Dictionnaire de la langue verte
- PENDU GLACÉ, s. m. Réverbère. Argot des voleurs.
- PENDULE A PLUMES, s. f. Coq,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont lu la Vie de Bohème.
- PENTE (Avoir une), v. a. Être gris ou commencer à se griser,—dans l'argot des faubouriens.
- PÉPÉE, s. f. Poupée,—dans l'argot des enfants.
- PÉPÈTE, s. f. Pièce d'un sou,—dans l'argot des ouvriers; de cinquante centimes,—dans l'argot des voleurs; d'un franc,—dans l'argot des filles.
- PÉPIE (Avoir la). Avoir soif,—maladie des oiseaux, état normal des ivrognes.
Mourir de la pépie. Avoir extrêmement soif.
- PÉPIN, s. m. Vieux parapluie,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Rifflard.
- PÉPIN, s. m. Enfant—dans l'argot des fantaisistes qui ont lu Shakespeare (Conte d'Hiver).
De l'enfant-pépin sort en effet l'homme-arbre.
- PERCER D'UN AUTRE (En). Raconter une autre histoire; faire une plaisanterie d'un meilleur tonneau.
- PERCHER, v. n. Habiter, loger au hasard,—dans l'argot des bohèmes, qui changent souvent de perchoir, et qui devraient bien changer plus souvent de chemise.
- PERDRE LE GOUT DU PAIN. Mourir,—dans l'argot du peuple.
Faire perdre à quelqu'un le goût du pain. Le tuer.
- PERDRE LE NORD, v. a. Se troubler; s'égarer; dire des sottises ou des folies,—dans l'argot du peuple, qui n'a pas inventé pour rien le mot boussole.
Autrefois on disait Perdre la tramontane, ce qui était exactement la même chose, tramontane étant une corruption de transmontane (transmontanus, ultramontain, au delà des monts, d'où nous vient la lumière).
- PERDRE SES BAS. Ne plus savoir ce que l'on fait, par distraction naturelle ou par suite d'une préoccupation grave.
- PERDRE SON BATON. Mourir,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela probablement par allusion au bâton, ressource unique des aveugles pour marcher droit.
- PERDRE UN QUART, v. a. Aller au convoi d'un camarade,—dans l'argot des tailleurs, qui, pendant qu'ils y sont, perdent bien toute la journée.
- PERDU (L'avoir). N'avoir plus le droit de porter à son corsage le bouquet de fleurs d'oranger symbolique. Argot des bourgeois.
On dit de même, en parlant d'une jeune fille vierge: Elle l'a encore. Je n'ai pas besoin d'ajouter que, dans l'un comme dans l'autre cas, il s'agit de Pucelage.
- PERDU SON BATON (Avoir). Être de mauvaise humeur,—dans l'argot des coulisses.
L'expression date d'Arnal et du Sergent Mathieu, sa pièce de début au théâtre du Vaudeville. Il s'était choisi, pour jouer son rôle, un bâton avec lequel il avait répété et auquel il paraissait tenir beaucoup. Malheureusement, le jour de la première représentation, au moment où il allait entrer en scène, impossible de retrouver le bâton magique! Arnal est furieux et surtout troublé; il entre en scène, il joue, mais sans verve,—et l'on siffle!
- PÈRE AUX ÉCUS, s. m. Homme riche,—dans l'argot du peuple.
- PÈRE FAUTEUIL, s. m. Le cimetière du Père Lachaise,—dans l'argot facétieux des marbriers.
- PÈRE FRAPPART, s. m. Marteau,—dans l'argot du peuple.
- PÈRE LA TUILE (Le). Dieu,—dans l'argot des faubouriens, qui ne sont pas plus irrévérencieux que les peintres qui l'appellent le Père Eternel.
- PÈRE LA VIOLETTE (Le). L'empereur Napoléon Ier,—dans l'argot des bonapartistes, qui disaient cela sous la Restauration, à l'époque où mademoiselle Mars était forcée d'arracher une guirlande de violettes qu'elle avait fait coudre à sa robe dans une pièce nouvelle.
- PÉRITORSE, s. m. Paletot ou redingote,—dans l'argot des étudiants, qui, frais émoulus du collège, n'ont pas de peine à parler grec.
- PERLER, v. a. Travailler avec soin, avec minutie,—dans l'argot des bourgeois.
Perler sa conversation. N'employer, en parlant, que des expressions choisies—et prétentieuses.
- PERLOTTE, s. f. Boutonnière,—dans l'argot des tailleurs, qui perlent ordinairement cette partie des vêtements.
- PERMISSION DE DIX HEURES, s. f. Pardessus de femme, à capuchon, taillé sur le patron du manteau des zouaves, et fort à la mode il y a vingt-ans.
- PÉROU (Ce n'est pas le). Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie ironiquement à propos d'une chose qui ne lui paraît pas difficile à faire, ou qu'on lui vante trop.
Se dit aussi à propos d'une affaire qui ne paraît pas destinée à rapporter de gros bénéfices.
- PERPÈTE, s. f. Apocope de Perpétuité,—dans l'argot des forçats.
- PERROQUET, s. m. Homme qui ne sait que ce qu'il a appris par cœur. Argot du peuple.
- PERROQUET, s. m. Verre d'absinthe,—dans l'argot des troupiers et des rapins, qui font ainsi allusion à la couleur de cette boisson, que l'on devrait prononcer à l'allemande: poison.
Étouffer un perroquet. Boire un verre d'absinthe.
L'expression a été employée pour la première fois en littérature par Charles Monselet.
- PERROQUET DE SAVETIER, s. m. Le merle,—dans l'argot des faubouriens.
On le dit quelquefois aussi de la Pie.
- PERRUQUE, s. f. Cheveux en broussailles, mal peignés,—dans l'argot des bourgeois, ennemis des coiffures romantiques.
- PERRUQUE, s. f. Détournement de matériaux appartenant à l'Etat,—dans l'argot des invalides, souvent commis à leur garde.
Faire une perruque. Vendre ces matériaux.
- PERRUQUE, adj. et s. Vieux, suranné, classique,—dans l'argot des romantiques, qui avaient en horreur tout le siècle de Louis XIV.
Le parti des perruques. L'École classique,—qu'on appelle aussi l'École du Bon Sens.
- PERRUQUEMAR, s. m. Coiffeur,—dans l'argot des faubouriens.
- PERRUQUER (Se). Porter de faux cheveux pour faire croire qu'on en a beaucoup. Argot du peuple.
Du temps de Tabourot, on disait une perruquée en parlant d'une Coquette à la mode qui ajoutait de faux cheveux à ses cheveux naturels,—comme faisaient les coquettes du temps de Martial, comme font les femmes de notre temps. D'où vient cette épigramme du seigneur des Accords:
«Janneton ordinairement
Achepte ses cheveux, et jure
Qu'ils sont à elle entièrement:
Est-elle à vostre advis perjure?»
Vous devinez la réponse: Non, elle n'est point «perjure» parce que ce que nous achetons est nôtre.
- PERSIENNES, s. f. pl. Lunettes,—dans l'argot des voyous.
- PERSIL DANS LES PIEDS (Avoir du). Se dit d'une femme qui a les pieds sales—à force d'avoir marché.
- PERSILLER, v. n. Raccrocher,—dans l'argot des souteneurs de filles.
On dit aussi Aller au persil et Travailler dans le persil.
Francisque Michel, qui se donne tant de peine pour retrouver les parchemins de mots souvent modernes qu'il ne craint pas, malgré cela, de faire monter dans les carrosses du roi, reste muet à propos de celui-ci, pourtant digne de sa sollicitude. Il ne donne que Pesciller, prendre. En l'absence de tout renseignement officiel, me sera-t-il permis d'insinuer que le verbe Persiller pourrait bien venir de l'habitude qu'ont les filles d'exercer leur déplorable industrie dans les lieux déserts, dans les terrains vagues—où pousse le persil?
- PERSILLEUSE, s. f. Femme publique.
Se dit aussi du Jeune homme qui joue le rôle de Giton auprès des Encolpes de bas étage.
- PERTUIS AUX LÉGUMES, s. m. La gorge,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
D'où: Faire tour-mort et demi-clef sur le pertuis aux légumes, pour: Etrangler quelqu'un.
- PESCILLER D'ESBROUFFE, Prendre de force, d'autorité—dans l'argot des voleurs.
- PÈSE ou PÈZE, s. f. Résultat d'une collecte faite entre voleurs libres au profit d'un voleur prisonnier; résultat pesant.
- PESSIGUER, v. a. Ouvrir, soulever,—dans l'argot des voleurs.
Pessiguer une lourde. Ouvrir une porte.
- PET, s. m. Incongruité sonore, jadis honorée des Romains sous le nom de Deus Crepitus, ou dieu frère de Stercutius, le dieu merderet.
Glorieux comme un pet. Extrêmement vaniteux.
Lâcher quelqu'un comme un pet. L'abandonner, le quitter précipitamment.
- PET, s. m. Embarras, manières.
Faire le pet. Faire l'insolent; s'impatienter, gronder.
Il n'y a pas de pet. Il n'y a rien à faire là dedans; ou: Il n'y a pas de mal, de danger.
- PÉTARADE, s. f. Longue suite de sacrifices au dieu Crépitus,—dans l'argot des faubouriens, amis des joyeusetés scatologiques, et grands amateurs de ventriloquie.
- PÉTARD, s. m. Derrière de l'homme ou de la femme.
Se dit aussi pour Coup de pied appliqué au derrière.
- PÉTARD, s. m. Bruit, esclandre.
«N'bats pas l'quart,
Crains l' pétard,
J'suis Bertrand l'pochard!»
- PÉTARDS, s. m. pl. Haricots.
- PÉTASE, s. m. Chapeau ridicule,—dans l'argot des romantiques, qui connaissent leur latin (petasus).
Employé pour la première fois en littérature par Bonnardot (Perruque et Noblesse, 1837).
- PÉTAUDIÈRE, s. f. Endroit tumultueux, où l'on crie tellement qu'il est impossible de s'entendre,—dans l'argot des bourgeois, qui connaissent de réputation la cour du roi Pétaud.
- PET A VINGT ONGLES, s. m. Enfant nouveau-né,—dans l'argot du peuple.
Faire un pet à vingt ongles. Accoucher.
- PÉTER, v. n. Se plaindre à la justice. Argot des voleurs.
- PÉTER DANS LA MAIN, v. n. Être plus familier qu'il ne convient. Argot du peuple.
Signifie aussi: Manquer de parole; faire défaut au moment nécessaire.
- PÉTER PLUS HAUT QUE LE CUL, v. n. Faire le glorieux; entreprendre une chose au-dessus de ses forces ou de ses moyens; avoir un train de maison exagéré, ruineux.
Faire le pet plus haut que le cul, c'est ce que Henry Monnier, par un euphémisme très clair, appelle Sauter plus haut que les jambes.
- PÉTER SON LOF, v. n. Mourir,—dans l'argot des marins, pour qui c'est changer de lof, c'est-à-dire naviguer sur un autre bord.
Ils disent aussi Virer de bord.
- PÉTER SUR LE MASTIC, v. n. Renoncer à travailler; envoyer promener quelqu'un. Argot des faubouriens.
- PÈTE-SEC, s. m. Patron sévère, chef rigide, qui gronde toujours et ne rit jamais.
- PÉTEUR, adj. et s. Homme qui se plaît à faire de fréquents sacrifices au dieu Crépitus.
- PÉTEUX, s. m. Messire Luc, l'éternelle cible aux coups de pied.
- PÉTEUX, s. m. Homme honteux, timide, sans énergie.
- PETIT, s. m. Enfant,—dans l'argot du peuple, qui ne fait aucune différence entre la portée d'une chienne et celle d'une femme.
- PETIT BLANC, s. m. Vin blanc.
- PETIT BONHOMME D'UN SOU, s. m. Jeune soldat.
- PETIT BORDEAUX, s. m. Cigare de cinq centimes, de la manufacture de Tonneins. Argot du peuple.
- PETIT BORDEAUX, s. m. Petit verre de vin de Bordeaux.
- PETIT CAMARADE, s. m. Confrère malveillant, débineur,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression aux acteurs.
Pour la rendre plus ironique, on dit: Bon petit camarade.
Ils disaient encore: l'Autre, le Petit Tondu et le Père la Violette.
- PETIT COCHON, s. m. Dame qu'on n'a pu rentrer assez vite et qui se trouve bloquée dans le camp de l'adversaire. Argot des joueurs de jacquet.
Engraisser des petits cochons. Avoir plusieurs dames bloquées.
- PETITE BIÈRE (Ce n'est pas de la)! Expression de l'argot du peuple qui l'emploie le plus souvent avec ironie, en parlant de choses d'importance ou qu'on veut faire passer pour importantes.
- PETITE CHATTE, s. f. Drôlesse qui joue avec le cœur des hommes comme une véritable chatte avec une véritable souris,—dans l'argot de M. Henri de Kock, romancier, élève et successeur de son père.
- PETITE DAME, s. f. Fille ou femme, grande ou petite, qui depuis plus ou moins de temps, a jeté son bonnet par-dessus les moulins et sa pudeur par-dessus son bonnet et qui fait métier et marchandise de l'amour.
- PETITE FILLE, s. f. Bouteille. Argot des faubouriens.
- PETIT LAIT, s. m. Chose de peu d'importance; vin faible,—dans l'argot des bourgeois.
- PETIT MANTEAU BLEU, s. m. Homme bienfaisant,—dans l'argot du peuple, qui a ainsi consacré le souvenir des soupes économiques de M. Champion.
- PETIT MONDE, s. m. Les membres de la famille, femme et enfants.
Se dit aussi à propos d'une Maîtresse.
- PETIT MONDE, s. m. Lentille,—dans l'argot des voleurs.
- PETIT NOM, s. m. Prénom, nom patronymique,—dans l'argot du peuple, et spécialement celui des petites dames.
C'est le short name des biches anglaises.
- PETIT-NOMMER, v. a. Appeler quelqu'un par son petit nom.
- PETIT PÈRE NOIR, s. m. Broc de vin rouge,—dans l'argot des faubouriens.
Petit père noir de quatre ans. Broc de quatre litres.
- PETITS PAINS (Faire des). Faire l'aimable, le gentil, afin de se rabibocher. Argot des coulisses.
- PETIT TONDU (Le). L'empereur Napoléon Ier,—dans l'argot des invalides.
- PÉTONS, s. m. pl. Pieds,—dans l'argot des enfants, des mères et des amoureux.
- PÉTRA, s. m. Paysan, homme grossier,—dans l'argot des bourgeois.
- PÉTRIN, s. m. Embarras, position fausse; misère,—dans l'argot du peuple, qui geint alors.
Être dans le pétrin jusqu'au cou. Être dans une misère extrême.
On dit aussi Petzouille.
Privat d'Anglemont (Paris-Anecdote) donne à ce mot la signification de Bourgeois, public. Il s'est trompé.
- PEUPLE, s. m. Public,—dans le même argot.
Se foutre du peuple. Insulter à l'opinion reçue, accréditée.
Un faubourien dit volontiers à un autre, lorsqu'il est molesté par lui ou lorsqu'il en reçoit une blague un peu trop forte: Est-ce que tu te fous du peuple?
- PEUPLE, s. et adj. Commun, vulgaire, trivial,—dans l'argot des bourgeoises, qui peut-être s'imaginent être sorties de la cuisse de Jupiter ou d'un Montmorency.
Être peuple. Dire ou faire des choses de mauvais goût.
- PHARAMINEUX, adj. Etonnant, prodigieux, inouï,—dans l'argot du peuple.
- PHARAON, s. m. Roi de n'importe quel pays,—dans l'argot gouailleur des gens de lettres.
- PHARE, s. m. Lampe,—dans l'argot des typographes.
- PHÉNOMÈNE, s. m. Parent qui vient pleurer sur une tombe, ou seulement la visiter,—dans l'argot cruel et philosophique des marbriers de cimetière.
- PHILANTHROPE, s. m. Filou,—dans l'argot des voyous.
- PHILIPPE, s. m. Pièce de cent sous en argent à l'effigie de Louis-Philippe, de Charles X ou de Napoléon,—dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu avoir leurs louis comme les gentilshommes.
- PHILISTIN, s. m. Bourgeois,—dans l'argot des romantiques.
- PHILISTIN, s. m. Vieil ouvrier abruti,—dans l'argot des tailleurs.
- PHILOSOPHE, s. m. Misérable,—dans l'argot du peuple.
- PHILOSOPHES, s. m. pl. Souliers d'occasion,—dans l'argot des ouvriers.
- PHILOSOPHES DE NEUF-JOURS. Souliers percés.
- PHILOSOPHIE, s. f. Misère.
- PHRASEUR, s. m. Beau diseur de phrases, c'est-à-dire bavard,—dans l'argot du peuple.
- PIAFFE, s. f. Orgueil, vantardise, esbrouffe.
- PIAILLER, v. a. Crier.
- PIAILLEUR, s. m. Homme qui aime à gronder, à crier après les gens.
On dit aussi Piaillard.
- PIANE-PIANE, adv. Doucement, piano-piano,—dans l'argot des bourgeois.
- PIANOTER, v. n. Toucher du piano, médiocrement ou non,—dans l'argot du peuple, ennemi de cet instrument de bourgeois.
- PIANOTEUR, adj. et s. Amateur qui connaît le piano pour en avoir entendu parler et qui tape dessus comme s'il était sourd—et ses voisins aussi.
Au féminin Pianoteuse.
La piaule a l'air rupin. L'appartement est bon à dévaliser.
- PIAUSSER, v. n. Mentir, blaguer,—dans l'argot des typographes.
- PIAUSSER (Se), v. réfl. Revêtir un vêtement nouveau, une nouvelle peau,—dans l'argot des voyous.
Quelques-uns, puristes du ruisseau, disent Peausser.
- PIAUSSEUR, s. m. Menteur, blagueur.
- PIAUTRE, s. m. Mauvais garnement,—dans l'argot du peuple.
Envoyer au piautre. Envoyer au diable.
Vieille expression se trouvant dans Rétif de la Bretonne.
- PIC (A), adv. A point nommé, à propos, heureusement.
Venir ou Tomber à pic. Arriver au moment le plus opportun.
- PICAILLONS, s. m. pl. Pièces de monnaie,—dans l'argot des faubouriens.
- PICHENET, s. m. Petit vin de barrière agréable,—dans l'argot des ouvriers.
- PICHET, s. m. Litre de vin.
- PICK-POCKET, s. m. Voleur,—dans l'argot des anglomanes et des gens de lettres.
- PICORAGE, s. m. Travail sur les grandes routes,—dans l'argot des voleurs.
- PICOTIN, s. m. Déjeuner ou souper,—dans l'argot du peuple, qui travaille en effet comme un cheval.
Le slang anglais a le mot équivalent dans le même sens (peck).
Gagner son picotin. Travailler avec courage.
- PICOURE, s. f. Haie,—dans l'argot des voleurs, qui, en leur qualité de vagabonds, ont eu de fréquentes occasions de constater que les oiseaux y viennent picorer.
Déflotter la picoure. Voler le linge qui flotte sur les haies.
La picoure est fleurie. Le linge sèche sur les haies.
On dit aussi Picouse.
- PICTON, s. m. Vin bleu, suret—dans l'argot du peuple, qui se pique la langue et le nez en en buvant, surtout comme il en boit. «Il en boit comme un Poitevin,» dirait un étymologiste en s'appuyant sur les habitudes d'ivrognerie qu'on prête aux Pictones.
- PICTONNER, v. n. Boire ferme et longtemps.
On dit aussi Picter et Pictancer.
- PIÈCE, s. m. Lentille,—dans l'argot des voleurs.
Ils disent aussi Entière et Petit Monde.
On dit aussi Rôle de bœuf.
- PIÈCE DE BœUF, s. f. «Grand article de pathos sur les choses du moment qui ouvre les colonnes de Paris.» Argot des journalistes.
On dit aussi Pièce de résistance.
- PIÈCE DE DIX SOUS, s. f. Le derrière du corps humain,—dans l'argot des troupiers.
On dit aussi Double six.
- PIÈCE D'ÉTÉ, s. f. Vaudeville ou drame médiocre,—dans l'argot des comédiens, qui ne jouent leurs bonnes pièces que l'hiver.
- PIÈCE D'ESTOMAC, s. f. Amant,—dans l'argot des filles.
L'expression a plus d'un siècle.
- PIED BLEU, s. m. Conscrit,—dans l'argot des troupiers.
- PIED DE BANC, s. m. Sergent,—dans le même argot.
- PIED DE COCHON, s. m. Pistolet.
- PIED DE NEZ, s. m. Polissonnerie des gamins de Paris, que connaissaient déjà les gamins de Pompéi.
Faire des pieds de nez à quelqu'un. Se moquer de lui.
Avoir un pied de nez. Ne pas trouver ce qu'on cherche; recevoir de la confusion d'une chose ou d'une personne.
- PIED DE NEZ, s. m. Pièce d'un sou,—dans l'argot des voyous.
- PIED-PLAT, s. m. Homme du peuple; goujat,—dans l'argot des bourgeois, qui s'imaginent peut-être avoir le fameux cou-de-pied à propos duquel lady Stanhope fit à Lamartine ces prophéties de grandeurs que devait réaliser en partie la révolution de Février.
- PIEDS A DORMIR DEBOUT, s. m. pl. Pieds plats et spatulés,—dans l'argot du peuple.
- PIEDS DE MOUCHE, s. m. pl. Notes d'un livre, ordinairement imprimés en caractères minuscules,—dans l'argot des typographes.
Et, à ce propos, qu'on me permette de rappeler le quiproquo dont les bibliophiles ont été victimes. On avait attribué à Jamet l'aîné, bibliographe, un livre en 6 vol. in-8o, intitulé: Les Pieds de mouche, ou les Nouvelles Noces de Rabelais (V. la France littéraire de 1769). Or, savez-vous, lecteur, ce que c'était que ces nouvelles noces de maître Alcofribas Nasier? C'étaient les notes—en argot de typographes, pieds de mouche—qui se trouvent dans l'édition de Rabelais de 1732, en 6 vol. pet. in-8o. Faute d'impression au premier abord, et plus tard ânerie dont eût ri François Rabelais à ventre déboutonné.
Avoir avalé le pied de Philoctète. Avoir une haleine digne du pied du fils de Pœan.
- PIE-GRIÈCHE, s. f. Femme criarde et querelleuse,—dans l'argot du peuple, qui a souvent le malheur de tomber, comme Trimalcion, sur une Fortunata pica pulvinaris.
- PIERRE A AFFÛTER, s. f. Le pain,—dans l'argot des bouchers.
- PIERRE A DÉCATIR, s. f. Farce des tailleurs à l'usage de tout nouveau. C'est leur huile de cottrets.
- PIERRE BRUTE, s. f. Pain,—dans l'argot des francs-maçons.
Ils disent aussi Manne.
- PIERRE DE TOUCHE, s. f. Confrontation,—dans l'argot des voleurs.
- PIERREUSE, s. f. Fille ou femme qui, dit F. Béraud, même dans sa sphère de turpitudes, est tombée au plus bas degré de l'abjection. Son nom lui vient de ce qu'elle exerce dans les lieux déserts, derrière des monceaux de démolition, etc.
- PIERROT, s. m. Vin blanc,—dans l'argot des faubouriens.
Asphyxier le pierrot. Boire un canon de vin blanc.
- PIERROT, s. m. Collerette à larges plis, du genre de celle que Debureau a rendue classique.
- PIERROT, s. m. Couche de savon appliquée à l'aide du blaireau sur la figure de quelqu'un,—dans l'argot des coiffeurs, qui emploient ce moyen pour débarbouiller un peu leurs pratiques malpropres, auxquelles ils veulent éviter le masque de crasse que laisserait le passage du rasoir.
Le pierrot n'est en usage que dans les faubourgs, où la propreté est une sainte que l'on ne fête pas souvent.
- PIERROT! Terme de mépris, fréquemment employé par les ouvriers, et qui sert de prologue à beaucoup de rixes,—celui qui est traité de pierrot voulant prouver qu'il a la pince d'un aigle.
Les femmes légères emploient aussi ce mot,—mais dans un sens diamétralement opposé au précédent.
- PIEU, s. m. Lit, couchette,—dans l'argot des faubouriens.
Aller au pieu. Aller se coucher.
Se coller dans le pieu. Se coucher.
Être en route pour le pieu. S'endormir.
- PIEUVRE, s. f. Petite dame, femme entretenue,—dans l'argot des gens de lettres, qui disent cela depuis l'apparition des Travailleurs de la mer, où V. Hugo décrit si magistralement le combat de Giliatt contre un poulpe monstrueux.
L'analogie est heureuse: jamais les drôlesses n'ont été plus énergiquement caractérisées.
«On rit, on se piffe, on se gave!»
chante Vadé en ses Porcherons.
- Se piffer de vin, c'est s'empourprer le visage et spécialement le nez,—le pif alors!
On dit aussi Piton.
- PIFFARD, s. et adj. Homme d'un nez remarquable, soit par son volume, soit par sa couleur.
- PIGE, s. f. Année,—dans l'argot des voleurs.
- PIGE, s. f. Défi,—dans l'argot des écoliers.
Faire la pige. Se défier à jouer, à courir, etc.
- PIGE, s. f. Le nombre de lignes que tout compositeur de journal doit faire dans une heure.
Prendre sa pige. Prendre la longueur d'une page, d'une colonne.
- PIGEON, s. m. Homme qui se laisse volontiers duper par les hommes au jeu et par les femmes en amour.
Avoir son pigeon. Avoir fait un amant,—dans l'argot des petites dames.
Plumer un pigeon. Voler ou ruiner un homme assez candide pour croire à l'honnêteté des hommes et à celle des femmes.
On dit aussi Pigeonneau.
Le mot est vieux,—comme le vice. Sarrazin (Testament d'une fille d'amour mourante, 1768), dit à propos des amants de son héroïne, Rose Belvue:
«. . . . .De mes pigeonneaux
Conduisant l'inexpérience,
Je sus, dans le feu des désirs,
Gagner par mes supercheries
Montres, bijoux et pierreries,
Monuments de leurs repentirs.»
- PIGEON, s. m. Acompte sur une pièce à moitié faite,—dans l'argot des vaudevillistes.
- PIGEONNER, v. a. Tromper.
- PIGER, v. n. Mesurer,—dans l'argot des écoliers lorsqu'ils débutent.
On dit aussi Faire la pige.
- PIGER, v. a. Prendre; appréhender au collet,—dans l'argot du peuple.
Se faire piger. Se faire arrêter, se faire battre.
Signifie aussi S'emparer de... Piger une chaise. Piger un emploi.
- PIGER, v. a. et n. Considérer, contempler, admirer.
Piges-tu que c'est beau? C'est-à-dire: Vois-tu comme c'est beau?
- PIGET, s. m. Château,—dans l'argot des voleurs.
- PIGNOCHER, v. n. Manger avec dégoût, trier les morceaux qu'on a sur son assiette. Argot du peuple.
On disait autrefois Epinocher.
- PIGNOCHER, v. a. Peindre ou dessiner avec un soin méticuleux,—dans l'argot des artistes, ennemis de l'art chinois.
- PIGNOUF ou PIGNOUFLE, s. m. Paysan,—dans l'argot des voyous. Voyou,—dans l'argot des paysans de la banlieue de Paris. Apprenti,—dans l'argot des ouvriers cordonniers. Homme mal élevé,—dans l'argot de Breda-Street.
- PIGOCHE, s. f. Morceau de cuivre, et ordinairement Écrou avec lequel les gamins font sauter un sou placé par terre, en le frappant sur les bords.
Jouer à la pigoche. Faire sauter un sou en l'air. C'est l'enfant qui le fait sauter le plus loin qui a gagné.
- PILE, s. f. Correction méritée ou non,—dans l'argot des faubouriens.
- PILE! Exclamation du même argot, lorsque quelque chose tombe et se casse.
- PILER, v. a. Pousser plus ou moins brutalement,—plutôt plus que moins,—dans l'argot des gamins.
Signifie aussi Battre.
- PILER DU POIVRE. Avoir des ampoules et marcher sur la pointe des pieds, par suite d'une très longue marche,—dans l'argot du peuple.
Se dit également des cavaliers ou amazones novices, par suite d'exercices équestres trop prolongés.
S'emploie aussi pour signifier Médire de quelqu'un en son absence, et S'ennuyer à attendre.
Faire piler du poivre à quelqu'un. Le jeter plusieurs fois par terre, en le maniant avec aussi peu de précaution qu'un pilon.
- PILER LE POIVRE. Monter une faction,—dans l'argot des troupiers.
- PILIER, s. m. Homme qui ne bouge pas plus d'un endroit que si on l'y avait planté. Argot du peuple.
Pilier de cabaret. Ivrogne.
Pilier d'estaminet. Culotteur de pipes.
Pilier de Cour d'assises. Qui a été souvent condamné.
- PILIER DE BOUTANCHE, s. m. Commis,—dans l'argot des voleurs.
Pilier de paclin. Commis voyageur.
Pilier du creux. Patron, maître du logis.
- PILONS, s. m. pl. Les doigts, et spécialement le pouce,—dans le même argot.
- PILOTER, v. a. Conduire, guider,—dans l'argot du peuple.
- PIMBÊCHE, s. f. Femme dédaigneuse,—dans l'argot des bourgeois.
- PIMPELOTTER (Se). S'amuser, rigoler, gobichonner,—dans l'argot des faubouriens.
- PIMPIONS, s. m. pl. Pièces de monnaie,—dans l'argot des voleurs.
- PINÇANTS, s. m. pl. Ciseaux,—dans le même argot.
- PINCEAU, s. m. Plume à écrire,—dans l'argot des francs-maçons.
- PINCEAU, s. m. La main ou le pied,—dans l'argot des faubouriens, qui ont entendu parler du peintre Ducornet.
Détacher un coup de pinceau. Donner un soufflet.
- PINCEAU, s. m. Balai,—dans l'argot des troupiers.
- PINCE-CUL, s. m. Bastringue de la dernière catégorie. Argot du peuple.
- PINCE-DUR, s. m. Adjudant,—dans l'argot des soldats, qui ont la mémoire des punitions subies.
- PINCER, v. n. Être vif,—dans l'argot du peuple.
Cela pince dur. Il fait très froid.
- PINCER, v. a. Voler, filouter,—dans l'argot des faubouriens.
- PINCER, v. a. Prendre sur le fait, arrêter.
Pincer au demi-cercle. Arrêter quelqu'un, débiteur ou ennemi, que l'on guettait depuis longtemps.
- PINCER, v. a. Exécuter.
Pincer le cancan. Le danser.
Pincer de la guitare. En jouer.
Pincer la chansonnette. Chanter.
- PINCER DE LA GUITARE, v. n. Être prisonnier,—par allusion à l'habitude qu'ont les détenus d'étendre les mains sur les barreaux de leur prison ou sur le treillage en fer du parloir grillé.
On dit aussi pincer de la harpe.
- PINCER UN COUP DE SIROP, v. a. Boire à s'en griser un peu,—dans l'argot des faubouriens.
- PINCE-SANS-RIRE, s. m. Homme caustique, qui blesse les gens sans avoir l'air d'y toucher, ou qui dit les choses les plus bouffonnes sans se dérider.
On dit aussi Monsieur Pince-sans-rire.
- PINCE-SANS-RIRE, s. m. Agent de police,—dans l'argot des voleurs.
- PINCETTES, s. f. pl. Mouchettes,—dans l'argot des francs-maçons, qui disent aussi Pinces.
- PINCETTES, s. f. pl. Les jambes,—surtout lorsqu'elles sont longues et maigres. Argot des faubouriens.
- PINCHARD, E, adj. De mauvais goût, un peu canaille,—dans l'argot des gens de lettres.
Se dit surtout à propos de la Voix de certaines filles habituées à parler haut dans les soupers de garçons.
- PINCHARD, s. m. Siège pliant,—dans l'argot des artistes.
- PINGRE, s. et adj. Avare; homme qui pousse l'économie jusqu'au vice. Argot du peuple.
Signifie aussi Voleur.
- PINGRERIE, s. f. Ladrerie.
- PINTER, v. n. Boire abondamment.
- PINXIT, s. m. Peintre,—dans l'argot des artistes, qui font ainsi allusion au verbe latin qu'ils ajoutent toujours à leur nom au bas de leurs toiles.
- PIOCHE, s. f. Le no 7,—dans l'argot des joueurs de loto.
- PIOCHE, s. f. Fourchette,—dans l'argot des francs-maçons.
- PIOCHE, s. f. Travail, besogne quelconque,—dans l'argot des ouvriers.
Se mettre à la pioche. Travailler.
- PIOCHE, s. f. Etude, apprentissage de la science des mathématiques,—dans l'argot des Polytechniciens.
Temps de pioche. Les quinze jours qui précèdent les interrogations générales et pendant lesquels les élèves repassent soigneusement l'analyse, la géométrie et la mécanique.
- PIOCHE (Être). Être bête comme une pioche,—dans l'argot du peuple.
- PIOCHER, v. a. et n. Étudier avec ardeur, se préparer sérieusement à passer ses examens,—dans l'argot des étudiants.
Piocher son examen. Se préparer à le bien passer.
- PIOCHER, v. n. Avoir recours au tas,—dans l'argot des joueurs de dominos, dont la main fouille ce tas.
On dit aussi Aller à la pioche.
- PIOCHER, v. a. Battre, donner des coups à quelqu'un,—dans l'argot des faubouriens.
Se piocher. Se battre.
- PIOCHEUR, s. m. Etudiant qui se préoccupe plus de ses examens que de Bullier, et des cours de l'Ecole que des demoiselles des bastringues du quartier.
- PION, s. m. Maître d'études,—dans l'argot des collégiens, qui le font marcher raide, cet âge étant sans pitié.
- PION (Être). Avoir bu, être ivre-mort,—dans l'argot des typographes.
- PIONCE, s. f. Sommeil,—dans l'argot des faubouriens.
- PIONCER, v. n. Dormir.
- PIONCEUR, adj. et s. Homme qui aime à dormir.
- PIOU, s. m. Soldat.
On dit plutôt Pioupiou.
- PIPE, s. f. Tête, visage.
«Ils dis'nt en la voyant picter:
Sa pipe enfin commence à s'culotter!»
dit une chanson qui court les rues.
- PIPÉ, s. m. Château,—dans l'argot des voleurs.
- PIPELET, s. m. Concierge,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression, qui est une injure, depuis la publication des
Mystères de Paris d'Eugène Sue.
Chapeau-Pipelet. Chapeau de forme très évasée par le haut, comme en porte, dans le roman d'Eugène Sue, la victime de Cabrion.
- PIPER, v. n. Fumer la pipe ou le cigare.
- PIPI, s. m. Résultat du verbe meiere,—dans l'argot des enfants.
Faire pipi. Meiere.
- PIPIT, s. m. L'alouette,—dans l'argot des paysans de la banlieue de Paris.
- PIQUANTE, s. f. Epingle,—dans l'argot des voleurs.
- PIQUE, s. f. Petite querelle d'amis, petite brouille d'amants,—dans l'argot des bourgeois.
- PIQUÉ DES VERS (N'être pas). Être bien conservé, avoir de l'élégance, de la grâce,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens et des choses.
On dit aussi N'être pas piqué des hannetons.
- PIQUE-EN-TERRE, s. f. Volaille quelconque vivante,—dans l'argot des faubouriens.
- PIQUELARD, s. m. Charcutier.
Le mot sort du Théâtre italien de Ghérardi (les Deux Arlequins).
- PIQUE-POUX, s. m. Tailleur,—dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu faire une allusion au mouvement de l'aiguille sur l'étoffe.
On dit aussi Pique-puces et Pique-prunes. Pourquoi ne dit-on pas plutôt Pique-Pouce?
- PIQUER, v. a. Faire quelque chose,—dans l'argot des Polytechniciens.
Piquer l'étrangère. S'occuper d'une chose étrangère à la conversation.
- PIQUER EN VICTIME, v. n. Plonger dans l'eau, les bras contre le corps, au lieu de plonger les mains en avant au-dessus de la tête.
- PIQUER LE NEZ (Se), v. réfl. Boire avec excès, à en devenir ivre,—dans l'argot du peuple.
- PIQUER SA PLAQUE, v. a. Dormir,—dans l'argot des tailleurs.
Signifie aussi, par extension, Mourir.
- PIQUER SON CHIEN. Dormir,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi, Piquer un chien.
D'où vient cette expression? S'il faut en croire M. J. Duflot, elle viendrait de l'argot des comédiens et sortirait de l'Aveugle de Montmorency, une pièce oubliée. Dans cette pièce, l'acteur qui jouait le rôle de l'aveugle, tenant à ne pas s'endormir, avait armé l'extrémité de son bâton d'une pointe de fer qui, par suite du mouvement d'appesantissement de sa main, en cas de sommeil, devait piquer son caniche placé entre ses jambes, et chaque fois que son chien grognait, c'est qu'il avait piqué son chien, c'est-à-dire qu'il s'était laissé aller au sommeil.
- PIQUER UN CINABRE, v. n. Rougir subitement, du front aux oreilles et des oreilles aux mains. Argot des artistes.
- PIQUER UN SOLEIL, v. n. Rougir subitement,—dans l'argot du peuple.
- PIRONIEN, adj. et s. Homme enclin à la gaieté comme les Byroniens à la tristesse; disciple de Lord Piron, le poète gaillard. Argot des gens de lettres.
- PIRONISME, s. m. La gaie science—où excellait Piron.
- PIS, s. m. La gorge de la femme,—dans l'argot malséant du peuple:
«Les femmes, plus mortes que vives,
De crainte de se voir captives,
Et de quelque chose de pis
De la main se battent le pis.»
dit Scarron dans son Virgile travesti.
On dit aussi Envoyer chier.
- PISSER A L'ANGLAISE, v. n. Disparaître sournoisement au moment décisif.
- PISSER AU CUL DE QUELQU'UN, v. a. Le mépriser.—dans l'argot des voyous.
- PISSER CONTRE LE SOLEIL, v. n. Faire des efforts inutiles, se tourmenter vainement.
On connaît l'enfance de Gargantua, lequel «mangeoit sa fouace sans pain, crachoit au bassin, petoit de gresse, pissoit contre le soleil,» etc.
- PISSER DES LAMES DE RASOIR EN TRAVERS (Faire). Ennuyer extrêmement quelqu'un,—dans l'argot des faubouriens, qui n'ont pas d'expression plus énergique pour rendre l'agacement que leur causent certaines importunités.
On dit aussi Faire chier des baïonnettes.
- PISSER DES OS, v. a. Accoucher,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi d'une femme qui met au monde un enfant qu'Elle pisse sa côtelette.
- PISSE-TROIS-GOUTTES, s. m. Homme qui s'arrête à tous les rambuteaux.
On dit parfois: Pisse-trois-gouttes dans quatre pots de chambre, pour désigner un homme qui produit moins de besogne qu'on ne doit raisonnablement en attendre de lui.
- PISSEUSE, s. f. Petite fille.
- PISSOTE, s. f. Endroit où l'on conjugue le verbe Meiere.
Le petit café situé vis-à-vis le théâtre du Palais-Royal n'est pas désigné autrement par les artistes.
- PISSOTER, v. n. Avoir une incontinence d'urine.
- PISTOLE, s. f. Cellule à part,—dans l'argot des prisons, où l'on n'obtient cette faveur que moyennant argent.
Être à la pistole. Avoir une chambre à part.
- PISTOLET, s. m. Homme qui ne fait rien comme personne.
On dit aussi Drôle de pistolet.
- PISTOLET, s. m. Demi-bouteille de champagne.
- PISTON, s. m. Interne ou externe qu'affectionne, que protège le médecin en chef d'un hôpital. Argot des étudiants en médecine.
- PISTON, s. m. Préparateur du cours de physique,—dans l'argot des lycéens.
- PISTON, adj. et s. Remuant, tracassier, ennuyeux,—dans l'argot des aspirants de marine.
- PISTONNER, v. a. et n. Diriger, protéger, aider.
- PISTONNER, v. a. Ennuyer, tracasser, tourmenter.
- PITANCHER, v. n. Boire,—dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le prouvent ces vers de Vadé:
«Le beau sexe lave sa gueule
Et pitanche tout aussi sec
Que si c'étoit du Rometsec.»
- PITON, s. m. Nez d'un fort volume et coloré par l'ivrognerie. Argot des faubouriens.
- PITRE, s. m. Paillasse de saltimbanque; bouffon de place publique.
Par extension on donne ce nom à tout Farceur de société, à tout homme qui amuse les autres—sans être payé pour cela.
- PITRE DU COMME, s. m. Commis voyageur,—dans l'argot des voleurs.
Quant ils veulent être plus clairs, ils disent: Pitre du commerce.
- PITROU, s. m. Pistolet, fusil,—dans le même argot.
- PITUITER, v. d. Médire, faire des indiscrétions, bavarder. Argot des faubouriens.
- PIVERT, s. m. Scie faite d'un ressort de montre,—dans l'argot des voleurs.
- PIVOINER, v. n. Rougir,—dans l'argot du peuple.
- PIVOIS ou PIVE, s. m. Vin,—dans l'argot des voleurs, qui l'appellent ainsi peut-être parce qu'il est rouge comme une pivoine, ou parce qu'il est poivré comme l'eau-de-vie qu'ils boivent dans leurs cabarets infects. En tout cas, avant de leur appartenir, ce mot a appartenu au peuple, qui le réclamera un de ces jours.
Pivois maquillé. Vin frelaté.
Pivois de Blanchimont. Vin blanc.
On dit aussi Pivois savonné.
Pivois citron. Vinaigre.
- PIVOT, s. m. Plume,—dans le même argot.
- PLACARDE, s. f. La place où se font les exécutions,—dans le même argot.
Avant 1830, c'était la place de Grève; sous Louis-Philippe, ç'a été la barrière Saint-Jacques; depuis une douzaine d'années, c'est devant la prison de la Roquette.
On dit aussi Placarde au quart d'œil.
- PLACE, s. f. Chambre meublée ou non,—dans l'argot des ouvriers qui ont été travailler en Belgique.
A Bruxelles, en effet, une chambre seule est une place; deux chambres sont un quartier. (V. ce mot.)
- PLACIER, s. m. Homme qui fait la place de Paris; courtier en marchandises. Argot des marchands.
- PLAFOND, s. m. Crâne, cerveau,—dans l'argot des faubouriens.
Se crever le plafond. Se brûler la cervelle.
- PLAMOUSSE, s. f. Soufflet,—dans l'argot du peuple, qui a dit jadis Mouse pour Visage.
- PLAN, s. m. Le Mont-de-Piété,—dans l'argot des faubouriens.
Être en plan. Rester comme otage chez un restaurateur, pendant qu'un ami est à la recherche de l'argent nécessaire à l'acquit de la note.
Laisser en plan. Abandonner, quitter brusquement quelqu'un, l'oublier, après lui avoir promis de revenir.
Laisser tout en plan. Interrompre toutes ses occupations pour s'occuper d'autre chose.
- PLAN, s. m. Prison,—dans l'argot des voleurs.
Être au plan. Être en prison.
Tomber au plan. Se faire arrêter.
«Quoi tu voudrais que je grinchisse
Sans traquer de tomber au plan?»
dit une chanson publiée par le National de 1835.
- PLAN, s. m. Arrêts,—dans l'argot des soldats.
Être au plan. Être consigné.
- PLAN, s. m. Moyen, imagination, ficelle,—dans l'argot des faubouriens.
Tirer un plan. Imaginer quelque chose pour sortir d'embarras.
Il n'y a pas plan. Il n'y a pas moyen de faire telle chose.
- PLANCHE (Faire sa). Témoigner du dédain, faire sa Sophie,—dans l'argot des faubouriens.
Sans planche. Avec franchise, rondement.
- PLANCHE A TRACER, s. f. Table,—dans l'argot des francs-maçons.
Ils disent aussi Plate-forme et Atelier.
- PLANCHE A TRACER, s. f. Feuille de papier blanc,—dans le même argot.
Signifie aussi Lettre, missive quelconque.
- PLANCHE AU PAIN, s. f. Le banc des accusés,—dans l'argot des prisons.
Être mis sur la planche au pain. Passer en Cour d'assises.
- PLANCHÉ (Être). Être condamné,—dans l'argot des voleurs.
- PLANCHER, v. n. Se moquer, rire,—dans l'argot des voleurs et des faubouriens.
On dit aussi Flancher.
- PLANCHER DES VACHES, s. m. La terre,—dans l'argot du peuple, à qui Rabelais a emprunté cette expression pour la mettre sur les lèvres de ce poltron de Panurge.
- PLANCHES, s. f. La scène, le théâtre en général,—dans l'argot des acteurs.
Balayer les planches. Jouer dans un lever de rideau; commencer le spectacle.
Brûler les planches. Cabotiner. Signifie aussi Débiter son rôle avec un entrain excessif.
- PLANCHES, s. f. L'établi,—dans l'argot des tailleurs.
Avoir fait les planches. Avoir été ouvrier avant d'avoir été patron.
- PLANÇONNER, v. a. Bredouiller,—dans l'argot des coulisses, où l'on a conservé le souvenir du brave Plançon, acteur de la Gaîté.
- PLANQUÉ, s. f. Cachette,—dans l'argot des voleurs.
Être en planque. Être prisonnier.
Signifie aussi Être en observation.
- PLANQUER, v. a. Cacher.
Signifie aussi Emprisonner.
C'est l'ancienne expression: Planter là quelqu'un pour reverdir, mais écourtée et plus elliptique.
- PLANTER LE HARPON, v. a. Lancer une idée, avancer une proposition,—dans l'argot des marins.
- PLANTER SON POIREAU, v. a. Attendre quelqu'un qui ne vient pas,—dans l'argot des faubouriens.
- PLAQUER, v. a. et n. Abandonner, laisser là.
- PLAT D'ÉPINARDS, s. m. Paysage peint,—dans l'argot du peuple et des bourgeois, dédaigneux des choses d'art presque au même degré.
Ils devraient varier leurs épigrammes. Je vais leur en indiquer une, que j'ai entendu sortir de la bouche d'un enfant que l'on interrogeait devant un Corot: «Ça, dit-il, c'est de la salade!»
- PLATEAU, s. m. Plat,—dans l'argot des francs-maçons.
- PLATÉE, s. f. Grande quantité de choses ou de gens,—dans l'argot du peuple, par corruption de Plenté, vieille expression qu'on trouve dans le roman d'Aucassin:
»Se je vois u gaut ramé.
Jà me mengeront li lé,
Li lion et sengler
Dont il i a plenté.» (beaucoup.)
- PLATÉE, PLATELÉE, s. f. La quantité de mets contenue dans un plat.
- PLATINE, s. f. Faconde, éloquence gasconne,—dans le même argot.
Avoir une fière platine. Parler longtemps; mentir avec assurance.
- PLÂTRE, s. m. Argent monnayé,—dans l'argot des voleurs.
- PLATUE, s. f. Galette,—dans le même argot.
- PLEIN (Être). Être ivre—à ne plus pouvoir avaler une goutte, sous peine de répandre tout ce qu'on a précédemment ingéré. Argot du peuple.
On dit aussi explétivement Plein comme un œuf et Plein comme un boudin.
- PLEIN DE SOUPE, s. m. Homme dont le visage annonce la santé.
On dit aussi Gros plein de soupe.
- PLEINE LUNE, s. f. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc.
On dit aussi Demi-lune.
- PLEURANT, s. m. Ognon,—dans l'argot des voleurs.
- PLEURER EN FILOU. Hypocritement, sans larmes,—dans l'argot du peuple.
- PLEURNICHER, v. a. Pleurer mal à propos ou sans sincérité.
- PLEURNICHERIE, s. f. Plainte hypocrite, larmes de crocodile.
- PLEURNICHEUR, s. et adj. Homme qui pleure mal, qui joue la douleur.
Pleurnicheuse. Femme qui tire son mouchoir à propos de rien.
- PLEUTRE, s. m. Pauvre sire, homme méprisable.
S'emploie aussi adjectivement dans le même sens.
- PLEUVOIR A VERSE. Aller mal, très mal,—en parlant des choses ou des gens. Argot des faubouriens.
S'emploie surtout à la troisième personne de l'indicatif présent: Il pleut à verse.
- PLEUVOIR COMME DU CHIEN, v. n. A verse.
Les Anglais ont à peu près la même expression: To rain cats and dogs (Pleuvoir des chiens et des chats), disent-ils. C'est l'équivalent de: Il tombe des hallebardes.
- PLEUVOIR DES CHASSES, v. n. Pleurer. Argot des faubouriens et des voleurs.
- PLIER SES CHEMISES, v. n. Mourir,—dans l'argot du peuple.
- PLIS (Des)! Exclamation faubourienne de la même famille que Des navets! du flan!
- PLOMB, s. m. Gorge, gosier,—dans l'argot des faubouriens.
L'expression est juste, surtout prise ironiquement, le plomb (pour Cuvette en plomb) étant habitué, comme la gorge, à recevoir des liquides de toutes sortes, et la gorge, comme le plomb, s'habituant parfois à renvoyer de mauvaises odeurs.
Jeter dans le plomb. Avaler.
- PLOMB, s. m. Hydrogène sulfuré qui se dégage des fosses d'aisances,—dans l'argot du peuple.
- PLOMB, s. m. Sagette empoisonnée décochée par le «divin archerot.»
- PLOMBE, s. f. Heure,—dans l'argot des voleurs.
Mèche. Demi-heure.
Méchillon. Quart d'heure.
- PLOMBER, v. n. Exhaler une insupportable odeur,—dans l'argot des faubouriens, qui se souviennent des plombs du vieux Paris, plus funestes que ceux de Venise.
Plomber de la gargoine. Fetidum halitum emittere.
- PLOMBER, v. n. Donner à quelqu'un des raisons de se plaindre du «divin archerot».
- PLOMBER, v. n. Être lourd, pesant—comme du plomb.
- PLONGEUR, adj. et s. Homme misérable, déguenillé,—dans l'argot des voleurs. Celui qui lave la vaisselle,—dans l'argot des cuisiniers.
- PLOYANT, s. m. Portefeuille,—dans l'argot des voleurs.
- PLUME, s. f. Monseigneur,—dans le même argot.
- PLUME DE BEAUCE, s. f. La paille,—dans le même argot.
- PLUMER UN HOMME, v. a. Le dépouiller au jeu de l'amour ou du hasard.
- PLUMET, s. m. Ivresse,—dans l'argot des ouvriers.
Avoir son plumet. Être gris.
On dit aussi Avoir son panache.
- PLUS-FINE, s. f. Le stercus humain séché et pulvérisé.
L'expression est vieille—comme toutes les plaisanteries fécales.
«Et dit-on que de la plus fine
Son brun visage fut lavé?...»
(Cabinet satyrique.)
- PLUS SOUVENT! Jamais! Terme de dénégation et de refus. Argot du peuple.
- PLUS SOUVENT, s. m. Sacrifice au Dieu Crépitus.
- PPochard, s. m. Homme qui a l'habitude de s'enivrer.
Malgré tout mon respect pour l'autorité de la parole de mes devanciers et mon admiration pour leur ingéniosité, à propos de ce mot encore, je suis forcé de les prendre à partie et de leur chercher une querelle—non d'Allemand, mais de Français. L'un, fidèle à son habitude de sortir de Paris pour trouver l'acte de naissance d'une expression toute parisienne, prend le coche et s'en va en Normandie tout le long de la Seine, où il pêche un poisson dans les entrailles duquel il trouve, non pas un anneau d'or, mais l'origine du mot pochard: des frais de voyage et d'érudition bien mal employés! L'autre, qui brûle davantage, veut qu'un pochard soit un homme «qui en a plein son sac ou sa poche». Si cette étymologie n'est pas la bonne, elle a au moins le mérite de n'être pas tirée par les cheveux. Mais, jusqu'à preuve du contraire, je croirai que l'ivrogne ayant l'habitude de se battre, de se pocher, on a dû donner tout naturellement le nom de pochards aux ivrognes.
- POCHARDER (Se), v. réfl. S'ivrogner, vivre crapuleusement.
- POCHARDERIE, s. f. Ivrognerie.
- POCHE, s. f. Ivrognesse,—dans l'argot des faubouriens, qui de cochon a déjà fait coche.
On dit aussi Poche, au masculin, à propos d'un ivrogne.
- POCHE-œIL, s. m. Coup de poing appliqué sur l'œil,—dans l'argot au peuple.
On dit aussi Pochon.
- POCHER, v. a. Meurtrir, donner des coups.
Se pocher. Se battre, surtout à la suite d'une débauche de vin.
- POÊLE A CHATAIGNES, s. f. Visage marqué de petite vérole,—par allusion aux trous de la poêle dans laquelle on fait rôtir les marrons.
- POÉTRIAU, s. m. Mauvais poète, rapin du Parnasse.
Le mot est d'H. de Balzac, à qui il répugnait sans doute de dire poétereau,—comme tout le monde.
- POGNE, s. f. Apocope de Poignet,—dans l'argot du peuple.
Avoir de la poigne. Être très fort—et même un peu brutal.
- POGNE-MAIN (A), ad. Lourdement, brutalement, à la main pleine.
- POGNON, s. m. Argent, monnaie qu'on remue à poignée,—dans l'argot des faubouriens.
- Poignard, s. m. Retouche à un vêtement terminé,—dans l'argot des tailleurs et des couturières.
- POIGNARDER LE CIEL, v. a. Se dit—dans l'argot du peuple—de tout ce qui se redresse: cheveux, nez, col, pointe de cravate, etc., etc.
- POIL, s. m. Paresse, envie de flâner,—dans le même argot.
Avoir un poil dans la main, ou tout simplement le poil. N'avoir pas envie de travailler.
Nos pères disaient d'un homme fainéant: «Il est né avec un poil dans la main, et on a oublié de le lui couper.»
- POIL, s. m. Réprimande, objurgation,—dans l'argot des ouvriers paresseux.
- POIL, s. m. Courage,—dans l'argot du peuple, qui, sans croire, comme les Anciens, aux gens qui naissent avec des poils sur le cœur (V. Pline, Histoire naturelle), a raison de supposer que les gens velus de corps sont plus portés à l'énergie que ceux a corps glabre. D'où les deux expressions: Avoir du poil, c'est-à-dire du courage, et Être à poils, c'est-à-dire résolu.
- POIL (Faire le). Surpasser, faire mieux ou plus vite,—dans le même argot.
Signifie aussi: Jouer un tour. Supplanter.
Autrefois on disait Faire la barbe.
- POILS (Être à). Être nu.
Monter à poils. Monter un cheval sans selle.
- POINT, s. m. Pièce d'un franc,—dans l'argot des marchands d'habits.
- POINT DE CÔTÉ, s. m. Tiers gêneur,—celui qui, par exemple, vous empêche, par sa présence, de lever une femme ou de l'emmener après l'avoir levée.
Signifie aussi Créancier.
- POINT DE JUDAS, s. m. Le nombre treize,—dans l'argot du peuple.
- POINTE, s. f. Demi-ivresse,—dans l'argot des faubouriens.
Avoir sa pointe. Être gris.
Avoir une petite pointe. Avoir bu un verre de trop.
- POINT GAMMA. Epoque des examens de fin d'année,—dans l'argot des Polytechniciens, pour qui c'est le temps de l'équinoxe c'est-à-dire celui où le travail de nuit est égal à celui du jour.
- POINT M, s. m. Expression en usage à l'Ecole polytechnique, et qui sert à indiquer la limite dans laquelle on accepte, soit des faits, soit des idées. Ainsi, quand un élève demande à un autre: «Aimes-tu la tragédie?—Euh! répond l'autre, je l'aime jusqu'au point M.»
- POINT Q, s. m. Le derrière humain,—dans l'argot des Polytechniciens.
- POINTU, s. et adj. Homme qui ne plaisante pas volontiers, désagréable à vivre,—dans l'argot du peuple.
- POINTU, s. m. Evêque,—dans l'argot des voyous.
- POINTU, s. m. Clystère,—dans l'argot des bourgeois.
- POIQUE, s. m. Auteur, faiseur de pièces ou de romans. Argot des voleurs.
- POISON, s. f. Femme désagréable, ou de mauvaises mœurs,—dans l'argot du peuple, qui trouve cette polio amère à boire et dure à avaler.
- POISSARDE, s. f. Femme grossière,—dans l'argot des bourgeoises, qui n'aiment pas les gens «un peu trop forts en gueule».
- POISSE, s. m. Voleur,—dans l'argot des voyous.
- POISSER, v. a. Voler.
Poisser des philippes. Dérober des pièces de cinq francs.
- POISSER (Se), v. réfl. S'enivrer,—dans l'argot des faubouriens.
- POISSON, s. m. Grand verre d'eau-de-vie, la moitié d'un demi-setier,—dans l'argot du peuple.
Vieux mot certainement dérivé de pochon, petit pot, dont on a fait peu à peu poichon, posson, puis poisson.
- POISSON, s. m. Entremetteur, souteneur, maquereau.
- POISSON D'AVRIL, s. m. Mauvaise farce, attrape presque toujours de mauvais goût, comme il est encore de tradition d'en faire, chez le peuple le plus spirituel de la terre, le 1er avril de chaque année,—sans doute en commémoration de la Passion de Jésus-Christ.
- POISSON FRAYEUR, s. m. Souteneur de filles,—dans l'argot des marbriers de cimetière, qui ont observé que ces sortes de gens frayaient volontiers, eux pas fiers!
- POITOU, adj. Point, non, nullement,—dans l'argot des voleurs.
- POITOU, s. m. Le public,—dans le même argot.
- POITRINAIRE, adj. Femme qui a beaucoup de gorge. Argot dupeuple.
- POIVRE, s. m. Poisson de mer, parce que salé,—dans le mêmeargot, parfois facétieux.
- POIVRE, adj. Complètement ivre,—dans l'argot des faubouriens, habitués à boire des vins frelatés et des eaux-de-vie poivrées.
Être poivre. Être abominablement gris.
- POIVRE ET SEL (Être). Avoir les cheveux moitié blancs et moitié bruns,—dans l'argot du peuple.
Se dit aussi de la barbe.
- POIVREMENT, s. m. Payement, compte,—dans l'argot des voleurs.
- POIVRER, v. a. Payer.
- POIVRER, v. a. Charger une note, une addition,—dans l'argot des consommateurs.
C'est poivré! C'est cher.
On dit de même: C'est salé.
C'est aussi le nom qu'on donne aux voleurs qui dévalisent les ivrognes.
- POIVRIÈRE, s. f. Fille ou femme galante punie par où elle a péché et exposée à punir d'autres personnes par la même occasion. Argot du peuple.
«Va, poivrière de Saint-Côme,
Je me fiche de ton Jérôme.»
dit un poème de Vadé.
- POIVROT, s. m. Ivrogne,—dans l'argot des faubouriens.
- POLICHINELLE, s. m. Homme amusant, excentrique,—dans l'argot des bourgeois.
- POLICHINELLE, s. m. Enfant,—dans l'argot des faubouriens et des petites dames.
Avoir un polichinelle dans le tiroir. Être enceinte.
- POLICHINELLE, s. m. L'hostie,—dans l'argot des voyous.
Avaler le polichinelle. Communier; recevoir l'extrême-onction.
- POLICHINELLE, s. m. Grand verre d'eau-de-vie,—dans l'argot des chiffonniers, qui aiment à se payer une bosse.
Agacer un polichinelle sur le zinc. Boire un verre d'eau-de-vie sur le comptoir du cabaretier.
- POLI COMME UNE PORTE DE PRISON, adj. Brutal,—dans l'argot ironique du peuple, qui sait avec quel sans-façon les guichetiers vous rejettent la porte au nez.
- POLISSON, s. m. Gamin.
- POLISSON, s. m. Impertinent,—dans l'argot des bourgeois.
- POLISSON, s. m. Libertin,—dans l'argot des bourgeoises.
- POLISSON, s. m. Amas de jupons pour avantager les hanches.
Le mot est de madame de Genlis.
Aujourd'hui on dit mieux Tournure.
- POLISSONNER, v. n. Faire le libertin,—dans l'argot des bourgeois.
- POLITESSE, s. f. Offre d'un verre de vin sur le comptoir,—dans l'argot du peuple qui entend la civilité à sa manière.
Une politesse en vaut une autre. Un canon doit succéder à un autre canon.
- POLKA, s. m. Petit jeune homme qui suit trop religieusement les modes, parce qu'en 1843-44, époque de l'apparition de cette gigue anglaise croisée de valse allemande, il était de bon goût de s'habiller à la polka, de chanter à la polka, de marcher à la polka, de dormir à la polka, etc. A Paris, les ridicules poussent comme sur leur sol naturel: ils ont pour fumier la bêtise.
- POLKA, s. m. Photographie à deux personnages dans un costume non autorisé par la Morale. Argot des modèles.
- POLKA (A la). Très bien, à la mode du jour.
- POLKA, s. f. Correction, danse,—dans l'argot des faubouriens.
Faire danser la polka à quelqu'un. Le battre.
L'expression, quoique injurieuse pour une nation héroïque, mérite d'être conservée, d'abord parce qu'elle est passée dans le sang de la langue parisienne, qui s'en guérira difficilement; ensuite parce qu'elle est, à ce qu'il me semble, une date, une indication historique et topographique. Ne sort-elle pas, en effet, de l'ancienne rue d'Errancis,—depuis rue du Rocher,—au haut de laquelle était le fameux cabaret-guinguette dit de la Petite-Pologne, et ce cabaret n'avait-il pas été fondé vers l'époque du démembrement de la Pologne?
- POLONAIS, s. m. Epouvantail dont on menace les perturbateurs dans les maisons suspectes, mais tolérées. Quand la dame du lieu, à bout de prières, parle de faire descendre le Polonais, le tapage s'apaise comme par enchantement. «Et le plus souvent, dit l'auteur anonyme moderne auquel j'emprunte cette expression, le Polonais n'est autre qu'un pauvre diable sans feu ni lieu, recueilli par charité et logé dans les combles de la maison.»
- POLYTECHNICIEN, s. m. Elève de l'Ecole polytechnique,—dans l'argot des bourgeois.
- POLYTECHNIQUE, s. m. Polytechnicien,—dans l'argot du peuple.
- POMAQUER, v. a. Perdre,—dans l'argot des voleurs.
Être pomaqué. Être arrêté.
- POMMADER, v. a. Battre quelqu'un,—dans l'argot des faubouriens, qui peignent ainsi les gens.
- POMMADER, v. a. Amadouer, peloter.
- POMMADER (Se). Se saoûler.
- POMMADIN, s. m. Coiffeur. Signifie aussi ivrogne.
- POMMADIN, s. m. Gandin, imbécile musqué,—dans l'argot du peuple.
L'expression a été employée pour la première fois en littérature par M. Fortuné Calmels.
- POMME, s. f. Tête,—dans l'argot des faubouriens.
Pomme de canne. Figure grotesque, physionomie bouffonne.
- POMMÉ, - ÉE. Excessif, exorbitant, remarquable.
Bêtise pommée. Grande ou grosse bêtise.
C'est pommé! C'est réussi à souhait.
L'expression ne date pas d'aujourd'hui, puisque je trouve dans le Tempérament (1755):
«Admirez le pouvoir de ce Dieu fou pommé:
Je l'adore et je meurs si je ne suis aimé.»
- POMME-A-VERS, s. m. Fromage de Hollande,—dans l'argot des voleurs.
- POMME D'ADAM, s. f. Le cartilage thyroïde,—que le peuple regarde comme la marque de la pomme que le premier homme mangea dans le Paradis à l'instigation de la première femme, et dont un ou deux quartiers lui restèrent dans la gorge.
- POMMELER (Se), v. réfl. Grisonner.
- POMMES (Aux)! Exclamation de l'argot des faubouriens, qui l'emploient comme superlatif de Bien, de Bon et de Beau.
On dit aussi Bath aux pommes! pour renchérir encore sur l'excellence d'une chose.
Cette expression est l'aïeule des petits ognons et autres petits oiseaux en circulation à Paris.
- POMMIER, s. m. La gorge.
Pommiers en fleurs. Seins de jeune fille.
Pommier stérile. Poitrine maigre et plate.
C'est aux poètes poudrés du XVIIIe siècle que nous devons cette expression faubourienne. Ils ont comparé les seins à des pommes, rappelant à ce propos, en les interprétant à leur façon, le Jugement de Pâris sur le mont Ida et la séduction d'Adam par Eve dans le Paradis terrestre. Il était tout naturel que les pommes ainsi semées par eux produisissent un pommier. Œuf implique forcément l'idée de poule.
- POMPADOUR, adj. Suranné, rococo,—dans l'argot des gens de lettres.
Dans l'argot des artistes, c'est le synonyme de Prétentieux.
- POMPADOUR, adj. Du dernier galant,—dans l'argot des bourgeois.
- POMPAGE, s. m. Action de boire, c'est-à-dire de se griser,—dans l'argot du peuple.
- POMPE, s. f. Retouche,—dans l'argot des tailleurs.
Petite pompe. Retouche des pantalons et des gilets.
Grande pompe. Retouche des habits et des redingotes.
- POMPER, v. a. et n. Boire continuellement,—dans l'argot du peuple.
C'est le to guzzle anglais.
- POMPER. Travailler dur,—dans l'argot des typographes.
- POMPER LE GAZ, v. a. Être le jouet d'une mystification,—dans l'argot des calicots, qui se plaisent à faire monter tout nouveau sur le comptoir et à lui faire manœuvrer des deux mains un mètre à coulisse, la prétendue pompe à gaz.
- POMPETTE, adj. Gris,—dans l'argot du peuple.
L'expression a des chevrons,car on la trouve dans la première édition du Grand Dictionnaire de Pierre Richelet.
- POMPIER, s. m. Ivrogne,—dans l'argot des faubouriens.
- POMPIER, s. m. Mouchoir,—dans l'argot des voyous.
- POMPIER, s. m. Scie chantée à certaines fêtes de l'Ecole polytechnique.
Pompier d'honneur. Scie musicale, spécialement chantée le jour des élections du bureau de bienfaisance de l'Ecole, au commencement du mois de mai.
- POMPIER, s. m. Ouvrier chargé de faire les poignards,—dans l'argot des tailleurs.
Pompière. Ouvrière qui a la même spécialité pour les petites pièces.
- POMPON, s. m. Tête,—dans l'argot des faubouriens.
Dévisser le pompon à quelqu'un. Lui casser la tête d'un coup de poing ou d'un coup de pied.
C'est la même expression que Dévisser le trognon.
- POMPON, s. m. Supériorité, mérite, primauté.
A moi le pompon! A moi la gloire d'avoir fait ce que les autres n'ont pu faire.
Avoir le pompon de la fidélité. Être le modèle des maris ou des femmes.
- POMPONNER (Se), v. réfl. S'attifer, s'endimancher.
- PONANT, s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc,—dans l'argot du peuple.
Ce sont les marins qui ont imaginé le vent du ponant, poner signifiant vesser dans le vieux langage. «La vieille ponoit,» dit Rabelais.
- PONANTE, s. f. Fille publique,—dans l'argot des voleurs.
- PONCIF, s. m. «Formule de style, de sentiment, d'idée ou d'image, qui, fanée par l'abus, court les rues avec un faux air hardi et coquet.»
L'expression, ainsi définie par Xavier Aubryet, est de l'argot des peintres et des gens de lettres.
Faire poncif. Travailler, peindre, écrire sans originalité.
- PONDEUSE, adj. et s. Femme féconde,—dans l'argot du peuple.
- PONDRE SUR SES œUFS, v. n. S'enrichir encore, quand on est déjà suffisamment riche.
- PONDRE UN œUF, v. a. Déposer discrètement, le long d'un mur ou d'une haie, le stercus humain,—dans l'argot du peuple, ami de toutes les plaisanteries qui roulent sur les environs du périnée.
On connaît cette anecdote: Une bonne femme était accroupie, gravement occupée à remplir le plus impérieux de tous les devoirs, car omnes cacant, etiam reges; passe le curé, elle le reconnaît, et, confuse, veut se relever pour lui faire sa révérence; mais le saint homme, l'en empêchant de la voix et de la main, lui dit en souriant: «Restez, ma mie, j'aime mieux voir la poule que l'œuf.»
- PONIFLE, s. f. Fille publique,—dans l'argot des voleurs.
Ils disent aussi Magnuce et Ponisse.
- PONIFLE, s. f. Femme,—dans l'argot des voyous.
- PONIFLER, v. a. Aimer.
- PONSARDISER, v. a. Ennuyer les gens,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont gardé rancune à l'auteur de Lucrèce et d'Agnès de Méranie.
- PONT, s. m. Congé que s'accorde l'employé pour joindre deux autres congés qui lui ont été accordés par ses chefs ou par le calendrier.
Faire le pont. Ne pas venir au bureau le samedi ou le lundi, lorsqu'il y a fête ou congé le vendredi ou le mardi.
- PONT D'AVIGNON, s. m. Fille publique,—dans l'argot des gens de lettres.
- PONTER, v. n. Payer,—dans l'argot des bohèmes.
- PONTES POUR L'AF, s. f. pl. «Galerie des étouffoirs, fripons réunis,»—dit Vidocq.
- PONTEUR, s. m. Entreteneur, miché.
- PONTIFE, s. m. Patron, maître,—dans l'argot des cordonniers.
- PONTONNIÈRE, s. f. Fille de mauvaises mœurs qui exerce sous les ponts.
- POPOTE, s. f. Cuisine,—dans l'argot des troupiers, qui ont trouvé là une onomatopée heureuse: le clapotement du bouillon dans le pot-au-feu, des sauces dans les casseroles, etc.
Signifie aussi Table d'hôte.
- POPOTE, adj. Médiocre,—dans l'argot des gens de lettres et des artistes.
- POPOTER, v. n. Faire sa cuisine.
- POPULO, s. m. Le peuple,—dans l'argot des bourgeois, qui disent cela avec le même dédain que les Anglais the mob.
- POPULO, s. m. Marmaille, grand nombre d'enfants,—dans l'argot des ouvriers.
- PORC-ÉPIC, s. m. Le Saint-Sacrement,—dans l'argot des voleurs.
- POREAU, s. m. Poireau,—dans l'argot du peuple, qui parle beaucoup mieux que ceux qui se moquent de lui, poreau venant d'allium porrum, comme légume, ou de πορος [grec: poros], comme excroissance verruqueuse de la main.
- PORTANCHE, s. m. Portier,—dans l'argot des voleurs.
- PORTANT, s. m. Armature en bois qui forme l'entrée des coulisses et sur laquelle se placent les appliques.
- PORTE-CHANCE, s. m. Le stercus humain,—dans l'argot du peuple, chez qui il est de tradition, depuis un temps immémorial, que marcher là dedans est un signe d'argent et porte bonheur.
- PORTEFEUILLE, s. m. Lit,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux différentes épaisseurs formées par les couvertures et les draps.
S'insérer dans le portefeuille. Se coucher.
- PORTE-LUQUE, s. m. Portefeuille,—dans l'argot des voleurs.
Ils disent aussi Porte-mince.
- PORTE-LYRE, s. m. Poète,—dans l'argot ironique des gens de lettres.
- PORTE-MAILLOT, s. m. Figurante,—dans l'argot des coulisses.
- Porte-manteau, s. m. Epaules,—dans l'argot des faubouriens.
- PORTE-PIPE, s. m. Bouche,—dans le même argot.
- PORTER (En). Être trompé par sa femme,—dans l'argot du peuple, qui fait allusion aux cornes dont la tradition orne depuis si longtemps le front des maris malheureux.
En faire porter. Tromper son mari.
- PORTER A LA PEAU, v. n. Provoquer à l'un des sept péchés capitaux,—dans l'argot de Breda-Street.
On dit aussi Pousser à la peau.
- PORTER LA FOLLE ENCHÈRE, v. n. Payer pour les autres,—dans l'argot des bourgeois.
- PORTER LE BÉGUIN, v. a. Celui des deux époux, nouvellement mariés, qui perd le premier les couleurs de la santé,—dans l'argot du peuple, un peu trop indiscret.
- PORTER LE DEUIL DE SA BLANCHISSEUSE, v. n. Avoir une chemise sale,—dans le même argot.
- PORTER SA MALLE, v. a. Être bossu. Argot des faubouriens.
On dit aussi Porter son paquet.
- PORTER UNE CHOSE EN PARADIS (Ne pas). La payer avant de mourir,—dans l'argot du peuple, qui dit cela surtout à propos des mauvais tours qu'on lui a joués et dont il compte bien tirer vengeance un jour ou l'autre.
- PORTÉ SUR SA BOUCHE (Être). Ne songer qu'à boire et à manger plutôt qu'à travailler,—dans l'argot des bourgeois.
Le peuple—sans connaître le gulæ parens d'Horace—dit: Être porté sur sa gueule.
- PORTE-TRÈFLE, s. m. Pantalon,—dans l'argot des voleurs.
- PORTIER, s. m. Homme qui se plaît à médire,—dans l'argot des artistes.
- PORTRAIT, s. m. Visage,—dans l'argot du peuple.
Dégrader le portrait. Frapper au visage.
- POSE, s. f. Affectation de sentiments qu'on n'a pas,—vices ou vertus; étalage de choses qu'on ne possède pas,—maîtresses ou châteaux. Lacenaire a bien imaginé la pose au meurtre!
- POSE, s. f. Tour,—dans l'argot du peuple qui a emprunté ce mot aux joueurs de dominos qui posent le leur à tour de rôle.
A moi la pose! dit parfois un ouvrier, qui vient de recevoir un coup de pied, en lançant un coup de poing à son adversaire.
- POSER, v. n. Afficher des sentiments ou des vices qu'on n'a pas; se vanter de succès et de richesses imaginaires.
Signifie aussi Tirer avantage de qualités morales ou physiques qu'on a ou qu'on croit avoir.
Poser pour le torse. Passer pour un garçon bâti comme l'Antinoüs.
Poser pour la finesse. Se croire très fin, très malin.
- POSER, v. a. Mettre en évidence.
Se poser. Faire parler de soi.
Se faire poser un gluau. Se faire mettre en prison.
- POSSÉDER SON EMBOUCHURE. Savoir bien jouer de la parole,—cette flûte traversière. Argot des faubouriens.
- POSTE-AUX-CHOUX, s. f. Le canot aux provisions,—dans l'argot des marins.
- P OSTÉRIEUR, s. m. Le derrière,—dans l'argot des bourgeois.
- POSTICHE, s. m. Histoire douteuse,—discours ennuyeux, blague,—dans l'argot des typographes.
- POSTICHE, s. f. Rassemblement sur la voie publique,—dans l'argot des voleurs.
- POSTIGE, s. f. Travail sur les places publiques,—dans l'argot des saltimbanques.
- POSTILLON, s. m. La première dame mise en circulation,—dans l'argot des joueurs de jacquet.
- POSTILLON, s. m. Éclaboussure de salive ou de nourriture que lancent en parlant les gens à qui il manque des dents ou ceux qui ont la malhonnête habitude de parler en mangeant.
«Ces postillons sont d'une maladresse!»
- POSTILLONNER, v. n. Envoyer des postillons au nez des gens,—qui n'aiment pas à voyager.
- POT, s. m. Trou fait au pied d'un mur ou au pied d'un arbre pour bloquer les billes. Argot des gamins.
- POT, s. m. Cabriolet,—dans l'argot des voleurs.
Ils disent aussi Cuiller à pot et Potiron roulant.
- POTACHE, s. m. Camarade ridicule et bête comme un pot,—dans l'argot des lycéens. Voir dans un autre sens Potasseur.
On dit aussi Pot-à-chien.
- POTAGE AVEUGLE, s. m. Potage qui devrait être gras, avoir des yeux de graisse, et qui est maigre. Argot du peuple.
- POTAGER, s. m. Prostibulum,—dans l'argot des voyous, pour qui, sans doute, les femmes sont vraiment les choux sous lesquels poussent les enfants.
- POTARD, s. m. Pharmacien,—dans l'argot des faubouriens.
Plus spécialement Pharmacien militaire.
- POTASSER, v. n. S'impatienter, bouillir de colère ou d'ennui,—dans le même argot.
- POTASSER, v. n. Travailler beaucoup,—dans l'argot des Saint-Cyriens et des lycéens.
- POTASSEUR, s. m. Elève très bien coté à son cours et très mal quant aux aptitudes militaires.
- POT-AU-FEU, s. m. L'endroit le plus charnu du corps humain,—dans l'argot des faubouriens, qui l'ont pris depuis longtemps pour cible de leurs plaisanteries et de leurs coups de pied.
- POT-AU-FEU, s. et adj. Commun, vulgaire, bourgeois,—dans l'argot des petites dames.
Être pot-au-feu. Être mesquin.
Devenir pot-au-feu. Se ranger épouser un imbécile ou un myope incapable de voir les taches de libertinage que certaines femmes ont sur leur vie.
- POT-BOUILLASSER (Se). Se marier de la main gauche ou de la main droite,—dans l'argot des troupiers.
- POT-BOUILLE, s. f. Cuisine,—ou plutôt chose cuisinée. Argot des ouvriers.
Au figuré, Faire sa petite pot-bouille. Arranger ses petites affaires dans l'intérêt de son propre bien-être.
- POTENCE, s. f. Homme ou femme d'une grande rouerie, qui ne vaut pas la corde qu'on achèterait pour les pendre.
On dit aussi Roué comme une potence.
- POTEAUX, s. m. pl. Jambes solides,—dans l'argot des faubouriens.
On se souvient de la définition, par Gavarni, d'une danseuse maigre de partout, et ayant la réputation de ruiner ses amants: «Deux poteaux qui montrent la route de Clichy.»
- POTET, s. et adj. Maniaque, radoteur, vieil imbécile.
On dit aussi Vieux potet,—même à un jeune homme.
Ne serait-ce pas une syncope d'empoté? ou une allusion à la vieille toupie qui sert de potet aux enfants?
- POTIN, s. m. Bavardage de femmes, cancan de portières,—dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot au patois normand.
Faire des potins. Cancaner.
Se faire du potin. Se faire du mauvais sang, s'impatienter à propos de médisance ou d'autre chose.
- POTINER, v. n. Bavarder, faire des cancans, des potins.
- POU AFFAMÉ, s. m. Ambitieux à qui l'on a donné un emploi lucratif et qui veut s'y enrichir en peu de temps.
- POUCE (Avoir du). Avoir de la vigueur; être fièrement campé, crânement exécuté,—dans l'argot des artistes.
- POUDRE DE PERLINPINPIN, s. f. Remède sans efficacité; graine d'attrape,—dans l'argot du peuple.
- POUDRE D'ESCAMPETTE, s. f. Fuite.
Prendre la poudre d'escampette. S'enfuir.
C'est ce qu'on appelait autrefois Faire escampativos.
- POUDRE FAIBLE, s. f. Eau,—dans l'argot des francs-maçons.
On disait autrefois Huile blanche.
Poudre forte. Vin.
On disait autrefois Huile rouge.
Poudre fulminante. Eau-de-vie.
Poudre noire. Café noir liquide.
- POUDRER, v. a. et n. Se moquer,—dans l'argot des gamins, qui font le geste bien connu par lequel ils ont l'air de poudrer la tête de la personne dont ils se moquent.
On dit aussi Poudrer à blanc.
Signifie aussi Banqueroute.
Quoique pouf ait l'air de venir de puff, comme la malhonnêteté vient du mensonge, ce sont des mots d'une signification bien différente, et on aurait tort de les confondre.
- POUFFIASBOURG, n. d. v. Asnières,—dans l'argot des faubouriens, qui savent que ce village est le rendez-vous de la Haute-Bicherie parisienne.
On dit aussi plus élégamment: Gadoûville.
- POUFFIASSE, s. f. Fille ou femme de mauvaise fille.
- POUFFIASSER, v. n. Mener une conduite déréglée—quand on est femme. Fréquenter avec les drôlesses—quand on est homme.
- POUIC! Rien! non!—dans l'argot des voleurs.
- POUILLARD, s. m. Dernier perdreau d'une couvée ou dernier levraut d'une portée. Argot des chasseurs.
- POUILLEUX, adj. et s. Homme pauvre,—dans l'argot méprisant des bourgeois.
Signifie aussi Econome—et même avare.
- POULAILLER, s. m. Partie du théâtre la plus voisine du plafond, ordinairement désignée sous le nom d'Amphithéâtre. Argot du peuple.
- POULAINTE, s. f. Vol par échange.
- POULE LAITÉE, s. f. Homme sans énergie,—dans l'argot du peuple.
Il dit aussi Poule mouillée.
- POULES, s. f. pl. La population d'une abbaye des S'offre-à-tous.
- POULET, s. m. Billet doux, ou lettre raide,—dans l'argot du peuple, qui se sert du même mot que Shakespeare (capon).
- POULET DE CARÊME, s. m. Hareng saur.
Les gueux de Londres appellent le hareng saur Yarmouth capon (chapon de Yarmouth).
- POULET D'HOSPICE, s. m. Homme maigre.
- POULET D'INDE, s. m. Cheval.
- POULET D'INDE, s. m. Imbécile, maladroit.
- POULETTE, s.f. Grisette, femme légère qui se laisse prendre au cocorico des séducteurs bien accrêtés.
Lever une poulette. «Jeter le mouchoir» à une femme, dans un bal ou ailleurs.
- POULEUR, s. m. Souscripteur de poules, parieur de courses.
- POUPARD, s. m. Affaire préparée de longue main,—dans l'argot des voleurs.
- POUPARD, s. m. Nourrisson bien portant,—dans l'argot du peuple.
Gros poupard. Se dit d'un homme aux joues roses, sans barbe, ressemblant à un nourrisson de belle venue.
On a dit autrefois poupin, comme en témoigne cette épigramme du seigneur des Accords:
«Estant popin et mignard,
Tu veus estre veu gaillard;
Mais un homme si popin
Sent proprement son badin.»
- POUPÉE, s. f. Morceau de linge dont on enveloppe un doigt blessé.
On dit aussi Cathau.
- POUPÉE, s. f. Concubine,—dans l'argot du peuple, qui sait que ces sortes de femmes se prennent et se reprennent par les hommes comme les poupées par les enfants.
C'est la mammet des ouvriers anglais.
On dit aussi,—quand il y a lieu: Poupée à ressorts.
- POUPÉE, s. f. Soldat,—dans l'argot des voleurs.
- POUPOUILLE, s. f. Cuisine, popote,—dans l'argot des faubouriens.
- POUPOULE, s. f. Chère amie,—dans l'argot des bourgeois.
- POUR, adv. Peut-être,—dans l'argot des voleurs.
- POUR-COMPTE, s. m. Vêtement marqué dont le client ne veut pas,—dans l'argot des tailleurs.
Armoire aux Pour-compte. C'est le carton aux ours chez les vaudevillistes.
- POUR DE VRAI, adv. Véritablement, sérieusement,—dans l'argot du peuple.
Femme pour de vrai. Femme légitime.
Ami pour de vrai. Ami sûr.
On dit aussi Pour de bon.
- POURRI, adj. et s. Homme vénal, corrompu, ambitieux, qui a laissé pénétrer dans sa conscience le ver du scepticisme et dans son cœur le taret de l'égoïsme.
- POURRI DE CHIC, adj. A la dernière mode et de la première élégance,—dans l'argot des gandins et des petites dames.
- POURRITURISME, s. m. Etat des esprits et des consciences à Paris, ville où l'on s'effémine trop facilement,—dans l'argot du caricaturiste Lorenz, qui affectionne la désinence isme.
- POUSSE, s. f. Les gendarmes,—dans l'argot des voleurs.
- POUSSE (Ce qui se), s. m. Argent, or ou monnaie,—dans l'argot du peuple.
Substantif bizarre,—mais substantif. J'ai entendu dire: «Donne-moi donc de ce qui se pousse.»
- POUSSE-AU-VICE, s. f. Cantharide, et généralement tous les aphrodisiaques. Argot des voleurs.
- POUSSE-CAFÉ, s. f. Petit verre d'eau-de-vie ou de rhum pris après le café,—dans l'argot des bourgeois.
- POUSSE-CAILLOUX, s. m. Fantassin,—dans l'argot des faubouriens.
- POUSSE-CUL, s. m. Sergent de ville,—dans l'argot du peuple, qui sait que ces agents de l'autorité ne prennent pas toujours des mitaines pour faire circuler la foule.
Les aïeux de celui-ci disaient, en parlant d'un des aïeux de celui-là: Chien courant du bourreau.
- POUSSÉE, s. f. Bourrade; coups de coude dans la foule.
Par extension: Reproches, réprimande.
- POUSSÉE, s. f. Besogne pressée, surcroît de travail,—dans l'argot des ouvriers.
- POUSSÉE DE BATEAUX, s. f. Se dit ironiquement—dans l'argot du peuple—d'une chose vantée d'avance et trouvée inférieure à sa réputation, ainsi que de toute besogne ridicule et sans profit.
On dit mieux: Une belle poussée de bateaux!
- POUSSE-MOULIN, s. f. Eau courante,—dans l'argot des voleurs.
- POUSSER, v. n. Surenchérir,—dans l'argot des habitués de l'Hôtel des ventes.
- POUSSER, v. a. et n. Parler,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi: Pousser son glaire.