Dictionnaire de la langue verte
- MABOUL. Niais, un peu fou. «Suivant l'expression d'Eugène Tourte, elle était un peu maboule, rêvassant près de son bon ami à des amours câlins. (Huysmans: Les Sœurs Vatard.) «Le père? dit Landart, il ne peut pas gagner sa vie; malheureusement il est un peu maboul.» (Sirven et Siegel: Les Drames du Mont-de-Piété, 1886.)
- MACARONI. C'est ainsi que les gens de bourse désignent plaisamment dans leur jargon le fonds d'Etat italien. «Le Macaroni se cramponne; il voudrait se fixer, ou, si vous aimez mieux, se figer au pair.» (Gil Blas, juin 1887.) «Le bourgeois commerçant ou boursicotier dit: Je prends ferme; le macaroni se soutient; les huiles fléchissent.» (Gazette de France, octobre 1886.)
- MAGASIN. Trottoir, dans le jargon des filles et de leurs souteneurs. «C'est là (dans un cabaret) que les macs vont régler leurs affaires avec leurs marmites lorsqu'elles arrivent du magasin.» (Courrier Français, nov. 1888.)
- MAGNUM. Bouteille de capacité plus qu'ordinaire. Argot de restaurant. «Quelques-uns des prix méritent d'être cités. Ce sont d'abord six bouteilles de Château-Lafitte, 1865—de ces doubles bouteilles qu'en style de sommelier on appelle des magnum...» (Lanterne, décembre 1884.)
- MAHOMET. Petit sac de cuir que les forçats portent suspendu sur la poitrine, entre la peau et la chemise et qui leur sert à enfermer leurs économies.» (V. Humbert: Mon bagne.)
- MAIN (Acheter à la). Acheter comptant. «Il joignait à ce commerce connu... les prêts usuraires à la petite semaine et la vente au bazar avec de gros bénéfices, d'objets fabriqués en salle et qu'il achetait à la main, bien au-dessous de leur valeur.» (Humbert: Mon bagne.)
- MALFRAT. Argot des vagabonds. Le malfrat est un ouvrier travaillant parfois dans les carrières situées aux environs de Paris, mais qui cherche surtout dans ces carrières un gîte et un abri pour échapper aux recherches de la police. Le malfrat s'appelle aussi malfera ou malfranc.
- MALGACHE. Argot boulevardier. Ce mot, synonyme de chic, d'élégant, n'a pas vécu. D'ailleurs il n'était pas né viable et avait été mis en circulation en 1886, alors qu'un certain nombre de Malgaches étaient venus s'exhiber au Jardin d'acclimatation. «De mondaines, peu ou point; en revanche, plusieurs de nos mousseuses les plus malgaches étaient là.» (Evénement, février 1887.)
- MALHEUREUX. C'est ainsi que dans les gargotes, dans les restaurants à bas prix, le consommateur nomme le dessert connu sous le nom de quatre mendiants. «Garçon, un lapin chasseur, un panaché, quatre-malheureux et un litre de piccolo, cria notre voisin de table.» (Gagne-Petit, mai 1886.)
- MALLE EN CUIR. Solliciteur. Argot des officiers de marine qui désignent ainsi ceux de leurs camarades sans cesse voyageant... sur la ligne de Paris, une petite valise à la main, pour aller solliciter une faveur quelconque au Ministère.
- MANGEUR. Dénonciateur, espion. Argot des prisons. «Ce sont les révélateurs qu'on appelle les mangeurs, la musique.» (J. Vallès.)
- MANIER (Se). Se masturber.—Se sauver, fuir.
- MANTEAU. Argot théâtral. Rôle où l'acteur porte un manteau. (Littré.) «Il avait, comme artiste, une scène de composition, une autorité de manière qui, jointes à une excellente diction, faisaient de son jeu dans les rôles proprement appelés les manteaux un sujet d'études des plus attrayants.» (Revue britannique.)
- MAQUIGNON A BIDOCHE. Variété de souteneur.
- MARCHAND DE CIRAGE. Commandant d'un navire. Argot du bagne. «Est-ce que le marchand de cirage (elles appelaient ainsi le commandant) nous faisait peur?» (Humbert: Mon bagne.)
- MARCHAND DE PUCES. Argot militaire. Individu qui a dans les régiments la fourniture des lits.
- MARCHÉ DES PIEDS HUMIDES. La petite Bourse qui pendant longtemps s'est tenue en plein air; les spéculateurs étaient ainsi exposés à toutes les intempéries, et, quand il pleuvait, pataugeaient dans les flaques d'eau. «Le marché des pieds humides qu'on est venu plaisanter, est bien plus loyal qu'on ne le pense. Là, pas d'affaires à terme; argent contre titres; titres contre argent.» (Le Mercure, journal, 1882.)
- MARCHFELD. C'est ainsi que les élèves de l'Ecole de Saint-Cyr appellent le champ de manœuvres. «Que les jours d'hiver nous parurent longs, les après-midi sombres pendant lesquels nous épelions le b a ba du métier dans le marchfeld que balayaient âprement les bises.» (Maizeroy: Souvenirs d'un Saint-Cyrien.)
- MARGOUILLAT. Argot militaire. Spahis.
- MARIAGE DE GARNISON. Liaison qu'un militaire en garnison contracte avec une femme et qui n'a pas d'autre durée que celle du séjour dans la garnison.
- MARIE-JE-M'EMBÊTE. (Faire sa). Faire des façons; se faire prier. «Ah çà! voyons! quand tu resteras là à faire ta Marie-je-m'embête! Ça n'avancera à rien! Venez-vous oui ou non? (Huysmans: Sœurs Vatard.)
- MARIE-MANGE-MON-PRÊT. Argot militaire. Maîtresse du soldat.
- MARINE. Argot des lycéens. Est marine dans leur jargon, le camarade qui se prépare à l'école navale.
- MARQUE. Femme qui a deux cordes à son arc: la prostitution et le vol.
- MARQUE-MAL. Individu contrefait.—Variété de souteneur.
- MARTIN. Argot des marchands de vin qui désignent ainsi un horrible breuvage composé d'eau-de-vie de marc teintée de cassis; d'où marc teint et de là Martin. «Si parfois un étranger vers les deux heures du matin, vous offre un martin, prenez garde! Cette boisson traîtresse en diable produit sur l'organisme les effets les plus désastreux.» (Charivari, octobre 1885.)
- MASSEPAIN. Individu sur lequel on fait, dans certaines maisons, des... expériences, in anima vili.—Argot militaire: Valet d'un jeu de cartes.
- MATATANE. Argot militaire. Salle de police.
- MATÉRIELLE. «Et alors, quelques malheureux pontes... se sont livrés au terrible travail qui consiste à gagner avec des cartes le pain quotidien, ce que les joueurs appellent la matérielle.» (Belot: La Bouche de Madame X.)
- MATH. Mathématiques. Argot des collégiens. «Ils (les médecins) démolissent l'infranchissable barrière qui, dès le collège, sépare les forts en math des forts en thème.» (Evénement, août 1885). «Je suis obligé de les bûcher très dur, ces sales math!» (Vie Parisienne, février 1888.)
- MATHURIN. Matelot. «Je veux parler du simple matelot à qui l'on donne le nom de mathurin, de même qu'on gratifie le soldat du surnom de Dumanet.» (Figaro, 1882.)
- MATHURIN. Nom que les marins, par plaisanterie, donnent aux navires en bois. «Est-ce que vous voudriez rétablir ces vieux mathurins, comme nous les appelons, pour remplacer les bateaux à vapeur?» (Amiral Saisset: Journal officiel, janvier 1872.)
- MATRICULER (Se faire). Se faire punir. Argot militaire.
- MAUBERT, MAUBERTE. Argot des voyous qui désignent ainsi l'homme, la femme nés dans le quartier de la place Maubert, la place Maube: comme ils disent, ou y habitant. «Celle-ci est née rue Galande. C'est une Mauberte, et les Maubertes ne rompent jamais tout à fait avec leur famille...» (Du Boisgobey: Paris-Bandit.)
- MAUVAISE! Exclamation qu'emploient les enfants dans la plupart de leurs jeux pour signifier à leur adversaire que le coup qu'ils viennent de jouer ne compte pas. (V. Bonne.)
- MEC. Souteneur.
«C'est tout d'même chouette pour [une pierreuse]
D'avoir un mec comme celui-là?
(De Gramont: La Femme à Polyte.)
- MEC A LA REDRESSE. Tout individu qui en impose par ses qualités ou ses vices. «Seules, quelques individualités hors pair, des mecs à la redresse, parviennent à se faire dans l'opinion une haute place.» (Humbert: Mon bagne.)
Aujourd'hui le mot mec a pris une très grande extension. Il s'emploie pour désigner avec mépris un individu quelconque.
- MÉDAILLE (Avoir la). Argot de sport. «Il y a une expression consacrée dans l'argot du turf et qui est très significative: Avoir la médaille. On dit d'un monsieur qu'il a la médaille quand il fait une commission pour le compte du propriétaire. Cela veut dire qu'il est commissionnaire. Il a la médaille. Dès qu'on s'aperçoit qu'un monsieur a la médaille, c'est-à-dire qu'il a reçu mission du propriétaire de parier pour son cheval, il ne reste plus qu'à lui emboîter le pas...» (Paris Illustré, 1884.)
- MÉGOTTIER. Industriel qui ramasse les bouts de cigares, les mégots. «Là, sont réunis pêle-mêle des biffins... le mégottier avec son pistolet à la saindhomme.» (Réveil, 1882.)
- MÉLASSON. Niais, imbécile. «Faut-il que vous soyez mélasson pour vous être ainsi fourré la gueule dans le beurre!» (Huysmans: Sœurs Vatard.)
- MELON. On appelle ainsi au prytanée militaire tout élève faisant partie du troisième bataillon. «C'est au troisième bataillon des élèves, c'est-à-dire au bataillon des melons que l'agitation est très grande.» (Revue alsacienne, juillet 1887.) (V. Melon au Dictionnaire.)
- MÉNAGE À LA COLLE. V. Delvau: Mariage à la détrempe. «Les commissaires iront-ils vérifier le désintéressement de 60,000 ménages à la colle qui se cachent dans les faubourgs?» (Télégraphe, 1882.)
- MENDIGOT. «Le mendigot n'est pas tout à fait le mendiant. Le mendigot est une sous-variété du trimardeur. Il va mendier dans les châteaux ou dans les maisons aisées et renseigne les Monteurs de coups.» (Clairon, 1882.)
- MENEUSE. Femme qui attire le passant dans une rue écartée pour le livrer à des travailleurs qui le volent toujours et l'assassinent quelquefois.
- MENFOUTISTE. Indifférent, sceptique. La paternité de ce mot qui a jusqu'ici vécu appartient à M. Aurélien Scholl. «Le grand parti des menfoutistes fait chaque jour de nouvelles recrues. L'indifférence a gangrené tous les cœurs.» (Evénement, 1884.) De menfoutiste est dérivé menfoutisme, synonyme d'indifférence, de scepticisme. «Le menfoutisme a soufflé aujourd'hui sur toutes les conventions, sur tous les partis sociaux, sur toutes les illusions, sur toutes les croyances.» (Evénement, 1884.) Il parut en cette même année 1884 au mois de janvier un canard qui avait pour titre: Le Jemenfoutiste.
- MÉQUILLON. Variété de souteneur.
- MERDE DE PIE. Pièce de cinquante centimes. Argot du bagne. «Un blavin! Tu me le redemanderas demain pour une merde de pie.» (Humbert: Mon bagne.)
- METTRE EN BRASSERIE (Se). Servir dans une brasserie. «Cédant à des suggestions funestes, elle se mit en brasserie, c'est l'expression consacrée.» (F. Sarcey: XIXe Siècle, 1881.)
- METTRE DU LINGE SUR SES SALSIFIS. Mettre des gants.
- METTRE DU PAIN DANS LE SAC DE QUELQU'UN. Lui faire son affaire; le battre, le tuer.
- METTRE UNE POUCE. Frapper, battre. «De quoi, de quoi, il va me fusiller mes indiennes (me voler mes vêtements). Vas-tu laisser ça? ou je te mets une pouce.» (Humbert: Mon bagne.)
- MEUBLER. Réparer des ans l'irréparable outrage, se mettre de faux mollets, de faux appas. «—Je suis devenue si maigre que je n'ose mettre une robe décolletée.—On met un corsage carré.—Impossible aussi, car il faut encore meubler le carré et avoir des bras.» (Le Voltaire, 1882.)
- MIC-MAC. Difficulté, complication, chose inintelligible. «C'est un mic-mac où personne ne comprend rien.» (Zola: Pot-Bouille.)
- MIGNOTER. Cajoler, embrasser, faire mignon. «Elle mignotait Céline, sa préférée, dont la tignasse jaune de chrome l'intéressait.» (Huysmans: Sœurs Vatard.)
- MILLE. Argot des libraires. L'édition totale d'un ouvrage, d'un roman quelconque, étant donné—ce qui est une supposition—que cet ouvrage est tiré à mille exemplaires. «Depuis quelque temps on lit sur la couverture des volumes d'une maison de librairie: Premier mille ou sixième mille ou dixième mille. Mille quoi? Mille exemplaires, cela se devine, mais cela n'en est pas moins de l'argot et quel argot!» (Evénement, 1883). «Le dernier roman de M. Daudet a eu une envolée heureuse. Le cinquantième mille est depuis longtemps dépassé.» (Français, juillet 1884.)
- MILLE (Mettre dans le). Réussir pleinement.
- MILLE-PATTES. Fantassin.
- MINCE! Exclamation qui répond à zut! ou à: ah! non! alors! «Ah! mince alors! si les billes de billard se mettent à moucharder la jeunesse.» (Meilhac et Halévy: Lolotte.)
A aussi le sens de beaucoup.
- MINERVE. Argot de joueurs. Filouterie qui rappelle celle dite du neuf de campagne. (V. cette expression). «D'ordinaire, le baccara se joue avec deux cartes dont l'assemblage forme le point et, si le banquier veut bien y consentir, une troisième qu'il donne découverte au tableau qui la demande. Quelquefois dans ces trois cartes il n'y a pas de quoi gagner sa vie, au contraire. Les malins en ont ajouté une quatrième, cachée celle-là qu'ils tiennent dans leur main gauche et que, par un travail analogue à celui dont j'ai parlé plus haut, ils arrivent à substituer à l'une de celles qui leur sont données régulièrement. D'habitude, les prestidigitateurs qui font la minerve adoptent un quatre ou un cinq, une carte qui peut s'adapter à toutes les combinaisons pour faire un point très honorable.» (C. des Perrières: Paris qui triche.)
- MITAINE. Voleuse, détourneuse à la mitaine. Femme portant des souliers très plats, sans talons et qui, dans un magasin, fait tomber des objets qu'elle ramasse avec le pied déchaussé et cache dans son soulier. Cette sorte de voleuse ne s'attaque, en général, qu'aux dentelles de prix.
- MITRAILLEUSE (Etouffer une). Boire un verre de vin.
- MIXTE. Argot des gens à la mode pour qui cet adjectif, détourné de son vrai sens, a remplacé le mot épicier qu'on prit en 1830 et longtemps après cette époque pour désigner toute chose commune, de mauvais goût, toute personne ayant un genre vulgaire. L'expression être mixte couramment employée en 1886 est aujourd'hui abandonnée. «Quant au rire, n'en parlons pas; rire n'est plus seulement canaille, c'est mixte.» (Gazette de France, janvier 1886.)
- MOBILISER (Se). Faire un voyage. Allusion à l'essai de mobilisation fait en 1887 dans le sud-ouest. «Je me suis mobilisé; j'ai bouclé une valise, pris une voiture...» (Voltaire, septembre 1887.)
- MOC-AUX-BEAUX. Quartier de la place Maubert.—On dit aussi Mocaubocheteau. «Les mèques de la Mocaubocheteau, v'là des mèques sérieux, des gonsiers qui crachent noir comme de l'encre... (Humbert: Mon bagne.)
- MODÈLE (Vieux). Grand-parent. «Il avait éloigné tous les vieux modèles, comme nous disons au couvent, pour désigner les grands-parents.» (Vie Parisienne, 1882.)
- MODISTE EN RAGOÛT. Cuisinière. Argot des garçons bouchers.
- MOELONNEUSE. Femme qui se prostitue dans les chantiers.
- MOL ou MOLLE (Être). Argot du peuple. N'avoir pas d'argent; être sans le sou.
- MÔME BASTAUD. Individu aux mœurs inavouables et qui se prête à toutes les exigences. «—Et de la môme?—De la môme bastaud, oui, tant que tu voudras... les autres, de la peau.—Chouette alors.» (Humbert: Mon bagne.)
- MOMENTANÉE. Femme galante avec laquelle on n'a qu'un entretien d'un moment. Deux journalistes ont réclamé la paternité de ce mot. M. Pierre Véron d'abord qui l'aurait imprimé tout vif dans le Charivari du 17 août 1885; M. Guillaume Livet, ensuite, qui l'a inventé et donné dans le Figaro en 1884.
- MONÔME. Promenade qu'exécutent à Paris et à l'époque des examens, les candidats aux diverses écoles du gouvernement. Le monôme consiste à marcher l'un derrière l'autre, en file indienne. Le monôme le plus connu est celui de l'X.
- MONSIEUR BAZAR. Argot de l'école de Saint-Cyr. Le Saint-Cyrien lui-même. «La dernière quinzaine a été dure pour Monsieur Bazar, ainsi que se qualifie l'élève de l'Ecole militaire.» (Soleil, 1887.)
- MONTER LE BALUCHON (Se). (V. Delvau.) Se monter le coup.
- MONTER UN CHOPIN. Argot des voleurs. Préparer un mauvais coup, un vol.
- MORT. Malade. Argot des élèves de l'Ecole de Saint-Cyr. Se faire porter élève-mort.
- MOUCHE. On désigne ainsi à Paris les bateaux à vapeur qui font sur la Seine un service de transport à l'usage des voyageurs. «Malgré... les chiens et les chevaux qu'on baigne... les bateaux qu'on décharge, les mouches qui passent en fouettant l'eau de leurs ailes et en la troublant de leur fumée, la Seine largement engraissée par les détritus de la grande ville abonde en poissons.» (Bernadille.) On désigne aussi ces bateaux sous le nom d'hirondelles.
- MOUCHE A MIEL. Argot des écoles. Se dit des aspirants à l'Ecole centrale.
- MOUF. Abréviation de Mouffetard. La rue Mouf, la rue Mouffetard. «Le garçon du marchand de vin d'à côté secouait un panier à salade et quelques gouttes d'eau atteignirent le front de la jeune fille qui se retourna et s'écria avec une voix de rogomme et le plus pur accent mouf-mouf: Ah! mince... tu pourrais donc pas secouer tes pissenlits d'équerre, espèce ed'mastroc empaillé!» (Clairon, 1882.)
- MOUFION. Mouchoir; Moufionner, se moucher.
- MOUILLER. Argot théâtral. Jouer bien.—Mouiller à ou dans; toucher des droits d'auteur.
- MOUILLER LES PIEDS (Se). Aller à Nouméa. «Interrogé, il s'écria: Vous me ferez faucher le pré, mais je ne veux pas que les camarades se mouillent les pieds.» (Evénement, 1882.)
- MOUKALA. Fusil. Argot des régiments d'Afrique.
- MOUSCAILLEUR. Vidangeur. «Là sont réunis pêle-mêle des biffins... des mouscailleurs.» (Réveil, 1882.)
- MOUQUETTE. Femme galante. Le mot a été pour la première fois, croyons-nous, lancé par M. Delpit. Le romancier était-il alors hanté par le souvenir de l'héroïne de Germinal, la Mouquette, car le livre de Zola venait de paraître, cela est possible, mais nous n'affirmons rien. Toujours est-il que peu de temps après l'apparition de ce mot, un rédacteur du journal Le Dix-neuvième siècle en donnait cette étymologie, très vraisemblable d'ailleurs: «Les Arabes appellent les femmes moukair; les soldats d'Afrique ont rapporté ce mot en France, et, chez les ouvriers qui ont fait campagne en Algérie, il n'est pas rare d'entendre adresser aux femmes l'appellation de mouquerre, corruption évidente de moukair. C'est d'ailleurs le mot espagnol mujer prononcé avec l'accent guttural. C'est mouquerre qui est le père de mouquette. La généalogie du nouveau mot peut donc ainsi s'établir: moukair, mot arabe ou espagnol; mouquerre, mot d'argot de barrière; mouquette, mot d'argot pschutteux.» Qu'en pense M. Delpit? «La mouquette de haute marque qui vient de faire sa vente...» (Evénement, 1885.)
- MOUSSEUSE. Femme galante, à la mode. «Mousseuse est pimpant, léger, provocant, vaporeux; mousseuse donne bien l'idée du bruissement de la soie, du froufrou du satin, de la joyeuse envolée des jupes de batiste et de dentelles. La mousse est ce qui brille, scintille, pétille, émoustille. Voilà pourquoi mousseuse, un mot significatif et complet, mérite droit de cité; voilà pourquoi mousseuse court grand'chance d'être adopté par la gent boulevardière... Les débutantes ès-galanterie deviendront des moussettes.» (Voltaire, mars 1887.)
- MOUVEMENT (Être dans le). «Cet hôte arrivait de Paris; il avait un nom connu presque célèbre, il était dans le mouvement...» (De Montépin: Sa Majesté l'Argent.)
- MUFFÉE. Argot du peuple pour qui ce mot est synonyme de verrée. «D'temps en temps, un' pauv' muffée au Caveau ou chez les bistros de la Révolte.» (Mirliton, journal, octobre 1885. )
- MUFFÉE (En avoir une vraie). Être gris, en état d'ivresse.
- MUSELER. Imposer silence.—Se museler, se taire.
- MUSIQUE. Dénonciateur. «Il est trop musicien!» (Gil Blas, 1882.) «Bon enfant au surplus, du sang et pas de musique (incapable d'une dénonciation).» (Humbert: Mon bagne.)
- MUSIQUE. (Faire, jouer de la). Dénoncer.
N
- NAVARIN. «L'étalier connaît les clients, leur mesure les égards et vend aux pauvres le navarin, c'est-à-dire les rognures, les balayures de l'étal, à raison de dix sous la livre.» (L'Esclave ivre, no 3.)
- NÉGOCIANT EN VIANDE CHAUDE. Souteneur.
- NET. Dans le langage des ouvriers, atelier net, atelier que des ouvriers mettent en interdit et où ils défendent à leurs camarades d'aller travailler.
- NETTOYER UN BOCART. Piller une maison.
- NETTOYER LES LUCARNES. Dessiller les yeux. «O Mentor, vous me nettoyez les lucarnes, s'écria Idoménée.» (Les mistouf's de Télémaque.)
- NEUF DE CAMPAGNE. Argot de joueurs. Procédé peu délicat employé par le ponte vis-à-vis du banquier et que dévoile ainsi M. Carle des Perrières dans son livre: Paris qui triche. «Dans sa poche il (le ponte) a son neuf tout prêt; valet de pique, neuf de cœur; rien n'est plus simple. Lorsque la main arrive à son tour, le neuf de campagne est extrait de sa poche pour passer dans sa main gauche; le banquier donne les cartes; le ponte s'en empare comme c'est son droit et sous prétexte d'empêcher ses voisins de voir son point, parce que, dit-il, cela lui porte la guigne, il fait disparaître les deux cartes qu'on vient de lui donner dans ses deux mains rapprochées; il substitue son valet de pique et son neuf de cœur aux deux cartes qu'il a reçues et abat sur le tapis un magnifique neuf de campagne...» (V. Minerve.)
- NID A POUSSIÈRE. Nombril.
- NINGLE. Fille publique. «Les souteneurs... se réjouissent de voir les jours diminuer et par conséquent les nuits augmenter, double avantage pour les fils de Neptune et leurs ningles.» (Estafette, 1882.)
- NOCER EN PÈRE PENARD. S'amuser tout seul. Faire un bon dîner ou une orgie seul. L'expression est usitée surtout dans le quartier Saint-Antoine.
- NOIRE-FONTAINE. Encrier. Argot des élèves de l'École de Saint-Cyr.
- NOIX (Être dans la). Avoir de la chance, être heureux. Un boucher aurait lancé cette expression, d'ailleurs peu usitée, que cela ne serait point surprenant. Le gîte à la noix n'est-il pas un des meilleurs morceaux du bœuf et ne recommandez-vous pas à votre cuisinière de vous choisir un morceau dans la noix? Être dans la noix a donc tout d'abord et naturellement signifié ce qui est bon, puis a dévié peu à peu de ce sens pour prendre celui que nous indiquons. «Quinze cent louis de bénéfice! Très pur! Vous êtes dans la noix, dites, alors? Donnez-moi un cheval. Soyez assez blêche pour me prendre dix louis du gagnant?» (Vie parisienne, juin 1884).
- NOUNE. Argot du bagne. Receleur qui suit le voleur à la tire et reçoit la camelotte à mesure que son associé opère. (V. Humbert: Mon bagne.)
- NOURRIR. En argot de Bourse, «nourrir des titres c'est les conserver de liquidation en liquidation en les faisant reporter. On paye les différences, les reports, les courtages, on nourrit. A force de nourrir, on arrive même quelquefois à en mourir de faim.—X... nourrit deux cents Lombards depuis le mois de juin et Y... cinq mille Italiens—il ne faut pas prendre l'expression au pied de la lettre». (Don Quichotte, 1884.)
- NOURRISSEUR. Voleur qui dévalise les appartements dont les maîtres sont en voyage. La banlieue de Paris est pendant l'hiver infestée de nourrisseurs qui déménagent les villas.
- NOURRISSON. Argot des employés de la Banque de France qui désignent ainsi le négociant gêné qui ne demande que du temps pour rétablir son crédit et auquel un banquier a prêté de l'argent.
- NOVEMBRE 33 (Un). Officier à cheval sur tous les règlements militaires dont la loi fondamentale est celle du 2 novembre 1833; et aussi, en terme de pension, un ragoût qui contient toute espèce de choses, sans doute parce que le règlement de 1833 prévoyait tous les cas du métier militaire. (Merlin: La langue verte du troupier.)
- NUAGE. C'est, croyons-nous, le mot le plus récent usité dans le langage populaire pour désigner la tournure, cet objet de toilette que portent les femmes autour de leurs reins de façon à faire bouffer la robe. Pourquoi nuage? me demanderez-vous. Les irrévérencieux vous répondront: Parce qu'il cache la lune.
O
- OFF, Officier. «Il a tout pris, le vieil off, et le lit du major et sa femme.» (A. Delpit: Figaro, février 1887.)
- OISEAU DES ILES MARQUISES. Absinthe. Rapprochement de couleur.
- OMNIBUS. Les employés des télégraphes à Paris appellent ainsi les cartes-télégrammes fermées qui sont expédiées par les tubes. «Le temps qu'ils (les télégraphistes) distribuent les courses aux facteurs, les cartes et les omnibus à tuber attendent aussi.» (Cri du Peuple, août 1885.) Ces cartes-télégrammes sont aussi nommées petit-bleu à cause de la couleur du papier sur lequel elles sont rédigées.
- OMNIUM. Argot du turf. Course réservée aux chevaux de toute provenance âgés de trois ans et au-dessus. L'omnium se court au bois de Boulogne, à la réunion d'automne.
- ORATEUR. Argot des francs-maçons. L'un des officiers d'une loge. Il y joue un rôle analogue à celui du ministère public dans les tribunaux.
- OS A MOELLE. Lorgnette.
- OUSTE! Synonyme de zut! «Dis-lui: Ouste pour l'Allemagne!» (De Goncourt: La Faustin.)
- OUTIL. Maladroit, gauche. Argot du peuple. «Fais donc attention, outil!» est une de ces phrases qu'on entend journellement dans la rue et à l'atelier. «L'autre, sûr de l'impunité, répondra: Va donc, eh! outil!» (Figaro, nov. 1883.)
P
- PAGE D'ALPHAND. Égoutier au service des travaux de la ville de Paris dont M. Alphand est le directeur.
- PAGNOTER. Coucher. Pagnoter avec une grognasse. Coucher et faire la noce avec une femme.
- PALET. Argent.
- PALETOT COURT. Une des dernières incarnations du gommeux. «Les poisseux essayèrent de prévaloir, mais ils n'étaient en somme que des gommeux déguisés; ils n'eurent aucun succès. A présent, nous avons les paletots courts.» (La Comédie moderne, journal, 1882.)
- PALMÉ (Être). Avoir les palmes d'officier d'Académie. Locution ironique et plus que familière. «Quand le maire ne reçoit pas le ruban rouge, il reçoit le ruban violet, il est palmé.» (Illustration, juillet 1885.)
- PALPER (Pouvoir se). Ne pas obtenir ce que l'on désire. C'est une variante de pouvoir se fouiller. (V. ce mot au Dictionnaire.) «C'est pour ça que vous m'avez fait monter? Ah bien! Vous pouvez vous palper, par exemple!» (Evénement, octobre 1885.)
- PANACHÉ. Plat de haricots verts et de flageolets mélangés. «Dans l'estomac de la victime on a trouvé des haricots verts et des flageolets. Si le plat se composait de ces deux légumes, un panaché, comme on dit...» (Figaro, 1882.)
- PANTALON. Faire pantalon, dans le langage des écrivains, c'est ne pas atteindre le bas de la feuille de papier sur laquelle on écrit.
- PANTHÈRE. Individu qui professe des idées révolutionnaires, anarchistes. Il faut voir dans ce mot une allusion à une société d'anarchistes fondée à Paris sous ce titre: La Panthère des Batignolles. «Les rentes de M. Clémenceau sont, en somme, aussi enviées par les panthères que celles de M. de La Rochefoucauld.» (Figaro, mars 1887.)
- PAQUET. Injure employée surtout dans la classe ouvrière et qui est synonyme d'imbécile. «Tout à coup deux... braves gens, porteurs de deux belles casquettes neuves, les abordent et l'un d'eux, sur un air connu, en fixant Joseph: Oh! regarde-moi donc ce paquet!» (Gazette des Tribunaux, 1882.)
- PAQUET (Faire le). Argot de grecs. Ranger les cartes en les battant de façon à se donner les bonnes.
- PARFAITE ÉGALITÉ. Sorte de jeu de hasard.
- PARIGOT. «C'est le surnom qu'on donne à la campagne au malheureux enfant de Paris, placé par l'Assistance publique.» (Bibliothèque universelle, novembre 1887.) Mme de Pressensé a écrit une nouvelle qui a pour titre: Parigot.
- PARTICULIÈRE. Femme légitime. Argot du peuple. Trimballer sa particulière, promener son épouse.
- PASSADE. Femme galante. On l'appelait autrefois fille à parties. Quant à ce mot de passade, il n'est point difficile à expliquer pour celui qui sait sous quelle appellation triviale on désigne les maisons dites de rendez-vous. «Nous ne saurions trop féliciter l'Administration, puisqu'on veut une soirée tout à fait bécarre, d'exclure de cette représentation (une soirée de gala à l'Opéra) toutes les passades qui sont aux grandes courtisanes ce que sont les souteneurs de Montmartre aux petits rez-de-chaussée.» (Gil Blas, décembre 1886.) «Elle est d'un maintien très décent et, sans être absolument jolie, peut être considérée comme une passade fort aimable.» (Gil blas, Février 1888.)
- PASSER SUR LE BANC. Expression qu'emploient les forçats quand ils vont, pour une infraction au règlement, recevoir des coups de corde. «Combien j'ai vu d'hommes passer sur le banc et s'en relever, atteints pour jamais dans les sources de la vie, parce qu'ils avaient, en présence d'un argousin, imprudemment laissé tomber de leur poche un mince cahier ou simplement quelques feuilles de papier à cigarette!» (Humbert: Mon bagne.)
- PASSER A LA SORGUE. Dormir. (V. Delvau: Sorgue.)
- PATELIN. Compatriote. «En qualité de patelins, nous avions été assez bien accueillis...» (Humbert: Mon bagne.)—Signifie aussi pays, lieu de naissance,—dans l'argot militaire.
- PATENTÉ. Souteneur.
- PATINAGE. Attouchement indécent. (V. Delvau: Patiner.)
- PATINEUR. Argot des voleurs et notamment des joueurs de bonneteau. Le patineur, c'est le banquier, celui qui tient les cartes, les patine et peut ainsi se livrer à toutes les tricheries. (V. Chocolat.)
- PATRON. Colonel. Argot militaire.
- PAYER. Argot des lycées. S'exonérer, au moyen d'une exemption, d'un satisfecit, d'une punition encourue. Payer ses arrêts, sa retenue. Sortie payante, sortie de faveur accordée à l'élève qui remet en paiement une ou plusieurs exemptions que son travail, sa bonne conduite lui ont fait obtenir. «Depuis longtemps, la France a protesté contre les sorties dites payantes ou de faveur et contre les punitions actuellement en vigueur.» (France, 1881.)
- PAYER UN MOOS, LA GOUTTE (Se faire). Argot théâtral. Jouer un rôle à emboîtage.
- PEAU (De la)! Non! Rien!
- PEAU DE BOUC. Sein. Argot des régiments d'Afrique qui donnent aussi le nom de peau de bouc aux petites outres goudronnées qui leur servent de bidons.
- PÊCHE. Tête, physionomie.
- PÊCHE (Poser une). Alvum deponere.
- PÈLERIN. Gardien de la paix. Argot du peuple. Allusion aux pèlerines en caoutchouc que les gardiens portent depuis l'année dernière.
- PÉNITENCE (Être en). «Un autre coin amusant est celui des femmes en pénitence. On appelle Être en pénitence, à Monte-Carlo, ne pas jouer. Elles sont en pénitence pour la journée, la semaine ou la fin du mois, parce qu'elles ont perdu ce qu'elles avaient à jouer et que leurs maris ou leurs fils ne veulent plus desserrer les cordons de leurs bourses. C'est un véritable enfer que de voir jouer et de ne pas jouer.» (Revue politique et littéraire, 1882.)
- PERDRE SA CLEF. Avoir la colique.
- PERFORMANCES. Argot de turf. Manière de courir d'un cheval, de se comporter pendant la course.
- PERMANENCE. Argot de joueurs. Série de numéros qui sortent à la roulette ou au trente et quarante, «Il (le marqueur) a d'abord ses abonnés à qui il vend les permanences vingt francs par semaine.» (Revue politique et littéraire, 1882.)
- PERMISSION (Se faire signer une). Argot militaire. Présenter une feuille de papier à cigarette et se faire donner le tabac. (Ginisty: Manuel du parfait réserviste.)
- PERMISSION DE 24 HEURES (Avoir une). Argot militaire. Prendre la garde.
- PERPIGNAN. Nom que les charretiers donnent au manche de leur fouet. Les meilleurs manches de fouet se fabriquent, paraît-il, en cette ville.
- PERROQUET DE FALAISE. Douanier. Allusion de couleur.
- PET-EN-L'AIR. Petit veston court.
«Contre l'habit léger et clair
La loutre a perdu la bataille:
Nous arborons le pet-en-l'air,
Et les femmes ne vont qu'en taille.»
Richepin.
A droite, un comptoir en étain
Qu'on astique chaque matin.
C'est là qu'on verse
Le rhum, les cognacs et les marcs
A qui veut mettre trois pétards
Dans le commerce.
(Gaulois, 1882.)
- PÉTARD. Argot des artistes et des gens de lettres. Succès bruyant. «Pourquoi ce qui n'avait pas réussi jusqu'alors, a-t-il été, cette fois, un événement de librairie? ce qu'on appelle, en argot artistique, un pétard.» (Gazette des Tribunaux, 1882.)
- PETIT-BLEU. Carte-télégramme. V. Omnibus.
- PETITE-MAIN. Il est assez difficile de définir exactement ce que, dans l'argot des ateliers, on entend par cette expression. L'exemple suivant le fera comprendre: «Ils n'étaient que sept pour suffire à cela: un homme, un contre-maître, une femme, la monteuse et sept enfants, les petites-mains. On appelle petites-mains des jeunes gens, filles et garçons qui ne sont plus des apprentis et ne sont pas encore des ouvriers. Il y en a beaucoup même qui n'ont jamais été des apprentis et ne seront jamais des ouvriers. On les reconnaît à ceci: qu'ils reçoivent un salaire d'apprenti pour un travail d'ouvrier.» (Fournière: Sans métier.)
- PEUPLE (Faire un). Argot des voyous. Faire partie de la figuration dans un théâtre quelconque.
- PEUPLIER. Gros fragment de tabac.
- PHALANGE. Main.
Ils vous ont des façons étranges,
Pires que des étaux de fer.
De vous écraser les phalanges,
En vous disant: «Bonjour, mon cher!»
(Frondeur, déc. 1879.)
- PHILISTIN. Ouvrier tailleur, «Les ouvriers aux pièces, les plus gais, ont la qualification de philistins.» (Henri IV, 1882.)
- PHILOSOPHE. Argot des lycéens. Elève de la classe de philosophie.
- PIAFFEUSE. La dernière expression du chic est celle de piaffeuse pour désigner la femme élégante et bien prise dans le harnais de la mode. Le mot n'a rien de désobligeant; piaffeuse: qui se tient droite et porte beau.» (Gaulois, sept. 1887.)
- PIÈCE GRASSE. Argot militaire. Cuisinier.
- PIÈCE DE SEPT. Individu corpulent.
- PIED. Part. Ce à quoi on a droit, «Mon pied! ou je casse! Ma part ou je te dénonce.» (Humbert: Mon bagne.)
- PIED DE COCHON. Farce, tromperie. Jouer un pied de cochon à quelqu'un, lui faire une plaisanterie d'un goût douteux.
- PIEDS (Où mets-tu tes). Locution militaire voulant dire: De quoi te mêles-tu?
- PIERRE BLANCHE. Échafaud. Guillotine. Allusion aux pierres blanches qui se voient encore sur la place de la Roquette et sur lesquelles reposaient autrefois les montants de la guillotine.» Je sais ce qui m'attend, les trois pierres blanches ou la perpett.» (Gazette des Tribunaux, août 1883.)
- PIERROT. Argot d'école. Dans les écoles d'arts et métiers on désigne ainsi l'élève de première année. «Les anciens ont tous démissionné. Nous ne sommes plus que des pierrots et des conscrits.» (Univers, 1886.)
- PIGER. Lutter. Se mesurer avec quelqu'un. «Je ne vois guère que le Président de la République qui pourra piger avec lui, et encore!» (Figaro, 1882.)—Battre.
- PIGNOCHER. Peindre minutieusement. Argot des artistes.—Manger du bout des dents. «Un soir qu'il pignochait des œufs qui sentaient la vesse.» (Huysmans: A vau-l'eau.)
- PIGNOUF. Elève reçu à l'Ecole normale, mais qui n'a pas encore subi l'épreuve du canularium. (V. ce mot.)
- PIGUT. Argot des lycées. Lieux d'aisances. Piguter, aller aux lieux d'aisances.
- PILLEROT. Voleur.
- PILON. Argent. Argot du peuple. Pilonner, tuer pour avoir de l'argent.
- PINÇARD. Bon cavalier. Argot des élèves de l'école de Saumur.
«Il s'en va de la queue au crâne de la bête,
Tantôt penche à tribord, tantôt penche à bâbord.
S'il est vraiment pinçard, il entre dans le port.
Mais s'il est maladroit, hélas! pique sa tête.»
(Nos farces à Saumur.)
- PINGOUIN. Terme injurieux. Synonyme d'imbécile, de propre à rien.
- PIQUE-CHIEN. Argot des élèves de l'Ecole polytechnique. Le pique-chien n'est point, à proprement parler, comme le dit Rigaud dans son Dictionnaire d'argot moderne, le concierge de l'École. C'est un adjudant chargé de surveiller la sortie et la rentrée des élèves. Comme là se borne presque toutes ses occupations, il a tout le loisir de dormir, de piquer son chien.
- PIQUER UNE MUETTE. Faire silence. Argot de Saint-Cyr. «Aujourd'hui, il sera piqué une muette au réfectoire.» (Maizeroy: Souvenirs d'un Saint-Cyrien.)
- PIQUER UNE PLATE. Ne pouvoir, ne savoir répondre aux questions posées à un examen. Jargon des élèves de l'École navale. Nos lycéens disent: piquer une sèche. «Le timonier apparaît.—M. A..., au cabinet de babord!—M. A... court un grand danger de piquer une plate. Heureusement l'interrogation est remise à huitaine.» (Illustration, octobre 1885.)
- PIQUER L'ÉTRANGÈRE. Argot du régiment. Tomber de cheval.
- PIQUER UNE ROMANCE. Dormir. Argot militaire.
- PIQUER UNE SÈCHE. Argot des lycéens et des élèves des Écoles. Avoir un zéro, c'est-à-dire la note très mal, pour une des parties d'un examen. «Il est constant que tout pipo qui est sorti sans piquer une sèche, de ses examens généraux, se croit parfaitement apte à régenter l'État.» (Gaulois, mars 1881. V. Delvau: Sec.)
- PIQUER LE TASSEAU (Se). V. Delvau: Se piquer le nez.
- PISSER DESSUS. Pisser sur quelqu'un. Le mépriser, n'en pas faire cas. «J'en demande pardon à M. le maire et à mes collègues du conseil: Je les couvre de mon mépris et je leur pisse dessus.» (Moniteur universel, 1883.)
- PISTOLET A LA SAINDHOMME. Petit crochet avec lequel le mégottier exerce son industrie.
- PISTER. Suivre les voyageurs à la piste lors de leur arrivée dans une ville et leur offrir un hôtel qu'on leur vante.
- PIVOTER. Argot militaire. Manœuvrer dur et beaucoup.
- PLACÉ. Argot de turf. Un cheval est placé quand il n'est distancé par le gagnant que de quelques longueurs.
«Si votre patriotisme vous pousse à prendre un cheval gaulois gagnant, gardez-vous à carreau en prenant en même temps les goddems placés.» (Voltaire, juin 1882.)
- PLANCHE (Faire la). «Ta maîtresse? il y a un mois qu'elle vient faire la planche dans mon garni!» (Evénement, 1885.)
- PLANTER. Coïre.
- PLANTER UN CHOU. Tromper indignement. «Mon ci-devant m'a planté un chou colossal.» (Réveil, 1882.)
- PLAQUER SA VIANDE SOUS L'ÉDREDON. Se coucher. «A onze heures et demie on a levé la séance. Le fait est qu'il était bien temps d'aller plaquer sa viande sous l'édredon.» (Henri IV, 1882.)
- PLEIN. Argot des joueurs de roulette. L'un des casiers sur lesquels se trouvent inscrits les numéros correspondant à ceux de la roulette. Faire un plein, c'est placer sa mise en plein sur un numéro, au lieu de la disposer soit à cheval, soit d'une façon transversale.
- PLEUVOIR. Être abondant.
- POCHETÉE. Inintelligence. En avoir une pochetée, avoir la compréhension difficile.
- POIREAUTER. Attendre quelqu'un dans la rue.
- POISSEUX. Gandin; fashionable. Le successeur du petit-crevé. «Ils se réunissent six ou sept viveurs ou poisseux au café.» (Siècle, 1882.) Poisseuse, compagne du poisseux. «Dans un boudoir de la rue des Martyrs, une jeune poisseuse, étendue sur une chaise longue, lit...» (Henri IV, 1882.)
- POIVROTTER (Se). Se griser.
- POLKA. «Polka ne veut pas seulement dire danse: c'est sous ce nom que les photographes et les dessinateurs désignent certains sujets décolletés.» (Evénement, 1882.)
- POLONAIS. Souteneur.—Sorte de fer à repasser. Argot des blanchisseuses.
- POMPE. Étude. Cours. Argot des Élèves de l'École de Saumur.
«La Pompe! A ce grand mot votre intellect se tend
Et cherche à deviner... La Pompe, c'est l'étude,
La Pompe, c'est la longue et funeste habitude
De puiser chaque jour chez messieurs les auteurs
Le suc et l'élixir de leurs doctes labeurs.»
(Nos farces à Saumur.)
- POMPIER. Membre de l'Institut de France. «Des jeunes gens riaient en apercevant là-bas le profil de quelque professeur de l'Institut. Au feu! au feu! Voilà un pompier.» (J. Claretie: Le Million.)
- POMPIER. Dans l'argot spécial des marchands de vin le pompier est une boisson apéritive composée de vermouth et de cassis.
- POMPIER (Faire). Cette expression s'applique à toutes les compositions littéraires et artistiques où le convenu, le lieu commun et la formule sont substitués à l'inspiration originale et à l'étude de la nature. C'est ainsi qu'on peut être nouveau et moderne dans l'interprétation d'un sujet emprunté à l'Iliade et qu'on peut, au contraire, faire pompier en représentant une scène de la vie réelle qui s'est passée hier. (V. Le Gil Blas du mois de novembre 1880.)
- PONT (Faire le). Cette expression est surtout usitée chez les employés d'administration. Quand un jour non férié se trouve entre deux jours de fête et qu'on ne vient pas à son bureau le jour de travail, on fait le pont.
- PORTE-CRÈME. Vidangeur.
- PORTEUR DE CAMOUFLE. Souteneur.
- POSE (Être à la). Afficher de grandes manières, des prétentions de grand seigneur. «Elle est bonapartiste, la famille à papa; c'est pas à la pose du tout.» (Vie parisienne, 1882.)
- POSER UN RAMOLL. Argot des voyous non conformistes qui désignent ainsi la mise en action de certaine pratique honteuse dont parle le livre du Dr Tissot, et sur laquelle il est inutile d'insister. Cette expression, véritablement imagée, fait songer au ramollissement du cerveau ou de la moelle épinière dont finissent par être atteints la plupart du temps les disciples d'Onan.
- POTEAU. Chef de bande,—dans l'argot des voleurs.
- POTIRON. Argot des élèves de l'Ecole de Saint-Cyr. Ils appellent ainsi les jeunes gens qui, bien que de nationalité étrangère, sont admis à suivre les cours de l'Ecole.
«Shérif-Bey vient de recevoir sa nomination d'élève de Saint-Cyr, à titre d'étranger. Les élèves de cette catégorie sont appelés à l'Ecole des Potirons.» (Paris, octobre 1885.)
Pouce! Exclamation que poussent les enfants dans leurs jeux en tenant le bras levé et les doigts fermés, moins le pouce. Les gamins indiquent ainsi avec cette sorte de drapeau parlementaire qu'ils cessent momentanément de jouer et qu'on n'a aucune prise sur eux. Ils disent aussi trèfle, par corruption de trêve.
- POULAINE. Cabinets d'aisance. Argot du bagne. «On s'entassait à la poulaine (lieux d'aisance) où une pompe, installée tout exprès, fournissait en grande abondance l'eau nécessaire à ces ablutions.» (Humbert: Mon bagne.)
- POUR CHIQUER! Allons donc! Plaisanterie! Argot du bagne.
- POURLICHE. Pourboire. Jargon du peuple.
- POUSSER LA GOUALANTE. Chanter. (V. Delvau: Goualer.)
- POUSSER DANS LE CORNET, L'ESCARCELLE, LE FUSIL (S'en). Boire, manger. (V. Delvau: S'en pousser dans le battant.)
- POUSSER UNE BLAGUE. Fumer une pipe. Argot de l'Ecole Polytechnique.
- POUSSIÈRE (Faire de la). Faire des embarras.
- POUVOIR SIFFLER. Ne pas obtenir ce qu'on demande; se passer de quelque chose.
- PRÉFECTANCE. Préfecture de police. «Sans doute, tant qu'il y aura une préfectance et un préfet de police, on cognera...» (J. Vallès.) Delvau donne Préfectanche.
- PREMIER, ÈRE. De qualité supérieure. «Puis ils inaugurèrent l'argot, parlèrent nègre et proposèrent aux dîneurs une douzaine, une chablis première, au lieu de dire: une douzaine d'huîtres, du vin de Chablis, première qualité.» (G. Claudin.)
- PRENDRE. Terme de turf. Parier. Prendre un cheval à 6 contre 1 en admettant que le pari soit de 10 louis, signifie; si le cheval perd, je vous donnerai 10 louis, s'il gagne vous me donnerez 60 louis.
- PRENDRE QUELQUE CHOSE A LA BLAGUE. S'en moquer; la tourner en ridicule. «C'est dans le pauvre peuple qu'on l'a prise (une pièce de théâtre) tout d'abord à la blague.» (F. Sarcey.)
- PRENDRE SES DRAPS. Prendre le chemin de la salle de police. Argot des élèves de l'Ecole Saint-Cyr. «Le bazof court le long des lits secouant de la phrase sacramentelle: Prenez vos draps, les malheureux qui n'ont pas eu le temps de rapporter leurs matelas.» (Maizeroy: Souvenirs d'un Saint-Cyrien.)
- PRIME. Premier. Argot des enfants.
- PRINCESSE. Nom que donnent les employés de l'Etat à l'administration à laquelle ils appartiennent. «Un employé du ministère, qui fait une course pour le service du ministère et qui profite de la voiture pour faire une visite pour son propre compte, peut passer pour avoir malversé des fonds de l'Etat en faisant payer à la princesse (c'est comme cela qu'on dit dans les administrations) 2 fr. 25 de fiacre.» (XIXe Siècle, avril 1887.)
On dit aussi Joséphine.
- PROCHAINE (La). La prochaine Commune. Argot des partisans de la Révolution sociale qui désignent ainsi la revanche à laquelle ils aspirent depuis 1871.
- PROLO. Prolétaire, ouvrier. «M. Jules Ferry, qui est un riche bourgeois, confie aux gendarmes la garde de sa caisse et la surveillance des prolos.» (Journal de l'Instruction publique 1882.)
- PSCHUTT. «Le chic est mort, vive le pschutt.»
Qu'est-ce que le pschutt? On ne le sait pas exactement, et c'est ce mystère qui en fait tout le mérite. Le pschutt, c'est le chic ou à peu près. Il y avait trop longtemps qu'on disait: «M. de un tel a du chic.» On a imaginé de dire: «M. de un tel a du pschutt.» (Gaulois, janvier 1883.)
- PUBLIC. Dans le langage des bureaux, un public est la première personne venue qui se présente dans ces bureaux pour y traiter une affaire. «L'individu qui se présente au Mont-de-Piété, pour emprunter, s'appelle un public.» (Max. du Camp: Paris, ses organes.)
- PUR. Elégant, dandy. «Vous ignorez complètement que de ne pas mettre de pardessus constitue actuellement ce que nous appelons être pur, ou, si vous aimez mieux, le chic anglais.» (Evénement, 1882.)
- PURÉE DE CORINTHE. Vin.
Q
- QUATRE A SIX. Réception. Argot des gens du monde. «Il croyait même parfois qu'Olga avait deviné son désir, et lorsqu'à ces quatre à six de Mme de Barberine.» (F. Coppée.) Actuellement le quatre à six a fait place au cinq à sept; c'est toujours la même chose; il n'y a que l'heure de changée. «Les soirées du reste ne sont pas difficiles à passer; dès qu'arrivent les cinq à sept on a maint salon accueillant et mainte potinière mondaine.» (Illustration, janvier 1888.)
- QUITOURNE. Fenêtre.
R
- RABATTEUSE. Petite voiture qui va chercher des voyageurs dans les communes avoisinant Paris.
- RABIAU. Bénéfice. «Les pourboires cachés;... les rabiaus sur le fourrage...» (Huysmans; Sœurs Vatard.)
- RADIS NOIR. Gardien de la paix.
- RAMASSER UNE PELLE. Tomber. Jargon des voyous. «M... alors...; j'ramasse une pelle... C'est c'cui-là qui m'a poussé.» (R. Ponchon.)
- RAFRAÎCHIR (Se faire). Se faire couper les cheveux, la barbe. «L'autre soir, j'étais entré chez un coiffeur du boulevard, avec l'intention de me faire rafraîchir...» (Gil Blas, 1881.)
- RANCART. Objet de peu de valeur. «La plupart des volumes entassés dans les caisses étaient des rancarts de librairie, des rossignols sans valeur; des romans mort-nés...» (Huysmans: A vau-l'eau.) Mettre au rancart, abandonner, jeter dans un coin. C'est le synonyme de mettre au cabinet, d'Alceste.
- RAMONER (Se faire). Se confesser.
- RANCKÉ. Pièce de deux francs.
- RASSEMBLER (Se faire). Argot militaire. Se faire réprimander, punir.
- RATEAU. Gendarme, agent, dans l'argot des malfaiteurs. «Le terme est nouveau; veuillez ne pas l'oublier et remarquer toute la justesse de l'expression. L'agent de police en effet nous ratisse et nous englaise dans la piaule.» (A. Belot: Le Roi des Grecs).
«Faut suriner les pantres
A coups d'couteaux dans le ventre
Et crever d'coups d'marteaux
La cervelle aux rateaux.»
(Chanson, 1884.)
- RATISSÉ. Gandin, fashionable. Ç'a été le nom à la mode en 1885 pour désigner le continuateur du poisseux, du genreux. «Les jeunes ratissés (le terme est nouveau pour dire gommeux ou petit crevé), les ratissés ont couru et courent encore, comme un seul homme, lorgner, applaudir, rappeler La Goulue et Grille d'Egout... Pourquoi les ratissés? Est-ce parce que le jeu, le baccarat, les petits-chevaux des bords de la mer ou les steeple-chases leur vident à la fois la bourse et la cervelle et les ratissent comme le rateau du croupier? Est-ce au contraire parce que le coiffeur sue sang et eau à les épiler, les coiffer, les brosser et leur ratisse les favoris, la moustache et la chevelure (quand ils en ont), comme le jardinier ratisse les allées d'un jardin bien entretenu?
«Je n'en sais rien; le fait est que les petits crevés sont devenus les ratissés.
«Le ratissé a son féminin: la ratissée. Et je m'imagine qu'aussi bien que le croupier, la ratissée ratisse le ratissé. Le nouveau nom doit venir de là.» (Illustration, octobre 1885.)
- RAVINE. Plaie. Cicatrice. «Est-elle bête de suivre un homme qui la bat! C'est moi qui le ficherais en plan! Et elles-mêmes arrivaient avec un pochon ou des ravines sur le visage...» (Huysmans: Sœurs Vatard.)
- RÉCENT (Avoir l'air). Marcher droit, avoir l'air de pouvoir se tenir sur ses jambes, quand on a trop fêté Bacchus. «Allons Ringuet, faut être sérieux; v'là qu' t'approche de ta turne; faut qu' t'aies l'air récent.» (Monde plaisant, 1880.)
- RÉFEC. Réfectoire. Argot de Polytechnique.
- RELANCEUR DE PLEINS. Variété de grec. «Plus nombreux encore ceux qui n'ont jamais soupçonné l'existence du relanceur de pleins.» (Henri IV, 1881.)
- RELEVER LE CHANDELIER. Argot de souteneurs. Vivre de la prostitution d'une fille.
- RELEVEUR DE FUMEUSE. Souteneur.
- REMUER LA CASSEROLE. Faire partie de la préfecture de police. Argot des voleurs.
- RENACLE. Police de sûreté.
- RENDU. «Petit ou gros, cher ou bon marché, l'objet qui déplaît au public rentre dans le grand bazar, et le caissier qui a reçu l'argent rend cet argent... Dans le sous-sol on appelle ces objets les rendus.» (Giffard: Les grands bazars.)
- RENIFLETTE. La police. Argot des malfaiteurs. Le mot est joli, imagé et rend bien l'idée de l'agent qui renifle, donne du nez comme le chien en quête de gibier.
- RENIQUER. Être de mauvaise humeur, rager. Argot de barrières.
- RENIFLER. Aspirer, prendre l'eau. «La plus jeune avait... des bottines qui renifflaient l'eau.» (Goncourt: La Faustin.)
- RENOUVELLEMENT. Argot de café-concert. Dans ces établissements, le prix de la place occupée donne droit à une «consommation» gratuite. Si vous désirez prendre de nouvelles consommations vous les payez suivant le tarif des cafés ordinaires. Ce sont ces nouvelles consommations oui prennent le nom de renouvellement.—«Au dedans, la salle était comble... les garçons ne savaient où donner de la tête; les renouvellements pleuvaient. Les bocks et les flacons vides s'amoncelaient sur les comptoirs...» (Gaulois, 1882.)
- RÉPARER. Argot des collèges et pensions. Réparer, c'est apprendre à nouveau une leçon qui n'est pas suffisamment sue.
- REPOSOIR. Hôtel garni. Argot des voyous. «Les garnis sont le plus bel ornement de la rue. Ils ont aussi leurs noms: reposoirs ou assommoirs!» Henri IV, 1882.)
- REPOUSSER DU GOULOT. V. Delvau: Repousser du tiroir.
- RESPECTER SES FLEURS. Garder sa virginité. «Ma sœur ne peut pas respecter ses fleurs jusqu'à la fin du monde...» (Huysmans: Sœurs Vatard.)
- REQUINQUAGE. Mise, accoutrement ridicule. «Elle ne songeait pas le moins du monde à lui reprocher son requinquage qui n'avait rien à voir avec la dernière mode.» (Barot: Le fort de la halle.)
- RESSORTS. Parties génitales de la femme.
- RETAPER LE DOMINO (Se faire). Se faire arranger la denture. On dit aussi Se faire repaver la rue du bec.
- REVERS (Faire un). Argot de Grecs. Perdre volontairement en taillant une banque et céder la place à un compère auquel on a le soin de donner des séquences.
- REVOLVER A DEUX COUPS. Arc rot des voyous. Le membre viril.
- REVOYURE (A la). Expression parisienne synonyme de: Au revoir. «Les opinions sont libres... Comme tu voudras... adieu... à la revoyure.» (Job: L'homme à Toinon.)
- REZ-DE-CHAUSSÉE (Petit). «On appelle petits rez-de-chaussée les jeunes gens à la mode qui ont, en quelque coin de Paris, un rez-de-chaussée, la plupart du temps meublé avec un grand goût et où les jolies visiteuses peuvent entrer. Les petits rez-de-chaussée sont les élégants et les gommeux du moment.» (Illustration, juillet 1887.)
- RICHE (Être bien). Se griser.
- RIGADE. Soulier.
- RIGOLADE (Être à la). S'amuser. «Le vieux ronchonnait contre les jeunes gens qui sont trop à la rigolade, et pas assez à l'étude.» (Réveil du Père Duchêne,1881.)
- RIGOLO. Revolver. Argot du peuple. «Les expulsés furieux cherchèrent à enfoncer la porte (du cabaret). Vacheron sortit armé d'un bâton pour les repousser. A ce moment, l'un des agresseurs dit à Gauthier (un inculpé): Prends ton rigolo.» (Le Droit, avril 1886.)
- RINCER L'œIL (Se). Regarder complaisamment quelque chose ou quelqu'un. «Depuis notre arrivée, vous n'avez cessé de vous rincer l'œil de toutes ces créatures éhontées...» (Chavette.)
- RINCLEUX. Avare. Terme d'atelier.
- ROGNURE. «Quand le concours (du Conservatoire) est achevé, quand le dernier élève a fini d'envoyer son morceau, sa rognure, comme disent ces jeunes gens dans leur argot, alors vient se placer l'instant pénible et douloureux de la délibération.» (Figaro, juillet 1884.)
- ROND DE CUIR. Vieil employé. Fonctionnaire inintelligent. S'endormir sur son rond de cuir, ne pas faire son chemin.
- RONDE DES GUEUX. «La police, en son argot pittoresque, appelle ronde des gueux le voyage circulaire qu'accomplissent autour de la capitale, en bande organisée, les sans-logis de la banlieue.» (National, janvier 1888.)
- RONDIER. Surveillant. Il fait des rondes. Argot du bagne.
- RONGEUR. Voiture de place prise à l'heure.
- ROSSIGNOLISER. Vendre des objets défraîchis, sans valeur, des rossignols.
- ROUEN (Faire un). Argot des commis de nouveauté. Id est faire l'article à un client qui part sans acheter; le Rouen c'est le client. «Ça paraît vouloir s'allumer un peu, dit Hutin à Favier; je n'ai pas de chance, il va des jours de guignon, ma parole. Je viens encore de faire un Rouen; cette tuile ne m'a rien acheté.» (Zola: Au bonheur des Dames.)
- ROUFLAQUETTE. Souteneur de bas étage.
- ROULANTE. Fille publique. On dit plus communément rouleuse.
- ROULER LA BROUETTE A BIRIBI. Être envoyé dans un régiment de discipline. Argot de caserne. «Il amassa un nombre incalculable de jours de consigne et de salle de police, et vint enfin, comme disent les troupiers, rouler la brouette à biribi, c'est-à-dire qu'il fut envoyé aux compagnies de discipline.» (Triboulet, mars 1884.)
- ROULIER. V. Delvau. Roulottier.
- ROUPION. Commis de nouveautés. Il tient le milieu entre le commis vendeur et le bistot.
- ROUPILLON. V. Delvau. Roupilleur.
- ROUPIOU. Dans les hôpitaux de Paris, étudiant en médecine qui remplace bénévolement un externe dans son service.
- ROUSTONS. Le scrotum.
- ROUTIÈRE. Prostituée qui exerce son métier sur les grandes routes.
S
- SAC (En avoir son). Ne plus pouvoir supporter quelqu'un ou quelque chose. «Entre nous, le mari d'Emma! j'en ai mon sac!» (Cadol: La colonie étrangère.)
- SAC A CHARBON. Prêtre,—dans l'argot des voyous. «Le prêtre qui tout à l'heure leur a fait entrevoir (aux enfants) la douce figure du Jésus évangélique, ils le rencontrent; du coin d'un carrefour, ils crieront: couac, l'appelleront corbeau ou, d'un mot plus à la mode en ce moment: sac à charbon.» (Figaro, août 1884.)
- SACHET. Bas, chaussette.
- SALBINET. Argot de l'Ecole Polytechnique. «Salbinet!» crie un tambour, en ouvrant la porte d'une salle où travaillent une dizaine d'élèves. Cela veut dire: Le capitaine prie le sergent de la salle de passer au cabinet du chef de service pour y entendre une communication du commandant de l'école et la transmettre à ses camarades.
- SALÉ. Mordant, violent. «Le lendemain, M. Cassemajou écrivait à M. Ventéjoul une lettre un peu salée.» (Armand Silvestre.)
- SALER (Se faire). Contracter une maladie vénérienne.
- SALIR LE NEZ (Se). Se griser.
- SALOPER. Argot des élèves de l'école des Beaux-Arts. «La seule chose qui soit interdite, c'est de saloper. Ne vous effarouchez pas de ce mot, c'est le mot usuel, adopté. M. Dubois (le directeur de l'école) met son nom au bas d'un avis dans lequel on lit: Il est formellement interdit de saloper avant tel jour. Qu'est-ce donc que saloper? C'est entrer dans la loge les uns des autres pour y formuler son appréciation sur l'œuvre du voisin.» (Liberté, août 1883.)
- SANDWICH. Le mot date de 1884, époque à laquelle on vit à Paris, pour la première fois, de pauvres diables se promener, moyennant une modique rétribution, sur les boulevards et dans les endroits les plus fréquentés avec deux grandes pancartes, fixées l'une sur la poitrine et l'autre sur le dos, pancartes sur lesquelles sont collées des réclames de maisons de commerce. Le mot est assez bien trouvé et la comparaison serait encore plus juste si les malheureux qui exercent cette industrie n'étaient haves et déguenillés et ne rappelaient qu'approximativement le gros jambon placé entre les deux tartines beurrées qu'aimait si fort le comte Sandwich. «On s'amusa d'abord des sandwiches qui déambulaient mélancoliquement, à la file indienne, enserrés dans des espèces de carapaces couvertes de réclames bariolées.» (Dix-neuvième siècle, décembre 1886.)
- SANG DE BœUF. Saladier de vin chaud. Argot du peuple. «Assise à une table graisseuse, vis-à-vis d'un homme en accroche-cœurs, elle aspire les parfums grossiers d'un saladier de vin chaud, d'un sang de bœuf, comme cela s'appelle là-bas.» (Evénement, septembre 1885.)
- SANSONNET. Gendarme. Argot des rôdeurs de barrière.
- SANTARELLE (Faire une). Argot des grecs. Lancer à son partenaire les cartes aussi haut que possible afin de pouvoir jeter un coup d'œil en dessous, ce qui permet de les voir et de jouer en conséquence.
- SATISFAIRE (Se). Aller à la selle.—Copulare. «Sa faim charnelle lui permettait d'accepter les rebuts de l'amour. Il y avait même des soirs où, sans le sou, et par conséquent sans espoir de se satisfaire...» (Huysmans: A vau-l'eau.)
- SAUMURIEN. Elève de l'Ecole de Saumur. «Tout Saumurien qui se respecte ne lit que le Figaro, l'Union et la Gazette de France.» (Nos farces à Saumur.)
- SAUVETTE. Argent.
- SAVONNER. Argot de chanteurs. Faire des ports de voix. «Mademoiselle S... a de l'habileté quoiqu'elle ait savonné certains traits.» (Liberté, 1882.)
- SCHNAPPS. Eau-de-vie.
- SCOLO. C'est ainsi que le peuple, à Paris, appelle l'enfant qui fait partie d'un bataillon scolaire. Scolo est d'un usage courant. «Vous connaissez les scolos, n'est-ce pas? C'est ainsi que l'on nomme en langage populaire, les bataillons scolaires.» (Liberté, février 1886.)
- SCORPION. «On appelle ainsi, paraît-il, à l'école de la rue des Postes, les minorés qui suivent les cours des élèves.» (Figaro, avril 1887). Il a paru, en 1887, sous ce titre: Le Scorpion, un roman de M. Marcel Prévost.
- SÉCHER. Boire. «Sa plus grande privation était de ne plus pouvoir sécher une douzaine de bocks chaque soir.» (Figaro, 1882.)
- SECOUER LE PETIT HOMME. Polluer.
- SECOUSSE (N'en pas f... une). Argot militaire. Paresser, ne rien faire. On dit plus communément: N'en pas f... un coup.
- SECOUER SES PUCES. Danser. «Elle s'était trémoussée dans un ballet de la Porte-Saint-Martin; maintenant, elle secouait ses puces, comme elle disait élégamment, dans tous les bastringues voisins.» (Gaulois, 1881.)
- SEMAINE. Expression empruntée au service des caporaux et des sous-officiers. Ex.: C'est à moi que tu contes cela? je ne suis pas de semaine.—Moyen expéditif de faire rompre un fâcheux. (Ginisty: Manuel du parfait réserviste.)
- SEMPERLOT. Tabac.—«Eh! Rocambole, par ici! Un cornet de semperlot.» (Humbert: Mon bagne.)
- SÉNATEUR. On appelle ainsi les malheureux qui, dans les garnis du dernier degré, ont des planches particulières au lieu de coucher à la corde. Ce sont les richards de l'hôtel. La planche coûte un sou par jour. (Voltaire, 1882.)
- SERGENT DE CROTTIN. Sous-officier à l'Ecole de Saumur. «Quant aux malheureux sous-officiers, baptisés du nom poétique de sergents de crotin...» (Nos farces à Saumur.)
- SHOOTER. Qui fait partie d'une société de tir aux pigeons. Shooting, tir aux pigeons. Encore l'anglomanie. «Aucun des shooters qui fréquentent le Gun Club n'a quitté Paris.» (Bien Public, 1882.)—«Mon devoir de chroniqueur m'oblige à signaler les épreuves internationales qui viennent d'avoir lieu dans les deux grands centres de shooting d'Outre-Manche.» (Union, 1882.)
- SIBIGEOISE. Cigarette. «Parmi eux, pas une pipe; c'est trop commun! La sibigeoise (cigarette), à la bonne heure.» (Humbert: Mon bagne.)
- SILOS. Punition infligée aux soldats des compagnies de discipline.
- SIPHON (Faire). Argot du peuple. Vomir.
- SLAZE. Ivrogne.
- SOCE. Société.
- SOIRÉE BLANCHE. Soirée où il n'y a que des intimes, où se trouve banni l'apparat des grandes réceptions. «Chaque hiver, elle donnait plusieurs grandes fêtes...; entre temps, elle conviait ses intimes à des soirées blanches.» (H. Tessier: Madame Vidocq.)
- SOIREUX, SOIRISTE. Nous avions déjà les lundistes et les salonniers, voici maintenant les soireux et les soiristes (l'un et l'autre se dit ou se disent), c'est-à-dire, dans le jargon du jour, les journalistes chargés de faire ce genre d'articles, qu'Arnold Mortier inventa dans le Figaro sous cette rubrique: La Soirée parisienne. C'est, je crois, à M. E. Bergerat que revient la paternité de ces deux nouveaux vocables. «Quelles patraquées petites femmes que vos confrères éminents, les soireux sympathiques!» (France libre, janvier 1886.)
- SOIXANTE-SIX. Variété de souteneur.
- SOMMIER DE CASERNE. Fille à soldats.
- SONNETTE. Auxiliaire, femme de service, chargée, à la prison de Saint-Lazare, de se tenir à la disposition des employées et des sœurs et de répondre à leur appel. Les sonnettes vont chercher dans les cours, dans les préaux, dans les bâtiments et amènent dans les bureaux les détenues dont on a besoin pour un service quelconque.
- SOUBROCHE. Souteneur. Argot des voyous.
- SOUPER DE. Avoir assez de quelque chose. Argot militaire.
- SOURDE. Prison.
- SOURNOISE. Dans le langage spécial des employés, qu'ils appartiennent à une administration publique ou particulière, la sournoise est ce que leurs chefs et eux-mêmes appellent en style correct la feuille de présence, feuille traîtresse sur laquelle on doit plusieurs fois par jour et à des moments imprévus apposer sa signature de façon à prouver qu'on est bien à son bureau et non au café voisin. Le plus souvent par une malchance fréquente la sournoise passe quand la plupart des employés sont illégalement absents.
- SOUS-DERN. Argot des écoliers. Avant-dernier.
- STARTER. Argot de courses. Celui qui donne aux jockeys le signal au départ.
- STRAPONTIN. Petit matelas en galette, étroit et plat.
- STRAPONTIN. Ce mot, en langage très familier, désigne l'objet de toilette que les femmes appellent du nom de tournure. «Grande bataille! Entre qui? Entre les strapontinistes et les antistrapontinistes. On appelle strapontin en langue fantaisiste, l'appendice proéminent que les dames portent en ce moment au-dessous de la taille.» (Monde illustré, novembre 1885.) (V. les mots nuage et tapez-moi ça dans le Supplément.)
- SUBLIMEUR. Bon écolier.
- SUBURBAIN. Le public qui suit les courses de chevaux appelle ainsi dans son jargon particulier tout champ de courses situé dans la banlieue de Paris; celui de Saint-Ouen, par exemple. «Elle ne manquait pas une journée de courses; oh! à Longchamps et à Chantilly, tout au plus à Vincennes; elle ne se commettait pas dans les suburbains, là où l'écurie n'était pas représentée.» (Vie Parisienne, septembre 1887.)
- SUIFFARD. Argot de cercles, de tripots. Le suiffard est un grec qui fréquente des établissements borgnes, des tripots, des claque-dents. Suiffard est en quelque sorte un diminutif de graisseur (filou en argot) le suif étant fait avec de la graisse.
- SURFINE. Femme qui s'introduit chez les personnes âgées et les vole sous prétexte de quêter en faveur des pauvres.
- SURMENEUSE. C'est ainsi qu'on désigne maintenant les les filles à la mode. Elles surmènent de toutes façons les heureux mortels qu'elles ont daigné distinguer. Allusion au surmenage intellectuel dont on parle tant aujourd'hui. «Une voiture emportant une de nos surmeneuses connues croise une victoria où sont deux de ses collègues.» (Charivari, nov. 1888.)
- SURNU. Surnuméraire. Argot des employés d'administration, en général.
T
- TABLEAU DES IDIOTS (Être sur le). Être pourvu d'un conseil judiciaire. Jargon des clercs de notaire. On sait que dans chaque étude se trouve à la disposition du public, un tableau ou un livre sur lequel figurent les interdits, les prodigues, tous ceux enfin qui ne jouissent pas de la plénitude de leurs droits.
- TALA. Elève de l'Ecole normale ayant des principes religieux et pratiquant.
- TAMBOUILLE. Delvau donne à ce mot le sens de ragoût, de fricot, ce qui est exact; tambouille s'emploie aussi chez les soldats d'Afrique qui appellent ainsi leur gamelle.
- TAPEZ-MOI ÇA. Le tapez-moi ça, désigne dans le langage plus que familier cet objet de toilette qu'on nomme une tournure. «Voici que nous sommes toutes contraintes de porter la tournure, l'ajustement qu'on a appelé irrévérencieusement le tapez-moi ça.» (Gil Blas, octobre 1885.) On dit aujourd'hui nuage; v. Supra.
- TAMPONNER LE COQUILLARD. (Se). Se moquer de.
- TAMPONNER. Rudoyer. «Ah! tu me tamponnes, s'écrie-t-il, je te reconnaîtrai à la prochaine.» (Figaro, 1880.)
- TAPE-CUL. Argot militaire. Manœuvre sans étriers.
- TAPER (Se). Se voir refuser quelque chose; s'en passer.—Se masturber.
- TAPEUSE. Prostituée qui, sans faire payer ses services, emprunte aux clients des sommes plus ou moins élevées qu'elle ne rend bien entendu jamais. (Réveil.)
- TATEUR. Fausse clef.
- TAUPINER. Assassiner.
- TÉLÉGRAPHE (Faire le). «A cette énumération il faut ajouter le truc du télégraphe qui s'emploie pour tous les jeux de cartes. Faire le télégraphe, envoyer le duss ou le sert (V. Delvau, Sert), c'est faire connaître au complice qui tient les cartes, le jeu de la victime derrière laquelle on se tient à cet effet en paraissant prendre un grand intérêt à sa partie.» (Henri IV, 1881.)
- TENIR. Argot théâtral. Tenir l'affiche, se dit d'un auteur qui a du succès et dont les pièces reparaissent souvent sur l'affiche. «Voici maintenant dix-sept ans bien comptés qu'il (M. V. Sardou) tient l'affiche, comme on dit dans le familier langage des coulisses.» (Revue des Deux-Mondes, 1er mars 1877.)
- TÉNOR. Argot de journaliste. Ecrivain qui rédige habituellement l'article de tête du journal.
- TERRASSE. La partie du trottoir envahie par les tables et les chaises de MM. les cafetiers.
- TÊTE A L'HUILE. Chef de la figuration dans un théâtre.
- TÊTE DE PATÈRE. Variété de souteneur.
- TÊTE DE PIPE. Idiot. La variante est: moule à chenets.
- TIERCE. Argot de bagne. Bande d'individus.
- TIFFES. Cheveux.
- TOMBAGE. Critique, éreintement. Mot très familier. (V. Tomber dans le corps du Dictionnaire.) «On s'attendait à un rapport de M. M... et à un tombage du préfet et l'on s'est perdu dans des broutilles.» (Gil Blas, juillet 1886.)
- TOMBER DANS LA DÈCHE. (V. Delvau au mot Dèche.) «Certains naïfs libidineux se laissent duper par les macettes qui ont la spécialité de fournir aux bons jeunes gens tout ce qu'il y a de mieux en fait de femmes du monde tombées dans la dèche.» (Figaro, mars 1887.)
- TOMPIN. Tompin qui, en 1882, n'était qu'un adjectif a passé depuis au rang de substantif argotique et est devenu synonyme d'homme élégant, à la mode. Au féminin on dit, ou plutôt on a dit (car le mot n'est plus usité) tompinette. «Le vrai bel air est aujourd'hui de s'étudier à paraître simple et de laisser aux tompins et aux tompinettes les exhibitions de quatre ou cinq toilettes par jour.» (Figaro, août 1885.)
- TOPO. Circulaire; proposition, motion. Argot des élèves de l'Ecole polytechnique.
- TOQUARD. Argot de courses. Cheval sur lequel on a placé son argent, d'inspiration, sans savoir pourquoi. «Il y a trois manières de jouer très en usage. L'inspiration, c'est-à-dire prendre un toquard, parce qu'il porte le nom de la personne aimée, celui de votre chien ou le numéro d'un cabinet particulier...» (Vie parisienne, juin 1884.)
- TORCHÉE. Coups. Rixe.
- TORCHER. Faire vite et mal.—Manger. Torcher les plats. Avoir appétit.
- TORCHON. Argot de cabotins. La toile, le rideau.
- TORTILLER LE CARTON. Jouer aux cartes. «Parfois deux sociétés font alliance pour tortiller le carton. C'est l'expression consacrée par les joueurs de besigue, de piquet à quatre, ou de rams.» (Réveil, 1882.) V. Delvau: Carton.
- TORTILLER LA VIS. Étrangler. «Je l'avais prévenu que s'il faisait un mouvement, j'allais lui tortiller la vis.» (Gazette des Tribunaux, 1864.)
- TORTORAGE. Nourriture.
- TOUPIE. Dame d'un jeu de cartes.
- TOUR (La). La Préfecture de Police.
- TOUR DE CLEF (Se donner un). Se reposer, se refaire, se mettre au vert. «Apollinaris est venu passer cinq ou six semaines à Aix-les-Bains, histoire de se redonner un tour de clef.» (Raoul Nest: Les mains dans mes poches.)
- TOURLOUSINE (Administrer une). Battre, rouer de coups. Argot des rôdeurs. «Les inculpés reconnaissent qu'ils ont été chargés par l'inconnu de frapper M. P..., de lui administrer une tourlousine, dit Zulpha (un des inculpés).» (Autorité, janvier 1888.)
- TOURNÉE PASTORALE. Tournée qui a lieu en bande, le soir, après un bon dîner, dans des maisons hospitalières. La tournée pastorale implique ordinairement la flanelle.
- TOURNE-VIS. Gendarme. Argot des malfaiteurs. «Le gendarme est naturellement l'obsession du repris de justice; il le voit partout et l'a baptisé d'un nom caractéristique; le tourne-vis.» (Figaro, février 1885.)
- TRAIN (Être dans le). Suivre les caprices de la mode; accepter toutes les innovations. Nous avions déjà dans la langue familière: être dans le mouvement, suivre le mouvement, cela ne suffit plus et, le progrès aidant, il faut être aujourd'hui dans le train!—«Je crois devoir avertir Monsieur qu'il n'est plus dans le train.—...?—Encore un progrès, Monsieur, les voyages n'ont rien à faire ici; être dans le train veut dire: suivre le progrès.» (National, décembre 1886.)
- TRAIN JAUNE. «Elles (les femmes de mœurs faciles) commencent à persiller dans les trains de chemins de fer; il y en a même qui ne font qu'exploiter les trains jaunes qui emmènent chaque samedi de Paris, pour les ramener le lundi, les commerçants dont les femmes sont aux bains de mer.» (Figaro, 1882.)
- TRAINARDS (Faire les). Argot des cercles, des tripots. C'est ramasser les masses, les jetons oubliés sur les tables de jeux.
- TRANCHE (En avoir une). Être inintelligent.
- TRANSVERSALE. Argot de joueurs. On joue la transversale, quand, à la roulette, on place son enjeu transversalement, c'est-à-dire sur la ligne qui sépare deux numéros entre eux.
- TRAVAILLEUR. Voleur.
- TRÈFLE! Argot des enfants. (V. Pouce.)
- TRÈFLE. Argent monnayé. Argot des gavroches.
- TREMBLEUSE. Sonnette électrique.
- TRIMARDEUR. Voleur de grand chemin. (V. Delvau: Trimar.)
- TRIMBALLEUR DE ROUCHIES. Souteneur.
- TRINQUER. Ce verbe, qui, dans l'argot, a le sens propre de être battu, s'emploie aussi au figuré comme synonyme de: être malmené, être tancé. «Il faut que M. B... (qui a fortement trinqué dans cette séance) et les actionnaires résilient leurs baux.» (Intransigeant, sept. 1888.)
- TRIPATOUILLER. Manier maladroitement quelque chose; mêler, embrouiller, rendre confus, tripoter. N'en déplaise à M. Bergerat qui a lancé ce verbe au commencement de cette année 1888, ce mot est un barbarisme, barbarisme voulu, je le veux bien, mais enfin barbarisme. Que ne se servait-il pour exprimer sa pensée, du mot touiller, inusité aujourd'hui, sauf dans le centre de la France, où il signifie crotter, salir. Touiller a ses quartiers de noblesse puisqu'au temps de Charles VII, c'est-à-dire au XVe siècle, on l'employait aux sens de salir et brouiller. Il y avait même le substantif touilleur, brouillon, qu'on trouve dans Cotgrave et qui est aujourd'hui remplacé par tripatouilleur. On a même inventé tripatouille et tripatouillage.
«Il (M. Bergerat) a accusé M. Porel, directeur du théâtre de l'Odéon, d'avoir voulu tripatouiller dans sa comédie. Notez le verbe, il est pittoresque.» (Illustration, janvier 1888.)
«C'est à vous, Caliban, à qui je veux parler.
Vous avez un défaut que je ne puis céler.
Vous créez chaque jour quelque néologisme
Qui n'est, le plus souvent, qu'un affreux barbarisme.
Ainsi tripatouillage est votre enfant nouveau;
Tripatouille est de mode. On ne sait ce qu'il vaut
Mais on s'en sert......
On dit: je tripatouille et nous tripatouillons.
Tripatouiller est donc le vocable à la mode.»
(Événement, janvier 1888.)
- TROIS-PONT. Casquette en soie assez haute; à l'usage de MM. les voyous. «Je les (les Alphonses) rencontre encore qui rôdent en bande, les cheveux effilés, en corne de bœuf, sur les tempes obscurcies par le trois-pont.» (Huysmans: Une goguette.)
- TROLIER. Individu, commissionnaire qui va offrir de porte en porte aux marchands de meubles le travail de l'ouvrier qui est à son compte. Dans l'argot du faubourg Saint-Antoine on appelle cet ouvrier un choutier.
- TRONC D'ARBRE. Nervure de la feuille de tabac que l'on trouve dans le scaferlati non trié. (V. Peuplier.)
- TRUC (Faire le). Argot des filles. Raccoler.
- TRUQUEUR. Individu du troisième sexe qui vit de son... industrie.
- TUILER. Regarder quelqu'un d'un œil soupçonneux.
- TURBAN (Valeur à). Valeur turque. «Les valeurs à turbanrésistent difficilement.» (Presse, 1882.)
- TUTOYER. Dérober; on dit aussi effaroucher.
- TUYAU. Argot de sport. Renseignement. «De plus, sportwoman passionnée et renseignée admirablement. Elle possède, comme on dit, les meilleurs tuyaux.» (Gazette de Cythère, journal, 1882.)—En argot financier, avoir un tuyau signifie avoir reçu confidence d'un mouvement préparé par les banquiers, maîtres du parquet. «Rachetons, avait dit Léontin.—Pas encore, avait répondu le fils Marleroi. Ça n'est pas fini. La panique gagne les départements. J'ai un tuyau. Nous pouvons racheter plus bas encore.» (Cadol, La colonie étrangère.)
U
- UN, DEUX, TROIS, etc... Argot théâtral. Acte premier, deuxième, troisième, etc... d'une pièce. «A partir du quatre, mademoiselle Sarah Bernhardt est supérieure à elle-même.» (Evénement, 1882.) «Il suffit d'obtenir un engagement de M. Montrouge et de venir annoncer à la fin du deux que le dîner est servi.» (Evénement, 1881.) C'est le deux, le trois, qui marche. C'est le deuxième, le troisième acte que l'on joue.
- URBAINE. Fiacre; voiture de place appartenant à la Compagnie dite l'Urbaine. «Une Urbaine accoste, une tête de femme paraît à la portière.» (Vie Parisienne, 1882.)
V
- VACHARD. Paresseux, fainéant; qui s'étend paresseusement comme une vache au lieu de travailler.
- VACHE. Qui se vend à la police, mouchard.
- VACHER. Paresser.
- VALSER DU BEC. Avoir l'haleine fétide.
- VANDALE. Poche vide.
- VAUTOUR. Grec. «Tous les joueurs ont commencé par être d'honnêtes joueurs; ils ont été pigeons avant d'être vautours.» (Henri IV, 1881.)
- VELOURS (Jouer sur le). Cette expression fait aussi partie de l'argot du turf. «En Angleterre, les grandes écuries ont presque toutes une personne de confiance qui s'occupe spécialement des paris à faire sur leurs chevaux. Ces spécialistes ont besoin d'aides, car si l'on donne de gros ordres, il faut qu'ils soient exécutés simultanément dans les divers cercles de Londres.
De cette façon, on écrème le marché dans une matinée et quand le cheval sur lequel on fonde des espérances arrive en bon état au poteau, on peut le rendre à une cote très inférieure et, de cette façon, gagner beaucoup en ne risquant guère. C'est ce qu'on appelle en argot du turf: jouer sur le velours.» (Charivari, avril 1884.)
- VENDÔME. «Il est défendu (à Nouméa) de jouer à des jeux de hasard. Cependant, toutes les nuits, dans l'une de ces chambrées, on joue le vendôme, sorte de lansquenet spécial.» (Nouvelle Revue, 1er avril 1884.)
- VENTRE D'OSIER. Homme maigre. On dit aussi sac d'os.
- VERRE EN FLEURS (Donner un beau). Donner de belles cartes à son adversaire. «Cette locution n'a cours que dans les tripots et parmi les joueurs qui les fréquentent. «Je vous ai relevé par un beau verre en fleurs,» c'est-à-dire que je vous ai distribué de belles cartes pour vous donner du courage, vous allumer, vous faire augmenter votre enjeu.» (Belot: Le Roi des Grecs.)
- VERSEUSE. «Il fréquente les établissements dits cafés à femmes, où les garçons sont remplacés par des demoiselles appelées verseuses.» (Frondeur, 1880.)
- VÉSUVE (Faire son). Faire des manières, des embarras; poser. «Plantin, rappelle-toi que le vol conduit aux plus grandes fautes et même au vice!—Plantin: Fais donc pas ton Vésuve!...» (Petit Journal.)
- VÉSUVER. Donner largement, libéralement. «Tu as un nourrisseur qui te vésuve des jaunets quand tu lui dis: Mon Prince.» (Huysmans: Sœurs Vatard.)
- VEUVE. Non conformiste qui se prête... aux plus bizarres exigences.
- VIATIQUE. «Littré appelle viatique l'argent qu'on donne aux religieux pour leurs dépenses de voyage. Enlevez les religieux, expulsez-les, remplacez-les par des joueurs et vous aurez la véritable signification du mot en langage monégasque.» (Revue politique et littéraire, 1882.)
- VIATIQUE VERT. Absinthe. «Le commandant Monistrol se versant, au moment d'expirer, le viatique vert.» (Th. de Banville.)
- VIDER. Assommer, tuer. «On dut s'interposer; la mère Teston perdant toute mesure, ne parlait de rien moins que de le vider. (Huysmans: Sœurs Vatard.)
- VIGOUSSE. Vigueur, entrain. «Ça ne va pas, mais ça ne va pas du tout aujourd'hui... pour l'amour de Dieu, Mesdames et Messieurs, un peu de vigousse, donc!...» (De Goncourt: La Faustin.)
- VIEILLISSEUSE. «J'ai fait la connaissance d'une vieille femme qui exerce aujourd'hui la profession de vieillisseuse... nos boulevards, vous le savez, sont sillonnés de petites marchandes d'amour que leur extrême jeunesse expose souvent aux indiscrétions de la police... A l'aide de certains onguents, elle (la vieillisseuse) parvient à donner aux traits trop tendres des gamines l'expression d'un visage de 18 à 25 ans.» (Figaro.)
- VINAIGRETTE. Argot des voyous et des malfaiteurs. La vinaigrette est cette voiture, peinte en vert foncé, que nous avons vu circuler par les rues et qui va prendre dans les différents postes de police, pour les conduire au Dépôt près la Préfecture, les personnes qui, après avoir été arrêtées, sont retenues par le commissaire de police ou le chef de poste.
- VINASSE. Vin.
- VINGT-HUIT JOURS. Soldat faisant la période d'exercice exigée de ceux qui font partie de la réserve de l'armée active, parce que cette période dure vingt-huit jours. On dit aussi réservoir.
- VISQUEUX. Souteneur de bas étage.
- VITRINE (Faire). Se parer, se faire beau, s'endimancher.
- V'LAN. «Au temps où le Grand-Seize s'emplissait chaque soir, au café Anglais, d'une société qu'on ne remplacera pas, car les gens d'esprit d'alors ont été remplacés par des imbéciles, on avait trouvé mieux que pchutt. On disait de quelqu'un, homme ou femme, qui se distinguait par une attitude, par un parti pris, un laisser-aller, une originalité tranchée: Il a du v'lan! Elle a du v'lan. C'était net, cassant, absolu.» (Evénement, 1883.)—Ce terme, abandonné depuis longtemps, vient de reprendre faveur.—«Soirée dansante très réussie, très animée et très v'lan hier, chez la comtesse de L.» (Gil Blas, 1883.)
- VOLAILLE. Terme de mépris à l'adresse d'une femme quelconque.—Etudiant, dans le jargon des écoles. «Des collégiens et quelques étudiants; des volailles, comme on dit sur la montagne Sainte-Geneviève.» (XIXe Siècle.)
- VOYANTE. «Un autre type amusant (à la roulette de Monaco) c'est la Voyante. Elle indique les numéros qui vont sortir et se loue moyennant 20 francs par heure.» (Revue politique et littéraire, 1882.)
- VOYAGEUR SEC. Voyageur qui ne fait aucune dépense dans l'hôtel où il est descendu.
- VOYAGEUSE. Femme galante qui travaille (?) sur les paquebots et les lignes de chemin de fer.
- VRIGNOLE. Viande.
W
- WATERLOO (Avoir son). «Il (M. Ad. Belot) lui restait à étudier pour la dernière partie de son drame le grec en liberté. Il s'adressa pour cela à un ancien inspecteur du service des jeux... Cet inspecteur lui apprit, entre autre révélations étonnantes, qu'il y avait, à Paris seulement, plus de deux mille grecs, parfaitement connus et classés à la Préfecture et que malgré la vigilance la plus excessive, il y avait bien peu de cercles, même parmi les plus grands, qui n'eussent eu leur Waterloo. Un cercle qui a son Waterloo, en langage technique, est un cercle où l'on prend un grec la main dans le sac. (Figaro, 1883.)
- WATRINER. Tuer, assassiner et, par extension, détruire, renverser par force. Allusion au meurtre que commirent, au mois de février 1886, les mineurs de Decazeville sur la personne de leur sous-directeur, M. Watrin, dont ils prétendaient avoir à se plaindre.
«Il ne manque dans ma boutique
Que le tonnerre et les éclairs
Pour watriner toute la clique
Des exploiteurs de l'univers.»
(Gazette anecdotique, février 1887.)
«En avant! et watrinez les obstacles qui entravent votre mouvement. (Grève sociale, février 1886.)
De watriner on a fait watrinade qui, pour les révolutionnaires, est synonyme de vengeance, de représailles et qui, pour les honnêtes gens, signifie tout simplement crime, meurtre, assassinat. «Hier encore, un ouvrier jugeait à propos de tirer sur son patron. Le Cri du Peuple, naturellement, exalte le courage de l'assassin et qualifie de watrinade ce qui est un crime.» (Parti national, mars 1887.)
Z
- ZINGUOT. Hangar, préau. Jargon de l'Ecole de Saint-Cyr.
- ZUTANT. Ennuyeux. «C'est rien zutant d'n'être pas libre.» (Evénement, août 1885.)
ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSEY