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Dictionnaire de la langue verte

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  • DIABLE BAT SA FEMME ET MARIE SA FILLE (Le). Il pleut et fait soleil tout à la fois,—même argot.
  • DIABLE EN PRENDRAIT LES ARMES! (Le) Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie pour renforcer une menace, pour donner plus de poids à un ultimatum.

Se dit aussi à propos d'un grand vacarme «où l'on n'entendrait pas Dieu tonner». Quand on n'entend pas Dieu tonner, c'est qu'en effet le «diable en a pris les armes».

  • DIAMANT, s. m. Voix de la plus belle eau,—dans l'argot des coulisses.
  • DICTIONNAIRE VERDIER, s. m. Lexique fantastique,—dans l'argot des typographes, qui y font allusion chaque fois qu'un de leurs compagnons parle mal ou orthographie défectueusement.
  • DIEU BAT SES MATELAS. Se dit,—dans l'argot du peuple, lorsqu'il tombe de la neige.
  • DIEU TERME (Le). Les 8 janvier, 8 avril, 8 juillet et 8 octobre de chaque année,—dans l'argot des bohèmes.
  • DIGUE-DIGUE, s. f. Attaque d'épilepsie,—dans l'argot des voyous.
  • DIJONNIER, s. m. Moutardier,—dans l'argot des faubouriens.
  • DILIGENCE DE ROME, s. f. La langue,—dans l'argot du peuple, qui sait qu'on va partout quand on sait demander son chemin.
  • DIMANCHE, adv. Jamais,—dans le même argot.

On dit aussi Dimanche après la grand'messe.

  • DIMANCHE, s. m. Endroit d'un navire ou d'une maison qu'on a oublié de nettoyer,—dans l'argot des marins.
  • DIMASINE, s. f. Chemisette,—dans l'argot des voleurs.
  • DINDE, s. f. Femme sotte, maladroite, sans aucun des charmants défauts de son sexe,—dans l'argot du peuple, qui a, du reste, l'honneur de se rencontrer avec Shakespeare: Goose (oie), dit celui-ci en deux ou trois endroits de ses comédies.
  • DINDON, s. m. Imbécile, dupe.

Être le dindon de la farce. Être la victime choisie, payer pour les autres.

  • DINDONNER, v. a. Tromper, duper.
  • DINDORNIER, s. m. Infirmier,—dans l'argot des voleurs.
  • DÎNER EN VILLE, v. n. Manger un petit pain en marchant à travers les rues,—dans l'argot parfois navrant des bohèmes.
  • DÎNER PAR CœUR, v. n. Ne pas dîner du tout,—dans l'argot du peuple.
  • DINGUER, v. n. N'être pas d'aplomb,—dans l'argot des coulisses,—où l'on emploie ce verbe à propos des décors et des machinistes.
  • DINGUER, v. n. Flâner, se promener,—dans l'argot des faubouriens.

Envoyer quelqu'un dinguer. Le congédier brusquement, s'en débarrasser en le mettant à la porte.

  • DIRE, v. n. Plaire, agréer, convenir,—dans l'argot du peuple.

Cela ne me dit pas. Je n'ai pas d'appétit, de goût pour cela.

  • DIRE LA SIENNE, v. a. Raconter son histoire ou chanter sa romance après que les autres ont chanté ou raconté. Même argot.
  • DISCUSSION AVEC LES PAVÉS (Avoir une). Tomber sur les pavés et s'y égratigner le visage, soit en état d'ivresse, soit par accident,—dans l'argot des ouvriers, qui ont de ces discussions-là presque tous les lundis, en revenant de la barrière.
  • DIX-HUIT, s. m. Soulier ressemelé, c'est-à-dire deux fois neuf (9),—dans l'argot calembourique du peuple.
  • DOCTES PUCELLES (Les). Les neuf Muses,—dans l'argot des Académiciens, qui devraient pourtant se rappeler le

... casta quam nemo rogavit

de Martial. Si les Muses avaient des amants plus platoniques, tout le monde y gagnerait,—et surtout la littérature française.

  • DODO, s. m. Lit,—dans l'argot des enfants et des filles.

Faire dodo. Dormir.

  • DOG-CART, s. m. Sorte de voiture de maître, d'invention anglaise, et maintenant à la mode française. Argot des gandins et des carrossiers.
  • DOMINO-CULOTTE, s. m. Le domino restant dans la main du joueur.
  • DOMINOS, s. m. pl. Les dents,—dans l'argot du peuple, qui emploie là, s'en sans douter, une expression du slang anglais.

Avoir le jeu complet. Avoir toutes ses dents.

Jouer des dominos. Manger.

  • DONDON, s. f. Femme chargée d'embonpoint; servante de cabaret,—dans le même argot.
  • DONDON, s. f. Maîtresse,—dans l'argot dédaigneux des bourgeoises.
  • DONNER, v. a. Dénoncer,—dans l'argot des voleurs.

Être donné. Être dénoncé.

  • DONNER (S'en), v. réfl. Prendre d'un plaisir avec excès,—dans l'argot du peuple.
  • DONNER (Se la), v. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot elliptique des faubouriens.
  • DONNER A LA BOURBONNAISE (La). Regarder quelqu'un d'un mauvais œil,—dans l'argot des voleurs.
  • DONNER CINQ ET QUATRE, v. a. Donner deux soufflets, l'un de la paume de la main, où les cinq doigts assemblés frappent ensemble; l'autre du revers de la main, le pouce demeurant alors sans action. Argot du peuple.

On dit aussi Donner dix-huit.

  • DONNER DANS L'œIL, v. n. Plaire,—dans l'argot des petites dames, qui l'emploient aussi bien à propos des gens que des choses dont elles ont envie.

Les faubouriens disent: Taper dans l'œil. C'est plus expressif,—parce que c'est plus brutal.

Molière a employé Donner dans la vue avec la même signification. J'ai trouvé dans le Tempérament, tragédie-parade de 1755: Il m'a donné dans l'œil, employé dans le même sens.

  • DONNER DE COUPS DE PIED (Ne pas se). Faire son propre éloge, se dire des choses aimables, s'avantager dans un récit. Argot du peuple.
  • DONNER DE LA GROSSE CAISSE. Faire des réclames à un livre ou à un médicament,—dans l'argot des journaux.
  • DONNER DE L'AIR (Se), v. réfl. S'en aller de quelque part, non parce qu'on y étouffe, mais parce qu'on s'y ennuie, ou parce qu'il est l'heure de se retirer.
  • DONNER DE LA SALADE. Battre, secouer quelqu'un,—dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas que cette expression est une corruption de Donner la salle, c'est-à-dire fouetter un écolier en public.

Ils disent aussi Donner une chicorée.

  • DONNER DU BALAI. Chasser quelqu'un, remercier un employé, congédier un domestique,—dans l'argot des bourgeois.
  • DONNER DU BON TEMPS (Se). Se divertir, «cueillir le jour» et la nuit,—dans le même argot.
  • DONNER DU CAMBOUIS. Se moquer de quelqu'un, lui jouer un tour, le duper,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis trois cents ans: «Ah! très orde vieille truande! vous me baillez du cambouys!» s'écrie le Diable dans la Farce du meunier.
  • DONNER DU FIL A RETORDRE. Embarrasser quelqu'un, lui rendre une affaire épineuse, une question difficile à résoudre.
  • DONNER DU VENT. Brimer,—dans l'argot des Saint-Cyriens.
  • DONNER DU VINAIGRE. Tourner très vite,—dans l'argot des enfants, lorsqu'ils jouent à la corde.
  • DONNER LA MIGRAINE A UNE TÊTE DE BOIS, v. a. Être excessivement ennuyeux,—dans l'argot des gens de lettres.

L'expression appartient à Hippolyte Babou.

  • DONNER SON BOUT, v. a. Congédier un ouvrier,—dans l'argot des tailleurs.

On dit aussi donner son bout de ficelle.

  • DONNER UN COUP DE PIED JUSQUE... Aller jusqu'à tel endroit désigné,—dans l'argot du peuple.
  • DONNER UN COUP DE POING DONT ON NE VOIT QUE LA FUMÉE, v. a. L'appliquer sur le visage avec une grande violence,—même argot.

J'ai entendu la phrase, et j'ai frémi pour celui à qui elle s'adressait: «Je te donnerai un coup de poing au nez, que tu n'en verras que la fumée!» disait un robuste Auvergnat à un ouvrier d'apparence médiocre.

  • DONNER UN PONT A FAUCHER, v. a. Tendre un piège,—dans l'argot des voleurs.
  • DONNER UN REDOUBLEMENT DE FIÈVRE, v. a. Révéler un nouveau méfait à la charge d'un accusé,—dans le même argot.
  • DONNEUR D'AFFAIRES, s. m. Celui qui indique les vols à faire.
  • DONNEZ-LA! Méfiez-vous,—dans le même argot.
  • DONT AUQUEL, adj. A qui rien n'est comparable,—dans l'argot du peuple.

Il y a plus d'un siècle déjà que ce barbarisme court les rues.

  • DONZELLE, s. f. Fille qui préfère la compagnie des hommes à celle des femmes,—dans le même argot.

Signifie aussi Maîtresse.

Comme les mots déchoient! La donzelle du Moyen Age était la demoiselle de la maison,—dominicella, ou domina; la donzelle du XIXe siècle est une demoiselle de maison.

  • DOR, s. m. Or, du dor,—dans l'argot des enfants.
  • DORANCHER, v. a. Dorer,—dans l'argot des voleurs.
  • DORMIR EN CHIEN DE FUSIL, v. n. C'est,—dans l'argot du peuple,—prendre en dormant une posture qui donne au corps la forme d'une S ou du morceau de fer qu'on abat sur le bassinet de certaines armes à feu lorsqu'on veut tirer.
  • DORSAY, s. m. Petite jaquette élégante,—dans l'argot des tailleurs et des gandins.
  • DORT-DANS-L'AUGE, s. m. Paresseux, homme qui s'endort sur la besogne,—dans l'argot du peuple.
  • DORT-EN-CHIANT, s. m. Homme mou, paresseux, lambin.
  • DOS D'AZUR, s. m. Souteneur de filles.

(V. Dauphin.)

On dit aussi Dos vert.

  • DOSSIÈRE, s. f. Fille publique,—dans l'argot des voleurs, qui n'ont certainement pas voulu dire, comme le prétend un étymologiste, «femme sur laquelle tout le monde peut s'asseoir». Quelle étymologie alors? Ah! voilà! Difficile dictu. Une dossière, c'est une femme qui joue souvent le rôle de supin.
  • DOSSIÈRE DE SATTE, s. f. Chaise, fauteuil,—dans le même argot.
  • DOUBLAGE, s. m. Vol,—dans l'argot des voyous, qui appellent les voleurs Doubleurs, probablement parce qu'ils témoignent une grande duplicité.
  • DOUBLE, s. m. Sergent-major,—dans l'argot des soldats, qui l'appellent ainsi probablement à cause de ses deux galons dorés.
  • DOUBLER, v. a. Voler.
  • DOUBLER UN CAP, v. a. Passer heureusement une échéance, un 1er ou un 15, sans avoir un billet protesté,—dans l'argot des commerçants, qui connaissent les écueils de la Fortune.

Henry Murger, dans sa Vie de Bohème, appelle ce 1er et ce 15 de chaque mois le Cap des Tempêtes, à cause des créanciers qui font rage à ce moment-là pour être payés.

  • DOUBLE SIX, s. m. Nègre,—dans l'argot des voleurs.
  • DOUBLE SIX, s. m. Les deux dents au milieu de la mâchoire supérieure. Argot des faubouriens.
  • DOUBLEUR, s. m. Voleur.

Doubleur de sorgue. Voleur de nuit.

  • DOUBLURE, s. f. Acteur secondaire, chargé de remplacer, de doubler son chef d'emploi malade ou absent. Argot des coulisses.
  • DOUBLURE DE LA PIÈCE, s. f. «Ce qu'il y a sous le corsage d'une robe de femme»,—dans l'argot des bourgeois, qui, quoique très Orgon, sont parfois de la famille de Tartufe.
  • DOUCE, s. f. Étoffe de soie ou de satin,—dans l'argot des voleurs.
  • DOUCE, s. f. Fièvre,—dans le même argot.
  • DOUCE (A la), adv. Doucement,—dans l'argot du peuple.

On dit quelquefois: A la douce, comme les marchands de cerises.

  • DOUCETTE, s. f. Lime,—dans l'argot des voleurs.
  • DOUCEURS, s. f. pl. Choses de diverse nature qu'on porte aux malades ou aux prisonniers,—aux uns des oranges, aux autres du tabac.
  • DOUILLARD, s. m. Homme riche, fourni de douille.

Se dit aussi de quiconque a une chevelure absalonienne.

  • DOUILLE, s. f. Argent, monnaie,—dans l'argot des voleurs et des faubouriens.
  • DOUILLES, s. f. pl. Cheveux,—dans le même argot.

Douilles savonnées. Cheveux blancs.

  • DOUILLET, s. m. Crin, crinière.
  • DOUILLURE, s. f. Chevelure.
  • DOUSSIN, s. m. Plomb,—dans l'argot des voleurs.
  • DOUX, s. m. Crème de menthe, anisette, vespétro, etc.,—dans l'argot des bourgeoises.
  • DOUX LARCIN, s. m. Baiser,—dans l'argot des académiciens, qui traitent l'Amour d'«aimable voleur de cœurs».
  • DRAGÉE, s. f. Balle,—dans l'argot des troupiers.

Recevoir une dragée. Être atteint d'une balle.

On dit aussi Gober la dragée.

  • DRAGUE, s. f. Attirail d'escamoteur, tréteaux de charlatan,—dans l'argot des faubouriens, qui savent avec quelle facilité les badauds se laissent nettoyer les poches.
  • DRAGUEUR, s. m. Charlatan, escamoteur, saltimbanque.
  • DRAPEAU, s. m. Serviette,—dans l'argot des francs-maçons.

Grand drapeau. Nappe.

  • DRAPEAUX, s. m. pl. Couches, langes de nouveau-né,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot depuis quelques siècles.
  • DRINGUE, s. f. Ventris fluxus,—dans l'argot des faubouriens.
  • DROGUE, s. f. Chose de mauvaise qualité, étoffe inférieure, camelote,—dans l'argot des bourgeois, qui se rappellent le droguet de leurs pères.
  • DROGUE, s. f. Femme acariâtre, et, de plus, laide,—dans l'argot du peuple, qui a de la peine à avaler ces créatures-là.

Se dit aussi d'un Homme difficile à vivre.

  • DROGUEROGUE, s. f. Jeu de cartes,—dans l'argot des troupiers, qui condamnent le perdant à porter sur le nez un petit morceau de bois fendu.

Faire une drogue. Jouer cette partie de cartes.

  • DROGUEROGUER, v. n. Attendre, faire le pied de grue,—dans l'argot du peuple.
  • DROGUEROGUER, v. n. Demander,—dans l'argot des voleurs, qui savent qu'on attend toujours, et quelquefois longtemps, une réponse.
  • DROGUEROGUERIE, s. f. Demande.
  • Drogueur de la haute, s. m. Escroc habile, qui sait battre monnaie avec des histoires.
  • DROGUERÔLE (Pas ou Peu), adj. Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie à propos de tout et de rien, d'un événement qui l'afflige ou d'une histoire qui l'ennuie, d'une bretelle qui se rompt ou d'une tuile qui tombe sur la tête d'un passant, etc., etc.
  • DRÔLESSE, s. f. Habitante de Breda-Street, ou de toute autre Cythère,—dans l'argot des bourgeois, qui ont la bonté de les trouver drôles quand elles ne sont que dévergondées.
  • DRÔLESSE, s. f. Maîtresse, concubine,—dans l'implacable argot des bourgeoises, jalouses de l'empire que ces créatures prennent sur leurs maris, avec leur fortune.
  • DRÔLICHON, ne, adj. Amusant, drôle,—dans l'argot du peuple.
  • DUC DE GUICHE, s. m. Guichetier,—dans l'argot des faubouriens.
  • DULCINÉE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des bourgeois, qui cependant se garderaient bien de se battre pour la leur, même contre des moulins.
  • DUMANET, s. m. Soldat crédule à l'excès,—dans l'argot du peuple, qui a conservé le souvenir de ce type de vaudeville, né le jour de la prise d'Alger.
  • DUR, s. m. Eau-de-vie,—dans l'argot des faubouriens.

On dit aussi Raide.

  • DUR, s. m. Fer,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Durin.

  • DUR A AVALER, adj. Se dit—dans l'argot du peuple—d'une histoire invraisemblable à laquelle on se refuse à croire, ou d'un accident dont on a de la peine à prendre son parti.

On dit aussi, dans le même sens: Dur à digérer.

  • DUR-A-CUIRE, s. m. Homme insensible à la douleur, physique ou morale.
  • DURAILLE, s. f. Pierre,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Dure.

Dure à briquenion. Pierre à briquet.

Ils disent aussi Dure à riffle.

Duraille sur mince. Diamant sur papier.

  • DUR-A-LA-DÉTENTE, adj. et s. Homme avare, qui ne lâche pas volontiers les ressorts de la bienfaisance ou du crédit,—dans l'argot du peuple, pour qui ces sortes de gens sont de «singuliers pistolets».

On dit aussi Dur à la desserre.

  • DURE, s. f. La terre,—dans l'argot des voleurs et du peuple.

Coucher sur la dure. Coucher à la belle étoile.

  • DURÊME, s. m. Fromage blanc,—dans l'argot des voleurs.
  • DURILLON, s. m. Gibbosité humaine,—dans l'argot des faubouriens, que les bossus feront toujours rire.

Ils disent aussi Loupe.

  • DURINER, v. a. Ferrer,—dans l'argot des voleurs.
  • DU VENT! de la mousse! Phrase de l'argot des faubouriens, qui l'emploient fréquemment en réponse à quelque chosequi leur déplaît ou ne leur va pas.

Ils disent aussi, soit: De l'anis! soit: Des navets! soit: Des nèfles! soit: Du flan!

Qu'on ne croie pas l'expressionmoderne, car elle a des chevrons: «Si on la loue en toutes sortes de langues, elle n'aura que du vent en diverses façons,» dit La Serre, historiographe de France, dans un livre adressé à mademoiselle d'Arsy, fille d'honneur de la reine (1638).

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E

  • EAU BÉNITE DE CAVE, s. f. Vin,—dans l'argot du peuple, qui sait que tous les cabaretiers font concurrence à saint Jean-Baptiste.
  • EAU DE BOUDIN, s. f. Chose illusoire.

Tourner en eau de boudin. Se dit d'une promesse qu'on ne tient pas, d'un héritage qui échappe, d'un projet qui avorte.

Ne serait-ce pas plutôt os de boudin? Car enfin à la rigueur, on peut trouver de l'eau dans un boudin, tandis qu'on n'y trouvera jamais d'os.

  • EAU-FORTIER, s. m. Graveur.
  • EAUX SONT BASSES (Les). N'avoir plus ou presque pas d'argent,—dans l'argot des bourgeois.
  • ÉBASIR, v. a. Assassiner,—dans l'argot des prisons.
  • ÉBAUBI, adj. et s. Étonné, émerveillé,—dans l'argot du peuple.
  • ÉBERLUÉ, adj. Surpris, émerveillé, aveuglé par l'étonnement.
  • ÉBOUFFER (S'), v. réfl. Rire aux éclats.
  • ÉCACHER, v. a. Écraser en aplatissant.

On disait et on écrivait autrefois Esquacher.

  • ÉCARBOUILLER, v. a. Écraser, aplatir, réduire en miettes, en escarbilles, ou plutôt en escarres.

On dit aussi Écrabouiller, et Escrabouiller.

  • ÉCARTER DU FUSI, v. n. Envoyer, en parlant, une pluie de salive au visage de son interlocuteur.

On disait autrefois Écarter la dragée.

  • ÉCHALAS, s. m. pl. Jambes, surtout quand elles sont maigres,—dans l'argot des faubouriens.

Avoir avalé un échalas. Être d'une maigreur remarquable.

  • ÉCHAPPÉ D'HÉRODE, s. m. Homme innocent, c'est-à-dire niais,—dans l'argot ironique du peuple.
  • ÉCHARPILLER, v. a. Briser une chose en mille morceaux.

Se faire écharpiller. Se faire accabler de coups.

  • ÉCHASSES, s. f. pl. Jambes fines, et même maigres. Argot du peuple.
  • ÉCHASSIER, s. m. Homme long et maigre.
  • ÉCHAUBOULURE, s. f. Petite élevure rouge qui vient sur la peau à la suite d'une brûlure.
  • ÉCHAUDÉ (Être). Trompé par un marchand, volé par un restaurateur, carotté par un neveu.
  • ÉCHAUDER, v. a. Surfaire un prix, exagérer le quantum d'une note,—dans l'argot des bourgeois, qui, depuis le temps qu'il y a des marchands et des restaurateurs, doivent avoir l'eau froide en horreur.
  • ÉCHO! Bis,—dans l'argot des goguettiers, qui se plaisent à faire répéter les couplets des autres, afin qu'on fasse bisser les leurs.
  • ÉCHOS, s. m. pl. Les bruits de ville et de théâtre,—dans l'argot des petits journalistes.
  • ÉCHOTER, v. n. Rédiger des échos.
  • ÉCHOTIER, s. m. Faiseur ou collecteur d'échos.
  • ÉCLAIRER, v. n. Payer,—dans l'argot du peuple, qui sait, quand il le faut, montrer pièce d'or reluisante ou pièce d'argent toute battante neuve.
  • ÉCLAIRER, v. n. Montrer qu'on a de l'argent pour parier, pour jouer ou pour faire des galanteries,—dans l'argot de Breda-Street.
  • ÉCLIPSER (S'), v. réfl. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot des bourgeois frottés d'astronomie.
  • ÉCLOPÉ, s. et adj. Qui marche difficilement,—dans l'argot du peuple, fidèle à la tradition.

«Il n'i a borgne n'esclopé.»

dit le Roman du renard.

Se dit aussi pour Blessé.

  • ÉCLUSER, v. n. Meiere,—dans l'argot des ouvriers facétieux.

Ils disent aussi Lâcher les écluses.

  • ÉCONOMIE DE BOUTS DE CHANDELLE, s. f. Économie mal entendue, qu'il est ridicule parce qu'inutile de faire. Argot des bourgeois.
  • ÉCOPER, v. n. Boire,—dans l'argot des typographes.
  • ÉCOPER, v. n. Recevoir des coups,—dans l'argot des gamins.
  • ÉCORCHE-CUL (A), loc. adv. En glissant, en se traînant sur le derrière,—dans l'argot du peuple.

Signifie aussi A contre-cœur.

  • ÉCORCHER, v. a. Surfaire un prix, exagérer le quantum d'une addition, de façon à faire crier les consommateurs et à les empêcher de revenir.
  • ÉCORNÉ, adj. et s. Voleur sur la sellette.
  • ÉCORNER, v. a. Médire de quelqu'un, attaquer sa réputation,—dans l'argot du peuple.
  • ÉCORNER, v. a. Injurier, faire les cornes,—dans l'argot des voleurs.
  • ÉCORNER LES BOUCARDS, v. a. Forcer les boutiques,—dans le même argot.
  • ÉCOSSAIS, s. et adj. Hospitalier,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont conservé bon souvenir des montagnards de la Dame blanche.

Hospitalité écossaise. Hospitalité gratuite, désintéressée, aimable.

  • ÉCOSSEUR, s. m. Secrétaire, homme chargé d'ouvrir les dépêches,—dans l'argot des employés.
  • ÉCOT, s. m. Part de chacun dans un repas. Argot du peuple.

Être à son écot. Payer ce qu'on consomme.

Être à l'écot de quelqu'un. Dîner à ses dépens.

  • ÉCOUTE S'IL PLEUT, s. m. Fadaise, conte à dormir debout,—dans le même argot.
  • ÉCRACHE, s. m. Passeport,—dans l'argot des voleurs.

Écrache-tarte. Faux passeport.

  • ÉCRACHER, v. a. Exhiber son passeport. Même argot.
  • ÉCRASANT, adj. Etonnant, inouï, accablant,—dans l'argot des littérateurs, qui emploient ce mot à propos des gens aussi bien qu'à propos des choses.
  • ÉCRASER DES TOMATES, v. a. Avoir ses menses,—dans l'argot des petites dames.
  • ÉCRASER UN GRAIN, v. a. Boire un canon de vin sur le comptoir du cabaretier,—dans l'argot des faubouriens qui ont un fier pressoir dans l'estomac.
  • ÉCREVISSE, s. f. Cardinal,—dans l'argot des voleurs, qui ont l'honneur de se rencontrer avec Jules Janin, lequel a employé le même trope à propos du Homard, «ce cardinal de la mer». Cardinaux sans doute, ces crustacés décapodes,—mais seulement lorsqu'ils ont subi la douloureuse épreuve du court-bouillon.
  • ÉCRIVASSER, v. n. Ecrire, faire des livres,—dans l'argot des gens de lettres, qui n'emploient cette expression que péjorativement.
  • ÉCRIVASSIER, s. m. Mauvais écrivain.

Le mot a été employé pour la première fois en littérature, par Gilbert.

  • Écriveur, euse, s. et adj. Qui se plaît à écrire, et, à cause de cela, écrit à tort et à travers. Argot du peuple.

Madame de Sévigné, qui était une écriveuse d'esprit, a employé le mot écriveux.

  • ÉCUELLE, s. f. Assiette,—dans l'argot du peuple, fidèle à la tradition.

«Et doibt, por grace deservir,

Devant le compaignon servir,

Qui doibt mengier en s'escuelle.»

dit le Roman de la Rose.

  • ÉCUME DE TERRE, s. f. Etain,—dans l'argot des voleurs.
  • ÉCUMOIRE, s. f. Visage marqué de petite vérole,—dans l'argot des faubouriens.
  • ÉCURER SON CHAUDRON, v. a. Aller à confesse,—dans l'argot du peuple, pour qui c'est un moyen de nettoyer sa conscience de tout le vert-de-gris qu'y ont déposé les passions mauvaises.
  • ÉDREDON DE TROIS PIEDS, s. m. Botte de paille.
  • ÉF, s. m. Apocope d'effet,—dans l'argot de Breda-Street.

Faire de l'ef. Briller; faire des embarras.

  • EFFACER, v. a. Boire ou manger,—dans l'argot des faubouriens.

Effacer un morceau de fromage.

  • Effaroucher, v. a. Voler,—dans l'argot des voleurs, qui sont si adroits qu'en effet la chose qu'ils dérobent a l'air de s'enfuir, effarouchée, de la poche du volé dans la leur.
  • EFFET, s. m. Impression produite sur le public par une pièce ou par un acteur. Argot des coulisses.

Se dit en général de l'ouvrage ou du rôle, et, en particulier, d'un mot, d'un geste, d'une intonation.

Avoir un effet. Avoir à dire un mot qui doit impressionner les spectateurs, les faire rire ou pleurer.

Couper un effet. Distraire les spectateurs en parlant avant son tour, détourner leur attention à son profit et au préjudice du camarade qui est en train de jouer.

  • EFFETS DE BICEPS, s. m. pl. Vanité de boucher ou de débardeur,—dans l'argot du peuple.

Faire des effets de biceps. Battre quelqu'un, uniquement pour lui prouver qu'on est plus fort que lui.

  • EFFETS DE POCHE, s. m. pl. Étalage de pièces d'or et de billets de banque.

Faire des effets de poche. Payer.

  • EFFONDRER, v. a. Enfoncer,—dans l'argot des voyous.
  • EFFONDRILLES, s. f. pl. Les scories du pot-au-feu,—dans l'argot des ménagères.
  • ÉGAYER, v. n. Siffler,—dans l'argot des coulisses.

Se faire égayer. Se faire envoyer des trognons de pommes.

  • ÉGLISIER, s. m. Bigot, homme qui hante trop les églises. Argot des faubouriens.
  • ÉGRAFFIGNER, v. a. Égratigner,—dans l'argot du peuple.
  • ÉGRUGEOIR, s. m. Chaire à prêcher,—dans l'argot des voleurs, par allusion à sa forme et à celle du bonnet du prédicateur qui ressemble assez à un pilon.
  • ÉGUEULER, v. a. Écorner un vase, l'ébrécher,—dans l'argot du peuple.
  • ÉGYPTIEN, s. m. Mauvais acteur,—dans l'argot des coulisses.
  • ELBEUF, s. m. Habit,—dans l'argot du peuple, qui emploie fréquemment la métonymie.
  • ÉLIXIR DE HUSSARD, s. m. Eau-de-vie inférieure.
  • ÉLOQUENT (Être). Faire sentir ses paroles,—dans l'argot facétieux des bourgeois, qui croient seulement pour eux à la vertu de l'Eau de Botot.
  • ÉMANCIPER (S'), v. réfl. Se permettre des familiarités déplacées envers les femmes,—dans l'argot des bourgeoises, à qui leur devoir impose l'obligation de s'en fâcher.
  • EMBALLER, v. a. Arrêter,—dans l'argot des voleurs et des filles.
  • EMBALLER, v. n. Se dit,—dans l'argot des maquignons,—d'un cheval qui prend le mors aux dents, sans se soucier des voyageurs qu'il traîne après lui.

S'emballer, se dit dans le même sens d'un homme qui s'emporte.

  • EMBALLER (Se faire). Se faire mettre à Saint-Lazare,—dans l'argot des filles.
  • EMBALLES, s. f. pl. Manières, embarras,—dans le même argot.

Faire des emballes. Faire des embarras.

  • EMBALLEUR, s. m. Agent de police.
  • EMBALUCHONNER, v. a. Empaqueter, faire un baluchon.
  • EMBARBOTTER (S'). S'embarrasser dans un discours, bredouiller.—Argot du peuple.

On dit aussi S'embarbouiller.

  • EMBARDER, v. n. Tergiverser, digressionner,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine, et se rappellent combien de faux coups de barre donnés au gouvernail peuvent retarder le navire.
  • EMBARQUER SANS BISCUIT (S'), v. réfl. Oublier l'essentiel, ne prendre aucune précaution,—dans l'argot des bourgeois, d'ordinaire prudents comme Ulysse.
  • EMBARRAS, s. m. pl. Grands airs, manières arrogantes, dédaigneuses,—dans l'argot du peuple.

Faire ses embarras. Éclabousser ses rivales du haut de son coupé,—dans l'argot des petites dames.

  • EMBAUDER, v. a. Prendre de force,—dans l'argot des voleurs.
  • EMBÉGUINER (S'), v. réfl. S'éprendre d'amitié pour un homme ou d'amour pour une femme,—dans l'argot du peuple.
  • EMBERLIFICOTER, v. a. Embarrasser, gêner, obséder, entortiller.

S'emberlificoter. Se troubler dans ses réponses, s'embarrasser dans un discours, comme dans un piège.

  • EMBERLIFICOTEUR, s. m. Homme rusé, qui sait entortiller son monde.
  • EMBERLUCOQUER (S'), v. réfl. S'enticher d'une chose ou de quelqu'un, s'attacher à une opinion sans réfléchir, aveuglément, comme si on avait la berlue.

L'expression se trouve dans Rabelais sous cette forme. Hauteroche a dit Embrelicoquer, et Châteaubriand Emberloquer.

  • EMBÊTEMENT, s. m. Contrariété, ennui,—dans l'argot des bourgeois, qui ne veulent pas employer le substantif poli des gens bien élevés et n'osent pas employer le substantif énergique des faubouriens.
  • EMBÊTER, v. a. Obséder quelqu'un, le taquiner.

S'embêter. S'ennuyer.

S'embêter comme une croûte de pain derrière une malle. S'ennuyer extrêmement.

  • EMBLÈME, s. m. Tromperie,—dans l'argot des voleurs.
  • EMBLÉMER, v. n. Tromper.
  • EMBLÈMES (Des)! Se dit,—dans l'argot des faubouriens,—pour se moquer de quelqu'un qui se vante, qui ment, ou qui ennuie.
  • EMBOBINER, v. a. Circonvenir, enjôler,—dans l'argot du peuple.

On disait autrefois, et on dit quelquefois encore aujourd'hui, Embobeliner.

  • EMBOUCHÉ (Bien ou mal), adj. Homme poli ou grossier,—dans l'argot des bourgeois.
  • EMBRENER (S'). Se couvrir les doigts ou les vêtements d'ordures,—dans l'argot du peuple.

Par extension, S'engluer.

  • EMBROCHER, v. a. Passer son épée ou sa baïonnette au travers du corps,—dans l'argot des troupiers.

Se faire embrocher. Se faire tuer.

  • EMBROUILLAMINI, s. m. Confusion de choses ou de mots,—embrouillement.

Voilà un des mots de notre langue qui ont le plus perdu en grandissant et se sont le plus corrompus en vieillissant. L'auteur du Code orthographique,—fort bon livre d'ailleurs,—prétend qu'il ne faut pas dire embrouillamini, parce que ce mot n'est pas français, mais bien brouillamini,—qui n'est pas plus français, j'ai le regret de le déclarer à M. Hétrel et à l'Académie, son autorité. On a commencé par dire Bol d'Arménie, et le bol d'Arménie était un remède de cheval fort compliqué, fort embrouillé; de Bol d'Arménie on a fait Brouillamini, puis Embrouillamini: Molière a employé le premier dans son Bourgeois Gentilhomme, et Voltaire s'est servi du second dans sa Lettre à d'Argental.

Maintenant, Voltaire et Molière écartés, comment le peuple dit-il, lui,—puisque c'est le Dictionnaire du peuple que je fais ici? Le peuple prononce Embrouillamini. Cela me suffit.

Embrouillamini du diable. Confusion extrême, embarras dont on ne peut sortir.

  • EMBROUILLER (S'), v. réfl. Commencer à ressentir les atteintes de l'ivresse,—dans l'argot des ouvriers.

Ils disent aussi S'embrouillarder.

  • EMBU, s. m. Tache à un tableau; ton terne, crasseux,—dans l'argot des artistes.
  • ÉMÉCHER (S'), v. réfl. Se griser, être sur la pente de l'ivresse,—dans l'argot des faubouriens.
  • ÉMÉRILLONNER (S'), v. réfl. S'égayer en buvant et s'empourprer la face en s'allumant les yeux.—Argot du peuple.
  • EMMANCHER UNE AFFAIRE, v. a. L'entamer, la commencer.
  • Emmastoquer (S'), v. réfl. Se bien nourrir,—dans l'argot du peuple, pour qui c'est une façon de devenir mastoc.
  • EMMERDEMENT, s. m. Profond ennui,—dans le même argot.
  • EMMERDER, v. a. Ennuyer, obséder quelqu'un.

Les bourgeois disent Emmieller.

  • EMMITONNER QUELQU'UN, v. a. Le circonvenir, l'endormir par des promesses.
  • EMMITOUFLER (S'), v. réfl. Se couvrir de trop de vêtements,—dans le même argot.

On dit aussi S'empaletequer et S'emmitonner, dans le même sens.

  • ÉMOTION INSÉPARABLE, s. f. Cliché de l'argot des gens de lettres et de théâtre, qui sous-entendent toujours: d'un premier début.
  • ÉMOUSTILLÉ, adj. Aiguillonné, égayé, éveillé,—dans l'argot du peuple, qui connaît l'effet du vin doux, du moût (mustum).
  • ÉMOUSTILLER (S'), réfl. Se remuer, changer de place.
  • ÉMOUVER (S'), v. réfl. Se remuer, s'agiter, s'empresser,—dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (emovere).
  • EMPAFFES, s. m. pl. Draps de lit,—dans l'argot des voleurs. V. Empave.

Ils disent aussi Embarras,—parce qu'en effet il leur est assez difficile de les emporter.

  • EMPAILLÉ, s. m. Imbécile, homme sans valeur,—dans l'argot des faubouriens.

Ils disent souvent aussi: Il est à empailler!

  • EMPAUMER, v. a. Circonvenir; tromper,—dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce verbe à Corneille.
  • EMPAVE, s. f. Carrefour, pavimentum,—dans l'argot des voleurs.

Quelques Gilles Ménage de Clairvaux veulent que ce mot, au pluriel, signifie aussi Draps de lit. Dont acte.

  • EMPÊCHEUR DE DANSER EN ROND. s. m. Gêneur,—dans l'argot des coulisses.
  • EMPÊTRER (S'), v. réfl. S'embarrasser dans une affaire, sans savoir comment en sortir.—Argot des bourgeois.
  • EMPIFFRER (S'), v. réfl. Manger gloutonnement, comme un animal plutôt que comme un homme,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe depuis longtemps.
  • EMPIFFRERIE, s. f. Gloutonnerie.
  • EMPIOLER, v. a. Enfermer, mettre en piole,—dans l'argot des voleurs.
  • EMPLÂTRE, s. m. Homme sans énergie, pusillanime, qui reste collé en place, sans pouvoir se décider à bouger. Argot du peuple.
  • EMPLÂTRE, s. m. Empreinte,—dans l'argot des voleurs, oui se garderaient bien d'en prendre avec du plâtre (comme l'insinue M. Francisque Michel) et qui se servent au contraire de substances molles, ou se malaxant entre les doigts, collant enfin ενπλασσω [grec: enplassô]) comme la cire, la gomme-résine, etc.
  • EMPLÂTRER, v. a. Gêner comme avec un emplâtre,—dans l'argot du peuple.

S'emplâtrer de quelqu'un. S'en embarrasser en s'en chargeant.

  • EMPOIGNER, v. a. Critiquer vertement un livre,—dans l'argot des gens de lettres; Siffler un acteur ou une pièce,—dans l'argot des coulisses.
  • EMPOIGNER (Se faire). Se faire arrêter par un agent de police.
  • EMPORTAGE A LA CÔTELETTE, s. m. Variété de vol, dont Vidocq donne les détails. (V. Les Voleurs, page 108.)
  • EMPORTER LE CHAT, v. a. Se mêler d'une chose que l'on ne connaît pas, et recevoir pour sa peine une injure, ou pis encore.—Argot du peuple.
  • EMPORTER SES CLIQUES ET SES CLAQUES, v. a. Emporter ses outils, ses effets.

Signifie aussi Mourir.

  • EMPORTEUR, s. m. Filou qui a pour spécialité de raccrocher des provinciaux sous un prétexte quelconque, et de les amener dans un estaminet borgne, où ils sont plumés par le bachotteur et la bête. (Voir à propos de ce mot, le volume de Vidocq.)
  • EMPOTÉ, s. et adj. Paresseux, maladroit,—dans l'argot du peuple, qui trouve volontiers bêtes comme des pots tous les gens qui n'ont pas ses biceps et ses reins infatigables.
  • EMPROSEUR, s. m. Lesbien,—dans l'argot des voleurs.
  • EMPRUNTÉ, adj. Gauche, maladroit, timide,—dans l'argot des bourgeois.
  • EMPRUNTER UN PAIN SUR LA FOURNÉE, v. a. Avoir un enfant d'une femme avant de l'avoir épousée,—dans l'argot du peuple, à qui ses boulangères font volontiers crédit.
  • ÉMU (Être). Être gris à ne plus pouvoir parler ni marcher,—comme un homme à qui l'émotion enlèverait l'usage de la parole et des jambes.

On dit aussi Être légèrement ému.

  • EN AVOIR PLEIN LE DOS. Être excessivement ennuyé de quelque chose ou par quelqu'un.—Argot du peuple.
  • ENBOHÉMER (S'), v. réfl. Perdre sa jeunesse, son esprit et son argent dans les parlottes artistiques et littéraires.
  • ENBONNETDECOTONNER (S'), v. réfl. Prendre des allures bourgeoises, mesquines, vulgaires. Argot des gens de lettres.
  • ENCAGER, v. a. Emprisonner,—dans l'argot du peuple.

Il dit aussi Encoffrer.

  • ENCAISSER UN SOUFFLET, v. a. Le recevoir sur la joue.—Même argot.
  • ENCARRADE, s. f. Entrée,—dans l'argot des voleurs.
  • ENCARRER, v. n. Entrer.
  • ENCASQUER, v. n. Entrer quelque part ou dans quelque chose,—dans le même argot.
  • ENCEINTRER, v. a. Mettre une femme dans une «position intéressante».

Le peuple, qui emploie ce verbe aujourd'hui, a dit autrefois Enceinturer.

  • ENCENSOIR, s. m. Fressure d'animal,—dans l'argot des voleurs, qui ont probablement voulu faire allusion au plexus de graisse qui enveloppe cette partie.

Ils l'appelaient autrefois Pire.

  • ENCHARIBOTTÉ, adj. Ennuyé, chagriné, embarrassé,—dans l'argot du peuple.

Il a dit autrefois Encharbotté.

  • ENCHIFERNÉ, adj. Enrhumé du cerveau.

Enchifrené, vaudrait peut-être mieux, mais le peuple est autorisé à dire comme on disait au XVIIe siècle.

  • ENCOLIFLUCHETER. (S'), v. réfl. S'ennuyer, être tout je ne sais comment.

On dit aussi S'encornifistibuler.

  • ENCORE UN TIRE-BOUCHON! Se dit,—dans l'argot des coulisses,—lorsqu'un entr'acte se prolonge outre mesure.
  • ENCOTILLONNER (S'). Se laisser mener par sa femme ou par les femmes. Argot du peuple.
  • ENCROÛTER (S'). S'acagnarder dans une habitude ou dans un emploi.
  • ENDÊVER, v. n. Enrager, être dépité.

Faire endêver quelqu'un. Le taquiner, l'importuner de coups d'épingle.

Caillières prétend que le mot est «du dernier bourgeois». C'est possible, mais en attendant Rabelais et Jean-Jacques Rousseau s'en sont servis.

  • ENDIMANCHÉ, adj. Gauchement et ridiculement habillé,—dans l'argot des bourgeois, impitoyables pour le peuple, d'où ils sont sortis.
  • ENDIMANCHER (S'), v. réfl. Mettre son habit ou sa redingote du dimanche.
  • ENDORMI, s. m. Juge,—dans l'argot des voyous.
  • ENDORMIR, v. a. Etourdir, tuer,—dans l'argot des prisons.
  • ENDORMIR SUR LE RÔTI (S'), v. réfl. Se relâcher de son activité ou de sa surveillance; se contenter d'un premier avantage ou d'un premier succès, sans profiter de ce qui peut venir après.

Cette expression qui s'emploie plus fréquemment avec la négative, est de l'argot des bourgeois. Le peuple, lui, dit; S'endormir sur le fricot.

Rester sur le rôti. Agir prudemment, au contraire, en n'allant pas plus loin dans une affaire sur l'issue de laquelle on a des doutes.

  • ENDOS, s. m. L'échine du dos,—dans l'argot des voyous.
  • ENDOSSES, s. f. Épaules,—dans l'argot des voleurs.
  • EN DOUCEUR, adv. Doucement, prudemment, avec précaution,—dans l'argot du peuple.
  • ENDROGUER, v. n. Chercher à faire fortune,—dans l'argot des voleurs.
  • ENFANT DE CHœUR, s. m. Pain de sucre,—dans l'argot des faubouriens.
  • ENFANT DE LA BALLE, s. m. Celui qui a été élevé dans la profession paternelle, comédien parce que sa mère a appartenu au théâtre, épicier parce que son père a été marchand de denrées coloniales, etc. Argot du peuple.
  • ENFANT DE LA FOURCHETTE, s. m. Académicien,—dans l'argot des voyous.
  • ENFANT DE TROUPE, s. m. Fils de comédien, enfant né sur les planches,—dans l'argot des coulisses.
  • ENFILER (S'), v. réfl. S'endetter,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi: Se laisser entraîner à jouer gros jeu.

  • ENFLAQUER, v. a. Em...nuyer,—dans le même argot.
  • ENFLAQUER, v. a. Mettre, revêtir, endosser,—dans l'argot des voleurs.

Signifie aussi: Arrêter, emprisonner.

  • ENFLÉ, s. m. Imbécile, homme dont on se moque,—dans l'argot des faubouriens.

Ohé! l'enflé! est une injure à la mode.

  • ENFLÉE, s. f. Vessie,—dans l'argot des voleurs.
  • ENFLER, v. n. Boire,—dans l'argot du peuple.
  • ENFONCÉ, adj. Ruiné, blessé mortellement, perdu sans rémission.

Signifie aussi: Avoir perdu la partie, quand on joue.

  • ENFONCER, v. a. Tromper, faire tort, duper.

Signifie aussi Surpasser.

  • ENFONCEUR, s. m. Mercadet gros ou petit, agent suspect d'affaires véreuses.
  • ENFONCEUR DE PORTES OUVERTES, s. m. Faux brave, qui ne se battrait même pas contre des moulins, de peur de recevoir un coup d'aile.
  • ENFRIMER, v. a. Regarder quelqu'un au visage,—dans l'argot des voleurs.

Les faubouriens disent Enfrimousser.

  • ENGANTER, v. a. Prendre, saisir, empoigner, voler avec la main qui est le moule du gant. Même argot.

Signifie aussi: Traiter quelqu'un comme il mérite de l'être.

  • ENGANTER (S'), v. réfl. S'amouracher,—dans le même argot.
  • ENGONCÉ, adj. Vêtu sans goût ni grâce,—dans l'argot des bourgeois.

Signifie aussi: Qui a l'air d'avoir le cou dans les épaules.

  • ENGOULER, v. a. Manger goulûment,—dans l'argot du peuple.

Il dit aussi Engoulifrer.

  • ENGRAILLER, v. a. Prendre,—dans l'argot des voleurs.

Engrailler l'ornie. Dévaliser un poulailler.

  • ENGUEULEMENT, s. m. Injure de parole,—dans l'argot du peuple. Injure de plume,—dans l'argot des gens de lettres.
  • ENGUEULER, v. n. Avaler, manger,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Engouler.

  • ENGUEULER, v. a. injurier grossièrement; provoquer, chercher querelle.

Se faire engueuler. Se faire attraper.

  • ENGUEULEUR, s. m. Ecrivain qui trempe sa plume dans la boue et qui en éclabousse les livres dont il n'aime pas les auteurs.
  • ENJÔLER, v. a. Caresser, endormir la résistance par des discours flatteurs.
  • ENJÔLEUR, s. m. Homme qui trompe les hommes par des promesses d'argent et les femmes par des promesses de mariage.
  • ENLEVER, v. a. Débiter un rôle ou passage d'un rôle, avec feu, verve ou aplomb,—dans l'argot des coulisses.
  • ENLEVER (S'), v. réfl. Souffrir de la faim,—dans l'argot des voleurs.
  • ENLEVER LE CUL, v. a. Donner un coup de pied au derrière de quelqu'un.—Argot du peuple.

On dit aussi Enlever le ballon.

  • ENLEVER QUELQUE CHOSE, v. a.—dans l'argot des bourgeois qui n'osent pas employer la précédente expression.
  • ENLEVEUR, s. m. Acteur qui joue ses rôles avec beaucoup d'aplomb.
  • ENLUMINER (S'), v. réfl. Commencer a ressentir les effets de l'ivresse, qui colore le visage d'un fard intense.
  • ENLUMINURE, s. f. Demi-ivresse.
  • ENNUYER (S'), v. réfl. Être sur le point de mourir,—dans l'argot des bourgeois, que cela chagrine beaucoup.
  • ENQUILLER, v. a. Cacher,—dans l'argot des voleurs.

Enquiller une thune de camelote. Cacher entre ses cuisses une pièce d'étoffe.

  • ENQUILLER, v. n. Entrer quelque part comme une boule au jeu de quilles,—dans l'argot du peuple.
  • ENQUILLEUSE, s. f. Femme qui porte un tablier pour dissimuler ce qu'elle vole.
  • ENROSSER, v. a. Dissimuler les vices rédhibitoires d'un cheval, d'une rosse,—dans l'argot des maquignons.
  • ENTABLEMENT, s. m. Épaules,—dans l'argot des faubouriens.
  • ENTAILLER. Tuer,—dans l'argot des prisons.
  • ENTAULER, v. n. Entrer dans la taule, ou ailleurs. Même argot.

Entauler à la planque. Entrer dans sa cachette.

  • ENTENDRE DE CORNE, v. n. Entendre autre chose que ce qu'on dit,—dans l'argot des bourgeois.
  • ENTENDRE QUE DU VENT (N'y). N'y rien entendre,—dans l'argot du peuple.
  • ENTERREMENT, s. m. Morceau de viande quelconque fourré dans un morceau de pain fendu,—comme, par exemple, une tranche de gras-double revenu dans la poêle et que la marchande vous donne tout apprêté, tout enterré dans une miche de pain de marchand de vin.
  • ENTICHER (S'). Se prendre d'affection pour quelqu'un au point de le gâter de caresses et d'amitiés. Argot des bourgeois.

Se dit aussi à propos des choses.

  • ENTIFFER, v. n. Entrer,—dans l'argot des faubouriens.
  • ENTIFFER, v. a. Enjôler, ruser,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Entifler.

  • ENTONNER, v. n. Boire,—dans l'argot du peuple.
  • ENTONNOIR, s. m. La bouche,—dans l'argot des faubouriens, imitateurs involontaires des Beggars anglais, qui disent de même gan, aphérèse de began (begin commencer, entonner).
  • ENTORTILLER, v. a. Circonvenir,—dans l'argot des marchands. Captiver, allumer,—dans l'argot des petites dames. Ennuyer,—dans l'argot du peuple.
  • ENTORTILLER (S'), v. réfl. S'embarrasser, s'empêtrer dans ses réponses.
  • EN-TOUT-CAS, s. m. Parapluie à deux fins, trop grand pour le soleil, trop petit pour la pluie,—dans l'argot des bourgeoises, qui font toujours les choses à moitié.
  • ENTRAÎNEMENT, s. m. Méthode anglaise, devenue française qui s'applique aux hommes aussi bien qu'aux chevaux, et qui consiste à faire maigrir, ou plutôt à dégraisser les uns et les autres pour leur donner une plus grande légèreté et une plus grande vigueur.
  • ENTRAÎNER, v, a. et n. Soumettre un cheval, un jockey ou un rameur à un régime particulier, de façon qu'ils pèsent moins et courent et rament mieux.
  • ENTRAVAGE, s. m. Conception d'un vol, d'un mauvais coup,—dans l'argot des voleurs.
  • ENTRAVER, v. a. Comprendre, entendre,—dans l'argot des voleurs, qui emploient là un des plus vieux mots de la langue des honnêtes gens, car ils disent aussi Enterver comme Rutebeuf et l'auteur d'Ogier le Danois.

Entraver bigorne ou arguche. Comprendre et parler l'argot.

Signifie aussi: Embarrasser la police.

Entraver nibergue ou niente. N'y entendre rien.

  • ENTRECÔTE DE BRODEUSE. Morceau de fromage de Brie,—dans l'argot du peuple, qui sait que les brodeuses, ainsi que les autres ouvrières, ne gagnent pas assez d'argent pour déjeuner à la fourchette comme les filles entretenues.
  • ENTREFILET, s. m. Petit article placé dans le corps du journal, entre deux autres.
  • ENTREFESSON, s. m. Le périnée,—dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Ambroise Paré.
  • ENTRELARDÉ, s. et adj. Homme qui n'est ni gras ni maigre.
  • ENTRELARDER, v. a. Mêler, farcir, au propre et au figuré.
  • ENTRER AUX-QUINZE-VINGTS. Dormir,—dans l'argot des faubouriens, qui ont cette facétie à leur disposition chaque fois qu'ils éprouvent le besoin de fermer les yeux.
  • ENTRER DANS LA CONFRÉRIE DE SAINT-PRIS, v. n. Se marier,—dans l'argot du peuple, qui s'y laisse prendre plus volontiers que personne.
  • ENTRETENEUR, s. m. Galant homme qui a un faible pour les femmes galantes, et dépense pour elles ce que bien certainement il ne dépenserait pas pour des rosières.
  • ENTRETENIR (Se faire). Préférer l'oisiveté au travail, le Champagne à l'eau filtrée, les truffes aux pommes de terre, l'admiration des libertins à l'estime des honnêtes gens.

L'expression est vieille comme l'immoralité qu'elle peint.

  • ENTRIPAILLÉ, adj. Gros, gras, ventripotent.
  • ENTRIPAILLER (S'), v. réfl. Manger de façon à devenir pansu.
  • ENTROLER, v. a. Emporter,—dans l'argot des voleurs.
  • ENVELOPPER, v. a. Arrêter les contours d'un dessin, d'une peinture,—dans l'argot des artistes.
  • ENVOYER, v. a. et n. Injurier, se moquer, critiquer,—dans l'argot du peuple.

C'est bien envoyé! Se dit d'une repartie piquante ou d'une impertinence réussie.

  • ENVOYER A LA BALANÇOIRE, v. a. Se débarrasser sans façon de quelqu'un ou de quelque chose. Argot des faubouriens.
  • ENVOYER A L'OURS, v. a. Prier impoliment quelqu'un de se taire ou de s'en aller. Même argot.
  • ENVOYER FAIRE LAN LAIRE, v. a. Se débarrasser de quelqu'un,—dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas employer un plus gros mot.

Ils disent aussi Envoyer promener.

  • ENVOYER PAÎTRE, v. a. Prier brusquement quelqu'un de s'en aller ou de se taire.
  • ÉOLE, s. m. Ventris flatus,—dans l'argot des faubouriens, heureux que le fils de Jupiter leur fournisse un prétexte à une équivoque.
  • ÉPAIS, s. m. Le cinq et le six,—dans l'argot des joueurs de dominos.
  • ÉPARGNER LE POITOU, v. a. Prendre des précautions,—dans l'argot des voleurs.
  • ÉPATAGE, s. m. Action d'éblouir, de renverser quelqu'un les quatre pattes en l'air par la stupéfaction ou l'admiration. Argot du peuple.

On dit aussi Epatement.

  • ÉPATAMMENT, adv. D'une façon épatante.

L'expression appartient à M. Roger Delorme. (Tintamarre du 28 janvier 1866).

  • ÉPATANT, adj. Étonnant, extraordinaire.
  • ÉPATE, s. f. Apocope d'Epatage.

Faire de l'épate. Faire des embarras, en conter, en imposer aux simples.

  • ÉPATEMENT, s. m. Étonnement.
  • ÉPATER, v. a. Étonner, émerveiller, par des actions extravagantes ou par des paroles pompeuses.

Épater quelqu'un. L'intimider.

Signifie aussi: Le remettre à sa place.

  • ÉPATEUR, s. m. Homme qui fait des embarras, qui raconte des choses invraisemblables que les imbéciles s'empressent d'accepter comme vraies.
  • ÉPATEUSE, s. f. Drôlesse qui fait des effets de crinoline exagérés sur le boulevard, pour faire croire aux passants,—ce qui n'existe pas.
  • ÉPICEMAR, s. m. Épicier,—dans l'argot des faubouriens.
  • ÉPICÉPHALE, s. m. Chapeau,—dans l'argot des étudiants, à qui le grec est naturellement familier επι ([grec: epi], sur, et κεφαλη [grec: kephalê], tête).
  • ÉPICER, v. a. Médire, railler, et même calomnier,—dans l'argot des faubouriens, à qui le poivre ne coûte rien quand il s'agit d'assaisonner une réputation.
  • ÉPICERIE, s. f. Bourgeoisisme,—dans l'argot des romantiques.

Le mot est de Théophile Gautier.

  • ÉPICE-VINETTE, s. m. Épicier,—dans l'argot des voleurs,
  • ÉPICIER, s. et adj. Homme vulgaire, sans goût, sans esprit, sans rien du tout,—dans l'argot des gens de lettres et des artistes, pleins de dédain pour les métiers où l'on gagne facilement sa vie.
  • ÉPINGLE A SON COL (Avoir une). Avoir un verre de vin, payé d'avance par un camarade, à boire sur le comptoir voisin de l'atelier. Argot des ouvriers.

On dit aussi Avoir un factionnaire à relever.

  • ÉPIPLOON, s. m. Cravate.—dans l'argot des étudiants, frais émoulus du grec. Pour ceux, en effet, qui ne sont pas encore gandins, la cravate flotte sur le cou επι ([grec: epi] et πλειν [grec: plein]) comme le grand repli du péritoine flotte sur les intestins.

Signifie aussi Chemise.

  • ÉPLUCHER, v. a. Examiner avec soin, méticuleusement, soupçonneusement, la conduite de quelqu'un ou une affaire quelconque.
  • ÉPONGE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des voyous, qui révèlent ainsi d'un mot tout un détail de mœurs. Autrefois (il n'y a pas longtemps) les filles et leurs souteneurs hantaient certains cabarets borgnes connus de la police. Ces messieurs consommaient, on inscrivait sur l'ardoise, ces dames payaient, et le cabaretier acquittait la note d'un coup d'éponge.
  • ÉPONGE, s. f. Ivrogne,—dans l'argot du peuple.
  • ÉPONGE A SOTTISES, s. f. Imbécile, qui accepte tout ce qu'on lui dit comme paroles d'Évangile.

L'expression sort du Théâtre Italien de Ghérardi.

  • ÉPONGE D'OR, s. f. Avoué,—dans l'argot des prisons.
  • ÉPOQUES (Avoir son ou ses). Se dit,—dans l'argot des bourgeois,—des menses des femmes.
  • ÉPOUFFER, v. a. et n. Saisir la victime à l'improviste,—dans l'argot des voleurs.
  • ÉPOUSE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des étudiants, qui se marient souvent pour rire avant de se marier pour de bon.
  • ÉPOUSER LA CAMARDE, v. a. Mourir,—dans l'argot des voleurs, qui préféreraient souvent une autre fiancée.
  • ÉPOUSER LA FOUCANDIERE, v. a. Se débarrasser des objets volés en les jetant çà et la quand on est poursuivi.

«Épouser est ici une altération d'éponter, qui faisait autrefois partie du langage populaire avec le sens de glisser, de se dérober.» C'est M. Francisque Michel qui dit cela, et il a raison.

  • ÉPOUSER LA VEUVE, v. a. Être exécuté,—dans l'argot des malfaiteurs, dont beaucoup sont fiancés dès leur naissance avec la guillotine.
  • ÉQUIPE, s. f. Les ouvriers qui composent une commandite,—dans l'argot des typographes.
  • ÉREINTER, v. a. Dire du mal d'un auteur ou de son livre,—dans l'argot des journalistes; siffler un acteur ou un chanteur,—dans l'argot des coulisses.
  • ÉREINTEUR, s. m. Homme-merle qui sait siffler au lieu de savoir parler, et remplace le style par l'injure, la bonne foi de l'écrivain digne de ce nom par la partialité du condottiere digne de la police correctionnelle.
  • ÉRÉNÉ, adj. et s. Éreinté,—fourbu,—dans l'argot du peuple.

Ce mot, du meilleur français et toujours employé, manque au Dictionnaire de Littré.

  • Ergots, s. m. pl. Les pieds ou les talons.

Être sur ses ergots. Tenir son quant-à-soi; avoir une certaine raideur d'attitude frisant de très près l'impertinence.

Monter sur ses ergots. Se fâcher.

  • ES, s. m. Apocope d'Escroc,—dans l'argot des voyous, qui se plaisent à lutter de concision et d'inintelligibilité avec les voleurs.

Ils disent aussi Croc, par aphérèse.

  • ESBIGNER (S'), v. réfl. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot des faubouriens, à qui Désaugiers a emprunté cette expression.
  • ESBLOQUANT, adj. Etonnant, ébouriffant,—dans l'argot des soldats, qui songent au bloc plus souvent qu'ils ne le voudraient, et le mettent naturellement à toutes sauces.
  • ESBROUFFANT, adj. Inouï, incroyable,—dans l'argot du peuple.
  • ESBROUFFE, s. f. Embarras, manières, vantardises.

Faire de l'esbrouffe. Faire plus de bruit que de besogne.

  • ESBROUFFER, v. a. En imposer; faire des embarras, des manières, intimider par un étalage de luxe et d'esprit.

Signifie aussi Réprimander.

  • ESBROUFFEUR, s. et adj. Gascon de Paris, qui vante sa noblesse apocryphe, ses millions improbables, ses maîtresses imaginaires, pour escroquer du crédit chez les fournisseurs et de l'admiration chez les imbéciles.
  • ESBROUFFEUSE, s. t. Drôlesse qui éclabousse d'autres drôlesses, ses rivales, par son luxe insolent, par ses toilettes tapageuses, par le nombre et la qualité de ses amants.
  • ESCAFIGNONS, s. m. Souliers,—dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait ou à peu près, il y a 450 ans, Eustache Deschamps, l'inventeur de la Ballade.

«De bons harnois, de bons chauçons velus.
D'escafilons, de sollers d'abbaïe.»

Les écoliers du temps jadis disaient Escaffer pour Donner un coup de pied «quelque part.»

Sentir l'escafignon. Puer des pieds.

  • ESCANNER, v. n. Fuir,—dans l'argot des voleurs.

A l'escanne! Fuyons!

  • ESCARE, s. m. Empêchement,—dans le même argot.
  • ESCARER, v. a. et n. Empêcher.
  • ESCAREUR, s. m. Homme qui trouve des obstacles à tout.
  • ESCARGOT, s. m. Homme mal fait, mal habillé,—dans l'argot du peuple.

Signifie aussi: Vagabond, homme qui se traîne sur les chemins, rampant pour obtenir du pain, et quelquefois montrant les cornes pour obtenir de l'argent.

  • ESCARPE, s. m. Voleur qui va jusqu'à l'assassinat pour en arriver à ses fins.—Argot des prisons.

C'était ici, pour MM. les étymologistes, une magnifique occasion d'exercer leur verve... singulière. Eh bien, non! tous ont gardé de Conrart le silence prudent. Me permettra-t-on, à défaut de la leur, de risquer ma petite étymologie? Je ne dirai pas: Escarpe, parce que le voleur qui tient absolument à voler, escalade la muraille qui sépare le délit du crime et la prison de l'échafaud; mais seulement parce qu'il emploie un instrument tranchant aigu,—scarp en allemand. Pourquoi pas? escarbot vient bien de scarabæus, en vertu d'une épenthèse fréquente dans notre langue.

A moins cependant qu'escarpe ne vienne du couteau d'escalpe (du scalp) des sauvages... (V. Les Natchez).

Escarpe-Zézigue. Suicide.

  • ESCARPER, v. a. Tuer, écharper un homme.

On disait autrefois Escaper.

Escarper un zigue à la capahut. Assassiner un camarade pour lui voler sa part de butin.

  • ESCARPINER (S'). S'échapper, s'enfuir en courant légèrement,—dans l'argot des faubouriens, qui ne savent pas qu'ils emploient un mot du XVIe siècle.
  • ESCARPINS DE LIMOUSIN, s. m. pl. Sabots,—dans l'argot du peuple, qui sait que les Lémovices n'ont jamais porté d'autre chaussure, si l'on en excepte toutefois des souliers pachydermiques qui ont plus de clous que l'année n'a de semaines.

On dit aussi Escarpins en cuir de brouette.

  • ESCARPOLETTE, s. f. Charge de bon ou de mauvais goût, interpolation bête ou spirituelle,—dans l'argot des comédiens.
  • ESCLOTS, s. m. pl. Sabots,—dans l'argot du peuple, qui se servait déjà de cette expression du temps de Rabelais.
  • ESCOBAR, s. m. Nom d'homme, qui est devenu celui de tous les hommes dont la conduite est tortueuse et dont les paroles semblent louches.
  • ESCOFFIER, v. a. Tuer,—dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot au provençal escofir.
  • ESCOGRIFFE, s. m. Homme de grande taille et de mine suspecte,—dans le même argot.

On dit aussi Grand escogriffe —pour avoir l'occasion de faire un pléonasme.

  • ESCOUSSE, s. f. Élan,—dans l'argot des écoliers.

Prendre son escousse. Reculer de quelques pas en arrière pour sauter plus loin en avant.

  • ESPALIER, s. m. Figurante,—dans l'argot des coulisses.
  • ESPALIER, s. m. Galérien,—dans l'ancien argot des voleurs.
  • ESPÈCE, s. f. Femme entretenue,—dans l'argot méprisant des bourgeoises, héritières des rancunes des duchesses contre les jolies filles qui leur enlèvent leurs fils et leurs maris.
  • ESPÉRANCES, s. f. pl. Héritage paternel ou maternel que toute jeune fille bien élevée doit apporter comme surcroît de dot à son époux, qui ne craint pas de voir mettre les souliers d'un mort dans la corbeille de mariage.

Avoir des espérances. Avoir des grands-parents riches que l'on compte voir mourir bientôt,—façon bourgeoise de «tuer le mandarin!»

  • ESQUINTE, s. m. Abîme,—dans l'argot des voleurs.
  • ESQUINTER, v. a. Fracturer, briser, perdre, abîmer, tuer.

Signifie aussi: Tromper, enfoncer quelqu'un.

  • ESQUINTER, v. a. Éreinter, battre,—dans l'argot du peuple.

S'esquinter, v. pron. Se fatiguer à travailler, à marcher, à jouer, à—n'importe quoi de fatigant.

On dit aussi S'esquinter le tempérament.

  • ESSAYER LE TREMPLIN. Jouer dans un lever de rideau; être le premier à chanter dans un concert. Argot des comédiens et des chanteurs de café-concert.

On dit aussi Balayer les planches.

  • ESSENCE DE CHAUSSETTES, s. f. Sueur des pieds,—dans l'argot des faubouriens.
  • ESSUYER LES PLÂTRES, v. a. Habiter une maison récemment construite, dont les plâtres n'ont pas encore eu le temps de sécher.

Se dit aussi, ironiquement, des Gandins qui embrassent des filles trop maquillées.

  • ESSUYEUSE DE PLÂTRES, s. f. Lorette, petite dame, parce que ce type parisien, essentiellement nomade, plante sa tente où le hasard le lui permet, mais surtout dans les maisons nouvellement construites, où l'on consent à l'admettre à prix réduits, et même souvent pour rien. C'est ainsi qu'on fait essayer les ponts aux soldats.
  • ESTAFFIER, s. m. Sergent de ville, mouchard,—dans l'argot du peuple, fidèle à la tradition.
  • ESTAFFION, s. m. Chat,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Griffard.

  • ESTAFFION, s. m. Taloche, coup de poing léger,—dans l'argot du peuple.
  • ESTAMPILLER, v. a. Marquer du fer rouge,—dans l'argot des prisons.
  • ESTOC, s. m. Esprit, finesse, malice,—dans l'argot des voleurs, qui emploient là une expression de la langue des honnêtes gens.
  • ESTOMAC, s. m. La gorge de la femme,—dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Marot:

«Quant je voy Barbe en habit bien duisant,
Qiu l'estomac blanc et poli descœuvre.»

  • ESTOMAQUÉ, adj. Étonné, stupéfait,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Stomaqué.

  • ESTOME, s. m. Apocope d'Estomac,—dans l'argot des faubouriens.
  • ESTORGUE, s. f. Fausseté, méchanceté,—dans l'argot des voleurs.

Centre à l'estorgue. Faux nom.

Chasse à l'estorgue. Œil louche,—storto.

  • ESTOURBIR, v. a. Tuer,—dans l'argot des faubouriens et des voleurs.

Le vieux français avait esturbillon, tourbillon, et le latin exturbatio. L'homme que l'on tue au moment où il s'y attend le moins doit être en effet estourbillonné.

Signifie aussi Mourir.

  • ESTOURBIR (S'). Disparaître, s'enfuir,—dans l'argot des faubouriens.

Par extension: Mourir.

  • ESTRANGOUILLADE, s. f. Action d'étrangler, strangulare,—dans l'argot du peuple.
  • ESTRANGOUILLER, v. a. et n. Etrangler quelqu'un, étouffer.
  • ESTROPIER UN ANCHOIS, v. a. Manger un morceau pour se mettre en appétit; faire un déjeuner préparatoire. Argot des ouvriers.
  • ESTUQUER, v. a. et n. Donner ou recevoir des coups,—dans l'argot du peuple.
  • ÉTAL, s. m. La gorge de la femme,—dans l'argot des faubouriens, qui appellent la chair de la viande.
  • ÉTALER, v. a. Jeter par terre,—dans l'argot du peuple.

S'étaler. Se laisser tomber.

  • ÉTALER SA MARCHANDISE, v. a. Se décolleter trop,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des marchandes d'amour.
  • ET ALLEZ DONC! Phrase exclamative, une selle à tous chevaux: on l'emploie volontiers pour renforcer ce qu'on vient de dire, comme coup de fouet de la fin.
  • ÉTALON, s. m. Homme de galante humeur,—dans l'argot du peuple.
  • ÉTAMINE, s. f. Chagrin, misère,—dans l'argot du peuple, qui sait que l'homme doit passer par là pour devenir meilleur.

Passer par l'étamine. Souffrir du froid, de la faim et de la soif.

  • ÉTEINDRE SON GAZ, v. a. Se coucher,—dans l'argot du peuple.

Le mot est de Gavarni.

Se dit aussi pour Mourir.

  • ÉTERNUER DANS DU SON, v. n. Être guillotiné,—dans l'argot des bagnes.

On dit aussi Éternuer dans le sac.

  • ÉTERNUER UN NOM. Se dit,—dans l'argot du peuple, d'un nom difficile à prononcer, à cause des nombreuses consonnes sifflantes qui le composent, par exemple les noms polonais.
  • ET MÈCHE! Formule de l'argot des faubouriens, employée ordinairement pour exagérer un récit: «Combien cette montre a-t-elle coûté? soixante francs?—Soixante francs, et mèche!» c'est-à-dire beaucoup plus de soixante francs.
  • ÉTOILE, s. f. Cantatrice en renom, comédienne hors ligne, premier rôle d'un théâtre,—dans l'argot des coulisses, où il y a tant de nébuleuses.
  • ÉTOILE DE L'HONNEUR, s. f. La croix de la Légion d'honneur,—dans l'argot des vaudevillistes, plus académiciens qu'ils ne s'en doutent.
  • ÉTOILE, s. f. Bougie allumée ou non,—dans l'argot des francs-maçons.

Etoile flamboyante. Le symbole de la divinité.

  • ÉTOUFFER, v. a. Cacher, faire disparaître,—dans l'argot des faubouriens.
  • ÉTOUFFER UNE BOUTEILLE, v. a. La boire, la faire disparaître jusqu'à la dernière goutte,—dans l'argot du peuple.
  • ÉTOUFFEUR, s. m. Libraire qui ne sait pas lancer ses livres ou qui ne veut pas lancer les livres édités par les autres libraires.
  • ÉTOUFFOIR, s. m. Table d'hôte où l'on joue l'écarté,—dans l'argot des voleurs, qui savent que dans ces endroits-là on ferme tout avec soin, portes et fenêtres, de peur de surprise policière.
  • ÉTOURDIR, v. n. Solliciter,—dans le même argot.
  • Étourdisseur, s. m. Solliciteur.
  • ÉTRANGLER UNE DETTE, v. a. L'acquitter, pour s'en débarrasser lorsqu'elle est trop criarde,—dans l'argot des bohèmes.
  • ÊTRE (En), v. n. Faire partie de la corporation des non-conformistes.
  • ÊTRE (En), v. n. Euphémisme de l'argot du peuple, qui est une allusion aux Insurgés de Romilly. (Voir ce mot.)
  • ÊTRE (L'). Être trompé par sa femme,—dans l'argot des bourgeois, qui se plaisent à équivoquer sur ce verbe elliptique.
  • ÊTRE A COUTEAUX TIRÉS AVEC QUELQU'UN. Être brouillé avec lui, ne plus le saluer ni lui parler,—dans l'argot des bourgeois.
  • ÊTRE A FEU. Être en colère,—dans l'argot des faubouriens.
  • ÊTRE A FOND DE CALE. N'avoir plus d'argent,—dans l'argot des ouvriers.
  • ÊTRE A JEUN. Être vide,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des choses aussi bien qu'à propos des gens, au sujet d'un sac aussi bien qu'au sujet d'un cerveau.

Avoir la sacoche à jeun. N'avoir pas le sou.

  • ÊTRE A LA BONNE, v. n. Inspirer de la sympathie, de l'intérêt de l'amour,—dans l'argot du peuple, qui a conservé là, en la modifiant un peu, une vieille expression française.

Les gens de lettres modernes ont employé cette expression à propos de M. Sainte-Beuve, et ils ont cru l'avoir inventée pour lui. «Vous ne poviez venir à heure plus opportune, nostre maistre est en ses bonnes,» dit Rabelais.

  • ÊTRE A LA CAMPAGNE, v. n. Être à Saint-Lazare,—dans l'argot des filles qui rougissent d'aller en prison et ne rougissent pas d'autre chose non moins grave.
  • ÊTRE A LA CHANCELLERIE. Être pris de façon à ne pouvoir se défendre,—dans l'argot des lutteurs français et anglais.
  • ÊTRE A LA FÊTE, v. n. Être de bonne humeur;—dans l'argot du peuple.
  • ÊTRE A LA MANQUE, v. n. Tromper quelqu'un, le trahir,—dans l'argot des voyous.
  • ÊTRE A LA PAILLE (En). Être à l'agonie,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion à la paille que l'on étale dans la rue devant la maison où il y a un malade.
  • ÊTRE A L'OMBRE, v. n. Être en prison,—dans l'argot du peuple.
  • ÊTRE A PLUSIEURS AIRS, v. n. Faire ses embarras; faire ses coups à la sourdine,—dans l'argot des ouvriers.
  • ÊTRE A POT ET A FEU AVEC QUELQU'UN. Avoir un commerce d'amitié, vivre familièrement avec lui.
  • ÊTRE ARGENTÉ, v. n. Avoir dans la poche quelques francs disposés à danser le menuet sur le comptoir du marchand de vin.

Être désargenté. N'avoir plus un sou pour boire.

  • ÊTRE A SEC. N'avoir plus d'argent,—dans l'argot du peuple.

C'est la même expression que Les eaux sont basses.

  • ÊTRE A TU ET A TOI AVEC QUELQU'UN. Vivre familièrement avec quelqu'un, être son ami, ou seulement son compagnon de débauche.
  • ÊTRE AUX ÉCOUTES, v. n. Faire le guet; surprendre une conversation,—dans l'argot du peuple.

L'expression sort de la langue romane.

  • ÊTRE AVEC UNE FEMME, v. n. Vivre maritalement avec elle,—dans l'argot des ouvriers.
  • ÊTRE AVEC UN HOMME, v. n. Vivre en concubinage avec lui,—dans l'argot des grisettes.
  • ÊTRE BIEN, v. n. Être en état d'ivresse,—dans l'argot du peuple.
  • ÊTRE BIEN DE SON PAYS. Avoir de la naïveté, s'étonner de tout et de rien, se fâcher au lieu de rire. Argot du peuple.
  • ÊTRE BIEN PORTANT, v. n. Être libre,—dans l'argot des voleurs.
  • ÊTRE BON LÀ. Demander plus qu'il n'est permis. Manifester des exigences ou des prétentions,—dans l'argot du peuple, qui n'emploie cette expression qu'ironiquement, par antiphrase.
  • ÊTRE BREF, v. n. Être à court d'argent.
  • ÊTRE CHARGÉ A CUL. Être pressé, scatologiquement parlant,—dans l'argot des commissionnaires.
  • ÊTRE COMPLET. Être ivre-mort,—dans l'argot des bourgeois.

Signifie aussi, dans un sens ironique, Être parfait,—en vices.

  • ÊTRE COUSU D'OR. Avoir beaucoup d'argent,—dans l'argot du peuple qui a l'hyperbole facile.
  • ÊTRE CROTTÉ. N'avoir pas le sou,—dans l'argot des ouvriers tailleurs. Ils le disent aussi d'un travail pour lequel il manque la quantité d'étoffe voulue, ou qui nécessite une économie extraordinaire.
  • ÊTRE DANS DE BEAUX DRAPS. Se dit ironiquement de quelqu'un qui s'est attiré une fâcheuse affaire, ou qui est ruiné. Argot du peuple.
  • ÊTRE DANS LE SIXIÈME DESSOUS. Être ruiné, ou mort,—forme explétive de Troisième dessous, qui est la dernière cave pratiquée sous les planches de l'Opéra pour en recéler les machines.
  • ÊTRE DANS LES PAPIERS DE QUELQU'UN. Avoir sa confiance, son affection.

On dit aussi Être dans les petits papiers de quelqu'un.

  • ÊTRE DANS LES VIGNES. Être complètement ivre,—dans l'argot du peuple.

Il dit aussi Être dedans.

  • ÊTRE DANS SES PETITS SOULIERS. Être embarrassé, gêné par une observation, par une question, en souffrir et en faire la grimace, comme quelqu'un qui serait trop étroitement chaussé. Argot des bourgeois.
  • ÊTRE DANS TOUS SES ÉTATS. Être très préoccupé d'une chose; se donner beaucoup de mal, se remuer extrêmement à propos de n'importe quoi et de n'importe qui, et souvent ne pas faire plus de besogne que la mouche du coche. Même argot.
  • ÊTRE DANS UN ÉTAT VOISIN. Être ivre,—dans l'argot des typographes, qui pratiquent volontiers l'ellipse et la syncope.
  • ÊTRE DE CHÉ, ou d'CHÉ. Être complètement saoul,—dans l'argot des voleurs.
  • ÊTRE DE LA BONNE, v. n. Être heureux, avoir toutes les chances,—dans l'argot des voleurs.
  • ÊTRE DE LA FÊTE. Être heureux ou hors de danger après avoir été compromis, menacé. Argot du peuple.
  • ÊTRE DE LA HAUTE. Appartenir à l'aristocratie du mal,—dans le même argot. Faire partie de l'aristocratie du vice,—dans l'argot des filles.
  • ÊTRE DE LA PAROISSE DE LA NIGAUDAIE. Être un peu trop simple d'esprit,—dans l'argot du peuple.
  • ÊTRE DE LA PAROISSE DE SAINT-JEAN-LE-ROND. Être ivre,—dans l'argot des ouvriers irrévérencieux sans le savoir envers d'Alembert.
  • ÊTRE DE LA PROCESSION. Être du métier.

On dit aussi En être.

  • ÊTRE DÉMATÉ. Être vieux, impotent,—dans l'argot des marins.
  • ÊTRE DESSOUS. Être ivre,—dans l'argot du peuple.
  • ÊTRE DU BÂTIMENT, v. n. Faire partie de la rédaction d'un journal. Être feuilletoniste ou vaudevilliste,—dans l'argot des gens de lettres, qui forment une corporation dont l'union ne fait pas précisément la force.
  • ÊTRE D'UN BON SUIF. Être ridicule, mal mis, ou contrefait,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Être d'un bon tonneau.

  • ÊTRE DU QUATORZIÈME BÉNÉDICITÉ. Faire partie du régiment,—ou plutôt de l'armée des imbéciles.
  • ÊTRE ENCORE (L'). C'est, pour une femme, avoir encore le droit de recevoir un bouquet de roses blanches, le jour de l'Assomption, sans être exposée à considérer le présent comme une épigramme.
  • ÊTRE EN DÉLICATESSE AVEC QUELQU'UN. Être presque brouillé avec lui; l'accueillir avec froideur,—dans l'argot des bourgeois.
  • ÊTRE EN FINE PÉGRAINE, v. n. Être à toute extrémité,—dans l'argot des prisons,
  • ÊTRE EN TRAIN, v. n. Commencer à se griser,—dans l'argot des ouvriers.
  • ÊTRE FORT AU BÂTONNET. Façon de parler ironique qu'on emploie à propos d'une maladresse commise.
  • ÊTRE LE BœUF, v. a. Être victime de quelque mauvaise farce, de quelque mauvais coup,—dans l'argot du peuple, qui a voulu faire allusion au dieu Apis que l'on abat tous les jours dans les échaudoirs sans qu'il proteste, même par un coup de corne.
  • ÉTRENNER, v. n. Recevoir un soufflet, un coup quelconque. Argot des faubouriens.
  • ÊTRE PAF, v. n. Être en état d'ivresse. Même argot.
  • ÊTRE PRÈS DE SES PIÈCES. N'avoir pas d'argent ou en avoir peu. Argot du peuple.
  • ÊTRE PRIS DANS LA BALANCINE. Se trouver dans une position gênante.

L'expression est de l'argot des marins.

  • ÊTRE SUR LA PLANCHE, v. n. Comparaître en police correctionnelle ou devant la Cour d'assises. Argot des voleurs.
  • ÊTRE SUR LE SABLE, v. n. N'avoir pas de maîtresse,—dans l'argot des souteneurs, que cela expose à crever de faim.
  • ÊTRE TROP PETIT. N'avoir pas l'adresse ou le courage nécessaire pour une chose. Argot du peuple.

T'es trop petit! est une expression souveraine de mépris, dans la bouche des faubouriens.

  • ÊTRE VENT DESSUS VENT DEDANS. Être en état d'ivresse,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
  • ÉTRILLER, v. a. Donner des coups,—dans l'argot du peuple.

Signifie aussi: Voler, surfaire un prix, surcharger une addition.

  • Étron, s. m. Stercus,—dans le même argot.

Signifie aussi: Homme mou, sans consistance, sans valeur.

L'expression est ignoble, mais elle a de nobles parrains. Rabelais n'a-t-il pas dit, au chapitre des Meurs et conditions de Panurge: «Il fit une tarte bourbonnoise, composée de force de ailz..., d'estroncs tous chaulx, et la destrempit en sanie de bosses chancreuses?»

  • ÉTRONNER, v. n. Cacare,—dans l'argot des faubouriens.
  • ET TA SœUR! Expression fréquemment employée par les faubouriens à tout propos et même sans propos, comme réponse à une importunité, à une demande extravagante, ou pour se débarrasser d'un fâcheux.

On dit quelquefois aussi: Et ta sœur, est-elle heureuse? C'est le refrain d'une chanson très populaire,—malheureusement.

  • ÉTUDIANT DE LA GRÈVE, s. m. Maçon,—dans l'argot du peuple.
  • ÉTUDIANTE, s. f. Grisette,—dans l'argot des ouvriers.

Etudiante pur sang. Fille destinée à embellir l'existence de plusieurs générations d'étudiants.

  • ÉTUI, s. m. La peau du corps,—dans l'argot du peuple, qui a l'honneur de se rencontrer avec Shakespeare (case).

Se dit aussi pour Vêtements.

  • ÉTUI A LORGNETTE, s. m. Cercueil,—dans l'argot des voyous, qui ont parfaitement saisi l'analogie de forme existant entre deux choses pourtant si différentes comme destination.
  • EUSTACHE, s. m. Couteau,—dans l'argot du peuple, qui dit aussi: Ustache.
  • ÉVANOUIR (S'). S'en aller de quelque part,—dans l'argot des faubouriens.
  • ÉVAPORER, v. a. Voler quelque chose adroitement,—dans le même argot.
  • ÉVENTAIL A BOURRIQUE, s. m. Bâton,—dans le même argot.
  • ÉVÊQUE DE CAMPAGNE, s. m. Pendu,—dans l'argot du peuple, qui veut dire que ces sortes de suicidés bénissent avec les pieds.
  • EXCELLENT (Être). Puer de l'aisselle,—dans l'argot des bourgeois, qui font des calembours par à peu près et pour faire celui-ci sont forcés de prononcer essellent.
  • EXÉCUTER QUELQU'UN, v. a. Lui interdire l'entrée de la Bourse, parce qu'il est insolvable,—dans l'argot des coulissiers.
  • EXPÉDIER, v. a. Tuer,—dans l'argot du peuple.
  • EXPERT, s. m. Officier de loge,—dans l'argot des francs-maçons.
  • EXTRA, s. m. Garçon de supplément,—dans l'argot des cafés et des restaurants.
  • EXTRA, s. m. Dîner fin,—dans l'argot des bourgeois qui traitent.
  • EXTRA, s. m. Petite débauche supplémentaire,—dans l'argot du peuple.

Faire un extra. Faire une petite noce, une petite débauche de table.

Signifie aussi, seulement: Ajouter un plat à un repas trop spartiate, un demi-setier à un déjeuner composé de pommes de terre frites, etc.

  • EXTRA, s. m. Convive,—dans l'argot des tables d'hôte militaires.

166

F

  • FACE, s. f. Pièce de cinq centimes,—dans l'argot des faubouriens, qui peuvent ainsi contempler à peu de frais la figure du monarque régnant.
  • FACE! Exclamation de l'argot des ouvriers, qui la font entendre lorsqu'au cabaret ou au café quelque chose tombe et se casse.
  • FACE DE CARÊME, s. f. Mine fatiguée, pâlie par l'étude ou les veilles malsaines. Argot du peuple.
  • FACE DU GRAND TURC, s. f. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc,—dans le même argot.
  • FACES, s. f. pl. Joues,—dans l'argot des bourgeois.
  • FACIÈS, s. m. Visage,—dans l'argot du peuple, qui parle sans s'en douter comme Cicéron.
  • FACTIONNAIRE, s. m. Insurgé de Romilly. (V. ce mot.)

Poser un factionnaire, Alvum deponere.

  • FACTOTON, s. m. Valet, homme à tout faire,—(factotum),—dans l'argot du peuple, qui n'emploie jamais cette expression qu'en mauvaise part.
  • FACTURIER, s. m. Vaudevilliste qui a la spécialité des couplets de facture.
  • FADAGE, s. m. Partage,—dans l'argot des voleurs.
  • FADARD, adj. et s. Bon, beau, agréable,—dans l'argot des faubouriens.
  • FADASSE, s. f. Femme trop blonde,—dans l'argot du peuple, qui ne sait pas que ses grand mères, les Gauloises, avaient les cheveux flaves.
  • FADE, s. m. Quote-part de chacun dans une dépense générale; Ecot que l'on paye dans un pique-nique.

Mot de l'argot des voleurs qui a passé dans l'argot des ouvriers. Mais, avant d'appartenir au cant, il appartenait à notre vieille langue: «Saciés bien que se je en muir, faide vos en sera demandée», dit Aucassin au vicomte de Beaucaire, qui lui a enlevé Nicolette. Or faide ici signifie compte et ne peut venir que de fœdus, accord particulier, règlement, compte.

  • FADE, s. m. Fat,—dans l'argot du peuple, qui trouve que ce mot exprime bien le dégoût que lui causent les gens amoureux de leur personne.

Les deux mots ont d'ailleurs la même étymologie, fatuus, insipide.

  • FADER, v. n. et a. Partager des objets volés.
  • FADEURS, s. m. pl. Mensonges ordinaires de la conversation,—dans l'argot du peuple, payé pour être sceptique.

Il n'emploie ordinairement cette expression que pour se moquer, et à propos de n'importe quoi. On lui raconte que le roi d'Araucanie est monté sur son trône «Des fadeurs!» dit-il. On lui assure que la France va avoir la guerre avec l'Angleterre à propos de Madagascar: «Des fadeurs!» On lui apprend une mauvaise nouvelle: «Des fadeurs!» Une bonne: «Des fadeurs!» etc.

  • FAFFE ou Fafiot, s. m. Papier blanc ou imprimé,—dans l'argot des voleurs.

Fafiot garaté. Billet de banque autrefois signé Garat et aujourd'hui Soleil.

Fafiot mâle. Billet de mille francs.

Fafiot femelle. Billet de cinq cents francs.

Fafiot loff. Faux certificat ou faux passeport.

Fafiot sec. Bon certificat ou bon passeport.

  • FAFIOTEUR, s. m. Marchand de papiers; Banquier.

Signifie aussi Ecrivain.

  • FAFIOTS, s. m. p. Souliers,—dans l'argot des revendeuses du Temple.
  • FAGOT, s. m. Forçat,—Homme qui est lié à un autre homme: en liberté, par une complicité de sentiments mauvais; au bagne, par des manicles.

Fagot à perte de vue. Condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Fagot affranchi. Forçat libéré.

  • FAGOT, s. m. Vieillard,—dans l'argot des marbriers de cimetière, qui savent mieux que personne ce qu'on fait du bois mort.
  • FAGOT, s. m. Élève de l'École des eaux et forêts,—dans l'argot des Polytechniciens.
  • FAGOTÉ, adj. Habillé, arrangé,—dans l'argot des bourgeois, qui n'emploient jamais ce mot qu'en mauvaise part.
  • FAGOTER, v. a. Travailler sans soin, sans goût, maladroitement,—dans l'argot des ouvriers.
  • FAGOTER (Se), v. réfl. S'habiller extravagamment, grotesquement.

A signifié autrefois Se moquer.

  • Fagots, s. m. pl. Contes à dormir debout, niaiseries,—dans l'argot du peuple.

Débiter des fagots. Dire des fadaises, des sottises.

  • FAIBLE, s. m. Penchant, tendresse particulière et souvent injuste,—dans l'argot des bourgeois.

Prendre quelqu'un par son faible. Caresser sa marotte, flatter son vice dominant.

  • FAILLOUSE, s. f. Le jeu de la bloquette,—dans l'argot des écoliers.
  • FAÎNE, s. f. Pièce de cinq centimes,—dans l'argot des ouvriers, qui pour trouver cette analogie, ont dû se reposer sub tegmine fagi.
  • FAININ, s. m. Liard,—qui est une petite faîne.
  • FAIRE, s. m. Façon d'écrire ou de peindre,—dans l'argot des gens de lettres et des artistes.
  • FAIRE, v. a. Dépecer un animal,—dans l'argot des bouchers, qui font un veau, comme les vaudevillistes un ours.
  • FAIRE, v. a. Visiter tel quartier commerçant, telle ville commerçante, pour y offrir des marchandises,—dans l'argot des commis voyageurs et des petits marchands.
  • FAIRE, v. n. Cacare,—dans l'argot à moitié chaste des bourgeois.

Faire dans ses bas. Se conduire en enfant, ou comme un vieillard en enfance; ne plus savoir ce qu'on fait.

  • FAIRE, v. n. Jouer,—dans l'argot des bohèmes.

Faire son absinthe. Jouer son absinthe contre quelqu'un, afin de la boire sans la payer.

On fait de même son dîner, son café, le billard, et le reste.

  • FAIRE, v. n. Travailler, être ceci ou cela,—dans l'argot des bourgeois.

Faire dans l'épicerie. Être épicier.

Faire dans la banque. Travailler chez un banquier.

  • FAIRE, v. a. Voler, et même Tuer,—dans l'argot des prisons.

Faire le foulard. Voler des mouchoirs de poche.

Faire des poivrots ou des gavés. Voler des gens ivres.

Faire une maison entière. En assassiner tous les habitants sans exception et y voler tout ce qui s'y trouve.

  • FAIRE (Le), v. a. Réussir,—dans l'argot du peuple, qui emploie ordinairement ce verbe avec la négative, quand il veut défier ou se moquer. Ainsi: Tu ne peux pas le faire, signifie: Tu ne me supplanteras pas,—tu ne peux pas lutter de force et d'esprit avec moi,—tu ne te feras jamais aimer de ma femme,—tu ne deviendras jamais riche, ni beau,—etc., etc. Comme quelques autres du même argot, ce verbe, essentiellement parisien, est une selle à tous chevaux.
  • FAIRE (Se), v. réfl. S'habituer,—dans l'argot des bourgeois.

Se faire à quelque chose. Y prendre goût.

Se faire à quelqu'un. Perdre de la répugnance qu'on avait eue d'abord à le voir.

  • FAIRE (Se). Se bonifier,—dans l'argot des marchands de vin.
  • FAIRE ACCROCHER (Se). Se faire mettre à la salle de police,—dans l'argot des soldats.
  • FAIRE A LA RAIDEUR (La). Se montrer raide, exigeant, dédaigneux,—dans l'argot des petites dames.

Elles disent de même: La faire à la dignité, ou à la bonhomie, ou à la méchanceté, etc.

  • FAIRE ALLER, v. a. Se moquer de quelqu'un, le berner,—dans l'argot du peuple.
  • FAIRE A L'OSEILLE (La), v. a. Jouer un tour désagréable à quelqu'un,—dans l'argot des vaudevillistes.

L'expression sort d'une petite gargote de cabotins de la rue de Malte, derrière le boulevard du Temple, et n'a que quelques années. La maîtresse de cette gargote servait souvent à ses habitués des œufs à l'oseille, où il y avait souvent plus d'oseille que d'œufs. Un jour elle servit une omelette... sans œufs.—«Ah! cette fois, tu nous la fais trop à l'oseille,» s'écria un cabotin. Le mot circula dans l'établissement, puis dans le quartier; il est aujourd'hui dans la circulation générale.

  • FAIRE AU MÊME, v. a. Tromper, prendre sa revanche de quelque chose,—dans l'argot du peuple.

Il dit aussi Refaire au même.

  • FAIRE BAISER (Se). Se faire arrêter ou engueuler,—dans le même argot.

On dit aussi Se faire choper.

  • FAIRE BALAI NEUF, v. n. Montrer un zèle exagéré qui ne pourra pas se soutenir,—dans le même argot.
  • FAIRE BRÛLER MOSCOU. Faire un punch monstre,—dans l'argot des soldats, qui connaissent tous, par ouï-dire, les belles flammes qui s'échappaient, le 29 septembre 1812, de l'antique cité des czars, brûlée par Rostopchin.
  • FAIRE CABRIOLET. Se traîner sur le cul, comme les chiens lorsqu'ils veulent se torcher. Argot du peuple.
  • FAIRE CASCADER LA VERTU, v. a. Obtenir d'une femme l'aveu de son amour et en abuser,—dans l'argot de Breda-Street, d'après la Belle Hélène.
  • FAIRE CELUI QUI... Faire semblant de faire une chose,—dans l'argot du peuple.
  • FAIRE CHARLEMAGNE. Se retirer du jeu après y avoir gagné, sans vouloir donner de revanche,—dans l'argot des joueurs, qui savent ou ne savent pas leur histoire de France. «Charlemagne (dit Génin en ses Récréations philologiques) garda jusqu'à la fin toutes ses conquêtes, et quitta le jeu de la vie sans avoir rien rendu du fruit de ses victoires; le joueur qui se retire les mains pleines fait comme Charlemagne: il fait Charlemagne:

Se non è vero... Je ne demande pas mieux d'en croire Génin, mais jusqu'ici il m'avait semblé que Charlemagne n'avait pas autant fait Charlemagne que le dit le spirituel et regrettable érudit, et qu'il y avait, vers les dernières pages de son histoire, une certaine défaite de Roncevaux qui en avait été le Waterloo. Et puis... Mais le chevalier de Cailly avait raison!

  • FAIRE CORPS NEUF, v. a. Alvum deponere,—et le remplir ensuite de nouveaux aliments.
  • FAIRE COUCOU. Jouer à se cacher,—dans l'argot des enfants.
  • FAIRE COULER UN ENFANT, v. a. Prendre un médicament abortif,—dans l'argot des filles.
  • FAIRE CUIRE SA TOILE, v. a. Employer les tons rissolés, les grattages, les ponçages,—dans l'argot des critiques d'art, qui n'ont pas encore digéré la peinture de Decamps.
  • FAIRE CUIRE SON HOMARD, v. a. Rougir d'émotion ou d'autre chose,—dans l'argot des faubouriens.

On dit aussi Faire cuire son écrevisse.

  • FAIRE DANSER UN HOMME SUR LA PELLE A FEU. Exiger sans cesse de l'argent de lui, le ruiner,—dans l'argot des petites dames.

On dit aussi Faire danser sur la poêle à frire.

  • FFAIRE DE CENT SOUS QUATRE FRANCS, v. a. Dépenser follement son argent,—dans l'argot des bourgeois, qui ajoutent quelquefois: Et de quatre francs rien.
  • FAIRE DE LA MUSIQUE. Se livrer à des conversations intempestives sur les coups. Argot des joueurs.
  • FAIRE DE LA POUSSIÈRE, v. a. Faire des embarras,—dans l'argot des petites dames, qui recommandent toujours à leurs cochers d'aller grand train quand il s'agit de couper une rivale sur le boulevard, ou dans l'avenue des Champs-Élysées, ou dans les allées du bois de Boulogne.
  • FAIRE DE L'EAU, v. a. Meiere,—dans l'argot des bourgeois.

Ils disent aussi Epancher de l'eau, Pencher de l'eau et Lâcher de l'eau.

  • FAIRE DE L'OR. Gagner beaucoup d'argent.

Le peuple, lui, dit Chier de l'or.

  • FAIRE DES AFFAIRES, v. a. Faire beaucoup de bruit pour rien, exagérer l'importance des gens et la gravité des choses,—dans l'argot du peuple, qui se gausse volontiers des M. Prudhomme.

On dit aussi Faire des affaires de rien.

  • FAIRE DES AFFAIRES (Se), v. réfl. S'attirer des désagréments, des querelles, des embarras.
  • FAIRE DES CHOUX ET DES RAVES, v. a. Faire n'importe quoi d'une chose, s'en soucier médiocrement,—dans l'argot des bourgeois.
  • FAIRE DES CORDES, v. a. Difficilimè excernere,—dans l'argot du peuple, qui emploie là une expression déjà vieille: Tu funem cacas? dit à son camarade un personnage d'une comédie grecque traduite en latin.
  • FAIRE DES CRÊPES, v. a. S'amuser comme il est de tradition de le faire au Mardi-Gras,—dans l'argot des artistes, gouailleurs de leur nature.

Se dit volontiers pour retenir quelqu'un: «Rester donc; nous ferons des crêpes

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