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Lexique comparé de la langue de Molière et des écrivains du XVIIe siècle

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LEXIQUE
DE LA
LANGUE DE MOLIÈRE.


A B C D E F G H I J L M N O P Q R S T U V Y

A, devant un infinitif, propre à, capable de, de force ou de nature à....

Cherchons une maison à vous mettre en repos.
(L’Ét. V. 3.)

Je me sens un cœur à aimer toute la terre.

(D. Juan. I. 2.)

Je n’ai point un courroux à s’exhaler en paroles vaines.

(Ibid. I. 3.)
Pour de l’esprit, j’en ai sans doute, et du bon goût
A juger sans étude et raisonner de tout,
A faire aux nouveautés, dont je suis idolâtre,
Figure de savant sur les bancs d’un théâtre.
(Mis. III. 1.)
Et la cour et la ville
Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile.
(Ibid. I. 1.)

Monsieur n’est point une personne à faire rire.

(Pourc. I. 5.)

Des ennuis à ne finir que par la mort.

(Am. Magn. I. 1.)

—A, devant un infinitif, pour en suivi d’un participe présent:

On ne devient guère si riche à être honnêtes gens.

(B. Gent. III. 12.)

En étant honnêtes gens.

L’allégresse du cœur s’augmente à la répandre.
(Éc. des fem. IV. 6.)

En la répandant, lorsqu’on la répand.

Cette tournure correspond au gérondif en do, ou au supin en u des Latins, qui n’est lui-même qu’un datif ou un ablatif, l’un et l’autre marqués en français par à: vires acquirit eundo; diffunditur auditu.

Il faut avec vigueur ranger les jeunes gens,
Et nous faisons contre eux à leur être indulgents.
(Éc. des f. V. 7.)

En leur étant indulgents.

Votre choix est tel,
Qu’à vous rien reprocher je serois criminel.
(Sgan. 20.)

En vous reprochant rien, si je vous reprochais rien.

A, devant un infinitif, marque le but:

... Un cœur qui jamais n’a fait la moindre chose
A mériter l’affront où ton mépris l’expose.
(Sgan. 16.)

Pour mériter, tendant à mériter.

Si c’étoit une paysanne, vous auriez maintenant toutes vos coudées franches à vous en faire la justice à bons coups de bâton.

(G. D. I. 3.)

Lorsque si généreusement on vous vit prêter votre témoignage à faire pendre ces deux personnes qui ne l’avoient pas mérité.

(Pourc. I. 3.)
Ah! c’est ici le coup le plus cruel de tous,
Et dont à s’assurer trembloit mon feu jaloux.
(Amph. II. 2.)
La chose quelquefois est fâcheuse à connoître,
Et je tremble à la demander.
(Ibid. II. 2.)

—A, devant un infinitif, au point de, jusqu’à:

La curiosité qui vous presse est bien forte,
M’amie, à nous venir écouter de la sorte!
(Tart. II. 2.)

—A, devant un infinitif, par le moyen de:

Et que deviendra lors cette publique estime
Qui te vante partout pour un fourbe sublime,
Et que tu t’es acquise en tant d’occasions,
A ne t’être jamais vu court d’inventions!
(L’Ét. III. 1.)

—A supprimé.

Voyez PRÉPOSITION supprimée.

—A datif, redoublé surabondamment:

Et je le donnerois à bien d’autres qu’à moi,
De se voir sans chagrin au point où je me voi.
(Sgan. 16.)
Que de son cuisinier il s’est fait un mérite,
Et que c’est à sa table à qui l’on rend visite.
(Mis. II. 5.)

L’on prescrit aujourd’hui de dire à bien d’autres que moi.... C’est à sa table que l’on rend visite, sous prétexte que les deux datifs font double emploi; mais cette façon de parler est originelle dans notre langue, et nous vient du latin, où cette symétrie des cas est rigoureusement observée entre le substantif et son pronom relatif.

Boileau a dit de même:

«C’est à vous, mon esprit, à qui je veux parler.»
(Sat. IX.)

Vers qu’il lui eût été facile de changer, et qu’il voulut maintenir, avec raison; car ce pléonasme est dans le génie et la tradition de la langue:

LE DRAPIER.
«Par la croix où Dieu s’estendy,
«C’est à vous à qui je vendy
«Six aulnes de drap, maistre Pierre.»
(Pathelin.)

Voyez DE redoublé surabondamment.

—A VOUS, où nous ne mettons plus que vous.

Voilà un homme qui veut parler à vous.
(Mal. im. II. 2.)

A datif, marquant la perte ou le profit.

Être ami a quelqu’un:

Mais, quelque ami que vous lui soyez...
(D. Juan. III. 4.)

Cette tournure vient des Latins, qui l’avaient empruntée aux Grecs.

—A (un substantif) devant, en présence de...

A l’orgueil de ce traître,
De mes ressentiments je n’ai pas été maître.
(Tart. V. 3.)
A cette audace étrange,
J’ai peine à me tenir, et la main me démange.
(Ibid. V. 4.)

—A pour de; essayer à, manquer à, tâcher à...

Essayez, un peu, par plaisir, à m’envoyer des ambassades, à m’écrire secrètement de petits billets doux, à épier les moments que mon mari n’y sera pas....

(G. D. I. 6.)
Manquez un peu, manquez à le bien recevoir.
(Sgan. 1.)
Depuis assez longtemps je tâche à le comprendre.
(Ibid. III. 5.)

—A pour en, dans: SE METTRE QUELQUE CHOSE A LA TÊTE:

Pensez-vous.....
Et, quand nous nous mettons quelque chose à la tête,
Que l’homme le plus fin ne soit pas une bête?
(Éc. des Mar. I, 2.)

A pour contre; Changer une chose A une autre:

Et, des rois les plus grands m’offrît-on le pouvoir,
Je n’y changerois pas le bonheur de vous voir.
(Mélicerte. II. 2.)
«Ce jour même, ce jour, l’heureuse Bérénice
«Change le nom de reine au nom d’impératrice.»
(Racine, Bérén.)

—A pour sur, d’après; A MON SERMENT:

Je n’en serai point cru à mon serment, et l’on dira que je rêve.

(G. D. II. 8.)
A mon serment l’on peut m’en croire.
(Amph. II. 1.)

—A dans le sens de par, SE LAISSER SÉDUIRE A....:

Et ne vous laissez point séduire à vos bontés.
(Fem. sav. V. 2.)
. . . . Et que j’aurois cette faiblesse d’âme
De me laisser mener par le nez à ma femme?
(Ibid. V. 2.)

Il est clair que Molière a voulu éviter la répétition de par. A se construit avec laisser; par se construirait avec mener.

Voyez A cause que,—A ce coup,—A cette fois,—A crédit,—A la considération,—A l’entour de,—A l’heure,—A ma suppression,—A plein,—A savoir,—Au et Aux.

ABANDONNER. Abandonner son cœur a..., suivi d’un infinitif:

Aussi n’aurois-je pas
Abandonné mon cœur à suivre ses appas....
(Éc. des Mar. II. 9.)

ABOYER, métaphoriquement; ABOYER APRÈS QUELQU’UN, en parlant des créanciers:

Nous avons de tous côtés des gens qui aboient après nous.

(Scap. I. 7.)

ABSENT. Absent de quelqu’un:

Et qu’un rival, absent de vos divins appas.....
(D. Garcie. I. 3.)
«Nul heur, nul bien ne me contente,
«Absent de ma divinité.»
(François Ier.)

C’est un latinisme: abesse ab.

A CAUSE QUE.

Vous ne lui voulez mal, et ne le rebutez
Qu’à cause qu’il vous dit à tous vos vérités.
(Tart. I. 1.)
Et voilà qu’on la chasse avec un grand fracas,
A cause qu’elle manque à parler Vaugelas.
(Fem. sav. II. 7.)

«Ceux qu’on nomme chercheurs, a_cause_que, dix-sept cents ans après J. C., ils cherchent encore la religion.»

(Bossuet. Or. fun. de la R. d’A.)

ACCESSOIRE. En un tel accessoire, en pareille circonstance:

Et tout ce qu’elle a pu, dans un tel accessoire,
C’est de me renfermer dans une grande armoire.
(Éc. des f. IV. 6.)

Accessoire paraît un mot impropre, suggéré par le besoin de rimer. On voit, à la plénitude du sens et à la fermeté habituelle de l’expression, que Molière avait, comme Boileau, l’usage de s’assurer d’abord de son second vers. De là vient que souvent le second hémistiche du premier tient de la cheville, comme en cette occasion. (Voyez CHEVILLES.)

ACCOISER, calmer:

Ier MÉDECIN. Adoucissons, lénifions et accoisons l’aigreur de ses esprits.

(Pourc. I. 2.)

L’orthographe primitive est quoi, quoie, de quietus: on devrait donc écrire aussi aquoiser; mais l’écriture s’applique à saisir les sons plutôt qu’à garder les étymologies. C’est une des causes qui transforment les mots.

Accoiser était du langage usuel; Bossuet s’en est servi dans sa Connaissance de Dieu; les éditeurs modernes ont changé mal à propos cette expression. Voici le passage tel qu’on le lit dans l’édition originale donnée par l’auteur:

«Si les couleurs semblent vaguer au milieu de l’air, si elles s’affoiblissent peu à peu, si enfin elles se dissipent, c’est que le coup que donnoit l’objet présent ayant cessé, le mouvement qui reste dans le nerf est moins fixe, qu’il se ralentit, et enfin s’accoise tout à fait.»

On a substitué qu’il cesse tout à fait. (P. 93, éd. de 1846.)

ACCOMMODÉ pour à l’aise, opulent:

J’ai découvert sous main qu’elles ne sont pas fort accommodées.

(L’Av. I. 2.)

Le seigneur Anselme est....... un gentilhomme qui est noble, doux, posé, sage, et fort accommodé.

(Ibid. I. 7.)

«Mon pere estoit des premiers et des plus accommodez de son village.»

(Scarron, Rom. com., 1e p., ch. XIII.)

Trévoux dit:

«Un homme riche et accommodé, dives.» «Un homme assez accommodé des biens de la fortune

(Mascaron.)

Cette locution accommodé des biens de la fortune paraissant trop longue, on a fini par dire simplement accommodé. Mais ce qui est plus singulier, c’est de trouver incommode aussi absolument et sans régime, pour signifier pauvre, dans la gêne ou la misère.

«Revenons donc aux personnes incommodees, pour le soulagement desquelles nos pères... assurent qu’il est permis de dérober, non-seulement dans une extrême nécessité....»

(Pascal, 8e Prov.)

(Voyez INCOMMODÉ.)

ACCOMMODÉ DE TOUTES PIÈCES:

Est-ce qu’on n’en voit pas de toutes les espèces,
Qui sont accommodés chez eux de toutes pièces?
(Éc. des fem. I. 1.)

On ne sauroit aller nulle part, où l’on ne vous entende accommoder de toutes pièces.

(L’Av. III. 5.)

L’on vous accommode de toutes pièces, sans que vous puissiez vous venger.

(G. D. I. 3.)

Cette métaphore, de toutes pièces, nous reporte au temps de la chevalerie. Un chevalier, accommodé de toutes les pièces de son armure, était accommodé aussi complétement que possible; il n’y manquait rien.

J’ai en main de quoi vous faire voir comme elle m’accommode.

(G. D. II. 9.)

ACCOMMODER A LA COMPOTE:

Il me prend des tentations d’accommoder tout son visage à la compote...

(G. D. II. 4.)

ACCORD. Être d’accord de, convenir, reconnaître:

Autant qu’il est d’accord de vous avoir aimé.
(Amph. II. 6.)
Qu’aux pressantes clartés de ce que je puis être,
Lui-même soit d’accord du sang qui m’a fait naître.
(Ib. III. 5.)

ALLER AUX ACCORDS, être conciliant; accommoder les choses:

Argatiphontidas ne va point aux accords.
(Amph. III. 8.)

ACCOUTUMÉ; AVOIR ACCOUTUMÉ, avoir coutume:

Allez, monsieur, on voit bien que vous n’avez pas accoutumé de parler à des visages.

(Mal. im. III. 6.)

ACCROCHÉ, ACCROCHÉ A QUELQU’UN:

Mais aux hommes par trop vous êtes accrochées.
(Amph. II. 5.)

Sur cette locution par trop, je ferai observer que c’est un des plus anciens débris de la langue française primitive. Par s’y construit, non avec trop, mais avec l’adjectif ou le participe qui le suit, et qui se trouve ainsi élevé à la puissance du superlatif. C’est une imitation de l’emploi de per chez les Latins: pergrandis, pergratus. Cette formule se pratiquait en français avec la tmèse de par; c’était comme si l’on eût dit sans tmèse: Vous êtes trop paraccrochées aux hommes.

Par se construisait de même avec les verbes: parfaire, parachever, parcourir, parbouillir, pargagner:

Pourtant, et s’il eust barguigné
Plus fort, il eust par bien gaigné
Un escu d’or.
(Le nouveau Pathelin.)

S’il eût marchandé, il eût bien pargagné un écu d’or.

(Voyez Des Variations du langage français, p. 236.)

A CE COUP:

Voyons si votre diable aura bien le pouvoir
De détruire, à ce coup, un si solide espoir.
(L’Ét. V. 16.)

(Voyez A CETTE FOIS.)

A CETTE FOIS:

Mais à cette fois, Dieu merci! les choses vont être éclaircies.

(G. D. III. 8.)

Racine a dit pareillement:

«La frayeur les emporte, et, sourds à cette fois,
«Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix.»
(Phèdre. V. 6.)

A cette fois était la seule façon de parler admise originairement:

«Je ne say plus que vous mander
«A cette fois, ne mes que tant
«Que je di: a Dieu vous commant.»
(Rom. de Coucy. v. 3184.)

A se mettait pour marquer le temps, où nous mettons aujourd’hui sans prépositions un véritable ablatif absolu; cependant nous disons encore à toujours, à jamais, comme dans le Roman du Châtelain de Coucy:

«Vostre serois à tousjours mais...»

(Coucy. v. 5357.)

«A une aultre fois, ils (les Espagnols) meirent brusler pour un coup, en mesme feu, quatre cents soixante hommes touts vifs.»

(Mont. III. 6.)

Nous dirions: une autre fois.

«En quoy (à bien employer les richesses de l’État) le pape Gregoire treizieme laissa sa memoire recommandable à long temps; et en quoy nostre royne Catherine tesmoigneroit à longues années sa liberalité naturelle et munificence, si les moyens suffisoient à son affection.»

(Mont. Ibid.)

Bossuet dit toujours à cette fois:

«Mais, à cette dernière fois, la valeur et le grand nom de Cyrus fit que..... etc.»

(Hist. Un. IIIe p. § 4.)

ACHEMINER QUELQU’UN A UNE JOIE:

Ah! Frosine, la joie où vous m’acheminez.....
(Dép. am. V. 5.)

ACOQUINER QUELQU’UN A QUELQUE CHOSE:

Et je crois, tout de bon, que nous les verrions (les femmes) nous courir, sans tous ces respects et ces soumissions où les hommes les acoquinent.

(Pr. d’Él. III. 3.)
Mon Dieu, qu’à tes appas je suis acoquiné!
(Dép. am. IV. 4.)

«.... tant les hommes sont accoquinez à leur estre miserable

(Montaigne. II. 37.)

Coquin, au moyen âge, signifiait un mendiant paresseux; d’où l’on est passé à l’idée de malfaiteur ou de voleur dissimulé.

«Lesquels jeunes hommes, venant de la ville de Roches en la ville de Rueil, ou chemin trouvèrent un homme en habit de quoquin.....»

(Lettres de rémission de 1375.)

«Un homme querant et demandant l’aumosne, qui estoit vestu d’un manteau tout plain de paletaux, comme un coquin ou caimant[38]

(Lettres de 1392.)

«Pierre Perreau, homme plain d’oisiveté... alant mendiant et coquinant par le pays.»

(Lettres de 1460.)

Dans les Actes de la vie de saint Jean, il est question d’un jeune homme qui insultait le saint:

«Vocando ipsum coquinum et truantem.»

(Ducange, in Coquinus.)

S’acoquiner est donc s’attacher comme fait un mendiant importun à celui qu’il sollicite.

L’étymologie la plus probable dérive coquin de coquina, cuisine, lieu que les coquins hantent volontiers. On voit déjà dans Plaute que cuisinier était synonyme de voleur:

Mihi omnis angulos
Furum implevisti in ædibus misero mihi,
Qui intromisisti in ædes quingentos coquos.
(Aulul.)
Forum coquinum qui vocant stulte vocant;
Nam non coquinum, verum furinum est forum.
(Pseudol.)

Voyez Du Cange, aux mots coquinus et cociones.

Nicot, au mot accoquiner, dit sans autorité que coquin signifiait privé, familier.

A CRÉDIT, gratuitement: MISÉRABLE A CRÉDIT:

C’est jouer en amour un mauvais personnage,
Et se rendre, après tout, misérable à crédit.
(Dép. am. I. 2.)

ADIEU VOUS DIS, sorte d’adverbe composé:

Adieu vous dis mes soins pour l’espoir qui vous flatte.
(L’Ét. II. 1.)

Il faut considérer adieu vous dis, ancienne formule, comme adieu tout simplement, sans tenir compte du vous ni du verbe dire: Adieu mes soins pour l’espoir qui vous flatte.

L’édition de P. Didot ponctue, d’après celle de 1770:

Adieu, vous dis, mes soins pour l’espoir qui vous flatte.

Où l’on voit que l’éditeur prend vous dis pour vous dis-je:—Adieu mes soins, vous dis-je... Ce n’est pas le sens. Vous dis ne s’adresse point à l’interlocuteur de Mascarille, pas plus que ce n’est une apostrophe: adieu vous dis, ô mes soins! C’est tout simplement: Adieu mes soins.

A DIRE VÉRITÉ, pour dire la vérité:

Mais il vaut beaucoup mieux, à dire vérité,
Que la femme qu’on a pèche de ce côté.
(Éc. des fem. III. 3.)

ADMETTRE CHEZ QUELQU’UN, introduire:

En vous le produisant, je ne crains point le blâme
D’avoir admis chez vous un profane, madame.
(Fem. sav. III. 5.)

ADMIRER DE (un infinitif):

J’admire de le voir au point où le voilà.
(Éc. des fem. I. 6.)
Et j’admire de voir cette lettre ajustée
Avec le sens des mots et la pierre jetée.
(Ibid. III. 4.)

ADMIRER COMME....:

J’admire comme le ciel a pu former deux âmes aussi semblables en tout que les nôtres.....

(Pr. d’Él. IV. 1.)

Pascal a dit j’admire que:

«Car qui n’admirera que notre corps.... soit à présent un colosse, un monde, etc.»

(Pensées, p. 282.)

«Vous admirerez que la dévotion qui étonnoit tout le monde ait pu être traitée par nos pères avec une telle prudence, que....., etc.»

(9e. Prov.)

«Il faudroit admirer qu’elle (cette doctrine) ne produisît pas cette licence.»

(14e Prov.)

ADRESSES, au pluriel:

Enfin, j’ai vu le monde et j’en sais les finesses:
Il faudra que mon homme ait de grandes adresses,
Si message ou poulet de sa part peut entrer.
(Éc. des fem. IV. 5.)

ADRESSER, diriger, faire arriver:

Mon esprit, il est vrai, trouve une étrange voie
Pour adresser mes vœux au comble de leur joie.
(L’Ét. IV. 2.)

AFFECTER, affectionner; rechercher avec affection.

MONTRER D’AFFECTER, étaler de l’affection ou la laisser paraître:

Vous buviez sur son reste, et montriez d’affecter
Le côté qu’à sa bouche elle avoit su porter.
(L’Ét. IV. 5.)

AFFECTER L’EXEMPLE DE QUELQU’UN:

Diane même, dont vous affectez tant l’exemple, n’a pas rougi de pousser des soupirs d’amour.

(Pr. d’Él. II. 1.)

AFFOLER, v. a. ÊTRE AFFOLÉ DE QUELQU’UN, figurément en être épris:

Vous ne sauriez croire comme elle est affolée de ce Léandre.

(Méd. malgré lui. III. 7.)

Affoler ne signifie pas rendre fou, comme l’explique le Suppl. au. Dict. de l’Acad., mais blesser, au propre et au figuré. C’est le verbe fouler composé avec a, marquant le progrès d’une action, comme dans alentir, apetisser, agrandir, amaladir. Elle en est affolée, elle en est férue.

«Ha! le brigand! il m’a tout affolée
(La Font. Le diable de Pap.)

Rendre fou se disait affolir (racines, fol, folle, et a). Montaigne a bien gardé la différence de ces deux mots:

«Et leur sembloit que c’estoit affoler les mystères de Venus, que de les oster du retiré sacraire de son temple.»

(II, 12.) Lædere mysteria Veneris.

«Il y a non-seulement du plaisir, mais de la gloire encores, d’affolir ceste molle doulceur et ceste pudeur enfantine.»

(Mont. II. 15.)

On avait composé aussi de foler (fouler) gourfoler ou gourfouler. (Voyez Du Cange, au mot affolare.)

Ce qui aura conduit à confondre les deux formes de l’infinitif, c’est qu’en effet le présent de l’indicatif est le même: le berger Aignelet, à qui son avocat recommande de ne répondre à toutes les questions autre chose sinon bée, s’y engage:

«Dites hardiment que j’affole,
«Si je dis huy autre parole.»
(Pathelin.)

On remarque de plus, dans cet exemple, affolir employé au sens neutre, pour devenir fou.

De même, un peu plus loin, quand le drapier brouille son drap et ses moutons, Pathelin s’écrie vers le juge:

«Je regny sainct Pierre de Rome,
«S’il n’est fin fol, ou il affole

Il est fou, ou il le devient.

AFFRONTER QUELQU’UN, le tromper effrontément, jusqu’à l’outrager et s’exposer à sa vengeance:

Ah! vous me faites tort! S’il faut qu’on vous affronte,
Croyez qu’il m’a trompé le premier à ce conte.
(L’Ét. IV. 7.)
Courons-le donc chercher, ce pendant qui m’affronte.
(Sgan. 17.)
Si j’y retombe plus, je veux bien qu’on m’affronte.
(Éc. des fem. II. 6.)
«A votre avis, le Mogol est-il homme
Que l’on osât de la sorte affronter
(La Font., la Mandr.)

AFFRONTER UN CŒUR:

Un cœur ne pèse rien, alors que l’on l’affronte.
(Dép. am. II. 4.)

AGRÉER QUE...:

Agréez, monsieur, que je vous félicite de votre mariage.

(Mar. for. 12.)

AGROUPÉ:

Les contrastes savants des membres agroupés,
Grands, nobles, étendus, et bien développés.
(La Gloire du Val de Grâce.)

Trévoux le donne comme un terme technique en peinture, et cite cette phrase de Félibien: «Il faut que les membres soient agroupés aussi bien que les corps.»

Sur l’a initial des verbes composés, voyez ASSAVOIR.

AHEURTÉ A QUELQUE CHOSE:

De tout temps elle a été aheurtée à cela.
(Mal. im. I. 5.)

Nicot donne pour exemple:

«Un aheurté plaideur, un homme confit en procès, un plaidereau.»

Selon Trévoux, il se dit aussi absolument: c’est un homme qui s’aheurte, un homme aheurté.

AIENT en deux syllabes:

Ils ne vous ôtent rien, en m’ôtant à vos yeux,
Dont ils n’aient pris soin de réparer la perte.
(Psyché. II. 1.)

AIGREUR, ressentiment:

El l’aigreur de la dame, à ces sortes d’outrages
Dont la plaint doucement le complaisant témoin,
Est un champ à pousser les choses assez loin.
(Éc. des m. I. 6.)

On a peine à concevoir une aigreur qui est un champ.

AIMER (S’) QUELQUE PART, s’y plaire:

Pourquoi me chasses-tu?—Pourquoi fuis-tu mes pas?
—Tu me plais loin de moi.—Je m’aime où tu n’es pas.
(Mélicerte. I. 1.)

AIR, façon, manière, AGIR D’UN AIR..... TRAITER D’UN AIR....:

Au contraire, j’agis d’un air tout différent.
(L’Ét. V. 13.)
Et traitent du même air l’honnête homme et le fat.
(Mis. I. 1.)
Et je me vis contrainte à demeurer d’accord
Que l’air dont vous viviez vous faisoit un peu tort.
(Ibid. III. 5.)

Parlez, don Juan, et voyons de quel air vous saurez vous justifier.

(D. Juan. I. 3.)

AVOIR DE L’AIR DE.... ressembler à....:

Et ses effets soudains[39] ont de l’air des miracles.
(Éc. des fem. III. 4.)

AJUSTER (S’) A:

Ne voyez-vous pas bien que tout ceci n’est fait que pour nous ajuster aux visions de votre mari......?

(B. gent. V. 7.)

AU TEMPS:

Suivons, suivons l’exemple, ajustons-nous au temps.
(Psyché. I. 1.)

On remarquera dans ce verbe, s’ajuster à..., le pléonasme du datif qui s’y montre à l’état libre et dans la composition, preuve que le datif redoublé n’est pas plus contraire au génie de la langue française que ne l’est en latin, le redoublement analogue de la préposition adspirar ad, addere ad.

On trouve dans la version des Rois, se juster à et s’ajuster à.

La même observation s’applique à l’expression s’amuser à, qui renferme deux fois le même datif. Le verbe simple est muser; muser à quelque chose, s’amuser.

AJUSTER L’ÉCHINE; voyez ÉCHINE.

A LA CONSIDÉRATION DE... voyez CONSIDÉRATION.

ALAMBIQUER (S’), être ingénieux à se tourmenter:

Pour moi, j’ai déjà vu cent contes de la sorte.
Sans nous alambiquer, servons-nous-en: qu’importe?
(L’Ét. IV. 1.)

ALENTIR, ralentir:

Et notre passion, alentissant son cours,
Après ces bonnes nuits donne de mauvais jours.
(L’Ét. IV. 4.)
Je veux de son rival alentir les transports.
(Ibid. III. 4.)

(Voyez ASSAVOIR.)

A L’ENTOUR DE:

MORON.

Les voilà tous à l’entour de lui; courage! ferme!

(La Pr. d’Él. Intermède 1er; sc. 4.)

On ne voit pas pourquoi cette locution a été proscrite, ni sur quelle autorité suffisante. Entour est un substantif, puisqu’il a un pluriel: les entours de quelqu’un. A l’entour, soit qu’on l’écrive en deux mots ou en un, n’est pas plus un adverbe que à la hauteur, à la veille, etc.

«Le malheureux lion se déchire lui-même,
«Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs
(La Fontaine.)

Mais M. Boniface interdit ce complément. (Gramm. fr., no 674.)

A L’HEURE, pour tout à l’heure:

A l’heure même encor, nous avons eu querelle
Sur l’hymen d’Hippolyte, où je le vois rebelle.
(L’Ét. I. 9.)

A L’HEURE QUE:

A l’heure que je parle, un jeune Égyptien....
(L’Ét. IV. 9.)

A L’HEURE, sur l’heure, à l’instant même:

Et je souhaite fort, pour ne rien reculer,
Qu’à l’heure, de ma part, tu l’ailles appeler.
(Fâcheux I. 10.)

ALLÉGEANCE:

Et quand ses déplaisirs auront quelque allégeance,
J’aurai soin de tirer de lui votre assurance.
(L’Ét. II. 4.)

ALLER, construit avec un participe:

Il va vêtu d’une façon extravagante.

(Méd. malgré lui. I. 5.)

Ici il va signifie il sort, il se montre. Aller, construit avec le participe présent, marque d’ordinaire une action en progrès, comme dans cette phrase de Pascal: «Les opinions probables vont toujours en mûrissant.» (12e Prov.)

ALLER, lié à un autre verbe à l’infinitif:

Molière en fait toujours un verbe réfléchi construit avec en:

Je m’en vais la traiter du mieux qu’il me sera possible.

(Sicilien. 19.)

La voici qui s’en va venir.

(Ibid. 18.)
Le jour s’en va paraître.
(Éc. des fem. V. 1.)

ALLER A, au sens moral, aspirer à, tendre vers...:

Il ne faut mettre ici nulle force en usage,
Messieurs; et si vos vœux ne vont qu’au mariage,
Vos transports en ce lieu se peuvent apaiser.
(Éc. des mar. III. 6.)
Tous mes vœux les plus doux
Vont à m’en rendre maître en dépit du jaloux.
(Éc. des fem. I. 6.)
Et, comme je vous dis, toute l’habileté
Ne va qu’à le savoir tourner du bon côté[40].
(Éc. des fem. IV. 8.)

Je gagerois presque que l’affaire va là.

(D. Juan. I. 1.)

Notre honneur ne va point à vouloir cacher notre honte.

(Ibid. III. 4.)
Il ne va pas à moins qu’à vous déshonorer.
(Tart. III. 5.)
Et toute mon inquiétude
Ne doit aller qu’à me venger.
(Amph. III. 3.)
Argatiphontidas ne va point aux accords.
(Ibid. III. 8.)
Ce n’est qu’à l’esprit seul que vont tous les transports.
(Fem. sav. IV. 2.)

«De quelque manière qu’il pallie ses maximes, celles que j’ai à vous dire ne vont en effet qu’à favoriser les juges corrompus, les usuriers, les banqueroutiers, les larrons, les femmes perdues, etc.»

(Pascal. 8e Prov.)

ALLER DANS LA DOUCEUR, voy. DANS LA DOUCEUR.

ALTÉRÉ, troublé, ému:

Un tel discours n’a rien dont je sois altéré.
(Fem. sav. V. 1.)

AMBIGU, substantif, UN AMBIGU:

C’est un ambigu de précieuse et de coquette que leur personne.

(Préc. rid. I.)

AME QUI FLOTTE SUR DES SOUPÇONS:

Et je veux qu’un amant, pour me prouver sa flamme,
Sur d’éternels soupçons laisse flotter son âme.
(Fâcheux, II. 4.)

AMI, ÊTRE AMI A QUELQU’UN:

Mais, quelque ami que vous lui soyez.
(Don Juan. III. 4)

AMIS D’ÉPÉE:

Vous êtes de l’humeur de ces amis d’épée,
Que l’on trouve toujours plus prompts à dégaîner
Qu’à tirer un teston s’il le falloit donner.
(L’Ét. III. 5.)

AMITIÉ TUANTE:

Leur tuante amitié de tous côtés m’arrête.
(Amph. III. 1.)

A MOINS QUE, suivi d’un infinitif, sans de:

Le moyen d’en rien croire, à moins qu’être insensé?
(Amph. II. 1.)

A MOINS QUE DE:

A moins que de cela, l’eussé-je soupçonné?
(L’Ét. I. 10.)

AMOUR, féminin:

Il disait qu’il m’aimoit d’une amour sans seconde.
(Éc. des fem. II. 6.)
Vous ne pouvez aimer que d’une amour grossière.
(Fem. sav. IV. 2.)

Pourquoi amour est-il aujourd’hui du masculin au singulier, et du féminin au pluriel? Cette inconséquence est toute moderne, et l’on n’en voit pas le prétexte. Un amour est un petit Cupidon; une amour est une affection de l’âme; on aurait dû y maintenir la même différence qu’entre un satyre et une satire. Amour est demeuré féminin depuis l’origine de la langue jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

«Qu’une première amour est belle!
«Qu’on a peine à s’en dégager!
«Et qu’on doit plaindre un cœur fidèle
«Quand il est réduit à changer!»
(Quinault. Atys.)

C’est comme le mot orgue, qui est aussi masculin au singulier et féminin au pluriel. Qu’y a-t-on gagné? d’être obligé de dire: C’est un des plus belles orgues du monde.

AMOUREUSEMENT, en parlant de la tendresse filiale:

Elle faisoit fondre chacun en larmes, en se jetant amoureusement sur le corps de cette mourante, qu’elle appeloit sa chère mère.

(Scapin. I. 2.)

Pascal, parlant d’un enfant que veulent ravir des voleurs, et que sa mère s’efforce de retenir:

«Il ne doit pas accuser de la violence qu’il souffre la mère qui le retient amoureusement, mais ses injustes ravisseurs.»

(8e Prov.)

AMPHIBOLOGIE:

Et de même qu’à vous je ne lui suis pas chère.
(Mélicerte. II. 3.)

Il semble que Mélicerte veuille dire: Je ne suis chère ni à lui, ni à vous; et sa pensée est au contraire: Je ne suis pas chère à votre père comme je le suis à vous. L’ellipse combinée avec l’inversion produit cette équivoque, car sans l’inversion la phrase serait encore assez claire: Je ne lui suis pas chère comme à vous, ou de même qu’à vous.

AMPLEMENT AJUSTÉ, paré fastueusement:

Quand un carrosse fait de superbe manière,
Et comblé de laquais et devant et derrière,
S’est avec grand fracas devant nous arrêté,
D’où sortant un jeune homme amplement ajusté......
(Les Fâcheux, I. 1.)

AMUSEMENT, dans le sens où l’on dit amuser quelqu’un, s’amuser à:

Tu prends d’un feint courroux le vain amusement.
(Sgan. 6.)

—Perte de temps, retard:

Moi, je l’attends ici, pour moins d’amusement.
(Tart. I. 3.)

Pour m’arrêter moins longtemps.

Le moindre amusement vous peut être fatal.
(Ibid. V. 6.)
N’est-il point là quelqu’un?—Ah que d’amusement!
Veux-tu parler?
(Mis. IV. 4.)
Mais plus d’amusement et plus d’incertitude.
(Ibid. V. 2.)
Amphitryon, c’est trop pousser l’amusement!
Finissons cette raillerie.
(Amph. II. 2.)
Henriette, entre, nous est un amusement,
Un voilé ingénieux, un prétexte, mon frère,
A couvrir d’autres feux dont je sais le mystère.
(Fem. sav. II. 3.)

La Fontaine a dit amusette dans le sens de joujou:

«Le fermier vient, le prend, l’encage bien et beau,
«Le donne à ses enfants pour servir d’amusette
(Le Corbeau voulant imiter l’Aigle.)

ANCRER (S’) CHEZ QUELQU’UN, se mettre avant dans sa faveur:

A ma suppression il s’est ancré chez elle.
(Éc. des fem. III. 5.)

ANES BIEN FAITS, bien véritables, ânes de tout point:

Ma foi, de tels savants sont des ânes bien faits!
(Fâcheux. III. 2.)

ANGER, verbe actif:

Votre père se moque-t-il de vouloir vous anger de son avocat de Limoges?

(M. de Pourc. I. 1.)

Ce mot vient du latin augere, par la confusion, autrefois très-fréquente de l’n et de l’u. De l’italien montone est venu mouton; de monasterium, par syncope monstier et moustier, de conventus, convent et couvent, etc.

«Il les angea de petits Mazillons,
«Desquels on fit de petits moinillons.»
(La Fontaine, Mazet.)

Auxit eas. De l’idée d’augmentation à l’idée d’embarras il n’y a presque pas de distance. Mais M. Auger se trompe trois fois quand il dit que anger n’est pas dans Nicot, qu’il vient du latin angere, et qu’il signifie incommoder.

Anger est dans Nicot, mais écrit par un e: enger. Cette orthographe vicieuse a prévalu, et persiste encore dans engeance, dont le sens prouve bien l’étymologie augere. C’est angoisse qui vient d’angere.

Trévoux se trompe encore plus gravement quand il fait venir enger du latin ingignere.

Anger était à la fois verbe actif et verbe neutre, absolument comme augere en latin. Voici les exemples cités par Nicot:

«L’ambassadeur Nicot a engé la France de l’herbe nicotiane,»

où l’on voit que enger n’implique pas une idée de blâme.

«La peste enge fort;...... ceste dartre enge grandement, c’est-à-dire, croist, se dilate, se multiplie.» Auget.

ANGUILLE SOUS ROCHE:

Nicole. Je crois qu’il y a quelque anguille sous roche.

(B. gent. III. 7.)

Quelque mystère caché.

ANIMALES, au féminin:

Quelques provinciales,
Aux personnes de cour fâcheuses animales.
(Fâcheux. II. 3.)

A PLEIN, VOIR A PLEIN, pleinement:

Au travers de son masque on voit à plein le traître.
(Mis. I. 1.)

«Qui voudra connoître à plein la vanité de l’homme.»

(Pascal. Pensées, p. 195.)

A PLEINS TRANSPORTS:

Goûter à pleins transports ce bonheur éclatant.
(D. Garc. III. 4.)

APPAS, D’INDIGNES APPAS, au figuré:

Mais l’argent, dont on voit tant de gens faire cas,
Pour un vrai philosophe a d’indignes appas.
(Fem. sav. V. 1.)

APPAS, au singulier, appât:

Qui dort en sûreté sur un pareil appas,
Et le plaint, ce galant, des soins qu’il ne perd pas.
(Éc. des fem. I. 1.)

Bossuet écrit de même:

«Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l’appas de sa liberté...»

(Or. fun. de la R. d’Angl.)

APPAT, SOUS L’APPAT DE...:

Ce marchand déguisé,
Introduit sous l’appât d’un conte supposé.
(L’Ét. IV. 7.)

APPLICATION, FAIRE UNE APPLICATION, appliquer un soufflet ou un coup de poing:

Chien d’homme! oh! que je suis tenté d’étrange sorte
De faire sur ce mufle une application!
(Dép. am. II. 7.)

APPRÊTER A RIRE:

N’apprêtons point à rire aux hommes,
En nous disant nos vérités.
(Amph. prol.)

APPROCHE, proximité, rapprochement:

Et quelle force il faut aux objets mis en place,
Que l’approche distingue, et le lointain efface.
(La Gloire du Val de Grâce.)

APPROCHE D’UN AIR:

L’approche de l’air de la cour a donné à son ridicule de nouveaux agréments.

(Comtesse d’Esc.)

APRÈS, préposition, recevant un complément direct:

Attaché dessus vous comme un joueur de boule
Après le mouvement de la sienne qui roule.
(L’Ét. IV. 5.)

Si bien donc que done Elvire..... s’est mise en campagne après nous?

(D. Juan. I. 1.)

Plusieurs médecins ont déjà épuisé leur science après elle.

(Méd. m. lui. I. 5.)

La pendarde s’est retirée, voyant qu’elle ne gagnoit rien après moi, ni par prières, ni par menaces.

(G. D. III. 10.)

Ils étoient une douzaine de possédés après mes chausses.

(Pourc. II. 4.)

J’ai mis vingt garçons après votre habit.

(B. g. II. 8.)

Il veut envoyer la justice en mer après la galère du Turc.

(Scapin. III. 3.)

APRÈS-DINÉE, féminin:

L’après-dînée m’a semblé fort longue.—Et moi je l’ai trouvée fort courte.

(Crit. de l’Éc. des fem. I.)

La Fontaine emploie la dînée sans après: «Mais dès la dînée le panier fut entamé.»

(Vie d’Ésope.)

Ce mot, la dînée, se rapporte au lieu et à l’heure où l’on mange le dîner, plutôt qu’au dîner lui-même.

APRÈS-SOUPÉE, par deux e, comme après-dînée:

Si je ne vous croyois l’âme trop occupée,
J’irois parfois chez vous passer l’après-soupée.
(Éc. des mar. I. 5.)
Et ce sera tantôt, n’étant plus occupée,
Le divertissement de notre après-soupée.
(Ibid. II. 9.)

ARDEURS, vif désir:

J’avois toutes les ardeurs du monde d’entrer dans votre alliance.

(Pourc. III. 9.)

ARDEZ, par apocope, regardez:

MARINETTE.
Ardez le beau museau,
Pour nous donner envie encore de sa peau!
(Dép. am. IV. 4.)

ARRÊTER, neutre, pour s’arrêter:

Mais, moi, mon jugement, sans qu’aux marques j’arrête,
Fut qu’il n’étoit que cerf à sa seconde tête.
(Fâcheux. II. 7.)
Autant qu’il vous plaira vous pouvez arrêter,
Madame, et là-dessus rien ne doit vous hâter.
(Mis. III. 5.)

Nos aïeux paraissent avoir exprimé ou supprimé arbitrairement le pronom des verbes réfléchis. Dans la version des Rois, on lit presque toujours en aller pour s’en aller:

«Goliath ki en vint de l’ost as Philistiens.» (P. 64.)—«Samuel od Saul en alad

(P. 57.)

Plaindre pour se plaindre:

«Cume deus dameiseles vinrent plaindre ad rei Salomum.»

(P. 235.)

«Pur ço en va e destruis Amalech.»

(P. 53.)

Arrêter était dans les mêmes conditions; et même aujourd’hui l’on ne dit pas arrête-toi, arrêtez-vous, mais arrête! arrêtez!

Cette faculté de prendre ou de laisser le pronom a été cause que beaucoup de verbes sont devenus exclusivement neutres ou actifs, qui dans l’origine étaient réfléchis. Car cette forme réfléchie plaisait à nos pères, pour les verbes exprimant une action dont l’auteur pouvait être aussi l’objet. Ainsi ils disaient se dormir, se disner, se combattre à quelqu’un, se fuir (d’où reste s’enfuir), se mourir, se jouer, etc.; quelques verbes sont restés dans l’indécision, comme arrêter ou s’arrêter.

«Car pour moi j’ai certaine affaire
«Qui ne me permet pas d’arrêter en chemin.»
(La Fontaine. Le Renard et le Bouc.)

ARRÊTER AVEC SOI:

Si tu veux me servir, je t’arrête avec moi.
(L’Ét. II. 9.)

Nous dirions aujourd’hui simplement: Je t’arrête.

ARTICLE mis où nous avons coutume de l’omettre, FAIRE LA JUSTICE:

Si c’étoit une paysanne, vous auriez maintenant toutes vos coudées franches à vous en faire la justice à bons coups de bâton.

(G. D. I. 3.)

Nous serons les premiers, sa mère et moi, à vous en faire la justice.

(Ibid. I. 4.)

—Mis en correspondance de un, une:

George Dandin, George Dandin, vous avez fait une sottise la plus grande du monde.

(Ibid. I. 1.)

Elle se prend d’un air le plus charmant du monde aux choses qu’elle fait.

(L’Av. I. 2.)

Article supprimé où nous le répétons:

Dis si les plus cruels et plus durs sentiments
Ont rien d’impénétrable à des traits si charmants.
(L’Ét. I. 2.)
Il nous faut le mener en quelque hôtellerie,
Et faire sur les pots décharger sa furie.
(Ibid. I. 11.)

Le mener.... le faire décharger sa furie.

Les querelles, procès, faim, soif et maladie,
Troublent-ils pas assez le repos de la vie?
(Sgan. 17.)

Les quatre derniers substantifs sont embrassés dans l’article pluriel, placé une fois pour toutes devant le premier.

Cet emploi de l’article était une tradition du XVIe siècle. Au XVIe siècle, on n’exprimait qu’une fois l’article devant plusieurs substantifs, même de genres différents, pourvu qu’ils fussent au même nombre, c’est-à-dire, tous au pluriel ou tous au singulier:

«Quant à la hardiesse et courage, quant à la fermeté, constance et resolution contre les douleurs, etc.»

(Montaigne. III. 6.)

«Qui ne participe au hasard et difficulté ne peult pretendre interest à l’honneur et plaisir qui suit les actions hasardeuses.»

(Id. III. 7.)

La même règle s’appliquait au pronom possessif:

«Nostre royne Catherine tesmoigneroist sa liberalité et munificence

(Id. III. 6.)

«Madame Katerine, ma sœur......, est partie avecques ma litiere et cheval.......»

(La reine de Navarre. Lettres. I. p. 290.)

Notre vieille langue avait si fort le goût de l’ellipse, qu’elle s’empressait de l’admettre dès qu’il n’en résultait pas le danger d’être obscur ou équivoque. Le plus, marque du superlatif, ne se répétait pas aussi devant plusieurs adjectifs. La première fois servait pour toute la suite:

«...... Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’espée, et la plus riche et belle partie du monde bouleversée pour la negociation des perles et du poivre.»

(Montaigne. III. 6.)

Que gagnons-nous à répéter toujours l’article? ce n’est ni de la clarté, ni de la rapidité.

A SAVOIR, voy. ASSAVOIR.

AS DE PIQUE, langue piquante, mauvaise langue:

O la fine pratique,
Un mari confident!
MARINETTE.
Taisez-vous, as de pique!
(Dép. am. V. 9.)

Jeu de mots sur le sens figuré du verbe piquer.

ASSASSINANT, adjectif; RIGUEUR ASSASSINANTE:

Et dans le procédé des dieux,
Dont tu veux que je me contente,
Une rigueur assassinante
Ne paroît-elle pas aux yeux?
(Psyché. II. 1.)

(Voyez AMITIÉ TUANTE.)

ASSAVOIR:

Le bal et la grand’bande, assavoir deux musettes.
(Tart. II. 3.)

Toutes les éditions portent mal à propos à savoir en deux mots. Il ne faut point d’à; c’est l’ancien infinitif assavoir. L’usage permet aussi bien de dire: savoir, deux musettes, non qu’alors on supprime l’à, mais on substitue à l’ancienne forme la nouvelle. Faire à savoir n’a point de sens.

Dans l’origine, l’a était employé comme affixe au-devant de certains verbes: asavoir, alogier, apetisser, asasier, alentir, etc.; on ne sait pourquoi les trois derniers ont pris l’r: rapetisser, rassasier, ralentir:

«Dame, je vos fais asavoir
«Que j’ai esté et main et soir
«Vos homs, vo serfs, vo chevaliers.»
(Roman de Coucy.)
«Israel se fud alogied sur une fontaine.»
(Rois, p. 112.)

Se logea sur une fontaine.

«Li sages est cil qui met en bones gens ce qu’il pot soufrir, sans apetisser et sans acquerre malvaisement.»

(Beaumanoir. I. 22.)

«Li cueur avariscieus ne pot estre assasiez d’avoir.»

(Ibid. p. 21.)

Pascal, dans la première Provinciale:

«Si j’avois du crédit en France, je ferois publier à son de trompe: On fait à savoir (sic) que quand les jacobins disent que la grâce suffisante est donnée à tous, ils entendent que tous n’ont pas la grâce qui suffit effectivement.»

Cette formule de publication s’est transmise, par la tradition orale, du fond du moyen âge; je l’ai encore entendue dans quelques villes de province. Mais quand on l’écrit, il faut mettre assavoir.

ASSEZ BONNE HEURE, de bonne heure:

Ah! pour cela toujours il est assez bonne heure.
(Dép. am. IV. 1.)

Si Molière eût jugé cette expression incorrecte, il lui était aisé de mettre: Il est d’assez bonne heure.

ASSIGNER SUR:

Les dettes que vous avez assignées sur le mariage de ma fille.

(Pourc. II. 7.)

On dirait aujourd’hui: hypothéquées sur le mariage de ma fille.

ASSOUVIR (S’), absolument comme se satisfaire:

Laissez-moi m’assouvir dans mon couroux extrême.
(Amph. III. 5.)

ASSURANCE SUR (PRENDRE):

Ne m’abusez-vous point d’un faux espoir, et puis-je prendre quelque assurance sur la nouveauté surprenante d’une telle conversion?

(D. Juan. V. 1.)

ASSURÉ, absolument, hardi, intrépide:

Est-il possible qu’un homme si assuré dans la guerre soit si timide en amour?

(Am. Magn. I. 1.)

ASSURER QUELQUE CHOSE A QUELQU’UN:

Pour moi, contre chacun je pris votre défense,
Et leur assurai fort que c’étoit médisance.
(Mis. III. 5.)

ASSURER QUELQU’UN DE SES SERVICES:

Dites-lui un peu que monsieur et madame sont des personnes de grande qualité qui lui viennent faire la révérence comme mes amis, et l’assurer de leurs services.

(B. gent. V. 5.)

ASSURER (S’), absolument, prendre sécurité, confiance; se rassurer:

A moins que Valère se pende,
Bagatelle! son cœur ne s’assurera point.
(Dép. am. I. 2.)
Moins on mérite un bien qu’on nous fait espérer,
Plus notre âme a de peine à pouvoir s’assurer.
(D. Garcie. II. 6.)
Quelque chien enragé l’a mordu, je m’assure.
(Éc. des fem. II. 2.)

Ce n’est pas assez pour m’assurer, entièrement, que ce qu’il vient de faire.

(Scapin. III. 1.)

«On ne peut s’assurer, et l’on est toujours dans la défiance.»

(Pascal. Pensées, p. 406.)

«Voyant trop pour nier et trop peu pour m’assurer

(Ibid. p. 210.)

«Je m’assure, mes pères, que ces exemples sacrés suffisent pour vous faire entendre... etc.»

(Pascal. 11e Prov.)

«On lui a envoyé les dix premières lettres (à Escobar): vous pouviez aussi lui envoyer votre objection, et je m’assure qu’il y eût bien répondu.»

(Id. 12e Prov.)

ASSURER (S’) A...:

Faut-il que je m’assure au rapport de mes yeux?
(D. Garcie. IV. 7.)
Et n’est-il pas coupable en ne s’assurant pas
A ce qu’on ne dit point qu’après de grands combats?
(Mis. IV. 3.)

ASSURER (S’) DE.... prendre sécurité, compter certitude sur....:

Pour mon cœur, vous pouvez vous assurer de lui.
(Fem. sav. IV. 7.)

ASSURER (S’) EN QUELQU’UN, EN QUELQUE CHOSE:

Du sort dont vous parlez je le garantis, moi,
S’il faut que par l’hymen il reçoive ma foi:
Il s’en peut assurer.
(Éc. des mar. I. 3.)
C’est conscience à ceux qui s’assurent en nous.
(Ibid.)

ASSURER (S’) SUR:

C’est en quoi je trouve la condition d’un gentilhomme malheureuse, de ne pouvoir point s’assurer sur toute la prudence et toute l’honnêteté de sa conduite.

(D. Juan. III. 4.)
Nos vœux sur des discours ont peine à s’assurer.
(Tart. IV. 5.)

ATTACHE, subst. fém., attachement, ATTACHE A...:

Et sa puissante attache aux choses éternelles.
(Tart. II. 2.)

«Pour moi, je n’ai pu y prendre d’attache

(Pascal. Pensées. p. 115.)

ATTAQUER QUELQU’UN D’AMITIÉ, D’AMOUR:

ZERBINETTE.

Je ne suis point personne à reculer lorsqu’on m’attaque d’amitié.

SCAPIN.

Et lorsque c’est d’amour qu’on vous attaque?

(Scapin. III. 1.)

Zerbinette veut dire: Lorsqu’on me prévient en m’offrant son amitié, comme vient de le faire Hyacinthe.

AU, AUX, dans le, dans les, relativement à:

Je ne me trompe guère aux choses que je pense.
(Dép. am. I. 2.)
Je ne sais si quelqu’un blâmera ma conduite
Au secret que j’ai fait d’une telle visite;
Mais je sais qu’aux projets qui veulent la clarté,
Prince, je n’ai jamais cherché l’obscurité.
(D. Garcie. III. 3.)

L’endurcissement au péché traîne une mort funeste.

(D. Juan. V. 6.)
Comment?—Je vois ma faute aux choses qu’il me dit.
(Tart. IV. 8.)
Et qu’au dû de ma charge on ne me trouble en rien.
(Ibid. V. 4.)

Je trouve dans votre personne de quoi avoir raison aux choses que je fais pour vous.

(L’Av. I. 1.)

Elle se prend d’un air le plus charmant du monde aux choses qu’elle fait.

(L’Av. I. 2.)
Et laver mon affront au sang d’un scélérat.
(Amph. III. 5.)
On souffre aux entretiens ces sortes de combats.
(Fem. sav. IV. 3.)
Je ne m’étonne pas, au combat que j’essuie,
De voir prendre à monsieur la thèse qu’il appuie.
(Ibid.)

Molière emploie volontiers aux dans la première partie de la phrase, et dans les dans la seconde.

Nous saurons toutes deux imiter notre mère
..................................................................
..................................................................
Vous, aux productions d’esprit et de lumière,
Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière.
(Fem. sav. I. 1.)
Aux ballades surtout vous êtes admirable.
—Et dans les bouts-rimés je vous trouve adorable.
(Ibid. III. 5.)

Cet emploi du datif, qui communique au discours tant de rapidité, était régulier dans le XVIe et le XVIIe siècle.

«De toutes les absurdités la plus absurde aux epicuriens est desadvouer la force et l’effect des sens.»

(Montaigne. II. ch. 12.)

«C’est à l’adventure quelque sens particulier qui..... advertit les poulets de la qualité hostile qui est au chat contre eux.»

(Id. I. 1.)

«Il n’est rien qui nous jecte tant aux dangiers qu’une faim inconsiderée de nous en mettre hors.»

(Id. III. 6.)

«Je ne craindray point d’opposer les exemples que je trouveray parmi eulx (les sauvages américains), aux plus fameux exemples anciens que nous ayons aux mémoires de nostre monde par deçà.»

(Id. ibid.)

L’origine et la justification de cet emploi du datif se voient toutes seules: c’est un latinisme. Le datif représente ici l’ablatif avec ou sans préposition.

Pascal a dit, par un latinisme analogue:

«Il étoit naturel à Adam et juste à son innocence...»

(Pensées. p. 323.)

Mais ici le datif dépend plutôt de l’adjectif. Cette expression revient très-souvent dans les Provinciales: au sens de, c’est-à-dire, dans le sens de:

«.... Je lui dis au hasard: Je l’entends au sens des molinistes

(1re Prov.)

AUX, sur les; FAIRE UNE ÉPREUVE A QUELQU’UN:

J’approuve la pensée, et nous avons matière
D’en faire l’épreuve première
Aux deux princes qui sont les derniers arrivés.
(Psyché. I. 1.)

(Voyez Datif.)

AUCUN, quelque, le moindre:

Sans me nommer pourtant en aucune manière,
Ni faire aucun semblant que je serai derrière.
(Éc. des fem. IV. 9.)

AUDIENCE AVIDE:

Et je vois sa raison
D’une audience avide avaler ce poison.
(D. Garcie. II. 1.)

Avaler d’une audience est une expression inadmissible, et qui touche au galimatias. Les Latins, plus hardis que nous, disaient bien densum humeris bibit aure vulgus; mais le français ne souffre pas l’image d’un homme qui avale par l’oreille.

AUNE, TOUT DU LONG DE L’AUNE:

Mme PERNELLE.
C’est véritablement la tour de Babylone,
Car chacun y babille, et tout du long de l’aune.
(Tart. I. 1.)

Jusqu’au bout, sans omettre un seul point.

Il est superflu sans doute d’avertir que cette locution est triviale; on est assez prévenu par le caractère de celle qui l’emploie.

AUPARAVANT QUE DE, archaïsme:

JEANNOT.

C’est M. le conseiller, madame, qui vous souhaite le bonjour, et, auparavant que de venir, vous envoie des poires de son jardin.

(Csse d’Esc. 13.)

Par avant est une expression composée, que l’on traitait comme un substantif: le par-avant, du par-avant, au par-avant; c’est le datif, ou plutôt l’ablatif absolu des Latins, et l’on construisait comme avant. (Voyez Avant que de.)

AUPRÈS, adverbe:

Monsieur, si vous n’êtes auprès,
Nous aurons de la peine à retenir Agnès.
(Éc. des fem. V. 8.)

AUQUEL pour :

Et c’est assez, je crois, pour remettre ton cœur
Dans l’état auquel il doit être.
(Amph. III. 11.)

AU PRIX DE, en comparaison de:

Tout ce qu’il a touché jusqu’ici n’est que bagatelle, au prix de ce qui reste.

(Impromptu. 3. 1663.)

Comparé à la valeur de ce qui reste.

«Elles filoient si bien, que les sœurs filandières
«Ne faisoient que brouiller au prix de celles-ci
(La Font. La Vieille et ses Servantes.)
«..... Il n’étoit au prix d’elle
«Qu’un franc dissipateur, un parfait débauché.»
(Boileau. Sat. X.)

AU RETOUR DE, en retour de...:

Et j’en ai refusé cent pistoles, crois-moi,
Au retour d’un cheval amené pour le roi.
(Fâcheux. II. 7.)

AUSSI, pour non plus, dans une phrase négative:

Ma foi, je n’irai pas.
—Je n’irai pas aussi.
(Éc. des fem. I. 1.)
Si je n’approuve pas ces amis des galants,
Je ne suis pas aussi pour ces gens turbulents....
(Ibid. IV. 8.)

L’action que vous avez faite n’est pas d’un gentilhomme, et ce n’est pas en gentilhomme aussi que je veux vous traiter.

(G. D. II. 10.)

La tournure moderne pour employer aussi, serait: aussi n’est-ce pas en gentilhomme, etc....

Mais le XVIIe siècle conservait aussi même après la négation exprimée, qui aujourd’hui commande non plus.

—«Ragotin fit entendre à la Rancune qu’une des comédiennes luy plaisoit infiniment. Et laquelle? dit la Rancune. Le petit homme estoit si troublé d’en avoir tant dit, qu’il respondit: Je ne sçay.—Ny moy aussy, dit la Rancune.»

(Scarron. Rom. com. 1re p. ch. XI.)

«Ces paroles ne peuvent donc servir qu’à vous convaincre vous-même d’imposture, et elles ne servent pas aussi davantage pour justifier Vasquez.»

(Pascal. 12e provinc.)

L’étymologie d’aussi est etiam. On disait dans l’origine essi, d’où l’on fit aisément ossi, et l’on écrivit par corruption aussi. Sylvius, dans sa grammaire imprimée chez Robert Estienne, en 1531, dit: «Etiam, eci vel oci; corrupte aussi.» (P. 145.)

AUTANT; IL N’EN FAUT PLUS QU’AUTANT, pour dire il ne s’en faut guère:

On la croyoit morte, et ce n’étoit rien.
Il n’en faut plus qu’autant, elle se porte bien.
(Sgan. 6.)

AVALER L’USAGE DE QUELQUE CHOSE, s’y soumettre bon gré malgré:

De ces femmes aux beaux et louables talents,
Qui savent accabler leurs maris de tendresses,
Pour leur faire avaler l’usage des galants!
(Amph. I. 4.)

AVANCÉ: PAROLE AVANCÉE, donnée:

Me tiendrez-vous au moins la parole avancée?
(Mélicerte. II. 5.)

AVANT, adverbe, pour auparavant:

Mais avant, pour pouvoir mieux feindre ce trépas,
J’ai fait que vers sa grange il a porté ses pas.
(L’Ét. II. 1.)

AVANT JOUR, préposition, avant le jour:

Je veux savoir de toi, traître,
Ce que tu fais, d’où tu viens avant jour.
(Amph. I. 2.)

AVANT QUE (un infinitif), sans de:

Ne me demandez rien avant que regarder
Ce qu’à mes sentiments vous devez demander.
(D. Garcie. III. 2.)
Il faut, avant que voir ma femme,
Que je débrouille ici cette confusion.
(Amph. II. 1.)

Molière emploie indifféremment ces trois formes: avant de, avant que, avant que de, suivis d’un verbe à l’infinitif.

AVANT QUE, sans ne:

Allons, courons avant que d’avec eux il sorte.
(Amph. III. 5.)

«Avant qu’on l’ouvrît (la cédule), les amis du prince soutinrent que, etc....»

(La Fontaine. Vie d’Ésope.)

«Toutes vos fables pouvoient vous servir avant qu’on sût vos principes.»

(Pascal. 15e Prov.)

La question de ne, exprimé ou supprimé après avant que, a été fort controversée. M. François de Neufchâteau, dans une lettre au Mercure de France du 26 août 1809, admet la négation quelquefois. On lui répondit par une lettre signée Valant, où quantité d’exemples sont accumulés, ensuite d’une longue discussion théorique, pour démontrer qu’il ne faut jamais de négation entre avant que et le verbe subséquent; et c’est aussi l’opinion de l’Académie, fondée sur l’usage invariable du XVIIe siècle. Pascal, la Bruyère, la Fontaine, Boileau, Racine, Molière, Regnard, etc., etc., n’emploient pas la négation.

Marmontel l’a employée, mais c’est Marmontel.

AVANT QUE DE....:

Si l’auteur lui eût montré sa comédie avant que de la faire voir au public, il l’eût trouvée la plus belle du monde.

(Crit. de l’Éc. des f. 6.)

Avant que de passer plus avant, je voudrois bien agiter à fond cette matière.

(Mar. for. 5.)

Je les conjure de tout mon cœur de ne point condamner les choses avant que de les voir.

(Préf. de Tartufe.)

«Avant que de les mener sur la place, il fit habiller les deux premiers le plus proprement qu’il put.»

(La Font. Vie d’Ésope.)

(Voyez DE supprimé après avant que.)

«Avant que de répondre aux reproches que vous me faites, je commencerai par l’éclaircissement de votre doctrine à ce sujet.»

(Pascal. 12e Prov.)

AVECQUE, archaïsme:

Vous êtes romanesque avecque vos chimères.
(Ibid. I. 2.)
Les dettes aujourd’hui, quelque soin qu’on emploie,
Sont comme les enfants, que l’on conçoit en joie,
Et dont avecque peine on fait l’accouchement.
(Ibid. I. 6.)
Si je pouvois parler avecque hardiesse.
(Ibid. 9.)
Et m’en vais tout mon soûl pleurer avecque lui.
(Ibid. II. 4.)
L’union de Valère avecque Marianne.
(Tart. III. 1.)
Et qu’avecque le cœur d’un perfide vaurien
Vous confondiez les cœurs de tous les gens de bien.
(Ibid. V. 1.)

Cette forme est si fréquente dans Molière, qu’il a paru inutile d’en rapporter plus d’exemples.

AVENANT QUE, participe absolu, c’est-à-dire, dans le cas où....:

Quelque bien de mon père et le fruit de mes peines,
Dont, avenant que Dieu de ce monde m’ôtât,
J’entendois tout de bon que lui seul héritât.
(L’Ét. IV. 2.)

AVIOMMES; patois; pour avions:

PIERROT.

Tout gros monsieur qu’il est, il seroit par ma fiqué nayé, si je n’aviomme été là.

(D. Juan. II. 1.)

Cette forme est primitive. L’m à la terminaison caractérise en latin les premières personnes du pluriel, habemus, amamus; vidissemus, audivimus, etc. Aussi les plus anciens textes, par exemple le livre des Rois, ne manquent jamais d’écrire nous attendrum, nous manderum, nous renderum.

Quand le mot suivant avait pour initiale une voyelle, l’m finale s’y détachait:

«.... Salvez seiez de Deu
«Li glorius que devum aurer
(Roland. st. 32.)

«Que devome aourer» (adorer).

Mais s’il suivait une consonne, il fallait bien, pour n’en pas articuler deux consécutives (ce qui ne se faisait jamais), éteindre l’m et la changer en n. Par exemple:

«Le matin à vos vendrum, e en vostre merci nus mettrum

(Rois. p. 37.)

On prononçait vendrome et mettrons.

La dernière forme a supplanté l’autre, et s’est établie exclusivement pour tous les cas.

Mais auparavant l’autre avait régné, et avait été sur le point de triompher aussi; car, pour la fixer, on écrivit longtemps les premières personnes en omes. Marsile parlant de Roland:

«Seit ki l’ocie, tute pais puis auriomes
(Roland. st. 28.)
«Qu’en avez fait, ce dit fromons li viez?
«—Sire, en ce bois l’avoumes nous laissie.»
(Garin. t. II. p. 243.)

—«Se nous demenomes ensi li uns les aultres, et alomes rancunant, bien voi que nous reperdrons toute la tiere, et nous meismes seromes perdu.»

(Villehardhoin. p. 199. éd. P. Paris.)

On remarquera dans ce passage la forme moderne nous reperdrons au milieu des formes primitives en omes, qui sont celles que Villehardhoin affectionne.

Qui pourra dire ce qui a déterminé le triomphe définitif de l’une plutôt que de l’autre? Le langage est plein de ces mystères insondables, pareils à ceux de la conception et de la génération humaine: on les suit jusqu’à une certaine limite, où soudain la nature se cache, et disparaît derrière un voile que tous les efforts de la philosophie, aidée de la science, ne parviendront pas à soulever.

Sur l’union du pronom singulier au verbe pluriel, je n’aviomme, voyez à Je.

AVIS FAISABLE, exécutable:

Enfin c’est un avis d’un gain inconcevable,
Et que du premier mot on trouvera faisable.
(Fâcheux. III. 3.)

AVISER, actif; AVISER QUELQU’UN DE, le faire songer à...:

De ta femme il fallut moi-même t’aviser.
(Amph. II. 3.)

—Neutre, pour s’aviser:

Sans aller de surcroît aviser sottement
De se faire un chagrin qui n’a nul fondement.
(Coc. im. 17.)

Selon la coutume de certains impertinents de laquais qui viennent provoquer les gens, et les faire aviser de boire lorsqu’ils n’y songent pas.

(L’Av. III. 2.)

Je vais vite consulter un avocat, et aviser des biais que j’ai à prendre.

(Scapin. II. 1.)

Réfléchir ou prendre avis touchant les biais que, etc.

AVOIR, auxiliaire, pour être:

Et j’ai pour vous trouver rentré par l’autre porte.
(Fâcheux. I. 1.)
J’ai monté pour vous dire, et d’un cœur véritable...
(Mis. I. 2.)
Au reste, vous saurez
Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.
(Ibid.)

Pareillement dans la Fontaine:

«Si le ciel t’eût, dit-il, donné par excellence
«Autant de jugement que de barbe au menton,
«Tu n’aurois pas à la légère
«Descendu dans ce puits.»
(Le Renard et le Bouc.)

AVOIR, N’AVOIR PAS POUR UN.... voyez POUR.

AVOIR DE COUTUME:

Oui, monsieur, seulement pour vous faire peur, et vous ôter l’envie de nous faire courir toutes les nuits, comme vous aviez de coutume.

(Scapin. II. 5.)

AVOIR DES CONJECTURES DE QUELQUE CHOSE:

La cabale s’est réveillée aux simples conjectures qu’ils ont pu avoir de la chose.

(2e Placet au R.)

AVOIR EN MAIN:

J’avois pour de tels coups certaine vieille en main.
(Éc. des f. III. 4.)

AVOIR FAMILIARITÉ AVEC QUELQU’UN:

Tu as donc familiarité, Moron, avec le prince d’Ithaque?
(Pr. d’Él. III. 3.)

AVOIR PEINE DE (un infinitif), avoir peine à....:

J’ai peur, si le logis du roi fait ma demeure,
De m’y trouver si bien dès le premier quart d’heure,
Que j’aie peine aussi d’en sortir par après.
(L’Ét. III. 5.)

Cet amas d’actions indignes dont on a peine.... d’adoucir le mauvais visage.

(D. Juan. IV. 6.)

On ne dirait plus aujourd’hui le visage d’une action; mais le Dictionnaire de l’Académie (1694) cite comme exemple: Cette affaire a deux visages; et l’on dira bien encore: envisager une affaire sous tel ou tel aspect.

AVOIR POUR AGRÉABLE:

Et je vous supplierai d’avoir pour agréable
Que je me fasse un peu grâce sur votre arrêt.
(Mis. I. 1.)

Cette façon de parler est très-fréquente dans Gil Blas.

AVOIR QUELQU’UN QUI... QUE...:

Et quand on a quelqu’un qu’on hait ou qui déplaît,
Lui doit-on déclarer la chose comme elle est?
(Mis. I. 1.)

Cette façon de parler paraît embarrassée et pénible; cependant elle n’a pas été suggérée à Molière par la difficulté de la mesure, car il l’emploie en prose:

Vous avez, monsieur, un certain monsieur de Pourceaugnac qui doit épouser votre fille.

(Pourc. II. 2.)

AVOUER LA DETTE, figurément, ne pas dissimuler:

Ma foi, madame, avouons la dette: vous voudriez qu’il fût à vous.

(Pr. d’Él. IV. 6.)

Regnard, dans le Distrait:

«Parlons à cœur ouvert, et confessons la dette:
«Je suis un peu coquet, tu n’es pas mal coquette.»
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