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Nymphes dansant avec des satyres

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L'ADORATION DES MAGES

I

Le Roi me toucha du doigt, et me tira de ce doux plaisir du sommeil qu'on ne goûte vraiment qu'au matin[1]. Sa barbe était sans apprêt ; il penchait la tête sur le côté, semblant me prendre en compassion, et son regard n'avait pas l'ordinaire quiétude des personnes familières avec les choses divines.

[1] Ce récit est, à n'en pas douter, de quelque Grec, placé entre l'influence des derniers sceptiques et la naissance de l'empirisme ou positivisme ancien qui fleurit aux premiers siècles de notre ère. On sait qu'en Perse, où vécut notre philosophe, même après que les rois-mages sassanides eurent restauré l'hégémonie nationale, on se flattait du titre de philhellène. Les Attiques, toutefois, un peu réduits sans doute au rôle d'amuseurs, sinon de bouffons, durent prendre en face de la Majesté despotique et religieuse, un goût du paradoxe qui est ici trop évident. Nous ne publierions point ce fragment si le singulier mélange qu'on y voit, d'une exactitude scrupuleuse de certains détails (confirmés par Pline, par Philostrate, etc.) et la vraisemblance des grands traits même (tel le Voyage des Dames Persanes), ne le réduisaient à la valeur d'un de ces divertissements oratoires d'érudits qui effleurent les plus hauts sujets sans les atteindre.

Il m'engagea à avoir honte de dormir à l'heure où l'aurore jalouse éteignant les étoiles s'apprête à clore le livre du Destin.

— Maître, répliquai-je, le Destin pourra me dire que les songes de cette heure enfantine sont achevés pour moi, mais il ne pourra pas me dire que des songes meilleurs me viendront caresser les sens desquels l'harmonie s'épanouit en la fleur de mon âme. Mon rêve est tout garni de nobles et tendres formes bien imprégnées de parfums, et tout y marque que je suis beau. La munificence de Votre Majesté serait inhabile à me combler de mensonges si bienfaisants. Qu'elle me permette seulement de sourire de l'une et de l'autre face du Destin.

Cependant le Roi commença de s'échauffer et de maudire ce qu'il nomme, par une étrange irrévérence de langage, le souffle court de notre race hellénique. «Doux joueurs de flûte, prononce-t-il, vis-à-vis du retentissement que les merveilles occultes feront éclater aux oreilles humaines.»

Et ce disant, il courait saisir, de sa main auguste, le bâton de voyage que je tiens constamment à proximité de ma couche pour signifier le caractère transitoire de la halte présente ; et il commanda :

— Lève-toi! car des prodiges sont accomplis.

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