunam Priami cantabo, et nobile bellum.
..... Elle est de vous (cette lettre), suffit: même fortune.
(Dépit. am. II. 3.)

Le capitaine de ce vaisseau, touché de ma fortune, prit amitié pour moi.

(L’Av. V. 5.)
Voyons quelle fortune en ce jour peut m’attendre.
(Amph. III. 4.)

Comme on trouve écrit dans le ciel jusqu’aux plus petites particularités de la fortune du moindre des hommes.

(Am. magn. III. 1.)

La fortune d’un homme, pour signifier sa richesse, l’ensemble de son avoir, est une acception toute moderne, qui ne se rencontre point dans Molière.

Un homme fortuné n’est point un homme riche, mais un homme favorisé du sort. On peut être le plus fortuné des mortels, et très-pauvre en même temps.

Avoir de la fortune, ne signifie donc réellement autre chose que avoir la chance heureuse, fortune se prenant pour bonne fortune, comme heur pour bon heur; succès pour heureux succès, etc.

Arnolphe demande à Horace:

Vous est-il point encore arrivé de fortune?
(Éc. des fem. I. 6.)

C’est-à-dire, d’aventure galante.

«Tu portes César et sa fortune.» Il serait ridicule d’entendre: Tu portes César et ses trésors.

PAR FORTUNE, par hasard:

Je l’avois sous mes pieds rencontré par fortune.
(Sgan. 22.)

La Fontaine dit de fortune:

«Comme elle disoit ces mots,
«Le loup, de fortune, passe.»
(La Chèvre, le Chevreau et le Loup.)

FORTUNES, au pluriel, même sens:

..... Nous parlions des fortunes d’Horace.
(L’Ét. IV. 6.)
«Quant au surplus des fortunes humaines,
Les biens, les maux, les plaisirs et les peines...»
(La Fontaine. Belphégor.)

Les Anglais ont retenu ce sens: the fortunes of Nigel, sont les aventures de Nigel.

Horace dit aussi, au pluriel:

«Si dicentis erunt fortunis absona dicta....»

Si le langage ne convient pas à la position du personnage, à sa fortune, ou à ses fortunes.

FOUDRE PUNISSEUR. Voyez PUNISSEUR.

FOURBER QUELQU’UN:

—Vous vous êtes accordés, Scapin, vous et mon fils, pour me fourber.

—Ma foi, monsieur, si Scapin vous fourbe, je m’en lave les mains.

(Scapin. III. 6.)

FOURBISSIME:

Mascarille est un fourbe, et fourbe fourbissime.
(L’Ét. II. 5.)

La forme en issime fut naturellement la forme primitive de notre superlatif. La traduction des Rois, la chanson de Roland, saint Bernard, l’emploient constamment; d’ordinaire elle est contractée en isme: saintisme, grandisme, altisme, cherisme, etc., y sont pour saintissime, grandissime, etc. On disait même bonisme, et non optime, formé de bon, par analogie.

C’est donc à tort que le P. Bouhours (Entretiens d’Ariste et Eugène) prétend ces superlatifs contraires au génie de notre langue.

En 1607, Malherbe, dans ses lettres, se sert fréquemment de grandissime; et Perrot d’Ablancourt, dans sa traduction de César: «Il y avait un grandissime nombre de villes.» Mais on les en a repris l’un et l’autre. Par conséquent, c’est du commencement du XVIIe siècle qu’il faut dater dans notre langue la déchéance de l’ancienne forme latine, et l’emploi exclusif de très pour marquer le superlatif.

Les Latins, outre la forme en issimus, formaient aussi le superlatif par le mot ter, soit séparé, soit en composition. Ils avaient emprunté cela des Grecs, qui disaient τρισόλβιος, τρισευδαίμων, τρισκατάρατος, etc.

Plaute dit de même, trifur, triveneficus, tricerberus.

Et Virgile: «O ter quaterque beati!»

Très-docte, en français, est donc comme tridoctus, et nous avons eu, à l’instar des Latins, deux manières de former les superlatifs; seulement la forme grecque, chez les Latins la moins usitée, a fini par l’emporter chez nous, et par étouffer complétement la forme latine.

FOURNIR A, suffire à:

Ma foi, me trouvant las pour ne pouvoir fournir
Aux différents emplois où Jupiter m’engage......
(Amph. Prol.)

FRAIS; PRENDRE LE FRAIS, c’est-à-dire, choisir l’heure du frais, le soir ou le matin:

Pour arriver ici, mon père a pris le frais.
(Éc. des fem. V. 6.)

FRANC, adverbialement:

Je vous parle un peu franc; mais c’est là mon humeur.
(Tart. I. 1.)
Je vous dirai tout franc que c’est avec justice.
(Ibid. I. 6.)
C’est de presser tout franc, et sans nulle chicane,
L’union de Valère avecque Marianne.
(Ibid. III. 3.)
Je vous dirai tout franc que cette maladie,
Partout où vous allez, donne la comédie.
(Mis. I. 1.)

Tout franchement, comme tout net est pour tout nettement.

(Voyez PREMIER QUE, FERME, NET.)

FRÉQUENTER CHEZ QUELQU’UN:

Sans doute; et je le vois qui fréquente chez nous.
(Fem. sav. II. 1.)

Les Latins employaient frequentare sans apud, comme aujourd’hui nous faisons. Dans Cicéron: Qui domum meam frequentant, ceux qui fréquentent ma maison; et dans Phèdre: Aras frequentas, tu fréquentes les autels.

FRICASSER, métaphoriquement:

MARINETTE.
Moi, je te chercherois! Ma foi, l’on t’en fricasse,
Des filles comme nous!.....
(Dép. am. IV. 4.)

Observez que c’est Marinette qui parle.

FRIPERIE; NOTRE FRIPERIE, notre personne:

Gare une irruption sur notre friperie!
(Dép. am. III. 1.)

C’est un valet qui parle.

FROTTER SON NEZ AUPRÈS DE LA COLÈRE DE QUELQU’UN:

GROS-RENÉ.
Viens, viens frotter ton nez auprès de ma colère!
(Dép. am. IV. 4.)

FUIR DE (un infinitif), comme éviter de....:

Si votre âme les suit, et fuit d’être coquette....
(Éc. des fem. III. 2.)

Il ne fuit rien tant tous les jours que d’exercer les merveilleux talents qu’il a eus du ciel pour la médecine.

(Méd. m. lui. I. 5.)

C’est le fuge quærere d’Horace.

De, dans l’expression française, est la marque de l’ablatif employé dans ce vers de Virgile:

Quanquam animus meminisse horret, luctuque refugit.
(Æneid. II.)

«Mon esprit recule d’horreur à ces images de deuil, et fuit de s’en souvenir

—«J’ay monstré, en la conduite de ma vie et de mes entreprinses, que j’ay plustost fuy qu’aultrement d’enjamber par dessus le degré de fortune auquel Dieu logea ma naissance.»

(Mont. III. 7.)

FULIGINES, terme technique:

Beaucoup de fuligines épaisses et crasses, etc.

(Pourc. I. 11.)

FURIEUX, dans le sens d’extrême:

Voilà une furieuse imprudence, que de nous envoyer querir.

(G. D. III. 12.)

FUSEAUX; FAIRE BRUIRE SES FUSEAUX. Voyez BRUIRE.

FUTURS (DEUX), commandés l’un par l’autre:

Ce ne sera pas là qu’il viendra la chercher.
(Éc. des fem. V. 4.)

Cette symétrie des temps, empruntée du latin, est aussi négligée au XIXe siècle qu’elle était soigneusement observée au XVIIe. On dirait aujourd’hui sans scrupule: Ce n’est pas là qu’il viendra.

Je reviendrai voir sur le soir en quel état elle sera.

(Méd. m. l. II. 6.)

Et non: en quel état elle est.

Lorsqu’on me trouvera morte, il n’y aura personne qui mette en doute que ce ne soit vous qui m’aurez tuée.

(G. D. III. 8.)

Et non: qui m’avez.

J’ai des raisons à faire approuver ma conduite,
Et je connoîtrai bien si vous l’aurez instruite.
(Fem. sav. II. 8.)

Cette symétrie des temps s’observait aussi pour le conditionnel.

(Voyez CONDITIONNELS.) (DEUX.)

Futur suivi d’un présent de l’indicatif:

Ce ne sera point vous que je leur sacrifie.
(Ibid. V. 5.)

L’exigence du mètre, et la nécessité de rimer à philosophie, ont apparemment ici forcé la main à Molière, dont l’usage constant est de mettre les deux futurs, même en des cas où ils sont bien moins nécessaires.

GAGE QUE...., adverbialement, ou par une sorte d’ellipse pour je gage que:

Gage qu’il se dédit.—Et moi, gage que non.
(L’Ét. III. 3.)

GAGER QUELQU’UN POUR (un substantif), c’est-à-dire, en qualité de:

Je suis auprès de lui gagé pour serviteur:
Vous me voudriez encor payer pour précepteur.
(L’Ét. I. 9.)

(Voyez POUR, en qualité de.)

GAGNER; GAGNER AU PIED, s’enfuir:

Ah! par ma foi, je m’en défie, et je m’en vais gagner au pied.

(Préc. rid. 10.)

La Fontaine a dit, dans le même sens, gagner au haut:

«. . . . . . . . . . . . Le galant aussitôt
«Tire ses grègues, gagne au haut.
(Le Renard et le Coq.)

Nicot et Trévoux ne donnent que gagner le haut.

(Voyez HAUT.)

GAGNER DE (un infinitif), obtenir:

Et qu’il n’est repentir ni suprême puissance
Qui gagnât sur mon cœur d’oublier cette offense.
(D. Garcie. V. 5.)

GAGNER LE TAILLIS, fuir, s’évader:

Tant pis!
J’en serai moins léger à gagner le taillis.
(Dép. am. V. 1.)

GAGNER LES RÉSOLUTIONS de quelqu’un, les surmonter:

Pied à pied vous gagnez mes résolutions.

(B. gent. III. 18.)

GALANT, substantif, un nœud de rubans:

Voilà
Ton beau galant de neige, avec ta nonpareille:
Il n’aura plus l’honneur d’être sur mon oreille.
(Dép. am. IV. 4.)

GALANT, adjectif, au sens d’élégant, distingué:

Il me montra toute l’affaire, exécutée d’une manière, à la vérité, beaucoup plus galante et plus spirituelle que je ne puis faire.

(Préf. de la Crit. de l’Éc. des fem.)

GALANTERIE, FAIRE GALANTERIE DE (un infinitif):

N’a-t-il pas (Molière), ceux...... qui, le dos tourné, font galanterie de se déchirer l’un l’autre?

(Impromptu. 3.)

Rien n’a remplacé cette excellente expression; il faut, pour en rendre le sens, recourir à une longue périphrase.

GALIMATIAS au pluriel:

Mon Dieu, prince, je ne donne point dans tous ces galimatias où donnent la plupart des femmes.

(Am. magn. I. 1.)

GARANT; ÊTRE GARANT DE QUELQUE CHOSE, en fournir la garantie, la preuve:

Moi, je lui couperois sur-le-champ les oreilles,
S’il n’étoit pas garant de tout ce qu’il m’a dit.
(L’Ét. III. 3.)

GARD’, en style familier, pour garde:

Dieu te gard’, Cléanthis!
(Amph. II. 3.)

GARDE; SE DONNER DE GARDE DE.... Voyez à DONNER.

GARDER DE (un infinitif), se garder de, prendre garde de:

Mon Dieu, Éraste, gardons d’être surpris.

(Pourc. I. 3.)
Rentrez donc, et surtout gardez de babiller.
(Éc. des fem. IV. 9.)
Rentrez dans la maison, et gardez de rien dire.
(Ibid. V. 1.)

Gardez de vous tromper!

(Georg. D. II. 9.)

Molière emploie indifféremment, et selon le besoin de la circonstance, garder ou se garder de:

Et surtout gardez-vous de la quitter des yeux.
(Éc. des fem. V. 5.)

GARDER QUE (sans ne):

Gardons bien que, par nulle autre voie, elle en apprenne jamais rien.

(Am. magn. I. 1.)

(Voyez DONNER DE GARDE (SE).)

GARDIEN, en trois syllabes:

Suis-je donc gardien, pour employer ce style,
De la virginité des filles de la ville?
(Dép. am. V. 3.)

Il est probable que plus tard Molière eût écrit: Suis-je donc le gardien.....

GATER QUELQU’UN DE, c’est-à-dire, à l’aide, par le moyen de....:

Je veux être pendu, si nous ne les verrions
Sauter à notre cou plus que nous ne voudrions,
Sans tous ces vils devoirs dont la plupart des hommes
Les gâtent tous les jours, dans le siècle où nous sommes.
(Dép. am. IV. 2.)

Cette tournure se rapporte à DE, exprimant la cause, la manière.

GATER (SE) SUR L’EXEMPLE D’AUTRUI; par l’exemple, d’après l’exemple d’autrui:

Mais ne vous gâtez pas sur l’exemple d’autrui.
(Éc. des fem. III. 2.)

GAUCHIR, aller à gauche; GAUCHIR DE QUELQUE CHOSE, s’en écarter:

Notre sort ne dépend que de sa seule tête;
De ce qu’elle s’y met, rien ne la fait gauchir.
(Éc. des fem. III. 3.)

GAULIS, terme technique, branche d’arbre:

Je pousse mon cheval et par haut et par bas,
Qui plioit des gaulis aussi gros que le bras.
(Fâcheux. II. 7.)

«Les gaulis, dit Trévoux, sont, en terme de vénerie, des branches d’arbre qu’il faut que les veneurs plient ou détournent pour percer dans un bois.»

Gault, en vieux français, est une forêt:

«Onc charpentier en bos ne sot si charpenter,
«Ne mena telle noise en parfont gault ramé.»
(Renaut de Montauban.)
«Que florissent cil prez, e cil gault sont foilli.»
(Rom. d’Aïe d’Avig.)
«Cerchant prés et jardins et gaults
(Rom. de la Rose.)

«Gault paraît venir du bas latin caula, d’où s’est formé gaule, par l’adoucissement du c en g. Dans un compte de 1202: «pro perticis et caulis.... pro L caulis.» Pour des perches et des gaules..... pour 50 gaules.» (Du Cange, au mot CAULA.)

J’avoue que j’aimerais mieux dériver gault de saltus, et gaule de caula. Le nom propre Gault de Saint-Germain signifie Bois de Saint-Germain.

GAYETÉ, en trois syllabes:

Mais je vous avouerai que cette gayeté
Surprend au dépourvu toute ma fermeté.
(D. Garcie. V. 6.)
Mais que de gayeté de cœur
On passe aux mouvements d’une fureur extrême....
(Amph. II. 6.)

GENDARMÉ CONTRE...:

Cet homme gendarmé d’abord contre mon feu.
(Éc. des f. III. 4.)

GÊNER (gehenner) QUELQU’UN, le torturer, lui faire violence:

Et pour tout dire enfin, jaloux ou non jaloux,
Mon roi sans me gêner peut me donner à vous.
(D. Garcie. V. 6.)

Racine a dit de même:

«Et le puis-je, madame? Ah, que vous me gênez
(Androm. I. 4.)

Ah, que vous torturez mon cœur!

Ce mot a perdu aujourd’hui toute l’énergie de son acception primitive; c’était même déjà un archaïsme dans Racine et dans Molière. On voit par cet exemple combien les mœurs influent sur le langage: à mesure que l’usage de la torture ou de la gene s’éloignait, la valeur du mot s’affaiblissait comme le souvenir de la chose. Il est gêné dans ses habits eût été, au XIIe siècle, une hyperbole violente; aujourd’hui, cela signifie simplement, il n’y est pas à son aise; c’est l’expression la plus douce qu’on puisse employer.

GÊNES, au pluriel, dans le sens du latin gehenna, torture:

Je sens de son courroux des gênes trop cruelles.
(Dép. am. V. 2.)

GENS masculin:

Ma langue est impuissante, et je voudrois avoir
Celle de tous les gens du plus exquis savoir.
(L’Ét. II. 14.)

La délicatesse est trop grande, de ne pouvoir souffrir que des gens triés.

(Crit. de l’Éc. des fem. I.)
Et qu’en n’approuvant rien des ouvrages du temps,
Il se met au-dessus de tous les autres gens.
(Mis. II. 5.)
Et qu’avecque le cœur d’un perfide vaurien
Vous confondiez les cœurs de tous les gens de bien.
(Tart. V. 1.)
Pour tous les gens de bien j’ai de grandes tendresses.
(Ibid. V. 4.)
Cependant noire âme insensée
S’acharne au vain honneur de demeurer près d’eux,
Et s’y veut contenter de la fausse pensée
Qu’ont tous les autres gens que nous sommes heureux.
(Amph. I. 1.)
Combien de gens font-ils des récits de bataille,
Dont ils se sont tenus loin!
(Ibid.)

GENS avec un nom de nombre déterminé:

Et je connois des gens à Paris, plus de quatre,
Qui, comme ils le font voir, aiment jusques à battre.
(Fâcheux. II. 4.)
Moi, je serois cocu?—Vous voilà bien malade!
Mille gens le sont bien qui de rang et de nom
Ne feroient avec vous nulle comparaison.
(Éc. des fem. IV. 8.)
Un de mes gens la garde au coin de ce détour.
(Ibid. V. 2.)

Il y a là vingt gens qui sont fort assurés de n’entrer point.

(Impr. 3.)

Et jamais il ne parut si sot que parmi une demi-douzaine de gens à qui elle avoit fait fête de lui.

(Critique de l’Éc. des fem. sc. 2.)

A l’origine de la langue il a été souvent employé ainsi:

«Pour ces trois gens qui ont pel de beste afublée.»
(Le dit du Buef.)

GENS DE BIEN A OUTRANCE:

Toutes les grimaces étudiées de ces gens de bien à outrance.

(1er Placet au Roi.)

GENS DE DIFFICULTÉS:

Ce sont (les avocats) gens de difficultés.

(Mal. im. I. 9.)

GENS DE NOM:

Toute mon ambition est de rendre service aux gens de nom et de mérite.

(Sicilien. 11.)

GENTILLESSE, dans le sens de l’italien gentilezza, noblesse:

Ce sont des brutaux, ennemis de la gentillesse et du mérite des autres villes.

(Pourc. III. 2.)

GLOIRE, considération personnelle, mérite:

Pourquoi voulez-vous croire
Que de ce cas fortuit dépende notre gloire?
(Éc. des fem. IV. 8.)
C’est où je mets aussi ma gloire la plus haute.
(Tart. II. 1.)

Je mets ma gloire, je fais consister mon mérite principal à vous satisfaire.

GOBER LE MORCEAU, se laisser prendre, duper tranquillement:

Mais je ne suis pas homme à gober le morceau.
(Éc. des f. II. 1.)

Métaphore prise de la pêche à la ligne.

GOGUENARDERIE:

Oui, mais je l’enverrois promener avec ses goguenarderies.

(Méd. m. lui. II. 3.)

GRACE; DONNER GRACE, pardonner:

Et l’on donne grâce aisément
A ce dont on n’est pas le maître.
(Amph. II. 6.)

GRAIS, Grec:

MARTINE.
Et, ne voulant savoir le grais ni le latin....
(Fem. sav. V. 3.)

C’est l’ancienne et légitime prononciation, comme dans échecs, legs. Ce passage nous montre que, du temps de Molière, le peuple la retenait encore.

GRAND invariable en genre:

Le bal et la grand bande, assavoir deux musettes.
(Tart. II. 3.)
Vous n’aurez pas grand peine à le suivre, je crois.
(Ibid. II. 4.)
Il porte une jaquette à grands basques plissées.
(Mis. II. 6.)

Dans l’origine de la langue, tout adjectif dérivé d’un adjectif latin en is, grandis, qualis, regalis, viridis, etc., ne changeait pas non plus en français pour le féminin.

Il nous reste encore de cet usage, grand messe, grand mère, grand route, etc., et, dans le langage du palais, lettres royaux.

C’est donc une véritable faute de mettre une apostrophe après grand, comme si l’e s’élidait.

(Voyez des Variations du langage français, p. 226.)

GRAND LATIN, grand latiniste, comme on dit grand grec pour grand helléniste:

Je vous crois grand latin et grand docteur juré.
(Dép. am. II. 7.)

GRAND SEIGNEUR (LE), pour l’aristocratie, la noblesse:

O l’ennuyeux conteur!
Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur.
(Mis. II. 5.)

De même le marquis, pour la classe des marquis.

(Voyez MARQUIS.)

GRIMACIERS, hypocrites:

Ils donnent bonnement (les hommes sincèrement vertueux) dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions.

(D. Juan. V. 2.)

(Voyez FAÇONNIER.)

GROUILLER:

Et l’on demande l’heure, et l’on bâille vingt fois,
Qu’elle grouille aussi peu qu’une pièce de bois.
(Mis. II. 5.)

Comme grouiller est devenu, l’on ne sait pourquoi, un terme bas, les éditeurs de 1682 ont jugé qu’il était mal séant dans la bouche de Célimène, et ils ont fait à Molière l’aumône d’une correction que les comédiens se sont empressés d’adopter:

Qu’elle s’émeut autant qu’une pièce de bois.

M. Auger observe qu’il fallait au moins mettre se meut ou remue, car c’est de cela qu’il s’agit, et non de s’émouvoir.

Ces corrections, faites au texte d’un écrivain comme Molière, sont autant d’impertinences.

Est-ce que madame Jourdain est décrépite? et la tête lui grouille-t-elle déjà?

(B. gent. III. 5.)

Grouiller est une forme de crouller. La prononciation les confondait. Crouller, verbe actif ou verbe neutre, trembler, agiter, ébranler; en italien, crollare: crollare il capo, secouer la tête: «Les fundemens des munz sunt emeuz et crollez, kar nostre sire est curuciez.» (Rois, p. 205.) Les fondements des monts sont émus et ébranlés, concussa et conquassata.

«Baucent l’oï, si a froncie le nez;
«La teste croule si a des piez houez.»
(La bataille d’Arlescamp.)

Baucent grouille la tête, secoue la tête.

Il peut être intéressant, pour l’histoire de la langue, d’observer que nos pères avaient à la fois crouler et trembler, et qu’ils distinguaient fort bien l’un de l’autre. En voici un exemple, tiré du roman d’Alexandre; il s’agit des prodiges qui signalèrent la naissance de ce héros:

«Dieu demonstra par signe qu’il (Alexandre) se feroyt cremir[57], car l’on vit l’aer muer, le firmament croissir[58], et la terre crouler; la mer par lieus rougir, et les bestes trembler, et les hommes fremir.»

(Préf. de la Ch. des Saxons. p. 22.)

Ces finesses de nuances n’indiquent pas une langue barbare.

«Quand le souldich l’eut entendu, si crolla la teste et le regarda fellement, et dist: Tu has murdry!»

(Froissart. Chron. II. ch. 30.)

GUÉRIR, au sens figuré:

NICOLE.

De quoi est-ce que tout cela guérit?

(B. gent. III. 3.)

A quoi tout cela sert-il?

GUEUSER DES ENCENS:

Pour moi, je ne vois rien de plus sot, à mon sens,
Qu’un auteur qui partout va gueuser des encens.
(Fem. sav. III. 5.)

GUEUX COMME DES RATS:

Tous ces blondins sont agréables.... mais la plupart sont gueux comme des rats.

(L’Av. III. 8.)

L’expression complète eût été: Comme des rats d’église, qui n’y trouvent rien à manger. Mais, du temps de Molière, on n’osait pas prononcer sur le théâtre le mot église; quand on y était réduit, on disait le temple. (Voyez TEMPLE.)

GUEUX D’AVIS:

Non de ces gueux d’avis, dont les prétentions
Ne parlent que de vingt ou trente millions.
(Fâcheux. III. 3.)

GUIDE, subst. féminin, comme sentinelle; archaïsme:

La Guide des pécheurs est encore un bon livre.
(Sgan. I.)
«Elle lit saint Bernard, la Guide des pécheurs[59]
(Régnier. Macette.)

Guide, terme technique, est resté féminin: CONDUIRE A GRANDES GUIDES.

GUIGNER, lorgner du coin de l’œil:

J’ai guigné ceci tout le jour.

(L’Av. IV. 6.)

De guingois, espèce d’adverbe, pour signifier de côté, de travers, paraît dérivé de guigner: de guingois, comme de guïgois. Mme de Sévigné affectionne ce terme familier: un esprit de guingois.

HABILLER; S’HABILLER D’UN NOM:

Le monde aujourd’hui n’est plein..... que de ces imposteurs qui.... s’habillent insolemment du premier nom illustre qu’ils s’avisent de prendre.

(L’Av. V. 5.)

HABITUDE DU CORPS, tenue, maintien, habitus:

Cette habitude du corps menue, grêle, noire et velue.

(Pourc. I. 11.)

HAINE POUR QUELQU’UN, au lieu de haine contre:

Ils ont en cette ville une haine effroyable pour les gens de votre pays.

(Pourc. III. 2.)

HANTER QUELQUE PART:

Oui; mais pourquoi, surtout depuis un certain temps,
Ne sauroit-il souffrir qu’aucun hante céans?
(Tart. I. 1.)

HANTISES, FRÉQUENTATION:

Isabelle pourroit perdre dans ces hantises
Les semences d’honneur qu’avec nous elle a prises.
(Éc. des mar. I. 4.)

La forme primitive était hant, racine du verbe hanter:

«Sunt se nettement guardé tes vadlets, e meimement de hant de femme?»

(Rois. p. 83.)

HARDI, employé comme exclamation:

Là, hardi! tâche à faire un effort généreux.
(Sgan. 21.)

HATÉ, pressé, urgent:

Nous sortions.—Il s’agit d’un fait assez hâté.
(Éc. des mar. III. 5.)

HAUT, substantif; un haut, pour une hauteur:

Sur un haut, vers cet endroit,
Étoit leur infanterie.
(Amph. I. 1.)

(Voyez GAGNER LE HAUT.)

HAUT DE L’ESPRIT (DU):

Et, les deux bras croisés, du haut de son esprit
Il regarde en pitié tout ce que chacun dit.
(Mis. II. 5.)

HAUT LA MAIN, sans l’ombre de résistance ou de difficulté:

Vous l’auriez guéri haut la main.

(Pourc. II. 1.)

Molière a dit aussi la main haute:

La grammaire, qui sait régenter jusqu’aux rois,
Et les fait, la main haute, obéir à ses lois!
(Fem. sav. II. 6.)

Cette expression se rapporte à cette autre, avoir la haute main sur...; et cette dernière se trouve fréquemment dans les plus vieux monuments de notre langue:

«E la malvaise gent e les fils Belial.... ourent la plus halte main envers Roboam

(Rois. p. 298.)

On trouve aussi, avant la main, pour haut la main:

LE PELLETIER.
«Mais pensez-y, de par le diable,
«Et me payez avant la main
(Le nouv. Pathelin.)

LE PORTER HAUT, être fier, orgueilleux:

Détrompez-vous de grâce, et portez-le moins haut.
(Mis. V. 6.)

Le subst. de l’ellipse paraît être chef: portez le chef moins haut.

HAUT DU JOUR (le); midi:

Le roi vint honorer Tempé de sa présence;
Il entra dans Larisse hier, sur le haut du jour.
(Mélicerte. I. 3.)

FAIRE UNE HAUTE PROFESSION DE (un infinitif):

Ils ont trouvé moyen de surprendre des esprits qui, dans toute autre matière, font une haute profession de ne se point laisser surprendre.

(2e Placet au Roi.)

HAUTEUR; DE HAUTEUR, hautement, avec hauteur:

... Pour récompense, on s’en vient de hauteur
Me traiter de faquin, de lâche, d’imposteur.
(L’Ét. I. 10.)

HAUTEUR D’ESTIME:

Cette hauteur d’estime où vous êtes de vous.
(Mis. III. 5.)

HÉROS D’ESPRIT:

Aux encens qu’elle donne à son héros d’esprit.
(Fem. sav. I. 3.)

HEUR, bonheur; d’où vient heureux:

Expliquez-vous, Ascagne, et croyez par avance
Que votre heur est certain, s’il est en ma puissance.
(Dép. am. II. 2.)
Je vous épouse, Agnès; et cent fois la journée
Vous devez bénir l’heur de votre destinée.
(Éc. des fem. III. 2.)
Mais au moins dites-moi, madame, par quel sort
Votre Clitandre a l’heur de vous plaire si fort.
(Mis. II. 1.)
Lorsque dans un haut rang on a l’heur de paroître,
Tout ce qu’on fait est toujours bel et bon.
(Amph. prol.)

HEURE; A L’HEURE, maintenant, à cette heure, comme dans l’italien allora:

Parbleu! si grande joie à l’heure me transporte,
Que mes jambes sur l’heure en caprioleroient,
Si nous n’étions point vus de gens qui s’en riroient.
(Sgan. 18.)

HIATUS.

Nos vers sont pleins d’hiatus très-réels pour l’oreille, que l’on se contente de masquer aux yeux:

C’est un miracle encor qu’il ne m’ait aujourd’hui
Enfermée à la clef, ou menée avec lui.
(Éc. des mar. I. 2.)
Ces gens qui, par une âme à l’intérêt soumise,
Font de dévotion métier et marchandise.
(Tart. I. 6.)

On en citerait de pareils par centaines dans Boileau, la Fontaine, Racine et Molière. Cette remarque a surtout pour but de montrer quelle est dans les arts la puissance de l’habitude et de la convention.

Molière ne s’arrête pas à l’hiatus qui résulte de l’interjection:

Un homme à grands canons est entré brusquement,
En criant: Holà, Ho! un siége promptement.
(Fâcheux. I. 1.)
Là! là! hem, hem!... écoute avec soin, je te prie.
(Ibid. I. 5.)
Eh! a-t-on jamais vu de plus farouche esprit?
(Pr. d’Él. I. 4)

HOC; ÊTRE HOC:

MARTINE.
.... Mon congé cent fois me fût-il hoc,
La poule ne doit point chanter avant le coq.
(Fem. sav. V. 3.)

Le hoc est un jeu de cartes: «Et parce qu’en jouant ces sortes de cartes on a coutume de dire hoc, de là vient que, dans le discours familier, pour dire qu’une chose est assurée à quelqu’un, on dit: Cela lui est hoc.» (Dictionn. de l’Acad.)

«Bonne chasse, dit-il, qui l’auroit à son croc!
«Eh! que n’es-tu mouton, car tu me serois hoc
(La Fontaine.)

Un commentateur reproduit sur ce vers l’explication ci-dessus; mais cette explication, tirée du jeu de cartes, n’est point satisfaisante; car les cartes furent inventées au XVe siècle seulement, et dès le XIe le mot hoc entrait dans une locution analogue à être hoc:

«Respundi David: Ci est la lance le rei. Vienge un vadlet, pur hoc si l’emport.»

(Rois. p. 105.)

Tous ceux qui ont tenté d’expliquer cette locution sont partis de ce point que hoc était un mot latin, le neutre du pronom hic.

Mais c’est une erreur: hoc est un mot français, un mot de la vieille langue, où il signifie un croc:

«Un hoc à tanneur, de quoy l’on trait les cuirs hors de l’eaue.»

(Lettres de rémiss. de 1369.)

(Voyez Du Cange au mot Hoccus.)

Du substantif hoc viennent les verbes hocher et ahocher (hoker, ahoker); ce dernier est le même qu’accrocher:

«Mes son soupelis ahocha
«A un pel, si qu’il remest la.»
(Barbaz. Estula.)

«Mais le surplis du prêtre s’accrocha à un pieu, en sorte qu’il y resta.»

«Aussi com un singe ahoquié
«A un bloquel et ataquié.»
(Cité dans Du Cange à Hoccus.)

«Ainsi comme un singe accroché et lié à un bloc.»

Saint-Évremond ne se doutait pas qu’il faisait rimer le mot avec lui-même, quand il écrivait:

«Le paradis vous est hoc:
«Pendez le rosaire au croc

Cela m’est hoc est donc une locution faite, dont le sens revient à: cela ne peut me manquer, cela m’est acquis aussi infailliblement que si je le tirais de la rivière avec un croc; j’ai accroché cela. Mon congé cent fois me fût-il hoc, c’est-à-dire, eussé-je accroché cent fois mon congé.—Hoc ou croc, le nom de l’instrument mis pour celui du butin qu’il procure.

Voilà l’explication que j’offre de cette façon de parler, n’empêchant point qu’on n’en adopte une meilleure, si on la trouve telle; par exemple, celle de Trévoux:

«Ce mot vient du latin hoc, qui en gascon veut dire oui, ou ita est; de sorte qu’en disant cela est hoc, c’est-à-dire, oui j’y consens. Le Languedoc est nommé ainsi comme langue de hoc, parce qu’on y dit hoc pour oui

HOMMAGES; FAIRE DES HOMMAGES:

Je lui ai fait des hommages soumis de tous mes vœux.

(Am. magn. I. 2.)

HOMME; ÊTRE HOMME QUI.... être un homme qui...:

Vous êtes homme qui savez les maximes du point d’honneur.

(G. D. I. 8.)

Je suis homme qui aime à m’acquitter le plus tôt que je puis.

(Bourg. g. III. 4.)

HOMME DE (un substantif):

Vous êtes homme d’accommodement.

(Pourc. III. 6.)

Homme de suffisance, homme de capacité.

(Mar. forc. 6.)

HONNÊTES DIABLESSES:

Ces dragons de vertu, ces honnêtes diablesses,
Se retranchant toujours sur leurs sages prouesses....
(Éc. des fem. IV. 8.)

HONNEUR, susceptibilité:

Quoi que sur ce sujet votre honneur vous inspire...
(Éc. des fem. IV. 8.)

Votre délicatesse ombrageuse, le soin de votre honneur.

Molière emploie aussi honneur dans le sens général et indéterminé de considération personnelle. Alors il y joint une épithète pour fixer la nature de cet honneur. Il fait dire énergiquement à Alceste, parlant du franc scélérat contre lequel il plaide:

Son misérable honneur ne voit pour lui personne.
(Mis. I. 1.)

Il est tout naturel qu’on dise, en parlant de soi: Mon honneur, le soin de mon honneur; mais appliquer ce mot à un tiers, et y joindre une épithète de mépris, c’est ce qui rend l’expression neuve et originale; et toutefois elle est si claire et si juste, qu’on n’y prend pas garde.

HONTE; AVOIR HONTE A (un infinitif):

Monsieur, vous vous moquez; j’aurois honte à la prendre.
(Dép. am. I. 2.)

HORS DE GARDE (ÊTRE), métaphore prise de l’art de l’escrime:

Léandre pour nous nuire est hors de garde enfin.
(L’Ét. III. 5.)
«Tu vas sortir de garde, et perdre tes mesures.»
(Corneille, Le Menteur.)

HORS DE PAGE, au figuré, affranchi:

Il faut se relever de ce honteux partage,
Et mettre hautement notre esprit hors de page.
(Fem. sav. III. 2)

Il faut observer que cette locution affectée, parce qu’on l’applique à l’esprit, est mise dans la bouche de Bélise; ce qui équivaut à une censure.

HORS DE SENS; IL EST HORS DE SENS QUE..., il est invraisemblable, absurde de croire que...:

Mais il est hors de sens que sous ces apparences
Un homme pour époux se puisse supposer.
(Amph. III. 1.)

Cela excède les limites du bon sens.

HOURETS, mauvais chiens de chasse:

De ces gens qui, suivis de dix hourets galeux,
Disent ma meute, et font les chasseurs merveilleux.
(Fâcheux. II. 7.)

HUCHET, cor de chasse; Voyez PORTEUR DE HUCHET.

HUMANISER (S’) DE....:

Que d’un peu de pitié ton âme s’humanise.
(Amph. III. 7.)

(Voyez DE exprimant la manière, la cause.)

HUMANISER SON DISCOURS; le mettre à la portée des humains:

Ne paroissez point si savant, de grâce! humanisez votre discours, et parlez pour être entendu.

(Critique de l’Éc. des fem. 7.)

HUMANITÉ (L’), le caractère d’homme, la forme humaine:

Doncques, si de parler le pouvoir m’est ôté,
Pour moi, j’aime autant perdre aussi l’humanité.
(Dép. am. II. 7.)

L’HUMANITÉ, au sens philosophique:

Va, va, je te le donne pour l’amour de l’humanité.

(D. Juan. III. 2.)

Molière a devancé le XVIIIe siècle dans cette acception du mot humanité, que la philosophie moderne a rendue depuis si commune. Au XVIIe siècle, on entendait par l’humanité une vertu analogue à la charité, mais non l’ensemble du genre humain, considéré philosophiquement comme une seule famille.

HUMEUR SOUFFRANTE, endurante:

Des hommes en amour d’une humeur si souffrante,
Qu’ils vous verroient sans peine entre les bras de trente.
(Fâcheux. II. 4.)

Sur ce mot humeur, j’observerai qu’il avait encore du temps de Corneille un sens qu’on a laissé perdre depuis, et qui persiste dans l’anglais humour; si bien que beaucoup de gens, désespérant de faire sentir toute la force et la grâce du mot anglais, le transportent dans notre langue comme ils font du mot fashion, qui n’est que notre façon, et de bien d’autres.

CLITON.
«Par exemple, voyez: aux traits de ce visage,
«Mille dames m’ont pris pour homme de courage;
«Et sitôt que je parle, on devine à demi
«Que le sexe jamais ne fut mon ennemi.
CLÉANDRE.
«Cet homme a de l’humeur.
DORANTE.
C’est un vieux domestique
«Qui, comme vous voyez, n’est pas mélancolique.»
(La Suite du Menteur. III. 1.)

Cette remarque a échappé à Voltaire, qui en a fait de moins importantes.

HYMEN (L’) DE, c’est-à-dire, avec:

Comme il a volonté
De me déterminer à l’hymen d’Hippolyte.
(L’Ét. II. 9.)

Chercher dans l’hymen d’une douce et sage personne la consolation de quelque nouvelle famille.

(L’Av. V. 5.)
La promesse accomplie
Qui me donna l’espoir de l’hymen de Célie.
(Sgan. 23.)
Mon fils, dont votre fille acceptoit l’hyménée.
(Ibid. 24.)
Et l’hymen d’Henriette est le bien où j’aspire.
(Fem. sav. I. 4.)

ICI AUTOUR:

Depuis quelque temps il y a des voleurs ici autour.

(D. Juan. III. 2.)

ICI DEDANS:

Vite, venez nous tendre ici dedans le conseiller des grâces.

(Préc. rid. 7.)

Pour ici dedans, on disait, au moyen âge, ci ens, et plus tard céans. Aujourd’hui on ne dit plus rien du tout, car les tyrans de la grammaire ont proscrit ici dedans.

ICI DESSOUS:

J’ai crainte ici dessous de quelque manigance.
(L’Ét. I. 4.)

Ici dessous comme ici dedans, bonnes et utiles expressions qui ont disparu, et qu’on n’a point remplacées.

Ces anciennes façons de parler ici dedans, ici dessus, ici dessous, persistent en Picardie.

IDOLE, ironiquement, UNE IDOLE D’ÉPOUX:

Et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants
Qu’une idole d’époux et des marmots d’enfants!
(Fem. sav. I. 1.)

IGNORANT DE QUELQUE CHOSE:

Ce sont gens de difficultés (les avocats), et qui sont ignorants des détours de la conscience.

(Mal. im. I. 9.)

C’est un latinisme: inscius rei.

Nous construisons de même avec le génitif le verbe ignorer, ce que ne faisaient pas les Latins:

«Monsieur l’abbé, vous n’ignorez de rien,
«Et ne vis onc mémoire si féconde.»
(J.-B. Rousseau. Épigr.)

IL COUTE, impersonnel, pour il en coûte:

Et je sais ce qu’il coûte à de certaines gens,
Pour avoir pris les leurs (leurs femmes) avec trop de talents.
(Éc. des fem. I. 1.)

IL N’EST PAS QUE...:

Mais peut-être il n’est pas que vous n’ayez bien vu
Ce jeune astre d’amour, de tant d’attraits pourvu.
(Éc. des fem. I. 6.)

Il n’est pas (possible) que.....

Cette manière d’employer que est toute latine. Hoc est quod ad vos venio (Plaute), c’est cela que je viens à vous.

IL Y VA DU MIEN, DU VÔTRE:

A déboucher la porte il iroit trop du vôtre.
(Remercîment au Roi. 1663.)

Molière a supprimé l’y pour le soin de l’euphonie, ou plutôt cet y s’absorbe dans celui de irait. C’était originairement la coutume, non-seulement pour l’i, mais pour toute voyelle:

«Seignurs baruns, ki i purruns enveier?»
(Roland. st. 18.)
«Le duc Oger e l’arcevesque Turpin.»
(Ibid. st. 12.)
«La fame s’en prist à apercoivre.»
(La Bourse pleine de sens. v. 18.)

On ne compte dans la mesure qu’un seul i, un seul a, un seul e.

(Voyez des Variations du langage français, p. 192, 193.)

Le mien, le vôtre, dans cette locution sont au neutre, signifiant mon intérêt, votre intérêt, ou mon bien et le vôtre, comme en latin meum, tuum: «Nil addo de meo,» (Cicer.) Je n’y ajoute rien du mien. «Tetigin’ tui?» (Ter.) Ai-je rien pris du tien?

IL supprimé après voilà:

Eh bien! ne voilà pas mon enragé de maître?
(L’Ét. V. 7.)

Ne voilà pas de mes mouchards qui prennent garde à ce qu’on fait?

(L’Av. I. 3.)

Ne voilà pas ce que je vous ai dit?

(G. D. III. 12.)

IL; deux il se rapportant à des sujets divers:

L’éloge de Louis XIV, dans le ve acte de Tartufe, présente un singulier exemple de mauvais style, où l’incorrection des deux il se montre plusieurs fois. Cette tirade, si souvent reprochée à Molière, vaut la peine d’être examinée. Molière commence par dire de Louis XIV:

Il donne aux gens de bien une gloire immortelle,
Mais sans aveuglement il fait briller ce zèle;
Et l’amour pour les vrais ne ferme point son cœur
A tout ce que les faux doivent donner d’horreur.....

Ce mais et cette remarque ne semblent-ils pas dire que d’ordinaire l’amour de la vertu exclut la haine du vice?

D’abord il (le roi) a percé par ses vives clartés
Des replis de son cœur toutes ces lâchetés.

Son cœur est le cœur de Tartufe.

Venant vous accuser, il s’est trahi lui-même;

Le sujet change: il n’est plus le roi, c’est Tartufe.

Et, par un juste trait de l’équité suprême,
S’est découvert au prince un fourbe renommé,
Dont sous un autre nom il étoit informé.

Il revient au monarque; sous un autre nom s’applique à Tartufe, et non pas à Louis XIV; c’est Tartufe qui était connu sous un autre nom.

Ce monarque, en un mot, a vers vous détesté
Sa lâche ingratitude et sa déloyauté.

On ne s’exprimerait pas autrement si c’était Louis XIV qui se repentît d’avoir été ingrat et déloyal envers Orgon.

A ses autres horreurs il a joint cette suite,

Le roi a joint cette suite, ou ce supplément, aux autres horreurs de Tartufe.

Et ne m’a jusqu’ici soumis à sa conduite
Que pour voir l’impudence aller jusques au bout.

Sa conduite, pour dire que Tartufe commandait à l’exempt.

Oui, de tous vos papiers, dont il (Tartufe) se dit le maître,
Il (le roi) veut qu’entre vos mains je dépouille le traître.

Tant d’impropriété de termes, d’incorrection et de négligence, feraient à bon droit soupçonner que ce morceau de placage n’est pas de Molière. Molière en aura donné l’idée et confié l’exécution à quelqu’un des versificateurs de sa troupe. C’est ce qui expliquerait l’étrange disparate de cette tirade dans une pièce qui, parmi toutes celles de Molière, peut réclamer le prix du style.

Enfin, si Molière a versifié lui-même ce passage, il fallait qu’il n’attachât guère d’importance à la matière.

L’amant n’a point de part à ce transport brutal.
Il a pour vous, ce cœur, pour jamais y penser,
Trop de respect, trop de tendresse:
Et si de faire rien à vous pouvoir blesser
Il avoit eu la coupable foiblesse,
De cent coups à vos yeux il voudroit le percer.
(Amph. II. 6.)

Le premier il se rapporte au cœur; le second, à l’amant, qui est nommé dans la phrase précédente.

Peut-être faudrait-il lire se percer; mais aucune édition ne le donne.

Enfin le Malade imaginaire offre de fréquents exemples de cette incorrection:

Tout le spectacle se passe sans qu’il (le berger) y donne la moindre attention. Mais il se plaint qu’il est trop court, parce qu’en finissant il se sépare de son adorable bergère.

(Mal. im. II. 6.)

Le premier il représente le berger; le second, le spectacle; et le troisième, encore le berger. En finissant, qui grammaticalement ne peut se rapporter qu’au berger, se rapporte au spectacle.

On lit dans la même scène:

Des manières de vers libres tels que la passion et la nécessité peuvent faire trouver.

(Ibid.)

Il paraît qu’il faut en ou les faire trouver.

On l’avertit que le père de la belle a conclu son mariage avec un autre.

(Ibid.)

Son ne désigne pas le mariage du père, comme la phrase le ferait entendre, mais celui de la belle.

Cette pièce est de toutes celles de Molière la plus négligemment écrite. On y sent en quelque sorte la rapidité de l’auteur fuyant devant la mort, qui l’atteignit à la quatrième représentation. Au reste, cette faute d’employer dans la même phrase deux il relatifs à des sujets différents, se rencontre dans les meilleurs écrivains. En voici un exemple de Pascal:

«Les confesseurs n’auront plus le pouvoir de se rendre jugés de la disposition de leurs pénitents, puisqu’ils (les confesseurs) sont obligés de les croire sur leur parole, lors même qu’ils (les pénitents) ne donnent aucun signe suffisant de douleur.»

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