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Les confessions de saint Augustin, évêque d'Hippone: précédées de sa vie par S. Possidius, évêque de Calame... ; traduction nouvelle par L. Moreau

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VIE DE SAINT AUGUSTIN
ÉVÊQUE D’HIPPONE

PAR SAINT POSSIDIUS
ÉVÊQUE DE CALAME, SON DISCIPLE ET SON AMI

L’inspiration de Dieu, créateur et ordonnateur de toutes choses, et la pensée toujours présente de consacrer, moyennant la grâce du Sauveur, au service de la toute-puissante et divine Trinité, d’abord dans la vie laïque, et aujourd’hui dans le ministère de l’épiscopat, ce qui m’a été donné de lumières et d’éloquence, afin de contribuer à l’édification de la sainte et véritable Église de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’Église catholique, me font un devoir de révéler, touchant la vie et les mœurs de celui que la prédestination divine appela dans le temps marqué au sacerdoce, le saint prêtre Augustin, ce que j’ai pu voir de mes yeux ou entendre de sa propre bouche. Plusieurs de nos frères en notre sainte mère l’Église catholique nous ont laissé de semblables exemples, quand, cédant au souffle de l’Esprit saint, ils ont, soit de vive voix, soit par la plume, transmis à la pieuse curiosité des fidèles les actes de ceux qu’une commune grâce du Seigneur a faits si grands parmi les hommes et qui ont mérité de persévérer jusqu’à la fin. Ainsi je viens à mon tour, moi, le dernier des dispensateurs de la parole, je viens avec une foi sincère, cette foi jalouse de servir et de plaire au Seigneur des Seigneurs et aux âmes fidèles, rappeler l’origine, la vie et la fin de cet homme vénérable, ce que j’ai recueilli de lui-même, les faits dont j’ai été le témoin en cette longue suite d’années passées dans son intimité ; et ce n’est qu’autant que Dieu me prêtera son aide, que j’entreprends cette œuvre. Je prie toutefois la suprême Majesté pour qu’elle me donne de l’accomplir sans offenser la vérité du Père des lumières et sans offrir à la charité des fidèles enfants de l’Église le moindre sujet d’alarmes. Je ne rappellerai pas ici tout ce que le bienheureux Augustin, dans ses Confessions, raconte de lui-même, ce qu’il avait été avant de recevoir la grâce et ce qu’il devint après l’avoir reçue. Il voulut rendre ce public témoignage, de peur que, selon l’expression de l’apôtre[1], quelqu’un ne l’estimât au-dessus de ce qu’il se savait être, ou de ce que ses paroles faisaient connaître de lui ; suivant les voies de l’humilité sainte, ne voulant tromper personne, mais cherchant dans le bienfait de sa propre délivrance et dans les grâces qu’il avait déjà reçues la gloire de son Seigneur, non la sienne, et demandant les prières de ses frères pour les faveurs qu’il désirait encore. Car, d’après le témoignage de l’ange, « il est bon de tenir caché le secret du roi, mais il est glorieux de révéler et de publier les œuvres du Seigneur[2] ».

[1] II Cor., XII, 6.

[2] Tob., XII, 7.

I
Premières années. Conversion et baptême de saint Augustin.

Augustin était de la province d’Afrique, de la cité de Tagaste. Né d’une famille curiale et chrétienne[3], ses parents n’épargnèrent rien, ni soins, ni dépenses, pour l’élever et l’instruire. Il fut profondément initié à la connaissance des lettres humaines et de tous les arts que l’on appelle libéraux. Car lui-même enseigna d’abord la grammaire dans sa ville natale, puis la rhétorique dans la capitale de l’Afrique, à Carthage ; plus tard, il alla professer outre-mer, à Rome, et à Milan[4], où l’empereur Valentinien II tenait sa cour. Alors aussi, dans cette ville, les fonctions épiscopales étaient remplies par un grand serviteur de Dieu, homme éminent entre les meilleurs, le pontife Ambroise. Assistant dans l’église avec le peuple aux fréquentes conférences de ce saint prédicateur de la parole de Dieu, il demeurait comme attaché et suspendu à ses lèvres. Séduit dès sa première jeunesse par l’erreur des Manichéens, il donnait aux discours de l’évêque une attention plus inquiète qu’aucun autre auditeur, écoutant s’il ne se dirait rien qui favorisât ou qui combattît cette hérésie. Et la clémence divine, qui voulait sa délivrance, vint au-devant de ces perplexités. Elle conduisit le cœur de son serviteur à résoudre incidemment certaines objections que les hérétiques élevaient contre la loi. Ces enseignements inattendus, suggérés par la divine miséricorde, bannirent peu à peu cette erreur de l’esprit d’Augustin ; et bientôt, raffermi dans la foi catholique, il sentit naître en lui cette amoureuse ardeur d’avancer dans la religion, en sorte qu’à l’approche des saints jours de Pâques[5], il reçut l’eau du salut. Et la céleste miséricorde voulut encore que ce fût par le ministère de ce grand et saint pontife Ambroise qu’il reçût à la fois la doctrine salutaire de l’Église catholique et le sacrement régénérateur.

[3] L’an 354, ides de novembre, Constantin Aug. VII et Constantin César III, consuls.

[4] L’an 383 et 384.

[5] 24 avril, l’an 387.

II
Il prend la résolution de servir Dieu.

Bientôt converti à Dieu du plus profond de son cœur, il abjura toute espérance dans le siècle. Ce qu’il a recherché jusqu’alors, une femme, des enfants, des richesses, des honneurs suivant le monde, il renonce à tout pour se vouer avec les siens au service de Dieu, jaloux d’appartenir à ce petit troupeau auquel le Seigneur adresse cette parole : « Ne craignez pas, petit troupeau ; car il a plu à votre Père de vous donner son royaume. Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumônes ; faites-vous une bourse qui ne vieillisse point et un trésor dans le ciel qui ne s’épuise point, etc.[6] ». Jaloux de pratiquer cet autre conseil du Seigneur : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi[7] » ; jaloux enfin d’élever sur le fondement de la foi, non pas un édifice de bois, de foin et de paille, mais un édifice d’or, d’argent et de pierres précieuses. Et il était alors âgé de plus de trente ans, n’ayant plus que sa mère, toujours près de lui et plus heureuse de cette résolution de servir Dieu embrassée par son fils qu’elle ne l’eût été des enfants de sa chair. Son père était déjà mort. Il déclara en même temps à ses disciples qu’ils eussent à se pourvoir d’un autre maître, parce que lui-même se destinait au service de Dieu.

[6] Luc, XII, 32.

[7] Matth., XIX, 21.

III
Sa retraite.

Après avoir reçu la grâce du baptême avec plusieurs de ses concitoyens et de ses amis dévoués comme à lui servir Dieu, il repasse en Afrique[8] et revient à sa maison et à sa terre. Il y demeura près de trois ans ; désormais étranger aux soins du siècle, vivant avec ses compagnons, pour Dieu, dans le jeûne, la prière, les bonnes œuvres, et méditant la loi du Seigneur jour et nuit. Toutes les lumières que Dieu révélait à son intelligence dans la méditation ou l’oraison, il les communiquait aux présents et aux absents, par ses discours et par ses écrits. Vers ce temps, il y avait à Hippone un de ces officiers qu’on appelle agents des affaires, bon chrétien et craignant Dieu, qui, sur le bruit des vertus et de la science d’Augustin, désirait passionnément le voir, promettant qu’il pourrait mépriser toutes les passions et toutes les séductions du monde s’il avait le bonheur d’entendre de sa bouche la parole de Dieu. Informé de ce désir par un récit fidèle, jaloux de délivrer une âme des périls de cette vie et de la mort éternelle, Augustin vint sur-le-champ à Hippone, alla trouver cet homme et, de toutes les forces que Dieu lui donna, l’exhorta dans de fréquents entretiens à s’acquitter de son vœu envers Dieu. Celui-ci promettait de jour en jour ; il allait le faire, et cependant il ne fit rien alors pendant le séjour d’Augustin. Toutefois il est impossible qu’un vase si précieux, vase pur, vase d’honneur utile au Seigneur et prêt à toute bonne œuvre, qui servait en tout lieu aux desseins de la divine Providence, n’ait été qu’un instrument vain et stérile.

[8] Août ou septembre, l’an 388.

IV
Il est élevé au sacerdoce.

A cette époque, l’Église catholique d’Hippone était gouvernée par le saint évêque Valérius. Le besoin de son Église réclamait de lui l’ordination d’un nouveau prêtre, et il en parlait avec instance au peuple de Dieu. Saint Augustin, dans sa sincérité, ignorant ce qui allait arriver, assistait à ce discours, mêlé avec le peuple : car, nous disait-il, il avait coutume étant laïque de ne se tenir éloigné que des Églises qui n’avaient pas d’évêque. Or, les catholiques, qui connaissaient son dessein et sa science, se saisirent de lui et, comme il arrive en pareille circonstance, ils l’amenèrent de force à l’évêque pour l’ordonner, tous le demandant d’un accord unanime, avec une extrême ardeur et de grands cris. Lui, cependant, versait des larmes abondantes. Quelques-uns attribuaient ces larmes à l’orgueil, et ils croyaient le consoler en lui disant que le rang de simple prêtre, quoiqu’il fût digne d’un rang plus élevé, l’approchait néanmoins de l’épiscopat. Mais c’était une pensée plus haute qui faisait gémir l’homme de Dieu, comme il nous l’a rapporté lui-même, sur le nombre et la grandeur des périls auxquels le gouvernement d’une Église dévouait sa vie. Toutefois le désir des fidèles s’accomplit à leur gré.

V
Il établit un Monastère.

Ainsi devenu prêtre[9], il institua bientôt un monastère dans l’enceinte de l’église, et voulut vivre avec les serviteurs de Dieu, suivant la tradition et la règle établies par les saints apôtres. La première condition était de ne rien posséder en propre, que tout fût en commun et qu’il fût distribué à chacun selon ses besoins. C’est ce que lui-même avait fait le premier au retour de son voyage d’outre-mer. Or, le saint évêque Valérius, homme pieux et craignant Dieu, tressaillait de joie et rendait grâce à la miséricorde divine d’avoir exaucé les prières qu’il lui avait si souvent adressées pour qu’un tel homme lui fût accordé, qui pût édifier l’Église du Seigneur par la parole de Dieu et la doctrine du salut : ministère qu’il se sentait moins capable de remplir, étant Grec de naissance et peu versé dans les lettres latines. Il donna donc pouvoir au nouveau prêtre de prêcher souvent l’Évangile dans l’Église en sa présence, contre l’usage des Églises d’Afrique : aussi plusieurs autres évêques l’en blâmaient. Mais cet homme vénérable et prudent, assuré que cette coutume était en vigueur dans les Églises d’Orient, et ne cherchant que l’utilité de l’Église, dédaigna les paroles malveillantes ; il lui suffit que le prêtre exerçât un ministère dont, évêque, il se sentait incapable de s’acquitter. Ainsi fut allumée, et ardente, élevée sur le chandelier, cette lampe qui ne brillait que dans l’intérieur de la maison. Et bientôt la renommée s’en répandit partout, et sur un si bon exemple, plusieurs prêtres, du consentement de l’autorité épiscopale, annoncèrent aux peuples devant l’évêque la parole de Dieu.

[9] L’an 391.

VI
Conférence avec Fortunatus, manichéen.

Le fléau de l’hérésie manichéenne régnait dans la ville d’Hippone ; un grand nombre d’habitants, citoyens ou étrangers, en étaient infectés, séduits par un prêtre manichéen nommé Fortunatus, qui résidait dans Hippone. Les citoyens et les étrangers, tant catholiques que Donatistes, vinrent trouver le prêtre Augustin et le prièrent de voir cet hérétique qu’ils tenaient pour savant, et de conférer avec lui sur la doctrine de la foi. Lui, toujours prêt, comme il est écrit, « à rendre à tout venant raison de la foi et de l’espérance qui est en Dieu, puissant à enseigner selon la doctrine et à réduire les contradicteurs de la vérité[10] », ne refusa pas ; mais il demanda si Fortunatus le voulait aussi. On alla aussitôt le demander à Fortunatus, ou plutôt l’exhorter et le presser de ne pas refuser la conférence. Comme il avait déjà connu saint Augustin à Carthage, lorsqu’il était engagé dans les mêmes erreurs, il tremblait d’entrer en lutte avec lui ; mais, vaincu surtout par les instances des siens et craignant la honte d’un refus, il promit de se rendre à la conférence et de courir les chances du combat. Au jour et au lieu convenus[11], ils se réunirent. Un auditoire nombreux y accourut, gens de savoir ou multitude curieuse ; les notaires ouvrirent leurs tablettes, et la conférence, immédiatement commencée, fut terminée le lendemain. Le maître manichéen, les actes de la conférence en font foi, fut également impuissant à renverser la doctrine catholique et à prouver que la secte manichéenne avait la vérité pour base. Il finit par manquer de réponse, et dit qu’il consulterait avec les plus savants de sa secte sur les difficultés qu’il n’avait pu résoudre ; et que s’ils ne réussissaient pas à le satisfaire, il songerait aux intérêts de son âme. Ainsi, au jugement de ceux qui avaient le plus d’estime de sa science et de sa capacité, il fut convaincu d’impuissance à soutenir son hérésie. Ne pouvant souffrir une confusion si publique, il ne tarda pas à quitter Hippone, où il ne revint jamais depuis. Ainsi, par le zèle de l’homme de Dieu, tous ceux qui assistèrent à cette conférence ou qui, absents, en connurent les actes, dégagèrent leur âme de l’erreur manichéenne et embrassèrent la foi pure de l’Église catholique.

[10] I Petr., III, 15 ; Tit., I, 9.

[11] 5 kal. septemb., dans les bains de Sossius ; Arcadius Aug. II et Ruff., consuls.

VII
Zèle de saint Augustin contre les ennemis de la foi.

Et lui, soit en particulier, soit en public, dans sa maison ou dans l’église, enseignait et prêchait la parole du salut, avec toute confiance, contre les hérésies répandues en Afrique, et surtout contre les Donatistes, les Manichéens et les païens ; ses ouvrages, ses sermons improvisés jetaient les chrétiens dans des transports ineffables d’admiration et de joie. Loin de s’en taire, ils publiaient partout leurs sentiments. Ainsi, avec l’aide du Seigneur, l’Église catholique commença à relever la tête en Afrique, séduite depuis trop longtemps et opprimée par les hérésies qui s’y étaient enracinées, et surtout par la secte des Donatistes, qui avaient rebaptisé la plus grande partie des habitants de l’Afrique. Et ces livres ou traités qui, par une admirable grâce de Dieu, se succédaient et se répandaient avec rapidité, étaient reçus à l’envi par les hérétiques et par les catholiques ; ils rivalisaient d’ardeur pour les entendre. Et chacun, suivant son désir ou son pouvoir, employait la plume des notaires pour recueillir même les discours du saint. Ainsi se répandit bientôt par tout le corps de l’Afrique la pure doctrine et l’odeur exquise de Jésus-Christ ; et l’Église d’outre-mer en tressaillit d’allégresse ; car, « la souffrance d’un seul membre fait souffrir tous les autres membres » ; et de même « si l’un des membres reçoit de l’honneur, tous les autres membres s’en réjouissent avec lui[12] ».

[12] I Cor., XII, 26.

VIII
Il est élevé à l’épiscopat, du vivant de Valérius.

Mais le bienheureux vieillard Valérius, triomphant plus que personne, et, dans sa joie, rendant grâce à Dieu de cette faveur toute particulière qu’il lui accordait, ne tarda pas à craindre (ô infirmité de l’âme humaine !) qu’une autre Église, privée de pasteur, ne lui enlevât Augustin pour l’élever à l’épiscopat. Ce qui fût arrivé, si Valérius, instruit à temps, n’eût envoyé le saint en un lieu caché qui le déroba à toutes les recherches. Cette expérience redoubla encore les inquiétudes de ce vieillard vénérable, qui, se voyant faible de corps et d’âge, écrivit secrètement au primat, évêque de Carthage, alléguant ses infirmités et le poids de la vieillesse, et le conjurant de permettre l’ordination d’Augustin à l’évêché d’Hippone, pour être non seulement son successeur, mais le compagnon de son siège et de son épiscopat. Il reçut une réponse favorable à ses désirs et à ses vives instances. Quelque temps après, sur sa demande, Mégalius, évêque de Calame et primat de Numidie, venant visiter l’église d’Hippone, Valérius déclara aux évêques qui se trouvèrent présents, au clergé d’Hippone et à tout le peuple, son intention jusqu’alors inconnue. Cette proposition est accueillie de tous les assistants avec des transports de joie ; tous témoignent à grands cris leur impatience d’en voir l’accomplissement. Mais l’humble prêtre refuse de recevoir l’épiscopat, contre l’usage de l’Église, du vivant de l’évêque. On lui assure que cette coutume est reçue, et des exemples empruntés aux églises d’Afrique et d’entre-mer triomphent enfin de sa résistance. Il consent malgré lui à accepter la charge et l’ordination supérieure de l’épiscopat[13]. Mais il a dit depuis et écrit qu’on n’aurait pas dû en agir ainsi pour lui, l’ordination d’un successeur, du vivant de l’évêque, étant défendue par un concile général. Il ne connut cette règle qu’après son ordination, et dans la suite il ne voulut pas qu’on fît pour d’autres ce qu’il souffrait avec peine qu’on eût fait pour lui. Aussi, eut il soin que cette règle fût établie dans les conciles, que lorsqu’un prêtre serait ordonné ou sur le point de l’être, l’ordinant lui donnerait connaissance de tous les décrets des pères.

[13] Vers l’an 395, Olibrius et Paulinus, consuls.

IX
Il combat les Donatistes.

Évêque, ce fut avec plus de zèle encore, avec plus de ferveur et d’autorité, qu’il annonçait, non dans un seul pays, mais partout où on l’en priait, la parole du salut, à la joie et à l’accroissement de l’Église ; toujours prêt à rendre raison de la foi et de l’espérance qui est en Dieu. Ses paroles ou les copies qu’on en recueillait étaient portées aux évêques donatistes par les Donatistes d’Hippone ou des cités voisines. Lorsque les évêques, à leur tour, s’exprimaient contre la doctrine du saint, ou ils étaient réfutés par leurs peuples, ou leurs réponses étaient portées à saint Augustin. Il en prenait connaissance, et travaillant « avec patience, avec douceur », et, comme il est écrit, « avec crainte et tremblement, au salut de tous[14] », il montrait toute l’impuissance de la volonté et des efforts de ses adversaires pour détruire ce que l’Église établit et enseigne. Telle était l’occupation de ses jours et de ses nuits. Car il écrivait en particulier aux évêques et aux laïques les plus considérables de ce parti pour leur ouvrir les yeux sur leur égarement, pour les exhorter à abjurer cette erreur, ou du moins à entrer en discussion avec lui. Eux, au contraire, se défiant de leur propre cause, ne voulurent jamais lui répondre, sinon par des paroles injurieuses, des cris de fureur, l’appelant en public et en particulier séducteur et corrupteur des âmes, loup ravissant, qu’il fallait tuer pour le salut de leur propre troupeau, et qu’infailliblement celui qui le tuerait pourrait obtenir de Dieu la rémission de tous ses péchés : c’est ainsi qu’ils foulaient aux pieds et la crainte de Dieu et la honte humaine[15]. Pour lui, il travailla à mettre au jour leur défiance en leur propre cause. Convoqués à une conférence publique, ils n’osèrent s’y rendre.

[14] Philipp., II, 12.

[15] An 403.

X
Fureur des Circoncellions.

Les Donatistes avaient aussi dans presque toutes leurs églises une certaine espèce d’hommes, monstres de violence et de perversité, qui, sous prétexte de professer la continence, se répandaient partout. On les appelait Circoncellions. Ils étaient nombreux et établis dans presque toutes les provinces de l’Afrique. Séduits par des docteurs d’iniquité, dans l’emportement de leur orgueil et de leur témérité, contre toute justice, ils défendaient aux citoyens de poursuivre leurs droits ou leurs créances ; la désobéissance à leurs ordres était suivie des plus cruels traitements. On les voyait, munis de toutes sortes d’armes, courir comme des forcenés, ravageant les terres, pillant les villes ; leur fureur allait jusqu’à l’effusion du sang. Et lorsque la prédication assidue de la parole de Dieu cherchait à traiter de la paix avec les ennemis de la paix, ils interrompaient par des brutalités gratuites les paroles de conciliation. Cependant la vérité, contraire à leur secte, se répandait, et ceux qu’elle ramenait s’arrachaient ou se dérobaient, suivant leur pouvoir, à la tyrannie de ces sectaires, pour se réunir autant que possible en groupes, à la paix et à l’unité de l’Église. Ceux-ci, voyant s’éclaircir les rangs de l’erreur et jaloux de l’accroissement de l’Église, ne mirent plus de limites à leur fureur ; ils se rallièrent pour déchirer par d’horribles persécutions le sein de l’Église ; les prêtres et les ministres catholiques étaient jour et nuit en butte à leurs agressions et à leurs brigandages. Ils versèrent le sang d’un grand nombre des serviteurs de Dieu. Ils jetèrent dans les yeux de quelques-uns de la chaux détrempée avec du vinaigre ; ils en égorgèrent d’autres. Ces Donatistes ou Rebaptisants devenaient pour leur parti même un objet d’horreur.

XI
Progrès de l’Église.

Or, à la faveur de ces progrès de la vérité, ceux qui servaient Dieu dans le monastère sous saint Augustin, et avec lui, commencèrent à être ordonnés pour l’église d’Hippone. Et plus tard, la prédication de la doctrine catholique se répandant de jour en jour avec plus d’éclat, avec la renommée de la sainte règle des serviteurs de Dieu, de leur continence et de leur pauvreté profonde, on demanda avec instance au monastère institué et développé par le saint des prêtres et des évêques. On les obtint et c’est par eux que la paix et l’unité de l’Église commença, et enfin s’établit. Car j’en connais environ dix, hommes saints et vénérables, soit par l’austérité de leur vie, soit pour l’étendue de leur science, que le bienheureux Augustin a donnés à plusieurs Églises, à quelques-unes même des plus considérables qui les lui demandaient. Ceux-ci, élevés dans la sainte profession des moines, fondèrent à leur tour des monastères, et, jaloux de l’édification du Verbe de Dieu, ils donnèrent aux autres Églises plusieurs de ces frères élevés au sacerdoce. Ainsi la science salutaire de la foi, de l’espérance et de la charité de l’Église se propageant en plusieurs et par plusieurs, et par les ouvrages que le saint publiait et que l’on traduisait en grec, c’est d’un seul homme que, non seulement dans toute l’étendue de l’Afrique, mais encore au delà des mers, la piété et la science se répandaient, avec l’aide de Dieu. Et le méchant, selon la parole de l’Écriture, « voyait cela avec rage ; il grinçait les dents, il se consumait de fureur[16] ». Mais les serviteurs de Dieu « étaient pacifiques envers les ennemis de la paix ; et tandis qu’ils en parlaient, ceux-ci ne songeaient qu’à les attaquer[17] ».

[16] Ps. CXI, 10.

[17] Ps. CXIX, 7.

XII
Saint Augustin miraculeusement préservé des pièges de ses ennemis.

Souvent ces mêmes Circoncellions se postèrent en armes sur les chemins où devait passer le serviteur de Dieu, quand, ce qui arrivait fréquemment à la prière des peuples catholiques, il allait les visiter, les instruire et les exhorter. Aussi, souvent la victime échappa à leur fureur ; une fois entre autres, par la providence de Dieu et par l’erreur d’un guide, le saint prêtre et ses compagnons arrivèrent à leur destination par un autre chemin. Ils apprirent ensuite que cette erreur les avait dérobés aux mains homicides.

En toutes ces circonstances, il rendit grâce à Dieu, son libérateur, et ses ennemis, suivant leur coutume, n’épargnèrent, dans leur rage, ni ecclésiastiques, ni séculiers, comme les actes publics l’attestent.

Ici, il ne faut point passer sous silence ce que le zèle de cet homme si grand dans l’Église accomplit, pour la gloire de Dieu et de sa maison, contre ces Donatistes rebaptisants. Un de ces évêques, sorti du monastère et du clergé de saint Augustin, visitait un lieu dépendant de l’église de Calame, son diocèse, pour combattre l’hérésie et distribuer la doctrine de la paix qu’il avait apprise. Au milieu du chemin, il tomba dans les embûches des Donatistes, qui fondirent sur lui et sur compagnons, lui enlevèrent ses chevaux et ses bagages, en le chargeant d’outrages et de coups[18]. Mais, de peur que ces violences ne retardassent le progrès de la paix de l’Église, le défenseur de l’Église ne crut pas devoir se taire en présence des lois ; et Crispinus, évêque de la même cité de Calame, dès longtemps célèbre parmi ceux de sa secte, et regardé comme savant, fut tenu de payer l’amende portée par les lois contre les hérétiques. Celui-ci refusa de se soumettre à la loi ; il comparut devant le proconsul, et soutint qu’il n’était pas hérétique. Le défenseur de l’Église se retirant devant cette allégation, ce fut à l’évêque catholique d’insister et de le convaincre. La tolérance en ce cas eût donné lieu de croire que cet hérétique, niant qu’il le fût, était un évêque catholique ; d’où il eût résulté un scandale pour les faibles. L’illustre évêque Augustin pressait l’affaire de tout son pouvoir, et les deux évêques de Calame en vinrent à une conférence : les débats s’engagèrent à trois reprises sur le différend entre les deux communions ; une immense multitude chrétienne attendait, à Carthage et dans toute l’Afrique, quelle serait l’issue de cette affaire. Crispinus fut déclaré hérétique par sentence écrite du proconsul[19]. L’évêque catholique intercéda en sa faveur auprès du juge pour que la peine de l’amende fût remise à son adversaire ; il lui obtint cette grâce. Celui-ci, par une singulière ingratitude, voulut en appeler au prince ; et la réponse de l’empereur à cet appel fut que les hérétiques donatistes n’étaient l’objet d’aucune exception, et qu’ils devaient être tenus partout à la rigueur des lois portées contre les autres hérétiques ; que non seulement Crispinus, mais le juge même et les officiers de justice, pour inexécution de la loi, acquitteraient chacun aux droits du fisc la somme de dix livres d’or. Néanmoins les évêques catholiques, et particulièrement Augustin, de sainte mémoire, poursuivirent encore la remise de cette amende, et, avec l’aide de Dieu, ils l’obtinrent de l’indulgence du prince. Ce zèle si saint et si charitable contribua beaucoup à l’accroissement de l’Église.

[18] S. Possidius lui-même.

[19] An 403, époque où, sous le IIe consulat de Stilicon et sous le consulat d’Anthémius, la loi contre les Donatistes fut portée à Ravenne, ides de décembre.

XIII
Paix de l’Église.

Et pour la part qu’il prit à la paix de l’Église, le Seigneur donna en cette circonstance la palme à Augustin, lui réservant en lui-même la couronne de justice. Ainsi, de jour en jour, avec l’aide de Jésus-Christ, s’accroissait et s’étendait de plus en plus l’unité et la fraternité de l’Église. Et ce résultat fut particulièrement remarquable après la conférence générale tenue peu de temps après[20] à Carthage entre les évêques catholiques et les évêques donatistes, par l’ordre du très glorieux et très religieux empereur Honorius, qui envoya de sa cour en Afrique le tribun et notaire Marcellin, pour présider et juger. Dans cette conférence, les donatistes, réfutés sur tous les points et convaincus d’erreur par les catholiques, furent réprouvés par la sentence du juge, et, après leur appel, justement condamnés comme hérétiques par rescrit du très pieux empereur. Aussi les évêques qui, avec leur clergé et leurs peuples, s’étaient réunis et avaient embrassé la communion des catholiques, eurent-ils à souffrir de nouvelles persécutions, la mutilation et la mort même, de la part des schismatiques. Or, je le répète, ce fut par le ministère de ce saint homme, aidé du concours et du zèle de nos évêques, que ce bien put s’entreprendre et s’accomplir.

[20] L’an 411, après le consulat de Varanus, kalend. juin. 3. non. et 6 id. du même mois.

XIV
Eméritus, évêque donatiste, confondu.

Mais, après cette conférence, plusieurs ne manquèrent pas de dire que les évêques donatistes n’avaient pas eu la permission d’exposer tous leurs moyens de défense auprès de l’autorité qui devait les entendre, parce que le juge, appartenant à la communion catholique, favorisait son Église. Quoique ces plaintes ne fussent qu’une vaine et dernière excuse de leur défaite, puisque avant les débats ils savaient que le juge était catholique, et qu’ils avaient promis de prendre part à la conférence où il les convoquait par des actes publics, quand ils pouvaient s’y refuser s’il leur était suspect, cependant il advint, par une providence particulière du Tout-Puissant, qu’Augustin, de vénérable mémoire, étant appelé à Césarée[21] par des lettres du siège apostolique, avec plusieurs autres évêques, pour mettre ordre à certaines affaires urgentes, il vit l’évêque donatiste de cette ville, Eméritus, qui à la conférence de Carthage s’était signalé dans la défense de sa secte, et disputa publiquement dans l’église contre lui en présence d’un grand nombre de témoins de communions différentes, les provoquant à une conférence ecclésiastique, afin que toutes ces raisons, qu’il n’avait pas eu, disait-il, la permission d’exposer dans le débat de Carthage, il voulût bien les donner en ce moment, où l’absence d’une autorité séculière lui laissait toute liberté et toute sécurité ; que, dans sa propre cité, en présence de ses concitoyens, il ne refusât pas de défendre avec confiance sa communion. Ces exhortations furent vaines, et les instances de ses parents et de ses concitoyens, qui lui promettaient de revenir à lui au risque même de leurs biens et de leur salut temporel, s’il parvenait à triompher des doctrines catholiques. Mais il ne voulut ni ne put rien dire que cette parole : « Les actes de la conférence de Carthage témoignent si nous avons été vainqueurs ou vaincus ». Ensuite, invité par le notaire à répondre, il se tut, et ce silence, qui manifesta sa défiance en sa propre cause, affermit et augmenta le progrès de l’Église de Dieu. Or, quiconque voudra pleinement connaître le zèle ardent d’Augustin, de bienheureuse mémoire pour la prospérité de l’Église de Dieu, qu’il parcoure ces actes, et il verra tout ce que le saint a mis d’éloquence et d’adresse pour provoquer à la discussion son savant et éloquent adversaire ; de quelles instances il le pressa pour qu’il prît, comme il l’entendrait, la défense de son parti : il reconnaîtra bientôt qu’Eméritus a été vaincu[22].

[21] Alger.

[22] Honorius XII et Theod. VIII, consuls, 12 kal. octob., l’an 418, dans l’église principale d’Alger.

XV
Conversion de Firmus.

Je me souviens, et plusieurs autres frères et serviteurs de Dieu, vivant comme nous avec le saint homme dans l’Église d’Hippone, se souviennent aussi qu’un jour, à table, il nous dit : « Avez-vous fait attention à mon discours d’aujourd’hui ? Avez-vous remarqué que le commencement et la fin ont procédé contre mon habitude, c’est-à-dire que, loin de développer le sujet que j’avais proposé, je l’ai brusquement interrompu ? » Nous lui répondîmes qu’en effet nous l’avions remarqué sur l’heure avec étonnement. Je crois, reprit-il, que dans le peuple de Dieu il se trouvait quelque âme égarée qu’au moyen de mon oubli et de mon propre égarement le Seigneur aura voulu enseigner et guérir, lui qui dispose à son gré et de nous et de nos paroles. En effet, comme je scrutais les difficultés de mon sujet, j’ai passé rapidement à un autre, en sorte que, sans avoir résolu ou même développé la question posée d’abord, j’ai fini mon discours en me laissant aller à disputer contre l’erreur des Manichéens, dont je n’avais aucun dessein de parler. Et le lendemain même, si je ne me trompe, ou deux jours après, un commerçant, nommé Firmus, vint trouver saint Augustin dans le monastère où nous étions réunis ; il se jette à genoux à ses pieds, fondant en larmes, et le conjurant de prier avec sa sainte famille le Seigneur pour lui. Il lui avoue en même temps qu’il a suivi la secte des Manichéens ; qu’il y a demeuré de longues années, ayant inutilement donné beaucoup d’argent à ces Hérétiques ou à ceux qu’ils appellent Élus ; mais que, par la miséricorde de Dieu, un des derniers sermons d’Augustin l’a converti et rendu catholique. Le vénérable Augustin et nous tous présents, lui demandons ce qui l’avait particulièrement satisfait dans ce sermon ; il nous le dit, et repassant dans notre mémoire la suite de ces paroles, nous glorifiâmes le saint nom de Dieu, et nous admirâmes, en les bénissant, la profondeur de ses desseins pour le salut des âmes, qu’il opère quand il lui plaît, par où il lui plaît et comme il lui plaît, au su et l’insu de ceux dont il se sert. Dès lors, cet homme embrassa la règle des serviteurs de Dieu, renonça au commerce, et fit de grands progrès dans la perfection entre tous les membres de l’Église. On le demanda dans un autre pays pour être élevé au sacerdoce ; dignité qu’il fut obligé de recevoir malgré toute sa résistance. Il conserva toujours inviolablement la sainteté de la profession monastique. Peut-être est-il encore vivant au pays d’outre-mer.

XVI
Crimes des Manichéens.

A Carthage aussi, par les soins d’un procurateur du palais impérial, nommé Ursus, et attaché la foi catholique, on arrêta quelques-uns de ceux que les Manichéens appellent Élus, hommes et femmes. Ils furent conduits à l’église, et en présence des notaires interrogés par les évêques. Du nombre de ceux-ci était Augustin, de sainte mémoire, qui, connaissant mieux que les autres cette exécrable secte, et dévoilant d’après les livres reconnus par les Manichéens leurs blasphèmes abominables, les amena à en faire l’aveu ; et il tira même de ces femmes Élues la déclaration des impuretés qu’ils commettaient entre eux : déclaration qui fut consignée dans les actes ecclésiastiques. Ainsi, la vigilance des pasteurs donna un nouvel accroissement au troupeau du Seigneur, et fournit de nouvelles armes contre les voleurs et les loups ravissants. Il eut encore une conférence publique dans l’église d’Hippone, en présence des notaires et du peuple, avec Félix, Manichéen et du nombre des Élus, et après deux ou trois séances, ce Manichéen, reconnaissant la vanité et l’erreur de sa secte, se convertit à la foi de l’Église. On peut, d’ailleurs, relire les actes où ces faits sont attestés.

XVII
Le comte Pascentius, arien, confondu. Conférence avec Maximin, évêque arien.

Il eut encore à combattre un certain Pascentius, comte de la maison royale, Arien, rigide exacteur du fisc, et qui profitait de son autorité pour attaquer la foi catholique, pour tourmenter et troubler, par ses railleries et son pouvoir, les prêtres de Dieu vivant dans la simplicité de la foi. Augustin, qu’il provoquait, eut, à Carthage, une conférence avec lui en présence de témoins honorables et d’un rang élevé. Mais, comme notre saint demandait avec instance, avant et pendant les débats, la présence des notaires pour prendre acte de la conférence, son adversaire s’y refusa absolument, disant que la crainte des lois l’empêchait d’exposer ses paroles au danger d’une constatation par écrit. L’évêque Augustin, voyant que les arbitres et les autres évêques ses collègues consentaient à un simple entretien de vive voix, entra en matière, non sans prédire, ce qui arriva en effet, qu’après la séance levée, il serait libre à chacun de prétendre avoir dit ou n’avoir pas dit certaine parole, sans qu’on pût opposer le témoignage des écritures publiques. Il engagea donc la dispute, exposa les principes de sa foi et entendit la profession de foi de son adversaire ; il prouva, par la saine raison et par l’autorité des saintes Écritures, la solidité des fondements de notre foi, et démontra que les opinions de Pascentius étaient destituées et de toute vérité et de toute autorité canonique. Aussi, dès que l’on se fut séparé, Pascentius, outré de fureur, et débitant beaucoup de mensonges à son avantage et au profit de ses vaines croyances, se proclamait vainqueur de cet Augustin dont les louanges retentissaient partout. Comme ces propos n’étaient point secrets, saint Augustin fut obligé d’écrire à Pascentius, en taisant, par crainte de son autorité, les noms de ceux qui l’avaient prévenu. Dans ces lettres, il rappelle exactement à son adversaire ce qui s’est dit ou fait dans la conférence : et s’il eût voulu nier, le saint avait, pour prouver ce qu’il avançait, autant de témoins qu’il s’était trouvé cette assemblée d’hommes illustres et honorables. Aux deux lettres d’Augustin, Pascentius répondit à peine par une seule, où il trouva plutôt des injures contre le saint que des arguments raisonnables en faveur de sa secte ; ce qui sera prouvé pour quiconque aura la volonté ou le pouvoir de lire cette lettre.

Il eut une autre conférence avec un évêque arien, Maximin, venu en Afrique avec les Goths. Cette conférence, que le saint accorda aux désirs et aux prières d’un grand nombre, eut lieu à Hippone en présence de témoins honorables ; et ce qui se dit de part et d’autre fut écrit. Les fidèles qui liront ces actes avec attention y trouveront sans aucun doute de quels artifices cette hérésie couvre sa faiblesse pour séduire et tromper, et quelle est la foi dont l’Église catholique fait profession sur la Trinité divine. Or l’hérétique Maximin, de retour à Carthage, se vantait d’être sorti victorieux de la conférence, ce qui eût été assurément un triomphe dû sa loquacité ; mais quoique cette victoire fût un mensonge, néanmoins les gens étrangers à la connaissance de la loi divine ne pouvaient pas aisément en connaître et en juger. Aussi, le vénérable Augustin dut prendre la plume bientôt après pour rédiger le sommaire de toutes les objections et réponses qui avaient été faites dans les débats ; il montra tout le vide des réponses de son adversaire, et ajouta de nouvelles preuves que le trop court espace de temps n’avait permis de donner ni d’écrire pendant la conférence ; car cet homme, par malice, avait tellement prolongé sa réponse, qu’il tint à lui seul tout ce qu’il restait de jour.

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