Le Pays de l'Instar
IV. — Pour jouer au bésigue
— On n’a pas besoin d’être joueur pour aimer les cartes.
— Faire un petit bésigue de temps en temps, ce n’est pas ce qui s’appelle être joueur.
— Moi, ça m’amuse autant de jouer deux sous que de jouer vingt francs.
— J’ai connu une époque où on faisait la forte partie au cercle du Commerce.
— Le capitaine Beaulieu sait ce que ça lui a coûté !
— Il y a de ces petits jeunes gens de la Préfecture qui y laissèrent quelques plumes.
— Un grand joueur devant l’Éternel…
— Un fervent de la dame de pique…
— Moi qui ne jouais pas, je les ai vus passer des nuits entières au baccara !
— Comme c’est agréable pour leurs femmes !
— Je ne vois pas le plaisir qu’on peut éprouver à perdre son argent.
— On perd la notion de l’argent.
— Je m’explique, à la rigueur, quand on a une très grosse fortune…
— Alors, qu’on aille à Vichy ou à Monaco.
— Encore une jolie invention, la roulette !
— J’ai perdu une fois vingt sous aux petits chevaux, mais j’ai bien juré qu’on ne m’y reprendrait plus.
— Et dire qu’il y a des gens qui se passionnent !
— Quand Mme Gombaud est assise là, elle y laisserait sa dernière chemise !
— C’est peut-être encore plus vilain chez une femme que chez un homme !
— Je conçois le jeu comme une distraction ; rien de plus.
— Si on joue des mille et des cents, ce n’est plus une distraction.
— Au lieu qu’un petit bésigue, ou un piquet à quatre, pour s’occuper les mains, sans se faire de mal…
— Et c’est encore la façon la plus intelligente de passer la soirée.