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Dictionnaire de la langue verte

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  • MAC-FARLANE, s. m. Paletot sans manche,—dans l'argot des gandins et des tailleurs.
  • MÂCHER DE HAUT, v. a. Manger sans appétit,—dans l'argot des bourgeois.
  • MÂCHER LES MORCEAUX, v. a. Préparer un travail, faire le plus difficile d'une besogne qu'un autre achèvera. Argot du peuple.
  • MACHER LES MOTS, v. a. Choisir les expressions les plus chastes, les moins blessantes.

Ne pas mâcher les mots à quelqu'un. Lui dire crûment ce qu'on a à lui dire.

  • MACHIN, s. m. Nom qu'on donne à une personne ou à une chose sur laquelle on ne peut mettre une étiquette exacte.

On dit aussi Chose.

  • MACHINE, s. f. Chose quelconque dont on ne peut trouver le nom,—dans l'argot des bourgeois, qui ne connaissent pas exactement la propriété des termes. Ainsi il n'est pas rare d'entendre l'un d'eux dire à un artiste, en parlant de son tableau: «Votre petite machine est très jolie.»

Grande machine. Grande toile ou statue de grande dimension.

  • MÂCHOIRE, s. f. Imbécile,—dans l'argot du peuple, qui sait avec quelle arme Samson assomma tant de Philistins.

Signifie aussi: Suranné, Classique,—dans l'argot des romantiques,—ainsi que cela résulte d'un passage des Jeune France de Théophile Gautier, qu'il faut citer pour l'édification des races futures: «L'on arrivait par la filière d'épithètes qui suivent: ci-devant, faux toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque, mâchoire, ganache, au dernier degré de la décrépitude, à l'épithète la plus infamante, académicien et membre de l'Institut

  • MACHICOT, s. m. Mauvais joueur,—dans l'argot des faubouriens.

Ils disent aussi Mâchoire.

  • MACHONNER, v. n. Parler à voix basse; murmurer, maugréer.
  • MACHURER, v. a. Barbouiller, noircir.
  • MAÇON DE PRATIQUE, s. m. Ouvrier en bâtiment,—dans l'argot des francs-maçons.
  • MAÇON DE THÉORIE, s. m. Franc-maçon.
  • MADAME, s. f. Dame,—dans l'argot des petites filles.

Jouer à la Madame. Contrefaire les mines, les allures des grandes personnes.

  • MADAME. Nom que les filles de maison donnent à leur maîtresse,—à l'abbesse.
  • MADAME LA RESSOURCE, s. f. Marchande à la toilette; revendeuse.
  • MADAME TIREMONDE, s. f. Sage-femme,—dans l'argot des faubouriens.

Les voyous disent Madame Tirepousse.

Au XVIe siècle, on disait Madame du guichet et Portière du petit guichet.

  • MADEMOISELLE MANETTE, s. f. Malle.
  • MADRICE, s. f. Finesse, habileté, madrerie,—dans l'argot des voleurs.
  • MADRIN, adj. et s. Habile, fin, madré.
  • MAFFLU, adj. et s. Qui a une face large, épanouie,—dans l'argot du peuple.

Grosse mafflue. Grosse commère.

On dit aussi grasse maffrée et grosse mafflée.

  • MAGNEUSE, s. f. «Femme qui se déprave avec des individus de son sexe,» dit M. Francisque Michel, qui va bien loin chercher l'étymologie de ce mot,—dans lequel il veut voir une allusion malveillante à une communauté religieuse, tandis qu'il l'a sous la main, cette étymologie.
  • MAGOT, s. m. Economies, argent caché,—dans l'argot du peuple.

Manger son magot. Dépenser l'argent amassé.

  • MAGOT, s. m. Homme laid comme un singe ou grotesque comme une figurine chinoise en pierre ollaire.
  • MAIGRE COMME UN CENT DE CLOUS, adj. Extrêmement maigre.

On dit aussi Maigre comme un coucou, et Maigre comme un hareng-sauret.

  • MAIGRE (Du)! interj. Silence!—dans l'argot des voleurs.
  • MAINS DE BEURRE, s. f. pl. Mains maladroites, qui laissent glisser ce qu'elles tiennent. Argot du peuple.
  • MAISON DE SOCIÉTÉ, s. f. Abbaye des S'offre-à-tous,—dans l'argot des bourgeois.
  • MAISON DE MOLIÈRE (La). Le Théâtre-Français,—dans l'argot des sociétaires de ce théâtre, qui n'y exercent pas précisément l'hospitalité à la façon écossaise.

Sous le premier Empire c'était le Temple du goût, et, sous la Restauration, le Temple de Thalie.

  • MAISONNÉE, s. f. Les personnes, grandes et petites, qui composent une famille,—dans l'argot du peuple.
  • MAÎTRESSE DE PIANO, s. f. Dame d'âge ou laide qui vient chaque matin chez les petites dames leur faire les cors, ou les cartes, ou leur correspondance amoureuse. Argot de Breda-Street.
  • MAJOR, s. m. Chirurgien,—dans l'argot des soldats.
  • MAJOR DE TABLE D'HÔTE, s. m. Escroc à moustaches grises et même blanches, à cheveux ras, à redingote boutonnée, à col carcan, à linge douteux, qui sert de protecteur aux tripots de la banlieue.
  • MALADE, adj. et s. Prisonnier,—dans l'argot des voleurs, qui ont perdu la santé de l'âme.

Être malade. Être compromis.

  • Malade du pouce, adj. Paresseux,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Avoir le pouce démis pour son argent.

  • MALADE DU POUCE, adj. Avare, homme qui n'aime pas à compter de l'argent,—aux autres. Argot des faubouriens.
  • MALADIE, s. f. Emprisonnement. Argot des voleurs.
  • MAL-A-GAUCHE, s. et adj. Maladroit,—dans l'argot facétieux et calembourique des faubouriens.
  • MALANDREUX, s. et adj. Infirme; malade; mal à son aise,—dans l'argot du peuple.

On disait autrefois Landreux.

  • MAL BLANCHI, s. et adj. Nègre,—dans l'argot des faubouriens.
  • MALECHANCE, s. f. Fatalité, mauvaise chance,—dans l'argot du peuple.
  • MAL CHOISI, s. m. Académicien,—dans l'argot des faubouriens, qui ont parfois raison.
  • MALDINE, s. f. Pension bourgeoise,—dans l'argot des voyous.
  • MAL-DONNE, s. f. Fausse distribution de cartes.—dans l'argot des joueurs.
  • MALE, s. m. Homme,—dans l'argot des faubouriennes, qui préfèrent les charretiers aux gandins.

Beau mâle. Homme robuste, plein de santé.

Vilain mâle. Homme d'une apparence maladive, ou de petite taille.

Signifie aussi Mari.

  • MAL EMBOUCHÉ, adj. et s. Insolent, grossier,—dans l'argot du peuple.
  • MAL FICELÉ, s. m. Garde national de la banlieue,—dans l'argot des faubouriens.
  • MALFRAT, s. m. Vaurien, homme qui mal fait, ou gamin qui mal fera,—dans l'argot des paysans de la banlieue de Paris.

M. Francisque Michel donne Malvas, en prenant soin d'ajouter que ce mot est «provençal» et qu'il est populaire à Bordeaux. M. F. Michel a beaucoup plus vécu avec les livres qu'avec les hommes. D'ailleurs, les livres aussi me donnent raison, puisque je lis dans l'un d'eux que le peuple parisien disait jadis un Malfé (malefactus) à propos d'un malfaiteur, et donnait le même nom au Diable.

  • MALINGRER, v. n. Souffrir,—dans l'argot des voleurs.
  • MALINGREUX, s. et adj. Souffreteux,—dans l'argot du peuple.
  • MALITORNE, s. f. Femme disgracieuse, laide, mal faite,—malè tornata.
  • MALTAIS, s. m. Cabaretier,—dans l'argot des troupiers qui ont été en Algérie.
  • MALTAISE, s. f. Pièce de vingt francs,—dans l'argot des voleurs.
  • MALTOUZE, s. f. Contrebande,—dans l'argot des voleurs, les maltôtiers modernes (malle tollere, enlever injustement).

Pastiquer la maltouze, Faire la contrebande.

  • MALTOUZIER, s. m. Contrebandier.
  • MANCHE, s. f. Partie,—dans l'argot des joueurs.

Manche à (sous-entendu: Manche), Se dit quand chacun des joueurs a gagné une partie et qu'il reste à faire la belle.

  • MANCHE, s. f. Quête; aumône,—dans l'argot des saltimbanques.

Faire la manche. Quêter, mendier.

  • MANCHE (Avoir dans sa). Disposer de quelqu'un comme de soi-même,—dans l'argot du peuple.
  • MANCHON, s. m. Chevelure absalonienne,—dans l'argot des faubouriens.

Avoir des vers dans son manchon. Avoir çà et là des places chauves sur la tête.

  • MANCHOT, s. m. Homme maladroit comme s'il avait un bras de moins.

N'être pas manchot. Être très adroit,—au propre et au figuré.

  • MANDARIN, s. m. Personnage imaginaire qui sert de tête de Turc à tous les criminels timides,—dans l'argot des gens de lettres.

Il a été inventé par Jean-Jacques Rousseau ou par Diderot comme cas de conscience. Vous êtes assis tranquillement dans votre fauteuil, au coin de votre feu, à Paris, cherchant sans les trouver, les moyens de devenir aussi riche que M. de Rothschild et aussi heureux qu'un roi, parce que vous supposez avec raison que l'argent fait le bonheur, attendu que vous avez une maîtresse très belle, qui a chaque jour de nouveaux caprices ruineux, et que vous seriez très heureux de la voir heureuse en satisfaisant tous ses caprices à coups de billets de banque. Eh bien, il y a, à deux mille lieues de vous, un mandarin, un homme que vous ne connaissez pas, qui est plus riche que M. de Rothschild: sans bouger, sans même faire un geste, rien qu'avec la Volonté, vous pouvez tuer cet homme et devenir son héritier, sans qu'on sache jamais que vous êtes son meurtrier.

Voilà le cas de conscience que beaucoup de gens ont résolu en chargeant Volonté à mitraille, sans pour cela en être plus riches, mais non sans en être moins déshonorés. Je ne devais pas oublier de le signaler dans ce Dictionnaire, qui est aussi bien une histoire des idées modernes que des mots contemporains. D'ailleurs, il a passé dans la littérature et dans la conversation, puisqu'on dit Tuer le mandarin. A ce titre déjà, je lui devais une mention honorable.

  • MANDIBULES, s. f. pl. Le bas du visage,—dans l'argot du peuple.

Jouer des mandibules. Manger.

On dit aussi Jouer des badigoinces.

  • MANDOLE, s. f. Soufflet,—dans l'argot des marbriers de cimetière.

Jeter une mandole. Donner un soufflet.

  • MANDOLET, s. m. Pistolet,—dans l'argot des voleurs.
  • MANDRIN, s. m. Bandit, homme capable de tout, à quelque rang de la société qu'il appartienne, sur quelque échelon qu'il se soit posé.

Cette expression—de l'argot du peuple—est dans la circulation depuis longtemps.

On dit aussi Cartouche,—ces deux coquins faisant la paire.

  • MANGEAILLE, s. f. Nourriture.
  • MANGEOIRE, s. f. Restaurant, cabaret,—dans l'argot des faubouriens.
  • MANGER, v. a. Subir, avoir, faire,—dans l'argot du peuple.

Manger de la misère. Être besogneux, misérable.

Manger de la prison. Être prisonnier.

Manger de la guerre. Assister à une bataille.

  • MANGER DANS LA MAIN, v. n. Prendre des familiarités excessives, abuser des bontés de quelqu'un.
  • MANGER DE CE PAIN-LÀ (Ne pas). Se refuser à faire une chose que l'on croit malhonnête, malgré le profit qu'on en pourrait retirer; répugner à certains métiers, comme ceux de domestique, de souteneur, etc.
  • MANGER DE LA MERDE. Souffrir de toutes les misères et de toutes les humiliations connues; en être réduit comme l'escarbot, à se nourrir des immondices trouvées sur la voie publique, des détritus abandonnés là par les hommes et dédaignés même des chiens.

Cette expression—de l'argot des faubouriens—est horrible, non parce qu'elle est triviale, mais parce qu'elle est vraie. Je l'ai entendue, cette phrase impure, sortir vingt fois de bouches honnêtes exaspérées par l'excès de la pauvreté. J'ai hésité d'abord à lui donner asile dans mon Dictionnaire, mais je n'hésite plus: il faut que tout ce qui se dit se sache.

  • MANGER DE LA VACHE ENRAGÉE, v. a. Pâtir beaucoup; souffrir du froid, de la soif et de la faim; n'avoir ni sou ni maille, ni feu ni lieu; vivre enfin dans la misère en attendant la richesse, dans le chagrin en attendant le bonheur.

Cette expression est de l'argot du peuple et de celui des bohèmes, qui en sont réduits beaucoup trop souvent, pour se nourrir, à se tailler des beefsteaks invraisemblables dans les flancs imaginaires de cette bête apocalyptique.

  • MANGER DES PISSENLITS PAR LA RACINE, v. a. Être mort.
  • MANGER DU BœUF, v. a. Être pauvre,—dans l'argot des ouvriers, qui savent combien l'ordinaire finit par être fade et misérable.
  • MANGER DU FROMAGE. Être mécontent; avoir de la peine à se débarbouiller de ses soucis.

On connaît l'épigramme faite en 1814 contre Cambacérès, duc de Parme:

«Le duc de Parme déménage;

Plus d'hôtel, plus de courtisan!

Monseigneur mange du fromage,

Mais ce n'est plus du parmesan...»

  • MANGER DU MÉRINOS, v. a. Jouer au billard,—dans l'argot des habitués d'estaminet.

Ils disent aussi Manger du drap.

  • MANGER DU PAIN ROUGE, v. a. Vivre d'assassinats impunis,—dans l'argot du peuple.
  • MANGER DU PAVÉ, v. a. Chercher de l'ouvrage et n'en jamais trouver,—dans l'argot des coiffeurs. Trimer,—dans l'argot du peuple.
  • MANGER DU SUCRE, v. a. Recevoir des applaudissements,—dans l'argot des comédiens.
  • MANGER LA CHANDELLE (Ne pas). N'avoir rien contre soi qu'on puisse reprocher,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens qu'il ne connaît pas assez pour en répondre. Ainsi quand il dit: C'est un bon enfant, il ne mange pas la chandelle, cela signifie: Je n'en sais ni bien ni mal, ce n'est ni mon ami ni mon ennemi.
  • MANGER LA LAINE SUR LE DOS DE QUELQU'UN, v. a. Le tromper, et même le voler, sans qu'il proteste ou s'en aperçoive. Même argot.
  • MANGER LE BLANC DES YEUX (Se). Se dit de deux personnes qui se regardent avec colère, comme prêtes à se jeter l'une sur l'autre et à se dévorer.
  • MANGER LE BON DIEU, v. a. Communier,—dans l'argot des faubouriens.
  • MANGER LE GIBIER, v. a. Ne rien exiger des hommes, ou ne pas rapporter intégralement l'argent qu'ils ont donné,—dans l'argot des souteneurs qui disent cela à propos des filles, leurs maîtresses.
  • MANGER LE MORCEAU, v. a. Faire des révélations, nommer ses complices,—dans l'argot des voleurs.

On dit aussi Casser le morceau.

  • MANGER LE MORCEAU, v. a. Trahir un secret; ébruiter trop tôt une affaire,—dans l'argot du peuple.
  • MANGER LE MOT D'ORDRE, v. a. Ne plus se le rappeler,—dans l'argot des troupiers.
  • MANGER LE NEZ (Se). Se battre avec acharnement,—dans l'argot des faubouriens, qui jouent parfois des dents d'une manière cruelle.

Par bonheur, ils jouent plus souvent de la langue, et, dans leurs «engueulements»,—qui rappellent beaucoup ceux des héros d'Homère,—s'il leur arrive de dire, en manière de début: «Je vais te manger le nez!» ils se contentent de se moucher.

  • MANGER LE PAIN HARDI, v. a. Être domestique,—dans l'argot du peuple, qui veut marquer que ces sortes de gens mangent le pain de leurs maîtres, sans se soucier autrement de le gagner.
  • MANGER LE POULET, v. a. Partager un bénéfice illicite,—dans l'argot des ouvriers, qui disent cela à propos des ententes trop cordiales qui existent parfois entre les entrepreneurs et les architectes, grands déjeuneurs.
  • MANGER LES SENS (Se). S'impatienter, se mettre en colère,—dans l'argot des bourgeois.
  • MANGER SON BEEFSTEAK, v. a. Se taire,—dans l'argot des faubouriens, qui ne devraient pourtant pas ignorer qu'il y a des gens qui parlent la bouche pleine.
  • MANGER SON PAIN BLANC LE PREMIER, v. a. De deux choses faire d'abord la plus aisée; s'amuser avant de travailler, au lieu de s'amuser après avoir travaillé. Cette expression,—de l'argot du peuple, signifie aussi: Se donner du bon temps dans sa jeunesse et vivre misérablement dans sa vieillesse.
  • MANGER SUR L'ORGUE, v. n. Dénoncer un complice pour se sauver soi-même ou atténuer son propre crime,—dans l'argot des voleurs.

On dit aussi Manger sur quelqu'un.

  • MANGER UNE SOUPE AUX HERBES. Coucher dans les champs. Argot des faubouriens.
  • MANGER UN LAPIN, v. a. Enterrer un camarade,—dans l'argot des typographes, qui, comme tous les ouvriers, s'arrêtent volontiers chez le marchand de vin en revenant du cimetière.
  • MANGEUR, s. m. Dissipateur, viveur,—dans l'argot du peuple.
  • MANGEUR DE BLANC, s. m. Souteneur de filles,—dans l'argot des faubouriens.
  • MANGEUR DE BON DIEU, s. m. Bigot, homme qui hante plus volontiers l'église que le cabaret. Argot du peuple.
  • MANGEUR DE CHOUCROUTE, s. m. Allemand.
  • MANGEUR DE GALETTE, s. m. Homme qui trahit ses camarades pour de l'argent.
  • MANGEUR DE POMMES, s. m. Normand.
  • MANGEUSE DE VIANDE CRUE, s. f. Fille publique.

L'expression est vieille: elle se trouve dans Restif de la Bretonne.

  • MANICLE, s. f. Se dit de toutes les choses gênantes, embarrassantes, comme le sont en effet les manicles des prisonniers.

Ce mot vient de manicæ, menottes. Les forçats, qui ne sont pas tenus de savoir le latin, donnent ce nom aux fers qu'ils traînent aux pieds; en outre, au lieu de l'employer au pluriel, comme l'exigerait l'étymologie, ils s'en servent au singulier: c'est ainsi que de la langue du bagne il est passé dans celle de l'atelier.

Frère de la manicle. Filou.

  • MANIÈRE, s. f. Façon de se conduire avec les hommes,—dans l'argot des drôlesses habiles, qui ont ainsi comme les grands artistes, leur première, leur seconde, leur troisième manière. Le cynisme en paroles et en actions peut être la première manière d'une courtisane, et la pudicité, voire l'honnêteté, sa troisième manière,—la plus remarquable et la plus dangereuse.
  • MANIÈRES, s. f. pl. Embarras, importance exagérée; mines impertinentes; simagrées,—dans l'argot des faubouriens.
  • MANIGANCE, s. f. Intrigue, fourberie,—dans l'argot du peuple.
  • MANIGANCER, v. a. Méditer une fourberie; préparer une farce, un coup, une affaire.
  • MANIQUE, s. f. Métier; cuir dont les cordonniers se couvrent la main.

Connaître la manique. Connaîtreà fond une affaire.

Sentir la manique. Sentir le cuir ou toute odeur d'atelier.

  • MANIVELLE, s. f. Chose qui revient toujours fastidieusement; travail monotone, ennuyeux.

C'est toujours la même manivelle. C'est toujours la même chanson.

  • MANNEAU, pron. pers. Moi,—dans l'argot des voleurs.

On dit aussi Mézingaud et Mézière.

  • MANNEQUIN, s. m Imbécile, homme de paille,—dans l'argot du peuple.
  • MANNEQUIN, s. m. Voiture quelconque, et spécialement Tapecul,—dans l'argot du peuple.
  • MANNEQUIN DU TRIMBALLEUR DES REFROIDIS, s. m. Corbillard,—dans l'argot des voleurs.
  • MANNEZINGUE, s. m. Cabaret; marchand de vin,—dans l'argot des faubouriens, qui n'emploient ce mot que depuis une trentaine d'années.

On dit aussi Minzingouin et Mannezinguin.

Voilà un mot bien moderne, et cependant les renseignements qui le concernent sont plus difficiles à obtenir que s'il s'agissait d'un mot plus ancien. J'ai bien envie de hasarder ma petite étymologie: Mannsingen, homme chez lequel on chante, le vin étant le tire-bouchon de la gaieté que contient le cerveau humain.

  • MANNEZINGUEUR, s. m. Habitué de cabaret.
  • MANON, s. f. Gourgandine,—dans l'argot du peuple.

Signifie aussi Maîtresse,—dans l'argot des bourgeois.

  • MANQUE, (A la), adv. A gauche,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi Endommagé et Malade.

  • MANTEAU D'ARLEQUIN, s. m.

Draperie qui entoure le rideau d'avant-scène,—dans l'argot des coulisses.

«On l'a nommée ainsi, dit M. J. Duflot, parce que du temps de la Comédie italienne les rideaux de théâtre ne tombaient pas comme des rideaux d'alcôve en glissant sur des tringles; or, comme Arlequin, au dénoûment de la pièce, était toujours le dernier comédien qui saluait le public de sa batte, le rideau, qui se fermait sur lui, semblait lui faire un manteau.»

  • MAQUA, s. f. Entremetteuse,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot depuis quelques cents ans.

On a écrit Maca au XVIe siècle.

  • MAQUECÉE, s. f. Abbesse de l'abbaye des S'offre-à-tous,—dans l'argot des voleurs.
  • MAQUEREAU, s. m. Souteneur de filles, ou plutôt Soutenu de filles,—dans l'argot du peuple.

Il est regrettable que Francisque Michel n'ait pas cru devoir éclairer de ses lumières philologiques les ténèbres opaques de ce mot, aussi intéressant que tant d'autres auxquels il a consacré des pages entières de commentaires. Pour un homme de son érudition, l'étymologie eût été facile à trouver sans doute, et les ignorants comme moi n'en seraient pas réduits à la conjecturer.

Il y a longtemps qu'on emploie cette expression; les documents littéraires dans lesquels on la rencontre sont nombreux et anciens déjà; mais quel auteur, prosateur ou poète, l'a employée le premier et pourquoi l'a-t-il employée? Est-ce une corruption du mæchus d'Horace («homme qui vit avec les courtisanes,» mœcha, fille)? Est-ce le μαχρος [grec: machros] grec, conservé en français avec sa prononciation originelle et son sens natif (grand, fort) par quelque helléniste en bonne humeur? Est-ce une contraction anagrammatisée ou une métathèse du vieux français marcou (matou, mâle)? Est-ce enfin purement et simplement une allusion aux habitudes qu'ont eues de tout temps les souteneurs de filles de se réunir par bandes dans des cabarets ad hoc, par exemple les tapis-francs de la Cité et d'ailleurs, comme les maquereaux par troupes, par bancs dans les mers du Nord? Je l'ignore,—et c'est précisément pour cela que je voudrais le savoir; aussi attendrai-je avec impatience et ouvrirai-je avec curiosité la prochaine édition des Etudes de philologie de Francisque Michel.

Au XVIIIe siècle, on disait Croc de billard, et tout simplement Croc,—par aphérèse.

  • MAQUEREAUTAGE, s. m. Exploitation de la femme qui exploite elle-même les hommes; maquignonnage.

On prononce Macrotage.

  • MAQUEREAUTER, v. a. et n. Vivre aux dépens des femmes qui ne vivant elles-mêmes qu'aux dépens des hommes.

On prononce Macroter.

Maquereauter une affaire. Intriguer pour la faire réussir.

  • MAQUEREAUTIN. s. m. Apprenti débauché, jeune maquereau.

On prononce Macrotin.

  • MAQUERELLAGE, s. m. Proxénétisme.
  • MAQUERELLE, s. f. Femme qui trafique des filles.

Au XVIIIe siècle on disait Maqua.

  • MAQUI, s. f. Rouge, fard,—dans l'argot des voleurs.

C'est probablement une apocope du vieux mot Maquignonnage.

  • MAQUIGNON, s. m. Homme qui fait tous les métiers, excepté celui d'honnête homme,—dans l'argot du peuple.
  • MAQUIGNONNAGE, s m. Proxénétisme; tromperie sur la qualité et la quantité d'une marchandise; abus de confiance.
  • MAQUIGNONNER, v. a. Faire des affaires véreuses.
  • MAQUILLAGE, s. m. Application de blanc de céruse et de rouge végétal sur le visage,—dans l'argot des acteurs et des filles, qui ont besoin, les uns et les autres, de tromper le public, qui, de son côté, ne demande qu'à être trompé.

Blanc de céruse et rouge végétal,—je ne dis pas assez; et pendant que j'y suis, je vais en dire davantage afin d'apprendre à nos petits-neveux, friands de ces détails, comme nous de ceux qui concernent les courtisanes de l'Antiquité, quels sont les engins de maquillage des courtisanes modernes: Blanc de céruse ou blanc de baleine; rouge végétal ou rouge liquide; poudre d'iris et poudre de riz; cire vierge fondue et pommade de concombre; encre de Chine et crayon de nitrate,—sans compter les fausses nattes et les fausses dents. Le visage a des rides, il faut les boucher; l'âge et les veilles l'ont jauni, il faut le roser; la bouche est trop grande, il faut la rapetisser; les yeux sont trop petits, il faut les agrandir. O les miracles du maquillage!

  • MAQUILLÉE, s. f. Lorette, casinette, boule-rouge, petite dame enfin,—dans l'argot des faubouriens.
  • MAQUILLER, v. a. Faire agir, machiner,—dans l'argot des voleurs et des faubouriens.

Signifie aussi Tromper, tricher, user de supercherie.

Maquiller les brèmes. Jouer aux cartes,—dans le même argot.

Signifie aussi Tricher à l'écarté.

Maquiller son truc. Faire sa manœuvre;

Maquiller une cambriolle. Dévaliser une chambre;

Maquiller un suage. Se charger d'un assassinat. Même argot.

  • MAQUILLER (Se), v. réfl. Se couvrir le visage de carmin et de blanc,—dans l'argot des petites dames, dont la beauté est l'unique gagne-pain, et qui cherchent naturellement à dissimuler les outrages que les années—et la débauche—peuvent y faire.
  • MAR, Désinence fort à la mode vers 1830,—comme les Osages. On retranchait la dernière syllabe des mots et on y substituait ces trois lettres qui donnaient un «cachet» au langage des gens d'esprit de ce temps-là. On disait Boulangemar pour Boulanger, Epicemar pour Epicier, etc. C'était une sorte de javanais mis à la portée de tout le monde. Il en est resté malheureusement quelques éclaboussures sur notre langue. (Lire les Béotiens de Louis Desnoyers.)
  • MARAILLE, s. f. Le peuple, le monde,—dans l'argot des voleurs.
  • MARAUDER, v. n. Raccrocher des pratiques en route,—dans l'argot des cochers de voitures de place, qui frustrent ainsi leur administration.

On dit aussi Aller à la maraude et Faire la maraude.

  • MARAUDEUR, s. m. Cocher en quête d'un «bourgeois».

On dit aussi Hirondelle.

  • MARBRE, s. m. Table sur laquelle, dans les imprimeries, les typographes posent les paquets destinés à être mis en page.

Avoir un article sur le marbre. Avoir un article composé, sur le point de passer,—dans l'argot des typographes et des journalistes.

  • MARCANDIER, s. m. Marchand,—dans l'argot des voleurs, qui emploient là une expression de la vieille langue des honnêtes gens.
  • MARCASSIN, s. m. Petit garçon malpropre et grognon,—dans l'argot du peuple.
  • MARCHAND D'EAU CHAUDE, s. m. Cafetier.
  • Marchand de cerises, s. m. Mauvais cavalier.
  • MARCHAND DE FEMMES, s. m. Négociateur en mariages.
  • MARCHAND DE SOMMEIL, s. m. Logeur en garni,—dans l'argot des faubouriens.
  • MARCHAND DE SOUPE, s. m. Maître de pension,—dans l'argot des écoliers.
  • MARCHAND D'HOMMES, s. m. Agent de remplacement militaire,—dans l'argot du peuple.
  • MARCHE-A-TERRE, s. m. Fantassin,—dans l'argot de la cavalerie.
  • MARCHE DE FLANC, s. f. Le sommeil, ou seulement le repos,—dans l'argot des sous-officiers.
  • MARCHER, v. n. Être de la même opinion; consentir,—dans l'argot des typographes.
  • MARCHER DEDANS. Rencontrer sous son pied un insurgé de Romilly,—dans l'argot du peuple.
  • MARCHER AU PAS. Obéir, filer doux,—dans le même argot.

Faire marcher quelqu'un au pas. Agir de rigueur envers lui.

On dit aussi: Mettre au pas.

  • MARCHER SUR LA CHRÉTIENTÉ, v. n. N'avoir pas de souliers ou avoir des souliers usés,—dans le même argot.
  • MARCHER SUR LE PIED, v. n. Chercher querelle à quelqu'un,—une querelle d'Allemand; saisir le moindre prétexte pour se fâcher,—dans l'argot des bourgeois.

N'aimer pas qu'on vous marche sur le pied. Être très chatouilleux, très susceptible.

  • MARCHES DU PALAIS, s. f. pl. Rides du front,—dans l'argot du peuple.
  • MARCHEUSE, s f. Rat d'une grande beauté que sa mère, fausse ou vraie, dit H. de Balzac, a vendue le jour où elle n'a pu devenir ni premier, ni deuxième, ni troisième sujet de la danse, et où elle a préféré l'état de coryphée à tout autre, par la grande raison qu'après l'emploi de sa jeunesse elle n'en pouvait pas prendre d'autres. C'est un débris de la fille d'Opéra du XVIIIe siècle.
  • MARCHEUSE, s. f. Femme en bonnet et en tablier blanc, dont les fonctions «sont d'appeler les passants à voix basse et de les engager à monter dans la maison qu'elle représente».
  • MARCO, s. f. Petite dame,—dans l'argot des gens de lettres, qui disent cela depuis la pièce de leurs confrères Lambert Thiboust et Barrière, Les Filles de marbre, dont l'héroïne principale s'appelle Marco.
  • MARDI, S'IL FAIT CHAUD!

Les calendes grecques du peuple, qui y renvoie volontiers quand il veut se moquer ou se débarrasser d'un importun.

Ce mardi-là et le Dimanche après la grand'messe font partie de la fameuse Semaine des quatre jeudis.

  • MARGAUDER, v. n. Dénigrer quelqu'un; décrier une chose. Argot des bourgeois.

Est-ce que ce verbe ne viendrait point de la jacasserie continuelle de la pie, dite margot, qui joue le rôle de commère parmi les oiseaux? Mais alors il faudrait écrire margoter, ou tout au moins margoder.

  • MARGOT, s. f. Pie,—dans l'argot du peuple.
  • MARGOT, s. f. Fille ou femme qui a jeté son bonnet et sa pudeur par-dessus les moulins.

On dit aussi Margoton.

  • MARGOT, s. f. Maîtresse, concubine,—dans l'argot des bourgeois.

Vivre avec des margots. Vivre avec des filles; passer le meilleur de son temps à filer le plus imparfait amour aux pieds d'Omphales d'occasion, sans avoir l'excuse du fils d'Alcmène,—qui du moins était un hercule.

  • MARGOUILLIS, s. m. Gâchis,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot au propre et au figuré.
  • MARGOULETTE, s. f. La bouche, considérée comme avaloir.

Rincer la margoulette à quelqu'un. Lui payer à boire.

  • MARGOULIN, s. m. Débitant,—dans l'argot des commis voyageurs.
  • MARGUERITES, s. f. pl. Poils blancs de la barbe,—dans l'argot du peuple, qui a parfois des images aussi poétiques que justes.

Il dit aussi Marguerites de cimetière.

  • MARIAGE À LA DÉTREMPE, s. m. Union morganatique,—dans l'argot des ouvriers.

«Nos bons amis nos ennemis» ont une expression de la même famille: Wife in water colours (femme à l'aquarelle, en détrempe), disent-ils à propos d'une concubine.

  • MARIANNE, s. f. La République,—dans l'argot des démocrates avancés.

Avoir la Marianne dans l'œil.

Clignoter des yeux sous l'influence de l'ivresse.

  • MARIE-BON-BEC, s. f. Femme bavarde, «un peu trop forte en gueule»,—dans l'argot du peuple.
  • MARIE-COUCHE-TOI-LÀ, s. f. Femme facile,—trop facile.
  • MARIER JUSTINE. Précipiter un dénouement, arriver vite au but,—dans l'argot des coulisses.

Cette expression date de la première représentation d'un vaudeville des Variétés, Thibaut et Justine, joué sous la direction de Brunet. La pièce gaie en commençant, avait, vers la fin, des longueurs. Le public s'impatiente, il est sur le point de siffler. L'auteur ne mariait Justine qu'à la dernière scène, encore bien éloignée. «Il faut marier Justine tout de suite», s'écria le régisseur, pour sauver la pièce. Et l'on cria des coulisses aux acteurs en scène: «Mariez Justine tout de suite!» Et l'on maria Justine, et la pièce fut sauvée,—et l'argot théâtral s'enrichit d'une expression.

  • MARIE-SALOPE, s. f. Femme de mauvaise vie.
  • MARIE-SALOPE, s. f. Bateau dragueur,—dans l'argot des mariniers de la Seine.
  • MARI MALHEUREUX, s. m. «Le dernier de Paul de Kock»,—dans l'argot pudibond des bourgeois.
  • MARIN D'EAU DOUCE, s. m. Canotier de la Seine,—dans l'argot du peuple.
  • MARIOLLE, s. m. Homme adroit, rusé, plus habile que délicat, et même un peu voleur,—dans l'argot des souteneurs.

J'ai entendu cette phrase: «Tant qu'il y aura des pantes, les mariolles boulotteront.»

  • MARIOLLE, s. et adj. Malin, ingénieux, rusé,—dans l'argot des faubouriens.
  • MARIONNETTE, s. f. Soldat,—dans l'argot des voleurs.
  • MARIONNETTES, s. f. pl. Partisans, mâles ou femelles, d'une bastringueuse du nom de Maria, qui florissait en l'an de grâce 1839 à la Grande-Chaumière et à la Chartreuse, et à qui une autre joueuse de flûte du nom de Clara disputait le sceptre du cancan et le prix de chahutage.

Les partisans de cette dernière s'appelaient Clarinettes.

  • MARLOU, s. m. Souteneur de filles,—dans l'argot des faubouriens.

Pourquoi, à propos de ce mot tout moderne, Francisque Michel a-t-il éprouvé le besoin de recourir au Glossaire de Du Cange et de calomnier le respectable corps des marguilliers? Puisqu'il lui fallait absolument une étymologie, que ne l'a-t-il demandée plutôt à un Dictionnaire anglais! Mar (gâter) love (amour); les souteneurs, en effet, souillent le sentiment le plus divin en battant monnaie avec lui. Cette étymologie n'est peut-être pas très bonne, mais elle est au moins aussi vraisemblable que celle de Francisque Michel. Il y a aussi le vieux français marcou.

  • MARLOU, s. et adj. Malin, rusé, expert aux choses de la vie.
  • MARLOUSERIE, s. f. Profession de Marlou.

Se dit aussi pour Habileté.

  • MARLOUSIER, s. m. Apprenti marlou.
  • MARMAILLE, s. f. Troupe, nichée d'enfants,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Marmaillerie.

  • MARMITE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des souteneurs, qui n'éprouvent aucune répugnance à se faire nourrir par les filles.

Marmite de cuivre. Femme qui gagne—et rapporte beaucoup.

Marmite de fer. Femme qui rapporte un peu moins.

Marmite de terre. Femme qui ne rapporte pas assez, car elle ne rapporte rien.

  • MARMITEUX, s. et adj. Piteux, ennuyé, malade,—dans l'argot du peuple.
  • MARMITON DE M. DOMANGE, s. m. Vidangeur,—dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent guère qu'ils ne font que répéter une expression du XVIe siècle: «Marmiton de la gadouarde», lit-on dans les Après-disnées du seigneur de Cholières.

Cela ne vaut pas, comme délicatesse ironique, le goldfinder des Anglais.

  • MARMONNER, v. a. Parler entre les dents d'un air fâché; murmurer, gronder,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Marmotter.

  • MARMOT, s. m. Enfant, et, par extension, Homme chétif.

Croquer le marmot. Attendre en vain.

  • MARMOTTE, s. f. Boîte ou carton d'échantillons,—dans l'argot des commis-voyageurs.
  • MARMOTTE, s. f. Madras que les femmes du peuple se mettent sur la tête pour dormir.
  • MARMOTTIER, s. m. Savoyard,—dans l'argot des faubouriens.
  • MARMOUSE, s. f. Barbe,—dans l'argot des voleurs.
  • MARMOUSER, v. n. Bruire, comme l'eau qui bout,—dans l'argot du peuple.
  • MARMOUSET, s. m. Gamin, homme de mine chétive.
  • MARMOUSET, s. m. Pot-au-feu,—dans l'argot des voleurs, par allusion au marmousement du bouillon.

Le marmouset riffode. Le pot bout.

  • MARNER, v. a. Voler,—dans l'argot des revendeuses du Temple.
  • MARNER, v. n. Travailler avec ardeur,—dans l'argot des faubouriens.
  • MAROTTE, s. f. Caprice, entêtement, manie,—dans l'argot des bourgeois.
  • MAROTTIER, s. m. Bimbelottier, camelotteur,—dans l'argot des voleurs.
  • MARQUANT, s. m. Maître, chef,—dans le même argot.
  • MARQUE, s. f. Femme,—dans le même argot.

Marque de cé. Femme légitime d'un voleur.

Marque franche. Concubine.

  • MARQUÉ, s. m. Mois,—dans le même argot.

Quart de marqué. Semaine.

  • MARQUÉ (Être). S'être battu et avoir l'œil poché. Argot des faubouriens.
  • MARQUÉ A LA FESSE, adj. et s. Homme méticuleux, maniaque, ennuyeux,—dans l'argot des typographes.
  • MARQUÉ AU B, adj. Borgne ou bossu, ou bigle, ou boiteux, ou bavard,—dans l'argot du peuple.
  • MARQUER (Ne plus), v. n. Vieillir,—dans l'argot des faubouriens.
  • MARQUER AVEC UNE FOURCHETTE, v. a. Exagérer le compte d'un débiteur, en marquant 4 quand il a dépensé 1,—ainsi qu'il arrive à beaucoup de cafetiers, de restaurateurs, de tailleurs, pour se rattraper sur une bonne paye, distraite, des pertes qu'ils ont subies avec une mauvaise, plus distraite encore.
  • MARQUER LE COUP, v. a. Trinquer,—dans l'argot des ouvriers.
  • MARQUER LE COUP, v. a. Toucher légèrement son adversaire,—dans l'argot des professeurs d'escrime, boxe, etc.
  • MARQUER SON LINGE, v. a. Embrener sa chemise ou sa culotte. Argot du peuple.
  • MARQUIS D'ARGENTCOURT, s. m. Homme qui rendrait des points à Job, mais ne pourrait lui rendre que cela,—n'ayant absolument rien autre.

On dit aussi Marquis de la bourse plate.

  • MARQUISE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des faubouriens.
  • MARQUISE, s. f. Le saladier de vin blanc sucré des bourgeois,—comme le saladier de vin blanc est la marquise des ouvriers.
  • MARRAINE, s. f. Témoin femelle, dans l'argot des voleurs.
  • MARRON, s. m. Rapport, procès-verbal des chefs de ronde,—dans l'argot des soldats.
  • MARRON, s. m. Livre imprimé clandestinement,—dans l'argot des typographes.
  • MARRON (Être). Être la victime de quelque chose, être la dupe de quelqu'un,—dans l'argot des faubouriens.

Être servi ou paumé marron. Être pris sur le fait encore nanti des objets soustraits,—dans l'argot des voleurs.

Je ne crois pas qu'il faille, à propos de cette expression, remonter à Régnier, à La Fontaine et à Molière, et citer la fable de Bertrand et Raton, comme l'a fait Francisque Michel avec une vraisemblance plus apparente que réelle. Au premier abord, on songe à ces marrons que le singe fait tirer du feu par le chat, mais en y réfléchissant, on ne tarde pas à comprendre qu'il faut chercher ailleurs l'origine de cette expression. Le verbe marronner, que Francisque Michel ne cite pas, quoiqu'il soit fréquemment et depuis longtemps employé par le peuple, ce verbe est-il antérieur ou postérieur à celui qui nous occupe en ce moment? Voilà ce qu'il aurait fallu rechercher et dire, car s'il est antérieur, comme tout le fait supposer, nul doute qu'il ait donné naissance à Être marron. En outre, voilà longtemps, me semble-t-il, qu'on appelle nègre marron un nègre fugitif,—qu'on reprend toujours. Que le lecteur daigne conclure.

  • MARRONNER, v. a. Maugréer, être de mauvaise humeur,—dans l'argot du peuple.

Faire marronner quelqu'un. Le faire attendre en murmurant et plus que la politesse et la raison ne le permettent.

Signifie aussi Faire enrager, taquiner.

  • MARRONNER UNE AFFAIRE, v. a. Manquer un vol par maladresse,—dans l'argot des voleurs.
  • MARRON SCULPTÉ, s. m. Tête grotesque, personnage ridicule,—dans l'argot du peuple, qui a fait allusion à ces fantaisies découpées dans les marrons d'Inde, à la mode il y a une vingtaine d'années.

On dit aussi Pomme de canne.

  • MARSEILLAISE, s. f. Pipe courte, dont le fourneau est à angle droit avec le tuyau.
  • MARSOUIN, s. m. Homme laid et mal fait; marin.
  • MARTYR, s. m. Le caporal,—dans l'argot des soldats, qui ont constaté que ce simple gradé se donnait plus de mal que les autres gradés ses supérieurs et pour une paye moins haute.
  • MASQUE, s. f. Fille ou femme un peu coquine,—dans l'argot du peuple, qui ne dit pas cela en trop mauvaise part.
  • MASQUE, s. m. Vilaine figure, homme fort laid.
  • MASSACRE, s. m. Ouvrier qui travaille mal, qui gâte l'ouvrage,—dans l'argot des bourgeois.

Signifie aussi Gaspillage de choses ou d'argent.

  • MASSE, s. f. Grande quantité de gens ou de choses,—dans l'argot du peuple.

En masse. En grand nombre, en grande quantité.

  • MASSÉ, s. m. Coup de queue donné perpendiculairement à une bille,—dans l'argot des joueurs de billard.
  • MASSER, v. n. Travailler,—dans l'argot des ouvriers.
  • MASSER, v. a. et n. Payer, donner l'argent de sa masse. Argot des faubouriens.
  • MASSEUR, s. et adj. Homme laborieux.
  • MASTIC, s. m. Homme,—dans l'argot des canotiers.
  • MASTIC, s. m. Sens interverti, lignes ou mots déplacés dans le trajet de la galée au marbre, et occasionnant par cela même une confusion où souvent l'auteur a grand'peine à se reconnaître. Argot des typographes.
  • MASTIC, s. m. Homme,—dans l'argot des voleurs.
  • MASTIC, s. m. Le pain ou la viande,—dans l'argot des francs-maçons.
  • MASTIQUER, v. n. Manger,—dans l'argot du peuple en général, et en particulier des francs-maçons, qui se livrent à la mastication comme de simples profanes.
  • MASTOC, s. et adj. Homme gras, gros, épais, lourd,—dans l'argot du peuple.
  • MASTROQUET, s. m. Marchand de vin,—dans l'argot des faubouriens.

Ne serait-ce pas une corruption de mastoquet, homme mastoc, le marchand de vin étant ordinairement d'une forte corpulence?

  • MATADOR, s. m. Homme riche, de fait ou d'apparence,—dans l'argot du peuple.

Faire le matador. Faire des embarras.

  • MATAGOT, s. m. Homme bizarre, original, amusant par son esprit ou par sa laideur de singe.
  • MATASSIN, s. m. Personnage ridicule, en parole ou en action,—dans l'argot des gens de lettres, qui se souviennent de leur Molière.
  • MATELASSER (Se), v. réfl. Garnir le corsage de sa robe d'assez de coton pour tromper les yeux—des myopes.
  • MATELOT, s. m. Copain,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
  • MATÉRIAUX, s. m. pl. Les aliments en général,—dans l'argot des francs-maçons, pour qui manger c'est travailler.

Ils disent aussi Parfums.

  • MATHURINS, s. m. pl. Dés à jouer,—dans l'argot des voleurs.

Mathurins plats. Dominos.

  • MATIGNON, s. m. Messager,—dans le même argot.
  • MÂTIN, s. m. Homme rusé, expert en toutes sortes de choses,—dans l'argot du peuple.

Mâtine,, s. f. Gaillarde qui n'a pas peur des hommes.

Mâtin! Exclamation qui sert à marquer l'admiration la plus violente ou la douleur la plus vive.

On dit aussi Sacré mâtin.

  • MATOIS, s. m. Homme rusé, et même un peu fourbe.

On dit aussi fin matois, malgré le pléonasme.

  • Matoise, s. f. Intrigante,—ou seulement Femme habile à vendre sa marchandise.

On dit aussi Fine matoise.

  • MATOU, s. m. Homme aimant les femmes.

Bon matou. Libertin.

  • MATRAQUE, s. m. Bâton, canne,—dans l'argot des faubouriens qui ont servi dans l'armée d'Afrique.

Ils ont entendu des Arabes, s'essayant au français, dire: ma traque pour ma trique, et ils ont pris cela pour du sabir.

  • MAUVAIS COUCHEUR, s. m. Homme difficile à vivre.
  • MAUVAISE TROUPE, s. f. Garnement, vagabond, fainéant,—dans l'argot du peuple.

Quelquefois la même expression est employée dans un sens amical, comme, par exemple, pour convier quelqu'un au départ: Allons, en route, mauvaise troupe! lui dit-on.

  • MAUVIETTE, s. et adj. Enfant, et même grande personne d'un tempérament délicat, d'une apparence chétive.
  • MAUVIETTE, s. f. Décoration à la boutonnière,—dans l'argot des faubouriens.

Ils disent aussi Trompe-l'œil.

  • MAYEUX, s. m. Bossu,—dans l'argot du peuple, qui se souvient du type créé par le caricaturiste Traviès, vers 1830.

Se dit, par extension, de tout Homme laid au physique et au moral.

  • MAZAGRAN, s. m. Café froid à l'eau de Seltz,—dans l'argot des garçons de café.

Se dit aussi de tout café, chaud ou froid, servi dans une chope de verre, au lieu de l'être dans une tasse.

  • MAZARO, s. m. Prison,—dans l'argot des troupiers.
  • MAZETTE, s. f. Conscrit,—dans l'argot des troupiers. Homme de petite taille,—dans l'argot du peuple.
  • MÉCANISER, v. a. Vexer quelqu'un, le tourmenter, se moquer de lui, et même en médire un peu,—dans l'argot des faubouriens.

Francisque Michel «trouve le germe de cette locution dans un passage des Vies des dames illustres de Brantôme», et ce germe, c'est mœquaniqueté... Le malheur est que jamais «locution ne fut plus moderne. Quant à son «germe», le premier mécanicien venu le trouverait en conduisant sa machine.

  • MÉCANISEUR, s. m. Railleur, médisant.
  • MÈCHE, s. f. Possibilité de aire une chose.

Il y a mèche. Il y a moyen.

Il n'y a pas mèche. Cela n'est pas possible.

On dit aussi elliptiquement: Mèche!

  • MÈCHE, s. f. Intrigue, secret.

Découvrir la mèche. Tenir les fils d'une intrigue, connaître à temps un dessein fâcheux.

  • Mèche, s. m. Travail, ouvrage à faire,—dans l'argot des typographes.

Chercher mèche. Chercher de l'ouvrage.

  • MÈCHE, s. f. Moitié, demi,—dans l'argot des voleurs.

Être de mèche. Partager un butin avec celui qui l'a fait.

Signifie aussi Demi-heure. D'où, sans doute, l'expression des faubouriens: Et mèche.

  • MÉCHI, s. m. Malheur,—dans le même argot.

C'est assurément le meschief de notre vieille langue.

  • MÉCHILLON, s. m. Quart d'heure.
  • MÉDAILLE, s. f. Pièce de cinq francs en argent,—dans l'argot des artistes et des faubouriens.

Le mot sort de la _Vie de Bohême, d'Henry Murger.

Médaille d'or. Pièce de vingt francs.

  • MÉDAILLE DE SAINT HUBERT, s. f. Pièce de cinq francs,—dans l'argot des marbriers de cimetière, qui savent que ces médailles-là préservent de la rage de dents.
  • MÉDAILLE EN CHOCOLAT, s. f. Médaille de Sainte-Hélène,—dans l'argot des faubouriens, par allusion à sa couleur de bronze noir.

On a dit aussi Médaille de commissionnaire et Contre-marque du Père-Lachaise.

  • MÉDAILLON, s. m. La partie du corps où Paul de Kock fait se fendre la culotte de ses héros, ou sur laquelle il les fait volontiers tomber.

C'est un mot de l'argot des voleurs, qui donnent ainsi un pendant au portrait de l'argot des faubouriens.

Médaillon de flac. Impasse, cul-de-sac.

  • MÉDECIN, s. m. Avocat,—dans l'argot des voleurs, qui ont besoin d être guéris de l'accusation, souvent mortelle, qui pèse sur eux.
  • MÉDECINE, s. f. Plaidoirie.
  • MÉDECINE, s. f. Conseil.

Médecine flambante. Bon conseil, avis salutaire.

  • MÉDECINE, s. f. Personne ennuyeuse, obsédante, dont on avale à contre-cœur les discours. Argot du peuple.
  • MÉDIANIMIQUE, adj. Qui appartient au médium.

Facultés médianimiques. Celles que possèdent les médiums et qui leur permettent d'entrer en communication avec les Esprits,—à ce qu'ils disent.

L'expression a été forgée par Delaage.

  • MÉDIUM, s. m. Individu qui évoque les Esprits,—les lémures, auxquelles les modernes croient avec la même foi aveugle que les anciens.

Le mot est nouveau, si la chose est vieille. Argot des spirites.

  • MEG, s. m. Maître, roi,—dans l'argot des voleurs, qui, quoique affranchis, sont volontiers les esclaves de quiconque est plus fort, plus rusé, plus coquin qu'eux.

Meg des megs. Dieu.

Meg de la rousse. Le préfet de police.

Les Bescherelles de la haute pègre prétendent qu'il faut écrire et prononcer mec et non meg.

  • MÊLÉ, s. m. Mélange d'eau-de-vie et de cassis, ou d'anisette et d'absinthe,—dans l'argot des faubouriens.
  • MELET, te, adj. Petit, petite,—dans l'argot des voleurs.
  • MÉLI-MÉLO, s. m. Confusion, mélange chaotique,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression au propre et au figuré.
  • MELON, s. et adj. Imbécile, nigaud.

Cette injure,—quoique le melon soit une chose exquise,—a trois mille ans de bouteille, et son parfum est le même aujourd'hui que du temps d'Homère: «Thersite se moquant des Grecs, dit Francisque Michel, les appelle πεπονες [grec: pepones].»

Il y a longtemps, en effet, que l'homme, «ce Dieu tombé», ne se souvient plus des cieux, puisqu'il y a longtemps que la moitié de l'humanité méprise et conspue l'autre moitié.

  • MELON, s. m. Elève de première année,—dans l'argot des Saint-Cyriens.
  • MEMBRE DE LA CARAVANE, s. m. Fille ou femme de mœurs douteuses,—dans l'argot du peuple, qui emploie une périphrase pour dire camelus.
  • MENÉE, s. f. Douzaine,—dans l'argot des voleurs.
  • MENER LARGE (N'en pas). Avoir peur, se faire humble et petit,—dans l'argot des faubouriens.
  • MENER LES POULES PISSER. Se dit,—dans l'argot du peuple, d'un homme qui s'amuse aux menus soins du ménage et porte le jupon au lieu de porter la culotte.

L'expression date du XVIIe siècle. Dans un ballet de la cour de Gaston, duc d'Orléans, on voit Jocrisse qui mène les poules pisser. Jocrisse est là le type du genre.

  • MENER PAR LE BOUT DU NEZ, v. a. Faire ce qu'on veut d'une femme, quand on est homme, d'un homme quand on est femme.

Se laisser mener par le bout du nez. Être d'une faiblesse extrême, faire la volonté des autres et non la sienne propre.

  • MENER PISSER, v. a. Forcer un homme à se battre en duel. Argot des troupiers.

On ne le mène pas pisser! Une phrase de l'argot du peuple, qui l'emploie pour indiquer le caractère d'un homme qui ne fait que ce qu'il veut, et non ce que les autres veulent.

Elle se trouve dans Restif de La Bretonne.

  • MENESSES, s. f. pl. Filles de maison,—dans l'argot des soldats.
  • MENESTRE, s. f. Soupe, potage,—dans l'argot des voleurs et des honnêtes gens.

«Mon docteur de menestre en sa mine altérée,
Avoit deux fois autant de mains que Briarée,»

dit Mathurin Régnier, en sa satire du Souper ridicule.

«L'ingrat époux lui fit tater
D'une menestre empoisonnée,»

dit Scarron, en sa satire contre Baron.

  • MENGIN, s. m. Charlatan politique et littéraire.

Encore un nom d'homme devenu un type applicable à beaucoup d'hommes.

  • MENOTTES, s. f. pl. Mains,—dans l'argot des enfants, des mères et des amoureux.

On disait mainettes au temps jadis, comme le prouvent ces vers de Coquillart:

«Tousjours un tas de petits ris,

Un tas de petites sornettes.

Tant de petits charivaris,

Tant de petites façonnettes,

Petits gants, petites mainettes.

Petite bouche à barbeter...»

  • MENTEUSE, s. f. La langue,—dans l'argot des voleurs, dont M. de Talleyrand s'est fait le plagiaire prolixe en disant: La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée.»

Les voleurs anglais ont la même expression; ils appellent la langue prating cheat (la trompeuse qui bavarde, ou la bavarde qui ment).

  • MENTON DE GALOCHE, s. m. Long, pointu et recourbé comme celui de Polichinelle. Argot du peuple.
  • MENUISIÈRE, s. f. Redingote longue, très longue, trop longue, comme les affectionnent les ouvriers, pour prouver qu'ils ne ménagent pas plus le drap que les bourgeois. Argot des rapins.
  • MÉQUARD, s. m. Commandant, mec, dans l'argot des voleurs.
  • MÉQUER, v. a. Commander.
  • MER, s. f. Le fond du théâtre, quel que soit le décor. Argot des coulisses.

Aller voir la mer. Remonter la scène jusqu'au dernier plan.

  • MER A BOIRE (C'est la). Se dit—dans l'argot du peuple—de toute chose ennuyeuse ou difficile à faire; et,—dans l'argot des bourgeois—de toute affaire qui traîne en longueur et ne peut aboutir.

Ce n'est pas la mer à boire. Se dit, au contraire, de toute chose facile à faire, de toute entreprise qu'on peut aisément mener à bonne fin.

  • MERCADET, s. m. Nom d'un personnage de Balzac qui est devenu celui de tous les brasseurs d'affaires véreuses, de tous les pêcheurs de goujons en eau trouble.
  • MERCANDIER, s. m. Boucher qui ne trafique que sur les viandes de qualité inférieure.
  • MERCENAIRE DE L'IMMOBILITÉ, s. m. Modèle,—dans l'argot des rapins.
  • MERDAILLON, s. m. Homme sans conséquence, méprisable, poltron. Argot du peuple.

On dit aussi Merdeux.

  • Merdaille, s. f. Troupe importune de petits enfants.
  • MERDE! Exclamation énergique dont Cambronne ne s'est servi qu'une fois, le 18 juin 1815, et dont le peuple se sert tous les jours,—dix fois plutôt qu'une.

Ah! merde alors! Exclamation qui n'échappe que dans les situations critiques, fatales, comme, par exemple, lorsqu'on perd au jeu, lorsqu'on casse sa pipe, etc.

  • MERDE, s. f. Homme sans consistance, sur lequel il n'y a pas moyen de compter dans les circonstances graves.
  • MERDEUX (Bâton), s. m. Homme d'un caractère inégal, fantasque, ombrageux, désagréable, qu'on ne sait par quel bout prendre pour lui parler et le faire agir.
  • MÈRE-ABBESSE, s. f. Grosse femme qui tient un pensionnat de demoiselles—indignes d'orner leur corsage du bouquet de fleurs d'oranger traditionnel.

L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne.

  • MÈRE AU BLEU, s. f. La guillotine,—dans l'argot des voleurs, qui veulent faire croire aux autres que c'est le chemin du ciel, sans le croire eux-mêmes.
  • MÈRE D'OCCASION, s. f. Chaperon que se choisit une actrice jeune qui veut se faire respecter—des gens pauvres. C'est ordinairement une vieille drôlesse chevronnée par le vice.

    «Dont le menton fleurit et dont le nez trognonne,»

    et dont la principale fonction consiste à conclure les marchés avec les nobles étrangers attirés autour de sa fille—adoptive—comme les papillons autour d'une lampe.
  • MÉRINOS, s. m. Personne qui a l'haleine forte,—dans l'argot des faubouriens, qui se plaisent aux calembours.
  • MERLAN, s. m. Coiffeur,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis l'invention de la poudre à poudrer, parce qu'alors les perruquiers étaient toujours enfarinés comme prêts à mettre en la poêle à frire. Le Journal de Barbier en fait mention, ce qui lui donne plus d'un siècle de circulation.
  • MÉRUCHE, s. f. Poêle,—dans l'argot des voleurs.

Méruchée. Poêlée.

Méruchon. Poêlon.

  • MESS, s. m. Table où mangent en commun les officiers d'un même régiment.

Encore un mot d'importation anglaise, à ce qu'il paraît: The Mess, dit le Dictionnaire de Spiers; to mess, ajoute-t-il. C'est plutôt un mot que nous reprenons à nos voisins, qui pour le forger ont dû se servir, soit de notre Mense (mensa), qui a la même signification, soit de notre Messe (missa), où le prêtre sacrifie sous les espèces du pain et du vin.

  • MESSE DU DIABLE, s. f. Interrogatoire,—dans l'argot des voleurs, qui sont volontiers athées.
  • MESSIÈRE, s. m. et f. Victime,—dans le même argot.

Messière franc. Bourgeois.

Messière de la haute. Homme comme il faut.

Ne serait-ce pas le Messire du vieux temps?

  • MESSIRE LUC, s. m. Anagramme facile à deviner,—dans l'argot des érudits amis de la scatologie.
  • MÉTAL, s. m. Argent,—dans l'argot du peuple, qui, sans s'en douter, se sert de la même expression qu'Horace: Metallis potior libertas (La liberté vaut tout l'or du monde).
  • MÉTAUX, s. m. pl. L'argent; or, argent ou cuivre,—dans l'argot des francs-maçons.
  • MÉTHODE CHEVÉ, s. f. Manière de jouer au billard contraire à l'usage: y jouer avec une cuiller, avec les doigts, avec deux queues, etc. Argot des bohèmes.

S'applique aussi au Bilboquet,quand on le prend par la boule et qu'on veut faire entrer le manche dedans.

  • MÉTIER, s. m. Habileté d'exécution, adresse de main,—dans l'argot des artistes.

Avoir un métier d'enfer. Être d'une grande habileté.

  • METTRE A L'OMBRE, v. a. Mettre en prison,—dans l'argot du peuple. Tuer,—dans l'argot des voleurs.
  • METTRE A MÊME. Tromper,—dans l'argot des faubouriens.

«Voyez quel emblême!
Sa nièc' d'Angoulème
Nous met tous à même!»

dit une chanson de 1832.

  • METTRE A PIED, v. a. Suspendre un employé de ses fonctions pendant plus ou moins de temps. Argot des bourgeois.
  • METTRE A QUELQU'UN (Le), v. a. Le tromper; lui conter des bourdes qu'il accepte pour des vérités,—dans l'argot des faubouriens.
  • METTRE A TABLE (Se). Être disposé à dénoncer ses complices; être sur le point de faire des révélations,—dans l'argot des voleurs qui veulent manger le morceau.
  • METTRE A TOUTES LES SAUCES (Se), v. réfl. Faire tous les métiers pour gagner sa vie,—dans l'argot du peuple.
  • METTRE AVEC QUELQU'UN (Se), v. réfl. Vivre maritalement,—dans l'argot des ouvriers et des grisettes.
  • METTRE BIEN (Se), v. réfl. Ne rien se refuser,—dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos de tout, excepté à propos de vêtements. Ainsi, en voyant quelqu'un boire beaucoup, il lui dira: «Tu te mets bien, toi!»
  • METTRE DANS DE BEAUX DRAPS, v. a. Engager quelqu'un dans une affaire scabreuse, dans un mauvais pas, dans un danger quelconque.

On dit aussi: Être dans de beaux draps.

  • METTRE DANS LA POMMADE, v. a. Gagner quelqu'un au jeu. Argot des faubouriens.

Signifie aussi Tromper, jouer un tour.

  • METTRE DANS LE MILLE, v. a. Réussir dans une entreprise.

Se dit aussi pour: Donner un coup de pied au derrière de quelqu'un.

  • METTRE DANS SON SAC. Recevoir des injures ou des coups sans y répondre; encaisser des soufflets ou des sottises sans en donner reçu.
  • METTRE DEDANS, v. a. Mettre en prison.

Signifie aussi Tromper.

  • METTRE DE L'EAU DANS SON VIN, v. a. S'humilier après avoir été arrogant; reconnaître ses torts.
  • METTRE DU BEURRE DANS SES ÉPINARDS, v. a. Introduire un peu de gaieté dans sa vie; avoir des chances heureuses.
  • METTRE EN BRINGUE, v. n. Mettre en morceaux, briser.
  • METTRE EN PATE, v. a. Renverser un ou plusieurs paquets en les transportant ou en imposant,—dans l'argot des typographes.

On dit aussi Tomber en pâte.

  • METTRE EN QUATRE (Se), v. réfl. Montrer du zèle pour quelqu'un ou pour quelque chose,—dans l'argot des bourgeois.
  • METTRE EN RANG D'OGNONS (Se). Se placer les uns derrière les autres,—dans l'argot du peuple.

On disait autrefois d'un homme, qu'il se mettait en rang d'ognons quand il se plaçait dans celui où il y avait des gens de plus grande condition que lui.

  • Mettre la main a la pate. Aider à un vol et participer à ses bénéfices.
  • METTRE LA PUCE A L'OREILLE, v. a. Inquiéter quelqu'un par une fausse nouvelle.

C'est l'alicui curam et angorem animi creare des Latins.

  • METTRE LA TABLE POUR LES ASTICOTS. Mourir,—dans l'argot des voyous.
  • METTRE LA TÊTE A LA FENÊTRE, v. a. Être guillotiné,—dans l'argot des voleurs.
  • METTRE LE CHIEN AU CRAN DU REPOS. Dormir,—dans l'argot des soldats.
  • METTRE LE MOINE, v. a. Passer un nœud coulant au pouce du pied d'un soldat pendant son sommeil, et tirer de temps en temps la corde par petites secousses: les contorsions douloureuses qu'il fait, sans se réveiller, sont très drôles, au dire des troupiers farceurs.

Au XVIe siècle on disait Bailler le moine.

  • METTRE LES PETITS PLATS DANS LES GRANDS, v. a. Se mettre en frais pour bien recevoir ses invités,—dans l'argot des bourgeois.
  • METTRE LES PIEDS DANS LE PLAT. Ne conserver aucun ménagement, ne prendre aucune précaution, ni garder aucune mesure en parlant ou en agissant. Argot du peuple.
  • METTRE SOUS PRESSE, v. a. Mettre en gage.
  • METTRE SUR LES DENTS, Épuiser, fatiguer, éreinter quelqu'un.
  • METTRE SUR LES FONTS DU BAPTÊME (Se). Se mettre dans une position difficile, embarrassante, compromettante. Argot des voleurs.
  • METTRE TOUS SES œUFS DANS LE MÊME PANIER. Confier toute sa fortune à un seul banquier; aventurer tout ce qu'on a dans une entreprise. Argot des bourgeois.
  • MEUBLANT, s. m. Entreteneur, galant homme qui met une femme galante dans ses meubles.

L'expression est toute récente.

  • MEULARD, s. m. Veau,—dans l'argot des voleurs.
  • MEULES DE MOULIN, s. f. plur. Les dents, principalement les molaires, qui broient le pain,—dans l'argot du peuple, qui emploie sans s'en douter une expression tout à fait biblique.

Les ouvriers anglais disent grinders (les broyeuses).

  • MEUNIER, s. m. Recéleur de plomb volé.
  • MEURT-DE-FAIM, s. m. Misérable, pauvre diable,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Meurt-la-faim et Crève-la-faim.

  • MEURT-DE-FAIM, s. m. Petit pain d'un sou,—dans l'argot des faubouriens.
  • MÉZIGO, pron. pers. Moi,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Mézigue, Mézère, et Ma fiole.

  • MIB ou MIBRE, s. m. Tour de force quelconque, chose où l'on excelle,—dans l'argot des gamins.

C'est mon mib! C'est mon triomphe!

Signifie aussi Défi. C'est ton mib, c'est-à-dire: Tu ne feras jamais cela.

  • MICHE, s. f. Dentelle,—dans l'argot des voleurs.
  • MICHÉ, s. f. Gros morceau de pain,—dans l'argot du peuple.

Se dit aussi pour Pain entier.

«Et moins encor il fait du bien
Aux pauvres gens, tant il est chiche;
Si il a mangé de leur miche.»

(Les Touches du seigneur des Accords.)

  • MICHE, s. m. Homme quelconque, jeune ou vieux, laid ou beau, disposé à acheter ce qui ne devrait jamais se vendre,—dans l'argot des filles, qui emploient depuis longtemps cette expression, contemporaine de michon (argent) et de miche (pain).

«On appelle miché. . .
Quiconque va de nuit et se glisse en cachette
Chez des filles d'amour, Barbe, Rose ou Fanchette,»

dit un poème de Médard de Saint-Just (1764).

Miché de carton. Amant de passage, qui n'offre que des gants de filoselle.

Miché sérieux. Protecteur, ou amant généreux qui offre une boîte entière de gants.

  • MICHÉ, s. m. Client,—dans l'argot des photographes; homme ou femme qui achète, qui paie,—dans plusieurs autres argots.
  • MICHETON, s. m. Petit miché, homme à qui les marchandes d'amour font un rabais.
  • MIC-MAC, s. m. Fourberie, tromperie cachée, intrigue,—dans l'argot du peuple.
  • MIDI! Exclamation du même argot, employée pour signifier: Trop tard!

Il est midi! C'est-à-dire je ne crois pas un mot de ce que vous dites; «Je ne coupe pas dans ce pont-là!»

  • MIE DE PAIN, s. f. Pou,—dans l'argot des voleurs, qui savent combien une miette de pain égarée sous la chemise cause de démangeaisons à la peau.
  • MIE DE PAIN, s. f. Chose de peu de valeur,—dans l'argot des typographes.

Ils disent cela à propos des gens qui ne leur conviennent pas.

  • MIEL! Interjection de l'argot des bourgeois, amis de l'euphémisme.
  • MIEL (C'est un). Phrase de l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos de tout, et surtout mal à propos. Une chose leur paraît bonne ou belle: C'est un miel. Ils entrent dans un endroit qui pue: C'est un miel. On se bat devant eux à coups de poing ou de couteau, et le sang coule: C'est un miel, etc., etc.
  • MIETTE (Une). Un peu,—dans l'argot du peuple.
  • MIJAURÉE, s. f. Femme dédaigneuse et plus bégueule qu'il convient,—dans l'argot des bourgeois.

Faire la mijaurée. Faire des manières et des façons pour accepter une chose.

On dit aussi Minaudière.

  • MIJOTER, v. a. Entreprendre à la sourdine; préparer lentement,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe au figuré.
  • MIKEL, s. m. Dupe,—dans l'argot des saltimbanques.
  • MILLE-LANGUES, s. m. Personne bavarde, indiscrète,—dans l'argot du peuple.
  • MILLERIE, s. f. Loterie,—dans l'argot des voleurs.
  • MILLIASSES, s. f. pl. Fort grand nombre. Argot du peuple.
  • MILORD, s. m. Homme riche, en apparence du moins,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis l'occupation de Paris par les Anglais.
  • MILORD, s. m. Entreteneur,—dans l'argot des petites dames.

Leurs mères, plus prosaïques et moins vaniteuses, disaient Milord pot-au-feu, comme en témoigne ce couplet de Désaugiers:

«Lorsque nous aimons,

Nous finançons

Afin de plaire.

D'où vient qu'en tout lieu

On dit: «Un milord pot-au-feu.»

  • MILORD, s. m. Cabriolet à quatre roues,—dans l'argot des cochers.
  • MIMI, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des artistes et des bohèmes, qui ont emprunté cette expression à Henry Murger, qui l'avait empruntée à Alfred de Musset.
  • MINABLE, adj. et s. Pauvre, misérable; mesquin; de mauvaise mine,—dans l'argot du peuple.
  • MINCE, s. m. De peu de valeur, morale ou physique,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses. Mince alors!
  • MINCE, s. m. Papier à lettres,—dans l'argot des voleurs.
  • MINCES, s. m. pl. Billets de banque,—dans l'argot des faubouriens, qui, originairement, ont donné ce nom aux assignats.
  • MINET, s. m. Chat,—dans l'argot des enfants.

Ils disent aussi Minon.

  • Minois, s. m. Nez,—dans l'argot des voleurs.
  • MINOTAURISER, v. a. Tromper un homme avec sa femme, comme Pâris avec la femme de Ménélas. Argot des gens de lettres.

L'expression sort de la Physiologie du mariage d'H. de Balzac.

  • MINUIT, s. m. Nègre,—dans l'argot des voleurs.
  • MIOCHE, s. m. Enfant,—dans l'argot du peuple, pour qui un nouveau-né est une miette d'homme, et dont le corps pétri de lait, presque sans os et sans muscles, ressemble à de la mie de pain.
  • MIRADOU, s. m. Miroir,—dans l'argot des voleurs.
  • MIRECOURT, s. m. Nom d'homme qui est devenu celui de tous les pamphlétaires de plus de passion que de talent.

Théodore de Banville est le premier qui, en littérature, ait fait de ce nom propre un substantif courant. Il restera, il doit rester.

  • MIRE-LAID, s. m. Miroir,—dans l'argot du peuple.
  • MIRETTES, s. f. pl. Yeux,—dans l'argot des voyous.
  • MIRLIFLORE, s. m. Le gandin de la Restauration, qui est toujours le Lion pour le peuple.
  • MIRLITON, s. f. La voix humaine,—dans l'argot des faubouriens.

Jouer du mirliton. Parler, causer.

  • MIROBOLAMMENT, adv. Merveilleusement.

Cet adverbe appartient à H. de Balzac.

  • MIROBOLANT, adj. Inouï, merveilleux, féerique.
  • MIROIR A PUTAINS, s. m. Beau garçon,—dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le témoignent ces vers de Scarron:

«Dis-lui qu'un miroir à putain,
Pour dompter le Pays Latin
Est un fort mauvais personnage.»

  • MISE A PIED, s. f. Privation de fonctions et d'appointements. Argot des bourgeois.
  • MIRQUIN, s. m. Bonnet,—dans l'argot des voleurs.
  • MIRZALES, s. f. pl. Boucles d'oreilles,—dans le même argot.
  • MISE (Faire sa). Payer le droit de circulation sur «le pont d'Avignon»,—dans l'argot des filles.
  • MISE-BAS, s. f. Vêtements des maîtres qui reviennent de droit aux domestiques, lesquels se croiraient lésés et réclameraient si l'on portait trop longtemps ces vêtements.
  • MISE-BAS, Accouchement,—dans l'argot du peuple.
  • MISE-BAS, s. f. Grève, chômage volontaire,—dans l'argot des typographes.
  • MISÉRABLE, s. m. Verre d'eau-de-vie d'un sou,—dans l'argot des ouvriers.
  • MISÈRE, s. f. Petite quantité; chose de peu d'importance: petite somme,—dans l'argot des bourgeois.
  • MISÉRER, v. n. Souffrir de la misère,—dans l'argot du peuple. On dit aussi: Ficher la misère.
  • MISÈRES, s. f. pl. Taquineries, petites méchancetés,—dans l'argot des bourgeois.

Dire des misères. Taquiner quelqu'un en lui contant des choses qui le contrarient, qui l'inquiètent.

Faire des misères. Agacer quelqu'un, lui jouer un tour plus ou moins désagréable.

  • MISLOQUE, s. f. Théâtre,—dans l'argot des voleurs.

Jouer la misloque. Jouer la comédie.

  • MISLOQUIER, ère, s. Acteur, actrice.
  • MISSISSIPI (Au), adv. Très loin,—dans l'argot du peuple, pour qui l'Amérique est un pays aussi éloigné de lui que la lune.

C'est l'équivalent de: Au diable au vert (ou Vauvert).

  • MISTI, s. m. Apocope de Mistigri,—dans l'argot des brelandières de brasseries.
  • MISTIGRI, s. m. Valet de trèfle,—dans l'argot des joueurs.

Se dit aussi d'un Jeu de cartes où l'on a gagné quand on a fait brelan avec le valet de trèfle escorté de deux autres valets.

  • MISTIGRIS, s. m. Apprenti,—dans l'argot des peintres en bâtiment.

Balzac a-t-il emprunté son rapin de ce nom aux peintres en bâtiment, ou ceux-ci à l'auteur de la Comédie humaine?

  • MISTOUFLE, s. f. Farce; méchanceté; trahison,—dans l'argot des typographes.
  • MISTRON, s. m. Le jeu de mistigri,—dans l'argot de Breda-Street.
  • MISTRONEUR, EUSE, s. et adj. Amateur de mistron.
  • MITAN, s. m. Milieu,—dans l'argot du peuple.
  • MITE, s. f. Chassie des yeux.
  • MITEUX, adj. Qui a les yeux chassieux.
  • MITON-MITAINE, s. m. Remède inoffensif, expédient inutile, secours inefficace.

On dit aussi: Onguent miton-mitaine.

  • MITONNER, v. a. Préparer de longue main.
  • MITRAILLE, s. f. Monnaie, gros sous,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela depuis longtemps.
  • MITRE, s. f. Cachot,—dans l'argot des voleurs.
  • MITRON, s. m. Ouvrier boulanger,—dans l'argot du peuple.

Le petit mitron. Le Dauphin, fils de Louis XVI,—du boulanger, comme l'appelaient les Parisiens en 1792.

  • MOBILE, s. f. La garde nationale mobile formée en 1848 avec les fils du peuple—et aux dépens du peuple.

C'est aussi le nom que portait, en 1830, la légion des Volontaires de la Charte.

  • MOBILE, s. m. Soldat de la garde nationale mobile.
  • MOBILIER, s. m. Les dents,—dans l'argot des voleurs, héritiers des Précieuses qui disaient l'ameublement de la bouche.
  • MOBLO ou MOBLOT, s. m. Garde mobile,—dans l'argot des faubouriens.
  • MOCASSINS, s. m. pl. Souliers,—dans l'argot des ouvriers qui ont lu les romans américains de Cooper, de Gabriel Ferry et de Gustave Aymard.
  • MODÈLE, s. m. Homme ou femme qui pose dans les ateliers. Argot des artistes.

Modèle d'ensemble. Qui pose pour l'Académie, pour tout le corps, au lieu de ne poser que pour la tête, ou pour n'importe quelle partie spéciale du corps.

  • MODERNE, s. m. Fashionable,—dans l'argot des faubouriens.
  • MOINE, s. m. Bouteille de grès que l'on remplit d'eau chaude et que l'on place au pied du lit. Argot des bourgeois.
  • MOINE, s. m. Partie d'une épreuve qui n'a pas pris l'encre et vient blanche au lieu d'être imprimée. Argot des typographes.

On dit aussi Loup.

Les typographes anglais ont le même mot; ils en ont même deux pour un: monk and friar. Le monk, c'est notre moine, c'est-à-dire une feuille maculée ou imprimée trop noire Le friar, c'est un moine blanc, c'est-à-dire une feuille qui est imprimée trop pâle.

  • MOINEAU, s. m. Se dit par ironie,—dans l'argot du peuple,—d'un homme dont on a à se plaindre, ou qui se vante mal à propos.

On ajoute un qualificatif pour renforcer l'ironie: Tu es un joli moineau!

C'est le pendant de: Tu es un joli coco!

  • MOINE-LAI, s. m. Invalide tombé en enfance, comme on en voit quelques-uns dans la Salle de la Victoire,—l'infirmerie de l'Hôtel des vieux braves.
  • MOIS DE NOURRICE, s. m. pl. Les années qu'oublie volontairement de compter une femme qu'on interroge sur son âge.

Se dit aussi de toute personne qui se trompe dans un calcul et oublie quelques fractions importantes.

  • MOISIR, v. n. Rester longtemps à la même place, ou en possession du même emploi,—dans l'argot du peuple qui emploie surtout ce verbe avec la négative.
  • MOITIÉ, s. f. Epouse,—dans l'argot des bourgeois, qui ne disent pas cela avec le même respect que les Anglais disant the better half.
  • MOLANCHE, s. f. Laine,—dans l'argot des voleurs.
  • MOLARD, s. m. Mucosité expectorée,—dans l'argot des faubouriens.
  • MOLARDER, v. n. Graillonner, expectorer abondamment.
  • MOLIÈRE, s. m. Décor de salon simple dans lequel peuvent se jouer presque toutes les comédies de feu Poquelin. Argot des coulisses.

Tous les théâtres, notamment ceux de province, ont un certain nombre de décors de magasin, d'un emploi fréquent et commun: le molière, le rustique, le salon riche, la place publique, la forêt, la prison, le palais, et le gothique (intérieur). Avec cela on peut tout représenter, les tragédies de Racine et les vaudevilles de M. Clairville.

  • MOLLASSE, s. f. Femme lymphatique, dolente, sans énergie,—dans l'argot du peuple.
  • MOLLUSQUE, s. m. Homme à l'esprit étroit, aux idées arriérées, qui se renferme dans la tradition comme l'escargot dans sa coquille.
  • MOLOSSE, s. m. Gros chien,—dans l'argot des bourgeois qui ne sont pas fâchés de prouver de temps en temps qu'ils ont quelque teinture d'Histoire ancienne.
  • MOMAQUE, s. m. Enfant,—dans l'argot des voleurs.
  • MÔME, s. m. Petit garçon: voyou; apprenti,—dans l'argot des ouvriers.

On pourrait croire cette expression moderne; on se tromperait, car voici ce que je lis dans l'Olive, poème de Du Bellay adressé à Ronsard, à propos des envieux:

«La Nature et les Dieux sont

Les architectes des hômes

Ces deux (ô Ronsard) nous ont

Bâtis des mêmes atômes.

Or cessent donques les mômes

De mordre les écriz miens...»

  • MÔME, s. f. Jeune fille; maîtresse,—dans l'argot des voleurs, pour qui elle ressemble plus à une enfant qu'à une femme.

Ils disent aussi Mômeresse.

  • MÔME D'ALTÈQUE, s. m. Adolescent,—dans le même argot.
  • MOMERIE, s. f. Hypocrisie; fausse dévotion,—dans l'argot du peuple.
  • MOMIE, s. f. Homme ou femme sans énergie, qui n'aime pas à se remuer.
  • MOMIÈRE, s. f. Sage-femme,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Momeuse et Madame Tire-môme.

  • MOMIGNARD, s. m. Petit garçon, plus petit encore que le môme.

On dit au féminin Momignarde.

  • MÔMIR, v. n. Accoucher.
  • MONACO, s. m. Sou de cuivre,—dans l'argot du peuple, qui consacre ainsi le souvenir d'un roitelet, Honoré V, prince de Monaco, mort de dépit en 1841, dit A. Villemot, de n'avoir pu faire passer pour deux sous en Europe ses monacos, qui ne valaient qu'un sou.
  • MONANT, s. m. Ami,—dans l'argot des voleurs.

Monante. Amie.

  • MONARQUE, s. f. Pièce de cinq francs,—dans l'argot du peuple.

Monarques. Les rois d'un jeu de cartes.

  • MONDE RENVERSÉ, s. f. La guillotine,—dans l'argot des faubouriens.
  • MONFIER, v. a. Embrasser,—dans l'argot des voleurs.
  • MONNAIE, s. f. Argent,—dans l'argot du peuple.

Plus que ça de monnaie! Quelle chance!

  • MON œIL! Exclamation ironique et dédaigneuse de l'argot des faubouriens, qui l'emploient soit comme formule de refus, soit comme marque d'incrédulité.
  • MONSEIGNEUR, s. m. Pince de voleur, qui sert à crocheter les portes.

Les voleurs anglais disent de même Bess ou Betty.

  • MONSEIGNEURISER, v. a. Crocheter une porte.
  • MONSIEUR, s. m. Bourgeois, homme bien mis,—dans l'argot du peuple.

Faire le Monsieur. Trancher du maître; dépenser de l'argent; avoir une maîtresse.

  • MONSIEUR, s. m. Entreteneur,—dans l'argot de Breda-Street.

On dit aussi Monsieur Chose.

Monsieur bien. Homme distingué,—qui ne regarde pas à l'argent.

  • MONSIEUR, s. m. Verre d'eau-de-vie de quatre sous,—dans l'argot des ouvriers.
  • MONSIEUR BAMBOU, s. m. Canne,—dans l'argot des souteneurs, qui en procurent la connaissance aux épaules des filles réfractaires à leur demande d'argent.
  • MONSIEUR DE PARIS, s. m. L'exécuteur des hautes œuvres,—dans l'argot des bourgeois.
  • MONSIEUR LEBON. Bon compagnon qui paye volontiers pour les autres. Argot du peuple.
  • MONSIEUR DE PÈTESEC, s. m. Homme un peu roide, un peu orgueilleux.
  • MONSIEUR DIMANCHE, s. m. Créancier,—dans l'argot des bohèmes, qui jouent souvent la scène de Don Juan.
  • MONSIEUR DUFOUR est dans la salle. Phrase par laquelle un acteur avertit un de ses camarades qu'il joue mal et va se faire siffler.

Quelquefois on dit: Le vicomte Du Four est dans la salle.

  • MONSIEUR HARDI, s. m. Le vent,—dans l'argot du peuple.
  • MONSIEUR PERSONNE. Personne, nul.
  • MONSIEUR PIGEON. Type du garde national de la Restauration.
  • MONSIEUR RAIDILLON, s. m. Homme fier et susceptible.

On dit aussi: Monsieur Pointu.

  • MONSIEUR VAUTOUR, s. m. Propriétaire,—dans l'argot des bohèmes, qui disent cela depuis l'opéra comique intitulé: Maison à vendre, dans lequel on chante:

«La maison de M. Vautour Est celle où vous voyez un âne.»

  • MONSIEUR VETO. Louis XVI,—dans l'argot des révolutionnaires de 1792, par allusion au véto du 19 juin sur les décrets concernant le camp sous Paris et la déportation des ecclésiastiques.
  • MADAME VÉTO. Marie-Antoinette.

On connaît la chanson;

«Madam' Véto s'était promis

De faire égorger tout Paris;

Mais son coup a manqué,

Grâce à nos canonniers!

Dansons la carmagnole,

Vive le son

Du canon!»

  • MONSTRE, s. m. Les paroles qu'un musicien adapte à un air trouvé par lui, en attendant les paroles plus poétiques du librettiste.
  • MONSTRE, adj. Étonnant, colossal,—dans l'argot du peuple.
  • MONSTRICO, s. m. Personne laide comme un petit monstre.

Le mot appartient à H. de Balzac.

  • MONT, s. m. Établissement du Mont-de-Piété,—dans l'argot des faubouriens.

Le grand Mont. Le Mont-de-Piété de la rue des Blancs-Manteaux.

Le Petit Mont. Le commissionnaire au Mont-de-Piété.

  • MONTAGNARD, s. m. Cheval de renfort destiné à être mis en flèche aux omnibus pour les montées difficiles.
  • MONTAGNARD, s. m. Beignet au centre duquel est un peu de confitures de groseilles.

L'expression date de 1848: elle a été appliquée à cette sorte de beignet, par les Associations de cuisiniers, et n'a pas plus duré qu'elles.

  • MONTANT, s. m. Forte saveur; relief bien accusé.

Se dit à propos des choses et des personnes. Une phrase a du montant quand elle est énergique. Une femme a du montant quand elle a du cynisme.

  • MONTANT, s. m. Pantalon,—dans l'argot des voleurs.
  • MONTANTE, s. f. Echelle,—dans le même argot.
  • MONTER, v. n. S'emporter, se mettre en colère,—dans l'argot du peuple.

Faire monter quelqu'un. L'exaspérer, l'agacer.

  • MONTER A L'ARBRE, v. n. Être le jouet innocent de quelques farceurs qui font pour vous, homme, ce que d'autres farceurs font pour Martin, ours, au Jardin des Plantes,—sans réfléchir que, furieux d'être ainsi joué, vous pouvez leur casser les reins d'un coup de griffe.

On dit aussi Monter à l'échelle.

  • MONTER EN GRAINE, v. n. Vieillir,—dans l'argot des bourgeois, qui disent cela surtout à propos des filles destinées à coiffer sainte Catherine.
  • MONTER LA TÊTE (Se), v. réfl. Se donner un courage factice, soit en buvant, soit en se répétant les outrages qu'on a subis et dont on veut tirer raison. Argot du peuple.
  • MONTER LE COUP (Se), v. réfl. Se faire des illusions à propos de quelqu'un ou de quelque chose; s'attendre à une félicité improbable ou à une fortune impossible.

On dit aussi se monter le baluchon.

  • MONTER LE COUP A QUELQU'UN, v. a. Le tromper; lui promettre une chose qu'il désire et qu'on sait ne pas pouvoir lui donner; mentir.

On dit aussi Monter des couleurs et monter le Job.

  • MONTER QUELQU'UN, v. a. L'exciter par des paroles à faire une chose qu'il ne ferait pas de lui-même.
  • MONTER SUR LA TABLE, v. n. Lever le masque,—dans l'argot des voleurs, qui ne font cela que par bravade, comme Lacenaire s'accusant lui-même d'un crime pour entraîner dans sa chute un complice.
  • MONTER SUR SES ERGOTS, v. n. S'emporter, faire de violents reproches à quelqu'un,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Monter sur ses grands chevaux.

  • MONTEUR DE COUPS, s. m. Homme qui vit de mensonges et d'expédients, chevalier d'industrie; escroc.
  • MONTEUSE DE COUPS, s. f. Drôlesse qui joue du sentiment avec plus ou moins d'habileté et s'en fait plus ou moins de revenus.
  • MONTMORENCY, s. f. Cerises de Montmorency,—dans l'argot du peuple, qui dit de même Montreuil pour pêche, Fontainebleau pour raisin de treille, Valence pour orange.
  • MONTRER LA COUTURE DE SES BAS, Rompre son engagement,—dans l'argot des cabotins.
  • MONTRER LES TALONS, v. a. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot du peuple.
  • MONTRER SON NEZ, v. a. Faire une courte apparition quelque part,—dans l'argot des employés qui, après avoir montré leur nez à leur ministère, ne craignent pas de lui montrer aussitôt les talons.
  • MOQUER COMME DE L'AN QUARANTE (S'en). Complètement, comme d'une année qui n'arrivera jamais. Argot des bourgeois.

Le peuple dit: S'en foutre comme de l'an 40.

  • MORACE, s. f. Inquiétude, danger, remords,—dans l'argot des voleurs, qui ont cependant très rarement des «puces à la muette».

Battre morace. Crier à l'assassin.

  • MORASSE, s. f. Dernière épreuve d'un journal,—dans l'argot des typographes, qui savent mieux que personne être moracii, c'est-à-dire en retard, morari.
  • MORCEAU D'ARCHITECTURE, s. m. Discours lu ou parlé,—dans l'argot des francs-maçons.
  • MORCEAU DE GRUYÈRE, s. m. Figure marquée de la petite vérole,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux trous du fromage de Gruyère.
  • MORCEAU DE ROI, s. m. Belle fille, jeune et appétissante,—dans l'argot des bourgeois, parmi lesquels on trouverait sans peine quelques Lebel, si on en avait besoin pour quelque Parc-aux-Cerfs.
  • MORCEAU DE SALÉ, s. m. Femme chargée d'embonpoint,—dans l'argot du peuple.

Se dit aussi de quelqu'un malpropre d'habits ou de discours.

  • MORCEAU HONTEUX, s. m. Le dernier morceau d'un plat,—dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas y toucher, malgré les sollicitations de leur appétit, parce que la «civilité puérile et honnête» le leur défend.
  • MORDANTE, s. f. Scie, lime,—dans l'argot des voleurs.
  • MORDRE (Ne pas), v. n. Être sans force, sans esprit, sans beauté,—dans l'argot des faubouriens et des filles.

On dit aussi, en employant la même ironie: N'être pas méchant.

  • MORDRE (Se faire). Se faire reprendre, réprimander, humilier, battre,—dans l'argot du peuple.
  • MORFE, s. f. Repas,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot et ses dérivés à la vieille langue des honnêtes gens.
  • MORFIAILLER, v. n. Manger,—dans le même argot, plagiaire de la bonne langue: «Là, là, là, c'est morfiaillé, cela!» dit Rabelais au Propos des beuveurs.

On dit aussi Morfer, Morfier et Morfiller.

  • MORFIANTE, s. f. Assiette.

On dit aussi Limonade.

  • MORFILLER LE DARDANT (Se). Se faire du mauvais sang, se manger le cœur.
  • MORGANE, s. f. Sel,—dans le même argot.

Flouant de la morgane. Escroquerie commise au moyen d'un paquet de sel et d'un mal de dents supposé.

  • MORGANER, v. a. Mordre,—dans le même argot.

Signifie aussi Nuire, comme le prouvent ces deux vers de la parodie du Vieux Vagabond de Béranger, par MM. Jules Choux et Charles Martin:

«Comme un coquillon qui morgane
Que n'aplatissiez-vous l'gonsier?...»

  • MORICAUD, s. m. Charbon,—dans le même argot.

Signifie aussi Broc de marchand de vin,—qu'un long usage a noirci.

  • MORICAUD, s. et adj. Nègre, mulâtre,—dans l'argot des faubouriens.

Moricaude. Négresse.

  • MORILLO, s. m. Chapeau à petits bords que portaient les royalistes au temps de la guerre entre Bolivar et Morillo, c'est-à-dire entre les Républiques de l'Amérique du Sud et le roi d'Espagne. Les libéraux, eux, portaient le bolivar.
  • MORNANTE, s. f. Bergerie,—dans l'argot des voleurs.
  • MORNE, s. f. Brebis, mouton.

On dit aussi Morné, ou plutôt mort-né, qui est la véritable orthographe, parce que c'est la véritable étymologie du mot.

  • MORNÉE, s. f. Bouchée.
  • MORNIER, s. m. Berger.
  • MORNIFLE, s. f. Soufflet, coup de poing,—dans l'argot du peuple.
  • MORNIFLE, s. f. Monnaie,—dans l'argot des voleurs, qui se la disputent à coups de poing.

Mornifle tarte. Fausse monnaie.

  • MORNIFLEUR TARTE, s. m. Faux-monnayeur.
  • MORPHÉE, s. m. Sommeil,—dans l'argot des académiciens et des bourgeois.

Se jeter dans les bras de Morphée. Se coucher.

Être dans les bras de Morphée. Dormir.

  • MORPION, s. m. Gamin, enfant désagréable, irritant,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi, par respect humain, morbaque; mais la première expression vaut mieux, parce qu'elle est plus franche. Elle se trouve avec son sens entomologique dans les Touches du seigneur des Accords, qui dit à Barbasson:

«Tu as ta barbe si rude,

Et les cheveux si épais,

Qu'il semble avoir deux forêts

Où loge une multitude

De morpions et de poux,

Au lieu de cerfs et de loups.»

  • MORT, s. m. Partner imaginaire à qui l'on réserve des cartes comme s'il était vivant,—dans l'argot des joueurs de whist et de mistigri.

Faire un mort. Jouer le whist à trois personnes, en découvrant le jeu de la quatrième—absente.

Prendre le mort. Changer les cartes qu'on vous a données, et qu'on trouve mauvaises, contre celles réservées au partner imaginaire.

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