Paris tel qu'il est
Cependant que les partis se disputent le pouvoir, une reine vient de mourir sans que personne y prenne autrement garde.
Oui, une reine, qui avait eu une couronne, une reine qui avait vu à ses pieds, qui étaient très petits, toutes les castes assemblées.
Elle avait vu la noblesse l'encenser, la magistrature fléchir le genou devant elle. Elle avait usé de l'armée plus que princesse au monde. Il faut bien avouer que si le clergé était resté froid, le peuple l'avait acclamée bien souvent.
Elle était arrivée au pouvoir par la grâce de Dieu et la volonté nationale.
Elle avait régné sans opposition.
Il arriva pourtant qu'un jour la noblesse, l'armée, les parlements, tout l'abandonna à la fois.
Elle fit son appel au peuple, mais le peuple ne se rendit pas dans ses comices, et son pouvoir tomba devant les abstentions des conservateurs, gens ainsi nommés parce qu'ils ne savent rien conserver.
Sa pauvre Majesté végéta pendant trente ans, cherchant à retrouver un sceptre qu'elle ne croyait qu'égaré, et qui était bien perdu.
Enfin, pauvre et honteuse, elle alla mourir dans un bouge garni, comme Napoléon mourut à Sainte-Hélène, avec cette différence pourtant que Montholon et Bertrand lui manquèrent absolument.
C'est qu'il faut avoir été un bien grand homme ou avoir eu un bien grand cœur pour que deux amis vous suivent sur un rocher.
Cette reine d'occasion s'appelait de son nom de famille Louise Birat; elle avait été couronnée sous celui de Pomaré. Son sacre avait eu lieu à la Chaumière; le champagne avait remplacé l'huile sainte.
Ses deux chevaliers, ce jour-là, étaient M. Charles de T..., ancien préfet de l'empire, et M. B..., qui devint plus tard un magistrat irréprochable et qui occupa de grandes situations. Que ces gentlemen ne disent pas non, ou je les imprime tout vifs...
Louise Birat était laide comme le péché, mais attrayante comme lui, et elle dansait à ravir. Son teint bistré, son nez plat et ses cheveux d'un noir à irriter le cirage.
C'était au temps où M. Guizot avait préféré indemniser, moyennant une somme insignifiante, un certain Pritchard, pasteur protestant, plutôt que d'avoir la guerre avec l'Angleterre.
Les esprits étaient fort excités contre le ministre. Pendant un mois on ne parla que de cela.
Ce fut à ce moment qu'un farceur, voyant passer Louise Birat, cria:
—Tiens! la reine Pomaré.
Le nom lui resta.
Louise avait été blanchisseuse. Son caractère avait toujours été aimable et doux, mais elle ne fut pas plus tôt au pouvoir, qu'elle devint insoutenable. Pour parler le le langage des sujets de cette majesté, «elle croyait que c'était arrivé».
Son orgueil n'eut plus de bornes. Elle inventa une natte de cheveux tressée en manière de couronne, et elle affectait volontiers de dire: «Nous voulons,» ainsi que font les vrais rois.
Hélas! sa royauté fut de courte durée. Les reines du plaisir sont encore celles qui durent le moins, et bien peu de gens, à l'heure présente, ne sauraient point de qui je veux parler sans le couplet de Gustave Nadaud:
Tout passe!