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Contes Français

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dans notre grenier, avec la même prudence que la veille.


Mais au même instant un cri terrible... un cri bref,

vibrant... retentit:


«Nous le tenons!»


[20]
Et toute la maison fut ébranlée de fond en comble...

des cris... des trépignements... des clameurs rauques

...me glacèrent d'épouvante... L'homme rugissait...

les autres respiraient haletants... puis il y eut un choc

qui fit craquer le plancher... je n'entendis plus qu'un

[25]
grincement de dents... un cliquetis de chaînes...


«De la lumière!» cria le terrible Madoc.


Et tandis que le soufre flambait, jetant dans le réduit

sa lueur bleuâtre, je distinguai vaguement les agents de

police accroupis sur l'homme en manches de chemise: l'un

[30]
le tenait à la gorge, l'autre lui appuyait les deux genoux

sur la poitrine; Madoc lui serrait les poings dans des

menottes à faire craquer les os; l'homme semblait inerte;


seulement une de ses grosses jambes, nue depuis le genou

jusqu'à la cheville, se relevait de temps en temps et frappait

le plancher par un mouvement convulsif... Les yeux

lui sortaient littéralement de la tête... une écume

[5]
sanglante s'agitait sur ses lèvres.


A peine eus-je allumé la chandelle, que les agents de

police firent une exclamation étrange.


«Notre doyen!...»


Et tous trois se relevant... je les vis se regarder pâles

[10]
de terreur.


L'oeil de l'assassin bouffi de sang se tourna vers Madoc

...Il voulut parler... mais seulement au bout de quelques

secondes... je l'entendis murmurer:


«Quel rêve!... mon Dieu... quel rêve!»


[15]
Puis il fit un soupir et resta immobile.

Je m'étais approché pour le voir... C'était bien lui...

L'homme qui nous avait donné de si bons conseils sur la

route de Heidelberg... Peut-être avait-il pressenti que

nous serions la cause de sa perte: on a parfois de ces

[20]
pressentiments terribles! Comme il ne bougeait plus et

qu'un filet de sang glissait sur le plancher poudreux,

Madoc, revenu de sa surprise, se pencha sur lui et déchira

sa chemise; nous vîmes alors qu'il s'était donné un coup

de son grand couteau dans le coeur.


[25]
«Eh! fit Madoc avec un sourire sinistre, M, le doyen a

fait banqueroute à la potence... Il connaissait la bonne

place et ne s'est pas manqué! Restez ici, vous autres...

Je vais prévenir le bailli.»


Puis il ramassa son chapeau, tombé pendant la lutte,

[30]
et sortit sans ajouter un mot.


Je restai seul en face du cadavre avec les deux agents

de police.


Le lendemain, vers huit heures, tout Heidelberg apprit

la grande nouvelle. Ce fut un événement pour le pays.

Daniel Van den Berg, doyen des drapiers, jouissait d'une

fortune et d'une considération si bien établies, que

[5]
beaucoup de gens se refusèrent à croire aux abominables

instincts qui le dominaient.


On discuta ces événements de mille manières différentes.

Les uns disaient que le riche doyen était somnambule, et

par conséquent irresponsable de ses actions... les autres,

[10]
qu'il était assassin par amour du sang, n'ayant aucun

intérêt sérieux à commettre de tels crimes... Peut-être

était-il l'un et l'autre!


C'est un fait incontestable que l'être moral, la volonté,

l'âme, n'existe pas chez le somnambule. Or l'animal, abandonné

[15]
à lui-même, subit l'impulsion naturelle de ses instincts

pacifiques ou sanguinaires, et la face ramassée de

maître Daniel van den Berg, sa tête plate, renflée derrière

les oreilles, ses longues moustaches hérissées, ses yeux verts,

tout prouve qu'il appartenait malheureusement à la famille

[20]
des chats, race terrible, qui tue pour le plaisir de tuer.


Quoi qu'il en soit, mes compagnons furent rendus à la

liberté. On cita la petite Annette, pendant quinze jours,

comme un modèle de dévouement. Elle fut même recherchée

en mariage par le fils du bourgmestre Trungott, jeune

[25]
homme romanesque, qui fera le malheur de sa famille.

Moi, je m'empressai de retourner dans la Forêt Noire, où,

depuis cette époque, je remplis les fonctions de chef d'orchestre

au bouchon du
Sabre-Vert
, sur la route de Tubingue.

S'il vous arrive de passer par là, et que mon histoire

[30]
vous ait intéressé, venez me voir... nous viderons deux ou

trois bouteilles ensemble... et je vous raconterai certains

détails, qui vous feront dresser les cheveux sur la tête!...


COPPÉE


LE LOUIS D'OR

(CONTE DE NOËL)


A mon cher cousin Édouard Tramasset


Lorsque Lucien de Hem eut vu son dernier billet de

cent francs agrippé par le râteau du banquier, et qu'il se

fut levé de la table de roulette où il venait de perdre les

débris de sa petite fortune, réunis par lui pour cette

[5]
suprême bataille, il éprouva comme un vertige et crut qu'il

allait tomber.


La tête troublée, les jambes molles, il alla se jeter sur la

large banquette de cuir qui faisait le tour de la salle de

jeu. Pendant quelques minutes, il regarda vaguement le

[10]
tripot clandestin dans lequel il avait gâché les plus belles

années de sa jeunesse, reconnut les têtes ravagées des

joueurs, crûment éclairées par les trois grands abat-jour,

écouta le léger frottement de l'or sur le tapis, songea qu'il

était ruiné, perdu, se rappela qu'il avait chez lui, dans un

[15]
tiroir de commode, les pistolets d'ordonnance dont son

père, le général de Hem, alors simple capitaine, s'était si

bien servi à l'attaque de Zaatcha; puis, brisé de fatigue, il

s'endormit d'un sommeil profond.


Quand il se réveilla, la bouche pâteuse, il constata, par

[20]
un regard jeté à la pendule, qu'il avait dormi une demi-heure

à peine, et il éprouva un impérieux besoin de respirer

l'air de la nuit. Les aiguilles marquaient sur le cadran

minuit moins le quart. Tout en se levant et en s'étirant


les bras, Lucien se souvint alors qu'on était à la veille de

Noël, et, par un jeu ironique de la mémoire, il se revit

soudain tout petit enfant et mettant, avant de se coucher,

ses souliers dans la cheminée.


[5]
En ce moment, le vieux Dronski--un pilier du tripot,

le Polonais classique, portant le caban râpé, tout orné de

soutaches et d'olives--s'approcha de Lucien et marmotta

quelques mots dans sa sale barbiche grise:


«Prêtez-moi donc une pièce de cinq francs, monsieur.

[10]
Voilà deux jours que je n'ai pas bougé du cercle, et depuis

deux jours le «dix-sept» n'est pas sorti... Moquez-vous

de moi, si vous voulez; mais je donnerais mon poing à

couper que tout à l'heure, au coup de minuit, le numéro

sortira.»


[15]
Lucien de Hem haussa les épaules; il n'avait même plus

dans sa poche de quoi acquitter cet impôt que les habitués

de l'endroit appelaient «les cent sous du Polonais.»

Il passa dans l'antichambre, mit son chapeau et sa pelisse,

et descendit l'escalier avec l'agilité des gens qui ont la

[20]
fièvre.


Depuis quatre heures que Lucien était enfermé dans le

tripot, la neige était tombée abondamment, et la rue--une

rue du centre de Paris, assez étroite et bâtie de hautes

maisons--était toute blanche. Dans le ciel purgé, d'un

[25]
bleu noir, de froides étoiles scintillaient.


Le joueur décavé frissonna sous ses fourrures et se mit

à marcher, roulant toujours dans son esprit des pensées de

désespoir et songeant plus que jamais à la boite de pistolets

qui l'attendait dans le tiroir de sa commode; mais,

[30]
après avoir fait quelques pas, il s'arrêta brusquement

devant un navrant spectacle.


Sur un banc de pierre placé, selon l'usage d'autrefois,


près de la porte monumentale d'un hôtel, une petite fille

de six ou sept ans, à peine vêtue d'une robe noire en

loques, était assise dans la neige. Elle s'était endormie là,

malgré le froid cruel, dans une attitude effrayante de

[5]
fatigue et d'accablement, et sa pauvre petite tête et son

épaule mignonne étaient comme écroulées dans un angle

de la muraille et reposaient sur la pierre glacée. Une

des savates dont l'enfant était chaussée s'était détachée

de son pied qui pendait, et gisait lugubrement devant

[10]
elle.


D'un geste machinal, Lucien de Hem porta la main à son

gousset; mais il se souvint qu'un instant auparavant il

n'y avait même pas trouvé une pièce de vingt sous oubliée,

et qu'il n'avait pas pu donner de pourboire au garçon du

[15]
cercle. Cependant, poussé par un instinctif sentiment de

pitié, il s'approcha de la petite fille, et il allait peut-être

l'emporter dans ses bras et lui donner asile pour la nuit,

lorsque, dans la savate tombée sur la neige, il vit quelque

chose de brillant.


[20]
Il se pencha. C'était un louis d'or.


Une personne charitable, une femme sans doute, avait

passé par là, avait vu, dans cette nuit de Noël, cette

chaussure devant cette enfant endormie, et, se rappelant

la touchante légende, elle avait laissé tomber, d'une main

[25]
discrète, une magnifique aumône, pour que la petite

abandonnée crût encore aux cadeaux faits par l'Enfant-Jésus

et conservât, malgré son malheur, quelque confiance

et quelque espoir dans la bonté de la Providence.


Un louis! c'étaient plusieurs jours de repos et de richesse

[30]
pour la mendiante; et Lucien était sur le point de l'éveiller

pour lui dire cela, quand il entendit près de son oreille,


comme dans une hallucination, une voix--la voix du

Polonais avec son accent traînant et gras--qui murmurait

tout bas ces mots:


«Voilà deux jours que je n'ai pas bougé du cercle, et

[5]
depuis deux jours le «dix-sept» n'est pas sorti... Je

donnerais mon poing à couper que tout à l'heure, au coup

de minuit, le numéro sortira.»


Alors ce jeune homme de vingt-trois ans, qui descendait

d'une race d'honnêtes gens, qui portait un superbe nom

[10]
militaire, et qui n'avait jamais failli à l'honneur, conçut

une épouvantable pensée; il fut pris d'un désir fou,

hystérique, monstrueux. D'un regard il s'assura qu'il

était bien seul dans la rue déserte, et, pliant le genou,

avançant avec précaution sa main frémissante, il vola le

[15]
louis d'or dans la savate tombée! Puis, courant de toutes

ses forces, il revint à la maison de jeu, grimpa l'escalier en

quelques enjambées, poussa d'un coup de poing la porte

rembourrée de la salle maudite, y pénétra au moment

précis où la pendule sonnait le premier coup de minuit,

[20]
posa la pièce d'or sur le tapis vert et cria:


«En plein sur le «dix-sept!»


Le «dix-sept» gagna.


D'un revers de main, Lucien poussa les trente-six louis

sur la rouge.


[25]
La rouge gagna.


Il laissa les soixante-douze louis sur la même couleur.

La rouge sortit de nouveau.


Il fit encore le paroli deux fois, trois fois, toujours avec

le même bonheur. Il avait maintenant devant lui un tas

[30]
d'or et de billets, et il se mit à poudrer le tapis,

frénétiquement. La «douzaine,» la «colonne,» le «numéro,» toutes

les combinaisons lui réussissaient. C'était une chance


inouïe, surnaturelle. On eût dit que la petite bille d'ivoire,

sautillant dans les cases de la roulette, était magnétisée,

fascinée par le regard de ce joueur, et lui obéissait. Il

avait rattrapé, en une dizaine de coups, les quelques

[5]
misérables billets de mille francs, sa dernière ressource,

qu'il avait perdus au commencement de la soirée. A présent,

pontant des deux ou trois cents louis à la fois, et

servi par sa veine fantastique, il allait bientôt regagner,

et au delà, le capital héréditaire qu'il avait gaspillé en si

[10]
peu d'années, reconstituer sa fortune. Dans son empressement

à se mettre au jeu, il n'avait pas quitté sa lourde

pelisse; déjà il en avait gonflé les grandes poches de liasses

de bank-notes et de rouleaux de pièces d'or; et, ne sachant

plus où entasser son gain, il bourrait maintenant de monnaie

[15]
et de papier les poches intérieures et extérieures de

sa redingote, les goussets de son gilet et de son pantalon,

son porte-cigares, son mouchoir, tout ce qui pouvait servir

de récipient. Et il jouait toujours, et il gagnait toujours,

comme un furieux! comme un homme ivre! et il jetait ses

[20]
poignées de louis sur le tableau, au hasard, à la vanvole,

avec un geste de certitude et de dédain!


Seulement, il avait comme un fer rouge dans le coeur,

et il ne pensait qu'à la petite mendiante endormie dans la

neige, à l'enfant qu'il avait volée.


[25]
«Elle est encore à la même place! Certainement, elle

doit y être encore!... Tout à l'heure... oui, quand une

heure sonnera... je me le jure!... je sortirai d'ici, j'irai

la prendre, tout endormie, dans mes bras, je l'emporterai

chez moi, je la coucherai sur mon lit... Et je l'élèverai,

[30]
je la doterai, je l'aimerai comme ma fille, et j'aurai soin

d'elle toujours, toujours!»


Mais la pendule sonna une heure, et le quart, et la


demie, et les trois quarts... et Lucien était toujours

assis à la table infernale.


Enfin, une minute avant deux heures, le chef de partie

se leva brusquement et dit à voix haute:


[5]
«La banque a sauté, messieurs... Assez pour

aujourd'hui!»


D'un bond, Lucien fut debout. Écartant avec brutalité

les joueurs qui l'entouraient et le regardaient avec une

envieuse admiration, il partit vivement, dégringola les

[10]
étages et courut jusqu'au banc de pierre. De loin, à la

lueur d'un bec de gaz, il aperçut la petite fille.


«Dieu soit loué! s'écria-t-il. Elle est encore là!»


Il s'approcha d'elle, lui saisit la main:


«Oh! qu'elle a froid! Pauvre petite!»


[15]
Il la prit sous les bras, la souleva pour l'emporter. La

tête de l'enfant retomba en arrière, sans qu'elle s'éveillât:


«Comme on dort, à cet âge-là!»


Il la serra contre sa poitrine pour la réchauffer, et, pris

d'une vague inquiétude, il voulut, afin de la tirer de ce

[20]
lourd sommeil, la baiser sur les yeux, comme il faisait

naguère à sa maîtresse la plus chérie.


Mais alors il s'aperçut avec terreur que les paupières de

l'enfant étaient entr'ouvertes et laissaient voir à demi

les prunelles vitreuses, éteintes, immobiles. Le cerveau

[25]
traversé d'un horrible soupçon, Lucien mit sa bouche tout

près de la bouche de la petite fille; aucun souffle n'en

sortit.


Pendant qu'avec le louis d'or qu'il avait volé à cette

mendiante Lucien gagnait au jeu une fortune, l'enfant

[30]
sans asile était morte, morte de froid!


Étreint à la gorge par la plus effroyable des angoisses,

Lucien voulut pousser un cri... et, dans l'effort qu'il fit,


il se réveilla de son cauchemar sur la banquette du cercle,

où il s'était endormi un peu avant minuit et où le garçon

du tripot, s'en allant le dernier vers cinq heures du matin,

l'avait laissé tranquille, par bonté d'âme pour le décavé.


[5]
Une brumeuse aurore de décembre faisait pâlir les vitres

des croisées. Lucien sortit, mit sa montre en gage, prit

un bain, déjeuna, et alla au bureau de recrutement signer

un engagement volontaire au 1er régiment de chasseurs

d'Afrique.


[10]
Aujourd'hui, Lucien de Hem est lieutenant; il n'a que

sa solde pour vivre, mais il s'en tire, étant un officier très

rangé et ne touchant jamais une carte. Il parait même

qu'il trouve encore moyen de faire des économies; car

l'autre jour, à Alger, un de ses camarades, qui le suivait à

[15]
quelques pas de distance dans une rue montueuse de la

Kasba, le vit faire l'aumône à une petite Espagnole

endormie sous une porte, et eut l'indiscrétion de regarder

ce que Lucien avait donné à la pauvresse. Le curieux fut

très surpris de la générosité du pauvre lieutenant.


[20]
Lucien de Hem avait mis un louis d'or dans la main de

la petite fille.


L'ENFANT PERDU

(CONTE DE NOËL)

A Jules Claretie

I

Ce matin-là, qui était la veille de Noël, deux événements
d'importance eurent lieu simultanément. Le soleil se leva,
--et M. Jean-Baptiste Godefroy aussi.

Sans doute, le soleil,--au coeur de l'hiver, après quinze
[5] jours de brume et de ciel gris, quand par bonheur le vent
passe au nord-est et ramène le temps sec et clair,--le
soleil, inondant tout à coup de lumière le Paris matinal,
est un vieux camarade que chacun revoit avec plaisir. Il
est d'ailleurs un personnage considérable. Jadis il a été
[10] Dieu: il s'est appelé Osiris, Apollon, est-ce que je sais?
et il n'y a pas deux siècles qu'il régnait en France sous le
nom de Louis XIV. Mais M. Jean-Baptiste Godefroy,
financier richissime, directeur du Comptoir général de
crédit, administrateur de plusieurs grandes compagnies,
[15] député et membre du Conseil général de l'Eure, officier de
la Légion d'honneur, etc., etc., n'était pas non plus un
homme à dédaigner. Et puis l'opinion que le soleil peut
avoir sur son propre compte n'est certainement pas plus
flatteuse que celle que M. Jean-Baptiste Godefroy avait
[20] de lui-même. Nous sommes donc autorisé à dire que, le
matin en question, vers huit heures moins le quart, le
soleil et M. Jean-Baptiste Godefroy se levèrent.

Par exemple, le réveil de ces puissants seigneurs fut tout
à fait différent. Le bon vieux soleil, lui, commença par

[5]
d'abord à les transformer en gigantesques bouquets de corail

rose; et, tout en accomplissant ce délicieux tour de fantasmagorie,

il répandit, avec la plus impartiale bienveillance,

ses rayons sans chaleur, mais joyeux, sur tous les humbles

passants que la nécessité de gagner leur vie forçait à être

[10]
dehors de si bonne heure. Il eut le même sourire pour le

petit employé en paletot trop mince se hâtant vers son

bureau, pour la grisette frissonnant sous sa «confection»

à bon marché, pour l'ouvrier portant la moitié d'un pain

rond sous son bras, pour le conducteur de tramway faisant

[15]
sonner son compteur, pour le marchand de marrons en

train de griller sa première poêlée. Enfin ce brave homme

de soleil fit plaisir à tout le monde. M. Jean-Baptiste

Godefroy, au contraire, eut un réveil assez maussade. Il

avait assisté, la veille, chez le ministre de l'Agriculture, à

[20]
un dîner encombré de truffes, depuis le relevé du potage

jusqu'à la salade, et son estomac de quarante-sept ans

éprouvait la brûlante morsure du pyrosis. Aussi, à la façon

dont M. Godefroy donna son premier coup de sonnette,

Charles, le valet de chambre, tout en prenant de l'eau

[25]
chaude pour la barbe du patron, dit à la fille de cuisine:


«Allons, bon!... Le «singe» est encore d'une humeur

massacrante, ce matin... Ma pauvre Gertrude, nous

allons avoir une sale journée.»


Puis, marchant sur la pointe du pied, les yeux modestement

[30]
baissés, il entra dans la chambre à coucher, ouvrit

les rideaux, alluma le feu et prépara tout ce qu'il fallait

pour la toilette, avec les façons discrètes et, les gestes


respectueux d'un sacristain disposant les objets du culte

sur l'autel, avant la messe de M. le curé...


«Quel temps ce matin? demanda d'une voix brève M.

Godefroy en boutonnant son veston de molleton gris sur

[5]
un abdomen un peu trop majestueux déjà.


-Très froid, monsieur, répondit Charles. A six heures,

le thermomètre marquait sept degrés au-dessous de zéro.

Mais monsieur voit que le ciel s'est éclairci, et je crois que

nous aurons une belle matinée.»


[10]
Tout en repassant son rasoir, M. Godefroy s'approcha

de la fenêtre, écarta l'un des petits rideaux, vit le

boulevard baigné de lumière et fit une légère grimace qui

ressemblait à un sourire. Mon Dieu, oui! On a beau

être plein de morgue et de tenue, et savoir parfaitement

[15]
qu'il est du plus mauvais genre de manifester quoi que ce

soit devant les domestiques, l'apparition de ce gueusard

de soleil, en plein mois de décembre, donne une sensation

si agréable qu'il n'y a guère moyen de la dissimuler. M.

Godefroy daigna donc sourire. Si quelqu'un lui avait dit

[20]
alors que cette satisfaction instinctive lui était commune

avec l'apprenti typographe en bonnet de papier qui faisait

une glissade sur le ruisseau gelé d'en face, M. Godefroy

eût été profondément choqué. C'était ainsi pourtant; et,

pendant une minute, cet homme écrasé d'affaires, ce gros

[25]
bonnet du monde politique et financier, fit cet enfantillage

de regarder les passants et les voitures qui filaient joyeusement

dans la brume dorée.


Mais, rassurez-vous, cela ne dura qu'une minute.

Sourire à un rayon de soleil, c'est bon pour des gens

[30]
inoccupés, pas sérieux; c'est bon pour les femmes, les

enfants, les poètes, la canaille. M. Godefroy avait d'autres

chats à fouetter, et, précisément pour cette journée qui


commençait, son programme était très chargé. De huit

heures et demie à dix heures, il avait rendez-vous, dans

son cabinet, avec un certain nombre de messieurs très

agités, tous habillés et rasés comme lui dès l'aurore et

[5]
comme lui sans fraîcheur d'âme, qui devaient venir lui

parler de toutes sortes d'affaires, ayant tous le même but:

gagner de l'argent. Après déjeuner,--et il ne fallait pas

s'attarder aux petits verres,--M. Godefroy était obligé

de sauter dans son coupé et de courir à la Bourse, pour y

[10]
échanger quelques paroles avec d'autres messieurs qui

s'étaient aussi levés de bonne heure et qui n'avaient pas

non plus de petite fleur bleue dans l'imagination; et cela

toujours pour le même motif: gagner de l'argent. De là,

sans perdre un instant, M. Godefroy, allait présider,

[15]
devant une table verte encombrée d'encriers siphoïdes,

un nouveau groupe de compagnons dépourvus de tendresse

et s'entretenir avec eux de divers moyens de gagner de

l'argent. Après quoi, il devait paraître, comme député,

dans trois ou quatre commissions et sous-commissions,

[20]
toujours avec tables vertes et encriers siphoïdes, où il

rejoindrait d'autres personnages peu sentimentaux, tous

incapables aussi, je vous prie de le croire, de négliger la

moindre occasion de gagner de l'argent, mais qui avaient

pourtant la bonté de sacrifier quelques précieuses heures

[25]
de l'après-midi pour assurer, par-dessus le marché, la

gloire et le bonheur de la France.


Après s'être vivement rasé, en épargnant toutefois le

collier de barbe poivre et sel qui lui donnait un air de

famille avec les Auvergnats et les singes de la grande

[30]
espèce, M. Godefroy revêtit un «complet» du matin, dont

la coupe élégante et un peu jeunette prouvait que ce veuf

cinglant vers la cinquantaine, n'avait pas absolument


renoncé à plaire. Puis il descendit dans son cabinet, où

commença le défilé des hommes peu tendres et sans rêverie

uniquement préoccupés d'augmenter leur bien-aimé

capital. Ces messieurs parlèrent de plusieurs entreprises

[5]
en projet, également considérables, notamment d'une

nouvelle ligne de chemin de fer à lancer à travers un désert

sauvage, d'une usine monstre à fonder aux environs

de Paris, et d'une mine de n'importe quoi à exploiter

dans je ne sais plus quelle république de l'Amérique

[10]
du Sud. Bien entendu, on n'agita pas un seul instant

la question de savoir si le futur railway aurait à transporter

un grand nombre de voyageurs et une grande quantité

de marchandises, si l'usine fabriquerait du sucre ou

des bonnets de coton, si la mine produirait de l'or

[15]
vierge ou du cuivre de deuxième qualité. Non! Les

dialogues de M. Godefroy et de ses visiteurs matinaux roulèrent

exclusivement sur le bénéfice plus ou moins gros à

réaliser, dans les huit jours qui suivraient l'émission, en

spéculant sur les actions de ces diverses affaires, actions

[20]
très probablement destinées du reste, et dans un bref délai,

à n'avoir plus d'autre valeur que le poids du papier et le

mérite de la vignette.


Ces conversations nourries de chiffres durèrent jusqu'à

dix heures précises, et M. le directeur du Comptoir

[25]
général de crédit, qui était honnête homme pourtant, autant

qu'on peut l'être dans les «affaires,» reconduisit jusque sur

le palier, avec les plus grands égards, son dernier visiteur,

vieux filou cousu d'or qui, par un hasard assez fréquent,

jouissait de la considération générale, au lieu d'être logé à

[30]
Poissy ou à Gaillon aux frais de l'État pendant un laps de

temps fixé par les tribunaux, et de s'y livrer à une besogne

honorable et hygiénique telle que la confection des chaussons


de lisière ou de la brosserie à bon marché. Puis M. le

directeur consigna sa porte impitoyablement--il fallait

être à la Bourse à onze heures--et passa dans la salle à

manger.


[5]
Elle était somptueuse. On aurait pu constituer le trésor

d'une cathédrale avec les massives argenteries qui

encombraient bahuts et dressoirs. Néanmoins, malgré

l'absorption d'une dose copieuse de bicarbonate de soude,

le pyrosis de M. Godefroy était à peine calmé, et le financier

[10]
ne s'était commandé qu'un déjeuner de dyspeptique.

Au milieu de ce luxe de table, devant ce décor qui célébrait

la bombance, et sous l'oeil impassible d'un maître

d'hôtel à deux cents louis de gage, qui s'en faisait deux

fois autant par la vertu de l'anse du panier, M. Godefroy

[15]
ne mangea donc, d'un air assez piteux, que deux oeufs à

la coque et la noix d'une côtelette; et encore, l'un des oeufs

sentait la paille. L'homme plein d'or chipotait son

dessert,--oh! presque rien, un peu de roquefort, à peine pour

deux ou trois sous, je vous assure,--lorsqu'une porte

[20]
s'ouvrit, et soudain, gracieux et mignon, bien qu'un peu

chétif dans son costume de velours bleu et trop pâlot sous

son énorme feutre à plume blanche, le fils de M. le directeur,

le jeune Raoul, âgé de quatre ans, entra dans la

salle à manger, conduit par son Allemande.


[25]
Cette apparition se produisait chaque jour, à onze

heures moins le quart exactement, lorsque le coupé, attelé

pour la Bourse, attendait devant le perron, et que

l'alezan brûlé, vendu à M. Godefroy, par les soins de son

cocher, mille francs de plus qu'il ne valait, grattait, d'un

[30]
sabot impatient, le dallage de la cour. L'illustre brasseur

d'argent s'occupait de son fils de dix heures quarante-cinq

à onze heures. Pas plus, pas moins, il n'avait qu'un


quart d'heure, juste, à consacrer au sentiment paternel.

Non qu'il n'aimât pas son fils, grand dieu! Il l'adorait,

à sa façon. Mais, que voulez-vous, les affaires!...


A quarante-deux ans, plus que mûr et passablement

[5]
fripé, il s'était cru très amoureux, par pur snobisme, de

la fille d'un de ses camarades de cercle, le marquis de

Neufontaine, vieux chat teint, joueur comme les cartes, qui,

sans la compassion vaniteuse de M. Godefroy, eût été

plus d'une fois affiché au club. Ce gentilhomme effondré,

[10]
mais toujours très chic, et qui venait encore de «lancer»

ne casquette pour bains de mer, fut trop heureux de devenir

le beau-père d'un homme qui payerait ses dettes, et

livra sans scrupule au banquier fatigué une ingénue de

dix-sept ans, d'une beauté suave et frêle, sortant d'un

[15]
couvent de province, et n'ayant pour dot que son trousseau

de pensionnaire et qu'un trésor de préjugés aristocratiques

et d'illusions romanesques. M. Godefroy, fils

d'un avoué grippe-sou des Andelys, était resté «peuple»

même fort vulgaire, malgré son fabuleux avancement dans

[20]
la hiérarchie sociale. Il blessa tout de suite sa jeune

femme dans toutes ses délicatesses; et les choses allaient

mal tourner, quand la pauvre enfant fut emportée, à sa

première couche. Presque élégiaque lorsqu'il parlait de sa

défunte épouse, avec laquelle il eût sans doute divorcé si

[25]
elle avait vécu six mois de plus, M. Godefroy aimait son

petit Raoul pour plusieurs raisons: d'abord à titre de fils

unique, puis comme produit rare et distingué d'un Godefroy

et d'une Neufontaine, enfin et surtout par le respect

qu'inspirait à cet homme d'argent l'héritier d'une fortune

[30]
de plusieurs millions. Le bébé fit donc ses premières

dents sur un hochet d'or et fut élevé comme un Dauphin.

Seulement, son père, accablé de besogne, débordé


d'occupations, ne pouvait lui consacrer que quinze minutes

par jour,--comme aujourd'hui, au moment du

roquefort,--et l'abandonnait aux domestiques.


«Bonjour, Raoul.


[5]
--Bonzou, p'pa,»


Et M. le directeur du Comptoir général de crédit, ayant

jeté sa serviette, installa sur sa cuisse gauche le jeune

Raoul, prit dans sa grosse patte la petite main de l'enfant

et la baisa plusieurs fois, oubliant, ma parole d'honneur!

[10]
la hausse de vingt-cinq centimes sur le trois pour cent, les

tables couleur de pâturage et les encriers volumineux devant

lesquels il devait traiter tout à l'heure de si grosses

questions d'intérêt, et même son vote de l'après-midi pour

ou contre le ministère, selon qu'il obtiendrait ou non, en

[15]
faveur de son bourg-pourri, une place de sous-préfet,

deux de percepteur, trois de garde champêtre, quatre

bureaux de tabac, plus une pension pour le cousin issu de

germain d'une victime du Deux Décembre.


«P'pa, et le p'tit Noël... y mettra-ti' tet' chose dans

[20]
mon soulier?» demanda tout à coup Raoul, dans son

sabir
enfantin.


Le père, après un: «Oui, si tu as été sage,» fort surprenant

chez ce député libre penseur, qui, à la Chambre,

appuyait d'un énergique: «Très bien!» toutes les propositions

[25]
anticléricales, prit note, dans le meilleur coin de

sa mémoire, qu'il aurait à acheter des joujoux. Puis,

s'adressant à la gouvernante:


«Vous êtes toujours contente de Raoul, mademoiselle

Bertha?»


[30]
L'Allemande, qui se faisait passer pour Autrichienne,

cela va sans dire, mais qui était, en réalité, la fille d'un

pasteur poméranien affligé de quatorze enfants, devint rouge


comme une tomate sous ses cheveux blond albinos, comme

si la question toute simple qu'on lui adressait eût été de

la pire indécence, et, après avoir donné cette preuve de

respect intimidé, répondit par un petit rire imbécile, qui

[5]
parut satisfaire pleinement la curiosité de M. Godefroy

sur la conduite de son fils.


«Il fait beau aujourd'hui, reprit le financier, mais froid.

Si vous menez Raoul au parc Monceau, mademoiselle,

vous aurez soin, n'est-ce pas? de le bien couvrir.»


[10]
La «fraulein», par un second accès de rire idiot, ayant

rassuré M. Godefroy sur ce point essentiel, il embrassa

une dernière fois le bébé, se leva de table--onze heures

sonnaient au cartel--et s'élança vers le vestibule, où

Charles, le valet de chambre, lui enfila sa pelisse et referma

[15]
sur lui la portière du coupé. Après quoi, ce serviteur fidèle

courut immédiatement au petit café de la rue de Miromesnil,

où il avait rendez-vous avec le groom de la baronne

d'en face, pour une partie de billard, en trente liés, avec

défense de «queuter», bien entendu.


II


[20]
Grâce au bai brun,--payé mille francs de trop, à la

suite d'un déjeuner d'escargots offert par le maquignon

au cocher de M. Godefroy,--grâce à cet animal d'un

prix excessif mais qui filait bien tout de même, M. le

directeur du Comptoir général de crédit put accomplir, sans

[25]
aucun retard, sa tournée d'affaires. Il parut à la Bourse,

siégea devant plusieurs encriers monumentaux, et même,

vers cinq heures moins le quart, il rassura la France et

l'Europe inquiète des bruits de crise, en votant pour le

ministère; car il avait obtenu les faveurs sollicitées, y compris


la pension pour celui de ses électeurs dont l'oncle, à la

mode de Bretagne, avait été révoqué d'un emploi de

surnuméraire non rétribué, à l'époque du coup d'État.


Attendri sans doute par la satisfaction d'avoir contribué

[5]
à cet acte de justice tardive, M. Godefroy se souvint

alors de ce que lui avait dit Raoul au sujet des présents du

petit Noël, et jeta à son cocher l'adresse d'un grand marchand

de jouets. Là, il acheta et fit transporter dans sa

voiture un cheval fantastique en bois creux monté sur

[10]
roulettes, avec une manivelle dans chaque oreille; une

boite de soldats de plomb aussi semblables les uns aux

autres que les grenadiers de ce régiment russe, du temps

de Paul 1er, qui tous avaient les cheveux noirs et le nez

retroussé; vingt autres joujoux éclatants et magnifiques.

[15]
Puis, en rentrant chez lui, doucement bercé sur les

coussins de son coupé bien suspendu, l'homme riche, qui après

tout, avait des entrailles de père, se mit à penser à son

fils avec orgueil.


L'enfant grandirait, recevrait l'éducation d'un prince,

[20]
en serait un, parbleu! puisque, grâce aux conquêtes de

89, il n'y avait plus d'aristocratie que celle de l'argent, et

que Raoul aurait, un jour, vingt, vingt-cinq, qui sait?

trente millions de capital. Si son père, petit provincial,

fils d'un méchant noircisseur de papier timbré; son père,

[25]
qui avait dîné à vingt sous jadis au Quartier Latin, et se

rendait bien compte chaque soir, en mettant sa cravate

blanche, qu'il avait l'air d'un marié du samedi; si ce père,

malgré sa tache originelle, avait pu accumuler une énorme

fortune, devenir fraction de roi sous la République parlementaire

[30]
et obtenir en mariage une demoiselle dont un ancêtre

était mort à Marignan, à quoi donc ne pouvait pas

prétendre Raoul, dès l'enfance beau comme un gentilhomme.


Raoul au sang affiné par l'atavisme maternel, Raoul de

qui l'intelligence serait cultivée comme une fleur rare, qui

apprenait déjà les langues étrangères dès le berceau, qui,

l'an prochain, aurait le derrière sur une selle de poney,

[5]
Raoul, qui serait un jour autorisé à joindre à son nom

celui de sa mère, et s'appellerait ainsi Godefroy de

Neufontaine, Godefroy devenant le prénom, et quel prénom!

royal, moyenâgeux, sentant à plein nez la croisade?...


Avec des millions, quel avenir! quelle carrière!... Et le

[10]
démocrate--il y en a plus d'un comme celui-ci, n'en

doutez pas!--imaginait naïvement la monarchie restaurée,--en

France, tout arrive,--voyait son Raoul,

non! son Godefroy de Neufontaine marié au Faubourg,

bien vu au château, puis, qui sait? tout près du trône,

[15]
avec une clef de chambellan dans le dos et un blason tout

battant neuf sur son argenterie et sur les panneaux de son

carrosse!... O sottise, sottise! Ainsi rêvait le parvenu

gorgé d'or, dans sa voiture qu'encombraient tous ces joujoux

achetés pour la Noël,--sans se rappeler, hélas! que

[20]
c'était, ce soir-là, la fête d'un très pauvre petit enfant, fils

d'un couple vagabond, né dans une étable, où l'on avait

logé ses parents par charité.


Mais le cocher a crié: «Port' siou p'ait!» On rentre à

l'hôtel; et, franchissant les degrés du perron, M. Godefroy

[25]
se dit qu'il n'a que le temps de faire sa toilette du soir,

lorsque, dans le vestibule, il voit tous ses domestiques, en

cercle devant lui, l'air consterné, et, dans un coin, affalée

sur une banquette, l'Allemande, qui pousse un cri en l'apercevant,

et cache aussitôt dans ses deux mains son

[30]
visage bouffi de larmes. M. Godefroy a le pressentiment

d'un malheur.


«Qu'est-ce que cela veut dire? Qu'y a-t-il?»


Charles, le valet de chambre,--un drôle de la pire espèce,

pourtant,--regarde son maître avec des yeux pleins

de pitié, et bégayant et troublé: «Monsieur Raoul!...


--Mon fils?...


[5]
--Perdu, monsieur!... Cette stupide Allemande!...

Perdu depuis quatre heures de l'après-midi!...»


Le père recule de deux pas en chancelant, comme un

soldat frappé d'une balle; et l'Allemand se jette à ses

pieds, hurlant d'une voix de folle: «Pardon!... Pardon!»

[10]
et les laquais parlent tous à la fois.


«Bertha n'était pas allée au parc Monceau... C'est

là-bas, sur les fortifications, qu'elle a laissé se perdre le

petit... On a cherché partout M. le directeur; on est allé

au Comptoir, à la Chambre; il venait de partir...

[15]
Figurez-vous que l'Allemande rejoignait tous les jours son

amoureux, au delà du rempart, près de la porte d'Asnières
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