Le Pays de l'Instar
XV. — Pour agiter les grands problèmes
— La paix universelle ne sera jamais qu’une utopie, généreuse sans doute, mais une utopie.
— Pour sentir vraiment ce qu’est la patrie, il suffit de voyager un peu à l’étranger.
— Je n’ai jamais quitté la France que pour faire un petit voyage circulaire en Suisse, et cela me faisait quelque chose de voir flotter un autre drapeau que le mien.
— La France est mieux qu’une expression géographique.
— Je suis le premier à reconnaître que le suffrage universel n’est pas sans défauts, mais que mettrez-vous à la place ?
— Ce n’est pas tout de démolir, il faut pouvoir reconstruire après.
— Je ne dis pas qu’il n’y ait certaines réformes à faire, mais il ne faut pas vouloir aller plus vite que les violons.
— Je suis partisan du progrès, ennemi des révolutions.
— Évolution et non révolution.
— Il y aura toujours des riches et des pauvres, parce qu’il y aura toujours des travailleurs et des fainéants, des hommes intelligents et des imbéciles.
— C’est très joli de faire des phrases, mais j’attends à l’œuvre Messieurs les théoriciens.
— Évidemment ce n’est ni vous ni moi qui nous laisserons prendre à un discours ou à un article de journal, mais il y a la masse des ignorants et des naïfs.
— Si ces gens-là ne sont pas convaincus, ce sont des criminels qu’on devrait poursuivre ; s’ils sont convaincus, ce sont des fous dangereux, et qu’on les enferme !
— En principe je suis avec Victor Hugo contre la peine de mort ; mais parfois la société a le droit, et le devoir, de se défendre.
— Croyez-vous que la criminalité diminuerait le jour où les hommes auraient perdu toute religion ?
— La première religion, c’est la religion du Bien et du Mal.
— Il n’y a pas de plus beau livre que la Bible.
— Appelez-la comme vous voudrez, mais il faut bien reconnaître l’existence d’une puissance mystérieuse qui nous dépasse et qui nous dirige.
— Religieux ne veut pas dire clérical.
— Je ne veux pas qu’on force les gens à aller à la messe, si ce n’est pas leur conviction, mais je n’admets pas davantage qu’on me défende d’y aller si j’en ai envie.
— J’ai peine à croire qu’il n’y ait aucune différence entre la nature d’un Gambetta ou d’un Pasteur, et celle d’un insecte, d’un brin d’herbe ou d’un caillou.
— Si vous supprimez l’immortalité de l’âme, m’aiderez-vous à vivre, en vivrai-je mieux et plus longtemps ?
— Tous autant que nous sommes, nous avons soif d’au-delà, nous avons besoin d’un peu d’idéal.