Dictionnaire de la langue verte
- CLOUER LE BEC, v. a. Imposer silence à un importun, ou à un mauvais raisonneur,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi River le clou.
- CLOUS, s. m. pl. Outils,—dans l'argot des graveurs sur bois, qui confondent sous ce nom les échoppes, les burins et les gouges.
- CLOUS DE GIROFLE, s. m. pl. Dents noires, avariées, esgrignées comme celles de Scarron.
- CO, s. m. Coq,—dans l'argot des paysans et des enfants.
- COCANGES, s. f. pl. Coquilles de noix avec lesquelles certains fripons font des dupes.
- COCANGEUR, s. m. Voleur qui a la spécialité des Cocanges et de la Roubignole.
- COCARDE, s. f. La tête,—dans l'argot du peuple.
Taper sur la cocarde. Se dit d'un vin trop généreux qui produit l'ivresse.
Avoir sa cocarde. Être en état d'ivresse.
- COCARDIER, s. m. Homme fanatique de son métier,—dans l'argot des troupiers.
- COCASSERIE, s. f. Saugrenuïté dite ou écrite, jouée ou peinte,—dans l'argot des artistes et des gens de lettres.
- COCHE, s. f. Femme adipeuse, massive, rougeaude,—dans l'argot du peuple, qui veut que la femme pour mériter ce nom, ressemble à une femme et non à une scrofa.
- COCHONAILLE, s. f. Charcuterie,—dans l'argot des ouvriers,—qui ne redoutent pas les trichines.
On dit aussi Cochonnerie.
- COCHONNER, v. a. Travailler sans soin, malproprement,—dans l'argot des bourgeois.
- COCHONNERIE, s. f. Besogne mal faite; marchandise de qualité inférieure; nourriture avariée ou mal préparée.—Argot du peuple.
- COCHONNERIE, s. f. Vilain tour, trahison, manque d'amitié.
- COCHONNERIE, s. f. Ce que Cicéron appelle turpitudo verborum.—Argot des bourgeois.
- COCO, s. m. Boisson rafraîchissante composée d'un peu de bois de réglisse et de beaucoup d'eau. Cela ne coûtait autrefois qu'un liard le verre et les verres étaient grands; aujourd'hui cela coûte deux centimes, mais les verres sont plus petits. O progrès!
- COCO, s. m. Tête,—dans l'argot des faubouriens, qui prennent l'homme pour un Coco nucifera.
Coco déplumé. Tête sans cheveux.
Redresser le coco. Porter la tête haute.
Monter le coco. Exciter le désir, échauffer l'imagination.
- COCO, s. m. Gorge, gosier,—dans le même argot.
Se passer par le coco. Avaler, boire, manger.
Joli coco. Se dit ironiquement de quelqu'un qui se trouve dans une position ennuyeuse, ou qui fait une farce désagréable.
Drôle de coco. Homme qui ne fait rien comme un autre.
- COCO, s. m. Eau-de-vie,—dans l'argot des faubouriens.
- COCO, s. m. Cheval,—dans l'argot du peuple.
Il a graissé la patte à coco. Se dit ironiquement d'un homme qui s'est mal tiré d'une affaire, qui a mal rempli une commission.
- COCO, s. m. Œuf,—dans l'argot des enfants, pour qui les poules sont des cocottes.
- C>OCODÈS, s. m. Imbécile riche qui emploie ses loisirs à se ruiner pour des drôlesses qui se moquent de lui.
On pourrait croire ce mot de la même date que cocotte: il n'en est rien,—car voilà une vingtaine d'années que l'acteur Osmont l'a mis en circulation.
- COCODETTE, s. f. Drôlesse,—la femelle du cocodès,—comme la chatte est la femelle de la souris.
- COCO ÉPILEPTIQUE, s. m. Vin de Champagne,—dans l'argot des gens de lettres qui ont lu la Vie de Bohème.
- COCOS, s. m. pl. Souliers,—dans l'argot des enfants.
- COCOTTE, s. f. Demoiselle qui ne travaille pas, qui n'a pas de rentes, et qui cependant trouve le moyen de bien vivre—aux dépens des imbéciles riches qui tiennent à se ruiner.
Le mot date de quelques années à peine. Nos pères disaient: Poulette.
- COCOTTERIE, s. f. Le monde galant, la basse-cour élégante où gloussent les cocottes.
- COCOTTES, s. f. pl. Poules, canards, dindons, etc.,—dans l'argot des enfants.
Se dit aussi des Poules en papier avec lesquelles ils jouent.
- CœUR D'ARTICHAUT, s. m. Homme à l'amitié banale; femme à l'amour vénal,—dans l'argot du peuple.
On dit: Il ou Elle a un cœur d'artichaut, il y en a une feuille pour tout le monde.
- COFFRE, s. m. La poitrine,—dans l'argot du peuple, qui a l'honneur de se rencontrer pour ce mot avec Saint-Simon.
Avoir le coffre bon. Se bien porter physiquement.
- COFFRER, v. a. Emprisonner,—dans l'argot du peuple, qui s'est rencontré pour ce mot avec Voltaire.
Se faire coffrer. Se faire arrêter.
- COGNADE, s. f. Gendarmerie,—dans l'argot des voleurs, qui ont de fréquentes occasions de se cogner avec les représentants de la loi.
- COGNE, s. m. Gendarme.
La cogne. La gendarmerie.
Se dit aussi pour: Prendre les armes, descendre dans la rue et faire une émeute.
- COIFFER, v. a. Donner un soufflet, une _calotte_.
- COIFFER, v. a. Trahir son mari,—dans l'argot des bourgeoises.
- COIFFER (Se). Se prendre d'amitié ou d'amour pour quelqu'un ou pour quelque chose,—dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à La Fontaine.
- COIFFER SAINTE CATHERINE, v. a. Rester vieille fille,—dans l'argot des bourgeois.
- COIRE, s. f. Ferme, métairie,—dans l'argot des voleurs.
- COLAS, s. m. Cou,—dans le même argot.
Faucher le colas. Couper le cou.
On dit aussi le colin.
- COLAS, s. m. Imbécile, ou seulement homme timide,—dans l'argot du peuple, qui aime les gens dégourdis.
Grand Colas. Nigaud, qui a laissé échapper une bonne fortune.
- COLBACK, s. m. Conscrit,—dans l'argot des vieux troupiers, pleins de mépris pour les débutants.
- COL CASSÉ, s. m. Gandin,—jeune homme à la mode. Argot des faubouriens.
- COLLAGE, s. m. Union morganatique,—dans l'argot du peuple, qui sait que ces mariages-là durent souvent plus longtemps que les autres.
- COLLANT, adj. Ennuyeux,—dans l'argot des petites dames, qui n'aiment pas les gens qui ont l'air de les trop aimer.
- COLLE, s. f. Examen préparatoire à un examen véritable,—dans l'argot des Polytechniciens.
Être tangent à une colle. Être menacé d'un simulacre d'examen.
- COLLE, s. f. Mensonge,—dans l'argot des faubouriens.
- COLLÉ (Être). Ne plus savoir quoi répondre; être interdit,—dans l'argot du peuple.
- COLLÈGE, s. m. La prison,—dans l'argot des voleurs, qui y font en effet leur éducation et en sortent plus forts qu'ils n'y sont entrés.
Collèges de Pantin. Prisons de Paris.
Les Anglais ont la même expression: City college, disent-ils à propos de Newgate.
- COLLÉGIEN, s. m. Prisonnier.
- COLLER, v. a. Donner,—dans l'argot des faubouriens, qui collent souvent des soufflets sans se douter que le verbe colaphizo (χολαπτω [grec: cholaptô]) signifie exactement la même chose.
Se coller. S'approprier quelque chose.
- COLLER, v. a. Mettre, placer, envoyer,—dans l'argot du peuple.
- COLLER (Se), v. réfl. Se placer quelque part et n'en pas bouger.
- COLLER (Se), v. réfl. Se lier trop facilement; faire commerce d'amitié avec des gens qui n'y sont pas disposés.
- COLLER (Se faire). Se faire refuser aux examens,—dans l'argot des étudiants.
- COLLER SOUS BANDE, v. a. Châtier un impertinent; river son clou à un farceur; tromper un trompeur; sortir victorieux d'un pugilat de paroles.
- COLLER UN PAIN, v. a. Appliquer un soufflet ou un coup de poing sur la figure de quelqu'un.—Argot des faubouriens.
- COLLEUR, s. m. Menteur.
- COLLEUR, s. m. Examinateur—dans l'argot des Polytechniciens.
- COLLEUR, s. m. Homme qui se lie trop facilement; importun bavard qui, une fois qu'il vous tient, ne vous lâche plus.
On dit plutôt: Collant.
- COLLOQUER (Se), v. réfl. Se placer, s'asseoir,—dans l'argot du peuple.
- COLOQUINTE, s. f. Tête,—dans l'argot des faubouriens, qui ont trouvé dans certains individus grotesques une ressemblance avec le cucumis colocynthis.
- COLTIN, s. m. Force, énergie,—dans l'argot du peuple, qui tire du cou dans presque tous ses travaux.
- COLTINER, v. n. Traîner une charrette avec un licol, comme font les hommes de peine, qui remplacent ainsi les bêtes de somme.
- COLTINEUR, s. m. Homme qui traîne une charrette avec un licol.
- COMBERGEANTE, s. f. Confession,—dans l'argot des voleurs.
- COMBERGO, s. m. Confessionnal,—dans le même argot.
Aller à comberge. Aller à confesse.
- COMBLANCE, s. f. Abondance, excès, chose comble,—dans le même argot.
Par comblance. Par surcroît.
- COMBRE, s. m. Chapeau,—dans l'argot des voleurs, qui ont trouvé plaisant de comparer cette coiffure à un concombre, et plus plaisant encore de supprimer la première syllabe de ce dernier mot.
Ils disent aussi Combriot.
- COMBRIE, s. f. Pièce d'un franc,—dans le même argot.
- COMBRIEU, s. m. Chapeau,—dans l'argot des faubouriens.
Ils disent aussi Cambrieu, plus conforme à l'étymologie qui est certainement cambré.
- COMBROUSIER, s. m. Paysan,—dans l'argot des voleurs.
- COMBUSTIBLE (Du)! Se dit, comme Chaud! Chaud!—dans l'argot du peuple,—pour exciter quelqu'un à faire quelque chose.
- COME, s. m. Apocope de Commerce,—dans l'argot des voyous.
- COMÈTE, s. f. Vagabond,—dans l'argot des faubouriens.
- COMMANDER A CUIRE, v. n. Envoyer à l'échafaud,—dans l'argot des prisons.
- COMMANDITE, s. f. Ouvriers travaillant ensemble pour le compte d'un tâcheron,—dans l'argot des typographes.
- COMME IL FAUT, s. m. Les règles de l'élégance et de la distinction, le suprême bon ton,—dans l'argot des bourgeois, à propos des gens et des choses. C'est le Cant des Anglais.
On prononce comifô.
- COMME IL FAUT, adj. Selon le code du bon goût et du bon ton, du bien dire et du bien élevé.
L'homme comme il faut des bourgeoises est le monsieur bien des petites dames.
- COMMODE, s. f. Cheminée,—dans l'argot des voleurs, qui y serrent les objets dont ils veulent se débarrasser comme trop compromettants.
- COMMUNE COMME UNE MOULe, adj. Se dit—dans l'argot des Précieuses bourgeoises—de toute femme, du peuple ou d'ailleurs, qui ne leur convient pas.
- COMMUNISTE, s. m. Républicain,—dans l'argot des bourgeois, qui, en 1848, donnaient ce nom à tout ce qui n'était pas eux.
- COMPAS, s. m. Les jambes,—dans l'argot des ouvriers.
Ouvrir le compas. Marcher.
Allonger le compas. Précipiter sa marche.
- COMPÈRE-COCHON, s. m. Homme plus familier qu'il n'en a le droit,—dans l'argot des bourgeois.
- COMPTE (Avoir son), v. a. Être gris pour avoir trop bu, ou blessé à mort pour s'être battu en duel.
- COMPTER SES CHEMISES, v. a. Vomir,—dans l'argot des marins et du peuple.
Les Anglais ont une expression analogue: To cast up one's accounts (rendre ses comptes), disent-ils.
- COMTE DE CARUCHE, s. m. Porte-clés,—dans l'argot des voleurs, qui se plaisent à occuper leurs loisirs forcés en s'improvisant les Borel d'Hauterive de leur prison.
- COMTE DE GIGOT-FIN, s. m. Beau mangeur,—dans l'argot du peuple, qui ne craint pas de créer des types comme Molière et d'anoblir des vilains comme Napoléon.
- COMTE DU CANTON, s. m. Geôlier,—dans l'argot des voleurs.
- CONDÉ, s. m. Permission de tenir des jeux de hasard,—dans l'argot des voleurs, qui obtiennent cette permission d'un des condés suivants:
Grand condé. Préfet.
Petit condé. Maire.
Demi-condé. Adjoint.
Condé franc ou affranchi. Fonctionnaire qui se laisse corrompre.
Plus particulièrement: Faveur obtenue d'un geôlier ou d'un directeur.
- CONFÉRENCIER, s. m. Orateur en chambre, qui parle de tout sans souvent être payé pour cela.
Mot nouveau, profession nouvelle.
- CONFIRMER, v. a. Donner une paire de soufflets.
- CONFRÈRE DE LA LUNE, s. m. Galant homme qui a eu le tort d'épouser une femme galante,—dans l'argot du peuple, trop irrévérencieux envers le croissant de la chaste Diane.
- CONILLER, v. n. User de subterfuges pour échapper à un ennui ou à un danger, se cacher, disparaître, comme un lapin (cuniculus, conil) dans son trou. Argot du peuple.
- CONIR, v. n. Mourir.
- CONJUNGO, s. m. Mariage,—dans l'argot du peuple, qui a voulu faire allusion au premier mot du discours du prêtre aux mariés: Conjungo (je joins).
- CONNAISSANCE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des ouvriers, qui veulent connaître une fille avant de la prendre pour femme.
- CONNAÎTRE LE JOURNAL. Être au courant d'une chose; savoir à quoi s'en tenir sur quelqu'un. Argot des bourgeois.
Signifie aussi: Savoir de quoi se compose le dîner auquel on est invité.
- CONNAÎTRE LE NUMÉRO, v. a. Avoir de l'habileté, de l'expérience,—dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que l'expression a appartenu à l'argot des chevaliers d'industrie. «Les escrocs disent d'une personne qu'ils n'ont pu duper: Celui-là sait le numéro, il n'y a rien à faire.» (Les Numéros parisiens, 1788.)
Connaître le numéro de quelqu'un. Savoir ce qu'il cache; connaître ses habitudes, son caractère, etc.
- CONNU! Exclamation de l'argot du peuple, qui l'emploie pour interrompre les importuns, les bavards—et même les éloquents.
Signifie aussi: C'est usé! Je ne crois plus à ces choses-là!
- CONOBRER, v. a. Connaître,—dans l'argot des voleurs.
Ce verbe ne viendrait-il pas de cognoscere, connaître, ou de cognobilis, facile à connaître.
- CONQUÊTE, s. f. Maîtresse d'une heure ou d'un mois,—dans l'argot des bourgeois, Alexandres pacifiques.
- CONSCIENCE, s. f. Travail spécial, fait à la journée au lieu de l'être aux pièces. Argot des typographes.
Être en conscience, ou à la conscience. Travailler à la journée.
- CONSCRIT, s. m. Elève de première année,—dans l'argot des Polytechniciens, dont beaucoup se destinent à l'armée.
C'est aussi l'élève de seconde année à Saint-Cyr.
- CONSERVATOIRE, s. m. Grand Mont-de-piété,—dans l'argot du peuple.
- CONSOLATION, s. f. Eau-de-vie,—dans l'argot du peuple, qui se console à peu de frais.
Débit de consolation. Liquoriste, cabaret.
- CONSOLER SON CAFÉ. Mettre de l'eau-de-vie dedans. Habitude normande,—très parisienne.
- CONSOMME, s. f. Apocope de consommation,—dans l'argot des faubouriens.
- CONSTANTE, s. f. Nom que les Polytechniciens donnent à l'élève externe, parce que l'externe sort de l'école comme il y est entré: il n'a pas d'avancement; il n'est pas choyé, il joue au milieu de ses camarades le rôle de la constante dans les calculs: il passe par toutes les transformations sans que sa nature en subisse aucune variation.
- CONTRE, s. m. Consommation personnelle, au café, que l'on joue avec une autre personne contre sa consommation.
- CONTRÔLE, s. m. Flétrissure, marque de fer rouge sur l'épaule des forçats,—dans l'argot des prisons.
- CONTRÔLER, v. a. Donner un coup de talon de botte sur la figure de quelqu'un. Argot des faubouriens.
On dit aussi mettre le contrôle.
- CONVALESCENCE, s. f. Surveillance de la haute police,—dans l'argot des voleurs.
Être en convalescence. Être sous la surveillance de la police.
- COPAIN, s. m. Compagnon d'études,—dans l'argot des écoliers.
On écrivait et on disait autrefois compaing, mot très expressif que je regrette beaucoup pour ma part, puisqu'il signifiait l'ami, le frère choisi, celui avec qui, aux heures de misère, on partageait son pain,—cum pane. C'est l'ancien nominatif de compagnon.
- COPE, s. f. Apocope de copie,—dans l'argot des typographes.
Avoir de la cope. Avoir un manuscrit à composer.
- COPEAU, s. m. La langue,—dans l'argot des souteneurs de filles.
Lever son copeau. Parler, bavarder.
- COPIE, s. f. Travail plus ou moins littéraire, bon à livrer à l'imprimeur,—dans l'argot des gens de lettres, qui écrivent copiosissimè dans l'intérêt de leur copia.
Faire de la copie. Écrire un article pour un journal ou pour une revue.
Caner sa copie. Ne pas écrire l'article promis.
Pisser de la copie. Écrire beaucoup trop, sur tous les sujets.
Pisseur de copie. Ecrivain qui a une facilité déplorable et qui en abuse pour inonder les journaux ou revues de Paris, des départements et de l'étranger, de sa prose ou de ses vers.
- COQ, s. m. Cuisinier,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans la marine, et qui ne savent pas parler si bien latin, coquus.
- COQUARD, s. m. Œil,—dans l'argot des bouchers.
- COQUARD, s. m. Œuf,—dans l'argot des enfants.
- COQUARDEAU, s. m. Galant que les femmes dupent facilement,—dans l'argot du peuple.
Le mot n'est pas aussi moderne qu'on serait tenté de le croire, car il sort du Blason des fausses amours:
«Se ung coquardeau
Qui soit nouviau
Tombe en leurs mains,
C'est un oyseau
Pris au gluau
Ne plus ne moins.»
- COQUARDER, v. n. Alvum deponere. Argot des faubouriens. (V. Coquard et Pondre un œuf.)
- COQUER, v. a. Dénoncer,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté à l'argot lyonnais ce mot qui signifie embrasser, comme fit Judas Iscariote pour Jésus.
- COQUER, v. a. Donner,—dans le même argot.
Coquer la camouffle. Présenter la chandelle.
Coquer la loffitude. Donner l'absolution.
Coquer le poivre. Empoisonner.
Coquer le taf. Faire peur.
- COQUEUR, s. m. Dénonciateur.
- COQUEUR DE BILLE, s. m. Bailleur de fonds.
- COQUILLARD, s. m. Pèlerin,—dans l'argot des faubouriens.
- COQUILLE, s. f. Lettre mise à la place d'une autre,—dans l'argot des typographes.
- COQUILLON, s. m. Pou,—dans l'argot des faubouriens, qui se rappellent sans doute qu'on donnait autrefois ce nom à un capuchon qui se relevait sur la tête.
- CORBEAU, s. m. Frère de la Doctrine chrétienne,—dans l'argot des faubouriens, qui ont été frappés de l'analogie d'allures qu'il y a entre ces honnêtes instituteurs de l'enfance et l'oiseau du prophète Elie.
- CORBEAU, s. m. Employé des pompes funèbres,—dans le même argot.
- CORBUCHE, s. f. Ulcère,—dans l'argot des voleurs.
Corbuche-lof. Ulcère factice.
- CORDER, v. n. Fraterniser, vivre avec quelqu'un toto corde,—dans l'argot du peuple.
- CORDON BLEU, s. m. Cuisinière émérite. Argot des bourgeois.
- CORNARD, s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante,—dans l'argot du peuple, impitoyable pour les malheurs ridicules et pour les martyrs grotesques.
- CORNEAU, s. m. Bœuf,—dans l'argot des voleurs.
Corneaude. Vache.
- CORNER, v. a. Publier une chose avec éclat; répéter une nouvelle, fausse ou vraie,—dans l'argot du peuple.
Corner une chose aux oreilles de quelqu'un. La lui répéter de façon à lui être désagréable.
- CORNER, v. n. Puer,—dans l'argot des faubouriens, qui font probablement allusion à l'odeur insupportable qu'exhale la corne brûlée.
- CORNET, s. m. Estomac,—dans le même argot.
Se mettre quelque chose dans le cornet. Manger.
N'avoir rien dans le cornet. Être à jeun.
- CORNET D'ÉPICES, s. m. Capucin,—dans l'argot des voleurs.
- CORNICHE, s. f. Chapeau. Argot des faubouriens.
- CORNICHON, s. m. Veau. Argot des voleurs.
- CORNICHON, s. et adj. Nigaud, homme simple, qui respecte les femmes,—dans l'argot de Breda-Street; parfois imbécile,—dans l'argot au peuple, qui juge un peu comme les filles, ses filles.
- CORNIÈRE, s. f. Étable.
- CORNIFICETUR, s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante et qui le regrette tous les jours.
- CORSER, v. a. Multiplier les péripéties,—dans l'argot des gens de lettres; augmenter la force d'un liquide,—dans l'argot des marchands de vin.
- CORSER (Se). Se compliquer, devenir grave. Argot des gens de lettres.
- CORVETTE, s. f. L'Héphestion des Alexandres populaciers,—dans l'argot des voleurs.
- COSSU, adj. Riche,—dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des gens et des choses.
- COSTEL, s. m. Souteneur de filles,—dans l'argot des voyous.
- COSTIÈRES, s. f. pl. Rainures pratiquées dans le plancher d'un théâtre pour y faire glisser les portants; celles qui avancent sur la scène se ferment au moyen des trappillons.
On dit des objets perdus ou volés au théâtre qu'ils sont tombés dans les costières.
- CÔTE, s. f. Passe difficile de la vie,—dans l'argot des bohèmes, qui s'essoufflent à gravir le Double-Mont.
Être à la côte. N'avoir pas d'argent.
Frère de la côte. Compagnon de misère.
- CÔTE-DE-BœUF, s. f. Sabre d'infanterie,—dans l'argot du peuple.
- COTE G, s. f. Objet de peu de valeur innocemment détourné, en vertu d'un usage immémorial, par les clercs inventoriant une succession. Ce bibelot, ne figurant à aucune cote de l'acte, passe à la cote G, qui me fait l'effet d'être un jeu de mots (cote j'ai).
- CÔTELARD, s. m. Melon à côtes,—dans l'argot des faubouriens.
- CÔTELETTE DE PERRUQUIER, s. f. Morceau de fromage de Brie,—dans l'argot du peuple, qui suppose que les garçons perruquiers n'ont pas un salaire assez fort pour déjeuner à la fourchette comme les gandins.
On dit aussi Côtelette de vache.
Les ouvriers anglais ont une expression du même genre: A welsh rabbit (un lapin du pays de Galles), disent-ils à propos d'une tartine de fromage fondu.
Aimer le cotillon. Être de complexion amoureuse.
Faire danser le cotillon. Battre sa femme.
- COTON, s. m. Douceur,—dans le même argot.
Elever un enfant dans du coton. Le gâter de caresses.
- COTON, s. m. Coups échangés,—dans l'argot des faubouriens, dont la main dégaine volontiers.
Il y a eu ou il y aura du coton. On s'est battu ou l'on se battra.
- COTON, s. m. Travail pénible, difficulté, souci,—dans le même argot.
Il y a du coton. On aura de la peine à se tirer d'affaire.
- COTRETS, s. m. pl. Jambes,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi fumerons.
- COTTE, s. f. Pantalon de toile bleue,—dans l'argot des ouvriers, qui ne le mettent que pour travailler, par-dessus un autre pantalon.
- COUAC, s. m. Prêtre,—dans l'argot des voyous, fils des faubouriens, qui, en croyant dire une plaisanterie et faire une allusion au cri du corbeau, prononcent sérieusement quaker.
- COUCHER, s. m. Homme qui s'attarde volontairement dans une maison où il ne devrait jamais même mettre les pieds.
- COUCHER A LA CORDE, v. n. Passer la nuit dans un de ces cabarets comme il en existait encore, il y a quelques années, assis et les bras appuyés sur une corde tendue à hauteur de ceinture.
- COUCHER BREDOUILLE (Se). Se coucher sans avoir dîné.
- COUCHER DANS LE LIT AUX POIS VERTS, v. n. Coucher dans les champs, à la belle étoile.
- COUCHER EN CHAPON (Se), v. réfl. Se coucher repu de viande et de vin,—dans l'argot du peuple.
- COUCOU, s. m. Cocu,—par antiphrase.
Faire coucou. Tromper un homme avec sa femme.
On dit aussi Faire cornette, quand c'est la femme qui est trompée.
- COUCOU, s. m. Montre,—dans l'argot des voleurs, qui confondent à dessein avec les horloges de la Forêt-Noire.
Ils disent mieux Bogue.
- COUDE, s. m. Permission,—dans l'argot des voyous.
Prendre sa permission sous son coude. Se passer de permission.
- COUENNE, s. et adj. Imbécile, niais, homme sans énergie,—dans l'argot des faubouriens, qui pensent comme Emile Augier (dans la Ciguë), que «les sots sont toujours gras».
- COUENNE, s. f. Chair,—dans l'argot du peuple.
Gratter la couenne à quelqu'un. Le flatter, lui faire des compliments exagérés.
On dit aussi Coulage.
Veiller à la coule. Veiller sur les domestiques, avoir l'œil sur les garçons de café et autres, pour empêcher la dilapidation.
- COULE (Être à la). Être d'un aimable caractère, d'un commerce agréable, doux, coulant,—dans l'argot du peuple.
Signifie aussi: Savoir tirer son épingle du jeu; être dupeur plutôt que dupé; préférer le rôle de malin à celui de niais, celui de marteau à celui d'enclume.
- COULER (En). En conter aux gens crédules, dans le même argot.
- COULER DOUCE (Se la), v. réfl. Vivre sans rien faire, sans souci d'aucune sorte,—dans l'argot du peuple, qui ne serait pas fâché de vivre de cette façon-là, pour changer.
- COULEUR, s. f. Menterie, conte en l'air,—dans l'argot du peuple, qui s'est probablement aperçu que, chaque fois que quelqu'un ment, il rougit, à moins qu'il n'ait l'habitude du mensonge.
Monter une couleur. Mentir.
Au XVIIe siècle on disait: Sous couleur de, pour Sous prétexte de. Or, tout prétexte étant un mensonge, il est naturel que tout mensonge soit devenu une couleur.
- COULEUR, s. f. Opinion politique. Même argot.
- COULEUVRE, s. f. Femme enceinte,—dans l'argot des voyous, qui, probablement, font allusion aux lignes serpentines de la taille d'une femme en cette «position intéressante».
- COULIANT, s. m. Lait,—dans l'argot des voleurs.
- COULOIR, s. m. Le gosier,—dans l'argot des faubouriens, qui en lavent les parois à grands coups de vin et d'eau-de-vie, sans redouter l'humidité.
Chelinguer du couloir. Fetidum halitum emittere.
- COUPAILLON, s. m. Coupeur maladroit, inexpérimenté. Argot des tailleurs.
- COUP D'ARROSOIR, s. m. Verre de vin bu sur le comptoir du cabaretier. Argot des faubouriens.
- COUP DE BOUTEILLE, s. m. Rougeur du visage, coup de sang occasionné par l'ivrognerie,—dans l'argot du peuple.
- COUP DE CANIF, s. m. Infidélité conjugale,—dans l'argot des bourgeois.
Donner un coup de canif dans le contrat. Tromper sa femme ou son mari.
- COUP DE CASSEROLE, s. m. Dénonciation,—dans l'argot des voleurs.
- COUP DE CHASSELAS, s. m. Demi-ébriété,—dans l'argot du peuple.
Avoir un coup de chasselas. Être en état d'ivresse.
- COUP DE CHIEN, s. m. Traîtrise, procédé déloyal et inattendu,—dans le même argot.
- COUP DE FEU, s. m. Moment de presse.
- COUP DE FEU DE SOCIÉTÉ, s. m. Dernier degré de l'ivresse,—dans l'argot des typographes.
- COUP DE FOURCHETTE, s. m. Déjeuner. Argot des bourgeois.
Donner un coup de fourchette. Manger.
- COUP DE FOURCHETTE, s. m. Vol à l'aide de deux doigts seulement.
- COUP DE FOURCHETTE, s. m. Coup donné dans les deux yeux avec les deux doigts qui suivent le pouce de la main droite. Argot des faubouriens.
- COUP DE GAZ, s. m. Coup de vin. Argot des faubouriens.
- COUP DE PIED DE JUMENT, s. m. Maladie désagréable,—dans l'argot du peuple.
- COUP DE PIED DE VÉNUS, s. m. «Trait empoisonné lancé par le fils de Cythérée au nom de sa mère»,—dans l'argot des bourgeois, qui connaissent leur mythologie.
- COUP DE PISTOLET, s. m. Opération isolée et sans suite, mais destinée cependant à faire un peu de bruit.
Coup de pistolet dans l'eau. Affaire ratée.
- COUP DE POING DE LA FIN, s. m. Mot ironique ou cruel, qu'on lance à la fin d'une conversation ou d'un article. Argot des gens de lettres.
- COUP DE RAGUSE, s. m. Traîtrise, acte déloyal, trahison,—dans l'argot des ouvriers, chez qui le souvenir de la défection de Marmont est toujours vivant. C'est pour eux ce qu'est le coup de Jarnac pour les lettrés.
- COUP DE RIFLE, s. m. Ivresse,—dans l'argot des typographes.
- COUP DE SOLEIL, s. m. Demi-ébriété,—dans l'argot des faubouriens, que le vin allume et dont il éclaire le visage.
- COUP DE TAMPON, s. m. Coup de poing. Argot du peuple.
- COUP DE TORCHON, s. m. Baiser,—dans l'argot des faubouriens, qui sans doute, veulent parler de ceux qu'on donne aux femmes maquillées, dont alors les lèvres essuientle visage.
- COUP DE TORCHON (Se donner un), v. réfl. Se battre en duel ou à coups de poing, comme des gentilshommes ou comme des goujats.
C'est une façon comme une autre d'essuyer l'injure reçue. Même argot.
- COUP DE TRENTE-TROIS CENTIMÈTRES, s. m. Coup de pied. Argot calembourique des faubouriens.
- COUP DE VAGUE, s. m. Vol improvisé.
- COUP DU LAPIN, s. m. Coup féroce que se donnent parfois les voyous dans leurs battures. Il consiste à saisir son adversaire, d'une main par les testicules, de l'autre par la gorge, et à tirer dans les deux sens: celui qui est saisi et tiré ainsi n'a pas même le temps de recommander son âme à Dieu. (V. la Gazette des Tribunaux, mai 1864.)
- COUP DU LAPIN, s. m. Coup plus féroce encore, que la nature vous donne vers la cinquantième année, à l'époque de l'âge critique.
Recevoir le coup du lapin. Vieillir subitement du soir au lendemain; se réveiller avec des rides et les cheveux blancs.
Signifie aussi au figuré: Coup de grâce.
- COUP DU MÉDECIN, s. m. Le verre de vin que l'on boit immédiatement après le potage,—dans l'argot des bourgeois, qui disent quelquefois: «Encore un écu de six francs retiré de la poche du médecin!» Mais dans ce cas, quelque convive prudent ne manque jamais d'ajouter: «Oui... et jeté dans la poche du dentiste!»
- COUP DUR, s. m. Obstacle imprévu; désagrément inattendu,—dans l'argot du peuple.
- COUPE, s. f. Misère,—dans l'argot des voleurs, qui y tombent souvent par leur faute (culpa).
- COUPE-CHOUX, s. m. Sabre de garde national,—dans l'argot du peuple, qui suppose cette arme inoffensive et tout au plus bonne à servir de sécateur.
- COUPE-CUL (A), adv. Sans revanche,—dans l'argot des faubouriens.
- COUPE-FICELLE, s. m. Artificier,—dans l'argot des artilleurs.
- COUPELARD, s. m. Couteau,—dans l'argot des prisons.
- COUPER, v. a. Passer devant une voiture,—dans l'argot des cochers, qui se plaisent à se blesser ainsi entre eux.
- COUPER (La), v. a. Etonner quelqu'un désagréablement en lui enlevant sa maîtresse, son emploi, n'importe quoi, au moment où il s'y attendait le moins.
Le mot date de la maréchale Lefebvre.
On dit volontiers comme elle: Cela te la coupe!
- COUPER (Se), v. réfl. Faire un lapsus linguæ compromettant dans la conversation; commencer un récit scabreux à la troisième personne, et le continuer, sans s'en apercevoir, à la première.
- COUPER CUL, v. n. Abandonner le jeu,—dans l'argot des joueurs.
- COUPER DANS LE PONT, v. n. Donner dans le panneau, croire à ce qu'on vous raconte,—par allusion au pont que font les Grecs en pliant les cartes à un endroit déterminé, de façon à guider la main du pigeon dans la portion du jeu où elle doit couper sans le vouloir.
- COUPER DEDANS, v. n. Se laisser tromper, accepter pour vraie une chose fausse. Argot du peuple.
- COUPER LA GUEULE A QUINZE PAS, v. a. Avoir une haleine impossible à affronter, même à une distance de quinze pas,—dans l'argot des faubouriens, impitoyables pour les infirmités qu'ils n'ont point.
- COUPER LA QUEUE A SON CHIEN, v. a. Faire quelque excentricité bruyante et publique, de façon à attirer sur soi l'attention des badauds,—stratagème renouvelé des Grecs.
- COUPER LE TROTTOIR, v. n. Forcer quelqu'un qui vient sur vous à descendre sur la chaussée, en marchant comme s'il n'y avait personne; ou bien, de derrière passer devant lui sans crier gare.
- COUPER LE SIFFLET A QUELQU'UN, v. a. Le faire taire en parlant plus fort que lui, ou en lui prouvant clairement qu'il a tort, qu'il se trompe.
Signifie aussi Tuer.
- COUPER LES VIVRES. Supprimer tout envoi d'argent ou de pension,—dans l'argot des étudiants, qui n'en meurent pour cela ni de faim ni de soif.
- COUPE-SIFFLET, s. m. Couteau.
- COUPLET DE FACTURE, s. m. Composé uniquement en vue de l'effet, avec des rimes riches et redoublées. Argot des coulisses.
- COUPS DE MANCHE, s. m. Mendiant qui va à domicile porter des lettres-circulaires dans lesquelles il se dépeint comme zouave pontifical, ancien exilé, artiste sans commandes, homme de lettres sans éditeurs,—selon le quartier et la victime choisis.
- COURAILLER, v. n. Faire le libertin,—dans l'argot des bourgeois.
- COURANT, s. m. Truc, secret, affaire mystérieuse,—dans l'argot du peuple.
Connaître le courant. Savoir de quoi il s'agit.
Montrer le courant. Initier quelqu'un à quelque chose.
- COURANTE, s. f. Fluxus ventris,—dans l'argot des bourgeois.
- COURBE, s. f. Épaule,—dans l'argot des voleurs.
Courbe de maxne. Epaule de mouton.
- COUREUR, s. m. Libertin,—dans l'argot des bourgeois.
- COUREUSE, s. f. Fille ou femme qui a plus souci de son plaisir que de sa réputation et qui hante plus les bals que les églises.
- COUREUSE, s. f. Plume à écrire,—dans l'argot des voleurs.
- COURIR, v. n. Libertiner,—dans l'argot des bourgeois.
On dit aussi Courir la gueuse et Courir le guilledou.
- COURIR (Se la). S'en aller de quelque part, s'enfuir,—dans l'argot des faubouriens.
- COURSIER, s. m. Cheval,—dans l'argot des académiciens.
Coursier de fer. Locomotive.
- COURTANGE, s. f. La Courtille,—dans l'argot des voyous.
- COURTAUD DE BOUTANCHE, s. m. Commis de magasin,—dans l'argot des voleurs.
- COUSIN DE MOÏSE, s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante,—dans l'argot du peuple, qui fait allusion aux deux lignes de feu dont sont ornées les tempes du législateur des Hébreux.
- COUSINE, s. f. L'Héphestion des Alexandres de bas étage,—dans l'argot du peuple.
- COUSINE DE VENDANGE, s. f. Fille ou femme qui fait volontiers débauche au cabaret,—dans le même argot.
- COUSSE DE CASTU, s. m. Infirmier d'hôpital,—dans l'argot des voleurs.
J'ai vu écrit conce de castus dans le vieux dictionnaire d'Olivier Chéreau, avec cette définition conforme du reste à la précédente: «Celuy qui porte les salletés de l'hospital à la rivière.»
Cousse ne signifie rien, tandis que conce est une antiphrase ironique et signifie parfumé (de l'italien concio).
- COÛTER LES YEUX DE LA TÊTE, v. n. Extrêmement cher,—dans l'argot des bourgeois.
- COÛTER UNE PEUR ET UNE ENVIE DE COURIR, v. n. Absolument rien, ce que coûtent les objets volés. Argot des faubouriens.
- COUTURASSE, s. f. Couturière,—dans l'argot des voyous.
- COUTURIÈRE, s. f. Courtilière, insecte des jardins,—dans l'argot des enfants, qui ne sont pas très forts en entomologie.
- COUVERCLE, s. m. Chapeau,—dans l'argot des faubouriens, qui prennent l'homme pour un pot.
- COUVERT DE CONSEILLER, s. m. Couvert d'argent démarqué,—dans l'argot des voleurs.
On dit de même Linge de conseiller pour linge volé et démarqué.
- COUVRE-AMOUR, s. m. Chapeau d'homme, quelque forme qu'il affecte,—dans l'argot facétieux des bourgeois, qui voudraient faire croire que leur tête est le siège des passions.
- COUVREUR, s. m. Celui qui ouvre et ferme les portes—dans l'argot des francs-maçons.
- COUVRIR LA JOUE, v. a. Donner un soufflet,—dans l'argot des bourgeois.
- COUVRIR LE TEMPLE, v. a. Fermer les portes,—dans l'argot des francs-maçons.
Faire couvrir le temple à un frère. Le faire sortir.
- COUYON, s. m. Lâche, paresseux,—dans l'argot du peuple, qui mouille l'y d'une façon partiticulière.
- COUYONNADE, s. m. Farce, mauvais tour.
Signifie aussi Niaiserie, chose de peu d'importance.
- COUYONNER, v. n. Manquer de courage.
Signifie aussi Se moquer.
- CCouyonner quelqu'un, v. a. Le faire aller, se moquer de lui.
Signifie aussi: Importuner, agacer,—probris lacessere.
- CRABOSSER, v. n. Bossuer un chapeau, un carton,—dans l'argot des bourgeois.
D'aucuns disent encore comme du temps de Rabelais, Cabosser.
- CRAC-CRIC-CROC, s. m. Onomatopée à l'usage du peuple lorsqu'il veut rendre le bruit d'une chose qui se déchire pièce par pièce, ou qu'il broie avec ses dents.
- CRACHÉ, adj. Ressemblant,—dans l'argot du peuple, à qui La Fontaine et Voltaire ont fait l'honneur d'emprunter cette expectoration.
On dit: C'est lui tout craché. ou C'est son portrait tout craché.
- CRACHER, v. n. Parler.—dans l'argot des ouvriers.
- CRACHER AU BASSINET, v. n. Être forcé de payer,—dans l'argot du peuple.
- CRACHER BLANC, v. n. Avoir soif, pour s'être enivré trop la veille,—dans l'argot du peuple, qui employait cette expression du temps de Rabelais.
On dit aussi Cracher du coton et Cracher des pièces de dix sous.
- CRACHER SES DOUBLURES, v. a. Rendre ses poumons par fragments,comme font les poitrinaires. Même argot.
- CRACHER SON AME, v. a. Mourir,—dans l'argot des infirmiers, qui ne se doutent guère qu'ils emploient là une des plus énergiques expressions latines: Vomere animam, dit Lucrèce. Chrysanthus animam ebulliit, dit un des convives du festin de Trimalcion.
- CRACHER SUR QUELQUE CHOSE, v. n. En faire mépris,—dans l'argot du peuple, qui emploie plus ordinairement cette expression avec la négative: Il ne crache pas sur la vendange, c'est-à-dire il aime le vin.
- CRACHOIR, s. m. Action de bavarder,—dans le même argot.
Tenir le crachoir. Parler.
Abuser du crachoir. Abuser de la facilité qu'on a à parler et de l'indulgence des gens devant qui l'on parle.
- CRAMPER, v. n. Courir,—dans l'argot des faubouriens.
Ils disent aussi Tirer sa crampe.
- CRAMPER (Se), v. réfl. Se cramponner, au propre et au figuré,—dans le même argot.
- CRAMPON, s. m. Homme ennuyeux qui ne lâche pas sa victime et qu'on tuerait sur place,—si le Code ne punissait pas le meurtre, même dans le cas de légitime défense.
- CRÂNE, s. m. Homme audacieux,—dans l'argot du peuple.
Faire son crâne. Faire le fanfaron.
- CRÂNE, adj. Superlatif de Beau, de Fort, d'Eminent, de Bon.
Avoir un crâne talent. Avoir beaucoup de talent.
- CRÂNEMENT, adv. Beaucoup, supérieurement, fortement.
Avoir crânement de talent. En avoir beaucoup.
- CRÂNEUR, s. m. Homme audacieux, ou plutôt fanfaron d'audace.
Faire son crâneur. Parler ou marcher avec aplomb, comme un homme qui ne craint rien.
- CRAPAUD, s. m. Mucosité sèche du nez,—dans l'argot des voyous.
- CRAPAUD, s. m. Cadenas,—dans l'argot des voleurs, qui ont trouvé là une image juste.
- CRAPAUD, s. m. Petit fauteuil bas,—dans l'argot des tapissiers.
- CRAPAUD, s. m. Bourse,—dans l'argot des soldats.
- CRAPAUD, s. m. Apprenti, petit garçon,—dans l'argot des faubouriens.
- CRAPOUSSIN, s. m. Homme de petite taille et de peu d'apparence,—dans le même argot.
- CRAPULADOS, s. m. Cigare de cinq centimes.—dans le même argot.
- CRAQUE, s. f. Menterie,—dans l'argot des enfants et des faubouriens qui ont vu jouer sans doute le Monsieur de Crac dans son petit castel, de Colin d'Harleville.
- CRAQUELIN, s. m. Homme chétif,—dans l'argot des marins, qui d'un coup de poing feraient craquer les os à de plus solides.
- CRAQUER, v. n. Mentir, gasconner à la parisienne.
- CRAQUEUR, s. m. Menteur, Gascon,—de Paris.
- CRASSE, s. m. Lésinerie, indélicatesse,—dans l'argot du peuple, pour qui il semble que les sentiments bas soient l'ordure naturelle des âmes non baptisées par l'éducation.
- CRASSE, s. f. Pauvreté; abjection,—dans le même argot.
Tomber dans la crasse. Déchoir de rang, de fortune; de millionnaire devenir gueux, et d'honnête homme coquin.
- CRASSE DU COLLÈGE, s. f. Manières gauches, empruntées, mêlées de pédantisme,—dans l'argot des gens de lettres.
- CRASSEUX, adj. et s. Avare.
- CRAVATE DE CHANVRE, s. f. Corde,—dans l'argot du peuple.
- CRAVATE DE COULEUR, s. f. Arc-en-ciel,—dans l'argot des faubouriens.
- CRÉATEUR, s. m. Peintre,—dans l'argot des voleurs, qui ont parfois le sens admiratif.
- CRÉATURE, s. f. Synonyme péjoratif de Fille,—dans l'argot des bourgeois.
- CREDO, s. m. Potence,—dans l'argot des voleurs, qu'ils aient voulu faire soit une anagramme de Corde, soit une allusion à la confession du condamné à mort, qui récite son Credo avant de réciter son meâ culpâ.
- CREDO, s. m. Aveu,—dans l'argot des ouvriers, qui ne sont pas tenus de savoir le latin.
Faire son credo. Avouer franchement ses torts.
- CRÈME, s. f. Superlatif de Bon, de Beau, de Fort,—dans l'argot des bourgeois.
La crème des hommes. Le meilleur des hommes.
- CRÊPER LE CHIGNON (Se). Se gourmer, échanger des coups, s'arracher mutuellement les cheveux,—dans l'argot du peuple.
- CRÉPINE, s. f. Bourse,—dans l'argot des voleurs qui savent que les premières bourses ont été des aumônières et que saint Crépin est le patron du cuir.
- CRÉTIN, s. m. Rival littéraire ou artistique,—dans l'argot des peintres et des gens de lettres.
Ils disent aussi goitreux.
- CRÉTINISER (Se), v. réfl. Faire toujours la même chose, avoir les mêmes habitudes,—dans le même argot.
- CREUX, s. m. Voix,—dans l'argot du peuple.
Bon creux. Belle voix, claire, sonore.
Fichu creux. Voix brisée, défaillante, qui «sent le sapin».
- CREUX, s. m. Maison, logis quelconque,—dans l'argot des voyous.
Les voyous anglais disent de même Ken, apocope de Kennel (trou, terrier).
- CREVAISON, s. f. Agonie,—dans l'argot du peuple.
Faire sa crevaison. Mourir.
- CREVANT, adj. Ennuyeux,—dans l'argot des petites dames.
- CREVARD, s. m. Enfant mort-né,—dans l'argot des voyous.
- CREVÉ, s. m. Homme maigre pâle, ruiné de corps et d'âme,—dans l'argot des ouvriers.
Petit crevé. Synonyme de gandin.
- CREVER, v. a. Battre,—à tuer, souvent. Argot des faubouriens.
- CREVER, v. a. Congédier, renvoyer,—dans l'argot des typographes.
- CREVER (Se), v. réfl. Manger avec excès, à en mourir,—dans l'argot du peuple.
- CREVER L'œIL au diable, v. a. Réussir malgré les envieux, faire du bien malgré les ingrats,—dans le même argot.
- CREVETTE, s. f. Petite dame de Breda-Street.
Mot de création tout à fait récente.
- CRIAILLER, v. n. Crier toujours, quereller de paroles,—dans l'argot du peuple.
- CRIBLER, v. n. Crier,—dans l'argot des voleurs.
Cribler à la chienlit ou au charron. Crier au voleur.
Cribler à la grive. Avertir un camarade, en train de travailler, de l'arrivée de la police ou d'importuns quelconques.
- CRIBLEUR DE LANCE, s. m. Porteur d'eau.
- CRIBLEUR DE MALADES, s. m. Celui qui, dans une prison, est chargé d'appeler les détenus au parloir.
- CRIC, s. m., ou CRIQUE, s. f. Eau-de-vie de qualité inférieure,—dans l'argot des faubouriens.
- CRIC-CROC! A ta, ou A votre santé!—dans l'argot du peuple et des voleurs.
- CRIER A LA GARDE, v. n. Se plaindre mal à propos,—comme les gens qui font déranger les hommes d'un poste à propos de rien. Argot du peuple.
- CRIER AU VINAIGRE, v. n. Appeler au secours. Même argot.
- CRIER AUX PETITS PATÉS, v. n. Se dit—dans le même argot—d'une femme en mal d'enfant, qui se plaint d'abord comme Gargamelle faisant le même vœu impie qu'elle, et, après remerciant Dieu et son Grandgousier.
- CRIGNE, s. f. Viande,—dans l'argot des voleurs et des filles.
Ne serait-ce pas une contraction de carogne, mot dérivé du latin caro?
D'un autre côté, je trouve crie et criolle dans le dictionnaire d'Olivier Chéreau, et Bouchet lui donne la signification de Lard. Auquel entendre?
- CRIGNOLIER, s. m. Boucher.
- CRIN, s. m. Personne désagréable d'aspect et de langage.—dans l'argot du peuple.
Être comme un crin. Être de mauvaise humeur.
- CRIN-CRIN, s. m. Violon de barrière,—dans l'argot du peuple.
- CRINS, s. m. pl. Cheveux,—dans l'argot du peuple, qui n'est pas aussi irrespectueux qu'on pourrait le croire au premier abord, puisque La Fontaine a dit:
«Fille se coiffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.»
- CRIQUET, s. m. Homme de petite taille, qui ne compte pas plus qu'un grillon,—dans l'argot du peuple, qui s'incline volontiers devant la Force et méprise volontiers la Faiblesse.
- CRIS DE MERLUCHE, s. m. pl. Cris épouvantables,—comme ceux que poussait Mélusine, la pauvre belle serpente dont Jean d'Arras nous a conservé la touchante histoire.
On dit aussi Crier comme une merlusine.
- CRISTALLISER, v. n. Flâner, se reposer,—dans l'argot des Polytechniciens.
- CROCHER (Se), v. réfl. Se battre à coups de poing et de pied, comme les crocheteurs,—dans l'argot des bourgeois.
- CROCHER UNE PORTE, v. a. La crocheter,—dans l'argot du peuple.
- CROCODILE, s. m. Homme de mauvaise foi ou d'un commerce désagréable,—dans le même argot.
Signifie aussi Créancier.
- CROCS, s. m. pl. Dents,—dans l'argot des faubouriens, qui assimilent volontiers l'homme au chien.
- CROIRE LE PREMIER MOUTARDIER DU PAPE (Se). Se donner des airs d'importance, faire le suffisant, l'entendu,—dans l'argot du peuple, qui a ouï parler du cas que les papes, notamment Clément VII, faisaient de leurs fabricants de moutarde, justement enorgueillis.
- CROMPER, v. a. Sauver quelqu'un,—dans l'argot des prisons.
Cromper sa sorbonne. Sauver sa tête de la guillotine.
- CROMPIRE, s. f. Pomme de terre,—dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot à la Belgique.
- CROQUE-AU-SEL (A la), adv. Aussi simplement que possible,—au propre et au figuré.
- CROQUE-MORT, s. m. Employé des pompes funèbres,—dans l'argot sinistre du peuple.
- CROQUENEAUX, s. m. pl. Souliers,—dans l'argot des faubouriens, qui les font croquer quand ils sont neufs.
Croqueneaux verneaux. Souliers vernis.
- CROQUER, v. n. Faire crier les souliers en marchant,—dans l'argot des enfants et des ouvriers.
- CROQUER, v. a. Dessiner à la hâte,—dans l'argot des artistes.
- CROQUER LE MARMOT. Attendre en vain,—dans l'argot du peuple.
- CROQUET, s. m. Homme d'humeur cassante,—dans le même argot.
Être comme un croquet. Se fâcher sous le moindre prétexte.
- CROSSE, s. f. Avocat général, ministère public,—dans l'argot des voleurs.
Ils disent aussi Crosseur.
- CROSSER, v. n. Sonner,—dans le même argot.
Douze plombes crossent: il est midi ou minuit.
- CROSSER QUELQU'UN, v. a. Médire de lui avec violence, user ses crocs contre sa réputation,—ou jouer avec elle comme les enfants avec la pierre qu'ils chassent devant eux avec la crosse.
- CROSSEUR, s. m. Sonneur de cloches.
- CROTTE, s. f. Misère, abjection,—dans l'argot du peuple.
Tomber dans la crotte. Se ruiner, se déshonorer,—se salir l'âme et la conscience.
Vivre dans la crotte. Mener une vie crapuleuse.
On n'est jamais sali que par la crotte. On ne reçoit d'injures que des gens grossiers.
- CROTTE D'ERMITE, s. f. Poire cuite,—dans l'argot des voleurs.
- CROUPIONNER, v. n. Faire des effets de crinoline,—dans l'argot des faubouriens.
- CROUPIR DANS LE BATTANT, v. n. Se dit d'une indigestion qui se prépare, par suite d'une trop grande absorption de liquide ou de solide.
- CROÛTE, s. f. Tableau mal peint et mal dessiné,—dans l'argot des artistes, qui doivent employer ce mot depuis longtemps, car on le trouve dans les Mémoires secrets de Bachaumont.
- CROÛTON, s. m. Peintre médiocre, qui arrivera peut-être à l'Institut, mais jamais à la célébrité.
- CROÛTONNER, v. n. Peindre détestablement.
- CRUCHE, s. et adj. Imbécile,—dans l'argot du peuple.
Il dit aussi Cruchon.
- CRUCIFIX A RESSORT, s. m. Poignard ou pistolet,—dans l'argot des voleurs.
- CUCURBITACÉ, s. m. Imbécile,—dans l'argot des vaudevillistes, qui prennent des mitaines d'érudits pour appeler les gens melons, ayant lu la satire XIV de Juvénal et le chapitre XXXIX du Satyricon de Pétrone.
- CUIR, s. m. Peau,—dans l'argot du peuple.
Tanner le cuir. Battre.
- CUIR, s. m. Liaison brutale de deux mots, emploi exagéré des t,—dans l'argot des bourgeois, qui se moquent du peuple à cause de cela, sans se douter que cela a fait longtemps partie du langage macaronique.
- CUIRASSIER, s. m. Faiseur de cuirs, homme qui parle mal.
- CUIR DE BROUETTE, s. m. Bois,—dans l'argot du peuple.
Avoir le dessous des arpions doublé en cuir de brouette. Avoir le dessous des pieds aussi dur que du bois.
- CUIR DE POULE, s. m. Gants de femme légers,—dans l'argot des ouvriers gantiers, qui pourtant savent bien que les gants sont faits de peau de chevreau ou d'agneau.
- CUIRE DANS SON JUS, v. n. Avoir très chaud, jusculentus,—dans l'argot du peuple.
- CUISINE, s. f. La préfecture de police,—dans l'argot des voleurs, qui y sont amenés sur les dénonciations des cuisiniers ou coqueurs.
- CUISINE, s. f. Tout ce qui concerne l'ordonnance matérielle d'un journal,—dans l'argot des gens de lettres.
Connaître la cuisine d'un journal. Savoir comment il se fait, par qui il est rédigé et quels en sont les bailleurs de fonds réels.
Faire la cuisine d'un journal. Être chargé de sa composition, c'est-à-dire de la distribution des matières qui doivent entrer dedans, en surveiller la mise en page, la correction des épreuves, etc.
- CUISINE A L'ALCOOL (Faire sa). Boire souvent de l'eau-de-vie,—dans l'argot du peuple.
- CUISINIER, s. m. Dénonciateur,—dans l'argot des prisons.
(V. Coqueur et Mouton.)
Signifie aussi Agent de police.
- CUISINIER, s. m. Avocat,—dans l'argot des voleurs, qui ont eu de fréquentes occasions de constater l'habileté avec laquelle leurs défenseurs savent arranger leur vie avariée, de façon à la rendre présentable à leurs juges.
- CUIT (Être), v. p. Être condamné,—dans le même argot.
- CUITE, s. f. Ivresse,—dans l'argot du peuple.
Avoir sa cuite ou une cuite. Être saoul.
Ils disent aussi Enfant de la fourchette, Mal choisi et Quarantier.
- CULBUTE, s. f. Pantalon,—dans l'argot des voleurs.
- CULBUTE, s. f. Faillite,—dans l'argot des bourgeois.
Faire la culbute. Faire banqueroute.
- Cul de plomb, s. m. Bureaucrate,—dans l'argot des bourgeois.
- CUL DE PLOMB, s. m. Employé sans capacité ou sans ambition, destiné à mourir simple expéditionnaire,—dans l'argot des bureaucrates, qui se rêvent tous le titre de chef de division comme bâton de maréchal.
- CUL GOUDRONNÉ, s. m. Matelot,—dans l'argot du peuple.
- CULOTTE, s. f. Nombre considérable de points, au jeu de dominos,—dans l'argot des bourgeois.
Attraper une culotte. Se trouver à la fin d'une partie, à la tête d'un grand nombre de dominos qu'on n'a pu placer.
- CULOTTE (Avoir une). Être complètement ivre,—dans l'argot des faubouriens, qui, par cette expression, font certainement une allusion scatologique, car l'ivrogne ne sait pas toujours ce qu'il fait...
On dit aussi Prendre une culotte.
- CULOTTÉ, adj. Bronzé, aguerri, rompu au mal et à la misère,—comme une pipe qui a beaucoup servi.
- CULOTTÉ (Être). Être complètement gris,—pour s'être donné une culotte.
- CULOTTER, v. n. Noircir,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe spécialement à propos des pipes fumées.
- CULOTTER (Se). Se griser.
On dit aussi Se culotter le nez.
- CULOTTER (Se). Avoir, par suite d'excès de tous genres, le visage d'un rouge brique,—comme cuit au feu des passions.
- CULOTTER (Se). S'aguerrir, s'accoutumer au mal, à la fatigue, à la misère, aux outrages des hommes et de la destinée.
Signifie aussi: Vieillir, devenir hors de service.
- CULOTTEUR DE PIPES, s. m. Pilier d'estaminet, rentier suspect, vaurien,—dans l'argot des bourgeois.
- CUL ROUGE, s. m. Soldat,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion au pantalon garance.
- CUL TERREUX, s. m. Paysan,—dans l'argot des faubouriens; Jardinier de cimetière,—dans l'argot des marbriers.
- CUPIDON, s. m. Chiffonnier,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion à son carquois d'osier.
On dit mieux: Vieux Cupidon.
- CURIEUX, s. m. Le juge d'instruction,—dans l'argot des voleurs, qui, en effet, n'aiment pas à être interrogés et veulent garder pour eux leurs petits secrets.
- CYMBALE, s. f. Lune,—dans le même argot. Sans doute par une ressemblance de forme et de couleur entre cet astre et les gongs de notre musique militaire.
D
- DAB, s. m. Roi, et, plus particulièrement Père,—dans l'argot des voleurs.
Les Anglais ont le même mot pour signaler un homme consommé dans le vice: A rum dabe disent-ils.
- DAB, s. m. Maître, dans l'argot des domestiques; Patron,—dans l'argot des faubouriens.
- DABESSE, s. f. Reine.
- DABICULE, s. m. Fils du patron.
- DABOT, s. m. Préfet de police.
- DABUCHE, s. f. Mère, nourrice.
- DACHE, s. m. Diable,—dans l'argot des voleurs, qui pourtant ne croient ni à Dieu ni à diable.
Envoyer à dache. Envoyer promener, envoyer au diable.
Les ouvriers emploient aussi cette expression.
- DADA, s. m. Cheval,—dans l'argot des enfants.
Fantaisie, manie,—dans l'argot des grandes personnes, plus enfants que les enfants.
- DADAIS, s. m. Imbécile, homme qui fait l'enfant,—dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que le mot a trois cents ans de noblesse.
- DAIM, s. m. Monsieur bien mis, et garni d'un porte-monnaie mieux mis encore, qui se fait gloire et plaisir d'être le mâle de la biche,—dans l'argot des faubouriens, dont la ménagerie s'augmente tous les jours d'une bête curieuse.
Daim huppé. Daim tout à fait riche.
Signifie aussi: imbécile, nigaud.
- DALLE, s. f. Pièce de six francs,—dans l'argot des voleurs, dont l'existence est pavée de ces écus-là.
- DALLE, s. f. Gosier, gorge,—dans l'argot des faubouriens. S'arroser ou Se rincer la dalle. Boire.
- DAME DU LAC, s. f. Femme entretenue, ou qui, désirant l'être, va tous les jours au Bois de Boulogne, autour du lac principal, où abondent les promeneurs élégants et riches. Argot des gens de lettres.
- DAMER LE PION A QUELQU'UN, Le supplanter, lui jouer un tour quelconque pour se venger de lui, lui répondre vertement. Argot des bourgeois.
- DAMER UNE FILLE, v. a. La séduire,—ce qui, du rang de demoiselle, la fait passer à celui de dame, de petite dame.
- DANDILLER, v. n. Sonner,—dans l'argot des faubouriens.
- DANDILLON, s. m. Cloche.
- DANDINETTE, s. f. Correction,—dans l'argot du peuple, qui corrige ses enfants en les faisant danser.
- DANSE, s. f. Coups donnés ou reçus,—dans le même argot.
Danse soignée. Batterie acharnée.
- DANSE, s. f. Combat,—dans l'argot des troupiers.
- DANSE DU PANIER, s. f. Bénéfice illicite de la cuisinière. Argot du peuple.
On dit aussi: Faire danser l'anse du panier. Quand une cuisinière, revenue du marché, a vidé les provisions que contenait tout à l'heure son panier, elle prend celui-ci par l'anse et le secoue joyeusement pour faire sauter l'argent épargné par elle à son profit, et non à celui de sa maîtresse.
- DANSER, v. n. Exhaler une insupportable odeur,—dans l'argot des faubouriens.
Danser du bec. Avoir une haleine douteuse.
Danser des arpions. Avoir des chaussettes sales.
- DANSER, v. n. Perdre de l'argent; payer ce qu'on ne doit pas.
On dit aussi, à propos d'une somme perdue, volée, ou donnée: La danser de tant.
Faire danser quelqu'un. Se faire offrir quelque chose par lui.
- DANSER (Faire). Battre, donner des coups.
Faire danser ses écus. Dépenser joyeusement sa fortune.
- DANSER (La), v. n. Perdre son emploi, et, par extension, la vie.
Signifie aussi: Être battu.
- DANSER DEVANT LE BUFFET, v. n. N'avoir pas de quoi manger,—dans l'argot du peuple.
- DANSEUR, s. m. Dindon,—dans l'argot des voyous.
- DARDANT, s. m. L'amour,—dans l'argot des voleurs, qui aiment la femme avec excès.
- DARDELLE, s. f. Gros sou,—dans l'argot des gamins, qui s'en servent pour jouer au bouchon.
- DARE-DARE, interj. A la hâte,—dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter cette expression à Diderot, qui s'en est servi dans son Neveu de Rameau.
- DARIOLE, s. f. Soufflet, coup de poing,—dans le même argot.
- DARON, s. m. Père,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot au vieux langage des honnêtes gens.
Daron de la raille ou de la rousse. Préfet de police.
- DARONNE, s. f. Mère.
Daronne du Dardant. Vénus, mère de l'Amour.
Daronne du grand Aure, la Sainte Vierge, mère de Dieu.
- DAUFFE, s. f. Pince de voleur, dont l'extrémité est en queue de dauphin.
- DAUPHIN ou DOS FIN, s. m. Souteneur de filles; homme-poisson ad usum Delphinæ, ou toute autre sainte de même farine ou de même charbon.
- DAVONE, s. f. Prune,—dans l'argot des voleurs.
- DÉ, adv. Oui,—dans l'argot des marbriers de cimetière.
- DÉBACLER, v. a. Ouvrir,—dans l'argot des voleurs.
- DÉBAGOULER, v. a. Parler,—dans l'argot du peuple.
- DÉBALLAGE, s. m. Déshabillé de l'homme ou de la femme,—dans l'argot des faubouriens.
Être volé au déballage. S'apercevoir avec une surprise mêlée de mauvaise humeur, que la femme qu'on s'était imaginée idéalement belle, d'après les exagérations de sa crinoline et les exubérances de son corsage, n'a aucun rapport, même éloigné, avec la Vénus de Milo.
- DÉBARBOUILLER, v. a. Éclaircir une chose, une situation,—dans l'argot du peuple.
Se débarbouiller. Se retirer tant bien que mal d'une affaire délicate, d'un péril quelconque.
Se dit aussi du temps lorsque de couvert il devient serein.
- DÉBARDEUR, s. m. Type du carnaval parisien, inventé il y a une trentaine d'années, et dont il ne reste plus rien aujourd'hui que ce léger fusain:
«Qu'est-ce qu'un débardeur? Un jeune front qu'incline
Sous un chapeau coquet l'allure masculine,
Un corset dans un pantalon.
Un masque de velours aux prunelles ardentes,
Sous des plis transparents des formes irritantes,
Un ange doublé d'un démon.»
- DÉBINAGE, s. m. Médisance, et même calomnie,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉBINE, s. f. État de gêne, misère,—dans le même argot.
J'ai entendu dire Dibène (pour malaise, dépérissement) sur les bords de la Meuse, où l'on parle le wallon, c'est-à-dire le vieux français.
Tomber dans la débine. Devenirpauvre.
- DÉBINER, v. a. Médire,—et même calomnier.
En wallon, on dit: Dibiner, pour être mal à l'aise, en langueur.
Se débiner. S'injurier mutuellement.
- DÉBINER (Se). S'en aller, s'enfuir.
En wallon, on dit Biner pour Fuir.
Se faire déborder. Se faire vomir.
- DÉBOUCLER, v. a. Mettre un prisonnier en liberté,—dans l'argot des voleurs.
- DÉBOURRER, v. a. Déniaiser quelqu'un,—dans l'argot du peuple.
Se débourrer. S'émanciper, se dégourdir.
- DÉBOUSCAILLER, v. a. Décrotter—dans l'argot des voyous.
- DÉBOUSCAILLEUR, s. m. Décrotteur.
- DÉBOUTONNER (Se). Parler franchement, dire ce qu'on a sur le cœur ou dans le ventre. Argot des bourgeois.
- DÉBRIDER, v. n. Ouvrir,—dans l'argot des voleurs.
- DÉBRIDER, v. n. Manger avec appétit,—dans l'argot du peuple, qui assimile l'homme au cheval.
- DÉBRIDOIR, s. m. Clef.
- DÉBUTER, v. n. Viser un but quelconque et s'en approcher le plus possible, afin de savoir qui jouera le premier aux billes, à la marelle, etc. Argot des enfants.
- DÉCADENER, v. a. Déchaîner, débarrasser de ses liens,—dans l'argot des voleurs.
- DÉCALITRE, s. m. Chapeau rond, en forme de boisseau,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉCAMPER, v. n. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot du peuple.
Décamper sans tambour ni trompette. S'en aller discrètement ou honteusement, selon qu'on est bien élevé ou qu'on a été inconvenant.
On dit aussi Décampiller.
- DÉCANAILLER (Se), v. a. Sortir de l'obscurité, de la misère, de l'abjection,—dans le même argot.
- DÉCANILLER, v. n. Déguerpir, partir comme un chien,—dans le même argot.
On demande pourquoi, ayant sous la main une étymologie si simple et si rationnelle (canis), M. Francisque Michel a été jusqu'en Picardie chercher une chenille.
- DÉCARCASSER (Se), t. réfl. Se démener, s'agiter bruyamment,—dans le même argot.
- DÉCARRADE, s. f. Sortie, départ, fuite,—dans l'argot des voleurs.
- DÉCARRER, v. n. S'en aller de quelque part, s'enfuir.—dans l'argot des voleurs et du peuple.
- DÉCARRER DE BELLE. Sortir de prison sans avoir passé en jugement. Argot des voleurs.
- DÉCARTONNER (Se), v. réfl. Vieillir, ou être atteint de maladie mortelle,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉCATI, adj. et s. Qui n'a plus ni jeunesse, ni beauté, qui sont le cati, le lustre de l'homme et de la femme.
- DÉCATIR (Se), v. réfl. Vieillir, enlaidir, se faner.
- DÉCAVÉ, s. m. Homme ruiné, soit par le jeu, soit par les femmes,—dans l'argot de Breda-Street.
- DÉCHANTER, v. n. Revenir d'une erreur; perdre une illusion; rabattre de ses prétentions,—dans l'argot du peuple, fidèle sans le savoir à l'étymologie (decantare).
- DÈCHE, s. f. Pauvreté, déchet de fortune ou de position,—dans le même argot.
Ce mot, des plus employés, est tout à fait moderne. Privat d'Anglemont en attribue l'invention à un pauvre cabotin du Cirque, qui, chargé de dire à Napoléon dans une pièce de Ferdinand Laloue: «Quel échec, mon empereur!» se troubla et ne sut dire autre chose, dans son émotion, que: «Quelle dèche, mon empereur!»
Être en dèche. Être en perte d'une somme quelconque.
- DÉCHEUX, adj. et s. Homme pauvre, misérable.
- DÉCHIRÉE (N'être pas trop). Se dit—dans l'argot du peuple—d'une femme qui est encore jeune, jolie et appétissante.
On dit aussi N'être pas trop égratignée.
- DÉCHIRER (Ne pas se). Se faire des compliments; se vanter.
- DÉCHIRER DE LA TOILE. Faire un feu de peloton,—dans l'argot des troupiers.
- DÉCHIRER LA CARTOUCHE, v. a. Manger,—dans l'argot des soldats et des ouvriers qui se souviennent de leurs sept ans.
- DÉCHIRER SON HABIT, v. a. Mourir,—dans l'argot des tailleurs.
- DÉCHIRER SON TABLIER, v. a. Mourir,—dans l'argot des domestiques.
- DÉCLANCHER (Se), v. réfl. Se démettre l'épaule,—dans l'argot des faubouriens, qui assimilent l'homme au mouton.
- DÉCLOUER, v. a. Dégager des effets du mont-de-piété, du clou.
- DÉCOLLER, v. n. S'en aller de quelque part; quitter une place,—dans l'argot des ouvriers.
- DÉCOLLER LE BILLARD. Mourir.
On dit aussi Dévisser son billard.
- DÉCOMPTE, s. m. Blessure mortelle,—dans l'argot des troupiers, qui savent qu'en la touchant il faut quitter le service et la vie.
- DÉCONFITURE, s. f. Faillite,—dans l'argot des bourgeois.
Être en déconfiture. Avoir déposé son bilan.
- DÉCORS, s. m. pl. Cordons, tabliers, bijoux,—dans l'argot des francs-maçons.
- DÉCOUDRE (En), v. n. Se battre en duel ou à coups de poing,—dans l'argot du peuple et des troupiers.
- DÉCOUVRIR LA PEAU DE QUELQU'UN, v. a. Lui faire dire ce qu'il arait voulu cacher,—dans l'argot du peuple.
- DÉCRASSER UN HOMME, v. a. Lui enlever sa timidité, sa pudeur, sa dignité, sa conscience,—dans l'argot des faubouriens, qui ont des idées particulières sur la propreté.
Pour les filles, Décrasser un homme, c'est le ruiner, et pour les voleurs, c'est le voler,—c'est-à-dire exactement la même chose.
- DÉCROCHER, v. a. Dégager un objet du mont-de-piété,—dans l'argot des ouvriers.
- DÉCROCHER, v. a. Tuer d'un coup de fusil,—dans l'argot des troupiers.
Ils disent aussi Descendre.
- DÉCROCHER SES TABLEAUX, v. a. Opérer des fouilles dans ses propres narines et en extraire les mucosités sèches qui peuvent s'y trouver. Argot des rapins.
- DÉCROCHER UN ENFANT, v. a. Faire avorter une femme,—dans l'argot du peuple.
Se faire décrocher. Employer des médicaments abortifs.
- DÉCROCHEZ-MOI ÇA, s. m. Chapeau de femme,—dans l'argot des revendeuses du Temple.
- DÉCROCHEZ-MOI ÇA, s. m. Boutique de fripier,—dans l'argot du peuple.
Acheter une chose au décrochez-moi ça. L'acheter d'occasion, au Temple ou chez les revendeurs.
- DÉCROTTER UN GIGOT, v. a. N'en rien laisser que l'os,—dans l'argot des ouvriers, qui ont bon appétit une fois à table.
- DÉDURAILLER, v. a. Oter les fers d'un forçat ou les liens d'un prisonnier.
- DÉFARDEUR, s. m. Voleur,—dans l'argot des voyous.
On dit aussi Doubleur.
- DÉFARGUER, v. n. Pâlir,—dans l'argot des voleurs, pour qui farguer c'est rougir.
- DÉFARGUEUR, s. m. Témoin à décharge, assez maître de lui pour mentir sans rougir.
- DÉFENDRE SA QUEUE, v. a. se défendre quand on est attaqué,—dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un chien.
- DÉFIGER, v. a. Réchauffer,—dans le même argot.
- DÉFILER LA PARADE, v. n. Mourir,—dans l'argot des troupiers, qui blessés en pleine poitrine par un éclat d'obus, trouvent encore le temps de faire le salut militaire à leur chef comme pour lui dire: Ave, Cæsar, morituri te salutant.
- DÉFLEURIR LA PICOURE, v. a. Voler le linge étendu dans les prés ou sur les haies. Argot des prisons.
- DÉFOURAILLER, v. n. Courir,—dans l'argot des voyous.
- DÉFRIMOUSSER, v. a. Défigurer quelqu'un,—dans le même argot.
- DÉFRISER, v. a. Désappointer, contrarier quelqu'un,—dans l'argot du peuple.
- DÉFRUSQUER, v. a. Dépouiller quelqu'un de ses vêtements,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Défrusquiner.
Se défrusquer. Se déshabiller.
- DÉGAINE, s. f. Allures du corps, fourreau de l'âme.—dans l'argot du peuple, qui n'emploie ordinairement ce mot qu'en mauvaise part.
Avoir une belle dégaine. Se dit ironiquement des gens qui n'ont pas de tenue, ou des choses qui sont mal faites.
- DÉGAUCHIR, v. n. Voler.
- DÉGELÉE, s. f.—Coups donnés ou reçus,— dans l'argot des faubouriens.
- DÉGELER, v. n. Se déniaiser, se remettre de son émotion,—dans le même argot.
Signifie aussi: Mourir.
- DÉGINGANDÉ, adj. s. Qui a mauvaise grâce, au propre et au figuré,—dans l'argot du peuple.
- DÉGINGANDER (Se), v. réfl. Se donner des allures excentriques et de mauvais goût.
- DÉGOBILLADE, s. f. Résultat d'une indigestion,—dans l'argot du peuple.
- DÉGOBILLER, v. a. et n. Avoir une indigestion.
- DÉGOMMADE, s. f. Vieillesse, décrépitude naturelle ou précoce,—dans l'argot du peuple.
- DÉGOMMER, v. a. Destituer, casser d'un grade,—dans l'argot des troupiers.
Se dégommer. S'entre-tuer.
- DÉGOMMER (Se), v. réfl. Vieillir, perdre de ses cheveux, de son élégance, de sa fraîcheur,—au propre et au figuré.
- DÉGOTTAGE, s. m. Action de surpasser quelqu'un en force ou en talent, en esprit ou en beauté. Argot des faubouriens.
Signifie aussi: Recherche couronnée de succès.
- DÉGOTTER, v. a. Surpasser, faire mieux ou pis; étonner, par sa force ou par son esprit, des gens malingres ou niais.
Signifie aussi: Trouver ce que l'on cherche.
- DÉGOULINER, v. n. Couler, tomber goutte à goutte des yeux et surtout de la bouche,—dans l'argot du peuple.
- DÉGOURDIR, v. a. Emanciper l'esprit ou les sens de quelqu'un,—dans le même argot.
Se dégourdir. Se débourrer, se débarrasser de ses allures gauches, de la timidité naturelle à la jeunesse.
Signifie aussi: S'amuser.
- DÉGOUTÉ (N'être pas). Prendre le meilleur morceau, choisir la plus jolie femme,—dans le même argot.
- DÉGRAISSER (Se). Maigrir,—dans l'argot du peuple.
- DÉGRAISSER UN HOMME, v. a. Le ruiner,—dans l'argot des petites dames, qui trouvent alors qu'il n'y a pas gras dans ses poches.
- DÉGRINGOLADE, s. f. Ruine, débâcle de fortune,—dans l'argot des bourgeois, témoins des croulements fréquents des parvenus d'aujourd'hui.
- DÉGROSSIR, v. a. Découper des viandes,—dans l'argot des francs-maçons.
- DÉGUEULAS, adj. Dégoûtant,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses.
- DÉGUEULER, v. a. et n. Avoir une indigestion,—dans l'argot du peuple.
- DÉGUEULIS, s. m. Résultat d'une indigestion.
- DÉGUI, s. m. Déguisement—dans l'argot des voleurs.
- DÉGUISER EN CERF (Se), v. réfl. Se retirer avec plus ou moins d'empressement,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉJETÉ, adj. Individu mal fait, laid, maigre, dégingandé,—dans l'argot des ouvriers.
N'être pas trop déjeté. Être bien conservé.
- DÉJEUNER DE PERROQUET, s. m. Biscuit trempé dans du vin, qui permet d'attendre un repas plus substantiel. Argot des bourgeois.
- DE LA BOURRACHE! Exclamation de l'argot des faubouriens, dont il n'est pas difficile de deviner le sens quand on connaît les propriétés sudorifiques de la borrago officinalis.
C'est une expression elliptique très raffinée: Ah! de la bourrache! c'est-à-dire: «Tu me fais suer!»
- DÉLICAT ET BLOND, adj. Se dit ironiquement d'un gandin, d'un homme douillet, quelles que soient la couleur de ses cheveux et la vigueur de son corps. L'expression date d'un siècle.
- DÉLICOQUENTIEUSEMENT, adv. Merveilleusement,—dans l'argot des coulisses.
- DÉLIGE, s. f. Diligence,—dans l'argot des voyous, qui ne parlent pas toujours diligentissimè.
- DÉMANCHER (Se). Se remuer beaucoup, se donner beaucoup de mal, souvent inutilement. Argot du peuple.
- DÉMANTIBULER, v. a. Briser, disjoindre. Même argot.
C'est démandibuler qu'il faudrait dire; la première application de ce verbe a dû être élite à propos de la mâchoire, qui se désarticule facilement.
Se démantibuler. Se séparer, se briser,—au propre et au figuré.
- DÉMAQUILLER, v. a. Défaire une chose faite ou convenue,—dans l'argot des voleurs.
- DÉMARGER, v. a. S'en aller, disparaître, s'enfuir,—dans le même argot.
On disait autrefois Démurger.
- DÉMARRER, v. n. S'en aller; quitter une place pour une autre,—dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot au vocabulaire des marins.
- DÉMÉNAGER, v. n. Perdre la raison, le bon sens, le sang-froid,—dans le même argot.
Signifie aussi: Être vieux, être sur le point de partir pour l'autre monde.
- DÉMÉNAGER A LA FICELLE, v. n. A l'insu du propriétaire, la nuit, avec ou sans cordes, par la fenêtre ou par la porte,—dans l'argot des bohèmes, pour qui le dieu Terme est le diable.
On dit aussi Déménager à la cloche de bois.
Tendre la demi-aune.—Mendier.
- DEMI-CACHEMIRE, s. m. Fille ou femme qui est encore dans les limbes de la richesse et de la galanterie, et qui attend quelque protection secourable pour briller au premier rang des drôlesses.
AU XVIIIe siècle, en appelait ça Demi-castor. Les mots changent, mais les vices restent.
- DEMI-MONDAINE, sub. fém. Femme du demi-monde,—dans l'argot des gens de lettres.
- DEMI-MONDE, s. m. Sphère galante de la société parisienne, dans l'argot de M. Alexandre Dumas fils, qui a fait une pièce là-dessus.
- DEMI-VERTU, s. f. Demoiselle qui est devenue dame de son propre chef, sans passer par l'église ni par la mairie: la chrysalide d'une fille.
- DÉMOC, s. m. Apocope de Démocrate,—dans l'argot du peuple.
Démoc-soc. Démocrate-socialiste.
- DEMOISELLE DU PONT-NEUF, s. f. Femme banale dans le cœur de laquelle tout le Paris galant a le droit de circuler.
- DÉMOLIR, v. a. Critiquer âprement et injustement,—dans l'argot des gens de lettres, qui oublient trop qu'il faut quelquefois dix ans pour bâtir un livre.
- DÉMOLIR, v. a. Tuer,—dans l'argot des faubouriens, qui oublient trop qu'il faut vingt ans pour construire un homme.
- DÉMONÉTISER, v. a. Attaquer la réputation de quelqu'un et le ruiner,—dans l'argot du peuple.
Se démonétiser. Se discréditer, s'amoindrir, se ruiner moralement.
- DÉMORGANER, v. n. Se ranger à un avis, se rendre à une observation,—dans l'argot des voleurs.
- DÉNICHEUR DE FAUVETTES, s. m. Coureur de filles,—dans l'argot du peuple.
- DENT (Avoir de la). Être encore beau cavalier ou jolie femme,—dans l'argot de Breda-Street.
Les petites dames de ce pays cythéréen qui veulent donner à rêver aux hommes disent aussi: Seize ans, toutes ses dents et pas de corset.
Mal de dents. Mal d'amour.
N'avoir plus mal aux dents. Être mort.
- DÉPARLER, v. n. Cesser de parler,—dans l'argot du peuple.
Ne pas déparler. Bavarder fort et longtemps.
- DÉPARLER, v. n. Ne pas savoir ce que l'on dit, parler d'une chose que l'on ne connaît pas. Argot des faubouriens.
- DÉPARTEMENT DU BAS-REIN, s. m. La partie du corps sur laquelle on s'assied, et qui depuis des siècles a le privilège de servir d'aliment à ce qu'on est convenu d'appeler «la vieille gaieté gauloise».
L'expression appartient à l'argot des ouvriers, loustics de leur nature.
- DÉPENDEUR D'ANDOUILLES, s. m. Homme d'une taille exagérée,—dans l'argot du peuple.
- DÉPENSER SA SALIVE, v. a. Parler,—dans le même argot.
On dit aussi Perdre sa salive, dans le sens de: Parler inutilement.
- DÉPIAUTER, v. a. Enlever la peau, l'écorce,—dans le même argot.
Se dépiauter. S'écorcher.
Signifie aussi Se déshabiller.
- DÉPLANQUER, v. a. Retirer des objets d'une cachette ou du plan,—dans l'argot des voleurs.
- DÉPLUMÉ, s. m. et a. Homme chauve,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉPLUMER (Se), v. réfl. Perdre ses cheveux.
- DÉPONER, v. n. Levare ventris onus,—dans l'argot du peuple, pour qui le derrière est le ponant du corps.
- DÉPOSER UNE PÊCHE, v. a. Levare ventris onus,—dans l'argot des ouvriers.
Ils disent aussi Déposer un kilo.
- DÉPOTOIR, s. m. Confessionnal,—dans l'argot des voleurs, qui ont de rares occasions d'y décharger leur conscience, pourtant bien remplie d'impuretés.
- DÉPOTOIR, s. m. «Pot qu'en chambre on demande»,—dans l'argot des faubouriens.
Signifie aussi Coffre-fort.
- DÉPOTOIR, s. m. Prostibulum,—dans l'argot des voyous.
- DÉPUCELEUR DE NOURRICES, s. m. Fat ridicule, cousin germain de l'amoureux des onze mille vierges,—dans l'argot du peuple, qui n'aime pas les Gascons.
- DE QUOI, s. m. Fortune, aisance,—dans le même argot.
Avoir de quoi. Être assuré contre la soif, la faim et les autres fléaux qui sont le lot ordinaire des pauvres gens.
On dit aussi Avoir du de quoi.
- DER, s. m. Apocope de dernier,—dans l'argot des écoliers.
- DÉRALINGUER, v. n. Mourir,—dans l'argot des marins d'eau salée et d'eau douce.
- DÉROYALISER, v. a. Détrôner un roi, enlever à un pays la forme monarchique et la remplacer par la forme républicaine.
L'expression date de la première Révolution et a pour père le conventionnel Peysard.
- DÉSATILLER, v. a. Châtrer,—dans l'argot des voleurs.
- DESCENDRE, v. a. Tuer, abattre d'un coup de fusil,—dans l'argot des soldats et des chasseurs.
- DESCENDRE LA GARDE, v. n. Mourir,—dans l'argot du peuple.
- DESCENTE DE LIT, s. f. Lion que l'esclavage a abruti et qui se laisse donner des coups de cravache par son dompteur sans protester par des coups de griffes.
- DÉSENBONNETDECOTONNER, v. a. Débourgeoiser, donner de l'élégance à quelqu'un ou à quelque chose.
Le mot est de Balzac.
- DÉSENFLAQUER (Se). Se désem...nuyer,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉSENFLAQUER (Se). Se tirer de peine, et aussi de prison,—dans l'argot des voleurs.
- DÉSENFRUSQUINER (Se). Se déshabiller,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉSENTIFLAGE, s. m. Rupture, divorce,—dans l'argot des voleurs.
- DÉSENTIFLER (Se), v. réfl. Se quitter, divorcer.
- DESGRIEUX, s. m. Chevalier d'industrie et souteneur de Manons,—dans l'argot des gens de lettres, qui, avec raison, ne peuvent pardonner à l'abbé Prévost d'avoir poétisé le vice et le vol.
- DÉSHABILLER, v. a. Donner des coups, battre quelqu'un à lui en déchirer ses vêtements,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉSOSSÉ, adj. et s. Homme extrêmement maigre,—dans l'argot du peuple.
- DESSALÉE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,—dans le même argot.
Cette expression, qui a plus d'un siècle, signifie aussi femme rusée, roublarde.
- DESSALER (Se), v. Boire le vin blanc du matin,—dans l'argot des faubouriens, qui dorment volontiers salé, comme Gargantua.
- DESTRIER, s. m. Cheval.—dans l'argot des académiciens, qui ont horreur du mot propre.
Ils disent aussi Palefroi,—dans les grandes circonstances.
- DÉTACHER, v. a. Donner,—dans l'argot du peuple.
Détacher un soufflet. Souffleter quelqu'un.
Détacher un coup de pied. Donner un coup de pied.
- DÉTACHER LE BOUCHON, v. a. Couper la bourse ou la chaîne de montre,—dans l'argot des voleurs.
- DÉTAFFER, v. a. Aguerrir quelqu'un, l'assurer contre le taf,—dans l'argot des voyous.
- DÉTAIL, s. m. Chose grave que l'on traite en riant,—dans l'argot du peuple.
C'est un détail! signifie: Cela n'est rien!—même lorsque c'est quelque chose d'important, d'excessivement important, fortune perdue ou coups reçus.
- DÉTALER, v. n. S'enfuir, s'en aller sans bruit,—dans le même argot.
- DÉTAROQUER, v. a. Démarquer du linge,—dans l'argot des voleurs, qui ont bien le droit de faire ce que certains vaudevillistes font de certaines pièces.
- DÉTELER, v. n. Renoncer aux jeux de l'amour et du hasard,—dans l'argot des bourgeois, qui connaissent le Solve senescentem d'Horace, mais qui ont de la peine à y obéir.
On dit aussi Enrayer.
On dit aussi Grinchissage à la détourne.
- DÉTOURNEUR, EUSE, s. Individu qui pratique le grinchissage à la détourne.
- DEUX COCOTTES (Les). Le numéro 22,—dans l'argot des joueurs de loto.
- DEUX D'AMOUR, s. m. Le numéro 2,—dans le même argot.
- DEUX SœURS, s. f. pl. Les nates de Martial,—dans l'argot des faubouriens.
- DEUX SOUS DU GARÇON, s. m. pl. Le pourboire que chaque consommateur est forcé—sous peine d'être «mal servi»—de donner aux garçons de café, qui s'achètent des établissements avec le produit capitalisé de cet impôt direct.
- DEVANT DE GILET, s. m. Gorge de femme,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉVEINE, s. f. Malheur constant dans une série d'opérations constantes.
Être en déveine. Perdre constamment au jeu.
- DÉVERGONDÉE, s. f. Fille ou femme qui a toute vergogne bue,—dans l'argot des bourgeoises, qui quelquefois donnent ce nom à une pauvre fille dont le seul crime est de n'avoir qu'un amant.
- DÉVIDAGE, s. m. Long discours, bavardage interminable,—dans l'argot des voleurs.
Dévidage à l'estorgue. Accusation.
- DÉVIDER, v. a. et n. Parler, et, naturellement, bavarder.
Dévider à l'estorgue. Mentir.
Dévider le jar. Parler argot.
On dit aussi Entraver le jar.
- DÉVIDEUR, s. m. Bavard.
- DÉVIERGER, v. a. Séduire une jeune fille et la rendre mère,—dans l'argot du peuple.
- DÉVISAGER, v. a. Egratigner le visage, le meurtrir de coups,—dans le même argot.
Signifie aussi: Regarder quelqu'un avec attention.
- DÉVISSER SON BILLARD, v. a. Mourir,—dans l'argot des faubouriens.
- DÉVISSEUR, s. m. adj. Médisant, débineur,—dans l'argot des gens de lettres et des faubouriens.
- DEVOIR UNE DETTE, v. a. Avoir promis un rendez-vous d'amour,—dans l'argot des filles, qui sont brouillées avec la grammaire comme avec la vertu, et qui redoutent moins un pléonasme qu'un agent de police.
- DÉVORANT, s. m. Compagnon du Tour de France,—dans l'argot des ouvriers.
- DIABLE, s. m. Agent provocateur,—dans l'argot des voleurs, qui sont tentés devant lui du péché de colère.
- DIABLE, s. m. L'attelabe,—dans l'argot des enfants, qui ont été frappés de la couleur noire de cet insecte et de ses deux mandibules cornées.
- DIABLE (A la), adv. Avec précipitation, sans soin, sans précaution,—dans l'argot du peuple.
- DIABLE AU VERT (Au). Très loin,—dans le même argot.
Un grand nombre de savantes personnes veulent que cette expression populaire vienne du château de Vauvert, sur l'emplacement duquel fut jadis bâti le couvent des Chartreux, lui-même depuis longtemps remplacé par le bal de la Grande chartreuse ou Bal Bullier: je le veux bien, n'ayant pas assez d'autorité pour vouloir le contraire, pour prétendre surtout être seul de mon avis contre tant de monde. Cependant je dois dire d'abord que je ne comprends guère comment les Parisiens du XIVee siècle pouvaient trouver si grande la distance qu'il y avait alors comme aujourd'hui entre la Seine et le carrefour de l'Observatoire; ensuite, j'ai entendu souvent, en province, des gens qui n'étaient jamais venus à Paris, employer cette expression, que l'on dit exclusivement parisienne.