Dictionnaire de la langue verte
- ROULER DANS LA FARINE, v. a. Tromper, jouer un tour, user de finesse envers des gens trop simples.
- ROULER SA VIANDE DANS LE TORCHON, v. a. Se coucher,—dans l'argot des faubouriens.
- ROULEUR, s. m. Vagabond, homme suspect.
- ROULEUR, s. m. Chiffonnier.
- ROULEUR, s. m. Compagnon du tour de France chargé de présenter les ouvriers aux maîtres et de consacrer leur engagement.
- ROULEUSE, s. f. Femme de mauvaise vie qui roule de quartier en quartier à la recherche de l'homme philosophal. Argot du peuple.
- ROULOTIN, s. m. Roulier,—dans l'argot des voleurs.
- ROULOTTE, s. f. Voiture.
Grinchir une roulotte en salade. Voler sur une voiture.
- ROULOTTIER, s. m. Voleur qui a pour spécialité de dévaliser les voitures.
- ROULURE, s. f. Fille de la dernière catégorie,—dans l'argot des faubouriens.
- ROUMICHIPOTEUSE, s. f. Mijaurée, chipie.
- ROUPANÉ, adj. et s. Décavé aux billes ou à tout autre jeu exigeant une mise. Argot des gamins.
- ROUPIE, s. f. Punaise,—dans l'argot des voyous.
- ROUPIE, s. f. Mucosité de couleur ambrée qui sort du nez des priseurs, et tombe tantôt sur leur chemise, tantôt dans leur potage. Argot des faubouriens.
- ROUPIE DE SINGE, s. f. Rien,—dans l'argot des voleurs.
- ROUPILLER, v. n. Dormir,—dans l'argot des faubouriens, qui emploient ce verbe depuis plus d'un siècle.
Signifie aussi Avoir continuellement une roupie au nez.
- ROUPILLEUR, s. m. Grand dormeur—ou grand priseur.
- ROUPIOU, s. m. Élève en médecine qui s'essaye au métier dans les hôpitaux, sans être interne ni externe. C'est lui qui pose les cataplasmes et les vésicatoires. Argot des étudiants.
On l'appelle aussi Bénévole.
- ROUSCAILLER, v. a. Aimer,—dans l'argot des voleurs.
- ROUSCAILLER BIGORNE, v. n. Parler argot.
- ROUSCAILLEUR, s. m. Libertin.
- ROUSSE, s. f. La police,—dans l'argot des voyous.
- ROUSSE, s. m. Agent de police; sergent de ville.
On dit aussi Roussin.
Rousse à l'arnache. Agent de police de sûreté, qui reçoit unegratification proportionnée à l'utilité des renseignements qu'il donne ou à l'importance des captures qu'il fait faire.
- ROUSSIN, s. m. Baudet,—dans l'argot du peuple.
Se dit aussi d'un Cheval qui fait en marchant de fréquents sacrifices au dieu Crépitus.
- ROUSSINER, v. n. Faire de fréquents sacrifices au dieu Crépitus, sans plus de façon qu'un baudet.
- ROUSTIR, v. a. Tromper, duper,—dans l'argot des voleurs.
Signifie aussi Dévaliser.
- ROUSTISSEUR, s. m. Voleur.
- ROUSTISSEUSE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,—dans l'argot des faubouriens.
- ROUSTISSURE, s. f. Escroquerie.
- ROUSTISSURE. s. f. Blague peu heureuse, rôle de peu d'importance,—dans l'argot des comédiens, qui sans doute ont voulu faire allusion au mot italien rostita, rôtie, maigre chose.
- ROYAUME DES TAUPES, s. m. La terre,—dans l'argot du peuple.
Partir pour le royaume des taupes. Mourir.
- RU, s. m. Ruisseau,—dans l'argot du peuple et des paysans des environs de Paris.
On dit aussi Rio.
L'expression coule de source: ρεω [grec: reô].
«Or beuvez fort tant que rû peut courir,
Ne reffusez, chassant ceste douleur,
Sans empirer un povre secourir,»
dit François Villon à sa maîtresse.
- RUBAN DE QUEUE, s. m. Long chemin, route qui n'en finit pas.
- RUBIS SUR PIEU, loc. adv. Argent comptant,—dans l'argot des faubouriens.
- RUDE, s. f. Chose difficile à croire, événement subit, désagréable,—dans l'argot du peuple.
- RUDE, adj. Courageux.
- RUDEMENT, adv. Extrêmement, remarquablement.
- RUE, s. f. L'espace réservé entre deux portants et figurant un chemin entre deux costières, Argot des coulisses.
- RUE AU PAIN, s. f. Le gosier,—dans l'argot du peuple.
- RUE BARRÉE, s. f. Rue où demeure un créancier,—dans l'argot des débiteurs.
On dit aussi Rue où l'on pave.
A en croire Léo Lespès, cette dernière expression serait due au duc d'Abrantès, fils de la duchesse d'Abrantès, et viveur célèbre.
- RUE DU BEC DÉPAVÉE, s. f. Bouche à laquelle des dents manquent,—dans l'argot des faubouriens.
- RUINE-MAISON, s. m. Homme prodigue, extravagant,—dans l'argot du peuple.
- RUISSELANT D'INOUÏSME, adj. Extraordinairement inouï.
L'expression appartient à M. Philoxène Boyer,—à qui on fera bien de ne pas la voler.
- RUOLZÉ, adj. Ce qui brille sans avoir de valeur intrinsèque, ce qui a une élégance ou une richesse de surface,—par allusion au procédé de dorure et d'argenture découvert par Ruolz.
Existence ruolzée. Vie factice, composée de fêtes bruyantes, de soupers galants, d'amis d'emprunt et de femmes d'occasion, mais dont le bonheur est absent.
Jeunesse ruolzée. C'est notre Jeunesse dorée, et elle vaut moins, quoiqu'elle soit aussi corrompue.
- RUP, adj. Grand, noble, élevé, beau, riche, élégant,—dans l'argot des faubouriens et des filles.
Francisque Michel fait venir ce mot du bohémien anglais rup et de l'indoustan rupa, argent,—d'où roupie. Pendant qu'il y était, pourquoi n'a-t-il pas fait descendre ce mot d'un rocher (rupes) ou d'une falaise (rupina) quelconque?
On dit aussi Rupart.
- RUPIN, s. et adj. Homme riche; fashionable, mis à la dernière mode,—ou plutôt à la prochaine mode. C'est le superlatif de Rup.
«Le rupin même a l'trac de la famine.
Nous la bravons tous les jours, Dieu merci!»
dit la chanson trop connue de M. Dumoulin.
On dit aussi Rupiné.
- RUPINE, s. f. Drôlesse, fille à grands tralalas de toilette et de manières.
- RUSTIQUE, s. m. Greffier,—dans l'argot des voleurs.
- RUSTIQUE, s. m. Décor représentant un intérieur villageois. Argot des coulisses.
- RUSTU, s. m. Greffe.
- RUTIÈRE, s. f. Fille publique d'une catégorie à part décrite par Vidocq (p. 73).
S
- SABLE BLANC, s. m. Sel,—dans l'argot des francs-maçons.
Sable jaune. Poivre.
- SABLER, v. a. Tuer avec une peau remplie de sable,—dans l'argot des voleurs.
- SABLON, s. m. Cassonade,—dans l'argot des faubouriens.
- SABOCHE, s. f. Mauvais ouvrier, personne maladroite,—dans l'argot du peuple.
- SABOCHER, v. a. Travailler sans soin, avec trop de hâte.
- SABOT, s. m. Mauvais billard.
Signifie aussi Mauvais violon.
- SABOT, s. m. Homme qui aime à dormir.
- SABOT, s. m. Toupie plate,—dans l'argot des gamins.
- SABOT, s. m. Canot, barque,—dans l'argot des voleurs.
Aller au sabot. S'embarquer.
- SABOTER, v. a. Bousiller, travailler sans soin, à la hâte. Argot des ouvriers.
- SABOULER, v. a. Gronder, faire des reproches, battre. Argot du peuple.
Signifie aussi: Travailler sans soin, faire de la mauvaise besogne.
L'expression a des chevrons:
«De ton épé' tranchante
Perce mon tendre cœur,
Saboule ton amante,
Ou rends-lui son honneur,»
dit Vadé dans sa chanson des Gardes françaises.
Signifie aussi Mauvais ouvrier, bousilleur.
- SABRENASSER, v. n. et a. Travailler sans goût, bousiller l'ouvrage.
On dit aussi Sabrenauder.
- SABRER, v. a. Faire une chose à la hâte, et, à cause de cela, la mal faire.
- SABREUR, s. m. Matamore, homme qui ne parle que de tuer.
- SABREUR, s. m. Bousilleur, ouvrier qui travaille trop vite pour travailler avec soin.
- SABRI, s. m. Bois, forêt,—dans l'argot des voleurs.
- SABRIEU, s. m. Voleur de bois.
- SAC, s. m. Argent,—dans l'argot des faubouriens, qui prennent le contenant pour le contenu.
Avoir le sac. Être riche, ou seulement avoir de l'argent.
Homme au sac. Homme qui vient d'hériter.
- SAC, s. m. Renvoi, congé,—dans l'argot des ouvriers.
Avoir son sac. Être renvoyé d'un atelier.
Donner son sac. Remercier un patron.
- SAC (Avoir dans son). Posséder, être pourvu ou doué. Argot du peuple.
N'avoir rien dans son sac. N'avoir pas de ressources d'esprit; être sans imagination, sans talent.
Avoir une mauvaise pierre dans son sac. Ne pas jouir d'une bonne santé, être atteint de mélancolie ou de maladie grave.
- SAC (Être ou n'être pas dans le). Être laide ou jolie. Argot des faubouriens.
Cette expression devrait se chanter, comme cette autre, de la même famille:
«Ell' n'est pas mal
Pour foutr' dans l'canal.»
- SAC-A-PAPIER! Juron bourgeois, qui marque l'ennui qu'on éprouve, l'embarras dans lequel on se trouve.
- SACARD, adj. et s. Homme à son aise, ayant le sac.
- SAC AU LARD, s. m. Chemise,—dans l'argot des faubouriens, qui se sont rencontrés dans la même expression avec les voleurs anglais: flesh-bag, disent ceux-ci.
- SAC-A-VIN, s. m. Ivrogne,—dans l'argot du peuple.
C'est le guzzler anglais.
- SAC PLEIN (Avoir le). Être complètement ivre.
Se dit aussi à propos d'une Femme enceinte.
- SACQUÉ (Être). Avoir de l'argent.
- SACQUER, v. a. Congédier, renvoyer,—dans l'argot des ouvriers.
On dit aussi Donner le sac.
Sacquer un bœuf. Renvoyer un ouvrier,—dans l'argot des tailleurs.
On dit aussi Sacré chien tout pur.
- SACRÉ CHIEN, s. m. Feu sacré,—dans l'argot des rapins et des cabotins.
Avoir le sacré chien. Jouer d'inspiration et avec succès. Peindre avec emportement.
- SACREMENT, s. m. Le mariage,—dans l'argot du peuple.
Offrir le sacrement. Se proposer comme mari, courtiser une fille pour le bon motif.
- SACRER, v. n. et a. Affirmer.
- SACRISTAIN, s. m. Mari de l'abbesse du couvent des S'offre-à-tous,—dans l'argot des filles.
- SACRISTI! Juron de l'argot du peuple.
Il dit aussi Cristi!
Les bourgeois, eux, disent Sapristi!—ce qui les éloigne un peu de l'étymologie (sacrarium.)
- SAFRAN, s. m. Jaunisse conjugale,—dans l'argot des bourgeois.
Accommoder au safran. Tromper son mari en faveur d'un autre homme, ou sa femme en faveur d'une autre.
On dit aussi Vouer au jaune.
- SAGE COMME UNE IMAGE, adj. Extrêmement sage,—c'est-à-dire ne parlant pas. Argot du peuple.
- SAGOUIN, s. m. Homme malpropre, grossier,—dans l'argot du peuple, qui calomnie les callitriches.
Vilain sagouin. Pléonasme que les femmes du peuple adressent volontiers à un nomme qui leur débite des gaudrioles et des plaisanteries grasses, dont elles ne se fâchent pas le moins du monde.
- SAIGNER, v. a. Blesser quelqu'un volontairement, le tuer même,—dans l'argot des prisons.
- SAIGNER, v. a. Emprunter de l'argent,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi Faire ou Pratiquer une saignée.
Saigner à blanc. Abuser de la bonté des gens à qui on emprunte.
On dit aussi Faire une saignée blanche.
- SAIGNER (Se), v. réfl. Donner de l'argent,—qu'on en doive ou non.
Se saigner à blanc. S'épuiser pour fournir aux dépenses d'un enfant ou d'une maîtresse.
- SAINT-CRÉPIN, s. m. Outils de cordonnier, et, par extension, de toute autre profession.
- SAINT-CRÉPIN, s. m. Économies, peculium,—dans l'argot du peuple.
- SAINT DE CARÊME, s. m. Homme qui se fâche, hypocrite.
- SAINT-DENAILLE, n. de l. Saint-Denis,—dans l'argot des voleurs.
- SAINT-DIFFICILE, s. m. Enfant, et même grande personne faisant la dégoûtée à propos de la nourriture ou à propos d'autre chose. Argot des bourgeois et du peuple.
- SAINTE ESPÉRANCE, s. f. La veille de la Sainte Touche.
- SAINTE MOUSSELINE, s. f. Une sainte de la création de Victorien Sardou (La Famille Benoiton), et qu'invoquent aujourd'hui, par genre, les mères de famille qui suivent les modes de la morale comme elles suivent les modes... de la Mode. Voici donc l'oraison que murmurent à cette heure de jolies lèvres parisiennes: «Ah! Mousseline, blanche Mousseline, des mères ingrates qui te devaient leurs maris t'ont reniée pour leurs enfants! Sainte Mousseline, vierge de la toilette, sauve nos filles qui se noient dans des flots de dentelles!»
Amen!
- SAINTE-NITOUCHE, s. f. Fille ou femme qui «fait sa sucrée» ou «sa Sophie»,—dans l'argot du peuple, qui sait à quoi s'en tenir sur les «giries» des bégueules.
Les ouvriers anglais disent de même: to sham abram (jouer l'innocence patriarcale, feindre la pudeur révoltée).
Cette expression s'est employée jadis en parlant d'un Homme timide, mou, irrésolu, en amour comme en autre chose:
«Il estoit ferme de roignons. Non comme ces petits mignons Qui font la Saincte Nitouche,»
dit Mathurin Régnier.
- SAINTE-TOUCHE, s. f. La fin du mois,—dans l'argot des employés. La fin de la quinzaine,—dans l'argot des ouvriers.
- SAINT-JEAN, s. m. Signal,—dans l'argot des voleurs.
Faire le Saint-Jean. Lever l'index et le médium pour avertir un complice.
- SAINT-JEAN, s. m. Outils, vêtements, affaires,—dans l'argot des typographes.
Emporter son Saint-Jean. S'en aller d'une imprimerie en emportant composteur, pinces, etc.
- SAINT JEAN-BAPTISTE, s. m. Cabaretier,—dans l'argot du peuple, qui fait allusion à l'eau baptismale que l'on ajoute au vin pour le rendre digne d'être bu par des chrétiens.
- SAINT JEAN SOUCHE-D'OR, s. m. Bavard qui, pour le plaisir de parler, ne craint pas de commettre des indiscrétions.
- SAINT JEAN LE ROND, s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc.
- SAINT LACHE, s. m. Le patron des paresseux.
- SAINT-LAZE. Apocope de Saint-Lazare, prison de femmes,—dans l'argot des voyous.
- SAINT-LUNDI, s. f. Jour choisi chaque semaine par les ouvriers pour aller ripailler aux barrières et dépenser en quelques heures le plus clair de leur gain, celui que la ménagère attend toujours en vain pour faire «bouillir la marmite».
Fêter la Saint-Lundi. Se griser—et même se soûler.
- SAINT-MARCEAUX, s. m. Vin de Champagne,—dans l'argot des gens de lettres qui veulent faire une réclame à la maison de commerce de M. de Saint-Marceaux riche viticulteur d'Epernay.
- SAINT PÈRE, s. m. Tabac à fumer,—dans l'argot des marbriers de cimetière.
- SAINT SACREMENT (Et tout le). C'est l'et cætera de l'argot du peuple: Il comprend tout—et une foule d'autres choses.
- SAISISSEMENT, s. m. Les liens dont l'exécuteur lie les bras et les jambes du condamné à mort. Le saisissement est une pièce essentielle de la toilette.
- SAISON, s. f. Laps de temps plus ou moins long, mais ordinairement de 21 jours, que l'on passe dans les villes d'eaux par ordonnance de médecin.
Faire une saison. Rester une vingtaine de jours à Vichy ou toute autre station thermale, et y prendre des bains minéraux.
- SALADE, s. f. Raiponce à une question,—dans l'argot des voleurs, facétieux à leurs heures.
- SALADE DE GASCON, s. f. Corde, ficelle, dans l'argot du peuple.
A signifié autrefois, plus spécialement, Corde de pendu.
- SALADIER, s. m. Bol de vin sucré,—dans l'argot des ouvriers.
- SALAMALECS, s. m. pl. Politesse exagérée,—dans l'argot du peuple, qui ne pratique pas précisément la Civilité puérile et honnête.
- SALAUD, adj. et s. Enfant malpropre; homme ordurier.
- SALBRENAUD, s. m. Mauvais cordonnier; savetier,—dans l'argot des voleurs.
- SALE, adj. Laid, mauvais, malhonnête. Argot du peuple.
Sale intérêt. Intérêt sordide.
Sale monsieur. Individu d'une moralité équivoque ou d'un caractère insociable.
Sale pâtissier. Homme qui n'est ni sale ni pâtissier, mais dont, en revanche, la réputation aurait grand besoin d'une lessive.
On dit aussi Sale bête.
- SALÉ, s. m. Travail payé d'avance,—dans l'argot des typographes.
Morceau de salé. Acompte.
Se dit aussi, par une analogie facile à saisir, d'un Enfant venu avant le mariage.
Les ouvriers anglais disent: to work for the dead horse (travailler pour le cheval mort).
- SALER, v. a. Adresser de violents reproches à quelqu'un,—dans l'argot du peuple.
- Saler, v. a. Faire payer trop cher.
Saler une note. En exagérer les prix.
On dit aussi Répandre la salière dessus.
- SALETÉ, s. f. Mauvais tour, action vile, entachée de plus d'improbité que de boue,—dans l'argot des bourgeois, qui emploient ce mot dans le même sens que les Anglais leur sluttery.
Faire des saletés. Faire des tours de coquin, d'escroc.
- SALIÈRES, s. f. pl. Cavités de la clavicule,—dans l'argot du peuple.
Montrer ses salières. Se dit d'une Femme maigre qui se décollète trop.
- SALIGAUD, E, s. et adj. Personne malpropre au propre, et malhonnête au figuré,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot dans le même sens que les Anglais leur slut.
- SALIVERNE, s. f. Écuelle, gamelle,—dans l'argot des voleurs, qui y laissent volontiers tomber leur salive pour dégoûter les camarades.
Ils disaient autrefois Crolle.
- SALLE A MANGER, s. f. La bouche,—dans l'argot des faubouriens.
N'avoir plus de chaises dans sa salle à manger. N'avoir plus de dents.
- SALONNIER, s. m. Critique d'art, chargé du compte rendu du Salon. Argot des journalistes.
Le mot est de création récente.
- SALOPE, s. f. Fille ou femme du genre de celles que Shakespeare traite de drabs dans Winter's Tale, et que, comme on le voit, le peuple parisien traite presque aussi mal.
- SALOPERIE, s. f. Ordure,—au propre et au figuré, spucritia et obscenitas.
Dire des saloperies. Employer un langage ordurier.
Faire des saloperies. Se conduire en goujat.
- SALOPERIE, s. t. Vilain tour, lésinerie, crasse.
- SALOPIAUD, s. m. Homme malpropre d'esprit et de costume, en actions et en paroles.
Au féminin, Salopiaude.
- SALTIMBE, s. m. Apocope de Saltimbanque,—dans l'argot des faubouriens.
- SALUER LE PUBLIC, Mourir,—dans l'argot des comédiens, ces gladiateurs de l'Art. C'est un ressouvenir de l'Ave, Cæsar, morituri te salutant.
- SANG DE POISSON, s. m. Huile,—dans l'argot des faubouriens.
- SANGLÉ, adj. A court d'argent.
- SANGLER, v. a. Réprimander vertement, et même Battre.
- SANGLER, v. a. Permolere uxorem quamlibet aliam,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi Sauter.
- SANGLER (Se), v. réfl. Se priver de quelque chose au profit de quelqu'un, par exemple, se ruiner pour élever un entant ou pour entretenir une maîtresse.
- SANGLIER, s. m. Prêtre,—dans l'argot des voleurs.
- SANGSUE, s. f. Maîtresse qui ruine son amant par ses prodigalités; neveu qui tire à boulets rouges sur la cassette avunculaire. Argot du peuple.
- SANGSURER, v. a. Faire de nombreuses saignées à la bourse de quelqu'un,—dans l'argot des ouvriers, pour qui les parasites sont des sangsues.
Se sangsurer. Se ruiner pour élever un enfant ou pour entretenir une drôlesse.
- SANS-BEURRE, s. m. Chiffonnier,—dans l'argot des faubouriens.
- SANS-BOUT, s. m. Cerceau,—dans l'argot des voleurs.
- SANS CANNE (Être). En rupture de ban,—dans le même argot.
- SANS-CHASSES, s. m. Aveugle.
- Sans-cœur, s. m. Usurier,—dans l'argot des fils de famille.
- SANS-CULOTTE, s. m. Républicain,—dans l'argot des bourgeois, pour qui Terreur est inséparable de République.
- SANS-CULOTTERIE, s. f. Doctrine des sans-culottes.
Le mot est de Camille Desmoulins.
On dit aussi Sans-culottisme.
- SANS DOS, s. m. Tabouret,—dans l'argot des faubouriens.
- SANS-FEUILLE, s. f. Potence,—dans l'argot des voleurs.
- SANS-GÊNE, s. m. Homme indiscret, mal élevé,—dans l'argot des bourgeois.
- SANS-LE-SOU, s. m. Artiste, ou Homme de lettres,—dans l'argot des petites dames.
- SAP, s. m. Apocope de Sapin, cercueil,—dans l'argot des voyous.
Taper dans le sap. Être mort et enterré,—dormir du dernier somme.
M. Louis Festeau, qui a chanté tout, a naturellement consacré quelques loisirs de sa muse au Sap:
«Avant d'être mis dans le sap,
Vous voulez, orné de lunettes,
Me décalquer de pied en cap.»
- SAPAJOU, s. m. Galantin, suborneur en cheveux gris,—dans l'argot des harengères, qui sont plus «fortes en gueule» qu'en histoire naturelle.
- SAPEUR, s. m. Homme qui ne respecte rien,—dans l'argot des bourgeoises, qui n'aiment pas les gens barbus.
D'où la fameuse chanson à la mode:
«Rien n'est sa..a..cré pour un sapeur!»
- SAPIN, s. m. Fiacre,—dans l'argot du peuple, qui sait que ces voitures-là ne sont pas construites en chêne.
- SAPIN, s. m. Cercueil de pauvre.
Sentir le sapin. Être atteint d'une maladie mortelle.
- SAPIN, s. m. Plancher; grenier,—dans l'argot des voleurs.
Sapin de muron. Grenier à sel.
Sapin des cornants. La terre,—plancher des vaches.
- SAPINIÈRE, s. f. La fosse commune, exclusivement réservée aux cercueils de sapin. Argot des faubouriens.
- SAQUET, s. m. Secousse,—dans l'argot du peuple.
Le vieux français avait Saquer, tirer l'épée.
Sardines blanches. Galons de gendarme, ou d'infirmier militaire.
- SARRASIN, s. m. Ouvrier qui consent à travailler au-dessous du tarif. Argot des typographes.
On dit aussi Faux frère.
- SATISFAIT, s. m. Député conservateur, ami quand même du gouvernement du moment—et des gouvernements à venir. Argot des journalistes.
- SATOU, s. m. Bois débité,—dans l'argot des voleurs.
Signifie aussi Bâton.
- SATOUSIER, s. m. Menuisier.
- SAUCE, s. f. Correction ou simplement Réprimande,—dans l'argot du peuple.
Gare à la sauce! Prenez garde à ce qui va arriver de fâcheux.
Gober la sauce! Être puni pour les autres; recevoir la correction, la réprimande méritée par d'autres.
- SAUCÉ (Être). Recevoir la pluie.
On dit aussi Être rincé et Être trempé.
- SAUCER, v. a. Réprimander.
On disait autrefois Faire la sauce à quelqu'un.
- SAUCISSE MUNICIPALE, s. f. Viande empoisonnée que l'on jette dans les rues pour détruire les chiens errants non muselés.
- SAUTE-MOUTON, s. m. Jeu d'enfants qui consiste à sauter les uns par-dessus les autres.
On dit aussi Faire un saute-mouton ou Jouer à saute-mouton.
- SAUTER (Faire). Dérober, chiper et même Voler. Argot des faubouriens.
D'où Faire sauter la coupe au jeu.
- SAUTER, v. n. Cacher le produit d'un vol à ses complices,—dans l'argot des prisons.
Sauter à la capahut. Assassiner un complice pour lui enlever son fade.
- SAUTER A LA PERCHE, v. n. Ne pas savoir où manger,—dans l'argot des faubouriens, par allusion aux efforts souvent vains des singes de bateleurs pour atteindre les friandises placées à l'extrémité d'un bâton.
- SAUTERELLE, s. f. Puce,—dans l'argot des voleurs.
- SAUTERELLE, s. f. Petite dame,—dans l'argot des gens de lettres qui ont emprunté ce mot à N. Roqueplan.
C'est un des plus heureux qu'on ait inventés jusqu'ici pour désigner ces femmes maigres qui s'abattent chaque jour, par nuées, sur les boulevards, dont elles sont la plaie.
- SAUTERIE, s. f. Danse,—dans l'argot du peuple.
- SAUTE-RUISSEAU, s. m. Petit clerc. C'est le trottin de l'avoué, comme le trottin est le saute-ruisseau de la modiste.
- SAUTER LE PAS, v. a. Se décider à faire une chose, sans se préoccuper de ses conséquences. Argot du peuple.
- SAUTER LE PAS, v. a. Faire faillite et, par extension, Mourir,—dans l'argot des bourgeois.
Signifie aussi Faire banqueroute à la vertu,—en parlant d'une jeune fille qui se laisse séduire.
On dit aussi La sauter.
- SAUTEUR, s. m. Filou.
- SAUTEUR, s. m. Homme politique qui change d'opinion toutes les fois que cela peut lui profiter personnellement. Argot du peuple.
Se dit aussi de tout Homme sans consistance, sans parole, sur lequel on ne peut pas compter.
- SAUTEUSE, s. f. Drôlesse.
- SAUVAGE, s. m. Garde national de la banlieue, avant 1870—dans l'argot des faubouriens.
- SAUVER BIEN (Se). Bien courir,—dans l'argot des maquignons, qui disent cela à propos des chevaux qu'ils essayent.
- SAUVER LA CAISSE, v. a. Se sauver avec la caisse dont on est le gardien,—par allusion au mot d'Odry dans les Saltimbanques.
- SAUVER LA MISE A QUELQU'UN. Lui éviter une humiliation, un ennui; lui prêter à temps de l'argent. Argot du peuple.
- SAUVETTE, s. f. Jeu d'enfants qui consiste à se sauver et ne pas se laisser attraper.
On dit aussi Sauvinette.
- SAUVETTE, s. f. Mannette d'osier,—dans l'argot des chiffonniers.
- SAVATE, s. f. Boxe française,—«avec cette différence, dit Th. Gautier, que la savate se travaille avec les pieds et la boxe avec les poings.»
(V. Chausson.)
- SAVATE, s. f. Correction militaire, qui consiste à fouetter le soldat coupable à tour de bras et de souliers. Le Conseil de guerre, on le devine, n'a rien à voir là dedans: c'est une petite justice de famille et de caserne.
- SAVATE, s. f. Ouvrage mal fait; chose abîmée, gâchée,—dans l'argot du peuple.
- SAVATER, v. a. Travailler sans soin, faire une chose à la hâte.
On dit aussi Saveter.
- SAVETIER, s. m. Mauvais ouvrier; homme qui fait une chose sans goût, sans soin, à la hâte.
- SAVOIR CE QUE QUELQU'UN A DANS LE VENTRE. Découvrir ses sentiments, ses projets; connaître le faible et le fort de son caractère. Argot des bourgeois.
- SAVOIR DE QUOI IL RETOURNE. Connaître l'état financier d'une maison, la situation morale d'une famille; être au courant des affaires politiques et littéraires et savoir quel journal ce gros homme va fonder et quel ambassadeur on va envoyer en Prusse. Même argot.
- SAVOIR LIRE. Connaître toutes les ruses du métier,—dans l'argot des voleurs.
- SAVON, s. m. Réprimande,—dans l'argot des domestiques malpropres.
Foutre un savon. Gronder, objurguer quelqu'un.
- SAVONNER, v. a. Réprimander—et même Battre.
- SAVOYARD, s. m. Homme mal élevé, brutal,—dans l'argot des bourgeois, injurieux envers les Allobroges.
- SAVOYARDE, s. f. Malle,—dans l'argot des voleurs.
- SCÈNE DE L'ABSINTHE (Faire la). Jouer son verre d'absinthe avec un camarade, ou lui en offrir un. Argot des coulisses.
On dit de même, à propos de toutes les consommations: Faire ou jouer la scène du cigare, du café, de la canette, etc.
- SCHAFFOUSE, s. m. Le derrière, parce qu'à la chute du Rein,—dans l'argot facétieux du peuple, qui connaît la géographie.
- SCHLAGUE, s. f. Correction brutale qu'un père donne volontiers à son enfant, un mari à sa femme, etc.
- SCHLAGUER, v. a. Corriger, battre.
Encore un mot allemand,—schlagen.
- SCHLOFFER, v. n. Dormir, se coucher,—dans l'argot des faubouriens, qui ont appris cette expression dans la fréquentation d'ouvriers alsaciens ou allemands (schlafen).
Ils disent aussi Faire schloff.
- SCHNICK, s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi Schnaps.
- SCHNIQUER, v. n. Se griser d'eau-de-vie.
- SCHNIQUEUR, s. m. Buveur d'eau-de-vie.
- SCIANT, adj. Ennuyeux,—dans l'argot du peuple.
- SCIE, s. f. Ennui, contre-temps fâcheux.
- SCIE, s. f. Femme légitime.
Porter sa scie. Se promener avec sa femme au bras.
- SCIE, s. f. Mystification, plaisanterie agaçante,—dans l'argot des artistes.
Le chef-d'œuvre du genre, c'est:
«Il était quatre jeunes gens du quartier,
Eh! eh! eh! eh!
Ils étaient tous les six malades,
Ade! ade! ade! ade!
On les mit tous sept dans un lit,
Hi! hi! hi! hi!
Ils demandèrent du bouillon,
On! on! on! on!
Qui n'était ni salé ni bon,
On! on! on! on!
C'est l'ordinair' de la maison,
On! on! on! on!
Ça commence à vous embêter,
Eh! eh! eh! eh!
Et bien je vais recommencer,
Eh! eh! eh! eh!»
Et l'on recommence en effet jusqu'àce que l'importun que l'on scie ainsi comprenne et s'en aille.
Faire ou Monter une scie. Imaginer une mystification contre quelqu'un.
- SCIER, v. a. Importuner, obséder sans relâche.
On dit aussi Scier le dos.
- SCIER DU BOIS, v. a. Jouer du violon ou de la contrebasse,—dans l'argot des faubouriens.
- SCIEUR DE BOIS, s. m. Violoniste ou contrebassiste.
- SCION, s. m. Baguette et même Bâton,—dans l'argot du peuple.
- SCIONNER, v. a. Battre quelqu'un, le bâtonner.
- SCIONNER, v. a. Tuer,—dans l'argot des voleurs.
- SCIONNEUR, s. m. Meurtrier.
- SCRIBOUILLAGE, s. m. Mauvais style,—style à la Scribe. Argot des gens de lettres.
- SCULPSIT, s. m. Sculpteur,—dans l'argot des artistes.
- SCULPTURE RONFLANTE, s. f. Sculpture tourmentée, colorée, entre la sagesse et l'exagération.
- SEC, s. m. Élève qui a passé des examens de fin d'année déplorables. Argot des Polytechniciens.
On dit aussi, mais moins: Fruit sec.
- SÉCHÉ (Être). N'être plus gris,—dans l'argot des faubouriens.
- SÉCHER, v. n. Être fruit sec,—dans l'argot des Polytechniciens.
- SÉCOT, s. et adj. Homme maigre et sec,—dans l'argot du peuple.
- SECOUER, v. a. Gronder quelqu'un, et même le battre,—dans le même argot.
On dit aussi Secouer les puces.
- SECOUER LA COMMODE, v. a. Jouer de l'orgue de Barbarie,—dans l'argot des faubouriens.
- SECRET DE POLICHINELLE, s. m. Secret connu de tout le monde,—dans l'argot du peuple.
- SEIGNEUR ET MAITRE, s. m. Mari,—dans l'argot des bourgeois: protecteur,—dans l'argot de Breda-Street.
- SEMAINE DES QUATRE JEUDIS, s. f. Semaine fantastique, dans laquelle les mauvais débiteurs promettent de payer leurs dettes, les femmes coquettes d'être fidèles, les gens avares d'être généreux, etc. C'est la Venue des Coquecigrues de Rabelais.
On dit aussi: La semaine des quatre jeudis, trois jours après jamais.
- SEMAINES, s. f. pl. Sous de poche distribués le samedi et le dimanche.—dans l'argot des collégiens.
- SEMER QUELQU'UN, v. a. S'en débarrasser,—dans l'argot des faubouriens.
Signifie aussi: Le renverser, le jeter à terre d'un coup de poing ou d'un coup de pied.
- SENS DEVANT DIMANCHE. adv. De travers, sens dessus dessous,—dans l'argot du peuple.
- SENTINELLE, s. f. Résultat de la digestion. Stercus.
Poser une sentinelle. Alvum deponere.
- SENTIR, v. a. Aimer,—dans l'argot du peuple, qui emploie surtout ce verbe avec la négative.
Ne pas pouvoir sentir quelqu'un. Avoir répugnance à le rencontrer, à lui parler, le haïr enfin.
On dit aussi Avoir dans le nez.
- SENTIR LE COUDE A GAUCHE. v. n. Avoir confiance en soi et dans l'amitié de ses camarades; se sentir appuyé, soutenu, encouragé, etc.
- SENTIR LE LAPIN. Suer abondamment et désagréablement des aisselles.
- SENTIR MAUVAIS, v. n. Devenir grave, sérieux; se gâter,—en parlant des choses.
Cela sent mauvais est une phrase de la même famille que Le torchon brûle.
- SEPT, s. m. Crochet,—dans l'argot des chiffonniers.
- SÉQUELLE, s. f. Grand nombre de gens ou de choses,—dans l'argot du peuple, qui n'emploie ce mot que péjorativement.
Signifie aussi: Gens ou choses qui font suite à quelqu'un ou à quelque chose.
Toute la séquelle. Tous les membres de la famille, et surtout les enfants.
- SER, s. m. Signal donné en crachant,—dans l'argot des voleurs. (V. Serpent.)
- SERGOLLE, s. f. Ceinture,—dans le même argot.
- SÉRIEUX, adj. Excellent, convenable,—dans l'argot des gens de lettres et des petites dames.
Homme sérieux. Qui ne refuse rien aux femmes qui ne refusent rien aux hommes—riches.
Souper sérieux. Où rien ne manque de ce qui doit en faire l'attrait: vins exquis, chère non-pareille, femmes charmantes, hommes d'esprit, etc.
Le peuple emploie aussi cet adjectif dans l'acception de Copieux: un beefsteak sérieux, un dessert sérieux, etc.
- SERIN, s. m. Gendarme de la banlieue,—dans l'argot des voyous.
S'est dit aussi, à une certaine époque du règne de Louis-Philippe, des compagnies de voltigeurs de la garde nationale qui avaient des parements jaunes, des passe-poils jaunes, des torsades jaunes, tout jaune, au point qu'en les passant un jour en revue dans la cour des Tuileries, et les voyant se débander, le maréchal Lobau s'écria: «Fermez donc les grilles, mes serins vont s'envoler!»
- SERIN, s. et adj. Imbécile, ou seulement Homme naïf,—dans l'argot des faubouriens.
- SERINER, v. a. Répéter à satiété une chose à quelqu'un, afin de la lui loger dans la mémoire.
- SERINETTE, s. f. Homme qui fait chanter d'autres hommes,—dans l'argot des voleurs.
- SERINGUE, s. f. Voix fausse, aigre, criarde,—dans l'argot du peuple.
Chanter comme une seringue. Chanter très mal.
- SERPENT, s. m. Ceinture de cuir,—dans l'argot des troupiers, qui y serrent leur argent.
On dit aussi Anguille.
On dit aussi Serpillière à ratichon.
- SERRANTE, s. f. Serrure,—dans l'argot des voleurs.
- SERRÉ, adj. Pauvre; sans argent, momentanément ou par habitude,—dans l'argot des bourgeois.
Signifie aussi Avare.
- SERRER, v. a. Mettre en prison,—dans l'argot des faubouriens.
- SERRER LA VIS. Achever une affaire, presser un travail. Étrangler quelqu'un. Argot du peuple.
- SERRER LE NœUD. Se marier,—dans l'argot des bourgeois et des vaudevillistes.
- SERRER LES POUCES A QUELQU'UN, v. a. Le presser vivement de questions pour lui faire avouer la vérité. Argot du peuple.
- SERT, s. m. Signe fait par un compère,—dans l'argot des saltimbanques.
- SERVIETTE, s. f. Portefeuille,—dans l'argot des avocats.
- SERVIETTE, s. f. Aniterge en papier,—dans l'argot des bourgeois.
- SERVIR, v. a. et n. Trahir, dénoncer,—dans l'argot des voleurs.
Servir de belle. Dénoncer à faux.
- SERVIR, v. a. Arrêter, prendre,—dans l'argot des faubouriens.
Vidocq, lorsqu'il était chef de la police de sûreté, avait l'habitude de dire tranquillement au malfaiteur pris dans une souricière, ou ailleurs: «Monsieur, vous êtes servi!...»»
- SÉSIÈRE, pr. pers. Soi, lui, elle,—dans l'argot des voleurs.
On dit aussi Sésigue et Sésingard.
- SEU, s. m. Second,—dans l'argot des enfants, qui pratiquent l'apocope comme des hommes.
- SÉVÈRE, s. f. Chose étonnante; événement inattendu,—dans l'argot des faubouriens.
- SEXE, s. m. Les femmes en général,—dans l'argot du peuple, qui, sans tomber à leurs pieds, comme le recommande M. Legouvé, sait qu'il leur doit une mère, la seule créature digne de ses respects.
Ami du sexe. Homme de complexion amoureuse.
- SHOCKING! Exclamation qui, de la langue des pudiques Anglaises, a passé dans l'argot ironique des gouailleurs parisiens. Ce qui est choquant de l'autre côté du détroit cesse de l'être de ce côté-ci.
- SHOCKINER (Se), v. réfl. Se scandaliser.
- SIBIJOITE, s. f. Cigarette,—dans l'argot des marbriers de cimetière, parfois trop fantaisistes.
Orpheline. Cigarette presque fumée.
- SIFFLE, s. f. Voix,—dans l'argot des voleurs.
- SIFFLER, v. a. et n. Boire ou manger, mais surtout boire,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe depuis plus d'un siècle, comme le prouvent ces vers d'une chanson du commencement du XVIIe siècle:
«Lorsque je tiens une lampée
Pleine de vin, le long de la journée,
Je siffle autant que trois.»
- SIFFLER, v. a. Dépenser.
Avoir tout sifflé. Être ruiné.
- SIFFLER LA LINOTTE, v. a. Appeler sa maîtresse avec un cri ou un air convenus; faire le pied de grue.
- SIFFLET, s. m. Gorge, gosier,—entonnoir à air et à vin.
S'affûter le sifflet. Boire.
On dit aussi Se rincer le sifflet.
Couper le sifflet à quelqu'un. Le forcer à se taire, soit en lui coupant le cou, ce qui est un moyen extrême, soit en lui prouvant éloquemment qu'il a tort de parler, ce qui vaut mieux.
- SIGNE D'ARGENT, s. m. Le stercus humain,—dans lequel il est bon de marcher, paraît-il, parce que cela porte bonheur.
- SIGNER DES ORTEILS (Se), v. réfl. Se pendre ou être pendu,—dans l'argot du peuple, qui fait allusion aux derniers tressaillements des suicidés ou des condamnés.
- SILENCE, s. m. Audiencier,—dans l'argot des voyous, habitués de police correctionnelle ou de cour d'assises.
- SIME, s. f. Patrouille,—dans l'argot des voleurs.
- SIMON, s. m. Propriétaire,—dans l'argot des ouvriers viveurs.
Aller chez Simon. Aller «où le roi va à pied»,—dans l'argot des bourgeoises.
- SIMPLE, s. et adj. Niais,—dans l'argot du peuple, qui a un faible pour les roublards.
Les Anglais ont la même expression: Flat, plat,—nigaud.
- SINGE, s. m. Patron,—dans l'argot des charpentiers, qui, les jours de paye, exigent de lui une autre monnaie que celle de son nom.
- SINGE, s. m. Ouvrier compositeur,—dans l'argot des imprimeurs.
- SINGE BOTTÉ, s. m. Homme amusant, gros farceur,—dans l'argot des bourgeoises.
- SINGERIES, s. f. Grimaces, mines hypocrites, comédie de la douleur,—dans l'argot du peuple, qui n'aime pas les gens simiesques.
- SINGULIER PISTOLET, s. m. Homme bizarre, original, qui ne fait rien comme tout le monde, part quand il faudrait rester, et reste quand il faudrait partir.
- SINVE, s. m. Homme simple, imbécile, bon à duper,—dans l'argot des voleurs.
Quelques lexicographes de la rue affirment qu'on écrit et prononce sinvre.
Affranchir un sinve. Faire d'un paresseux un voleur, ou d'un débauché un escarpe.
- SINVINERIE, s. f. Niaiserie.
- SIROP, s. m. Vin,—dans l'argot des faubouriens, qui ont l'honneur de se rencontrer avec Rabelais: «Après s'être bien antidoté l'haleine de sirop vignolat,» dit l'immortel Alcofribas Nasier.
Avoir un coup de sirop de trop. Être ivre.
- SIROTER, v. a. Boire plus que de raison.
Signifie aussi Boire à petits coups.
- SIROTER, v. n. et a. Nettoyer à fond la tête de quelqu'un, la bien peigner, friser et pommader. Argot des coiffeurs.
- SIROTER LE BONHEUR, v. a. Être dans la lune de miel. Argot des faubouriens.
- SIROTEUR, s. m. Ivrogne.
- SIX, s. f. Une des six chandelles dont se compose un paquet d'une livre.
Brûler des six. N'employer que ces chandelles-là.
- SIX-FRANCS, s. m. Outil de bois sur lequel on repasse les habits,—dans l'argot des tailleurs.
- SIX-QUATRE-DEUX (A la), adv. Sans soin, sans grâce, à la hâte,—dans l'argot des bourgeois.
- SMALA, s. f. Famille, ménage,—dans l'argot des troupiers qui ont fait les campagnes d'Afrique.
Se dit depuis la prise de la smala d'Abd-el-Kader par le duc d'Aumale.
- SNOB, s. m. Fat, ridicule, vaniteux,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression au Livre des Snobs de Thackeray, comme si nous n'avions pas déjà le même mot sous une douzaine de formes.
- SNOBISME, s. m. Fatuité, vanité.
- SNOBOYE, adj. Parfait, excellent, chocnosof,—dans l'argot des faubouriens.
- SOCIÉTÉ DU DOIGT DANS L'œIL, s. f. Association pour rire, formée par Nadar, dans laquelle on enrégimente à leur insu les gens qui «se fourrent le doigt dans l'œil».
- SOCIÉTÉ DU FAUX COL, s. f. Société de secours mutuels que forment entre eux les comédiens pour se débarrasser des raseurs, des importuns, des gêneurs.
Le signe de détresse que font entre eux les membres de la Société du faux col consiste à passer le doigt sur le col de la chemise.
Cette société s'appelle aussi la Société du rachat des captifs.
- SODA, s. m. Mélange de sirop de groseille et d'eau de seltz (soda-water).
- SœUR, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des soldats et des voyous, qui, sans s'en douter, se servent du même mot que les Romains, dans le même sens, soror. Les Romains avaient de plus le mâle de la sœur, qui était le frater.
On dit aussi: Nos sœurs du peuple, pour désigner certaines victimes cloîtrées, qui ne se plaignent pas de l'être. Au xvie siècle, on disait: Nos cousines.
Sœur se trouve, avec cette dernière acception, dans le Dictionnaire de Leroux.
- SœUR, s. f. Fille ou femme,—dans l'argot des francs-maçons.
- SœURS blanches, s. f. pl. Les dents,—dans l'argot des voleurs.
- SOIFFARD, s. m. Ivrogne,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Soiffeur.
- SOIFFER, v. n. Boire outre mesure,—sous prétexte de soif.
- SOIGNÉ, s. m. Chose de qualité supérieure, vin ou chapeau, tabac ou salade, etc.
- SOIGNÉE, s. f. Chose étonnante, difficile à croire; événement extraordinaire.
Signifie aussi elliptiquement. Correction violente,—pile donnée avec soin.
- SOIGNER, v. a. Battre quelqu'un avec un soin dont il n'est nullement reconnaissant.
- SOIGNER SES ENTRÉES. Se faire applaudir à son entrée en scène par les chevaliers du lustre. Argot des coulisses.
- SOIR, s. m. Journal du soir,—dans l'argot des gandins.
Cette ellipse est à la mode depuis quelque temps dans les cafés des boulevards.
- SOISSONNAIS, s. m. pl. Haricots,—dans l'argot des voleurs, qui savent que Soissons est la patrie de ce farineux.
- SOLDAT DU PAPE, s. m. Mauvais soldat,—dans l'argot du peuple.
- SOLDATS, s. m. pl. De l'argent,—dans l'argot des faubouriens, qui savent que l'argent est le nerf de la guerre.
Dans les Joyeuses Commères de Windsor, Shakespeare fait dire par Falstaff à Ford: Money is a good soldier, Sir, and will on. (L'argent est un bon soldat; il pousse en avant.)
- SOLDE, s. m. Restant d'étoffe; coupon,—dans l'argot des marchands.
- SOLDE, s. m. Chose de médiocre valeur,—dans l'argot des gens de lettres.
Cigare de solde. Mauvais cigare.
Dîner de solde. Exécrable dîner.
- SOLFÉRINO, adj. et s. Couleur rouge violacée, fort à la mode depuis la guerre d'Italie.
- SOLIR, v. a. Vendre,—dans l'argot des voleurs.
Solir sur le verbe. Acheter à crédit,—c'est-à-dire sur parole.
- SOLITAIRE, s. m. Spectateur qui ne paye sa place que moitié prix, mais à la condition d'entrer au théâtre dans les rangs de la Claque, sans être forcé d'applaudir comme elle. Argot des coulisses.
- SOLLICEUR, s. m. Marchand,—dans l'argot des voleurs.
Solliceur à la pogne. Marchand, ambulant.
Solliceur de lacets. Gendarme.
Solliceur de loffitudes. Homme de lettres.
Sonde, s. f. Médecin,—dans le même argot.
Aller en sondeur. S'informer avant d'entreprendre une chose, écouter une conversation avant de s'y mêler.
Père sondeur. Bonhomme rusé, dont personne ne se méfie, et qui se joue de tout le monde.
- SONNETTE DE BOIS, s. f. Sonnette d'hôtel garni que l'on bourre de chiffons pour l'empêcher de sonner lorsqu'on veut s'en aller clandestinement.
D'où l'expression Déménager à la sonnette de bois.
- SONNETTE DE NUIT, s. f. Houpette de soie blanche que les petites dames portent au capuchon de leurs caracos (1865).
- SONNETTES, s. f. pl. Pièces d'or ou d'argent, d'une musique supérieure à celle de Rossini—pour les oreilles des petites dames.
- SONNETTES, s. f. pl. Gringuenaudes de boue qui pendent aux poils des chiens. Argot des chasseurs.
- SORBONNE, s. f. La tête,—parce qu'elle «médite, raisonne et conseille le crime». Argot des voleurs.
- SORCIÈRE, s. f. Femme mal mise ou d'une figure ravagée,—dans l'argot des bourgeoises.
Elles disent aussi Vieille sorcière.
- SORGUE, s. f. Nuit,—dans l'argot des voleurs.
Les Maurice La Châtre de Poissy prétendent qu'il faut écrire Sorgne.
- SORGUER, v. n. Passer la nuit.
- SORGUEUR, s. m. Voleur de nuit.
- SORTE, s. f. Mauvaise raison, faux prétexte, balançoire,—dans l'argot des typographes.
- SORTIE, s. f. Discours inconvenant; emportement plus ou moins violent. Argot du peuple.
- SORTIR, v. a. Transporter un mobilier extra-muros,—dans l'argot des déménageurs.
Le rentrer. Le ramener à Paris.
On dit de même Sortie pour un déménagement extra-muros, et Rentrée pour le contraire.
- SORTIR, v. n. Avoir des absences d'esprit, être distrait,—dans l'argot du peuple.
On dit mieux Être sorti ou Être ailleurs, pour n'être pas à la conversation, ne pas savoir ce qu'on dit autour de soi.
- SORTIR, v. n. Être insupportable,—dans l'argot des faubouriens.
Ce verbe ne s'emploie guère qu'à la troisième personne de l'indicatif présent: il me sort,—c'est-à-dire, je ne peux pas le voir sans en être blessé, offusqué.
Quelques-uns, pour être plus expressifs, disent: Il me sort par le cul.
- SORTIR D'UNE BOITE, v. n. Être vêtu avec une propreté méticuleuse,—dans l'argot des bourgeois, qui ont des notions de blanchisseuse sur l'élégance.
Ils disent aussi Avoir l'air de sortir d'une boîte.
Le vieux français avait Soudrille (soldat, ou plutôt soudard).
- SOUFFLANT, s. m. Pistolet,—dans le même argot.
- SOUFFLER, v. a. Prendre, s'emparer de quelque chose,—dans l'argot du peuple.
Souffler la maîtresse de quelqu'un. La lui enlever,—et, dans ce cas-là, souffler, c'est jouer... un mauvais tour.
- SOUFFLER DES POIS, v. n. Agiter ses lèvres en dormant pour expirer l'air par petits coups secs.
Les étudiants en médecine disent: Fumer sa pipe.
Dans l'argot du peuple, Souffler des pois, c'est Faire l'important.
- SOUFFLER SON COPEAU, v. a. Travailler,—dans l'argot des ouvriers.
- SOUFFLET, s. m. Le podex.
- SOUFFLEUR DE BOUDIN, s. m. Homme à visage rubicond.
- SOUILLON, s. f. Femme malpropre, fille à soldats. C'est la malkin des voyous anglais.
- SOUILLOT, s. m. Ivrogne, débauché, arsouille,—dans l'argot des faubouriens.
- SOULAGER, v. a. Alléger la poche de son voisin de la montre ou de la bourse qu'elle contenait.
- SOULAGER (Se), v. réfl. Meiere. Argot du peuple.
Se dit aussi à propos de la fonction du plexus mésentérique.
- SOULARD, adj. et s. Ivrogne.
- SOÛLER (Se). Se goinfrer de vin ou d'eau-de-vie à en perdre la raison.
- SOULEUR, s. f. Frayeur subite et violente, qui remue le cœur et soûle l'esprit au point que, pendant qu'elle dure, on ne sait plus ce que l'on fait.
Faire une souleur à quelqu'un. Lui faire peur.
- SOULEVER, v. a. Dérober adroitement,—dans l'argot des faubouriens.
- SOULIERS A MUSIQUE, s. m. pl. Qui craquent lorsqu'on les porte pour la première fois.
- SOULIERS-SEIZE, s. m. pl. Souliers très étroits (13 et 3),—dans l'argot ridiculement facétieux des bourgeois.
- SOULIERS SE LIVRANT A LA BOISSON, s. m. pl. Souliers usés, prenant l'eau,—dans l'argot des faubouriens.
- SOULOGRAPHE, s. m. Ivrogne abject. Argot des typographes.
- SOULOGRAPHIE, s. m. Ivrognerie dégoûtante.
- SOULOGRAPHIER (Se), v. réfl. S'enivrer crapuleusement.
- SOUPÇON, s. m. Très petite quantité,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi Idée.
- SOUPE AU LAIT, s. f. Homme qui s'emporte pour un rien.
- SOUPE DE PERROQUET, s. f. Pain trempé dans du vin.
- SOUPE-ET-LE-BœUF (La), Bonheur conjugal,—c'est-à-dire ordinaire.
C'est une expression de la même famille que Pot-au-feu.
- SOUPENTE, s. f. Le ventre,—dans l'argot des faubouriens.
Le mot a été recueilli par Traviès.
- SOUPE-SEPT-HEURES, s. m. Homme qui a des habitudes de repas régulières,—dans l'argot du peuple, qui, en conservant cette expression, a conservé aussi la coutume qu'elle consacre.
- SOUPEUR, s. et adj. Viveur,—dans l'argot des gens de lettres.
- SOUPEUSE, s. f. Femme galante qui a pour spécialité de lever les hommes au souper,—c'est-à-dire de faire espalier avec d'autres à la porte des cafés du boulevard, vers les onze heures du soir, afin d'être priée à souper par les gens qui n'aiment pas à rentrer seuls chez eux. La soupeuse a une prime par chaque tête de bétail qu'elle amène au restaurant.
- SOUPIER, adj. et s. Grand mangeur de soupe. Argot du peuple.
- SOUPIR, s. m. Crepitus ventris,—dans l'argot des bourgeois.
Soupir de Bacchus. Éructation.
- SOUPIRER, v. n. Crepitum reddere.
- SOUQUER, v. a. Battre ou seulement Rudoyer. Argot du peuple.
- SOURICIÈRE, s. f. Cabaret suspect où se réunissent les voleurs et où ils se font arrêter par les agents de police, au courant de leurs habitudes.
Tendre une souricière. Surveiller les abords d'un de ces mauvais lieux-là.
- SOURICIÈRE, s. f. Crinoline, ou Tournure exagérée,—dans l'argot des petites dames, qui savent combien les hommes se laissent prendre à cela.
- SOURICIÈRES, s. f. pl. Ce sont, d'après Vidocq, de grandes pièces souterraines dont on peut voir les fenêtres garnies d'énormes barreaux de fer sur le quai de l'Horloge, et dans lesquelles les prévenus extraits des différentes prisons de Paris sont déposés pour attendre le moment de paraître devant le juge d'instruction.
- SOURIS, s. f. Baiser sur l'œil,—dans l'argot des faubouriens, qui savent que ce baiser fait moins de bruit que les autres.
- SOUS, s. m. pl. Argent, fortune,—dans l'argot des ouvriers.
Avoir des sous. Être riche.
- SOUS DE POCHE, s. m. pl. Monnaie à dépenser,—dans l'argot des collégiens et des grandes personnes qui n'aiment pas à sortir sans argent.
- SOUS LE LIT (Être). N'être pas au courant d'un métier ou au fait d'une chose; se tromper. Argot des faubouriens.
- SOUS-LIEUTENANT, s. m. Résultat moulé d'une évacuation alvine,—dans l'argot des royalistes ennemis de la première Révolution.
«Je m'accroupis en gémissant
Au coin d'une boutique.
Je mis bas un sous-lieutenant
D'une figure étique?»
dit une chanson du comte Barruel de Beauvert, publiée dans les Nouveaux Actes des Apôtres.
On disait aussi Un représentant.
Avant de s'entre-tuer, les hommes que divisent les opinions politiques s'entre-souillent d'épigrammes ordurières.
- SOUS-OFF, s. m. Apocope de Sous-Officier,—dans l'argot des troupiers.
- SOUS PRESSE (Être). Être occupée,—dans l'argot de Breda-Street.
- SOUSSOUILLE, s. et adj. Débauché, ivrogne, arsouille,—dans l'argot des faubouriens.
- SOUTADOS, s. m. Pièce de cinq centimes.
- SOUTE AU PAIN, s. f. L'estomac,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
Les ouvriers anglais ont la même expression: Bread-basket (panier au pain), disent-ils.
- SOUTELLAS, s. m. Cigare d'un sou,—dans l'argot des voyous qui ont voulu se moquer des panatellas.
- SOUTENANTE, s. f. Canne,—dans l'argot des voleurs.
- SOUTENEUR, s. m. Homme qui vit aux dépens des filles,—dans l'argot du peuple.
- SOUTIRER AU CARAMEL, v. a. Tirer de l'argent de quelqu'un en employant la douceur.
- SPECK, s. m. Lard,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot à la langue allemande.
- SPEECH, s. m. Discours, bavardage,—dans l'argot du peuple et des gens de lettres.
- SPER, s. m. Carreau dont on vient de se servir, mais qui possède encore assez de chaleur pour être de nouveau utilisé.
Expression de l'argot des tailleurs.
- SPHINX, s. m. Mets imaginaire comme le monstre auquel fut forcé de répondre Œdipe, et qu'on demande facétieusement dans certains restaurants qui prétendent avoir de tout. Alphonse Karr, ou Méry, eut un jour la curiosité d'en exiger;—«Nous venons de donner la dernière portion,» lui répondit tranquillement le garçon. Léon Gozlan fut plus heureux, ou plus malheureux; il en demanda—et on lui en servit.
- SPICKEL, s. f. Épée de fantaisie,—dans l'argot des Polytechniciens, qui l'achètent ordinairement chez le marchand qui porte ce nom, et dont le magasin est rue Saint-Honoré, ou rue Richelieu.
- SPIRITE, s. et adj. Homme qui ne croit peut-être pas à Dieu mais qui croit aux esprits, afin de prouver l'insanité du sien.
- SPIRITISME, s. m. Dada, à l'usage des gens sérieux qui tiennent à passer pour grotesques. Ils évoquent Voltaire et ils le font parler comme Eugène de Mirecourt.
- SPORT, s. m. Science de la haute vie et des nobles amusements, courses, paris, etc.,—dans l'argot des anglomanes.
- SPORTIF, IVE, adj. Qui a rapport aux choses du sport.
Mot barbare qui a fait récemment son apparition dans les journaux.
- SPORTSMAN, s. m. Homme de cheval, habitué des courses.
- SPORTSMANIE, s. f. La manie des courses,—dans l'argot des bourgeois.
- STALLE, s. f. Chaise ou fauteuil,—dans l'argot des francs-maçons.
- STERLING, adj. Pur, de bon aloi; riche,—dans l'argot du peuple, qui n'a pas le moins du monde «emprunté ce superlatif au système monétaire anglais», par l'excellente raison que ce «superlatif» a, en anglais, la même signification qu'en français: Sterling wit (esprit de bon aloi), sterling merit (mérite remarquable), disent nos voisins. M. Ch. Nisard s'est trompé.
- STICK, s. m. Petite canne,—dans l'argot des «young gentlemen», qui mettent cela dans leur bouche comme un sucre d'orge, au lieu d'appuyer leurs mains dessus comme sur un bâton.
Ce mot entrera sans peine dans la prochaine édition du Dictionnaire de l'Académie, plus hospitalier pour les mots anglais que pour les mots français. Même observation à propos de derby, turf, studbook, handicap, steeple-chase, match, etc.
- STOCKFISH, s. m. Anglais,—dans l'argot des faubouriens.
- STOP! Expression de la langue anglaise qui est passée dans l'argot des canotiers parisiens. Elle signifie, on le sait: «Arrêtez!»
- STOPPER, v. n. Arrêter, faire escale.
C'est le verbe anglais To stop.
- STROC, s. m. Chopine,—dans l'argot des voleurs.
Demi-stroc. Demi-setier.
On dit aussi Stron.
- STUC, s. m. Part d'un vol,—dans l'argot des voleurs, qui doivent s'estimer heureux de ne plus vivre au XVIIIe siècle, à une époque où un arrêt de la Cour du Parlement (22 juillet 1722) condamnait à être rompu vif un sieur Cochois, pour avoir recélé des vols, en avoir eu le stuc, et acheté le stuc des autres.
J'ai vu écrit Lestuc sur feuillet de garde du Langage de l'argot réformé, avec mention du sens dans lequel stuc est employé.
Être stuqué. Être instruit.
- STYLER QUELQU'UN, v. a. Lui faire la leçon, lui apprendre ce qu'il doit dire ou faire. Argot du peuple.
- SUAGE, s. m. Assassinat,—dans l'argot des voleurs.
Signifie aussi Chauffage.
- SUAGEUR, s. m. Chauffeur.
- SUBLIME COUP DE L'ÉTRIER, s. m. Le viatique, qu'on donne aux mourants avant leur départ pour le grand voyage,—dans l'argot de lord Pilgrim, aliàs Arsène Houssaye, qui a employé cette expression, d'un goût contestable, à propos des derniers moments de Proudhon.
- SUBLIMER, v. n. Travailler avec excès, la nuit spécialement,—dans l'argot des polytechniciens.
- SUBLIMER (Se). Se corrompre davantage, mais avec art,—dans l'argot des petites dames, qui ont une façon à elles de s'élever (sublimare).
- SUBTILISER, v. a. Dérober quelque chose, une tabatière ou un foulard,—dans l'argot des faubouriens.
- SUCCÈS D'ESTIME, s. m. Succès douteux, et pour ainsi dire nul,—dans l'argot des coulisses.
- SUCE-LARBIN, s. m. Bureau de placement pour les domestiques—dans l'argot des voleurs.
- SUCER LA FINE CÔTELETTE, v. a. Déjeuner à la fourchette.—dans l'argot des faubouriens.
- SUCER LA POMME (Se), v. réfl. S'embrasser; se bécotter.
On dit aussi Se sucer le trognon.
- SUCER UN VERRE, v. a. Le boire.
- SUCEUR, s. m. Parasite, homme qui boit et mange aux dépens des autres. Argot des coulisses.
- SUÇON, s. m. Pince faite à même le drap pour obtenir un bombage,—dans l'argot des tailleurs.
- SUÇON, s. m. Baiser-ventouse,—dans l'argot des grisettes.
- SUÇON, s. m. Sucre d'orge,—dans l'argot des petites dames, habituées des Délass Com, et du théâtre Déjazet.
- SUCRE! Exclamation de l'argot des bourgeoises, à qui—naturellement—répugne celle de Cambronne.
- SUCRÉE! s. f. Bégueule,—dans l'argot du peuple.
Faire sa sucrée. Se choquer des discours les plus innocents comme s'ils étaient égrillards, et des actions les plus simples comme si elles étaient indécentes.
L'expression est vieille,—comme l'hypocrisie. Perrot d'Ablancourt, dans sa traduction de Lucien, dit: «Et cette petite sucrée de Sapho...»
On dit aussi Confédéré, Esclavagiste, Sécessionniste et Séparatiste.
- SUÉE, s. f. Réprimande,—dans l'argot du peuple.
Signifie aussi Peur.
- SUÉE DE MONDE, s. f. Foule, grand nombre de personnes.
- SUER (Faire). Assassiner,—dans l'argot des voleurs.
Faire suer sur le chêne. Tuer un homme.
- SUER (Faire). Ennuyer outrageusement par ce qu'on fait ou par ce qu'on dit; faire lever les épaules de pitié ou de dédain. Argot du peuple.
- SUER SON ARGENT (Faire). Lui faire rapporter gros; se livrer à l'usure. Argot des bourgeois.
- SUER THÉMIS (Faire). Étudier le Code, de manière à pouvoir éluder la loi,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens d'affaires, des avocats marrons.
- SUEUR DE CANTONNIER, s. f. Chose rare parce que chère, ou chère parce que rare,—les cantonniers étant connus généralement pour des gens qui en prennent à leur aise.
- SUIF, s. m. Réprimande de maître à valet, ou de patron à ouvrier. Argot des faubouriens.
Gober son suif. Recevoir les reproches auxquels on s'attendait.
- SUIF, s. m. Graisse, la partie adipeuse du corps humain.
Être tout en suif. Être fort gras.
- SUIF, s. m. Argent, beurre.
- SUIFFARD, adj. et s. Homme mis avec élégance, avec chic.
- SUIFFARD, s. m. Richard.
- SUIFFÉ, adj. Soigné, remarquable, très beau.
Femme suiffée. Très jolie ou très bien mise.
- SUIFFÉE, s. f. Coups donnés ou reçus.
- SUISSE, s. m. Invité, convive,—dans l'argot des troupiers.
Faire Suisse. Boire ou manger seul.
- SUISSESSE, s. f. Verre d'absinthe,—dans l'argot des bohèmes.
- SUIVEUR, s. m. Galantin de n'importe quel âge, homme qui suit les femmes dans la rue.
Mot créé par Nestor Roqueplan.
- SUIVEZ-MOI, JEUNE HOMME, s. m. Rubans très minces et très longs que les petites dames laissent flotter sur leur dos.
- SUIVRE LE SOLEIL, v. a. Aller travailler à la journée chez les particuliers,—dans l'argot des tailleurs, qui ont rarement des expressions aussi imagées et aussi poétiques.
- SULFATE DE CUIVRE, s. m. Absinthe de cabaret,—dans l'argot des bohèmes, qui n'en sont que plus coupables puisqu'ils boivent obstinément un liquide dont ils connaissent les désastreux effets.
J'ai entendu demander par un ivrogne un verre de sulfate de cuivre et j'ai vu le garçon lui apporter un verre d'absinthe. Empoisonneurs et empoisonnés rient de leur poison. C'est parfait!
- SULTAN (Le). Le public,—dans l'argot des coulisses.
L'expression est juste surtout à propos des actrices, ces odalisques dont les tiroirs regorgent de mouchoirs.
- SUPERLIFICOQUENTIEUX, a. Merveilleux, étonnant, inouï,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Superlificoquentiel.
- SURBINE, s. f. Surveillance,—dans l'argot des voleurs.
- SURETTE, s. f. Pomme,—dans le même argot.
- SURGERBER, v. a. Condamner en appel,—dans le même argot.
- SURIN, s. m. Couteau,—dans le même argot.
Surin muet. Canne plombée; casse-tête.
- SURINER, v. a. Assassiner quelqu'un avec un surin. V. Chouriner.
- SURINEUR, s. m. Spécialiste du genre de Lacenaire. V. également Chourineur.
- SURJUIN, s. m. Insurgé de juin 1848,—dans l'argot des campagnards de la banlieue de Paris, pour qui un mot nouveau n'est facile à retenir qu'autant qu'il est court et sonore.
- SURMOULEUR, s. m. Ecrivain qui, volontairement ou à son insu, pastiche d'autres écrivains, et emploie tout son talent à exagérer les mauvais côtés du talent des autres. Argot des gens de lettres.
- SUR-RINCETTE, s. f. Supplément à la rincette,—dans l'argot des bourgeois.
- SUR SEIZE! Exclamation de l'argot des calicots, qui l'emploient pour se prévenir mutuellement d'un péril quelconque, comme par exemple de l'arrivée subite du patron, etc.
- SYMBOLE, s. m. Crédit chez le marchand de vin,—dans l'argot des typographes, qui veulent sans doute faire allusion à l'œil du fameux triangle maçonnique.
Avoir le symbole. Avoir un compte ouvert chez le cabaretier.
- SYMBOLE, s. m. La tête,—dans l'argot des voyous.
Se dit aussi pour Chapeau.
- SYSTÈME, s. m. L'ensemble des fonctions du corps humain, et, plus spécialement, le système nerveux. Argot du peuple.
Agacer le système. Ennuyer.
Taper sur le système. Agacer les nerfs; exaspérer.
T
- TABAC, s. m. Vieil étudiant,—culotté comme une pipe qui a beaucoup servi.
- TABAC, s. m. Ennui, misère,—dans l'argot des faubouriens.
Être dans le tabac. Être dans une position critique.
Foutre du tabac à quelqu'un. Le battre—de façon à lui faire éternuer du sang.
Fourrer dans le tabac. Mettre dans l'embarras.
Manufacture de tabac. Caserne.
- TABAC DE DÉMOC, s. m. Tabac fait avec les détritus de cigares ramassés par les voyous jeunes et vieux, dont c'est la spécialité.
- TABAR, s. m. Manteau,—dans l'argot des voleurs.
Ils disaient autrefois Volant.
- TABATIÈRE, s. f. Le podex,—dans l'argot du peuple.
Ouvrir sa tabatière. Faire un sacrifice muet, mais odore, au dieu Crépitus. D'où: Quelle prise!
- TABLEAU-RADIS, s. m. Toile qui revient, invendue, du Salon ou de la boutique du marchand. Argot des artistes et des gens de lettres.
On dit de même Livre-radis.
- TABLEAUTIN, s. m. Tableau sans valeur.
- TABLETTE, s. f. Brique,—dans l'argot des voleurs.
- TABLIER DE CUIR, s. m. Cabriolet,—dans l'argot des faubouriens.
- TABLIER LÈVE (Le). Se dit—dans l'argot des bourgeois—d'une fille qui ne peut plus dissimuler sa grossesse. Intumescit alvus.
Faire lever le tablier. Engrosser une fille ou une femme.
Avoir le taf. Avoir peur.
Coller le taf. Faire peur.
On dit aussi Tafferie.
Il n'y a pas à douter que ce mot ne vienne d'une expression proverbiale ainsi rapportée par Oudin: «Les fesses luy font taf taf, ou le cul lui fait tif taf, c'est-à-dire: Il a grand peur, il tremble de peur.»
On dit aussi Taffetas.
Avoir le taffetas du vert. Être frileux, avoir peur du froid.
- TAFFER, v. n. Avoir peur,—dans l'argot des faubouriens.
- TAFFEUR, s. m. Poltron.
Le Royal-Taffeur. Régiment aux cadres élastiques, où l'on incorpore à leur insu tous les gens qui ont donné des preuves de couardise.
- TAILLER DES BAVETTES, v. a. Bavarder comme font les commères à la veillée,—dans l'argot du peuple, qui sait que les femmes déchirent plus de réputations à coups de langue qu'elles ne cousent de robes à coups d'aiguille.
- TAILLER DES CROUPIÈRES, v. a. Donner de l'inquiétude à son ennemi, le harceler sans cesse.
- TAILLER LES MORCEAUX A QUELQU'UN, v. a. Limiter ce qu'il doit manger ou dépenser; lui prescrire ce qu'il doit faire.
- TAILLEUSE, s. f. Nom générique de la corporation des tailleurs.
- TAIRE SON BEC, v. a. Se taire,—dans l'argot du peuple.
- TALBIN, s. m. Billet de complaisance,—dans l'argot des voleurs.
Talbin d'altèque. Billet de banque.
Talbin d'encarade. Billet d'entrée dans un théâtre.
- TALBIN, s. m. Huissier,—dans le même argot.
- TALBINER, v. a. Assigner devant le tribunal.
- TALOCHE, s. f. Soufflet ou coup de poing,—dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Molière.
- TALOCHER, v. a. Donner des soufflets.
- TALOCHON, s. m. Petite taloche.
- TALONNER, v. a. Presser, tourmenter; poursuivre.
- TALON ROUGE, s. m. Aristocrate.
Être talon rouge. Avoir la suprême impertinence.
- TALONS COURTS (Avoir les). Se dit de toute femme ou fille qui ne sait pas défendre assez vigoureusement son honneur, et qui succombe trop aisément.
- TAMBOUILLE, s. f. Ragoût, fricot,—dans l'argot des faubouriens.
Faire sa tambouille. Faire sa cuisine.
- TAMBOUR, s. m. Chien,—dans l'argot des voleurs.
Roulement de tambour. Aboiement.
- TAMPON, s. m. Poing,—dans l'argot du peuple.
- TAMPONNER (Se), v. réfl. Se battre à coups de poing.
On dit aussi Se foutre des coups de tampon.
- TANGENTE, s. f. Épée,—dans l'argot des Polytechniciens.
Ils l'appellent aussi: La tangente au point Q.
- TANNANT, E, adj. Ennuyeux, assommant,—dans l'argot des faubouriens.
- TANNER, v. n. Ennuyer.
- TANNER LE CUIR, v. a. Battre quelqu'un à coups redoublés.
Au XVIIe siècle on disait: Faire péter le maroquin.
- TANTE, s. f. Individu du troisième sexe,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Tapette.
- TANTE (Ma). Mont-de-Piété,—dans l'argot des petites dames et des bohèmes qui croient avoir inventé là une expression bien ingénieuse, et qui se sont contentés de contrefaire une expression belge: car au XIIe siècle, dans le pays wallon, on appelait un usurier mon oncle.
On dit aussi Casino.
- TANTINET, adv. Un peu,—dans l'argot du peuple qui emploie ce mot depuis quelques siècles.
On dit aussi Tantet.
- Tant que terre, adv. En abondance, beaucoup.
- TAP ou TAPIN, s. m. Poteau du pilori,—dans l'argot des voleurs.
Faire le tapin. Être exposé.
On dit aussi Faire le singe.
- TAPAGE, s. m. Amour,—dans l'argot des typographes.
- TAPAGEUR, EUSE, adj. Eclatant, voyant, criard,—dans l'argot des gens de lettres et des artistes.
Couleurs tapageuses. Couleurs trop vives qui tirent l'œil et l'agacent.
Toilette tapageuse. Toilette d'un luxe de mauvais goût, dressée pour faire retourner les hommes et «crever de jalousie» les femmes.
- TAPAMORT, s. m. Tambour,—dans l'argot des voyous.
- TAPANCE, s. f. Maîtresse ou femme légitime,—dans l'argot des typographes.
La tapance du meg. La femme du patron.
- TAPE, s. f. Coup de la main, à plat ou fermée. Argot du peuple.
- TAPÉ, adj. Réussi, émouvant, éloquent,—c'est-à-dire bourré de grosses phrases sonores et d'hyperboles de mauvais goût, comme le peuple les aime dans les discours de ses orateurs, dans les livres de ses romanciers et dans les pièces de ses dramaturges.
Tapé dans le nœud. Excessivement beau, ou extrêmement remarquable.
- TAPE-A-L'œIL, s. m. Homme qui a une pétéchie sur l'œil; chien blanc qui a du poil noir sur les yeux.
- TAPECUL, s. m. Voiture mal suspendue qui secoue les voyageurs.
- TAPE-CUL, s. m. Planche en équilibre sur laquelle on se balance à deux. Argot des gamins.
- TAPEDUR, s. m. Serrurier,—dans l'argot des voleurs.
- TAPÉE, s. f. Foule, grande réunion de personnes,—dans l'argot des faubouriens.
- TAPER, v. a. Frapper, battre.
- TAPER, v. a. et n. Permolere uxorem, quamlibet aliam,—dans l'argot des typographes.
- TAPER, v. a. Demander de l'argent,—dans l'argot des ouvriers.
Taper son patron de vingt francs. Lui demander une avance d'un louis.
- TAPER, v. n. Prendre sans choisir,—dans l'argot des faubouriens.
Taper dans le tas. Prendre au hasard dans une collection de choses ou de femmes.
Taper sur les vivres. Se jeter avec avidité sur les plats d'une table; manger gloutonnement.
Taper sur le liquide. S'empresser de boire.
- TAPER DANS LE TAS. Avoir de la rondeur dans les allures, de la franchise dans le caractère.
- TAPER DANS L'œIL, v. a. Séduire,—en parlant des choses et des femmes.
- TAPER DE L'œIL, v. n. Dormir.
L'expression est plus vieille qu'on ne serait tenté de le croire, car on la trouve dans les Œuvres du comte de Caylus (Histoire de Guillaume Cocher).
- TAPER SUR LA BOULE, v. a. Griser, étourdir, à propos d'un liquide.
- TAPETTE, s. f. Verve, entrain, platine.
Avoir une fière tapette. Être grand parleur,—ou plutôt grand bavard.
- TAPETTE, s. f. Individu faisant partie du troisième sexe.
- TAPIN, s. m. Tambour,—dans l'argot des troupiers.
Le mot a au moins cent ans de bouteille.
- TAPIQUER, v. n. Habiter,—dans l'argot des voleurs.
- TAPIS, s. m. Conversation, causerie,—dans l'argot des bourgeois.
Être sur le tapis. Être l'objet d'une causerie, le sujet d'une conversation.
Amuser le tapis. Distraire d'une préoccupation sérieuse par une causerie agréable.
- TAPIS, s. m. Cabaret, auberge, hôtel,—dans l'argot des voleurs, qui se servent là d'un vieux mot de la langue romane, tapinet (lieu secret), dont on a fait tapinois.
Ils disent aussi Tapis franc, c'est-à dire Cabaret d'affranchis.
Tapis de grives. Cantine de caserne.
Tapis de malades. Cantine de prison.
Tapis de refaite. Table d'hôte.
- TAPIS BLEU, s. m. Paradis,—dans l'argot des faubouriens, qui voient par avance le dedans du ciel semblable au dehors.
- TAPIS BRÛLE (Le). Expression de l'argot des joueurs, pour exciter quelqu'un à se mettre au jeu.
- TAPIS DE PIED, s. m. Courtisan,—dans l'argot énergique du peuple, qui sait que les gens qui veulent parvenir essuient sans murmurer, de la part des gens parvenus, toutes les humiliations et toutes les mortifications.
Il dit aussi Lèche-tout.
- TAPISSERIE, s. f. Femmes laides ou vieilles qu'on n'invite pas à danser—dans l'argot des bourgeois.
Faire tapisserie. Regarder faire, ou écouter parler les autres.
- TAPISSERIE (Avoir de la). Avoir beaucoup de figures en main,—dans l'argot des joueurs.
- TAPISSIER, s. m. Cabaretier.
- TAPIS VERT, s. m. Tripot,—dans l'argot des voleurs et des bourgeois.
Jardiner sur le tapis vert. Jouer dans un tripot.
- TAPON, s. m. Amas de choses,—et spécialement d'étoffes, de chiffons. Argot du peuple.
Mettre sa cravate en tapon. La chiffonner, la mettre sans goût, comme si c'était un chiffon.
L'expression sort évidemment du vocabulaire des marins, qui appellent Tapon une pièce de liège avec laquelle on bouche l'âme des canons pour empêcher l'eau d'y entrer.
- TAPOTER DU PIANO. Toucher médiocrement du piano. Argot des bourgeois.
- TAPOTEUR DE PIANO, s. m. Pianiste médiocre.
- TAPOTEUSE DE PIANO. Femme qui fait des gammes.
- TAPPE, s. f. La marque qu'on appliquait avant 1830 sur l'épaule des condamnés aux travaux forcés.
- TAQUER, v. a. Hausser,—dans l'argot des voleurs.
- TARAUDER, v. n. Faire un bruit agaçant en remuant mal à propos des meubles, en secouant des tiroirs, etc. Argot du peuple.
- TARAUDER, v. a. Battre, donner des coups,—dans l'argot des faubouriens.
- TARD-A-LA-SOUPE, s. m. Convive qui se fait attendre,—dans l'argot du peuple.
- TAROQUE, s. f. Marque du linge,—dans l'argot des voleurs.
- TAROQUER, v. a. Marquer.
- TARTARE, s. m. Apprenti; médiocre ouvrier,—dans l'argot des tailleurs.
Tartare, s. m. Fausse nouvelle, canard politique,—dans l'argot des journalistes et des boursiers.
Se dit depuis la dernière guerre de Crimée. Un peu avant que le résultat de la bataille de l'Alma fût connu, le bruit courut,—et ce furent évidemment des spéculateurs qui le firent courir qu'un cavalier tartare était arrivé à franc étrier au camp d'Omer-Pacha, annonçant la victoire des armées alliées contre les Russes. On le crut à Paris, et les fonds montèrent. Quelques jours après, la nouvelle apocryphe devenait officielle.
- TARTE, adj. Qualité bonne ou mauvaise d'une chose,—dans l'argot des voleurs.
- TARTE BOURBONNAISE, s. f. Résultat du verbe alvum deponere,—dans l'argot du peuple, qui a la plaisanterie fécale.
Il a pour excuse l'exemple de Rabelais (Pantagruel, liv. II, chap. XVI).
- TTartine, s. f. Article bon ou mauvais, mais surtout mauvais. Argot des journalistes.
Signifie aussi Long discours, homélie ennuyeuse.
Débiter des tartines. Parler longtemps.
- TARTINER, v. n. et a. Ecrire des articles.
Tartiner une brochure. La rédiger.
- TARTINES, s. f. pl. Souliers éculés, pantoufles,—dans l'argot des voyous.
- TARTIR, v. n. Levare ventris onus,—dans l'argot des voleurs.
- TAS DE PIERRES, s. m. Prison,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Boîte aux cailloux.
- TATA, s. f. Tante,—dans l'argot des enfants.
C'est également le mot qu'ils répètent le plus souvent pour appeler leur père. On le retrouve jusque dans les épigrammes de Martial.
- TATA, s. f. Femme plus bavarde que ne le permet son sexe; belle diseuse de riens; précieuse; mijaurée.
Faire sa tata. Se donner de l'importance; être une commère écoutée.
- TATE-POULE, s. m. Innocent, et même imbécile.
Se dit aussi d'un Homme qui s'amuse aux menus soins du ménage.
- TATER, v. a. et n. Peloter.
- TATEUR, s. m. Peloteur.
- TATEZ-Y, s. m. Croix à la Jeannette, ou petit cœur d'or qui pend sur la gorge des demoiselles et même des dames.
- TATILLON, s. et adj. Homme méticuleux à l'excès, s'occupant de riens comme s'ils étaient importants et négligeant les choses importantes pour des riens. Argot du peuple.
On dit aussi Tatillonneur.
L'expression a une centaine d'années de bouteille.
- TATILLONNER, v. n. S'occuper de choses qui n'ont pas d'importance; faire la mouche du coche.
- TATOUILLE, s. f. Coups donnés ou reçus,—dans l'argot des faubouriens.
- TATOUILLER, v. a. Battre, donner des coups.
- TAUDE, s. f. Apocope de Taudion,—dans l'argot des voyous.
- TAUDION, s. m. Endroit quelconque; logement malpropre, taudis. Argot des faubouriens.
- TAULE, s. m. Le bourreau,—d'après Victor Hugo, à qui j'en laisse la responsabilité.
- TAULE ou TÔLE, s. f. Maison,—dans l'argot des voleurs et des voyous.
C'est la piaule, moins les enfants.
- TAUPAGE, s. m. Egoïsme, existence cachée,—dans le même argot.
- TAUPE, s. f. Fille de mauvaises mœurs,—dans l'argot peu chrétien des bourgeois.
On dit aussi gaupe.
- TAUPER, v. a. et n. Battre, Accabler de coups,—dans l'argot des ouvriers.
On dit aussi Tauper dessus.
- TAUPER, v. n. Travailler,—dans l'argot des faubouriens.
- TAUPIER, s. m. Egoïste.
- TAUPIN, s. m. Candidat à l'Ecole polytechnique,—peut-être parce qu'on a remarqué que la plupart des jeunes gens qui se destinent à cette école, travailleurs plus acharnés que les autres avaient de bonne heure la vue aussi faible que celle des taupes.
Taupin carré. Taupin de 2e année.
Taupin cube. Taupin de 3e année.
- TAUPIN VAUT MAROTTE. Se dit ironiquement—dans l'argot du peuple—de deux personnes qui ont les mêmes vices ou la même laideur physique.
On dit aussi Taupin vaut Taupine.
- TEIGNE, s. f. Fille ou femme acariâtre, hargneuse dont on ne peut pas se débarrasser.
On dit aussi Gale.
- TEINTÉ (Être). Commencer à être gris,—dans l'argot des ouvriers.
- TEINTURIER, s. m. Homme de lettres qui met en français un travail littéraire fait par un illettré, et lui donne du style, de la poésie, de la couleur.
Il y a aussi les teinturiers politiques, c'est-à-dire des gens supérieurs que les hommes d'Etat inférieurs s'attachent par tous les moyens pour profiter de leurs lumières et s'assimiler leurs talents.
Voltaire a employé ce mot, très clair, très significatif.
- TEMPLE, s, m. Salle de réunion,—dans l'argot des francs-maçons.
- TEMPLE, s. m. Manteau,—dans l'argot des faubouriens.
- TEMPS DE BÛCHE, s. m. Epoque qui précède les examens,—dans l'argot des étudiants.
- TEMPS DE CHIEN. Mauvais temps, pluie ou neige,—temps à ne pas mettre un chien dehors. Argot du peuple.
- TEMPS DE DEMOISELLE, s. m. Quand il ne fait ni pluie ni soleil, ni poussière ni vent.
- TEMPS SALÉ, s. m. Temps chaud, qui fait boire.
- TENDRE LA PERCHE, v. a. Venir en aide à quelqu'un qui se trouble dans une conversation ou dans un discours.
- TENDRON, s. m. Grisette, jeune fille à laquelle il est permis de manquer de respect,—dans l'argot des bourgeois.
- TENIR (En). Avoir de l'amour pour quelqu'un,—dans l'argot des bourgeois.
- TENIR A 40 SOUS AVEC SON CROQUE-MORT (Se). Se débattre dans l'agonie, ne pas vouloir mourir.
Cette expression, aussi cynique que sinistre, est du pur argot de voyou. Si je ne l'avais entendue de mes oreilles, je l'aurais crue inventée.