Le Pays de l'Instar
XIII. — Pour dire son fait à Wagner
— Y a-t-il longtemps que votre petite fille apprend ? c’est un résultat extraordinaire.
— Ce n’est rien, tout à l’heure, si cela ne vous ennuie pas, elle vous jouera sa cavatine.
— Elle retient tout ce qu’elle entend.
— Je crois que tous les grands musiciens ont commencé très jeunes.
— Ce n’est pas seulement de commencer jeune, il faut être doué.
— Il y a des gens très intelligents qui n’ont jamais pu retenir une note de musique.
— Dans ces cas-là, je crois qu’il vaut mieux ne pas s’entêter.
— Je ne demande pas que ma fille soit une virtuose, mais simplement qu’elle puisse se rendre utile à l’occasion.
— Dans une soirée, quand la conversation languit, quand on ne sait plus quoi faire, un morceau de piano est toujours le bienvenu.
— Avec un piano, on ne s’ennuie jamais.
— Je n’exécute pas, mais j’ai toujours adoré la musique.
— Sous ce rapport, il faut dire qu’à Aubusson, avec les concerts militaires, la Société philharmonique et les troupes de passage, nous étions gâtés.
— L’ouverture de Poète et Paysan, Loin du Bal, et Carmen…
— Je n’ai jamais rien entendu de leur Wagner, et j’avoue à ma honte que je ne le regrette pas.
— Il paraît que la grande musique, c’est de la musique qu’on ne doit pas comprendre.
— Ce n’est plus de la musique, c’est de l’algèbre.
— Au fond, j’imagine que le difficile n’est pas de faire tant de bruit.
— Je me moque un peu que ça soit savant, si cela m’embête.
— Il y a les choses qui me plaisent, et les choses qui ne me plaisent pas.
— Moi, je dis que, lorsque je vais écouter des chanteurs, ce n’est pas pour avoir les oreilles cassées, ou pour sortir de là avec une migraine.
— Nous sommes de la vieille école.
— Les vieux maîtres avaient du bon.
— Nous n’avons pas le tempérament germanique.
— Je veux être pendu si, après l’audition de ces grandes machines, il vous en reste seulement quatre notes à chantonner le lendemain matin.
— Et puis, quand on compare ça, tenez, tout simplement avec une jolie valse de Métra !