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Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6)

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DEUXIÈME PARTIE.
CHAPITRE I.


Page 3, ligne 13: Le 7 juin.

Deux jours après, le jeune roi toucha les écrouelles.

Page 4, ligne 17: Quand tout paraissait perdu, il sauva tout.

Ce sont les expressions mêmes de la lettre de Philippe IV à Condé: «Mi primo, he intendido toto estava perdido, V. A. ha conservado toto.»

Page 8, ligne 2: Il s'était servi de l'abbé Fouquet.

L'abbé Fouquet fut soupçonné d'avoir profité de la confiance que lui accordait Mazarin, et des vilaines fonctions dont il l'avait chargé, pour assouvir ses vengeances particulières. Un jour le gardien de la Bastille témoignait son étonnement à la vue d'un lévrier qui se trouvait dans la cour, et demandait pourquoi il était là: «C'est, lui répondit un prisonnier, parce qu'il aura mordu le chien de l'abbé Fouquet.»

Page 8, ligne 4: Ses intrigues avec les anciens frondeurs.

Le président Le Coigneux, qui avait été un des plus violents dans le parlement contre Mazarin, fut un des premiers corrompus.

Page 8, lignes 10 et 11: Après la mort de son oncle.

L'oncle du cardinal de Retz mourut le 21 mars 1654.

Page 9, lignes 7 et 8: Dans le château de Nantes.

Le cardinal de Retz sortit de Vincennes pour aller à Nantes, le 30 mars 1654.

Page 11, ligne 4: Il s'évada en plein jour.

Retz se sauva de Nantes le samedi 8 août, à cinq heures du soir. Il arriva à Belle-Isle le 14 août.

Page 12, ligne 6: dans l'île Majorque.

Retz pour traverser la Méditerranée s'embarqua au port de Vivaros en octobre 1654.

Page 13, ligne 2: Que pour venir à temps.

Le cardinal de Retz fit son entrée dans Rome le 28 novembre 1654.

Page 13, lignes 5 et 6: Un souverain pontife.

Innocent X mourut le 7 janvier 1655.

Page 14, ligne 22: Soit à Belle-Isle.

Je pense que ce fut de Machecoul ou de Belle-Isle, et non d'Espagne, comme le croit M. Monmerqué, que Retz écrivit à madame de Sévigné. D'abord on doit supposer que Retz, dont l'honneur se trouvait compromis par sa fuite, devait être empressé de faire parvenir au maréchal les motifs qui pouvaient l'excuser. De plus, les Mémoires de Joly prouvent (t. XLVII, p. 322) que Retz aborda à Belle-Isle le vendredi 14 août, et en Espagne le 12 septembre (t. XLVII, p. 330). La lettre de madame de Sévigné est du 1er octobre; par conséquent celle de Retz a dû lui parvenir le 29 septembre au plus tard, puisqu'elle dit l'avoir envoyée au maréchal le 30. Il est difficile de croire qu'une lettre partie d'Espagne, pays avec lequel on était en guerre, soit parvenue à Paris, et ensuite envoyée en Bretagne, et remise au château des Rochers, où était madame de Sévigné, dans un espace de quinze à seize jours, à une époque où les communications étaient difficiles et lentes. Encore même, pour qu'il y ait quinze à seize jours d'intervalle, faut-il supposer que la lettre de Retz a été écrite et est partie d'Espagne le lendemain ou le surlendemain de son débarquement, et que Ménage l'a transmise à madame de Sévigné le jour même où il l'a reçue.

CHAPITRE II.

Page 18, ligne 5 du texte: Et son vicaire Chassebras.

La sentence du parlement qui bannit à perpétuité Chassebras, vicaire de la Madeleine, est du 27 septembre 1652.

Page 18, ligne 8 du texte: Le retour du jeune roi dans sa capitale.

Loret (livre VI, page 106) dit qu'il y avait cent six carrosses à cette entrée.

Page 19, ligne 7: D'une des demoiselles de Mortemart.

Cette demoiselle de Mortemart, qui fut marquise de Thianges, était la sœur de celle qui fut depuis connue sous le nom de duchesse de Montespan.

Page 19, ligne 9: Celui de Loménie de Brienne.

Les fiançailles de Loménie de Brienne eurent lieu en décembre 1654, et le mariage seulement en janvier 1656. Ces détails, qui nous sont donnés par Loret, ont été ignorés par le spirituel éditeur des Mémoires de Loménie de Brienne, qui parle de ce mariage sans en donner la date.

Page 19, ligne 12: Non-seulement le jeune monarque.

Le roi et son frère furent de toutes les fêtes données par Mazarin, par le duc d'Amville, par le chancelier Seguier. Le roi dansa dans le ballet qui fut donné par le chancelier Seguier. Loret (liv. V, p. 77) fait la description d'une magnifique fête donnée par Hesselin, dans son palais d'Essone. Loret le nomme.

Goinfre du plus haut étage,
Rare et galant personnage.

Madame de La Sablière était une demoiselle Hesselin, et cet Hesselin était peut-être son père.

Je remarque que Loret, au milieu de ces descriptions de fêtes et de divertissements, liv. VI, t. II, p. 159, dans la lettre en date du 16 octobre, fait mention d'une attaque de cholera-morbus dont fut subitement attaqué un nommé Coquerel, directeur des carmélites, pendant qu'il était à Marseille:

Et quoique ce mal fût mortel,
Son bonheur cependant fut tel,

qu'il en réchappa. Ainsi dès cette époque le cholera-morbus était connu par son vrai nom et dès cette époque aussi il était considéré comme mortel.

Page 19, ligne 16: Il y fit jouer trois nouveaux ballets.

Louis XIV représentait dans le ballet des Plaisirs le génie de la danse, un berger et un débauché; mais ce dernier rôle n'était introduit que pour motiver des vers contre la débauche. (Benserade, t. II, p. 117, 131, 137.) En février 1656, lors de la visite de la princesse d'Orange, Mazarin donna à dîner à toute la famille royale, et l'on entendit la fameuse La Barre et la signora Bergerota. Créqui donna à dîner au frère du roi en février (Loret, t. VII, p. 32), et Seguier à toute la famille royale (t. VII, p. 33 ). Mazarin donna une fête au duc de Mantoue, le 18 septembre. Loret dit qu'il y eut cette année

..... Plus de mille assemblées
En des maisons fort signalées.

Page 21, lignes 7 et 8: Composèrent dès lors des tragédies latines.

Loret, qui assistait à ces représentations, dit que ces pièces latines furent écoutées par plus de sept mille auditeurs. Le naïf gazetier avoue qu'il n'a jamais su le latin. Les jésuites commencèrent d'abord par composer des pièces chrétiennes. On joua cette année, au collége de Navarre, une tragédie intitulée Sainte Julienne. Loret nous apprend que le jeune marquis de Bretoncelle joua admirablement le rôle de l'impératrice, et que les jeunes d'Humières, La Vallière, Colbert, Menardeau, Beauvais, s'attirèrent également les applaudissements de la docte assemblée. Il y eut une autre tragédie latine, jouée au collége de Clermont (aujourd'hui le collége Louis le Grand), sur un plus vaste théâtre; mais le sujet en était national, et tiré de l'histoire de la maison de Foix.

Page 23, ligne 9: Le carrousel que le roi.

Le roi avait pris pour devise, dans ce carrousel, un soleil avec ces mots: Ne più, ne pari; c'est en langue italienne la fameuse devise adoptée dans les médailles, un soleil avec ces mots: Nec pluribus impar.

Page 28, ligne 7: Jusqu'à Lésigny.

Lésigny est dans le département de Seine-et-Marne, près Brie-sur-Yères.

CHAPITRE III.

Page 32, ligne 26: La princesse de Condé, douairière.

La princesse de Condé douairière mourut en 1650; le récit de sa mort, dans madame de Motteville, est plein d'intérêt. On n'a pas assez remarqué combien les Mémoires de Madame de Motteville font honneur à son talent d'écrivain. Son style offre moins d'imagination que celui de madame de Sévigné; mais il est plus pur, plus travaillé; et c'est par cette raison peut-être qu'il a moins de charme. Elle dispose admirablement toutes les parties d'un récit. Ce qui est plus rare que son talent, c'est sa belle âme, son bon cœur, et son amour pour la vérité. C'est ce qui a nui à sa réputation. Comment dans le siècle où nous sommes, et dans celui qui l'a précédé, peut-on se résoudre à admirer une femme qui avec beaucoup d'esprit est pieuse, ennemie de la médisance, et qui se croit tenue de défendre la mémoire de sa maîtresse auprès de la postérité, quoique cette maîtresse fût une reine?

Page 35, ligne 3: Qui eussent été servies de tous.

Lenet en servait une: c'était une fort jolie Anglaise, nommée mademoiselle Gerbier. Bourdelot, médecin du prince de Condé, si connu par ses relations avec la reine Christine et tous les beaux esprits de son temps, était alors à Chantilly en même temps que Lenet, ainsi qu'un certain abbé de Massé, aimable et brillant d'esprit.

Page 35, ligne 6: La marquise de Gouville.

Le nom de la marquise de Gouville était Lucie Cotentin de Tourville, femme de Michel d'Argouges, marquis de Gouville.

CHAPITRE IV.

Page 40, ligne 17: Ce fut Prudhomme.

Chavagnac arrive à Paris avec le duc de Candale, et dit: «Nous mîmes pied à terre chez Prudhomme, baigneur de réputation, où arriva dans le moment le maréchal d'Albret, qui vint l'embrasser [le duc de Candale], en lui disant qu'en quittant la botte il fallait aussi quitter l'altesse.»

Page 40, ligne 20: La Vienne devint par la suite...

Le passage des Mémoires de Saint-Simon, relatif à La Vienne est tronqué dans les œuvres de Saint-Simon données par Soulavie. Dans les Mémoires Saint-Simon dit: «La Vienne avait passé sa vie avec les plus grands seigneurs, et n'avait jamais pu apprendre le moins du monde à vivre. C'était un gros homme noir, frais, de bonne mine, qui gardait encore sa moustache comme le vieux Villars; rustre, très-volontiers brutal; pair et compagnon avec tout le monde; n'ayant d'impertinent que l'écorce; honnête homme, même bon homme et serviable.»

Page 42, ligne 6: Datée de Paris le 19 juillet.

Il n'y a que cinquante lieues de Paris à Landrecies, où était Bussy; cependant cette lettre de madame de Sévigné, datée du 19 juillet, ne parvint à Bussy que le 7 août, et fut par conséquent dix-sept jours en route, tant le service des postes était alors lent et mal organisé.

Page 43, ligne 2: Que son cousin s'était distingué à Landrecies.

Monglat indique la prise de Landrecies au 14 juillet. Le même raconte le revers qu'essuya Bussy, et comment il se laissa prendre ses drapeaux. Sur cette déroute, voyez Bussy, Mém., t. II, p. 37. La tranchée devant Landrecies avait été ouverte du 26 au 27 du mois précédent. «Le 29, dit l'auteur de la Monarchie Françoise, le sieur de Bussy-Rabutin, mestre de camp général de la cavalerie, releva la tranchée, et au signal de deux coups de canon il commença sur la palissade un logement capable de contenir deux cents hommes, après avoir chassé les ennemis de la contrescarpe.» Bussy se distingua encore au siége de Condé le 10 août: voyez les Fastes des Rois de la maison d'Orléans et celle de Bourbon (par le père du Londel), 1697, in-8o, p. 195.

Page 46, ligne 19: Une petite lettre en galopant.

Les contre-vérités que renferme le commencement de cette lettre sont prises au sérieux par M. G. de St.-G., éditeur des Lettres de Madame de Sévigné, quoique le sens ironique fût fort clair, et explicitement annoncé par Bussy lui-même, qui dans sa lettre du 13 août dit: «J'ai bien ri en lisant vos contre-vérités.» Bussy, Mém., t. II, p. 32.

CHAPITRE V.

Page 50, ligne 26: Il séduisit la femme de chambre.

Dans le grand nombre de passages des Mémoires du temps où le nom de Bartet se trouve, il est souvent défiguré, par la faute des imprimeurs ou copistes, qui mettent Barlet ou Baret. Le conseiller au parlement de Navarre chez lequel était la femme de chambre qu'épousa Bartet se nommait Giraud.

Page 53, ligne 7: Candale avait rendu de grands services.

Certaines aventures du duc de Candale sont d'une nature si extraordinaire et si tragique, qu'elles pourraient fournir la matière de plusieurs romans. Un jour il court à franc étrier de Paris à Bordeaux, pour aller joindre une maîtresse qui l'attendait; il arrive à sa maison; il monte précipitamment les escaliers, trouve toutes les portes ouvertes, se précipite dans sa chambre, préoccupé du plaisir qu'il va éprouver en la serrant sur son sein. Là, il est frappé à la vue du cadavre de celle qu'il aimait, posé sur un drap mortuaire, entouré de six cierges, sur lequel se penchaient deux chirurgiens, qui considéraient avec attention les entrailles déjà séparées du corps, tandis que la tête, ensanglantée et défigurée, était d'un autre côté. Deux religieux étaient auprès, et récitaient des prières. (Voyez Chavagnac, Mém., t. I, p. 210.) Le portrait que Saint-Évremond nous a laissé du duc de Candale est un des meilleurs morceaux de ce spirituel écrivain. Sur ses amours avec madame d'Olonne, on peut consulter Bussy. Madame de Saint-Loup avait été sa première maîtresse. Il a terminé sa carrière galante par une intrigue avec la marquise de Gange, objet d'un attentat qui surpasse ce que les romanciers ont inventé de plus atroce.

Page 54, ligne 4: Bartet n'obtint aucune réparation.

Bartet avait été disgracié, et vécut trente ans exilé; mais Louis XIV, sollicité par Villeroi, lui permit de reparaître à la cour. Voyez Dangeau, sous la date du 16 janvier 1690, t. II, p. 251, édit. de Paul Lacroix, 1830, in-8o. Bartet mourut à Neufville, près de Lyon, en 1707, âgé de plus de cent ans. Voyez Conrart, Mém., p. 270, note de M. Monmerqué, qui cite les Mémoires de Choisy, t. II, p. 205; Utrecht, 1727.

Page 55, ligne 7: Sa femme se fit connaître par des désordres honteux.

La femme de Bautru (Nicolas Ier) se nommait Marie Coulon. Le valet avec lequel fut surprise cette comtesse de Bautru fut condamné à être pendu; la peine fut commuée. Marie Coulon n'aimait pas qu'on l'appelât Bautru, mais Nogent, parce qu'Anne d'Autriche prononçait le premier nom à la manière espagnole ou italienne. Nicolas Bautru mourut à soixante dix-sept ans. Il disait souvent que si les Bautru étaient c...., ils n'étaient pas sots, jouant ainsi sur l'ancienne et double signification de ce dernier mot. Il ne faut pas confondre Marie Coulon avec Marthe Bigot, femme de Guillaume Bautru, frère de Nicolas Ier.

Page 55, lig. 21: Madame de Roquelaure est revenue tellement belle.

Mademoiselle, dans ses Mémoires, dit, en parlant des personnes qui vinrent la voir à Juvisy: «J'y vis aussi madame de Roquelaure, dont la beauté faisait grand bruit: assurément c'était une belle créature.»

Page 57, ligne 1: Qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy.

Les noms sont en blanc dans les Mémoires de Chavagnac; mais nous apprenons par eux que mademoiselle de Guerchy fut piquée avec une épingle empoisonnée; qu'elle entra en convulsion dans le moment, et mourut dans les douleurs les plus horribles. Au sujet du nom de Montjeu, que portait Jeannin de Castille, je remarque dans Loret, liv. V, p. 22, que dans sa lettre en date du 7 février 1654 il est fait mention d'une certaine madame Mondejeu qui s'enfuit un jour de chez son mari et se retira au couvent. Mondejeu est-il le même nom que Montjeu, et est-il question dans cette anecdote de Jeannin et de sa femme? Je le crois.

CHAPITRE VI.

Page 60, ligne dernière: Protégea contre la main scrupuleuse d'un monarque.

La circonstance des pincettes paraît avoir été inventée à plaisir. Elle ne se trouve pas dans le premier passage cité de Sauval, mais dans l'autre du même volume; et elle est reproduite en outre dans une estampe, aussi ridicule que le conte. L'abbé de Bois-Robert a fait des vers à la louange de la gorge de madame de Schomberg, au sujet d'une perle tombée dans son sein.

Page 61, ligne 7: La confidente la plus intime.

La pièce de Scarron intitulée Étrennes doit dater du temps de la jeunesse de l'auteur, et est de l'époque de l'amour de Louis XIII pour mademoiselle de Hautefort. Elle commence ainsi:

Visible déité d'un monarque amoureux.

Elle est d'un style tout différent de celui qui est ordinaire à l'auteur. Il est probable que ce n'est que plus tard, et pour se distraire de ses infirmités, que Scarron adopta le burlesque, où il eut tant de succès.

Page 61, ligne 20: Chemerault, autre dame de la reine.

La Porte dit que les lettres de Chemerault au cardinal de Richelieu relatives à son espionnage auprès de mademoiselle de Hautefort sont au nombre de dix-sept, et qu'elles furent imprimées pendant les troubles de la Fronde. Je suis informé qu'il existe une vie manuscrite de madame la maréchale de Schomberg, et des lettres du maréchal à la suite de celles de son père, à la Bibliothèque royale.

Page 63, ligne 27: Qu'elle ne se fît religieuse.

C'est à cause de sa dévotion que Scarron la nomme souvent dans ses vers sainte Hautefort, et qu'il lui dit Votre Sainteté.

Page 64, lignes 3: Elle épousa en 1646.

Mademoiselle de Hautefort, qu'on appelait madame de Hautefort parce qu'elle était dame d'atour, avait été exilée avec sa sœur mademoiselle d'Escars en 1644.

Page 64, note 118: Scarron, épithalame.

Scarron dit du maréchal de Schomberg, dans cet épithalame:

Il a l'âme savante et bonne

Autant qu'un docteur de Sorbonne,

L'esprit à son courage égal,

Adroit à pied comme à cheval,

Faisant toute chose sans peine,

Où les autres perdent haleine.

S'il chante, les plus entendus

Au métier en sont confondus;

S'il danse, c'est la même chose.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais dans la paix, s'il est aimable,

Dans la guerre il est effroyable. (P. 254)

Remarquons que le mot effroyable est employé ici dans le sens de ce qui cause et produit l'effroi, dans le sens direct et favorable, et non dans le sens réfléchi et défavorable; et à cet égard je dirai aussi que le mot pitoyable appliqué à quelqu'un ne signifiait pas autrefois celui ou celle qui inspire la pitié, mais une personne susceptible de pitié, capable de se laisser fléchir. Jean-Jacques Rousseau, dans sa Nouvelle Héloïse, a encore employé ce mot dans ce sens.

Page 66, ligne 5: La file des carrosses s'étendait.

On y voyait, dit Loret,

Plusieurs gens de mérite exquis,
Des ducs, des comtes, des marquis.

Puis parmi les femmes il cite la duchesse de Liancourt, connue par sa vertu et sa dévotion; la maréchale de La Mothe, la duchesse de Roquelaure, la duchesse de Choiseul-Praslin, madame Desmarest, accompagnée de sa fille, une des plus jolies personnes de cette époque; madame de Toussy, madame de Bonnelle. Le maréchal de Schomberg et sa femme allèrent loger à l'hôtel de Liancourt ou de La Rochefoucauld, rue de Seine (détruit de nos jours pour construire la rue des Beaux-Arts). La date de l'arrivée du duc et de la duchesse de Schomberg à Paris n'est pas celle de la lettre de Loret; car il est dit p. 64:

Ledit Schomberg et son épouse,

Depuis des jours environ douze,

Sont dans l'hôtel de Liancour.

Ainsi la lettre de Loret étant du 22 avril, il en résulterait que le maréchal de Schomberg et sa femme entrèrent dans Paris le 10 avril, qui est le jour de la mort de madame de La Flotte.

CHAPITRE VII.

Page 69, ligne première: Elle fut donc témoin de toutes les fêtes.

Le duc de Gramont donna cette année une fête splendide. La reine elle-même donna un ballet, à la suite d'un repas, veille des Rois, où la fève échut au duc d'Amville. Les représentations du ballet de Psyché se continuèrent. Il y eut chez le cardinal de Mazarin un bal masqué, ou les Trivelin et les Scaramouche amusèrent l'assemblée; puis un concert, où chantèrent Baptiste, La Barre, Saint-Hilaire, la signora Bergerota, le délicieux Sarcamanan. Ce furent les mêmes virtuoses qui chantèrent Ténèbres aux Feuillants, pendant l'interruption de tous les plaisirs. Le chancelier Seguier donna un bal masqué, où le roi dansa.

Page 69, ligne 18: Le théâtre et les concerts publics.

Une petite comédie intitulée Intrigue d'amour, d'un nommé Lambert, qui a échappé aux recherches exactes et minutieuses des auteurs de l'Histoire du Théâtre françois, charma aussi le public de cette époque. (Voyez Loret, liv. VII, p. 198, lettre en date du 16 décembre.)

Page 70, ligne 7: Les mariages.

Parmi les mariages notables que l'on vit cette année furent ceux du marquis de La Luzerne avec la fille d'un fameux financier, nommé Picard; du prince d'Harcourt avec mademoiselle de Bouillon, nièce de Turenne; celui de Soyecourt avec la fille du président de Maisons; du marquis de Rambures avec mademoiselle de Nogent; du marquis de Vardes avec mademoiselle de Nicolaï (pauvre duchesse de Roquelaure!); de Bignon avec mademoiselle de Pontchartrain. Parmi les exilés qui furent rappelés, on remarqua le père George, capucin, ce fameux prédicateur de la Fronde. Mademoiselle de Montpensier (t. XLII, p. 37) fait mention des demoiselles d'Harcourt, privées de leur mère. Alphonse-Henri-Charles de Lorraine, comte d'Harcourt, fut marié, le 2 février 1667, à mademoiselle de Brancas. Voyez Sévigné (Lettre en date du 23 mai 1667), t. I, p. 163, édit. de G. de S.-G.

Page 72, ligne première: Le marquis de La Trousse.

Le nom du marquis de La Trousse était Philippe-Auguste Le Hardi. La terre de La Trousse en Brie avait été érigée en marquisat sous son père, par lettres patentes de 1605 (Monmerqué).

Page 72, ligne 14: Devant Capelle.

La Prise de Capelle eut lieu le 18 août.

Page 73, ligne 14: Bussy quitta l'armée le 2 novembre.

Bussy, à son passage à Paris, put assister au nouveau ballet royal qui fut donné le 18 novembre.

Page 73, ligne 20: Après le départ du duc de Modène.

Aidé des troupes françaises commandées par le duc de Mercœur, le duc de Modène s'empara de Valenza le 6 septembre, ce qui contribua à augmenter en Italie la considération de la France. Monglat, t. LI, p. 19.

Page 81, ligne 17: L'intrigueuse vient là.

On ne dit plus aujourd'hui intrigueur et intrigueuse, mais intrigant et intrigante. A l'époque où Saint-Évremond écrivait on ne disait ni l'un ni l'autre; c'était un mot forgé ou un mot nouveau, mais non encore adopté, et qui ne le fut de longtemps. Dans le Dictionnaire de Nicot, imprimé en 1666, on ne trouve ni intrigueur ni intrigant; il en est de même dans le Dictionnaire de Richelet, imprimé en 1680; mais on trouve l'un et l'autre de ces mots dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie Française, qui remarque qu'intrigueuse est plus souvent employé qu'intrigueur; et c'est ce féminin, dont la désinence en gueuse était désagréable, qui aura déterminé à préférer intrigante et intrigant.

CHAPITRE VIII.

Page 90, ligne 4 du texte: Un mot qui manque à notre langue.

Les mots infans et puer, que nous ne pouvons traduire que par le seul mot enfant, exprimaient chez les Romains deux âges différents de la vie.

Page 95, note 154, ligne 3 de la note: M. de Bausset n'a pas bien connu.

M. de Bausset, dans sa Vie de Bossuet, dit que cet homme illustre n'a commencé ses prédications à Paris que vers la fin de l'année de 1658, par le panégyrique de saint Joseph, ce qui est une erreur. Il y a pareillement erreur de la part du dernier et savant éditeur des œuvres de Bossuet, qui, entraîné peut-être par l'assertion de M. de Bausset, a placé le panégyrique de sainte Thérèse à la date de l'année 1658. Il est antérieur d'un an. Les détails que nous n'avons pu qu'indiquer, sur les premiers débuts de Bossuet dans la chaire évangélique forment une véritable lacune dans l'histoire de M. de Bausset, qui les a ignorés. Cette Vie de Bossuet est d'ailleurs un ouvrage d'un grand mérite; et bien qu'elle n'ait pas eu le même succès que la Vie de Fénelon, elle lui est, suivant nous, supérieure: elle offrait plus de difficultés dans son exécution.

Page 100, note 1: Dissertation critique.

Ce livre fut achevé d'imprimer le 3 août 1697. Ainsi sur le titre il faut lire M. DC. XCVIII au lieu de M. DC. XVIII, qui est une faute de l'imprimeur. On a réimprimé à la suite des éditions de Madame de Sévigné cette dissertation, ainsi que celles de Dacier et de Dumarsais, sur le même sujet.

Page 103, ligne 4: Mazarin lui fit une pension de mille livres.

M. Weiss s'est trompé quand il a dit que Richelieu avait accordé une pension de 1,000 francs à Beauchâteau. Cet anachronisme ne peut être qu'une inadvertance du savant auteur. M. Weiss dit que cet enfant célèbre naquit à Beauchâteau, le 8 mai 1645; j'ignore sur quelle autorité Loret (liv. IX, p. 25, lettre en date du 16 février) ne lui donne que onze ans lorsqu'en février 1658 il présenta lui-même son recueil imprimé à l'Académie Française. C'est dans la lettre du 1er novembre 1659 (liv. X, p. 170) que Loret nous apprend qu'il était en Espagne.

CHAPITRE IX.

Page 105, ligne 3: Qui eurent lieu dans l'intervalle de quelques mois.

La mort du duc de Chevreuse et celle du duc de Villars produisirent peu de sensation, parce qu'ils étaient presque octogénaires. On regretta peu la mort du maréchal de La Mothe-Houdancourt, qui s'était montré pendant la Fronde d'une fidélité douteuse. Celle du duc d'Elbœuf ne fut remarquée que par la magnificence de son enterrement. La duchesse de Bouillon était une femme d'un grand mérite, mais dont on n'avait plus rien à espérer ni à craindre. La duchesse de Mercœur se trouvait à l'extrémité dans le moment où le roi dansait un ballet; et le lendemain on vint avertir qu'elle était morte. Elle mourut le 8 février. La duchesse de Montbazon mourut à cinquante ans, encore belle. De tous ces décès, celui qui occasionna le plus de regrets fut celui de Pomponne de Bellièvre, premier président du parlement de Paris; non que sous plusieurs rapports ce fût un magistrat très-recommandable: il était paresseux et voluptueux, adonné aux délices de la table; mais il était en même temps généreux, hospitalier, bienfaisant, et jouissait avec magnificence de sa fortune. Sa probité, son désintéressement, son patriotisme, la fermeté avec laquelle il résistait au premier ministre, et le retard qu'il apportait à l'enregistrement des édits qui créaient de nouveaux impôts, l'avaient rendu cher au peuple et à sa compagnie. Mazarin fut le seul satisfait de sa perte; mais celle de sa nièce la duchesse de Mercœur, enlevée en quelques heures de maladie, lui fut très-sensible.

Page 105, ligne 18: L'arrivée du duc de Mantoue.

On ne fit pas un aussi bon accueil au duc de Mantoue qu'au duc de Modène, parce que, par les séductions de sa femme, le premier s'était laissé entraîner dans le parti de l'Espagne.

Page 106, lignes 19 et 20: Le goût... pour les déguisements de femme.

Dans le ballet nouveau de l'Amour malade, le jeune duc d'Amville, déguisé en femme, joua le rôle d'une mariée. L'ancien ballet de Psyché fut de nouveau représenté. (Loret, liv. VIII, p. 9, du 19 février.) Monsieur donna un repas magnifique au roi et à la reine et au cardinal, après lequel on joua la fameuse tragédie de Thomas Corneille, intitulée Timocrate; une autre fois on fit jouer les vingt-quatre violons. Le duc de Guise, à l'imitation du roi, fit représenter un ballet, où il dansa avec Beauchamps. (Loret, liv. VIII, p. 29.) Mais le même donna une fête plus magnifique et un repas de 200 couverts, lorsque la princesse de Guise fut nommée abbesse de Montmartre. (Loret, 75.) Pendant la campagne de cette année, le maréchal de La Ferté traita dans son camp le roi et toute sa suite, avec la même magnificence, avec la même recherche de mets qu'il aurait pu faire à Paris. Au retour de cette campagne, Louis XIV parut masqué, avec toute sa cour, dans un bal magnifique, qui fut donné par le maréchal de L'Hôpital, gouverneur de Paris. (Loret, liv. IX, p. 21, 9 février 1658.)

Page 110, ligne 6: Après une retraite de huit jours.

Madame de Motteville n'indique pas la durée de la retraite du roi à Vincennes; mais Loret, qui écrivait au moment même des événements, dit qu'elle dura une semaine.

Page 110, note 175: Montpensier.

Il faut dans cet endroit des Mémoires de Montpensier substituer La Mothe d'Argencourt à La Mothe-Houdancourt, qui est une faute de copiste, ou une mauvaise correction d'éditeur. La même faute avait été commise dans les Mémoires de La Fare, et a été rectifiée par M. de Monmerqué, d'après l'autorité des manuscrits.

Page 112, ligne 3: Mais un jour elle parut.

Puisque Loret nomme encore mademoiselle d'Argencourt au nombre des filles de la reine, dans sa lettre du 26 octobre, la scène de bal dont parle madame de Motteville ne peut être postérieure à ce mois. Le départ subit de la cour en septembre, qui n'était pas ordinaire, annoncé par Loret, tenait peut-être à cette aventure: on comprit qu'il fallait se presser d'aller négocier le mariage du roi.

Page 115, ligne 21: Bontemps... fut chargé de la marier.

Saint-Simon remarque que dans l'acte du mariage de cette fille de Louis XIV il ne fut fait aucune mention de son père ni de sa mère. Il dit aussi que Laqueue, ce gendre de Louis XIV, ne paraissait presque jamais à la cour; quand il y paraissait, c'était, dit-il, comme un simple officier, et le moins recueilli de la foule. Bontemps ne laissait pas de lui donner de temps en temps de l'argent. (Saint-Simon, t. IV, p. 182.)

CHAPITRE X.

Page 120, ligne 2: Gaston et Mademoiselle.

La lettre de Loret nous apprend que lorsque Mademoiselle revint à Paris, en 1658, elle alla loger au Luxembourg.

Page 121, notes 186 et 188: Vie de la duchesse de Longueville, édit. 1739.

On sait que l'édition de Paris est intitulée De la Vie de la duchesse de Longueville, et qu'on en a ôté tout ce qui pouvait avoir trait au jansénisme.

Page 121, ligne 18: Cependant il s'y résolut.

Le duc de Beaufort ne revint en cour qu'en 1658.

Page 122, lignes 24 et 25: La reine d'Angleterre... eut seule la permission d'y rester.

Encore ne resta-t-elle point à la cour. Elle se rendit cette année aux eaux de Bourbon.

Page 123, ligne 11: Tandis que des plénipotentiaires français.

Ce furent le duc de Gramont et de Lionne que Mazarin envoya comme négociateurs à la diète de Francfort; mais il tenait lui seul tous les fils de ses négociations, où il employait d'autres personnages que ceux qui étaient accrédités. Ainsi un castrat nommé Atto, qu'il avait fait venir d'Italie pour la musique, fut envoyé en Bavière, parce qu'il le savait bien avec l'électrice. A une autre époque il envoya son secrétaire particulier.

Page 123, ligne 12: En Hollande.

Ce fut de Thou qu'on envoya en Hollande, avec laquelle alors on était en paix.

CHAPITRE XI.

Page 131, ligne 25: Puisque j'ose bien juger des ouvrages de Chapelain.

Loret disait alors:

Le ciel, parmi tant de lumières,

N'a qu'un soleil qui luise à point;

La terre n'a qu'un Chapelain.

Page 136, lignes 23 et 24: Envoya Corbinelli à sa cousine.

On voit par là que Grouvelle se trompe quand il dit que madame de Sévigné ne connut Corbinelli qu'en 1661. Leur liaison était bien antérieure. Voyez la première partie de ces Mémoires, chapitre XXXVII, page 503, et Grouvelle, notice sur Corbinelli, dans l'édition in-12 des Lettres de Madame de Sévigné, t. I, p. CXLVII.

CHAPITRE XII.

Page 146, ligne 15: Par une nouvelle et délicieuse mélodie.

Lambert, Boisset et Molière (c'est le musicien, et non l'auteur) contribuèrent aussi à cette révolution musicale. On commençait à introduire alors dans les orchestres un plus grand nombre d'instruments; aux violons on joignit les flûtes, les clavecins, les guitares, les téorbes, les luths. (Loret, liv. IX, p. 26-28.) Les cantatrices en vogue, mesdemoiselles La Barre, Raymond et Hilaire, ajoutaient, par la beauté et la puissance de leur voix, aux charmes de la nouvelle musique.

Page 146, ligne 18: C'est alors.

Mazarin donna alors un grand repas, qui coûta, dit-on, 300,000 liv.; somme qui ne surprendra pas quand on saura qu'il y eut à la suite de ce repas une loterie. Loret a décrit avec beaucoup de prolixité dans sa gazette le bal donné par Mademoiselle à la cour, ainsi que les fêtes données par Fouquet, par Mazarin, par la duchesse de Lesdiguières, par la maréchale de L'Hospital, par madame de La Bazinière.

Page 146, lignes avant-dernière et dernière: Que les promenades au Cours, que la foire Saint-Germain.

La foire Saint-Germain se tenait à la même place où l'on a construit un marché qui porte aussi le nom du saint, et dans deux halles longues de 130 pas, larges de cent, composées d'une charpente fort exhaussée, divisées régulièrement en neuf rues, et partagées en vingt-quatre îles bordées d'un nombre considérable de loges ou de boutiques, enfermées dans un enclos où l'on entrait par sept portes. Cette charpente fut brûlée en 1763. Il n'y avait pas alors à Paris ce luxe de boutiques et de magasins qui depuis le siècle de Louis XIV, et surtout dans ces dernières années, n'a cessé de s'accroître sans fin et sans mesure; de sorte que l'ouverture de la foire Saint-Germain fut pendant longtemps un événement pour les Parisiens. Elle avait lieu le 3 février. Cette foire se prolongeait jusqu'à la semaine sainte, et souvent même au delà.

De même, pour se rendre compte de l'attrait que pouvait avoir alors la promenade du Cours, il faut se représenter l'état de Paris à cette époque. Ses magnifiques boulevards n'existaient pas, ou plutôt Paris avait de véritables boulevards, c'est-à-dire des fortifications flanquées de bastions: toute la ville était entourée de remparts et de fossés profonds qui servaient à sa défense, mais point aux promeneurs. Les rues étaient étroites, resserrées; la place des Victoires, la place Vendôme et la place Louis XV n'existaient pas. Le Luxembourg ou palais d'Orléans, qui plus tard fut renfermé dans l'enceinte de Paris, était hors de ses murs, et ses jardins n'étaient point publics: il en était de même de ceux du palais Cardinal ou Palais-Royal. Les seules promenades publiques qui existassent dans l'intérieur de la ville se réduisaient donc à la place Royale (au Marais), au jardin du Temple, qui n'existe plus aujourd'hui, et aux Tuileries. Mais le jardin des Tuileries, qui fait aujourd'hui l'admiration de l'Europe, n'était pas tel, alors, que Le Nostre et les accroissements successifs de la capitale l'ont fait depuis. Subdivisé en une trentaine de plates-bandes ou de bosquets (dont un formait un labyrinthe) [A]., tous égaux, séparés par des allées étroites, il était beaucoup plus resserré qu'aujourd'hui. A l'extrémité du massif d'arbres qui succède au parterre, l'espace découvert où est le grand bassin était l'intérieur d'un bastion dont les terrasses latérales étaient les faces, et dont la pointe se trouvait à l'endroit où est actuellement l'entrée du jardin: là existait avant nos révolutions le petit pont de bois qu'on nommait encore le pont tournant, quoiqu'il ne tournât plus. Au delà, au lieu de cette magnifique place Louis XV, de ces massifs d'arbres, de ces longues allées qu'on nomme les Champs-Élysées, qui font suite au jardin des Tuileries et se prolongent jusqu'à l'Arc de triomphe, on n'apercevait que des terres labourables, nues, sans une seule plantation. Trois routes ou chemins coupaient ces champs, et aboutissaient à deux portes de la ville, l'une à la porte Saint-Honoré, près la place actuelle de la Madeleine; l'autre à la porte de la Conférence, placée à l'extrémité actuelle de la terrasse des Tuileries du côté de la Seine. (Voyez le plan de Paris de Berey, en quatre feuilles). Après avoir gagné par une de ces deux portes, mais ordinairement par la dernière, le chemin qui bordait la rivière, on arrivait, après un court trajet, à la promenade que l'on nommait le Cours la Reine, parce qu'elle avait été faite par Marie de Médicis pendant sa régence. Cette promenade se composait de trois allées d'arbres, longues de six cents toises, entourées de fossés, et ayant aux deux extrémités deux grands portails, qui se fermaient par des grilles en fer. L'allée du milieu avait six à sept toises de largeur, et les deux autres la moitié. Un vaste espace rond, de trente-cinq toises de diamètre, coupait ces trois allées par le milieu. C'est dans cette promenade, qui ne fut détruite qu'en 1723, que la cour au temps de madame de Sévigné se rendait dans les beaux jours, en voiture et à cheval; c'était le bois de Boulogne, le Hyde-Park de Londres de cette époque, si toutefois ces deux promenades elles-mêmes, si brillantes au temps de ma jeunesse, ne sont pas passées de mode. Sauval dit qu'au Cours on se rencontrait, on se saluait, on se parlait, et que les hommes y avaient presque toujours le chapeau bas. Il en était ainsi avant nos révolutions, le jeudi, sur les boulevards du nord, où trois files de voitures se promenaient lentement, pour que les dames qui étaient dedans pussent s'entretenir avec les personnes de leur société, qui étaient à pied et à cheval; là on se disait les nouvelles, là on se faisait des invitations. Il n'était d'usage d'aller au bois de Boulogne que le dimanche, et dans l'allée de Longchamps; et là, comme sur les boulevards, les carrosses marchaient lentement ou s'arrêtaient, à cause des nombreuses conversations particulières. Aujourd'hui cette manière serait mortellement ennuyeuse; on a besoin de courir, comme des gens qui s'enfuient et s'évitent.

Page 148, lignes 21, 24, 25: Anne d'Autriche..... ne chercha point à mettre de digue à ce torrent de dissipation et de licence.

Ce fut surtout au retour du voyage de la cour à Lyon, et dans l'hiver de 1659, que le goût des mascarades se répandit. La reine elle-même avait peine à se défendre du plaisir que causaient alors ces sortes de divertissements. «On se déguise souvent, dit mademoiselle de Montpensier; nous fîmes une mascarade la plus jolie du monde.» Elle rapporte qu'elle et mademoiselle de Villeroi étaient habillées en paysannes de la Bresse. «Mon corps, dit-elle, était lacé de perles et attaché avec des diamants; il y en avait partout.» Le comte de Guiche, le duc de Roquelaure, Puiguilhem (depuis le duc de Lauzun, qui épousa Mademoiselle), et le marquis de Villeroi, étaient au nombre des bergers... Le roi et tous ceux qui l'accompagnaient étaient déguisés en vieillards, et toutes les femmes de sa troupe en vieilles. «La reine, ajoute Mademoiselle, nous trouva fort à sa fantaisie, ce qui n'est pas peu. Nous allâmes à l'Arsenal, où le maréchal de la Meilleraye donnait une grande assemblée.» Cette même mascarade eut encore lieu un autre jour et de la même manière, parce que la reine, à qui elle avait beaucoup plu, le désira. (Montpensier, Mém., t. XLII, p. 408.) Mademoiselle nous donne encore des détails curieux sur la mascarade que firent le chevalier de Sillery, la comtesse d'Olonne et le prince de Marsillac, alors son amant. Toute la troupe alla s'habiller chez Gourville. Ces détails confirment tout ce que Bussy a raconté, dans son Histoire amoureuse des Gaules, sur ces personnages. Le chevalier de Gramont, qui courtisait à la même époque la comtesse d'Olonne, était outré que le prince de Marsillac eût mieux réussi que lui; et comme ce dernier ne passait pas pour avoir beaucoup d'esprit, Gramont avait coutume de dire que Marsillac, comme un autre Samson, avait vaincu ses rivaux avec une mâchoire d'âne.

Il y eut encore à cette époque une aventure qui fit rire tout Paris, et qui prouve ce que nous avons avancé dans le texte au sujet des mascarades. Un jeune page de Mademoiselle, remarquable par la fraîcheur de son teint, la finesse de ses traits et sa figure féminine, prenait plaisir à se promener déguisé en jeune fille, à écouter les discours et les galanteries de ceux qui se méprenaient sur son sexe; mais un jeune et riche bourgeois en devint sérieusement amoureux: le page poussa les choses au point de se laisser emmener chez le bourgeois; et au moment où celui-ci se croyait au comble de ses vœux, le page se débat, s'échappe d'entre ses bras, s'enfuit, fait une chute, et laisse apercevoir sous ses jupes, au bourgeois étonné, ses vêtements de page. Ces scènes indécentes étaient le prélude de celles, bien autrement coupables, de la jeunesse de l'abbé de Choisy. (Conférez Montpensier, Mém., t. XLII, p. 330; ibid., p. 389; Loret, Muse historique, lib. IX, p. 44, 6 juillet; Vie de l'abbé de Choisy, l'Histoire de la comtesse de Barre, et une note de M. Monmerqué dans son édition des Lettres de Madame de Sévigné, qui indique que le manuscrit, beaucoup plus complet, de cette histoire existe à la bibliothèque de l'Arsenal.) En 1658, le premier jour de carême, on vit une troupe de masques déguisés en capucins et en capucines. Les prédicateurs dénoncèrent en chaire cette impiété; la reine se fâcha, et l'on sut que les coupables étaient l'abbé de Villarceaux, Ivry, ce mylord anglais amant de la duchesse de Châtillon, le comte d'Olonne et sa femme, Jeannin, trésorier de l'épargne. (Loret, liv. IX, p. 31, 23 février, et p. 43, 16 mars 1658.)

Page 149, ligne 18: Ses Mémoires nous apprennent.

«Les deux premiers jours, dit Mademoiselle (t. XLII, p. 308), après le départ de la cour (en 1658), je m'ennuyai un peu, particulièrement le temps où j'avais accoutumé d'aller au Louvre. J'en fus bientôt désaccoutumée. J'allais tous les jours au Cours, je me promenais deux ou trois fois à cheval. Mademoiselle de Villeroi y vint avec moi, et Bonneuil, qui était retiré à Paris, et madame de Sévigné. Hors elles, tout ce qui était accoutumé de se promener avec moi ne montait pas à cheval.» (Conférez t. I, p. 292 de la collect. de Michaud.)

Ce fut pour désennuyer Mademoiselle pendant son exil, que Segrais, qui était son secrétaire, composa cette suite de petits romans intitulée Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse Aurélie, 1657, in-8o. Dans la première, intitulée Eugénie (t. I, p. 41), un amant se déguise en femme de chambre pour s'introduire près de sa maîtresse. C'est dans les Mémoires de Mademoiselle que nous trouvons les détails les plus curieux sur l'influence fâcheuse de ces sortes de déguisements relativement aux mœurs de la cour, et surtout sur celles du jeune duc d'Anjou et de ses indignes favoris, Guiche, Villequier, Manicamp, etc. (Voyez l'Hist. am. des Gaules, 1754, t. I, p. 49, 52, 56, 62, 132; Montpensier, t. XLII, p. 408.) Toute la vigilance d'Anne d'Autriche n'y put rien: peut-être eût-il mieux valu qu'elle en eût eu moins, et que ce jeune prince eût pu avoir à se défendre contre une séductrice moins âgée que la princesse Palatine. Un tel début, des appas si flétris, n'étaient pas propres à lui donner du goût pour le commerce des femmes.

Page 150, ligne 9: Plusieurs mariages.

C'est dans cette année que le prince de Marsillac épousa l'héritière de Liancourt (Loret, liv. IX, p. 67, en date du 4 mai), et que la fille de Servien fut mariée au marquis de Rosny (Loret, liv. IX, p. 154, en date du 5 octobre).

Page 155, note 247, lettre autographe de Mazarin à Colbert.

Soulavie a imprimé cette lettre dans les Œuvres de Saint-Simon, t. I, p. 241, mais mutilée, et avec des fautes d'impression sans nombre: au lieu d'Hervart, ce financier si connu, il écrivit Hervaut; au lieu de madame de Venel (gouvernante des nièces de Mazarin), il met Venès; et ainsi du reste.

Page 157, ligne 25: Il écrivait tous les jours.

La première séparation de Louis XIV et de Marie de Mancini eut lieu le 22 juin 1659. Dans la correspondance qui s'établit ensuite par lettres entre eux, Vivonne fut l'intermédiaire.

CHAPITRE XIII.

Page 164, ligne 3: Sa cour donnait le ton à la capitale et aux provinces.

Mademoiselle, dans ses Mémoires, parle de deux jeunes femmes qu'elle vit à Lyon, l'une veuve d'un officier, l'autre femme d'un lieutenant général. Elles étaient accomplies sous le double rapport de l'esprit et de la figure. Mademoiselle, pour en faire l'éloge, dit: «Elles sont bien faites et spirituelles, pour femmes de province.» (Montpensier, t. XLII, p. 38.) Ceci rappelle ce vers de Gresset, que j'avais à tort attribué à Regnard dans la première édition de cet ouvrage:

Elle a de fort beaux yeux, pour des yeux de province.

Page 164, ligne 15: Ils furent en cela imités par les auteurs dramatiques.

Les auteurs dramatiques mettaient alors dans la bouche des héros de l'antiquité les discours de galanterie et les raffinements de sentiments à la mode dans les ruelles. Ils travestissaient tous les héros de l'antiquité en seigneurs de la Fronde. Ainsi l'Amalasonte de Quinault, donnée en 1657, est une véritable précieuse; et cette pièce valut à l'auteur une gratification du roi. Le Mariage de Cambyse, du même auteur, est une pièce écrite dans ce style. Corneille le jeune, dans sa tragédie de Bérénice, se vantait d'avoir imité un roman de Scudéry.

Page 166, ligne 7: La plus galante personne du monde.

Nous voyons ici le mot galante employé dans une signification qui n'a plus cours que pour le genre masculin du même adjectif. C'est dans ce sens qu'on dit un galant homme c'est-à-dire un honnête homme, un homme qui sait vivre, qui a une conduite honorable; mais on ne dit plus une galante femme, bien qu'on dise encore, mais dans un autre sens, une femme galante.

Page 166, ligne 25: Donna à madame de La Fayette l'idée de tracer le portrait de madame de Sévigné.

On a inséré ce portrait dans toutes les éditions de Madame de Sévigné, mais aucun éditeur n'a indiqué où il a été imprimé pour la première fois. Je n'ai pu remonter qu'à l'édition des Lettres de Madame de Sévigné de 1734. L'éditeur, le chevalier Perrin, en l'insérant dans sa préface, dit: «J'ai heureusement trouvé le portrait qu'en fit autrefois, sous le nom d'un inconnu, madame de La Fayette...» Ces mots semblent indiquer que ce portrait a été trouvé manuscrit dans les papiers de madame de Simiane, que Perrin a eus à sa disposition pour la publication des lettres de madame de Sévigné, et qu'avant ce portrait n'avait jamais été imprimé.

Page 171, avant-dernière ligne: La troisième édition de ces poésies.

C'est dans cette troisième édition que Ménage fit paraître pour la première fois ses poésies grecques et italiennes; cependant la seconde édition (1656) contenait, p. 117, un sonnet italien à mademoiselle de La Vergne.

Page 172, ligue 4: Un madrigal allégorique.

La fin du madrigal est jolie, mais elle est de Guarini, et non de Ménage; et il est étonnant que celui-ci ait songé à s'approprier des vers si connus. La muse de Ménage, quoique si souvent gratifiée des dons de sa mémoire, n'en est pas devenue plus riche.

Page 172, lignes avant-dernière et dernière: La septième édition, qui ne fut pas la dernière.

C'est la huitième qui est la dernière et la meilleure, et est accompagnée d'excellentes tables. Toutes ces éditions sont rares. Il est probable qu'elles furent tirées à petit nombre. La plus jolie de toutes, celle imprimée par les Elzeviers, est celle que j'ai le plus souvent rencontrée. J'ai donné une liste de toutes ces éditions à la page 452 de la première partie de ces Mémoires.

Page 174, ligne 10: M. de Noirmoutier.

Louis de La Trémouille, duc de Noirmoutier, mourut en 1666, le 15 octobre, à l'âge de cinquante-quatre ans.

CHAPITRE XIV.

Page 177, avant-dernière ligne: Un aspect de bonheur.

Loret, selon sa coutume, a rempli sa gazette de la description des fêtes données pendant l'hiver qui précéda le départ du roi pour le midi. Voici celles dont nous avons tenu note, comme des plus remarquables. En février (le roi ne revint de Lyon qu'à cette époque), divers bals chez le maréchal de L'Hospital, gouverneur de Paris, chez le duc de Saint-Simon; ballet royal de la Raillerie, plusieurs fois dansé par le roi; concert de soixante instruments, et des chantres et des chanteuses, les plus remarquables; mascarade en traîneaux à la place Royale, où tous les jeunes seigneurs étaient masqués: toute la cour y assistait, et était dans l'hôtel des Hameaux; plus tard, fête donnée par le roi, où il y eut une loterie de 100,000 livres. Le 3 mai, le roi fait des courses à cheval au bois de Vincennes; le 10 de mai, grand dîner de Monsieur au roi, à Saint-Cloud. Fête superbe donnée au roi par de Lionne, dans son château de Berny: Mazarin en fit les frais. Cette fête était toute diplomatique: Pimentel, le négociateur du roi d'Espagne, s'y trouvait, et il était le véritable but de la fêle. A Vincennes, revue de soldats, ballets, danses et parades. On joua une pastorale de Trivelin-Canaille et de Scaramouche, qui amusa fort, et fit beaucoup rire.

Page 178, note 284: Journal contenant, etc.

Toutes ces pièces sont de Colletet; elles furent publiées comme un journal, au moment même des événements; la réunion en est rare. J'en donne les titres d'après un exemplaire qui renferme encore un volume in-4o en espagnol, accompagné de plans et de portraits, qui décrit la marche de l'infante jusqu'à la frontière de France. A ces pièces il faut joindre les ouvrages que j'ai cités dans mon édition de La Fontaine au sujet de la lettre de notre fabuliste à de Maucroix, sur l'entrée de la reine. Ceux qui désireraient tout connaître sur cette époque célèbre ne doivent pas négliger de consulter les volumes de la collection d'estampes sur l'histoire de France, qui est à la Bibliothèque Royale. Au tome XXVI, ils trouveront une très-belle estampe de l'entrevue des deux rois, de la reine et de l'infante, et une autre, de Charles Le Brun, qui représente le mariage dans l'église de Saint-Jean de Luz. Dans une autre estampe allégorique, un Espagnol dit à un Français:

A voir sur vos habits ces monceaux d'aiguillettes,

Vos poudres, vos galands, vos canons, vos manchettes,

Rien qu'un esprit ne vous peut inspirer.

Page 179, ligne 21: Pour suivre les représentations théâtrales.

Le goût des spectacles faisait naître le désir de les varier. Ce fut au mois d'avril de l'année 1660 que plusieurs particuliers, par zèle pour l'art théâtral, donnèrent au public, dans la maison d'un sieur de La Haye, à Issy, l'exemple d'une comédie française toute chantée. La musique était de Lambert, les paroles de l'abbé Perrin. Cette pièce, exécutée par les plus belles voix de cette époque, charma les spectateurs. Le 30 du même mois, Mazarin la fit représenter à Vincennes: elle plut tellement à la cour, que Mazarin ordonna a l'abbé Perrin d'en composer une seconde; il fit Ariane, ou le Mariage de Bacchus. Ainsi fut fondé un spectacle qui ne pouvait se maintenir que par la munificence royale, et dont la pompe et la splendeur se sont cependant toujours accrues depuis près de deux siècles, au milieu de toutes les révolutions, de toutes les banqueroutes et des pénuries des finances, et sans que jamais le public s'y soit porté avec assez d'empressement pour subvenir à la dépense qu'il exige.

Page 183, ligne première: En mettant de côté la soutane du séminariste.

J'ai rapporté dans mes notes sur la Vie de La Fontaine le passage des Mémoires manuscrits de Tallemant des Réaux qui nous apprend que les parents de Molière l'avaient d'abord fait étudier pour être d'Église; et ceci se trouve confirmé par ce qui est dit dans la Vie de notre grand comique composée par l'éditeur de ses œuvres en 1730: c'est ce que paraissent avoir ignoré les récents éditeurs de Molière, qui, par des arguments nullement concluants, ont rejeté le témoignage contemporain de Tallemant des Réaux, tandis qu'ils n'ont pas fait difficulté d'admettre, sans critique et sans examen, les faits rapportés sur Molière par Grimarest, quoique lorsque cette Vie parut Boileau ait déclaré qu'elle fourmillait d'erreurs et de contes absurdes. Je suis revenu sur ce point de critique littéraire dans la quatrième édition que j'ai préparée de l'Histoire de La Fontaine, non encore publiée.

Page 184, lignes 5 et 6: Dont l'intrigue ne lui appartenait pas.

Dans la pièce de Chapuzeau qui fut donnée en 1756, trois ans avant les Précieuses ridicules, il y a, comme dans cette dernière pièce, un homme dont la déclaration est fort mal reçue par une femme infatuée de bel esprit, et qui s'en venge en introduisant auprès d'elle son valet, déguisé en marquis magnifique, qui lui plaît beaucoup plus.

Page 185, note 299: Bodeau de Somaize.

Somaize ne s'est point nommé dans cette préface des Véritables Précieuses. Il accuse Molière d'avoir imité le Médecin et les Précieuses de l'abbé de Pure, et plusieurs autres pièces italiennes; et il cherche à le rendre odieux aux gens de cour. Cependant ce misérable écrivain spécula sur le succès de la pièce de Molière, et la mit en mauvais vers. On voit, par l'avertissement, que les libraires propriétaires de l'édition de la pièce de Molière mirent opposition à la vente de la traduction en vers. La pièce des Précieuses ridicules, en vers (1660, in-12), est dédiée à Marie de Mancini, dont Somaize parle souvent dans son Grand Dictionnaire des Précieuses. Somaize composa encore le Procès des Précieuses, en vers burlesques (1660, in-12), qu'il dédia à la marquise de Monloy; c'est probablement cette madame de Monlouet dont il est fait mention dans madame de Sévigné.

CHAPITRE XV.

Page 188, ligue première du texte: Mazarin n'était plus.

Mazarin mourut le 9 mars, entre deux et trois heures du matin.

Page 189, ligne 24: Une jeune reine déjà enceinte.

La grossesse de la reine fut soupçonnée dès le 9 mai.

Page 190, ligne 16: Donnèrent pendant plusieurs mois à Fontainebleau.

Madame de Motteville avoue, en parlant des fêtes de Fontainebleau, que même dans le beau temps de la régence jamais la cour n'eut cet éclat; et ce temps de la régence était cependant celui de sa jeunesse.

Page 191, ligne 2: L'amour du roi pour mademoiselle de La Vallière.

Le roi parut hésiter quelque temps entre sa belle-sœur, mademoiselle de Pons, et La Vallière; mais l'attrait qu'eut pour lui l'amour le plus sincère et le plus entier, accompagné de la modestie et de la pudeur, l'emportèrent sur les agaceries d'Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, et sur les avances de mademoiselle de Pons.

Page 191, ligne 3: Celui de Madame pour Buckingham.

Le duc de Buckingham était le fils de celui qui fut soupçonné d'avoir obtenu les bonnes grâces d'Anne d'Autriche.

Page 191, ligne 4: Et ensuite pour le comte de Guiche.

Madame de La Fayette nous apprend que le comte de Guiche se déguisait en femme pour pénétrer chez Madame. On se rappelle ce que j'ai dit de ces déguisements dans les ballets du roi.

Page 191, ligne 5: Celui de la duchesse de Toscane.

La duchesse de Toscane avait eu le désir d'épouser Charles de Lorraine, qu'elle aimait. Elle n'avait pas encore rejoint son mari lorsqu'elle donna à penser qu'elle n'avait rien refusé à son amant. Choisy la compare à un ange pour la beauté, mais non pas pour la conduite.

Page 191, ligne 13: Soit pour elle-même, soit pour une autre.

Quoique Montalais, dit madame de La Fayette, eût pour amant Malicorne, elle était confidente de beaucoup d'autres liaisons, qu'elle favorisait, et dont elle se mêlait sans aucun intérêt pour elle-même, et par besoin d'intrigues.

Pages 193 et 194, lignes dernière et première: On risqua des sommes énormes sur une seule carte.

Fouquet dans une seule partie avec Gourville perdit 55,000 fr. en une demi-heure. L'abbé de Gordes, en 1660, perdit avec le roi 150,000 fr. en une seule séance. Il faut doubler ces sommes pour avoir le montant de ces pertes en valeur actuelle.

Page 194, ligne 5: La magnificence des ballets royaux.

Les deux ballets royaux montés dans ces deux années furent ceux de l'Impatience et des Saisons; le roi dansa dans les deux. Les beautés de la cour qui y figurèrent furent mesdemoiselles de Pons, Argencourt, Villeroi, Montbazon, Châtillon, Noailles, Brancas, Arpajon, La Fayette, Guiche, Fouilloux, Meneville, Chemerault, Bonneuil, La Vallière. Le ballet des Saisons fut joué à Fontainebleau, et eut pour décoration les beaux arbres de la forêt. Celui qui disposait alors les théâtres de la cour et était employé aux décorations était un nommé Houdin (Antoine-Léonor), architecte du Louvre. Nous avons de cet artiste une excellente vue en perspective, présentée au roi en 1661, et des plans du Louvre. C'est cet architecte qui probablement a bâti le palais Mazarin, où est actuellement la Bibliothèque Royale, dont une partie, l'hôtel de Nevers, a été réparée, en 1709, par Dulin. (Conférez Germain Brice, Description de Paris, 1752, in-12, t. I, p. 362.)

Page 196, ligne 8: Elle se rendit au Mont Saint-Michel.

L'ouvrage latin que j'ai cité, de Martin Zeiller, Topographia Galliæ, 1657, in-folio, pars VIII, p. 20, donne une vue bien détaillée et très-exacte du Mont Saint-Michel, tel qu'il se trouvait à l'époque où madame de Sévigné s'y rendit avec sa fille.

CHAPITRE XVI.

Page 201, ligne 15: Profanaient par de honteux scandales.

On doit lire à ce sujet les curieuses particularités que Mademoiselle nous donne sur la vie que menaient les religieuses de Perpignan, dont les désordres étaient publics.

Page 208, ligne 1re: Jamais il ne lui refusait d'audiences particulières.

«Ce qui m'incommodait davantage, dit Louis XIV dans ses Instructions au Dauphin, en parlant de Fouquet, c'est que, pour augmenter la réputation de son crédit, il affectait de me demander des audiences particulières, et que, pour ne pas lui donner de défiance, j'étais contraint de les lui accorder.»

Page 208, ligne 21: Que le roi, furieux contre lui, voulait sa mort.

La Fontaine, dans la lettre citée, dit, en parlant de cet événement: «Il est arrêté; le roi est violent contre lui, au point qu'il dit avoir dans les mains des pièces qui le feront pendre [B].» Racine, dans ses Fragments historiques, nous apprend qu'on avait entendu dire à Louis XIV que si Fouquet avait été condamné, il l'aurait laissé mourir.

Grouvelle, connu par une édition des Lettres de Madame de Sévigné, dit (t. I, p. LXXX), dans la spirituelle notice qu'il a composée sur sa vie, qu'au moment de l'arrestation de Fouquet elle s'était retirée dans sa terre, par crainte des coups d'autorité. Selon Grouvelle, madame de Sévigné, en butte à la haine de Louis XIV, se croyait en sûreté contre sa puissance dans son château des Rochers. C'est avec cette ignorance des faits, avec ce défaut de jugement, que l'histoire se trouve le plus souvent écrite.

CHAPITRE XVII.

Page 212, ligne 3: Qu'en 1659, après la mort de son collègue.

Servien mourut le 16 février 1659.

Page 218, ligne 27: Le payement intégral de ces ordonnances.

Gourville avoue (en 1657) qu'il se fit par ce moyen de grandes fortunes; puis il ajoute naïvement: «Ayant tous ces exemples devant moi, j'en profitai beaucoup.»

Page 224, ligne 10: Aux femmes de cour intrigantes.

On trouve à l'endroit cité des Défenses de Fouquet un état duquel il résulte qu'il avait payé 245,528 livres en gratifications, en une seule année, à des dames de la cour, et une somme de 204,498 livres à madame Duplessis-Bellière seule. On sait qu'elle était sa confidente pour les affaires d'amour; aussi sa fille, la marquise de Créqui, reçut de Fouquet 200,000 livres lorsqu'elle se maria.

Page 224, ligne 12: Et donnait sans cesse des fêtes et des repas somptueux.

Mazarin lors de son départ pour Saint-Jean de Luz alla loger familièrement chez lui, à Vaux, le 25 juin 1659.

Page 224, ligne 15: Il avait partout des agents.

Ainsi nous voyons qu'il était instruit de tout ce qui se passait à la cour de Savoie, par une dame d'honneur qu'il pensionnait. Il avait envoyé de Maucroix à Rome, qui sous le faux nom d'abbé de Crécy y était son chargé d'affaires.

Page 226, ligne 4: Le Tellier allié à sa famille.

Le Tellier avait épousé la sœur de Jean-Baptiste Colbert, seigneur de Saint-Pouange, cousin du Colbert qui fut ministre.

Page 226, ligne 6: Dans le mémoire où il lui exposait les malversations de Fouquet.

C'est le 28 septembre 1659 que Colbert écrivit son mémoire. La copie qui en fut trouvée dans les papiers de Fouquet a servi à convaincre les juges de l'ancienne haine de Colbert contre Fouquet, et a contribué beaucoup à adoucir la sentence.

Page 228, ligne 15: Dans une seconde lettre.

Les originaux de ces deux lettres de Colbert, avec les réponses à mi-marge de la main de Mazarin, sont sous nos yeux: en les confrontant avec la publication qu'en a faite Soulavie dans cet incohérent mais curieux recueil d'extraits et de pièces qu'il a intitulé Œuvres de Saint-Simon, on s'aperçoit qu'il les a mal lues, et qu'il a laissé passer à l'impression une foule de fautes grossières. Ainsi, au commencement de celle qui est datée du 28 octobre 1659, au lieu de ces mots, «J'ai reçu à désir les dépêches, etc.,» on lit dans l'autographe: «J'ai reçu à Decize les dépêches, etc.» Partout où se trouve le nom d'Hervart, on a imprimé Herveau, etc.

Page 232, ligne 22: Toutes les instructions dont il avait besoin.

Deux jours avant sa mort, Mazarin entretint encore longtemps Louis XIV de ces grands objets, et lui renouvela ses dernières recommandations.

Page 233, ligne 24: Il lui fit donation pleine et entière de tous ses biens.

Si l'on en croit Fouquet dans sa défense, la fortune de Mazarin se montait à 40 ou 50 millions (80 ou 100 millions de notre monnaie actuelle).

Page 236, ligne 5: Mazarin environna le roi d'une cour brillante.

Ce fut en 1657 que Mazarin acheva d'organiser la maison du roi d'une manière somptueuse. L'état des payements de tous ceux qui se trouvaient gagés et employés au service du jeune roi fut alors dressé, et ensuite imprimé dans un livre curieux, que j'ai souvent cité, mais dont je donnerai ici le titre entier:

Estat général des officiers, domestiques et commensaux de la Maison du Roy. Ensemble l'ordre et règlement qui doit estre tenu et observé en la Maison de Sa Majesté, tiré des mémoires de M. de Saintot, maistre des cérémonies de France. Mis en ordre par le sieur de La Marinière; Paris, chez Jean Guignard, 1660, in-8o.

Environ six mille noms de personnes se trouvent inscrits et classés dans ce livre, avec les sommes qu'elles recevaient annuellement. Mais «le surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne du Roy et celle de monseigneur le duc d'Anjou, monsieur le cardinal Mazarin,» s'y trouve porté, p. 113, sans désignation d'appointements. Cet ouvrage démontre que près de six mille personnes, appartenant presque toutes à la classe des bourgeois et des industriels, étaient salariées par le roi, et que les gages et les profits qu'elles tiraient de leurs places n'étaient pas le seul motif d'intérêt qui les attachait aux soutiens du trône. En vertu de lettres patentes de Charles IX, d'Henri III, renouvelées et confirmées par Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, tous ces salariés formaient, en leurs qualités d'officiers, domestiques, commensaux et marchands suivant la cour, une classe privilégiée comme la noblesse sous le rapport des impôts, jouissant, comme disent les lettres patentes, eux et leurs veuves pendant leur viduité, «des exemptions, franchises, libertés, affranchissements de contributions et subventions généralement quelconques faites et à faire.» Toutes ces lettres patentes sont imprimées in extenso, et à la suite de l'ordre et règlement qui doit estre tenu et observé en la Maison du Roy; Paris, 1657, in-8o. A Paris, chez Marin Leché, imprimeur du Roi.

L'état donné par La Marinière offre de singuliers contrastes relativement aux appointements. Le maître à danser de Sa Majesté a 2,000 livres, son maître d'écriture 300 livres, son maître de dessin 1,500 livres, les galopins qui servaient dans la cuisine sous les officiers de bouche, au nombre de trois seulement, ont chacun 300 livres, etc., etc.

Page 237, ligne 20: Le soupçonneux Mazarin.

La partie des Mémoires de Brienne citée ici en note en est la plus curieuse. Les détails sur les derniers moments de Mazarin sont d'un grand intérêt. C'est une belle leçon de morale que la mort de ce ministre, soupçonnant tout ce qui l'environne, sachant qu'il est condamné par les médecins; semblable à un spectre, promenant ses regards, dans son palais, sur ses beaux tableaux, ses riches ameublements; puis, disant arec amertume: «Il faut quitter tout cela, Guénaud l'a dit

Page 240, ligne 17: L'importance des affaires dont il était chargé.

Louis XIV se servit de Fouquet pour les négociations avec le roi d'Angleterre. Louis XIV voulait, malgré la clause du traité des Pyrénées, secourir le Portugal contre l'Espagne. Pour que ses ruses ne fussent pas découvertes, il trompa d'Estrades, son propre ambassadeur en Angleterre. C'était se montrer de bonne heure un vrai disciple de Mazarin.

Page 241, ligne 1: Le Tellier, son ennemi secret.

Pomponne écrivait à son père, aussitôt après la mort de Mazarin: «M. le procureur général et M. Le Tellier paraissent fort unis; j'espère qu'ils le seront toujours, c'est leur intérêt.»

Page 241, lignes 17-21: Offrit à la reine d'employer ses bons offices pour l'influence que Mazarin lui avait fait perdre.

Ceci occasionna un refroidissement entre la reine mère et Mazarin, dont on s'aperçoit dans une lettre que la reine mère écrivit à ce ministre; lettre curieuse, qui donne beaucoup à penser sur la nature de leur ancienne liaison. Nous avons imprimé cette lettre à la fin de la troisième partie de ces Mémoires, p. 471.

CHAPITRE XVIII.

Page 248, ligne 3: Qu'elle était aimée du roi.

Madame de La Fayette dit qu'on a cru que Louis XIV vit La Vallière pour la première fois à Vaux; mais on se trompait: nous savons actuellement qu'avant cette époque il la voyait, d'une manière plus efficace, dans l'appartement du comte de Saint-Aignan.

Page 249, ligues 24 et 25: La duchesse de Chevreuse..... sut lui persuader.

Le voyage de la reine mère à Dampierre, chez la duchesse de Chevreuse, eut lieu dans les derniers jours de mai et le commencement de juin.

Page 250, note 418: Loménie de Brienne.

Le mot de Mazarin à madame de Tubœuf, rapporté par Brienne dans cet endroit de ses Mémoires, «Puisqu'il faut vous donner, madame, je vous donne le bonjour,» ressemble beaucoup à celui d'un Anglais très-riche et très-avare (Elves), à qui on demandait ce qu'il donnait à son fils en mariage. Il entra d'abord dans une grande colère, puis termina en disant: «Moi, je donne... je donne mon consentement.»

Page 253, lignes 19 et 20: Un officier qui n'y était pas appelé par son rang.

Ce fut d'Artagnan (Charles de Baatz) qui arrêta Fouquet.

Page 253, ligne dernière: Qui est un des plus beaux passages de son éloquent plaidoyer.

«..... N'employa-t-il pas pour votre service tout ce qu'il avait reçu du prix de sa charge? Cette fois je ne puis croire que Votre Majesté puisse en rappeler le souvenir sans en être touchée. Que serait-ce si elle voyait cet infortuné, à peine connaissable, moins changé et moins abattu de la longueur de sa prison que du regret d'avoir pu déplaire à Votre Majesté, et qu'il lui dit: «Sire, j'ai failli; si Votre Majesté le veut, je mérite toutes sortes de supplices... Je ne me plains point de la colère de Votre majesté; souffrez seulement que je me plaigne de ses bontés. Quand est-ce qu'elles m'ont permis de connaître mes fautes et ma mauvaise conduite? Quand est-ce que Votre Majesté a fait pour moi ce que les maîtres font pour leurs esclaves les plus misérables, ce qu'il est besoin que Dieu fasse pour tous les hommes et pour les rois même, qui est de les menacer avant de les punir?» (Pellisson, Premier Discours au Roi, page 74.)

Page 255, ligne 20: Dont plusieurs s'étaient enrichies.

Gourville fut obligé de donner 500,000 fr. pour se racheter contre les poursuites de la chambre de justice, et il resta encore fort riche.

Page 256, ligne 7: Dès lors son règne commença.

Les Instructions de Louis XIV au Dauphin sont ce qui a été écrit de mieux sur l'administration d'un grand royaume. Quelle pitié qu'elles aient si peu profité à ses successeurs!

Page 257, lignes 1 et 2: N'offre pas un second exemple.

J'ai donné à dessein ici les citations pour l'affaire de Fargues, qu'on pourrait m'objecter si elle était telle que Lemontey la raconte; mais en l'approfondissant on s'aperçoit qu'elle est tout autre. Ce personnage n'avait pas seulement pris parti contre le roi au temps de la Fronde: il avait d'abord été dans le parti du roi; il s'était fait donner le commandement de la place de Hesdin, qu'il vendit aux ennemis. Il fut à la vérité, sous Mazarin, compris dans un traité, et il avait obtenu des lettres d'abolition pour sa trahison (Loret, liv. XI, page 42), mais il négligea d'obtenir sa grâce du roi. Il se tint caché dans une de ses terres, à Courson. S'il y avait été sous son nom, le roi l'aurait su. Louis XIV s'irrita de l'audace de ce traître, jouissant si près de lui de ses grandes richesses; il lui fit faire son procès. Fargues fut convaincu comme concussionnaire, et pendu. C'est un acte de despotisme d'autant plus blâmable, que Fargues ne fut point jugé par le parlement, mais par une commission. Fargues avait mérité la mort, mais il fallait le juger régulièrement. Toutefois, sa conduite avait été si odieuse, que sa condamnation ne fut point blâmée.

Page 257, lignes 4 et 5: Lui avait reconnu une audace capable de tout oser.

Madame de La Fayette dit, en parlant de Fouquet: «Homme d'une ambition sans bornes, dont les desseins étaient infinis pour les affaires aussi bien que pour la galanterie.»

CHAPITRE XIX.

Page 265, lignes 17 et 18: Pomponne resta dix-huit mois à la Ferté-sous-Jouarre.

Les affaires qui appelaient Pomponne à la Ferté-sous-Jouarre concernaient la succession que Nicolas Ladvocat, son beau-père, avait laissée à sa femme. Fouquet avait contribué au mariage de Pomponne avec mademoiselle Ladvocat. La belle-mère de Pomponne se nommait Marguerite de Bouillé.

Page 270, ligne 13: Dîner à l'hôtel de Nevers; et note 458: Cet hôtel.

Ma note et mes nombreuses citations ne peuvent suffire pour redresser toutes les erreurs auxquelles l'hôtel de Nevers a donné lieu. Madame de Sévigné, Pomponne, et plusieurs de leurs contemporains, désignent toujours l'hôtel qu'habitait madame de Guénégaud par le nom d'hôtel de Nevers, parce qu'en effet c'était cet hôtel, situé près des fossés de l'ancienne enceinte de la ville et de la porte de Nesle, où est actuellement l'hôtel des Monnaies, que Henri de Guénégaud, ministre et secrétaire d'État, avait acheté, en 1641, de la princesse Marie de Gonzague de Clèves, veuve du duc de Nevers. Guénégaud embellit et rebâtit presque en entier cet hôtel; il l'agrandit, en y joignant un autre hôtel, plus petit, qui se trouvait voisin. Cependant on continuait toujours à appeler cet hôtel hôtel de Nevers, quoique sur les plans gravés de Paris, de l'année 1654, il eût déjà pris le nom d'hôtel de Guénégaud (voyez le plan de Berey, celui de Gomboust, et celui de Builet). La rue des Deux-Portes, qui longeait les murs de cet hôtel, avait pris le nom de rue de Nevers, qu'elle a conservé. Trompé par ce nom d'hôtel de Nevers, appliqué par continuation à l'hôtel Guénégaud, M. Monmerqué a quelquefois cru qu'il était question, dans les écrits du temps, d'Anne de Gonzague ou de la princesse Palatine, quand il s'agissait de madame Duplessis-Guénégaud; ce qui l'a fait tomber dans quelques erreurs. (Voyez Lettres de Sévigné, t. I, p. 81, note a; Mémoires de Coulanges, 1820, in-8o, p. 383; Biographie Universelle, t. XXXV, p. 321, article Pomponne.) Ainsi, c'est chez madame de Guénégaud qu'allait madame de Sévigné lorsqu'elle se rendait à l'hôtel de Nevers. C'est chez madame de Guénégaud que Pomponne se rendit lorsqu'il vint à Paris, au retour de son exil. C'est chez madame de Guénégaud, et non chez la princesse Palatine, qui n'habitait plus alors Paris, que Boileau lut ses premières satires, et Racine sa première tragédie (Alexandre). M. de Saint-Surin est donc dans l'erreur aussi à cet égard (voyez Œuvres de Boileau, édit. de 1821, t. I, p. 41 de la notice biographique).

L'hôtel de Nevers, situé à côté de la tour de Nesle, et près des fossés de la ville et de l'ancienne enceinte, avait remplacé l'hôtel de Nesle. L'hôtel de Guénégaud remplaça l'hôtel de Nevers en 1652. En 1670 le prince de Conti l'acheta, et alors il devint l'hôtel de Conti; et l'édifice actuel de la Monnaie a remplacé l'hôtel de Conti. Marie de Gonzague, qui épousa successivement Wladislas IV, et Casimir, roi de Pologne, a bien possédé et occupé l'hôtel de Nevers; mais il est douteux que sa sœur cadette, Anne de Gonzague, qui fut mariée à Édouard, prince palatin de Bavière, et qu'on nommait la princesse Palatine, ait jamais logé dans cet hôtel. Il y a trois vues intéressantes gravées de l'hôtel de Nevers avant qu'il eût été abattu en tout ou en partie pour devenir l'hôtel Guénégaud, dans Martin Zeiler, Topographia Galliæ; Francofurti, in-folio, t. I, pages 58, 59 et 60.

Duplessis-Guénégaud acheta non-seulement l'hôtel de Nevers, mais il acquit encore de la ville de Paris tous les terrains vagues laissés par les fossés de la ville, qui se trouvaient derrière. C'est sur ces terrains que l'on construisit depuis le collége des Quatre-Nations (le palais de l'Institut) et la rue Mazarine, tracée exactement dans la direction de ces anciens fossés. Les nouvelles constructions de l'Hôtel de Guénégaud paraissent avoir été terminées avant qu'on eût rien bâti sur ces anciens fossés; car ils sont tracés encore sur le plan de Berey en quatre feuilles, où le nom d'hôtel Guénégaud a remplacé celui d'hôtel de Nevers. Ce nom d'hôtel Guénégaud est aussi le seul qu'on trouve en cet endroit sur le grand plan de Paris de Gomboust, fait sous la direction de Petit, maître des fortifications de Paris. Il en est de même du plan de Builet, en douze feuilles; mais on voit que dans l'usage on continuait d'appeler cet hôtel hôtel du Nevers; car de Joly, dans ses Mémoires (t. XLVII, p. 213), en racontant une émeute de la populace qui eut lieu en 1652, et qu'on fut obligé de réprimer par la force, dit: «Son Altesse Royale fut obligée d'envoyer des gardes et de faire armer des bourgeois pour dissiper une troupe de canaille qui voulait piller l'hotel de Nevers, appartenant au sieur de Guénégaud, secrétaire d'État.»

Nous lisons dans les Mémoires de Gourville (t. LII, p. 330) qu'il se rendit à Paris, dans une maison que madame Duplessis-Guénégaud lui avait fait bâtir. En effet, dans le Paris ancien et nouveau de Le Maire, édition de 1685, t. III, p. 269, il est dit que l'hôtel de Sillery a été bâti, il y a environ trente ans, dans un cul-de-sac de l'hôtel de Conti, c'est-à-dire de l'hôtel de Guénégaud. Gourville était fort lié avec madame Duplessis-Guénégaud; et ce fut chez elle qu'il déposa ses papiers et son argent quand il partit pour faire le voyage de Nantes. (Mémoires de Gourville, t. LII, p. 354.)

Après la mort de Mazarin, il y eut un autre hôtel de Nevers; ce fut la partie du palais Mazarin qui échut en partage à son neveu le marquis de Mancini, duc de Nevers. C'est celui qu'occupe aujourd'hui la Bibliothèque du Roi, rue de Richelieu. (Voyez Piganiol de La Force, t. III, pages 57, 58 et 140.) Je n'ai pas besoin de dire que cet hôtel n'a d'autre rapport que le nom avec celui qui fut occupé par les anciens ducs de Nevers, et dont je viens de tracer les diverses transformations. Madame Duplessis-Guénégaud était sœur de la maréchale d'Étampes, dame d'honneur de la duchesse d'Orléans douairière.

Page 273, ligne 3: M. de Neuré, fameux astrologue.

Ce Neuré ne pouvait être soupçonné de vouloir favoriser Fouquet. Gourville en parle comme d'un vieux philosophe qui avait pris à ferme un petit domaine du marquis de Vardes. C'est dans ce domaine, et par conséquent chez Neuré, que Vardes mit Gourville, qui y resta quelque temps, caché sous un nom supposé, lorsqu'on 1662 Gourville, poursuivi, par suite de l'affaire de Fouquet, par la chambre de justice, se rendit en secret à Paris, sur l'invitation de Vardes, qui avait besoin de conférer avec lui relativement à la fausse lettre du roi d'Espagne à la reine de France, écrite par Vardes et remise à la Molina, femme de chambre de cette dernière. Gourville raconta plaisamment comment le bonhomme Neuré, de fort mauvaise humeur contre les financiers et les traitants, louait fort la chambre de justice et la rigueur qu'elle mettait dans ses poursuites contre de telle gens. «Parmi ceux, dit Gourville, qui lui blessèrent le plus l'imagination, il me nommait souvent, surtout parce qu'il avait vu chez M. de La Rochefoucauld une pendule de grand prix, qui allait six mois, laquelle m'appartenait. Je ne manquais pas de l'applaudir, et de renchérir sur tout ce qu'il disait, et même contre moi en particulier.»

Page 274, ligne 11: A la condamnation à la peine capitale.

«Contre toute espérance, dit Loménie de Brienne, Fouquet eut la vie sauve.»

Page 276, ligne 17: Ces deux vers du Tasse me reviennent en mémoire.

La fin de l'affaire du procès de Fouquet n'a pas dû être la fin de la correspondance de madame de Sévigné avec Pomponne. Elle aimait à écrire, et sa tendresse pour sa fille n'a pas été le seul motif qui l'ait rendue si active dans sa correspondance épistolaire. Voici ce qu'elle répond aux remercîments que Pomponne lui fit sur son exactitude à l'instruire de tout ce qui avait concerné Fouquet: «Il me semble, par vos beaux remercîments que vous me donnez mon congé; mais je ne le prends pas encore. Je prétends vous écrire quand il me plaira; et dès qu'il y aura des vers du Pont-Neuf ou autres, je vous les enverrai fort bien.» (Lettre en date de janvier 1665.) Et en effet, dans un post scriptum de cette même lettre, écrit plusieurs jours après, elle demande à Pomponne son avis sur les stances, les couplets qu'elle lui a envoyés. Il est probable que c'étaient quelques vers des nombreuses chansons que l'on fit alors contre Colbert et autres ennemis du surintendant, et contre les juges qui avaient opiné à mort.

Page 278, ligne 3: Ce Puiguilhem, ce cadet de Gascogne.

Lauzun était Périgourdin. Puiguilhem (l'orthographe de ce nom est presque toujours défigurée) est une paroisse du Périgord, à trois lieues au sud-ouest de Bergerac. (Conférez le Nouveau Dénombrement du Royaume, 1720, in-4o, p. 226; d'Expilly, Grand Dictionnaire des Gaules et de la France, in-folio, t. V, p. 1014.)

CHAPITRE XX.

Page 284, ligne 3: Dans cette première année.

Bussy dit «qu'au lieu de ce mic-mac et des faiblesses comme du temps de Mazarin, on vit des hauteurs dignes d'un grand prince.»

Page 284, ligne 4: Contre tous les embarras d'une disette.

On fit venir des grains, qu'on vendait à bas prix au peuple. On fit à Paris un four ménager, pour donner le pain aux pauvres à meilleur marché. On vendait à Paris un setier de blé 26 livres. Louis XIV réduisit les dépenses des forêts, et gagnait quatre millions en affermant de nouveau les octrois. Il dégreva les provinces d'une partie de leurs tailles.

Page 284, ligne 24: Sur la Lorraine et le Barrois.

Le duc de Lorraine voulut vendre son duché et en frustrer son héritier, par amour pour la fille d'un apothicaire nommé Pajot. Louis XIV sut profiter de cette disposition.

Page 285, ligne 6: Imprimèrent un grand respect à son nom.

La lettre écrite par Louis XIV au roi de Pologne en 1663, au sujet de l'affaire de Rome, est un chef-d'œuvre d'adresse, de diction et de dignité.

Page 285, ligne 15: Des provisions que pour trois ans.

Pour qu'on ne pût pas murmurer de cette innovation, il commença par donner ainsi, pour trois ans seulement, le gouvernement de Paris au duc d'Aumont, l'un de ses quatre capitaines des gardes.

Page 285, ligne 17: Le cardinal de Retz fut amené à donner sa démission.

Un court billet du roi accuse au cardinal de Retz la démission de son archevêché. Il ne fut pas même permis à Retz de venir en cour. Il avait cependant été consulté sur l'affaire de Rome; et ce fut lui qui donna l'idée de la pyramide. (Voyez Joly, Mémoires, t. XLVII, page 454, 460, 462.) Chandenier, qui avait tout quitté pour suivre le parti de Retz, ne voulut accepter aucun dédommagement pour sa place de capitaine des gardes.

Page 286, ligne 11: Le jeune roi se montra moins sage que Mazarin.

Entre les catholiques, les jansénistes et les protestants, venait se placer la secte des libertins ou incrédules, que nous avons déjà signalée, mais trop peu nombreuse alors et trop obscure pour que le gouvernement pût deviner qu'elle devînt un jour la plus dangereuse. Elle se moquait de tout, et son opposition au gouvernement et à l'Église se manifestait par des vaudevilles, des épigrammes, et de malignes satires. Ce fut cette année que Saint-Évremond écrivit sa Conversation du maréchal d'Hocquincourt et du père Canaye (Saint-Évremond, Œuvres, t. III, p. 54, et Vie de Saint-Évremond, par Desmaiseaux). Dans le pays de Gex, Louis XIV fit fermer cette année vingt-deux temples protestants; et dans le mois de juillet de cette même année il fit mettre à la Bastille le libraire Des Prés, pour avoir réimprimé la lettre de Pavillon, évêque d'Ath, où étaient déduites les raisons qui empêchaient cet évêque de signer les cinq propositions. La lettre de Racine à Vitart prouve que les jansénistes étaient déjà menacés dans le midi.

Page 288, ligne 5: Il fut attaqué par l'abbé d'Aubignac.

Voici un échantillon de la critique de l'abbé d'Aubignac: «Pour moi, qui depuis dix-sept ans me suis retiré dans les ténèbres de mon cabinet sans voir la cour, je pourrais bien en avoir oublié le langage aussi bien que les mystères. Mais M. Corneille, qui depuis tant d'années en fait un Pérou, ne devait pas tant de fois et si souvent donner cette qualité de suivantes aux dames et aux filles qui servent ces princesses, si cela ne s'accorde pas au faste et aux intrigues des belles cours.» Qui eût dit qu'on eût jamais osé reprocher à Corneille d'être homme de cour!

Page 290, lignes 5 et 6: Il inséra dans ses satires les noms des personnes qu'il voulait livrer à la risée et au mépris public.

Dans les éditions de 1667 et de 1669 des Satires de Boileau on trouve les vers suivants:

Je ne puis arracher du creux de ma cervelle

Que des vers plus forcés que ceux de la Pucelle.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie,

Mes vers comme un torrent coulent sur le papier;

Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier,

Bardou, Mauroy, Boursault, Colletet, Titreville;

Et pour un que je veux j'en trouve plus de mille.

Bien pour ces vers, qui ne frondaient que l'esprit; mais comment l'auteur ne se faisait-il pas des affaires avec les tribunaux pour les vers suivants, qui concernaient un procureur fameux, un libraire fort connu, un avocat, compilateur estimable et laborieux de l'histoire de Paris, dont il imprimait les noms dans ses satires sans aucun déguisement?

J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Faut-il peindre un fripon fameux en cette ville,

Ma main, sans que j'y rêve, écrira Saumaville;

Faut-il d'un sot parfait montrer l'original,

Ma plume, au bout du vers, d'abord trouve Saufal (Sauval).

Quoi qu'en ait dit M. de Saint-Surin (Œuvres de Boileau, t. II, p. 271), il y a Saumaville dans l'édition de 1666; dans l'édition de 1667 on trouve Raumaville; mais ce doit être une faute d'impression, car celle de 1669 porte derechef Saumaville.

Page 290, note 497: Racine, lettres de Vitart.

Je cite ici l'édition de Racine de Geoffroy, non que ce soit la meilleure, mais parce que c'est dans cette édition que les lettres de Racine à Vitart et à l'abbé Levasseur ont été imprimées en entier, et d'après les originaux manuscrits. Racine le fils, en les publiant le premier, y avait fait des retranchements. On voit par la lettre p. 119, que Racine, sans souvenir du passé, approuve toutes les rigueurs contre le surintendant. On voit aussi (t. VII, p. 22) qu'alors il faisait grand cas de Perrault.

Page 294, ligne 3: Une cour nombreuse.

Le frère du roi alla habiter le palais Cardinal ou le Palais-Royal. Il y donnait, ainsi qu'à Saint-Cloud, des fêtes et des repas à la famille royale; il allait souvent à son château de Villers-Cotterets, que Louis XIV lui avait donné pour apanage. Le duc de Beaufort, qui demeurait dans la rue Saint-Honoré, donnait aussi des repas au roi et à la reine, aussi bien que le président de Maisons. Monsieur donna au Palais-Royal une fête au roi et à toute sa cour.

Page 294, ligne 12: Il renouvelle cet éloge.

Dans la Critique de l'École des Femmes, Molière fait dire à son Dorante «qu'on peut être habile avec un point de Venise et des plumes, aussi bien qu'avec une perruque courte et un petit rabat uni; que la grande épreuve de toutes les comédies, c'est le jugement de la cour; que c'est son goût qu'il faut étudier pour trouver l'art de réussir; qu'il n'y a point de lieu où les décisions soient si justes... et qu'on s'y fait une manière d'esprit qui sans comparaison juge plus finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants.» Il reproduit les mêmes idées en vers dans les Femmes Savantes.

Page 294, lignes 13 et 20.

Voyez la tirade qui commence par ces vers:

Je sais bien que souvent un cœur lâche et perfide, etc.

Alors en fulminant contre les crimes, il ne craignait pas de nommer les criminels.

Et Monleron ne doit qu'à ses crimes divers
Ses superbes lambris, ses jardins toujours verts.

Ce Monleron n'était pas un nom supposé, mais un homme très-riche, et vivant lorsque Boileau imprima sa satire. Tout cela a été retranché dans les éditions subséquentes. Voyez la note de l'édition de Saint-Marc, 1747, in-8o, t. I, p. 32.

Page 295, ligne 11: Soixante-dix cordons bleus.

Il est dit dans l'Histoire de France en estampes que le roi fit soixante-trois chevaliers d'épée, et huit d'Église. Ce serait soixante-onze.

Page 296, ligne 2: Du titre de Mémoires de Coligny.

Depuis que ceci a été écrit, les vrais Mémoires de Coligny, dont cette note marginale n'était qu'un fragment, ont été publiés par la Société de l'Histoire de France, et ont eu pour éditeur M. Monmerqué.

Page 297, ligne 19: Puis vint le célèbre carrousel; et page 298, note 508: Description du Carrousel.

Il y a un exemplaire de cette description officielle du carrousel de 1662, avec toutes les figures, supérieurement peintes en miniature, à la Bibliothèque de Versailles. Dans cette bibliothèque il y a encore deux autres ballets avec tous les personnages et leurs costumes peints en grand. Ce fut Fléchier qui traduisit en latin la description du carrousel de 1662, et le même fit des vers latins sur ce sujet. C'est dans ce carrousel que Louis XIV prit pour la première fois cette devise orgueilleuse qu'il a toujours gardée depuis, et qu'il cherche à justifier dans ses Instructions au Dauphin, contre les critiques nombreuses qu'on en a faites. On sait qu'elle avait pour corps un soleil éclairant le globe de ses rayons, et pour âme ces mots latins: Nec pluribus impar.

Page 300, lignes 2 et 3: Aux inclinations qui pouvaient le distraire des soucis de la royauté.

«Le roi, dit naïvement madame de Motteville, avait le cœur rempli de ces misères humaines qui font le faux bonheur de tous honnêtes gens.»

Page 300, lignes 17 et 18: Dans le couvent des Filles Sainte-Marie de Chaillot.

Cette retraite de La Vallière avait été précédée d'une altercation avec le roi. Elle eut l'esprit comme égaré d'avoir osé dissimuler avec lui.

Page 300, ligne dernière: En faisant remettre à Marie-Thérèse.

La reine connaissait bien avant cette lettre la liaison du roi avec La Vallière. Elle dit en espagnol à madame de Motteville, qui la vint voir pendant ses couches, tandis que La Vallière était présente: «Esta donzella con las aracades de diamante es esta a que el rey quiere.»

Page 301, ligne 12: A faire enfermer dans un couvent mademoiselle de Montalais.

La lettre du roi à l'abbesse de Fontevrault lui recommande de ne laisser communiquer personne avec mademoiselle de Montalais. Celle-ci s'était non-seulement rendue la confidente des amours du comte de Guiche et de Madame, mais aussi de celles de mademoiselle de Tonnay-Charente (depuis madame de Montespan), qui avait de l'inclination pour le marquis de Marmoutiers, et désirait l'épouser. Le comte de Guiche se déguisa plusieurs fois en femme pour pénétrer près de Madame (Conrart, Mém., t. XLVIII, p. 280; Montpensier, Mém., t. XLIII, p. 43). Gramont avait osé disputer mademoiselle de La Motte-Houdancourt au roi. Il fut exilé, et alla en Angleterre rejoindre Saint-Évremond; mais ensuite il revint, et rentra en grâce.

Page 302, ligne 14: Ils y parvinrent; et note 1: Louis XIV, lettre du 20 décembre 1662.

La lettre de Louis XIV adressée à l'abbesse de Fontevrault est pour donner la liberté à Montalais.

Page 303, ligne 25: C'étaient encore des mystères.

La liaison de Louis XIV avec La Vallière était encore un secret pour la cour lors de la naissance de la fille qui fut le premier fruit de cet amour. Cette enfant mourut peu après sa naissance, en novembre 1662. Voyez Motteville, t. XL, p. 177. Nous voyons dans Loret, liv. XIII, p. 109, que le roi donna un dîner à Versailles; et ce fut le premier. Les dames à Saint-Germain allaient à la chasse avec le roi. Le 4 novembre la chasse de Saint-Hubert eut lieu à Saint-Germain. (Loret, liv. XIII, p. 170.)

Page 304, ligne 2: La béatification de saint François de Sales.

Ce fut l'évêque de Montpellier qui fit l'éloge de saint François de Sales. La canonisation de saint François de Sales eut lieu en 1665; la cérémonie, au mois de mai. (Histoire de la Monarchie Françoise, 1697, t. II, p. 235.)

Page 305, ligne 9: Quoique Corbinelli fût à Paris membre d'une académie italienne.

L'ambassadeur de Venise était le protecteur de cette académie italienne. Le chevalier Amalthée et Corbinelli en étaient les chanceliers honoraires.

CHAPITRE XXI.

Page 313, ligne 4: Il imprimait au dehors le respect et la crainte.

Le légat du pape et un cardinal vinrent demander pardon au roi pour ce qui s'était passé à Rome. En même temps Louis XIV se conduisait d'une manière toute chevaleresque envers ses alliés, et rendait à l'empereur d'Allemagne les drapeaux conquis sur les Turcs.

Page 313, ligne 7: Il terminait le Louvre et commençait Versailles.

Loret dès le mois d'octobre 1663 parle déjà du labyrinthe de Versailles et de la ménagerie. Le Vau était l'architecte du Louvre. Les grands travaux de Versailles ne commencèrent qu'en 1664. Ils ont coûté 116 millions ou 190 millions de notre monnaie actuelle, somme que Mirabeau exagérait en la portant à 1,200 millions, et Volney à quatre milliards six cents millions! et cela dans des Leçons d'Histoire (1799, in-8o, p. 141). Conférez la troisième partie de ces Mémoires, p. 450.

Page 314, lignes 5 et 6: Pour les recherches à faire sur toutes les branches d'administration du royaume.

Voici ce que dit au sujet de cette circulaire M. d'Hauterive, un des hommes les plus instruits et les plus habiles en administration du règne de Napoléon: «Je viens dans le moment même de découvrir une minute de la circulaire qui fut adressée par Colbert, par ordre du roi, en 1664, à tous les intendants du royaume. Elle contient un système tout à fait complet de recherches sur tous les objets que j'ai passés trop rapidement en revue dans mes conseils (Conseils à un jeune Voyageur). Ce système présente dans de bien minutieux détails les rapports de toutes les administrations du royaume avec toutes les classes des sujets et les individus de toutes les classes. Les objets d'informations y sont classés d'une manière admirable; rien n'y est omis: produits, échanges, rangs, mœurs et usages; divisions géographique, administrative, ecclésiastique, militaire; ordre judiciaire, finances, et toutes les parties de chacune des administrations de l'État y sont proposés à l'examen et à l'étude de l'observateur officiel, pour qu'il y remarque le bien, le mal, le moyen d'améliorer ou le remède, et qu'il rende successivement compte de ses observations. Les actes de l'autorité sont tous nominativement mis en regard des droits et des besoins des peuples, et le ministre exprime sur chaque point la sollicitude du souverain sur des abus qu'il ignore, qu'il veut connaître, et qu'il est dans sa royale intention de prévenir et de réformer.»

Page 314, ligne 16: Dans le Discours au Roi, et note 540 Suite du Nouveau Recueil.

Le Recueil où le Discours au Roi, de Boileau, se trouve imprimé pour la première fois a échappé aux nombreux commentateurs de l'auteur de l'Art Poétique, quoiqu'il ait dû être dans le temps fort répandu.

Page 314, lignes 19 et 20: Les premières satires du jeune poëte; et note 541: Nouveau Recueil.

Dans la satire à Molière, telle qu'elle est imprimée dans le Recueil cité, qui est de 1665, antérieur à la première édition donnée par l'auteur, on lit:

Si je pense parler d'un galant de notre âge,
Ma plume pour rimer rencontrera Ménage.

Ainsi les commentateurs de Boileau se sont trompés quand ils ont avancé que ces vers n'avaient jamais été imprimés ainsi, et que cette variante n'avait existé que sur le manuscrit.

Page 317, ligne 7: Mademoiselle de La Vallière, dont la liaison avec le monarque n'était plus un mystère.

Dans le ballet royal des Arts, La Vallière jouait, déguisée en bergère; et Benserade fait dire à ce sujet:

Et je ne pense pas que dans tout le village
Il se rencontre un cœur mieux placé que le sien.

Guéret, dans sa Carte de la Cour, qui parut en 1663, fait ainsi le portrait de Clarice: «L'ingénieuse Clarice paraît aussi beaucoup dans ces lieux; et si je n'ose dire hardiment qu'elle en est l'âme (comme plusieurs personnes disent à sa gloire), du moins j'avancerai avec assurance qu'elle en est un des plus beaux ornements. L'on croit que ses conquêtes s'étendent bien au delà de cette cour.» Et en marge il est écrit: La Vallière.

Page 319, ligne 16: Plus adroitement que toutes ses femmes; et note 547.

Les médecins prescrivirent le quinquina; ce qui prouve que ce médicament était connu alors.

CHAPITRE XXII.

Page 322, lignes 9 et 10: Donnèrent encore plus d'activité aux fêtes.

La foire de Saint-Laurent cette année fut très-brillante (25 août); Loret, liv. XIV, p. 136. Il y eut le mariage de mademoiselle de Valois et celui de M. le Duc, fils du prince de Condé (Montpensier, t. XLIII, p. 54, 68). On donna un carrousel pour l'arrivée du légat (Loret, liv. XV, p. 123). Il y eut une jolie fête à Vincennes, où le roi figura. On y joua à l'escarpolette (Loret, liv. XIV, p. 189, 191). Il y eut aussi des fêtes en Bretagne pour la tenue des états (Loret, liv. XIV, p. 152).

Page 327, lignes 15 et 18: Mademoiselle de Mortemart.... s'était mariée à Montespan.

Nous apprenons par Loret que l'hôtel où se firent les noces de mademoiselle de Mortemart se nommait l'hôtel d'Antin. Le fils que madame de Montespan eut de son mari, et dont nous avons les Mémoires, imprimés par la Société des Bibliophiles, portait le titre de duc d'Antin.

Page 327, note 549: Loret.

Loret nous apprend qu'il y a une relation de ce ballet des Arts imprimée chez Ballard, et que la Gazette en rapporte «maintes choses»: c'était la Gazette de France de Renaudot, la seule qui existât alors. Ce ballet fut joué aussi au Palais-Royal, chez Monsieur, à la fin de février (Loret, liv. XIV, p. 35, en date du 1er mars).

Page 329, ligne 9: Pour mademoiselle de Sévigny.

Loret écrit souvent Cevigny, mais quelquefois mieux Sevigny; dans Benserade et dans Bussy, c'est toujours Sevigny. Le goût que l'on avait pour la langue italienne faisait affecter les terminaisons italiennes.

Page 330, ligne 19: Le jeu qu'on appelait la ramasse.

Loret parle ainsi du jeu nommé la ramasse:

Mercredi le roi notre sire,

A qui de longs jours je désire,

Dans Versailles traita la cour,

Et quoique ce fût un beau jour,

On n'y fit point, dit-on, de chasse;

Mais le plaisir de la ramasse,

Plus rapide que hasardeux,

Les divertit une heure ou deux.

Au mot ramasse, par un renvoi, Loret a mis en marge: Machine de nouvelle invention.

Page 330, avant-dernière et dernière lignes: Toutes les fêtes de l'hiver furent surpassées par celles que Louis XIV donna au printemps.

La description de ces fêtes se trouve dans toutes les éditions de notre grand comique. Benserade fait commencer ces fêtes le 10 mai; la lettre de Marigny, mélangée de prose et de vers, où elles sont décrites, est datée du 14 mai 1664.

CHAPITRE XXIII.

Page 334, ligne 9: Il n'a plus la faculté de brûler.

Arde per voi d'Amore.

Fuor del mio, vaga Filli,

Ogni più nobil core

Non accusi però vostra bellezza

Questo cor di rozzezza!

Che con mille beltà vaghe, leggiadre

Di mille e mille flamme al mondo note,

L'arse, et l'incenerì della madre;

E cosa incenerita arder non puote.

CHAPITRE XXIV.

Page 342, lignes 11 et 12: On lui permet d'acheter la charge de mestre de camp de la cavalerie légère.

Bussy, dans son Discours à ses Enfants, et la maréchale de Clérambault, au mari duquel Bussy acheta cette charge de mestre de cavalerie, disent qu'elle coûta 90,000 écus; et Bussy, dans ses Mémoires, dit 252,000 livres. C'était environ cinq cent mille francs de notre monnaie actuelle.

Page 350, lignes 4 et 5: Quelque épigramme comme celle que Loménie de Brienne lui attribue.

Voici cette épigramme, dont la pointe est fondée sur le surnom de Louis Dieudonné, conféré à Louis XIV lors de sa naissance:

Ce roi si grand, si fortuné,

Plus sage que César, plus vaillant qu'Alexandre,

On dit que Dieu nous l'a donné:

Hélas! s'il voulait le reprendre!

Page 353, ligne 7: Elle dit un jour à son cercle; et note 605.

Cette anecdote a été racontée par Roquette, évêque d'Autun, à Boubier lui-même.

Page 355, lignes 9 et 10: Les inscriptions et les emblèmes qui se voyaient au château de Bussy.

On sait que Bussy avait réuni dans cette galerie les portraits de toutes les femmes qu'il avait aimées. Il les avait accompagnés d'inscriptions et d'emblèmes. Sous le portrait de la marquise de Monglat on lisait: «Isabelle-Cécile Hurault de Cheverny, marquise de Monglat, qui par son inconstance a remis en honneur la matrone d'Éphèse et les femmes d'Astolfe et de Joconde.» Bussy avait fait peindre cette marquise dans le bassin d'une balance. Elle était emportée par le bassin vide, et sur le plateau où elle se trouvait on lisait: Levior aura, «plus légère que l'air». Dans un autre endroit de sa galerie il l'avait encore fait peindre avec les emblèmes et sous les attributs de la Fortune, et on lisait: Leves ambo, ambo ingratæ, «toutes deux légères, toutes deux ingrates».

CHAPITRE XXV.

Page 363, lignes 8 et 9: Cette réconciliation fut sincère de part et d'autre.

«Vous savez encore, dit-elle, notre voyage de Bourgogne, et avec quelle franchise je vous redonnai toute la part que vous aviez jamais eue dans mon amitié.»

Page 364, ligne 6: Ce dernier en eut ensuite ramassé et rejoint les morceaux.

Ce récit de Bussy-Rabutin est invraisemblable, et ne le justifie pas.

Page 367, ligne 14: A sa terre des Rochers, qu'elle s'occupait à agrandir et à embellir.

Elle acheta de nouvelles terres, fit un labyrinthe (à cette époque, à l'imitation de Versailles, on en faisait partout), et elle augmenta son parc.


SUR DIFFÉRENTS PORTRAITS QU'ON A GRAVÉS DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

J'ai dit à la page 380 de ce volume, dans la note sur la page 14, lignes 10 et 15 de la première partie de ces Mémoires, que le portrait de madame de Sévigné inséré dans les éditions de 1818 et de 1820 était un des moins ressemblants de tous ceux qui ont été gravés. J'ai acquis depuis la certitude que ce portrait est celui d'une autre femme, qui n'avait avec la célèbre madame de Sévigné aucune ressemblance. L'erreur est ancienne: Odieuvre, dans sa collection de portraits, a donné comme portrait de madame de Sévigné la figure d'une femme peinte par Ferdinand et gravée par Schmidt; le cadre de cette peinture avait les armes de Grignan et de Sévigné, et c'est ce qui a produit l'erreur. C'est ce portrait (dont Petitot a fait une miniature) qui, gravé par Masquelier, a été inséré dans les éditions des Lettres de Sévigné, de 1818 et de 1820. Le graveur Saint-Aubin, en le transformant pour le mettre de profil, a encore plus fait ressortir les dissemblances entre cette figure et celle de madame de Sévigné, surtout relativement à la longueur du nez. Néanmoins ce portrait a été reproduit un grand nombre de fois par la gravure, comme étant celui de madame de Sévigné.

Sur environ quarante portraits gravés de madame de Sévigné, que nous avons eu occasion d'examiner, il y en a un qui est bien certainement authentique: c'est celui qui a été réduit et gravé par Édelinck, d'après une peinture au pastel de Nanteuil, exécutée d'après nature. Ce portrait, dans la gravure, a environ deux pouces et demi de hauteur; la tête, un pouce de hauteur. Il a depuis été gravé plus en grand par Delegorgue, d'après le pastel original de Nanteuil, tiré du cabinet de M. Traullé. Dans cette gravure ce portrait a trois pouces et demi de haut; mais les traits sont moins bien modelés que dans celui d'Édelinck, et l'on s'aperçoit qu'il a été fait sur un original en partie effacé par le temps. C'est ce portrait qui a été réduit, et plus ou moins altéré, dans les diverses gravures qu'on a insérées dans les nombreuses éditions de madame de Sévigné, dans les notices que l'on a écrites sur cette femme célèbre, et dans les diverses collections de personnages célèbres. Il a été habilement lithographié pour la collection de madame Delpech.

Il y a une lithographie exécutée à Rennes, qui est un portrait de femme âgée, nullement ressemblant à madame de Sévigné. Pourtant au bas de cette lithographie on lit: Marie-Rabutin Chantal, marquise de Sévigné, née en 1549, morte en 1610, dessinée et lithographiée d'après le portrait original de Mignard, qui existe au château des Rochers près Vitré. Serait-ce le portrait de l'aïeule du marquis de Sévigné, retrouvé à Vitré, qui aurait donné lieu à cet exemple curieux d'ignorance dans le pays même où madame de Sévigné habita si longtemps, et où son souvenir vit encore?


Je n'ajouterai que peu de lignes à la note précédente, réimprimée d'après la première édition de ce volume. Je donnerai seulement le résultat des recherches que j'ai faites depuis sur les portraits de madame de Sévigné, me réservant de justifier plus tard mes assertions par une dissertation spéciale sur ces portraits et sur ceux de plusieurs femmes célèbres du temps de Louis XIV. Ce sujet a de l'intérêt, non-seulement pour l'histoire de madame de Sévigné, mais pour celle des mœurs et des habitudes du siècle où elle a vécu.

Nous avons trois portraits authentiques de madame de Sévigné: celui qui a été gravé par Édelinck, et ensuite par Delegorgue, lithographié par Delpech, est le plus certain et le principal. Ce portrait est du temps de la régence d'Anne d'Autriche, et madame de Sévigné avait alors trente et un ans. Le portrait gravé et enluminé ou peint à l'aquarelle, gravé par Gatine et dessiné par Lanté, sous la direction de M. Lamésangère, d'après un original peint par Mignard, et une mignature sur vélin, est en pied; il a été fait à la même époque que le précédent; il est le même pour la tête: c'est le portrait de madame de Sévigné qui nous donne l'idée la plus fidèle de son port et de sa physionomie. Je ne parle pas des tableaux originaux d'après lesquels ces deux portraits ont été gravés; je ne les ai pas vus. C'est sur le tableau de ce portrait gravé en pied, dans lequel madame de Sévigné tient une lettre, d'une main et une plume de l'autre, que Ménage a écrit un sonnet en italien inséré dans la troisième édition de ses poésies, en 1658, page 16.

Le portrait qui est dans l'édition des Lettres de Sévigné de 1734 diffère des deux précédents; il appartient à un âge différent, lorsque madame de Sévigné avait environ quarante à quarante-cinq ans; il provient d'un tableau qu'avait Bussy-Rabutin, et que son fils l'évêque de Luçon a communiqué au chevalier Perrin, ami de madame de Simiane et éditeur des Lettres de Madame de Sévigné.

Le prétendu portrait de madame de Sévigné qui est dans la galerie de Versailles, et qui a été gravé, est la copie d'un tableau de la galerie du château d'Eu. Ce portrait est celui de la belle-fille de madame de Sévigné: c'est celui de Jeanne-Marguerite de Brehant de Mauron, marquise de Sévigné, et non pas celui de Marie de Rabutin-Chantal. Le portrait gravé par Masquelier, d'après une mignature de Petitot, et inséré dans l'édition des lettres de madame de Sévigné par M. Monmerqué, est aussi le portrait de sa belle-fille, et non le sien. Quant aux portraits gravés de madame de Grignan, il n'y a lieu à aucune rectification; ils sont tous dérivés de copies plus ou moins bien faites primitivement, d'après un seul et même original peint par Mignard.

FIN.

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