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Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6)

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CHAPITRE XVIII
1661-1664.

Fouquet cherche à séduire mademoiselle de La Vallière.—Le roi, dans un moment de colère, veut le faire arrêter au milieu d'une fête qu'il lui donnait.—La reine-mère l'en empêche.—Fouquet a connaissance de l'ordre qu'avait donné le roi.—Fouquet fait à Louis XIV un aveu des abus qu'il s'était permis, et promet une réforme complète.—Cet aveu ne satisfait pas Louis XIV.—Différence des effets produits par les gains illicites de Mazarin et par ceux de Fouquet, relativement à l'État.—Louis XIV ne pouvait pardonner à Fouquet sans détruire le plan qu'il avait formé pour la restauration des finances.—Fouquet de son côté ne pouvait reculer.—Il continue dans le même système de corruption et de profusion.—Louis XIV dissimule.—Il fait arrêter le surintendant.—Beau trait d'éloquence de Pellisson au sujet de la dissimulation du roi, qui a causé la perte de Fouquet.—Louis XIV établit l'ordre dans ses finances.—On poursuit les traitants, et on fait rentrer à l'épargne des sommes considérables.—L'affaire de Fouquet était un coup d'État, par le grand nombre de personnes qui furent citées à la chambre de justice.—Rigueur mise dans le procès de Fouquet; effet qu'elle produit.—Manière dont on a jugé la conduite de Louis XIV en cette circonstance.—Position des hommes qui exercent le pouvoir, à l'égard de leur siècle et de la postérité.

Ce fut avec peine que le jeune roi se soumit à une aussi longue dissimulation. La contrainte qu'il éprouvait pour laisser croire au surintendant qu'il était dupe de ses stratagèmes augmentait l'irritation que lui causait un délai nécessaire. Cependant Fouquet, plongé dans une funeste sécurité, continuait son genre de vie habituel, mêlant toujours la galanterie aux affaires. Il chercha à séduire la belle La Vallière, et voulut acheter ses faveurs à prix d'argent. La résistance qu'il éprouva lui fit découvrir qu'elle était aimée du roi. Possesseur d'un secret encore ignoré de toute la cour, Fouquet crut pouvoir en profiter pour son ambition [412]. Ne doutant pas que les promesses d'un ministre aussi puissant que lui ne pouvaient qu'être agréables à mademoiselle de La Vallière, il s'empressa de l'entretenir en particulier, et de lui offrir son concours pour tirer le plus d'avantages possible de sa position. La douce, la modeste La Vallière, que l'amour seul avait entraînée hors de la route de l'honneur, et qui ne voyait dans le beau et jeune Louis que l'amant et non le roi, rougit en écoutant le surintendant, et se retira sans lui répondre. Fouquet interpréta ce silence en sa faveur, et le regarda comme un consentement qu'un reste de pudeur dans une jeune fille encore novice ne lui avait pas permis d'exprimer d'une manière plus explicite [413]. Mais La Vallière était restée muette d'étonnement et de honte, en apprenant qu'une autre personne que celle qui servait d'intermédiaire entre elle et le roi avait connaissance de sa coupable liaison. En faisant à son amant le sacrifice de sa vertu, elle avait obtenu de lui la promesse que sa réputation serait respectée et que le voile le plus épais couvrirait leurs amours. Quelle fut sa douleur d'apprendre que le seul bien qui lui restât allait lui échapper! Elle redit tout au roi, en répandant d'abondantes larmes. La fureur de Louis XIV contre le surintendant fut portée au plus haut degré. Il n'y avait donc plus de secret dont cet audacieux ministre ne parvînt à se procurer la connaissance? Ses perfides intrigues le poursuivaient sans cesse et partout, jusque dans son intérieur le plus intime, jusque dans le cœur de celle qu'il aimait! Il aspirait au moment où il lui serait enfin permis d'en faire justice. C'est alors que Fouquet, toujours abusé, toujours dans l'opinion qu'il était l'homme le plus agréable à son roi, le seul nécessaire, lui donna à Vaux cette magnifique fête dont nous avons parlé. Ce jour, Louis XIV aperçut, dans un des cabinets du château de Vaux, un portrait de mademoiselle de La Vallière, qu'un peintre avait exécuté sans qu'elle le sût. A la vue de ce portrait, le jeune monarque ne put contenir son ressentiment. Il éclata: dans son premier mouvement, il donna l'ordre d'arrêter le surintendant au milieu même de la fête, et dans sa propre maison. La reine mère, qui se trouvait là, n'eut pas de peine à démontrer à son fils l'inconvenance du lieu et du moment, et l'ordre fut révoqué [414]. La reine mère avait attribué la colère du roi à un mouvement de jalousie; mais elle apprit bientôt que cette cause de l'animadversion de son fils envers le surintendant n'était pas la seule: elle fut instruite de tous les projets formés depuis longtemps contre lui. La duchesse de Chevreuse, qui avait beaucoup de crédit sur son esprit, sut lui persuader de n'y mettre aucun obstacle. Cette intrigante duchesse était devenue l'ennemie du surintendant depuis qu'elle avait épousé en secret de Laigues, qui croyait avoir à s'en plaindre [415].

Cependant le mouvement de colère auquel Louis XIV s'était abandonné, cet ordre donné et révoqué trahit ses desseins, et Fouquet en fut averti par madame Duplessis-Bellière, un de ses plus habiles et de ses plus courageux agents, dans les affaires de finances comme dans les intrigues d'amour [416]. Fouquet aperçut dès lors toute la profondeur du précipice où il était près de tomber. Il crut pouvoir éviter sa chute en imitant Mazarin: il fit au roi l'aveu de ses fautes, et promit une réforme complète. Mais son aveu et ses promesses ne conjurèrent pas l'orage, et ne firent que lui en déguiser les approches. Louis XIV sembla pardonner, et dissimula si profondément ses sentiments et ses pensées, qu'il fit illusion à Fouquet, et le persuada qu'il n'avait plus rien à redouter [417]. Les aveux de Fouquet n'avaient été que partiels; et alors, bien loin de satisfaire Louis XIV, ils furent à ses yeux un tort de plus, puisqu'ils lui paraissaient une nouvelle ruse pour le tromper encore. Fouquet chercha aussi maladroitement (on le voit par ses défenses) à s'autoriser de l'exemple qu'avait donné le premier ministre, et à s'excuser par les pratiques que celui-ci s'était permises. Mais rien n'était semblable ni dans la position ni dans la nature de la culpabilité. Mazarin, en cumulant des abbayes, en recevant de l'argent pour les charges qu'il conférait ou pour les grâces qu'il accordait, en dépensant pour sa maison les sommes destinées à la maison du roi [418], enlevait les moyens de s'enrichir à des courtisans ambitieux, avides et frondeurs; mais ces concussions ne diminuaient en rien les revenus publics; car aucune des sommes dont Mazarin faisait son profit n'était destinée à entrer dans l'épargne; Mazarin ne faisait donc rien perdre à l'État [419]. Fouquet, au contraire, ne s'enrichissait qu'en le ruinant de plus en plus, puisque c'étaient les produits mêmes des impôts, dont il était chargé de faire opérer les rentrées et de surveiller l'emploi, qu'il dilapidait et laissait dilapider. Déjà il avait dévoré en avance quatre années des revenus de la France. Quand Mazarin, après avoir reculé les limites du royaume et raffermi la couronne sur la tête de son roi, lui rendit son immense fortune, celui-ci dut être satisfait de pouvoir, en la lui conférant par un acte émané de sa royale volonté, récompenser d'un seul coup, et magnifiquement, les longs et immenses services de son fidèle ministre. Il faisait par là une action qui avait sur son gouvernement une heureuse influence, en montrant une générosité sans bornes envers celui qui l'avait servi ainsi que l'État avec un entier dévouement. Mais en pardonnant à Fouquet Louis XIV eût encouragé les rapines et la déloyauté. Le surintendant absous, il devenait impossible de poursuivre ses agents, et de faire annuler les engagements ruineux qu'il avait fait contracter à l'État. Sans cette dernière mesure, toute amélioration dans les finances devenait impossible. A cette époque il n'y avait pas de grosses dettes publiques fondées, et reconnues inaltérables, inviolables; point de théories du crédit qui fissent considérer comme une chose funeste de manifester l'intention d'affranchir l'État des dettes usuraires qu'on avait contractées en son nom. Un autre ordre de choses avait fait adopter d'autres principes; et le roi, en forçant les financiers et les maltôtiers [420], comme on les appelait alors, à rendre une partie de leurs immenses profits, se rendait populaire et s'attirait l'approbation générale, lors même que tout le monde eût été persuadé que ces profits n'avaient pu avoir lieu qu'au moyen des opérations faites par le gouvernement et sous le sceau et avec l'approbation de ceux qui agissaient en son nom.

Fouquet se trouvait d'ailleurs dans l'impossibilité de remplir les promesses de réforme qu'il faisait à Louis XIV. Il était lui-même entraîné dans le gouffre où il entraînait le royaume. Pour rester en place, et rentrer comme surintendant dans les voies du devoir et de la conscience, il eût fallu que Fouquet devînt cruel et perfide, et qu'il étouffât en lui les sentiments les plus chers et les plus sacrés; qu'il trahît, qu'il poursuivît, qu'il précipitât dans l'abîme ceux-là même avec lesquels il avait contracté, au nom de l'État, des engagements usuraires, et avec lesquels il avait connivé pour couvrir tous les genres d'irrégularités; et ceux-là étaient ses parents, ses amis, ses partisans à la cour, ses pensionnaires, ses maîtresses, ses clients, ses protégés. Fouquet avait dans le cœur de la bonté, de la générosité; dans le caractère et dans ses relations particulières, de la franchise et de la grandeur d'âme; il lui était donc impossible de prendre une résolution qui aurait entraîné de telles conséquences. Il ne vit de salut que dans la continuation de son système de profusion et de corruption, et par la nécessité même où il se trouvait de monter encore ou de tomber, il poursuivit ce système avec plus d'intrépidité qu'il ne l'avait fait sous Mazarin; de telle sorte qu'il n'y avait presque pas une seule personne qui approchât du roi qui ne lui fût vendue [421]. Le roi, qui s'en aperçut, pour mieux déguiser ses desseins, et à mesure que le moment approchait de les mettre à exécution, se vit obligé de donner au surintendant des preuves simulées d'une faveur toujours croissante. Louis XIV paraissait avoir pour Fouquet la plus sincère affection, pour ses conseils la plus grande déférence; il multipliait les entretiens particuliers qu'il avait avec lui, et semblait vouloir ne décider que par lui les affaires les plus importantes [422]. «On ne doutait pas, dit madame de La Fayette, que le surintendant ne fût appelé à gouverner [423].» Louis XIV n'osa pas se fier à son capitaine des gardes, ni à ses officiers les plus intimes, quand il fallut sévir contre son ministre. Il cacha avec soin son secret jusqu'au moment où il donna l'ordre de l'arrestation; et il chargea de l'exécution de cet ordre un officier qui n'y était pas appelé par son rang [424]. Cette constante dissimulation du monarque, en donnant trop de sécurité à Fouquet, l'empêcha de céder aux conseils qui lui étaient donnés, et arracha à son défenseur, le généreux Pellisson, un cri de douleur qui est un des plus beaux passages de son éloquent plaidoyer [425].

Cependant Fouquet pressentit le danger qui le menaçait. La reine mère, qui le protégeait, lui avait fait dire de se défier de la duchesse de Chevreuse. Avant de partir pour Nantes, il eut à ce sujet un entretien avec Loménie de Brienne, dont le père avait la confiance du roi, et auquel celui-ci s'était ouvert de ses projets sur Fouquet. Loménie de Brienne nous peint, dans ses Mémoires, la cruelle perplexité à laquelle était en proie le malheureux surintendant au sujet de ce fatal voyage. Il hésitait à l'entreprendre, et aurait mieux aimé fuir et se retirer à Venise ou à Livourne. Il était abattu, consterné; mais, après bien des alternatives, un peu rassuré en se rappelant les promesses que le roi lui avait faites, il se décida à partir, en compagnie avec de Lionne, son ami [426].

Nous avons ailleurs détaillé les circonstances de son arrestation, raconté les émotions du sensible La Fontaine, lorsqu'il contempla les murs de la prison où son bienfaiteur était enfermé [427].

Après l'arrestation de Fouquet, Louis XIV abolit la charge de surintendant, et en fit lui-même les fonctions. Colbert établit un ordre admirable dans les recettes et dans les dépenses; il mit le roi à portée de connaître à tous les instants les ressources dont il pouvait disposer [428]. C'était le roi qui signait toutes les ordonnances, et qui au commencement de chaque année arrêtait de sa propre main, sur le livre des fonds, toutes les recettes qui étaient à faire, et après l'année expirée toutes les recettes et toutes les dépenses qui avaient été effectuées [429].

Le procès de Fouquet donna les moyens de poursuivre les traitants; d'annuler les traités qui avaient été conclus avec eux; d'affermer les impôts avec d'autant plus de profit que les nouveaux fermiers, contractant directement avec le roi, n'ignoraient pas qu'il avait lui-même pris connaissance de leurs marchés, et que, bien loin de redouter aucune recherche, aucune rigueur de sa part, ils espéraient, en remplissant avec fidélité leurs engagements, s'enrichir, et en même temps acquérir de la faveur et du crédit.

Les papiers saisis chez Fouquet furent portés directement au roi, qui les examina lui-même, connut ainsi les ennemis cachés de son gouvernement, les secrets des plus puissantes familles et les intrigues ourdies à l'entour du trône. La création d'une chambre de justice pour rechercher les malversations qui avaient pu être faites dans les finances touchait les plus grandes familles de robe et d'épée, dont plusieurs s'étaient enrichies par les prêts usuraires faits à Fouquet ou par ses dons et ses prodigalités [430]; de sorte que son arrestation ne fut pas une disgrâce seulement personnelle, mais un acte qui eut tout l'éclat et tout le retentissement d'une affaire générale et d'un coup d'État. Elle répandit parmi les grands et les courtisans une crainte qui les rendit plus souples et plus obéissants, et inspira la terreur aux concussionnaires. Le secret avec lequel cette affaire fut conduite, la dissimulation qui la prépara, la rigueur des ordres qui furent donnés, l'inflexibilité qu'on déploya à l'égard de ceux qui en étaient frappés, tout fit reconnaître dans le jeune élève de Mazarin l'habileté de son maître, unie au caractère altier et énergique de Richelieu. Personne ne douta plus que Louis XIV n'eût la volonté et les moyens de gouverner par lui-même; et dès lors son règne commença [431]. La puissance est comme le crédit, dont les résultats dépendent moins des moyens réels dont on peut disposer que de l'opinion qu'on parvient à faire prévaloir de leur existence et de leur efficacité.

La rigueur dont on usa envers Fouquet pendant tout le cours de son procès prouve que Louis XIV voulait faire en lui un grand exemple, et ne laisse aucun doute que son intention était de le faire condamner à mort [432]. Peut-être cette intention, trop ouvertement manifestée, la violence des accusateurs, l'iniquité des procédures, contribuèrent-elles, encore plus que l'éloquence et l'habileté employées dans la défense, à sauver la vie du coupable. Il fut condamné à l'exil perpétuel et à la confiscation de tous ses biens. Louis XIV, qui avait trouvé un obstacle à ses volontés dans la conscience des juges, aggrava la peine: il retint, malgré ce jugement, le surintendant en captivité, et le fit garder avec une sévérité qui ne s'adoucit que dans les dernières années de la vie du malheureux prisonnier. D'où vient cette longue persévérance de Louis XIV dans un acte de cruauté dont avant la révocation de l'édit de Nantes son long règne n'offre pas un second exemple [433]? Voulait-il empêcher Fouquet de trahir les secrets de l'État qu'il lui avait confiés? Redoutait-il toujours l'effet de ses intrigues? Lui avait-il reconnu une audace capable de tout oser [434]? Quoi qu'il en soit, la disgrâce du surintendant, dès qu'elle fut connue, fit taire l'envie que sa haute prospérité avait inspirée. La dureté avec laquelle il fut traité pendant tout le cours de son procès excita la compassion dans tous les cœurs généreux. On le plaignit, et l'intérêt que ses amis et ses partisans prenaient à son sort devint général. La sentence rendue contre lui parut rigoureuse, et son inexécution et la peine plus forte qu'on y substitua furent considérées avec raison comme une violation de tous les principes de justice. L'odieux d'un tel abus de pouvoir rejaillit sur Colbert et sur Le Tellier, qui étaient regardés comme les persécuteurs acharnés du surintendant: le nombre de satires, d'épigrammes, de libelles par lesquels s'exhala la haine qu'avaient fait naître ces deux ministres fut grand, et rappela le temps de la Fronde et des Mazarinades [435]. Peut-être ce soulèvement de l'opinion contribua-t-il à empêcher Louis XIV de céder au sentiment de la clémence; peut-être sentait-il le besoin de donner à des ministres dévoués une garantie, en leur sacrifiant celui dont le nom était comme un drapeau sous lequel se ralliaient tous leurs ennemis. Le caractère généreux de Fouquet, ses longues souffrances, ont fait oublier ses torts à la postérité, qui n'a vu dans la conduite de Louis XIV à son égard qu'un acte inutile de cruauté, de vengeance et de despotisme. Il est bien difficile, et peut-être même impossible, de bien juger certaines actions du pouvoir, d'en bien déterminer les causes, d'en apprécier les motifs, lorsque les hommes et les circonstances qui les ont nécessitées ont disparu. Ceux qui ont été mêlés d'une manière active aux affaires humaines savent de combien d'éléments frivoles et impurs, qu'enfantent l'intérêt, la légèreté et l'ignorance, se forme quelquefois l'opinion publique. Ils sont convaincus qu'il est impossible d'opérer le bien, si l'on a la faiblesse de vouloir courtiser toujours cette reine du monde, quelquefois si belle et si pure, mais quelquefois hideuse comme une prostituée. Qui n'a pas le courage de renoncer aux jugements précipités et inconstants de ses contemporains doit renoncer à les gouverner, à guider leurs destinées, à conduire un peuple à la gloire, à la prospérité, au bonheur. Cependant rien n'exige plus d'énergie dans le caractère que le sacrifice de cette satisfaction que l'on éprouve par l'approbation générale donnée à celles de nos actions qui ont pour but le bien public. C'est la récompense la plus précieuse, la seule précieuse, pour les grandes âmes. Quelle force de vertu, quelle fermeté de conscience, quelle haute sagesse ne réclament pas l'abandon de cette enivrante popularité et le courage de braver l'aveugle haine et les sinistres attentats dont elle cherche à nous rendre victime, pour accomplir, après de pénibles efforts, ce qui mérite de tous la reconnaissance et l'amour! Toutefois, il semble que dans une aussi pénible position la vertu peut trouver un dédommagement dans l'impartiale justice de la postérité.—Non; il faut renoncer à ce consolant espoir: cette précieuse et unique récompense n'est qu'une illusion, et l'arrêt rendu en présence des faits et des personnes est presque toujours irrévocable: les moyens manquent aussi bien que la volonté pour rectifier cet arrêt, lorsque le temps et la tombe ont fait disparaître tous les témoins qui pouvaient guider la justice humaine. Elle est vraiment dure la condition de l'homme d'État, qui, pour être digne de la mission que la Providence lui a imposée, doit se soumettre d'avance à subir les injustes condamnations du siècle qui l'a vu naître et des siècles à venir, et qui ne peut penser qu'à Dieu seul pour apprécier le mérite ou le démérite de ses actions!

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