Une maison bien tenue : $b Conseils aux jeunes maîtresses de maison
CHAPITRE II
La table.
La table est une des plus grosses, des plus lourdes, et — pourquoi ne l’avouerai-je pas ? car personne ne me contredira — une des plus désagréables charges parmi celles qui pèsent sur la maîtresse de maison. Elle est au commencement, au milieu, à la fin de chaque journée et encore dans les intervalles. Elle exige des soins, de la prévoyance, de la dépense, du temps, des peines, et n’offre en somme que d’assez médiocres compensations.
Il faut manger pour vivre, assurément, Harpagon lui-même en convient, et, pour bien vivre, il faut bien manger, avoir bon appétit, trouver un certain plaisir à voir et à consommer les aliments.
Dans la vie en plein air et chez les gens voués aux travaux corporels, l’activité musculaire développant le besoin impérieux de la réparation, il n’est pas nécessaire de mettre force recherches dans le choix, la préparation, l’aspect des plats ; — on mange parce qu’on a faim, on trouve tout bon, ou l’on ne pense même pas à se demander si ce qu’on absorbe est bon ou mauvais ; on a creusé des trous, on les comble et tout est dit ; mais chez l’habitant des villes, surtout dans les classes supérieures, chez le savant, l’artiste, l’employé, l’homme d’affaires, l’homme de bureau, l’homme de plume, le sédentaire, l’intellectuel, le névrosé, hélas ! chez la femme surmenée par le monde, le travail, la maternité, les soins de la famille, le besoin de réparation, s’il existe, ne se fait plus sentir de la même manière ; au lieu d’amener avec lui la satisfaction, il a pour escorte les dégoûts, les caprices, la fantaisie, et la pauvre maîtresse de maison n’entend que reproches et lamentations. C’est à force de raffinements ingénieux pour donner bonne mine aux mets, bonne façon au service de la table, qu’elle parvient à réveiller l’appétit des convives, c’est en ne se lassant point d’exiger partout la propreté la plus minutieuse qu’elle chasse cette odeur de cuisine, si odieuse dans les petits appartements de ville et qui finit par imprégner jusqu’aux tentures, jusqu’aux vêtements même.
Une « maison bien tenue » doit toujours sentir bon. Et par sentir bon, je n’entends point ces parfums violents, baptisés pour la vente de pompeux noms étrangers à bizarre désinence, mais dont, en somme, le musc, l’atroce musc fait toujours le fond. Non, la « maison bien tenue » n’a point d’odeur ; peut-être flotte-t-il dans l’air quelques légers effluves d’iris ou d’héliotrope, laissés par la parfumerie fine en usage chez les maîtres du logis.
La vue, aussi bien que l’odorat, est à ménager, à cajoler, pourrais-je dire. Ne faut-il pas éloigner des regards les plats chargés de tristes restes, les assiettes couvertes de détritus, tout ce qui rappelle ce qu’on a mangé et en perpétue le souvenir, peu agréable aux délicats ? Et puis, l’aspect de désordre d’une table où sont jetés au hasard la vaisselle et les accessoires est si vilain, qu’il engendre inévitablement la maussaderie et le dégoût chez ceux qui l’entourent, pourvu qu’ils aient quelque raffinement dans les goûts. Or, l’heure des repas est une de celles qui réunissent tous les membres de la famille, il est du devoir de la maîtresse de maison de la rendre aimable ; l’hygiène, au physique, y trouve son compte et le souvenir de la table paternelle reste cher aux enfants même devenus hommes.
Que de fois sur les mers lointaines, dans la solitude des camps, dans les tristes résidences des petites villes, le marin, l’officier, l’employé garçon, ont pensé à la chaude et lumineuse atmosphère du home familial ; à cette couronne de joyeux et bons visages qui entourait la table, au père à la barbe grise, chef aimé et respecté de la tribu, à la mère aux yeux tendres, aux traits un peu fatigués par la vie et les soucis, aux sœurs charmantes, fleurs de jeunesse et de grâce, à tout ce babil qui s’échangeait gaîment, aux cris d’enthousiasme saluant l’apparition de quelque plat favori, au joli coup d’œil de la nappe blanche, avec les cristaux brillants, la vieille argenterie de famille à peine usée par trois générations, la faïence à fleurs, et l’appétissant appel des hors-d’œuvre !
Humbles joies dont est fait le grand bonheur du foyer ! liens ténus qui retiennent ses habitants ! chères habitudes qui rapprochent les cœurs et les esprits dans l’union intime, base de la vie de famille !
Nous allons donc nous occuper de ces questions, prosaïques quant au détail, mais relevées quant au but, ce but étant le bien-être familial. Nous laisserons de côté, absolument, et pour n’y pas revenir, tout ce qui a trait au choix et à la préparation des aliments ; c’est dans les innombrables manuels spéciaux que nos lectrices chercheront et trouveront les recettes et… la manière de s’en servir.
Les repas ne seront envisagés ici qu’en ce qui concerne « le service de la table » et ce qui s’y rattache avant, pendant et après.
Je ne me lasserai point de le répéter (à force de coups de marteau, on enfonce un clou), si l’ordre et la propreté sont nécessaires partout dans une « maison bien tenue », ils sont indispensables dans tout ce qui touche de loin ou de près aux choses de l’alimentation. On ne saurait croire quelle source de désagréments, de perte de temps, de gaspillage, est la mauvaise habitude qui règne dans trop d’intérieurs de laisser aux domestiques toute liberté d’arranger comme ils veulent les buffets de la cuisine et de la salle à manger, et d’y entasser à leur gré les objets les plus divers et les plus disparates, vaisselle, accessoires de table, desserte, provisions, se coudoyant et se heurtant dans un pêle-mêle fantaisiste.
Il faut, dès son entrée en ménage, qu’une jeune femme prenne et fasse prendre aux serviteurs « un bon pli » à cet endroit. Une fois l’ordre établi, il est beaucoup plus facile de le faire maintenir que de le ramener. Une surveillance exacte sans taquinerie, une inspection fréquente des armoires, des tiroirs, des boîtes, doit suffire pour cet entretien, si les domestiques ne sont pas incurablement sales et négligents.
Dans quelques grands hôtels, en province ou à Paris, dans beaucoup de maisons du Nord, dans presque toutes les demeures, grandes ou petites, en Angleterre, en Belgique, en Suisse, en Danemark, etc., existe le très utile réduit qu’on appelle l’office. Un office de taille raisonnable, bien garni d’étagères et de placards, est la joie et la tranquillité d’une bonne maîtresse de maison. On y trouve l’armoire fermant à clé où l’on garde les provisions, le buffet à hauteur d’appui dont le dessus est si commode pour poser les balances, les appareils un peu encombrants, filtre, siphons d’eau de Seltz, corbeille à pain, etc. On range sur les étagères les paniers, petites caisses, etc. ; enfin la fontaine suspendue, avec ses accessoires et sa serviette, y est mieux placée pour l’usage de la famille que dans la cuisine.
Mais l’exiguïté des appartements de ville permet rarement le luxe d’un office. Au-dessous d’un prix de loyer relativement élevé, il n’est guère d’installation où l’on en trouve maintenant. Il faut donc apprendre à s’en passer et « faire pour le mieux avec ce que l’on possède », sage maxime qui éviterait bien des ennuis, bien des malheurs même, si on l’appliquait plus souvent.
Nous supposerons en conséquence une salle à manger de dimensions assez considérables pour qu’on y puisse faire tenir aisément un grand buffet et un desservant, table, chaises, etc. ; admettons aussi l’existence d’un placard ou d’une haute encoignure. C’est là que vont se caser les nombreux objets relatifs au service quotidien de la table. Je dis quotidien, parce que dans une maison bien réglée on a pour l’usage de tous les jours tout un « relai » de service : vaisselle, cristaux, couteaux, etc.
Il faut, suivant le nombre des membres de la famille, un service de six ou douze couverts en faïence à dessins si l’on veut — on en trouve de charmants à des prix raisonnables ; — le service de dessert, plus restreint comme nombre de pièces que le service de luxe, tasses à thé et à café, à déjeuner, assorties ou non au service de table ; verres et carafes, porte-couteaux, dessous de bouteilles en verre ou en cristal de bonne qualité, argenterie, couteaux de table et de dessert, pelle à beurre, manche à gigot, couteau à découper avec la fourchette assortie, dessous de plat, etc., le tout simple et solide, fait pour résister à l’emploi journalier.
Les jeunes maîtresses de maison ne sauraient trop se convaincre qu’en général, mais surtout pour ce qui doit « fatiguer », le bon marché est une mauvaise, une exécrable économie.
Si vous avez un budget très limité, sacrifiez un bibelot, un ouvrage d’agrément, un chapeau coûteux, un petit meuble inutile, un luxe quelconque, mais ayez de bon linge, de bonne vaisselle, de bons couteaux en vrai acier avec des manches qui ne se décollent pas à l’eau chaude.
Les verres dépareillés, les assiettes ébréchées, les tasses veuves de leurs anses, les soupières fêlées, les compotiers fendus, tout cela est assurément excusable et digne de pitié, quand c’est l’œuvre de la pauvreté, mais ici nous n’avons point à entrer dans cet ordre d’idées, et quand je cause avec mes lectrices d’une « maison bien tenue », il est convenu d’avance que je suppose ses propriétaires en possession au moins de l’aurea mediocritas qui permet la vie correcte.
Qui n’a vu d’ailleurs de ces intérieurs où la fortune même est impuissante à assurer le confortable et l’agrément ? Dépenses de Madame, dépenses de Monsieur, négligence, incurie de part et d’autre, creusent un gouffre où les ressources du ménage disparaissent sans laisser de traces. La vaisselle, le linge, mal entretenus, ont un aspect sordide, la table mal mise, sans soin, sans goût, est laide à voir. Qu’importent les beaux meubles pleins d’argenterie, les riches tentures, l’orgueilleuse suspension ? Ils ne font que rendre plus frappant le contraste entre ce qui est et ce qui devrait être.
L’ordre du rangement des buffets n’est point arbitraire et doit être réglé pour la plus grande commodité du service. Il va de soi qu’il est bon d’avoir sous la main les objets dont on se sert le plus fréquemment, et que les pièces lourdes ou encombrantes courent moins de risques en étant placées aux étages inférieurs. C’est à la maîtresse de maison à discerner ce qui est le plus approprié à ses meubles et à son service. Je me bornerai à des indications générales. La vaisselle de luxe, services de table et de dessert, cristallerie fine, etc., est rangée dans un placard. Si les assiettes sont en porcelaine très fine avec ornements, il faut les séparer toutes, une à une, par une large rondelle de papier ; on évite ainsi les rayures que le dessous de l’assiette cause à l’émail de l’assiette inférieure. Si le service est à bords dorés, il vaut mieux envelopper toute l’assiette, cette précaution conserve à l’or son bruni. Pour la faïence, il y a moins de soins à prendre ; néanmoins, c’est toujours une bonne mesure que d’empêcher le frottement des pièces entre elles.
La cristallerie doit avoir sa planche à elle seule. Pour les petits verres à madère et à bordeaux, qui tiennent beaucoup d’espace, on fait placer à mi-hauteur une planche plus étroite, permettant de mettre deux rangs l’un au-dessus de l’autre.
Les services fins à thé, à café, les pièces d’argenterie, de ruolz, ou simplement de métal anglais, les carafons, seaux à biscuits, etc., ornent la vitrine du buffet.
Le service de tous les jours (nous en avons parlé tout à l’heure) se case soit dans le bas du grand buffet, soit dans les placards ou encoignures.
Il en est de même des plats de dessert, compotiers de fruits ou d’oranges, assiettes de biscuits, de fruits secs, etc., fromages, hermétiquement enfermés sous leur cloche. Mais, sous aucun prétexte, ne resteront dans le buffet de salle à manger les restes proprement dits : volaille, viande rôtie, poisson, légumes, j’en dirai autant des hors-d’œuvre, anchois, sardines à l’huile, saucisson de Lyon, mortadelle, etc. Il leur suffit d’un séjour de vingt-quatre heures pour empester un placard ou une armoire.
L’argenterie (couverts) et les couteaux sont bien à leur place dans un tiroir du buffet, mais à condition d’avoir fait établir dans celui-ci des compartiments distincts. Deux grands : l’un pour les couverts, l’autre pour les couteaux ; deux petits : l’un pour les petites cuillers à café, à hors-d’œuvre, etc., l’autre pour les porte-couteaux. C’est chose facile, car il ne faut pas clouer ou coller ce bâti, afin de pouvoir l’enlever pour le nettoyage. Il suffit de l’appliquer à frottement dur et d’encastrer les joints dans des rainures. Un maître de maison un peu adroit sait exécuter ces petits arrangements intérieurs. C’est un plaisir pour lui et une économie pour la bourse du ménage. Sous aucun prétexte, il ne faut loger ensemble les couteaux et les couverts, les premiers rayant les seconds.
Les serviettes roulées dans leurs anneaux ou logées dans leur étui, la nappe soigneusement repliée dans ses plis, les napperons, serviettes à œufs, etc., en un mot la lingerie de table, occupe soit l’autre tiroir du buffet, soit le grand tiroir du desservant. A réserver, où l’on voudra, une case pour les outils de table : tire-bouchons, pinces, moulin à poivre, casse-noisettes, etc., que nos messieurs tiennent à avoir à leur prompte disposition et dont la recherche met leur patience (?) à des épreuves mal calculées pour ses forces.
Si l’on n’a pas d’office, il faut aussi trouver place dans les armoires de la salle à manger pour les bouteilles entamées, les carafes à vin et à eau, l’huilier, et la corbeille à pain munie de son napperon.
Le pain prend facilement mauvais goût et son séjour à la cuisine le dessèche et l’expose à des odeurs désagréables. On évite cet inconvénient en lui réservant un panier spécial qu’on garnit de toile pour ménager la vannerie.
Disons, en passant, que tous ces accessoires : nappe à pain, serviette à œufs, poche à marrons, napperons pour dessous de plats, etc., sont de charmants prétextes à jolis travaux pour les dames du logis ; seulement il faut les exécuter en tissus qui supportent le lavage si l’on veut qu’ils soient d’un bon et long usage, car rien n’est laid, sur une table, comme des rubans fanés, des soies ternies, des étoffes tachées de graisse.
Voici l’heure du repas qui approche ; — dans un quart d’heure elle va sonner. — C’est le moment de mettre la table. Je n’ai point la prétention d’apprendre à mes lectrices ce que c’est qu’une table bien mise. Toutes le savent, mais ont-elles jamais pensé combien de détails cet ensemble comporte ?
Commençons par le commencement. La nappe doit être de bonne taille, ni trop longue, car ses coins pendent, ni trop courte, car elle ne tiendrait pas en place. Il faut l’étendre sur la table carrément, c’est-à-dire le grand pli du milieu coïncidant avec le grand axe de la table, et les bouts tombant d’égale longueur. L’usage des nappes de toile cirée, inspiré par un louable sentiment d’économie, ne m’a jamais paru heureux. Une nappe de famille coûte fort cher, se dévernit très vite, devient extrêmement laide, et communique un goût désagréable à tout ce que l’on pose dessus. Je sais que, dans certains pays, le blanchissage est très cher et si mal compris qu’il use le linge avec une navrante rapidité. Dans les familles un peu nombreuses on craint aussi les maladresses des enfants et les taches dont ils parsèment la nappe. On est alors obligé de la changer souvent, car une nappe sale est chose fort vilaine et l’usure du linge, la note de la blanchisseuse, constituent une forte dépense.
On peut remédier à ces inconvénients autrement que par l’adoption de la hideuse toile cirée.
Les tables en bois massif, chêne, noyer ou châtaignier, supportent très bien l’usage des repas ; il suffit, pour les nettoyer, de passer dessus un torchon imbibé d’eau bien chaude et de les sécher immédiatement avec un chiffon de laine. Il faut faire cela très rapidement, car un mouillage prolongé ferait jouer le bois. Je sais un intérieur où, fort ingénieusement, on a réuni les avantages des deux systèmes : linge et bois. Le couvert de chacun est placé sur une petite nappe frangée en toile bise de 40 centimètres carrés environ. Ces petites nappes se salissent beaucoup moins vite qu’une grande et peuvent facilement être blanchies au logis.
Si l’on se sert d’une grande nappe et que les bébés soient à table, tant qu’ils n’ont pas l’âge de discrétion, un beau carré de toile cirée à dessins bordé d’un galon et placé sous leur assiette préserve les alentours contre leurs écarts de conduite en fait de contenance à table.
Sur la nappe, à distances égales, on dispose symétriquement le couvert composé pour chaque personne d’une assiette plate, verre, cuillère, et couteau à droite, fourchette à gauche, porte-couteaux à droite sur la ligne du verre à peu près, serviette sur l’assiette.
Devant le maître ou la maîtresse de maison, en travers, la grande cuillère à potage, la cuillère à ragoût, un couvert pour servir, le service à découper, s’il y a lieu, et, à défaut de sonnerie électrique, le timbre. Carafes et bouteilles, assiettes à beurre et à hors-d’œuvre, salières, ménagères pour les condiments, etc., sont placées avec symétrie et dans un ordre agréable.
A la campagne et même en province, il est facile de se donner le luxe d’un vase de fleurs au milieu de la table et des assiettes de dessert chargées de fruits, placées en carré autour. Mais ce petit décor demande une grande table et un dessert un peu compliqué, toutes choses réservées aux intérieurs où règne une certaine aisance.
Est-il bien utile de rappeler ici qu’on ne pose sur la nappe ni les plats, ni la lampe, ni les bouteilles et carafes ; il faut pour tous ces objets des dessous — la faïence, le nickel, le cuivre, le cristal, ou tout simplement le verre, sont d’un bon emploi pour ce service. Les ronds d’aloès ou de bois, solides et peu coûteux, sont inélégants et de plus ont l’inconvénient de se graisser à la longue en contractant une odeur désagréable.
En général, disons-le une fois pour toutes, tout ce qui sert aux repas doit pouvoir se lessiver, se laver, se récurer, se débarrasser complètement des souvenirs alimentaires.
Je n’ai parlé ici, évidemment, que du couvert de tous les jours. Pour les dîners priés, il y a un certain nombre de modifications dont le détail trouvera place au chapitre des réceptions.
La table est mise, la cuisinière est prête, la femme de chambre (ou le domestique) jette un dernier coup d’œil pour s’assurer que rien ne manque, place une chaise devant le couvert de chaque convive, puis ouvre la porte de la pièce où la famille est réunie, et sans aboyer, sans bredouiller, posément, d’une voix discrète, vient dire : « Madame est servie ». — C’est ainsi que dans une « maison bien tenue » on annonce, même entre soi, que le moment est venu de se réunir autour de la table.
Les « La soupe est servie ! » « Allons ! v’nez dîner ! » « V’là la soupe », « Le dîner va refroidir », et d’autres appels du même genre ne sont en usage que dans les intérieurs très simples, beaucoup plus simples de mœurs que ceux dont nous avons à nous occuper ici.
Ceci me rappelle — et je veux terminer par là — un quatrain que j’emprunte à mon vieil ami le baron R… C’était un homme du monde et d’infiniment d’esprit. Ancien préfet de l’Empire, il avait connu et pratiqué l’étiquette des grandeurs officielles, mais, dans ses vieux jours, il vivait très modestement de sa pension de retraite et tout son personnel de serviteurs se réduisait à deux petites bonnes bretonnes. En sage philosophe, il prenait gaîment sa médiocrité d’existence, et se consolait en faisant de fort jolies pièces de vers. Celle dont je parle, intitulée Matinée d’automne, est une attrayante description des bourrasques d’octobre sur le quai à Quimper.
Après maintes ondées, cependant, un coin de ciel bleu paraît, le soleil se montre, l’auteur va tenter une sortie, mais…
[5] Monsieur en breton.