Dictionnaire de la langue verte
- FAIRE DES GAUFRES. S'embrasser entre grêlés,—dans l'argot du peuple.
- FAIRE DES GRÂCES, v. a. Minauder ridiculement.
Signifie aussi: S'étendre paresseusement au lieu de travailler.
- FAIRE DES SIENNES, v. a. Faire des folies ou des sottises,—dans l'argot des bourgeois.
- FAIRE DES YEUX DE HARENG, v. a. Crever les yeux à quelqu'un,—dans l'argot des voleurs.
- FAIRE DE VIEUX OS (Ne pas), v. a. Ne pas demeurer longtemps dans un emploi, dans un logement, etc.
Signifie aussi: N'être pas destiné à mourir de vieillesse, par suite de maladie héréditaire ou de santé débile.
- FAIRE DU LARD, v. a. Dormir; se prélasser au lit,—dans l'argot du peuple, à qui les exigences du travail ne permettront jamais d'engraisser.
Aller faire du lard. Aller se coucher.
- FAIRE DU PAPIER MARBRÉ, v. a. Avoir la mauvaise habitude de se réchauffer les pieds avec un gueux,—dans l'argot du peuple, qui a eu maintes fois l'occasion de constater les inconvénients variqueux de cette habitude familière aux marchandes en plein vent, aux portières, et généralement à toutes les femmes trop pauvres pour pouvoir employer un autre mode de chauffage que celui-là.
- FAIRE ÉCLATER LE PÉRITOINE (S'en). Manger ou boire avec excès,—dans l'argot des étudiants.
- FAIRE ENSEMBLE, v. n. Jouer ou manger ensemble,—dans l'argot des écoliers, qui prêtent quelquefois cette expression aux ,grandes personnes.
- FAIRE FEU, v. a. Boire,—dans l'argot des francs-maçons, qui ont des canons pour verres.
- FAIRE JACQUES DÉLOGE, v. n. Partir précipitamment sans payer son terme ou sans prendre congé de la compagnie,—dans l'argot du peuple.
- FAIRE LA BALLE ÉLASTIQUE. Manquer de vivres,—dans l'argot des voleurs, que cela doit faire bondir.
- FAIRE LA BARBE, v. a. Se moquer de quelqu'un, lui jouer un vilain tour,—dans l'argot du peuple.
- FAIRE LA BÊTE, v. a. Faire des façons.
On dit aussi Faire l'âne pour avoir du son.
- FAIRE LA GRANDE SOULASSE, v. a. Assassiner,—dans l'argot des voleurs.
- FAIRE LA GRASSE MATINÉE, v. a. Rester longtemps au lit à dormir ou à rêvasser,—dans l'argot des bourgeois, à qui leurs moyens permettent ce luxe.
- FAIRE LA MANCHE, v. a. Faire la quête,—dans l'argot des saltimbanques.
- FAIRE LA PLACE POUR LES PAVÉS A RESSORTS. Faire semblant de chercher de l'ouvrage et prier le bon Dieu de ne pas en trouver,—dans l'argot des ouvriers, ennemis-nés des paresseux.
- FAIRE LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS. Être le maître quelque part; avoir une grande influence dans une compagnie, dans un atelier. Argot des bourgeois.
- FAIRE LA RETAPE, v. a. Aller se promener sur le trottoir des rues ou des boulevards, en toilette tapageuse et voyante, bien retapée en un mot, pour y faire la chasse à l'homme. Argot des filles et des souteneurs.
- FAIRE L'ARTICLE, v. a. Vanter sa marchandise,—dans l'argot des marchands. Parler de ses titres littéraires,—dans l'argot des gens de lettres. Faire étalage de ses vices,—dans l'argot des petites dames.
- FAIRE LA SOURIS, v. n. Enlever délicatement et sans bruit son argent à un homme au moment où il doit y penser le moins,—dans l'argot des petites dames qui ne craignent pas d'ajouter le vol au vice.
- FAIRE LA TORTUE. Jeûner,—dans l'argot des voleurs et des faubouriens, qui font allusion à l'abstinence volontaire ou forcée à laquelle l'intéressant testudo est astreint pendant des mois entiers.
- FAIRE LA VIE, v. n. Se débaucher, courir les gueuses, ou avoir de nombreux amants, selon le sexe,—dans l'argot des bourgeois, qui pensent peut-être que c'est plutôt défaire sa vie.
- FAIRE LE BON FOURRIER, v. n. C'est, dans un repas, servir ou découper de façon à ne pas s'oublier soi-même.
Faire le mauvais fourrier. Servir ou découper de façon à contenter tout le monde excepté soi-même.
- FAIRE LE BOULEVARD, v. n. Se promener, en toilette provocante et en tournure exagérée, sur les boulevards élégants,—dans l'argot de Breda-Street, qui est l'écurie d'où sortent chaque soir, vers quatre heures, de si jolis pur-sang, miss Arabella, miss Love, etc.
On dit aussi Faire la rue ou Faire le trottoir.
- FAIRE LE CUL DE POULE, v. n. Faire la moue en avançant les lèvres et en les pressant,—dans l'argot du peuple.
- FAIRE L'ÉCUREUIL. Faire une besogne inutile, marcher sans avancer,—dans le même argot.
- FAIRE L'ÉGARD. Détourner à son profit partie d'un vol.
On disait autrefois Ecarter,—ce qui est faire son écart.
- FAIRE LE GRAND, v. a. Alvum deponere,—dans l'argot des pensionnaires.
Elles disent aussi Faire le grand tour.
- FAIRE LE LÉZARD, v. n. S'étendre au soleil et y dormir ou y rêver,—dans l'argot des bohèmes et du peuple.
- FAIRE LE MOUCHOIR, v. a. Voler une idée de drame, de vaudeville ou de roman,—dans l'argot des gens de lettres.
- FAIRE LE PETIT, v. a. Meiere;—dans l'argot des pensionnaires.
Elles disent aussi Faire le petit tour.
- FAIRE LE PLONGEON, v. a. Se confesser in extremis—dans l'argot du peuple, qui a horreur de l'eau.
C'est le mot de Condorcet parlant des derniers moments d'Alembert: «Sans moi, dit-il, il faisait le plongeon.»
- FAIRE L'œIL de carpe. Rouler les yeux de façon à n'en montrer que le blanc,—dans l'argot des petites dames, qui croient ainsi donner fort à penser aux hommes.
- FAIRE MAL. Faire pitié,—dans l'argot des faubouriens et des filles, qui disent cela avec le plus grand mépris possible. Ah!tu me fais mal! est d'une éloquence à nulle autre pareille: on a tout dit quand on a dit cela.
- FAIRE MOURIR (S'en). Désirer ardemment une chose,—dans l'argot du peuple.
S'emploie d'ordinaire comme formule de refus à une demande indiscrète ou exagérée: Ah! tu t'en ferais mourir! C'est le refrain d'une chanson récente qui a fait son tour de Paris comme le drapeau rouge, et qui est en train de faire son tour au monde comme le drapeau tricolore.
- FAIRE NONNE. Prêter la main à un vol,—dans l'argot des prisons.
- FAIRE PASSER LE GOÛT DU PAIN. Tuer quelqu'un,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi Perdre le goût du pain, pour Mourir.
- FAIRE PATROUILLE. Se débaucher de compagnie, courir les rues après minuit avec des libertins et des ivrognes.
- FAIRE PEAU NEUVE. S'habiller à neuf.
- FAIRE PÉTER LE CYLINDRE (S'en). Se dit, dans l'argot des faubouriens, de toute chose faite avec excès, comme de manger, de boire, etc., et qui pourrait faire éclater un homme,—c'est-à-dire le tuer.
On dit aussi S'en faire péter la sous-ventrière.
- FAIRE PETITE CHAPELLE, v. n. Se chauffer comme ont la pernicieuse habitude de le faire les femmes du peuple, qui s'exposent ainsi à des maladies variqueuses.
- FAIRE PIEDS NEUFS, v. a. Accoucher d'un enfant,—dans l'argot du peuple, qui se souvient, sans l'avoir lu, du livre Ier, chap. VI, de Gargantua.
- FAIRE PLEURER SON AVEUGLE. Meiere,—dans l'argot des faubouriens.
- FAIRE RAMASSER (Se). Se faire arrêter,—dans l'argot des voleurs et des filles.
- FAIRE SA BALLE, v. a. Suivre les instructions ou les conseils de quelqu'un,—dans l'argot des prisons.
- FAIRE SALUER LE POLICHINELLE. Réussir, faire mieux que les autres,—dans l'argot des faubouriens. C'est une allusion aux tirs à l'arbalète des fêtes publiques, où, quand on met dans le mille, on voit sortir et saluer une tête de Turc quelconque.
- FAIRE SA SOPHIE, v. n. Se scandaliser à propos d'une conversation un peu libre, montrer plus de sagesse qu'il ne convient.
On dit aussi Faire sa poire, Faire sa merde, et Faire son étroite,—dans l'argot des voyous.
- FAIRE SAUTER LA COUPE. Battre les cartes de façon à toujours amener le roi,—dans l'argot des grecs.
- FAIRE SAUTER LE SYSTÈME (Se), v. réfl. Se brûler la cervelle,—dans l'argot des faubouriens.
- FAIRE SES CHOUX GRAS DE QUELQUE CHOSE. En faire ses délices, s'en arranger,—dans l'argot des bourgeois.
- FAIRE SES FRAIS, v. a. Emmener un homme du Casino,—dans l'argot des petites dames, à qui leur toilette de combat coûterait bien cher si elles étaient forcées de la payer.
- FAIRE SES FRAIS, v. a. Réussir à plaire à une jolie femme un peu légère,—dans l'argot des libertins, qui sèmeraient en vain leur esprit et leur amabilité s'ils ne semaient en même temps quelques gouttes de «boue jaune».
- FAIRE SES ORGES, v. a. Faire des profits illicites,—dans l'argot du peuple.
- FAIRE SES PETITS PAQUETS, v. a. Être à l'agonie,—dans l'argot des infirmiers, qui ont remarqué que les malades ramassent leurs draps, les ramènent vers eux instinctivement, à mesure que le froid de la mort les gagne.
- FAIRE SON CAMBRONNE. Cacare,—dans l'argot dédaigneux des duchesses du faubourg Saint-Germain, qui disent cela depuis l'apparition des Misérables de Victor Hugo.
- FAIRE SON DEUIL D'UNE CHOSE. La considérer comme perdue, s'en passer,—dans l'argot du peuple.
- FAIRE SON MICHAUD, v. a. Dormir,—dans le même argot.
- FAIRE SON TEMPS, v. a. Rester en prison ou au bagne pendant un nombre déterminé de mois ou d'années, à l'expiration duquel on est libre.
—Se dit aussi du Service militaire auquel on est astreint lorsqu'on est tombé à la conscription.
—Faire suer un chêne. Tuer un homme.
- FAIRE TOMBER LE ROUGE. Avoir l'inconvénient de la bouche—dans l'argot des comédiens, à qui l'émotion inséparable donne souvent cette infirmité passagère.
- FAIRE UN DIEU DE SON VENTRE, v. a. Ne songer qu'à bien manger et à bien boire,—dans l'argot des bourgeois.
- FAIRE UNE BELLE JAMBE. Ne servir à rien,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression ironiquement et à propos de n'importe quoi. Ça lui fait une belle jambe!
La «Belle Heaulmière» de François Villon disait dans le même sens: J'en suis bien plus grasse!
- FAIRE UNE COMMISSION, v. a. Levare ventris onus,—dans l'argot des bourgeoises.
- FAIRE UNE COQUILLE DE BERGERAC, v. a. Se dit,—dans l'argot des tailleurs, quand un ouvrier a fait une pièce dont les pointes de collet ou de revers, au lieu de se courber en dessous, relèvent le nez en l'air et poignardent le ciel.
C'est une plaisanterie de Gascon, maintenant parisiennée.
- FAIRE UNE ENTRÉE DE BALLET, v. a. Entrer quelque part sans saluer,—dans l'argot des bourgeois, amis des bienséances.
- FAIRE UNE FEMME, v. n. Nouer une intrigue amoureuse avec elle,—dans l'argot des étudiants.
- FAIRE UNE FIN, v. n. Se marier,—dans l'argot des viveurs, qui finissent par où les gens rangés commencent, et qui ont lieu de s'en repentir.
- FAIRE UNE MOULURE, v. a. Levare ventris onus,—dans l'argot des menuisiers.
- FAIRE UNE TÊTE (Se). Se grimer d'une manière caractéristique, suivant le type du personnage à représenter. Argot des coulisses.
Got, Mounet-Sully, Paulin Ménier excellent dans cet art difficile.
- FAIRE UN HOMME, v. n. Se faire emmener du bal par un noble inconnu, coiffeur ou banquier. Argot des petites dames.
- FAIRE UN PLI (Ne pas). Aller tout seul,—dans l'argot du peuple.
- FAIRE UN TASSEMENT, v. a. Boire un verre de cognac ou de madère au milieu d'un repas,—dans l'argot des bohèmes.
On dit aussi Faire un trou.
- FAIRE UN TROU A LA LUNE. Faire faillite, enlever la caisse de son patron et se réfugier en Belgique. Argot du peuple.
- FAISANDER (Se), v. réfl. Vieillir,—dans l'argot des faubouriens, qui ne se font aucun scrupule d'assimiler l'homme au gibier.
Ils disent aussi S'avarier.
- FAISANT, s. m. Camarade, copain,—dans l'argot du collège, où l'on éprouve le besoin d'avoir un second soi-même, un confident des premières joies et des premières douleurs, un ami qui fasse vos thèmes et de qui l'on fasse les billes et les confitures.
- FAISEUR, s. m. Type essentiellement parisien, à double face comme Janus, moitié escroc et moitié brasseur d'affaires, Mercadet en haut et Robert Macaire en bas, justiciable de la police correctionnelle ici et gibier de Clichy là—coquin quand il échoue, et seulement audacieux quand il réussit. Argot des bourgeois.
- FAISEUR D'œIL, s. m. Lovelace qui jette l'hameçon de son regard amorcé d'amour sur toutes les femmes qu'il suppose appelées à y mordre.
L'expression est de Nestor Roqueplan.
- FALOURDE, s. f. Le double-six,—dans l'argot des joueurs de dominos.
On l'appelle aussi le Bateau à charbon et l'Ami.
- FALOURDE ENGOURDIE, s. f. Cadavre,—dans l'argot des voyous.
- FAMEUX, s. m. Homme solide de bras et de cœur,—dans l'argot du peuple.
- FAMEUX, EUSE, adj. Excessif, énorme, dans le sens péjoratif.
Un fameux paillard. Un paillard consommé.
Une fameuse bévue. Une bévue colossale.
Quelquefois aussi ce mot est employé dans le sens d'Excellent, en parlant des choses et des gens, et il n'est pas rare alors de l'entendre prononcer ainsi: P, h, a, pha, fameux! C'est le nec plus ultra de l'admiration populaire.
- FANAL, s. m. La gorge,—dans l'argot des faubouriens.
S'éclairer le fanal. Boire un verre de vin ou d'eau-de-vie.
On dit aussi Fanon, afin qu'aucune injure ne soit épargnée à l'homme par l'homme.
- FANANDEL, s. m. Frère, ami, compagnon,—dans l'argot des prisons.
Grands fanandels. Association de malfaiteurs de la haute pègre, formée en 1816, «à la suite d'une paix qui mettait tant d'existences en question», d'après Honoré de Balzac.
- FANFAN, s. f. Jeune fille,—dans l'argot du peuple, qui a parfois la parole caressante, s'il a la main rude.
Se dit aussi d'un enfant quelconque.
- FANFAN BENOITON, s. m. Petit garçon de manières et d'un langage au-dessus de son âge,—dans l'argot des gens de lettres, par allusion au petit personnage de la comédie de M. Victorien Sardou (1865-1866). C'est le pendant de Fouyou.
- FANFARER, v. n. et a. Faire des réclames à une pièce ou à un livre, à une danseuse ou à un chien savant,—dans l'argot des gens de lettres.
- FANFE, s. f. Tabatière,—dans l'argot des voleurs.
On dit aussi Fonfe.
- FANFOUINER, v. n. Priser,—dans l'argot des voyous.
- FANFOUINEUR, s. m. Priseur.
- FANTAISIE, s. f. Caprice amoureux,—dans l'argot de Breda-Street, où l'on est très fantaisiste.
- FANTAISISME, s. m. Ecole littéraire antagoniste du Réalisme. C'est le dévergondage à la quinzième puissance, c'est l'extravagance chauffée à une douzaine d'atmosphères. La littérature d'autrefois a connu cette infirmité de l'esprit, cette maladie de l'imagination, mais à l'état d'exception; la littérature d'aujourd'hui a moins de santé, mais il faut espérer qu'elle n'en mourra pas.
- FANTAISISTE, s. et adj. Ecrivain pyrotechnicien, plus fier de parler aux yeux que de s'adresser à l'esprit, plus amoureux des fulgurants effets de style que bon observateur des règles du bien dire, et, comme tel, destiné à durer autant qu'un feu d'artifice: fusées tombées, fusées mortes!
- FANTASIA, s. t. Caprice, lubie, fantaisie,—dans l'argot du peuple.
- FARAUD, s. m. Monsieur,—dans l'argot des voleurs et du peuple, qui ont remarqué que les messieurs avaient assez ordinairement l'air fiérot.
A signifié aussi, à l'origine, souteneur de filles, comme le prouvent ces vers cités par Francisque Michel:
«Monsieur, faut vous déclarer
Que c'est une femme effrontée
Qui fit son homme assassiner
Par son faraud...»
Faire son faraud. Se donner des airs de gandin quand on est simple garçon tailleur, ou s'endimancher en bourgeois quand on est ouvrier.
- FARAUDEC, s. f. Mademoiselle,—dans l'argot des voleurs.
- FARAUDÈNE, s. f. Madame,—dans l'argot des voleurs, qui disaient autrefois faraude.
- FARCE, adj. Amusant, grotesque,—dans l'argot du peuple.
Chose farce. Chose amusante.
Homme farce. Homme grotesque.
Être farce. Avoir le caractère joyeux; être ridicule.
- FARCE, s. f. Plaisanterie en paroles ou en action,—dans l'argot du peuple, qui a été souvent la victime de farces sérieuses de la part de farceurs sinistres.
- FARCES, s. f. pl. Actions plus ou moins répréhensibles, justiciables de la Morale ou de la Police correctionnelle.
Faire des farces. Faire des dupes; tromper des actionnaires par des dividendes fallacieux.
Avoir fait ses farces. Avoir eu beaucoup de maîtresses ou un grand nombre d'amants.
- FARCEUR, s. m. Homme d'une moralité équivoque, qui jongle avec les choses les plus sacrées et se joue des sentiments les plus respectables; débiteur qui restera toujours volontairement insolvable; amant qui exploitera toujours la crédulité—et la bourse—de ses maîtresses, etc., etc.
- FARCEUSE, s. f. Femme ou fille qui ne prend au sérieux rien ou personne, pas plus l'amour que la vertu, pas plus les hommes que les femmes, et qui se dit, comme Louis XV: «Après moi le déluge!»
- FARD, s. m. Mensonge, broderie ajoutée à un récit,—dans l'argot du peuple.
Sans fard. De bonne foi.
- FARD, s. m. Rougeur naturelle du visage.
Avoir un coup de fard. Rougir subitement, sous le coup d'une émotion ou de l'ébriété.
- FARDER (Se), v. réfl. Se griser,—par allusion aux rougeurs que l'ivresse amène sur le visage en congestionnant le cerveau.
- FAR-FAR, adv. Vite, promptement,—dans l'argot des voleurs.
- FARFOUILLER, v. n. Chercher quelque chose avec la main, remuer tout pour le trouver. Argot du peuple.
- FARFOUILLEUR, adj. et s. Homme qui se plaît, comme Tartufe, à s'approcher plus qu'il ne convient des robes des femmes, afin de s'assurer que l'étoffe en est moelleuse.
- FARGUE, s. f. Charge, poids,—dans l'argot des voleurs, qui doivent avoir emprunté cette expression aux marins.
- FARGUEMENT, s. m. Chargement.
- FARGUER, v. a. Charger.
Signifie aussi Rougir.
- FARGUEUR, s. m. Chargeur.
- FARIBOLE, s. f. Farce, plaisanterie, gaminerie,—dans l'argot du peuple.
Signifie aussi: Chose sans importance, objet de peu de valeur.
On disait autrefois et on dit encore quelquefois Falibourde.
- FARINEUX, adj. Excellent, parfait,—dans l'argot des faubouriens, pour qui il n'y a rien au-dessus du pain, si ce n'est la brioche.
- FATIGUE, s f. Le travail du bagne.
- FATIGUER, v. n. et act. Salir un livre à force de le consulter,—dans l'argot des relieurs.
- FAUBOURIEN, s. m. Homme mal élevé, grossier, dans l'argot des bourgeois, qui voudraient bien être un peu plus respectés du peuple qu'ils ne le sont.
- FAUCHANTS, s. m. pl. Ciseaux,—dans l'argot des voleurs.
Ils disent aussi Faucheux.
- FAUCHÉ (Être). Être guillotiné au bagne.
- FAUCHE-ARDENT, s. m. Mouchettes,—dans l'argot des voleurs.
- FAUCHER, v. a. Couper,—dans le même argot, où on emploie ce verbe au propre et au figuré.
Faucher le colas. Couper le cou.
Faucher dans le pont. Donner aveuglément dans un piège.
Faucher le grand pré. Être au bagne.
- FAUCHER LE PERSIL, v. a. Se promener, en toilette «esbrouffante», sur les trottoirs les plus et les mieux fréquentés. Argot des filles et de leurs souteneurs.
On dit aussi Cueillir le persil, Aller au persil, et Persiller.
- FAUCHEUR, s. m. Le bourreau,—dans l'argot des prisons où l'allégorie du Temps est une sinistre réalité.
- FAUCHEUX, s. m. Homme à jambes longues et grêles comme les pattes du Phalangium,—dans l'argot du peuple, qui ne laisse passer devant lui aucune infirmité grave ou légère, sans la saluer d'une injure ou tout au moins d'une épigramme.
- FAUCHURE, s. f. Coupure.
- FAUSSE-COUCHE, s. f. Homme raté, sans courage, sans vertu, sans talent, sans quoi que ce soit,—dans l'argot du peuple.
- FAUTER, v. n. Commettre une faute,—dans le même argot.
- FAUX-BOND, s. m. Manque de parole,—dans l'argot des bourgeois.
Faire faux-bond à l'échéance. N'être pas en mesure de payer.
- FAUX-COL, s. m. La mousse d'une chope de bière,—dans l'argot des faubouriens.
- FAVEURS, s. f. pl. La preuve matérielle qu'une femme donne de son amour à un homme,—dans l'argot des bourgeois, qui ne se contenteraient pas, comme les galants d'autrefois, de rubans, de boucles et de nœuds d'épée.
Avoir eu les faveurs d'une emme. Avoir été son amant.
- FAVORI D'APOLLON, s. m. Poëte estimable,—dans l'argot des académiciens.
Ils disent aussi Favori des Muses.
- FAVORI DE MARS, s. m. Guerrier heureux en batailles,—dans le même argot.
On dit aussi Favori de Bellone.
- FAVORI D'ESCULAPE, s. m. Médecin heureux en malades,—dans le même argot.
- FAYOTS, s. m. pl. Légumes en général, haricots, lentilles, ou fèves, fayols,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
Le cap Fayot. Moment de la traversée où l'équipage, ayant épuisé les provisions fraîches, est bien forcé d'entamer les légumes secs. C'est ce qu'on appelle alors Naviguer sous le cap Fayot.
- FÉCALITÉS, s. f. pl. Laideurs sociales, ordures morales,—dans l'argot des gens de lettres.
Le mot a été employé pour la première fois par Charles Bataille.
- FÉE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des ouvriers, qui ne savent pas dire si vrai en disant si poétiquement.
- FÉE-BOSSE, s. f. Femme vieille, laide, acariâtre. On dit aussi Fée Carabosse.
- FEIGNANT, s. et adj. Fainéant,—dans l'argot du peuple, qui parle plus correctement qu'on ne serait tenté à première vue, de le supposer, feignant venant du verbe feindre, racine de fainéantise, qu'on écrivait autrefois faintise.
Signifie aussi Poltron, lâche, et c'est alors une suprême injure,—l'ignavus de Cicéron, Barbarisme nécessaire, car fainéant ne rendrait pas du tout la même idée, parce qu'il n'a pas la même énergie et ne contient pas autant de mépris.
- FÊLER (Se), v. réfl. Donner des preuves de folie, faire des excentricités,—dans l'argot des faubouriens, qui prennent la boîte osseuse pour une faïence.
On dit aussi Avoir la tête fêlée.
- FELOUSE, s. f. Prairie,—dans l'argot des voleurs, qui ont seulement démarqué la première lettre du mot généralement employé.
- FEMELLE, s. f. Femme, épouse,—dans l'argot des ouvriers, qui se considèrent comme des mâles et non comme des hommes.
L'expression,—toujours employée péjorativement,—a des chevrons, puisqu'on la retrouve dans Clément Marot, qui, s'adressant à sa maîtresse, la petite lingère du Palais, dit:
«Incontinent, desloyalle femelle,
Que j'auray faict et escrit ton libelle,
Entre les mains le mettray d'une femme
Qui appelée est Renommée, ou Fame,
Et qui ne sert qu'à dire par le monde
Le bien ou mal de ceux où il abonde.»
- FEMME DE LA TROISIÈME CATÉGORIE, s. f. Fille de mauvaise vie,—dans l'argot des faubouriens, qui ont saisi avec empressement, il y a quelques années, les analogies que leur offraient les divisions officielles de la viande de boucherie.
- FEMME DU QUARTIER, s. f. Grisette qui a la spécialité de l'étudiant et qui se garderait bien de frayer avec les bourgeois ou les militaires, de peur de déplaire à Paul de Kock.
On dit aussi Femme de l'autre côté (sous-entendu: de la Seine).
- FEMME DU RÉGIMENT, s. f. La grosse caisse,—dans l'argot des soldats.
- FEMME ENTRETENUE, s. f. Fille ou femme qui croit que la vertu est un «meuble inutile» et qui préfère acheter les siens à tant par amant.
Les Belges disent Une entretenue.
- FENDANT, s. m. Homme qui marche d'un air conquérant, le chapeau sur le coin de l'oreille, les moustaches relevées en crocs, la main gauche sur la hanche, et de la droite manœuvrant une canne,—qui n'effraie personne.
Il y a longtemps que le peuple emploie cette expression, comme le prouve ce passage de la Macette de Mathurin Regnier:
«N'estant passe-volant, soldat ny capitaine,
Depuis les plus chétifs jusques aux plus fendants,
Qu'elle n'ait desconfits et mis dessus les dents.»
Faire son fendant. Se donner des allures de matamore.
On dit aussi Fendart.
On dit aussi, et plus élégamment, Casse-gueule.
- FENDRE (Se), v. réfl. Montrer de la générosité, dépenser beaucoup d'argent, s'ouvrir,—dans l'argot des faubouriens.
Signifie aussi: Se dévouer.
Se fendre à s'écorcher. Pousser à l'excès la prodigalité.
- FENDRE L'ARCHE, v. a. Importuner, ennuyer,—dans le même argot.
Tu me fends l'arche! est une des exclamations que les étrangers sont exposés à entendre le plus fréquemment en allant aux Gobelins.
- FENDRE L'ERGOT. S'enfuir,—dans l'argot du peuple, fidèle aux vieilles traditions.
On dit aussi, mais moins, Bander l'ergot.
- FENÊTRIÈRE, s. f. Fille qui fait le trottoir par sa fenêtre.
- FENOUSE, s. f. Prairie,—dans l'argot des voleurs.
- FER CHAUD, s. m. Le pyrosis,—dans l'argot du peuple, qui, ne connaissant pas le nom grec à donner à cette affection, emploie une expression fort simple et très caractéristique de la douleur cruelle qu'elle occasionne à l'estomac.
- FERLAMPIER, s. m. Homme à tout faire, excepté le bien,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté là un des vieux mots du vocabulaire des honnêtes gens, en le dénaturant un peu.
- FERLAMPIER, s. m. Pauvre diable, misérable,—dans l'argot du peuple.
- FERLINGANTE, s. f. Verrerie, faïencerie,—dans l'argot des voleurs.
- FERME, s. f. Décor de fond, dans la composition duquel entre une charpente légère qui permet d'y établir des portes praticables. Argot des machinistes.
- FERMER, v. a. et n. Attacher solidement, rendre ferme,—dans l'argot des coulisses, où l'on emploie ce verbe à propos de décors.
- FERRÉ A GLACE (Être). Savoir parfaitement son métier ou sa leçon,—dans l'argot des bourgeois.
- FERS, s. m. pl. Le forceps,—dans l'argot du peuple, qui ne connaît pas le nom latin de l'instrument inventé par Palfyn.
- FERTANGE ou Fertille, s. f. Paille,—dans l'argot des voleurs.
- FERTILLIERS, s. m. pl. Blés,—les graminées fertiles par excellence.
- FESSE, s. f. Femme, moitié,—dans l'argot des faubouriens.
- FESSÉE, s. f. Correction paternelle ou maternelle comme celle dont Jean-Jacques Rousseau avait conservé un si agréable souvenir.
- FESSE-MATHIEU, s. m. Avare, usurier,—dans l'argot du peuple.
- FESSER, v. a. et n. Fouetter avec des verges ou avec la main les parties charnues que l'homme a le plus sensibles et sur lesquelles il ne manque jamais de tomber quand il glisse.
Le verbe est vieux. On trouve dans les Chansons de Gautier Garguille:
«Fessez, fessez, ce dist la mère,
La peau du cul revient toujours.»
Signifie aussi, par analogie au peu de durée de cette correction maternelle: Faire promptement une chose.
Fesser la messe. La dire promptement.
- FESSER LE CHAMPAGNE, v. n. Boire des bouteilles de vin de champagne,—dans l'argot des viveurs.
Du temps de Rabelais on disait Fouetter un verre.
- FESSES, s. f. pl. Grosses joues,—dans l'argot des faubouriens.
- FESSIER, s. m. Les nates,—dans l'argot du peuple, qui a l'honneur de parler comme Mathurin Régnier:
«Dieu sçait comme on le veid et derrière et devant,
Le nez sur les carreaux et le fessier au vent,»
a dit le grand satirique.
- FESSU, adj. Qui a de grosses fesses.
- FESTILLANTE, s. f. Queue d'animal,—par exemple du chien, qui fait fête à son maître en remuant la sienne.
Le mot est de l'argot des voleurs.
- FESTINER, v. n. Boire et manger à ventre déboutonné,—dans l'argot du peuple.
- FESTONNER, v. n. Être en état d'ivresse et décrire en marchant des zigzags dont s'amusent les gamins, et dont rougissent les hommes au nom de la Raison et de la Dignité humaine outragées.
- FESTOYER, v. n. Dîner copieusement en joyeuse compagnie.
- FÊTE DU BOUDIN, s. f. Le 25 décembre, fête de Noël,—dans l'argot du peuple, qui, ce jour-là, fait réveillon à grands renforts de charcuterie.
- FEUILLE DE CHOU, s. f. Journal littéraire sans autorité,—dans l'argot des gens de lettres.
On dit aussi Carré de papier.
- FEUILLE DE CHOU, s. f. Guêtre de cuir,—dans l'argot des troupiers.
- FEUILLES DE CHOU, s. f. pl. Les oreilles,—dans l'argot des bouchers.
On dit aussi Esgourdes et Maquantes.
- FIASCO, s. m. Insuccès,—dans l'argot des coulisses et des petits journaux.
Faire fiasco. Échouer dans une entreprise amoureuse; avoir sa pièce sifflée; faire un mauvais article.
Se dit aussi pour Manquer de parole.
- FICELER, v. a. et n. Faire avec soin,—dans l'argot du peuple.
Signifie aussi: S'habiller correctement, «se tirer à quatre épingles».
«Cadet Rousselle a trois garçons,
L'un est voleur, l'autre est fripon,
Le troisième est un peu ficelle...»
Cheval ficelle. Cheval qui «emballe» volontiers son monde,—dans l'argot des maquignons.
- FICELLES, s. f. pl. Ruses, imaginations pour tromper,—dans l'argot du peuple.
- FICELLES, s. f. pl. «Les procédés épuisés et les conventions classiques,»—dans l'argot des gens de lettres.
- FICELLIER, s. m. Homme rusé, retors, qui vit d'expédients.
- FICHAISE, s. f. Chose de peu d'importance,—dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas dire Foutaise.
- FICHANT, adj. Ennuyeux, désagréable,—en parlant des choses et des gens.
- FICHE DE CONSOLATION, s. f. Compensation, dédommagement.
- FICHER, v. n. Faire, convenir, importer.
Une remarque en passant: On écrit Ficher, mais on prononce Fiche, à l'infinitif.
- FICHER, v. a. Donner.
Signifie aussi: Appliquer, envoyer, jeter.
- FICHER (Se), v. réfl. S'habiller de telle ou telle façon.
Se ficher en débardeur. Se costumer en débardeur.
- FICHER (Se), v. réfl. Se moquer.
Se ficher du monde. N'avoir aucune retenue, aucune pudeur.
Je t'en fiche! Se dit comme pour défier quelqu'un de faire telle ou telle chose.
- FICHER (Se), v. réfl. Se mettre dans l'esprit.
- FICHER LE CAMP, v. a. S'en aller, s'enfuir.
Le peuple dit: Foutre le camp.
- FICHER SON BILLET (En). Donner mieux que sa parole, faire croire qu'on y engagerait même sa signature.
Le peuple dit En foutre son billet.
- FICHTRE! Exclamation de l'argot des bourgeois, qui remplace Foutre! et marque l'étonnement, quand elle ne marque pas la colère.
- FICHU, adj. Perdu, en parlant des choses; à l'agonie, en parlant des gens. Même argot.
Madame de Sévigné a donné des lettres de noblesse à cette expression trop bourgeoise, en parlant quelque part de «l'esprit fichu de mademoiselle Du Plessis!»
- FICHU, adj. Détestable, archi-mauvais,—en parlant des choses et des gens.
Fichu livre. Livre mal écrit.
Fichu raisonnement. Raisonnement faux.
Fichue connaissance. Triste amant ou désagréable maîtresse.
- FICHU, adj. Capable de.
- FICHU, adj. Habillé.
Être mal fichu, Être habillé sans soin, sans grâce.
On dit aussi Être fichu comme un paquet de sottises ou comme un paquet de linge sale
Signifie quelquefois: Être malfait, mal bâti, et même malade.
- FIENTER, v. n. Cacare,—dans l'argot du peuple, toujours rabelaisien.
- FIER, adj. Gris, un peu raide,—dans l'argot des faubouriens.
- FIER, adj. Etonnant, inouï,—dans l'argot du peuple, qui prend ce mot plutôt dans le sens virgilien (Sævus Hector: le redoutable Hector) que dans le sens cicéronien (Superbus).
«Là véissiés un fier abateis;
Il n'a el monde païen ne sarasin,
S'il les veist, cui pitié n'en prisist,»
dit un poème du moyen âge.
Signifie aussi Habile, malin.
- FIER-A-BRAS, s. m. Fanfaron, bravache, qui menace de tout casser,—et qui est souvent obligé de se la casser.
- FIÈREMENT, adv. Beaucoup, étonnamment.
- FIÉROT, adj. et s. Homme un peu fier.
- FIEU, s. m. Enfant,—dans l'argot des nourrices.
- FIÈVRE CÉRÉBRALE, s. f. Condamnation à mort,—dans l'argot des assassins, à qui cela doit donner en effet le transport au cerveau, et même le delirium tremens.
- FIFI, s. m. Vidangeur,—dans l'argot ironique du peuple, qui tire aussi bien sur ses propres troupes que sur les autres, le Bourgeois et le Monsieur.
- FIFI-LOLO, s. m. Homme qui fait la bête ou l'enfant,—dans l'argot des faubouriens.
- FIFINE. Réduplication caressante de Joséphine.
- FIFRELIN, s. m. Monnaie imaginaire fabriquée par le peuple et valant pour lui cent fois moins que rien.
- FIGARO, s. m. Coiffeur,—dans l'argot des bourgeois qui ont gardé bon souvenir du Barbier de Seville, le premier coup de pioche de la Révolution.
- FIGER (Se), v. réfl. Avoir froid,—dans l'argot du peuple.
- FIGNARD, s. m. Le podex,—dans l'argot des voyous.
- FIGNOLADE, s. f. Roulade à perte de vue, vocalise infiniment prolongée,—dans l'argot des coulisses.
- FIGNOLER, v. a. Achever avec soin, finir avec amour,—dans l'argot des ouvriers et des artistes.
Certain étymologiste veut que ce mot signifie: «Exécuter avec fions.» C'est possible, mais j'ai entendu souvent prononcer Finioler: or, la première personne du verbe finire n'est-elle pas finio?—V. aussi Fionner.
Demi-figure. Moitié de tête de mouton achetée chez le tripier.
- FIGURE (Ma), pron. pers. Moi, ma personne,—dans le même argot.
- FIGURE DE CAMPAGNE, s. f. Celle qu'on ne montre, ou plutôt qu'on ne découvre, qu'à la campagne, au coin d'une haie bien fournie, ou à l'ombre d'un hêtre touffu, lorsqu'on se croit bien seul dans la nature. Argot du peuple.
(V. Pleine lune et Visage.)
- FIGURE DE PROSPÉRITÉ, s. f. Visage qui annonce la santé.
- FIGURER, v. n. Paraître comme comparse sur un théâtre, à raison de vingt sous par soirée quand on est homme et pauvre, et pour rien quand on est femme et jolie.
- FIGURER, v. n. Être exposé au poteau d'infamie,—dans l'argot des voleurs, qui paraissent là comme des figurants sur un théâtre.
- FIL, s. m. Adresse, habileté,—dans l'argot du peuple, qui assimile l'homme à un couteau et l'estime en proportion de son acuité.
Avoir le fil. Savoir comment s'y prendre pour conduire une affaire.
Connaître le fil. Connaître le truc.
On dit aussi d'une personne médisante ou d'un beau parieur:
C'est une langue qui a le fil.
- FILASSE s. f. Cheveux trop blonds,—dans l'argot des faubouriens.
Saint-Simon a employé cette expression à propos des cheveux de la duchesse d'Harcourt, et, avant Saint-Simon, le poète Rutebeuf.
«Au deable soit tel filace,
Fet li vallés, comme la vostre!»
- FILASSE, s. f. Matelas, et même lit,—dans l'argot des faubouriens.
Se fourrer dans la filasse. Se mettre au lit.
- FIL EN AIGUILLE (De), adv. De propos en propos,—dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter cette expression à Mathurin Régnier:
«Enfin, comme en caquets ce vieux sexe fourmille,
De propos en propos et de fil en esguille,
Se laissant emporter au flus de ses discours,
Je pense qu'il falloit que le mal eust son cours,»
dit le vieux poète en sa Macette.
- FIL-EN-QUATRE, s. m. Eau-de-vie très forte,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi Fil-en-trois.
- FILER, v. a. Suivre un malfaiteur,—dans l'argot des agents de police. Suivre un débiteur,—dans l'argot des gardes du commerce.
- FILER, v. a. Voler,—dans l'argot des voyous.
Filer une pelure. Voler un paletot.
- FILER, v. n. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot des faubouriens.
- FILER, v. n. Levare ventris onus,—dans le même argot.
- FILER DOUX, v. n. Ne pas protester,—même lorsqu'il y a lieu; souffrir ce qu'on ne peut empêcher. Argot des bourgeois.
«Comme son lict est feict: que ne vous couchez-vous,
Monsieur n'est-il pas temps? Et moi, de filer dous,»
dit Mathurin Régnier en sa satire XIe.
- FILER LE PARFAIT AMOUR, v. n. S'abandonner aux douceurs de l'amour platonique,—dans l'argot du peuple, qui a des tendresses particulières pour Estelle et Némorin.
- FILER SON CABLE PAR LE BOUT, v. a. S'enfuir, et, par extension, Mourir,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
- FILER SON NœUD, v. a. S'en aller, s'enfuir,—dans le même argot.
- FILER UNE SCÈNE. La conduire avec art,—dans l'argot des vaudevillistes.
On dit de même Filer une intrigue, une reconnaissance, etc.
- FILER UN MAUVAIS COTON. Être malade et sur le point de mourir,—dans l'argot du peuple.
Signifie aussi: Faire de mauvaises affaires; mener une vie déréglée.
- FILER UN SINVE, v. a. Suivre quelqu'un,—dans l'argot des voleurs.
On dit aussi Faire la filature.
- FILET COUPÉ (Avoir le). Être extrêmement bavard,—dans l'argot du peuple, qui, en entendant certains avocats, souhaiterait qu'on ne leur eût pas incisé le repli triangulaire de la membrane muqueuse de la bouche.
On dit de même: Il n'a pas le filet.
- FILET DE VINAIGRE, s. m. Voix aigre et fausse,—dans l'argot des coulisses.
- FILEUR, s. m., ou Fileuse, s. f. Chevalier dont l'industrie consiste à suivre les floueurs et les emporteurs, et à prélever un impôt de trois francs par chaque louis escroqué à un sinve.
- FILLE, s. f. Servante,—dans l'argot des bourgeois.
- FILLE, s. f. Femme folle de son corps,—dans l'argot du peuple.
Fille d'amour. Femme qui exerce par goût et qui n'appartient pas à la maison où elle exerce.
Fille en carte. Femme qui, avec l'autorisation de la préfecture de police, exerce chez elle ou dans une maison.
Fille à parties. Variété de précédente.
Fille soumise. Fille en carte.
Fille insoumise. Femme qui exerce en fraude, sans s'assujettir aux règlements et aux obligations de police,—une contrebandière galante.
- FILLE, s. f. Femme qui vit maritalement avec un homme,—dans l'argot des bourgeoises, implacables pour les fautes qu'elles n'ont pas le droit de commettre.
- FILLE DE MAISON s. f. Pensionnaire du prostibulum.
- FILLE DE MARBRE, s. f. Petite dame qui a un caillou à la place du cœur,—dans l'argot des gens de lettres, qui emploient cette expression en souvenir de la pièce de Théodore Barrière et de Lambert Thiboust jouée au Vaudeville il y a une trentaine d'années.
- FILLE DE TOURNEUR, s. f. Femme de mauvaise vie,—dans l'argot du peuple, qui a voulu jouer sur le mot toupie.
- FILOCHE, s. f. Bourse,—dans l'argot des voleurs, qui devraient bien changer d'expression, aujourd'hui qu'on a remplacé les bourses en filet, à glands et à anneaux, par des porte-monnaie en cuir.
Avoir sa filoche à jeun. N'avoir pas un sou en poche.
- FILOU, s. et adj. Malin, rusé,—dans l'argot du peuple, qui, quoi qu'en dise M. Francisque Michel, continue à employer ce mot avec le même sens qu'au XVIIe siècle.
- FILSANGE, s. f. Filoselle,—dans l'argot des voleurs.
- FILS-DE-FER, s. m. pl. Jambes grêles,—dans l'argot des ouvriers.
- FILS DE L'AUTRE. Nom donné par les bonapartistes, sous la Restauration, au duc de Reichstadt, fils de Napoléon, dont il était défendu de parler.
- FILS DE PUTAIN! Injure du vocabulaire populaire que les mères adressent souvent naïvement à leurs propres fils.
- FINANCE, s. f. Argent,—dans l'argot du peuple.
- FINANCER, v. n. Payer.
- FINASSER, v. n. Ruser, niaiser.
- FINASSERIE, s. f. Finesse grossière, procédé de mauvaise foi.
- FINASSEUR, s. m. Homme méticuleux, qui épilogue sur des riens.
On dit plutôt Finassier.
- FINASSEUSE, s. f. Femme rusée, qui sait faire jouer les fils du pantin-homme.
- FINAUD, adj. et s. Homme trop malin et pas assez loyal.
- FINE-LAME, s. f. Homme habile à l'escrime,—dans l'argot des salles d'armes.
- FINE-MOUCHE, s. f. Femme rusée, experte; homme «malin»,—dans l'argot des bourgeois.
- FINESSES COUSUES DE FIL BLANC, s. f. pl. Finesses grossières, farces qui sont facilement devinées, trahisons qui sont facilement éventées.
- FINI, adj. Qui atteint le plus haut degré en bien ou en mal.
Troupier fini. Soldat parfait.
- FINIR EN QUEUE DE POISSON, v. n. Finir désagréablement, fâcheusement, tristement, platement, bêtement,—dans l'argot du peuple, qui cependant ne connaît pas le desinat in piscem d'Horace.
- FINIR EN QUEUE DE RAT, v. n. finir fâcheusement, tristement, bêtement,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
- FIOLE, s. f. Bouteille de vin,—dans l'argot du peuple, qui ne sait pas être si près de la véritable étymologie: φιαλη [grec: phialê] (vase à boire).
- FIOLER, v. a. Boire, vider une ou plusieurs fioles de vin.
Fioler le rogome. Boire de l'eau-de-vie.
- FIOLEUR, s. m. Ivrogne.
- FION, s. m. Dernière main mise à un ouvrage,—dans l'argot des ouvriers et des artistes.
Coup de fion. Soins de propreté, et même de coquetterie.
- FIONNER, v. a. et n. Donner le dernier coup de lime ou de rabot; mettre la dernière main à une chose; avoir du fion.
- FIONNEUR, s. m. Ouvrier qui s'habille en monsieur, qui fait le bourgeois.
- FIORITURES, s. f. pl. Choses ajoutées à un récit pour l'embellir et souvent pour le dénaturer,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression aux chanteurs et en font le même abus que ces derniers.
- FIOTTE, s. f. Petite fille,—dans l'argot caressant du peuple.
On dit aussi Fillotte.
- FIQUER, v. a. Enfoncer, ficher,—dans l'argot des voleurs.
- FIRTS, s. m. Nates,—dans l'argot des faubouriens.
- FISTON, s. m. Fils, enfant.
Signifie aussi Ami.
- FLAC, s m. Sac,—dans l'argot des voleurs, qui ont voulu rendre la flaccidité de cette enveloppe.
Flac d'al. Sacoche à argent.
Ils disent aussi Flacul.
- FLACONS, s. m. pl. Souliers,—dans l'argot des faubouriens, qui en font des réservoirs à essences.
- FLAFLA, s. m. Etalage pompeux, en paroles ou en actions,—dans l'argot du peuple, très onomatopéique. Car je ne pense pas qu'il faille voir autre chose qu'une onomatopée dans ce mot, qui est une imitation, soit d'une batterie de tambour bien connue, soit du fracas de l'éclair.
Comme Parisien, ayant emboîté le pas aux tapins de mon quartier, lorsque j'étais enfant, je pencherais volontiers pour la première hypothèse; comme étymologiste, j'inclinerais à croire que la seconde vaut mieux,—d'autant plus que les Anglais emploient le même mot dans le même sens. Flash (éclair), disent-ils; flash-flash (embarras, manières.)
Faire du fla-fla. Faire des embarras.
- FLAGEOLER, v. n. Trembloter,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe à propos des jambes des ivrognes et des poltrons, et fait sans doute allusion aux trémolos ordinaires du flageolet des aveugles.
- FLAGEOLETS, s. m. pl. Jambes,—dans le même argot.
On dit aussi Flûtes.
- FLAMBANT, s. m. Artilleur à cheval,—dans l'argot des troupiers.
- FLAMBANT, adj. et s. Propre, net, beau, superbe,—dans l'argot du peuple, qui a eu longtemps les yeux éblouis par les magnificences des costumes des gentilshommes et des nobles dames, lesquels
«... Riches en draps de soye, alloient
Faisant flamber toute la voye.»
- FLAMBANT NEUF (Être tout). Porter des vêtements neufs.
Toute flambante neuve. Pièce de monnaie nouvellement frappée.
- FLAMBART, s. m. Canotier de la Seine.
Par extension: Joyeux compagnon, loustic.
- FLAMBE, s. f. Epée,—dans l'argot des voleurs, qui connaissent l'archange Michel, ce Préfet de Police de la capitale du ciel.
Petite flambe. Couteau.
- FLAMBÉ (Être). Être ruiné ou atteint de maladie mortelle,—dans l'argot des faubouriens.
Se dit aussi à propos d'une affaire dont on ne peut plus rien espérer.
- FLAMBERGE, s. f. Épée,—dans l'argot du peuple, qui a conservé bon souvenir du fameux bran d'acier de Renaud de Montauban.
Mettre flamberge au vent. Dégaîner.
Se dit aussi pour Montrer «la figure de campagne», et pour Jeter au vent l'aniterge dont on vient de se servir.
- FLAMME, s. f. Amour,—dans l'argot des Académiciens.
Peindre sa flamme. Déclarer son amour.
- FLAMSIK, s. m. Flamand,—dans l'argot des voleurs, qui ne s'éloignent pas trop du vlaemsch des honnêtes gens.
- FLAN (A la), adj. Au hasard, à l'aventure. Même argot.
- FLAN (Du)! Expression de l'argot des faubouriens, qu'ils emploient à propos de rien, comme formule de refus ou pour se débarrasser d'un ennuyeux.
Ce flan-là est de la même famille que les navets, les emblèmes, et autres zut consacrés par un long usage.
Cette expression a signifié quelquefois, au contraire: «C'est au nanan!» comme le prouve cet extrait d'une chanson publiée par le National de 1835:
«J'dout' qu'à grinchir on s'enrichisse;
J'aime mieux gouaper: c'est du flan.»
- FLANCHE, s. f. La roulette et le trente-et-un,—dans l'argot des voleurs.
Grande flanche. Grand jeu.
S'emploie ordinairement avec l'adjectif comparatif mauvais. «C'est un mauvais flanche», pour: C'est une mauvaise affaire.
- FLANCHE, s. m. Truc, secret, ruse,—dans l'argot des faubouriens.
- FLANCHER, v. n. Jouer franchement.
- FLANCHER, v. n. Se moquer,—dans l'argot des voyous.
- FLANCHET, s. m. Part, lot,—dans l'argot des voleurs.
- FLANDRIN, s. m. Imbécile; grand dadais,—dans l'argot du peuple, qui constate ainsi, à son insu, la haute taille des Flamands.
Les Anglais disent aussi dans le même sens Lanky fellow.
- FLANELLE, adj. et s. Flâneur amoureux,—dans l'argot des filles, qui préfèrent les gens sérieux.
C'est de la flanelle! disent-elles en voyant entrer un ou plusieurs de ces platoniciens et en quittant aussitôt le salon.
Faire flanelle. Aller de prostibulum en prostibulum, comme un amateur d'atelier en atelier, pour lorgner les modèles.
- FLANOCHER, v. n. Flâner timidement, sans en avoir le droit, à une heure qui devrait être consacrée au travail. Argot des ouvriers.
On dit aussi Flanotter.
- FLANQUER, v. a. Lancer un coup, jeter,—dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas employer le verbe énergique des faubouriens.
Se flanquer. Se jeter, s'envoyer.
On disait autrefois Flaquer pour Lancer, jeter avec force un liquide.
- FLAQUADER, v. n. Cacare,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Aller à flaquada.
- FLAQUADIN, s. m. Poltron, homme mou, irrésolu, sur lequel on ne peut compter, parce que la peur produit sur lui un effet physique désagréable.
- FLAQUER, v. n. Alvum deponere,—dans l'argot des voyous.
Se dit aussi pour Accoucher, mettre un enfant au monde.
- FLAQUET, s. m. Gousset de montre, poche de gilet,—dans l'argot des voleurs.
- FLÊME, s. f. Lassitude d'esprit et de corps,—dans l'argot des faubouriens, qui, sans s'en douter, emploient là un des plus vieux mots de notre langue. Qu'est-ce en effet que la flême, si ce n'est une exagération du flegme, sa conséquence même, comme la rêverie celle d'un tempérament lymphatique? Or, dès le XIIIe siècle, flegme s'écrivait flemme.
Avoir la flême. Être plus en train de flâner que de travailler.
Jour de flême. Où l'on déserte l'atelier pour le cabaret.
Fleur du mal est une expression toute moderne; elle appartient à l'argot des gens de lettres depuis l'apparition du volume de poésies de Charles Baudelaire.
- FLEUR DE MARI, s. f. Ce que pleurait sur la montagne la fille de Jephté,—dans l'argot des voleurs, qui ont rarement autant de délicatesse.
- FLEUR DES POIS, s. f. Le plus brillant causeur d'une compagnie,—dans l'argot des gens de lettres. Le plus vaillant compagnon d'un atelier,—dans l'argot des ouvriers. La plus belle fille d'un bal,—dans l'argot des gandins.
- FLEURER, v. a. et n. Respirer, sentir,—dans l'argot du peuple, qui trouve que flairer n'emporte pas assez avec soi l'idée d'odeurs, de parfums. C'était aussi l'opinion de Mathurin Régnier, qui a dit:
«Je sentis à son nez, à ses lèvres décloses,
Qu'il fleuroit bien plus fort mais non pas mieux que roses.»
- FLEURETTES, s. m. pl. Galanteries,—dans l'argot des bourgeois.
Conter fleurettes. Faire la cour à une femme.
Conteur de fleurettes. Libertin.
- FLEURS BLANCHES, s. f. pl. Blennorrhée spéciale aux femmes,—dans le même argot, qui n'est pas la bonne langue.
C'est Flueurs (de fluere, couler) qu'on devrait dire, à ce qu'il me semble du moins,—contrairement à l'opinion de Littré.
- FLEURS ROUGES, s. f. pl. Les menstrues féminines,—dans l'argot du peuple.
- FLIBUSTER, v. a. Filouter,—dans le même argot.
- FLIBUSTIER, s. m. Escroc.
- FLIGADIER, s. m. Pièce de cinq centimes,—dans l'argot des voleurs.
- FLINGOT, s. m. Couteau,—dans l'argot des bouchers. Fusil,—dans l'argot des troupiers.
- FLIQUADARD, s. m. Sergent de ville,—dans l'argot des faubouriens.
- FLONFLONS, s. m. pl. Chansons,—dans l'argot du peuple.
Faiseur de flonflons. Vaudevilliste.
- FLOPÉE, s. f. Foule,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des choses comme à propos des gens.
- FLOPÉE, s. f. Coups de poing et coups de pieds nombreux.
- FLOTTANT, s. m. Poisson,—dans l'argot des voleurs.
- FLOTTE, s. f. Argent paternel ou avunculaire,—dans l'argot des étudiants.
Recevoir sa flotte. Toucher sa pension.
- FLOTTE, s. f. Grande quantité de monde ou de choses,—dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (fluctus, flot, chose abondante) et à la tradition:
«As noces vint bien atornée,
Et des autres i ot grand flote,
Et Renart lor chante une note.»
Être de la flotte. Être de la compagnie.
- FLOTTER, v. n. Se baigner, nager.
- FLOTTEUR, s. m. Nageur.
- FLOU, s. m. Variété de morbidesse, de douceur de touche, de coloris vaporeux,—dans l'argot des artistes.
J'aurais volontiers été tenté de croire ce mot moderne et qu'il n'était qu'une onomatopée de l'œil et de l'oreille, si je n'avais pas lu dans François Villon:
«Item je donne à Jean Lelou.
Homme de bien et bon marchant,
Pour ce qu'il est linget et flou,
Un beau petit chiennet couchant.»
Flou, c'est flo, et flo, c'est faible.
Faire flou. Dessiner ou peindre sans arrêter suffisamment les contours, en laissant flotter autour des objets une sorte de brume agréable.
Se dit aussi à propos de la sculpture; car Puget ne craignait pas de faire flou.
- FLOUCHIPE, s. m. Filou, macaire,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Monsieur de Flouchipe.
- FLOUE, s. f. Foule,—dans l'argot des voleurs, qui peuvent s'y fluer et y flouer à leur aise.
- FLOUER, v. a. et n. Jouer,—dans le même argot.
Flouer grand flouant. Jouer gros jeu, risquer sa liberté ou sa vie.
- FLOUER, v. a. Tricher au jeu; voler,—dans l'argot du peuple.
- Flouerie, s. f. Tricherie; escroquerie, vol pour ainsi dire légal.
Signifie aussi dans le sens figuré: Duperie.
- FLOUEUR, s. m. Tricheur; escroc; voleur.
- FLOUME, s. f. Femme,—dans l'argot des voleurs et des troupiers.
- FLUME, s. m. Résultat, expectoré ou non, de la pituite,—dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait le poète Eustache Deschamps:
«Dieux scet que ma vieillesse endure
De froit et reume jour et nuict,
De fleume, de toux et d'ordure.»
Fleume ou flume, c'est tout un.
Avoir des flumes. Être d'un tempérament pituiteux. On dit de même Avoir la poitrine grasse.
- FLUT'! Expression de l'argot de Breda-Street, où l'on dédaigne d'employer le zut traditionnel, comme trop populaire.
- FLÛTE, s. f. Bouteille de vin,—dans l'argot des ouvriers.
- FLÛTE, s. f. L'instrument avec lequel les matassins poursuivent M. de Pourceaugnac,—dans l'argot du peuple, Tulou médiocre.
Avoir toujours la flûte au cul. Abuser des détersifs.
Le peuple n'emploie ordinairement ce verbe que dans cette phrase, qui est une formule de refus: C'est comme si tu flûtais!
- FLÛTER (Se faire). Se faire administrer un détersif dans le gros intestin.
- FLÛTES, s. f. pl. Jambes.
Jouer des flûtes. Courir, se sauver.
Astiquer ses flûtes. Danser.
- Flûteur, s. m. Ivrogne.
- FOGNER, Alvum deponere,—dans l'argot des ouvriers, qui parlent comme écrivait Bonaventure Des Périers.
- FOIN, s. m. Synonyme d'argent,—dans l'argot du peuple.
Avoir du foin au râtelier. Avoir de la fortune.
Mettre du foin dans ses bottes. Amasser de l'argent, faire des économies.
On dit aussi Avoir du foin dans ses bottes.
- FOIRE, s. f. Diarrhée,—dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (foria) et à la tradition:
«Renart fait comme pute beste:
Quand il li fu desus la teste,
Drece la queüe et aler lesse
Tot contreval une grant lesse
De foire clere a cul overt,
Tout le vilain en a covert,»
dit le Roman du Renard.
- FOIRE D'EMPOIGNE, s. f. Vol.
Aller à la foëre d'empoigne. Voler.
On disait autrefois: Passer à l'île des Gripes.
- FOIRER, v. n. avoir peur,—dans l'argot des faubouriens.
Par extension, Mourir.
On dit aussi Avoir la foire.
- FOIREUX, s. et adj. Poltron, homme dont le cœur est débilité et l'esprit dévoyé.
Foireux comme un geai. Extrêmement poltron.
On dit aussi Foirard.
- FOLICHON, s. et adj. Homme amusant, chose agréable,—dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis plus d'un siècle.
Être folichon. Commencer à se griser.
Signifie aussi: Dire des gaudrioles aux dames.
- FOLICHONNADE, s. f. Amusement plus ou moins décent; farce plus ou moins drôle.
On dit aussi Folichonnerie.
- FOLICHONNE, s. f. Femme qui n'est pas assez bégueule; bastringueuse.
On dit aussi Folichonnette.
- FOLICHONNER, v. n. Folâtrer avec plus ou moins de décence.
Signifie aussi: Courir les bals et les cabarets.
- FONCÉ, adj. Riche, en fonds.
- FONCER, v. n. Donner de l'argent, fournir des fonds.
«S'il plaist, s'il est beau, il suffit.
S'il est prodigue de ses biens,
Que pour le plaisir et déduit
Il fonce et qu'il n'espargne rien.»
trouve-t-on dans G. Coquillard, poète du XVe siècle.
Les bourgeois disent, eux: Foncer à l'appointement.
- FONCER, v. n. Courir, s'abattre, se précipiter,—dans l'argot des écoliers.
- FONCER (Se). Commencer à se griser,—dans l'argot des ouvriers.
- FONDANT, s. m. Beurre,—dans l'argot des voyous.
- FOND D'ESTOMAC, s. m. Potage épais,—dans l'argot du peuple.
- FONDEMENT, s. m. Le podex,—dans l'argot des bourgeois, qui parlent comme écrivait Ambroise Paré.
- FONDRE, v. n. Maigrir.
- FONDRE LA CLOCHE. Terminer une affaire, en arriver à ce qu'elle a d'essentiel, de difficile.
Signifie aussi: Vendre une chose et s'en partager l'argent entre plusieurs.
- Fondrière, s. f. Poche,—dans l'argot des voleurs, qui ne craignent pas d'y descendre avec la main.
- FONDS (Être en). Avoir de l'argent dans son porte-monnaie.
Les fonds sont bas. N'avoir presque plus d'argent; être dans la gêne.
- FONFE. s. f. Tabatière,—dans le même argot.
On dit aussi Fonfière.
- FORCIR, v. n. Engraisser, devenir fort et grand,—dans l'argot des bourgeois, qui disent cela surtout à propos des enfants.
- FORMES, s. f. pl. Les parties saillantes du corps de la femme.
Dessiner ses formes. Se serrer dans son corset et à la taille, de façon à accuser davantage les reliefs naturels.
- FORT, adv. Étonnant, inouï, incroyable,—dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos de tout ce qui lui semble amer ou difficile à avaler.
On dit aussi Fort de café, fort de moka et fort de chicorée.
C'est plus fort que de jouer au bouchon. C'est extrêmement étonnant.
L'expression ne date pas d'hier: «Vous m'avouerez que cela est fort, locution de la Cour,» dit de Caillières (1690).
Dans un sens ironique: Cela n'est pas fort! pour Cela n'est pas très spirituel, très gai, très aimable, ou très honnête.
- FORTE, s. f. Chose inouïe, incroyable.
En dire de fortes. Raconter des histoires invraisemblables; mentir.
En faire de fortes. Se rendre coupable d'actions délictueuses.
- FORT-EN-GUEULE, adj. et s. Insolent, bavard; homme qui crie plus qu'il n'agit.
On connaît l'apostrophe de madame Pernelle à la soubrette de sa bru:
... Vous êtes, ma mie, une fille suivante
Un peu trop forte en gueule et fort impertinente.»
- FORT-EN-MIE, s. m. Homme très gras,—dans l'argot des faubouriens, qui prennent les os pour la croûte du corps.
Les voyous anglais ont la même expression: Crummy.
- FORT-EN-THÈME, s. m. Jeune homme qui obtient de brillants succès au collège. Argot des gens de lettres.
- FORTIN, s. m. Poivre,—dans l'argot des voleurs.
- FORTINIÈRE, s. f. Poivrière.
- FORT POUR... (Être). Avoir du goût pour une chose; avoir tendance à faire une chose. Argot des bourgeois.
- FORTUNE DU POT (A la), adv. Au hasard, au petit bonheur,—perdrix aux choux ou choux sans perdrix.
- FOSSE AUX LIONS, s. f. Loge d'avant-scène, à l'Opéra, où se tenaient, il y a une trentaine d'années, les élégants du jour, les lions.
On disait aussi La loge infernale.
- FOSSILE, s. m. Académicien,—dans l'argot des Romantiques, qui prenaient Népomucène Lemercier pour un Megatherium et Andrieux pour un Ichthyosaurus.
- FOUAILLER, v. n. Manquer d'énergie, de courage,—dans l'argot du peuple.
- FOUAILLER, v. n. Échapper, éclater, manquer,—en parlant des choses.
Signifie aussi Faire faillite.
- FOUAILLEUR, s. m. Homme irrésolu et même lâche.
- FOUCADE, s. f. Lubie, envie subite, fougue d'un moment, coup de tête.
Travailler par foucades. Irrégulièrement.
On prétend qu'il faut dire fougade, et même fougasse. Je le crois aussi, mais le peuple dit foucade,—comme l'écrivait Agrippa d'Aubigné.
- FOUETTE-CUL, s. m. Magister, maître d'école.
- FOUETTEUX DE CHATS, s. m. Homme-femme, sans énergie sans virilité morale.
- FOUILLE-AU-POT, s. m. Homme qui s'occupe plus qu'il ne le devrait des soins du ménage, qui fait la cuisine au lieu de la laisser faire par sa femme.
Signifie aussi: Marmiton, cuisinier.
- FOUILLE-MERDE, s. m. L'escarbot.
Se dit aussi des gens qui «travaillent sur le tard», et surtout la nuit, comme les goldfinders.
- FOUILLER (Se). Chercher inutilement,—dans l'argot des faubouriens, qui n'emploient ce verbe que dans cette phrase:
Tu peux te fouiller. C'est-à-dire: Tout ce que tu diras et feras sera inutile.
- FOUILLOUSE, s. f. Poche,—dans l'argot des voleurs.
Le mot est contemporain de François Villon.
- FOUINER, v. n. S'occuper de ce qui ne vous regarde pas,—dans l'argot du peuple.
Signifie aussi S'enfuir.
Signifie aussi: Malin, et même Lâche.
- FOULAGE, s. m. Besogne pressée,—dans l'argot des ouvriers.
Il y a du foulage. Les travaux arrivent en foule.
- FOULER LA RATE (Ne pas se). En prendre à son aise, ne pas se donner beaucoup de mal.
On dit aussi absolument: Ne pas se fouler.
- FOULETITUDE, s. f. Grande quantité de gens ou de choses.
- FOUR, s. m. L'amphithéâtre,—dans l'argot des coulisses.
- FOUR, s. m. «Fausse poche dans laquelle les enquilleuses cachent les produits de leurs vols.» Argot des voleurs.
- FOUR, s. m. Insuccès, chute complète,—dans l'argot des coulisses et des petits journaux.
M. Littré dit à ce propos:
«Rochefort, dans ses Souvenirs d'un Vaudevilliste, à l'article Théaulon, attribue l'origine de cette expression à ce que cet auteur comique avait voulu faire éclore des poulets dans des fours, à la manière des anciens Egyptiens, et que son père, s'étant chargé de surveiller l'opération, n'avait réussi qu'à avoir des œufs durs. Cette origine n'est pas exacte, puisque l'expression, dans le sens ancien, est antérieure à Théaulon. Il est possible qu'elle ait été remise à la mode depuis quelques années et avec un sens nouveau, qui peut avoir été déterminé par le four de Théaulon; mais c'est ailleurs qu'il faut en chercher l'explication: les comédiens refusant de jouer et renvoyant les spectateurs (quand la recette ne couvrait pas les frais), c'est là le sens primitif, faisaient four, c'est-à-dire rendaient la salle aussi noire qu'un four.»
- FOUR BANAL, s. m. Omnibus,—dans l'argot des voleurs.
- FOURBI, s. m. Piège; malice,—dans l'argot du peuple, qui ne sait pourtant pas que le fourby (le Trompé) était un des 214 jeux de Gargantua.
Connaître le fourbi. Être malin.
Connaître son fourbi. Être aguerri contre les malices des hommes et des choses.
- FOURCHETTE, s. f. Baïonnette,—dans l'argot des soldats.
Travailler à la fourchette. Se battre à l'arme blanche.
- FOURCHETTE, s. f. Mangeur,—dans l'argot des bourgeois.
Belle fourchette ou Joli coup de fourchette. Beau mangeur, homme de grand appétit.
- FOURCHETTE D'ADAM, s. f. Les doigts.
- FOURCHU, s. m. Bœuf,—dans l'argot des voleurs.
- FOURGAT, s. m. Recéleur,—dans le même argot.
- FOURGONNER, v. a. et n. Remuer le feu avec la pelle ou la pincette, comme les ouvriers des forges avec le fourgon. Argot des bourgeois.
On n'emploie guère ce verbe que dans un sens péjoratif.
Signifie aussi: Remuer les tiroirs d'une commode ou d'une armoire pour y chercher quelque chose.
- FOURGUER, v. a. Vendre à un recéleur des objets volés.
- FOURLIGNER, v. a. Voler, détourner «tirer hors de la ligne droite».
- FOURLINE ou Fourlineur, s. m. Meurtrier,—dans l'argot des prisons.
Signifie aussi Voleur.
- FOURLINE, s. f. Association de meurtriers, ou seulement de voleurs.
- FOURLOURD, s. m. Malade,—dans l'argot des prisons.
- FOURLOUREUR, s. m. Assassin.
- FOURMILLON, s. m. Marché, qui fourmille de monde. Même argot.
Fourmilion à gayets. Marché aux chevaux.
- FOURNÉE, s. f. Promotions périodiques à des grades ou à des distinctions honorifiques. Argot des troupiers.
Le mot a deux cents ans de noblesse: Saint-Siméon parle quelque part de «l'étrange fournée» de ducs et pairs de 1663.
- FOURNIER, s. m. Garçon chargé de verser le café aux consommateurs. Argot des limonadiers.
- FOURNIL, s. m. Lit,—dans l'argot des faubouriens, par allusion à la chaleur qu'on y trouve ordinairement.
- FOURNION, s. m. Insecte, de fournil ou d'ailleurs,—dans l'argot des voyous.
- FOURNITURE, s. f. Les fines herbes d'une salade, cerfeuil, estragon, pimprenelle, civette, ciboulette et cresson alénois. Argot des ménagères.
- FOUROBE, s. f. Fouille,—dans l'argot des bagnes.
- FOUROBER, v. a. Fouiller les effets des forçats.
- FOURRAGER, v. a. et n. Chiffonner de la main la robe d'une femme,—sa doublure surtout. Argot des bourgeoises.
- FOURRAGEUR, adj. et s. Homme qui aime à chiffonner les robes des femmes.
- FOURRER DANS LE GILET (S'en). Boire à tire-larigot. Argot du peuple.
- FOURRER LE DOIGT DANS L'œIL (Se). S'illusionner, se faire une fausse idée des choses, des hommes et des femmes. Argot des faubouriens.
Superlativement, ils disent aussi Se fourrer le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Les faubouriens qui tiennent à se rapprocher de la bonne compagnie par le langage disent, eux: Se mettre le doigt dans l'œil.
- FOURRER SON NEZ, v. a. Se mêler de ce qui ne vous regarde pas,—dans l'argot des bourgeois.
On dit aussi Fourrer son nez partout.
Dire des foutaises. Dire des niaiseries.
- FOUTIMASSER, v. n. Ne rien faire qui vaille.
- FOUTIMASSEUR, s. m. Homme qui fait semblant de travailler.
- FOUTRE (Se). Se moquer,—dans l'argot du peuple, qui ne mâche pas ses mots, et, d'ailleurs, n'attache pas à celui-ci d'autre sens que les bourgeois au verbe se ficher. D'un autre côté aussi, n'est-il pas autorisé à dire ce que le bibliophile Jacob n'a pas craint d'écrire dans Vertu et tempérament,—un roman fort curieux et fort intéressant sur les mœurs de la Restauration, où on lit: «Quand un lâche nous trahirait, nous nous en foutons!»
- FOUTRE DU PEUPLE (Se). Se moquer du public, braver l'opinion du monde.
- FOUTRE LA PAIX. Laisser tranquille.
- FOUTRE LE CAMP. Déguerpir, s'enfuir au plus vite.
Signifie aussi: Disparaître,—en parlant des choses. «Le torchon blanc a foutu le camp!» s'écrie le concierge de la comtesse Dorand dans le roman cité plus haut.
- FOUTRE SON BILLET (En). Donner sa parole qu'une chose sera faite, parce qu'on y tient beaucoup. Quand un ouvrier a dit à quelqu'un: Je t'en fous mon billet! c'est comme s'il avait juré par le Styx.
- FOUTRE UN COUP DE PIED A QUELQU'UN. Lui faire un emprunt,—le taper d'une somme quelconque.
On dit aussi Lui foutre un coup de pied dans les jambes,—mais seulement lorsqu'il s'agit d'un emprunt plus important. Une nuance!
- FOUTRIQUET, s. m. Homme de petite taille.
A signifié, il y a soixante-dix ans, Fat, ridicule, intrigant.
On dit aussi Fautriot.
- FOUTU, adj. Mauvais, détestable, exécrable.
Foutue besogne. Triste besogne.
Foutue canaille. Canaille parfaite.
- FOUTU, adj. Mal habillé.
Foutu comme quatre sous. Habillé sans goût et même grotesquement.
- FOUTU (Être). Être ruiné, ou sur le point de mourir.
- FOUYOU, s. m. Gamin,—dans l'argot des coulisses, où l'on a gardé le souvenir de là pièce des Variétés (le Maître d'École) où jouait un enfant de ce nom.
- FRACTURER (Se la). S'en aller de quelque part, s'enfuir,—dans l'argot des faubouriens.
- Frais (Être). Être dans une situation fâcheuse, à ne pas savoir comment s'en tirer. Argot du peuple.
- FRANC, s. m. Complice,—dans l'argot des voleurs.
Franc bourgeois. Escroc du grand monde.
Franc de maison. Recéleur d'objets volés—et même de voleurs.
- FRANC DU COLLIER, adj. Homme ouvert, loyal, comme on n'en fait plus assez. Argot du peuple.
- FRANCILLON, s. m. Français,—dans l'argot des voleurs.
Les Belges nous appellent Fransquillons.
- FFrangin, s. m. Frère,—dans l'argot des voleurs.
On dit aussi fralin.
Frangin-Dab. Oncle.
- FRANGINE, s. f. Sœur.
Frangine-Dabuche. Tante.
- FRANQUETTE (A la). Franchement, tout uniment, loyalement,—dans l'argot du peuple.
On dit plutôt A la bonne franquette.
- FRASQUE, s. f. Folie aimable, coup de tête,—dans l'argot des bourgeois.
Faire des frasques. Faire des folies, des escapades.
- FRAYER, v. n. Convenir, s'accorder, vivre ensemble. Argot du peuple.
- FREDAINE, s. f. Intrigue amoureuse,—dans l'argot des bourgeois.
Faire ses fredaines. Aimer «le cotillon».
- FRELOCHE, s. f. Filet à prendre les papillons,—dans l'argot des écoliers.
- FRELUQUET, s. m. Jeune homme, gandin,—dans l'argot du peuple, probablement par allusion au parler frelu d'autrefois.
- FRÉQUENTER (Se). Avoir avec soi-même des relations habituelles—condamnées par le livre de Tissot.
- FRÈRE, s. m. Initié,—dans l'argot des francs-maçons.
Faux frère. Franc-maçon qui joue de la franc-maçonnerie comme d'un instrument.
- FRÈRE, s. m. Philosophe,—dans l'argot des encyclopédistes. On sait que Diderot était, en religion philosophique, frère Platon, Frédéric II, roi de Prusse, frère Luc, etc.
- FRÈRE, s. m. Citoyen,—dans l'argot des Jacobins de la première révolution.
- FRÈRE ET AMI, s. m. Camarade,—dans l'argot des démocrates de 1848.
- FRÈRE DE LIT, s. m. Homme à qui l'on a succédé dans le cœur d'une femme, épouse ou maîtresse. Argot du peuple.
Sœur de lit. Femme qui a succédé à une autre femme dans le cœur d'un homme, amant ou mari.
«Telle censure
Ne fut si sûre
Qu'elle espéroit;
De ma fressure
Dame Luxure
Jà s'emparoit.»
- FRÉTILLANTE, s. f. Plume,—dans l'argot des voleurs.
- FRÉTILLON, s. f. Grisette, bonne fille, amoureuse garantie bon teint par feu Béranger. Argot des bourgeois.
- FRÉTIN, s. m. Poivre,—dans l'argot des voleurs.
On dit aussi Fortin.
- FRIAUCHE, s. m. Condamné à mort qui s'est pourvu en cassation. Même argot.
- FRICASSÉ (Être). Être ruiné, perdu, déshonoré, à l'agonie. Argot des faubouriens.
Ils disent aussi Être cuit.
- FRICASSE (On t'en)! Ce n'est pas pour toi! Terme de refus ironique.
- FRICASSÉE, s. f. Coups donnés ou reçus.
- FRICASSER, v. a. Dépenser.
Fricasser ses meubles. Les vendre.
- FRICASSEUR, s. m. Dépensier, ivrogne, libertin.
- FRIC-FRAC, s. m. Effraction de meuble ou de porte,—dans l'argot des voleurs.
Faire fric-frac. Voler avec effraction.
- FRICHTI, s. m. Ragoût aux pommes de terre,—dans l'argot des ouvriers, qui prononcent à leur manière le früstück allemand.
- FRICOT, s. m. Ragoût; mets quelconque,—dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis plus d'un siècle. Le mot se trouve dans Restif de La Bretonne.
- FRICOTER, v. a. et n. Dépenser de l'argent, le boire ou le manger; faire la noce; se régaler.
- FRICOTER, v. n. Se mêler d'affaires véreuses; pêcher en eau trouble.
- FRICOTEUR, s. m. Homme qui aime les bons repas.
Signifie aussi Agent d'affaires véreuses.
Le bataillon des fricoteurs.
«S'est dit, pendant la retraite de Moscou, d'une agrégation de soldats de toutes armes qui, s'écartant de l'armée, se cantonnaient pour vivre de pillage et fricotaient au lieu de se battre.» (Littré.)
- FRIGOUSSE, s. m. Cuisine, ou plutôt chose cuisinée,—dans l'argot des faubouriens.
Signifie spécialement: Ragoût de pommes de terre.
- FRIGOUSSER, v. a. et n. Cuisiner; préparer un ragoût quelconque.
- FRILEUX, adj. et s. Poltron, homme qui a froid aux yeux et au cœur,—dans l'argot du peuple.
S'emploie surtout avec la négative.
C'est pour la frime. C'est pour rire.
Le mot a quelques siècles de bouteille:
«Renart qui scet de toutes frumes
Luy esracha quatre des plumes!»
dit le Roman du Renard.
- FRIME, s. f. Apocope de Frimousse,—dans l'argot des voyous et des voleurs.
Tomber en frime. Se rencontrer nez à nez avec quelqu'un.
«Sans paffs', sans lime et plein de crotte
Aussi rupin qu'un plongeur,
Un jour un gouapeur en ribote
Tombe en frime avec un voleur.»
(National de 1835.)
- FRIMER, v. a. Envisager et dévisager.
- FRIMOUSSE, s. f. Visage,—dans l'argot des faubouriens.
C'est pour ma frimousse. C'est pour moi.
L'expression a des cheveux blancs:
«... De tartes et de talmouses,
On se barbouille les frimouses.»
a écrit l'auteur de la Henriade travestie.
- FRIMOUSSER, v. n. Tricher au jeu en se donnant les figures à chaque coup,—dans l'argot des voleurs.
- FRIMOUSSEUR, s. m. Tricheur.
- FRIPE, s. f. Action de manger ou de cuisiner,—dans l'argot du peuple.
Signifie aussi: Dépense, écot de chacun.
- Friper, v. a. et n. Manger.
L'expression se trouve dans Saint-Amant, un goinfre fameux:
«Les dieux du liquide élément,
Conviés chez un de leur troupe,
Sur le point de friper la soupe,
Seront saisis d'étonnement.»
S'emploie aussi, au figuré, dans le sens de Dissiper.
- FRIPE-SAUCE, s. m. Cuisinier, marmiton.
Signifie aussi Goinfre.
- FRIPOUILLE, s. f. Homme malhonnête et même canaille.
On dit aussi Frapouille.
- FRIQUET, s. m. Mouchard,—dans l'argot des voleurs.
- FRIRE, v. a. et n. Faire; Manger,—dans l'argot du peuple, dont la cuisine se fait en plein vent, sur le fourneau portatif des friturières.
N'avoir rien à frire. N'avoir pas un sou pour manger ou boire.
L'expression est vieille, car elle se trouve en latin et en français dans Mathurin Cordier: Il n'a que frire; il n'a de quoy se frapper aux dez. Nullam habet rem familiarem. Est pauperio Codro.» (qui est le «pauvre comme Job» de Juvénal).
- FRIRE DES œUFS A QUELQU'UN. Lui préparer une mauvaise affaire; s'apprêter à lui jouer un méchant tour.
J'ai souvent entendu: Prends garde, Jean, on te frit des œufs.
- FRISÉ, s. m. Juif,—dans l'argot des voleurs.
- FRISER COMME UN PAQUET DE CHANDELLES. Ne pas friser du tout, en parlant des cheveux. Argot du peuple.
- FRISES, s. f. pl. Bandes de toiles pendantes qui figurent le haut des décors en scène. Argot des machinistes.
- FRISONS, s. m. pl. Boucles de cheveux frisés à la chien, que les femmes à la mode portent aujourd'hui sur les tempes. Ces cheveux-là au moins leur appartiennent tandis que les frisons en soie qu'elles portent en chignon ne leur ont jamais appartenu.
- FRISQUET, s. m. Froid vif.
Il fait frisquet. Il fait froid.
- FRISQUETTE, adject. subs. fém. Fille jeune, fraîche et avenante.
Le vieux français avait l'adjectif frisque.
- FRIT, adj. Perdu, compromis, arrêté, atteint d'une maladie mortelle.
- FRITES, s. f. pl. Pommes de terre frites.
- FRITURER, v. a. Manger; cuisiner.
- FRITURIER, ÈRE s. Marchand, marchande de pommes de terre frites ou de gras-double à la poêle.
- FRIVOLISTE, s. m. Littérateur léger, écrivain de journal de modes,—dans l'argot des gens de lettres.
Ce mot a été créé par Mercier.
- FROID AUX YEUX, s. m. Manque de courage,—dans l'argot au peuple.
Avoir froid aux yeux. Avoir peur.
N'avoir pas froid aux yeux. Être résolu à tout.
- FROIDUREUX, adj. Sujet à avoir froid.
- FROLLAU, s. m. Traître, médisant,—dans l'argot des voleurs.
On dit aussi Froller sur la balle.
- FROMAGES (Faire des). Se dit—dans l'argot des petites filles,—d'un jeu particulier qui consiste à imprimer un mouvement de rotation à leur robe et à se baisser rapidement de façon à former par terre «une belle cloche».
- FROME, s. m. Apocope de Fromage,—dans l'argot des voyous.
- FRONTIN, s. m. Valet habile, fripon, spirituel,—dans l'argot des gens de lettres.
- FROTESKA, s. f. Correction, frottée,—dans l'argot du peuple, qui a saisi cette occasion de donner un nom de plus à la danse qu'il a inventée pour son plaisir et pour sa défense.
- FROTIN, s. m. Billard,—dans l'argot des faubouriens.
Coup de frotin. Partie de billard.
On dit aussi Frotter les reins et Frotter le dos.
- FROUFROU, s. m. Bruissement d'une robe de soie,—dans l'argot des amoureux, à qui cette onomatopée fait toujours bondir le cœur.
Au XVIIe siècle, c'était une autre onomatopée, frifilis, mais qui ne valait pas celle-ci,—n'en déplaise à saint François de Sales.
- FROUFROU, s. m. Embarras, manières; effet de crinoline,—dans l'argot du peuple.
Faire du froufrou. Faire de «l'épate».
- FROUFROU, s. m. Onomatopée par laquelle les voleurs désignent un Passe-partout.
- FROUSSE, s. m. Peur, frissonnement,—dans l'argot du peuple.
- FRUGES, s. f. pl. Bénéfices plus ou moins licites sur la vente—dans l'argot des commis de nouveautés.
- FRUIT, s. m. Enfant nouveau-né,—dans l'argot des faubouriens, qui, tout en gouaillant, font ainsi une allusion philosophique au fameux pommier du Paradis de nos pères.
- FRUIT SEC, s. m. Jeune homme qui sort bredouille du lycée ou d'une école spéciale.
Se dit aussi, par extension, d'un mauvais écrivain ou d'un artiste médiocre.
«Cette appellation,—dit Legoarant, vient de l'Ecole polytechnique, où un jeune homme de Tours qui travaillait peu fut interpellé par ses camarades pour savoir quelles étaient ses intentions s'il n'était pas classé. Il répondit: Je ferai comme mon père le commerce des fruits secs. Et en effet ce fut son lot.»
Les fruits secs de la vie. Les gens qui, malgré leurs efforts ambitieux, n'arrivent à rien,—qu'au cimetière.
- FRUSQUE, s. f. Habit ou redingote,—dans l'argot des marchandes du Temple.
- FRUSQUES, s. f. pl. Vêtements en général,—dans l'argot des faubouriens.
Frusques boulinées. Habits en mauvais état.
- FRUSQUIN (Saint), s. m. Vêtements; économies serrées dans une armoire, à même le linge et les habits.
L'expression n'est pas d'hier:
«J'étois parfois trop bête
D'aimer ce libertin,
Qui venait tête-à-tête
Manger mon saint frusquin,»
dit Vadé.
- FRUSQUINER (Se), v. réfl. S'habiller.
- FRUSQUINEUR, s. m. Tailleur.
- FUIR, v. n. Mourir, s'en aller,—comme le vin d'un tonneau défoncé.
- FUMÉ, adj. Pris, perdu, ruiné, mort.
- FUMELLE, s. f. Femme.
Les faubouriens parlent comme écrivait Jean Marot.
«Le masle n'a la fumelle en mépris,»
dit le père du valet de chambre de François Ier.
- FUMER, v. n. Enrager, s'impatienter, s'ennuyer.
On dit aussi Fumer sans pipe et sans tabac.
- FUMERIE s. f. Science du fumeur, action de fumer.
- FUMERON, s. m. Fumeur acharné,—dans l'argot des bourgeoises, que la fumée de la pipe incommode et qui ne pardonnent qu'à celle du cigare.
Se dit aussi pour Gamin qui s'essaye à fumer.
- FUMERONS, s. m. pl. Jambes,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela surtout quand elles sont maigres.
- FUMER SA PIPE. Se dit,—dans l'argot des infirmiers,—«d'un symptôme qui se présente quelquefois dans les apoplexies: le malade, dont un côté de la face est paralysé, a ce côté gonflé passivement à chaque expiration; mouvement qui a quelque ressemblance avec celui d'un fumeur.»
- FUMER SES TERRES. Être enterré dans sa propriété. Argot des bourgeois.
Voltaire a employé cette expression.
- FUMER SES TERRES. Épouser, noble et pauvre, une fille de vilain, riche,—laquelle selon l'expression de Montesquieu, «est comme une espèce de fumier qui engraisse une terre montagneuse et aride».
- FUSEAUX, s. m. pl. Jambes grêles,—dans l'argot du peuple, qui parle comme a écrit Voltaire.
- FUSÉE, s. f. Jet de vin qui sort de la bouche d'un homme qui en a trop bu.
Lâcher une fusée. Vomir.
- FUSER, s. m. Levare ventri onus,—dans l'argot des troupiers.
- FUSIL, s. m. Estomac,—dans l'argot des faubouriens.
Se coller quelque chose dans le fusil. Manger ou Boire.
Ecarter du fusil. Cracher une pluie de salive en parlant à quelqu'un.