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Dictionnaire de la langue verte

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  • FUSILLER, v. n. Donner un mauvais dîner—dans l'argot des troupiers.
  • FUTÉ, adj. et s. Malin, rusé, habile,—dans l'argot du peuple qui emploie souvent ce mot en bonne part.

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G

  • GABATINE, s. f. Plaisanterie,—dans l'argot du peuple, héritier des anciens gabeurs, dont il a lu les prouesses dans les romans de chevalerie de la Bibliothèque Bleue.

Donner de la gabatine. Se moquer de quelqu'un, le faire aller, en s'en moquant.

  • GABEGIE, subst. f. Fraude, tromperie.

Est-ce un souvenir de la gabelle, ou une conséquence du verbe se gaber?

  • GABELOU, s. m. Employé de l'octroi, le Gabellier de nos pères.
  • GACHER, v. n. Se dit à propos du mauvais temps, de la boue et de la neige qui rendent les rues impraticables.

Cependant, au lieu de Il gâche, on dit plus fréquemment: Il fait gâcheux ou il fait du gâchis.

  • GACHER DU GROS, v. a. Levare ventris onus.
  • GACHEUR, adj. et s. Écrivain médiocre, qui gâche les plus beaux sujets d'articles ou de livres par son inhabileté ou la pauvreté de son style. Argot des gens de lettres.
  • GACHEUSE, s. f. Femme ou fille du monde de la galanterie, qui ne connaît le prix de rien excepté celui de ses charmes.
  • GACHIS, s. m. Embarras politique ou financier.

Il y aura du gâchis. On fera des barricades, on se battra.

  • Gadin, s. m. Bouchon,—dans l'argot des voyous.

Flancher au gadin. Jouer au bouchon.

  • GADIN, s. m. Vieux chapeau qui tombe en loques. Argot des faubouriens.
  • GADOUAN, s. m. Garde national de la banlieue,—dans l'argot des voyous.
  • GADOUE, s. f. Immondices des rues de Paris, qui servent à faire pousser les fraises et les violettes des jardiniers de la banlieue.

D'où l'on a fait Gadouard, pour Conducteur des voitures de boue.

  • GADOUE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,—dans l'argot des faubouriens, sans pitié pour les ordures morales.
  • GAFFE, s. f. Les représentants de l'autorité en général,—dans l'argot des voleurs, qui redoutent probablement leur gaflach (épée, dard).

Être en gaffe. Monter une faction; faire sentinelle ou faire le guet.

  • GAFFE, s. m. Représentant de l'autorité en particulier.

Gaffe à gail. Garde municipal à cheval; gendarme.

Gaffe de sorgue. Gardien de marché; patrouille grise.

On dit aussi Gaffeur.

  • GAFFE, s. m. Gardien de cimetière,—dans l'argot des marbriers.
  • GAFFE, s. f. Bouche, langue,—dans l'argot des ouvriers.

Se dit aussi pour action, parole maladroite, à contretemps.

Coup de gaffe. Criaillerie.

  • GAFFER, v. a. et n. Surveiller.
  • GAGA, s. m. Gâteau,—dans l'argot des enfants, qui, de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, emploient à leur insu l'allitération, l'aphérèse et l'apocope. Ouf!
  • GAGNER DES MILLE ET DES CENTS, v. a. Gagner beaucoup d'argent,—dans l'argot des bourgeois.
  • GAGUIE, s. f. Bonne commère d'autant d'embonpoint que de gaieté. Argot du peuple.
  • GAI (Être). Avoir un commencement d'ivresse,—dans l'argot des bourgeois.

On dit aussi Être en gaieté.

  • GAIL, s. m. Cheval,—dans l'argot des souteneurs de filles et des maquignons.

Quelques Bescherelle de Poissy veulent qu'on écrivegaye et d'autres gayet.

  • GAILLARDE, s. f. Fille ou femme à qui les gros mots ne font pas peur et qui se plaît mieux dans la compagnie des hommes que dans la société des femmes. Argot des bourgeois.
  • GALA, s. m. Repas copieux, fête bourgeoise.
  • GALANTERIE, s. f. Le mal de Naples,—depuis si longtemps acclimaté à Paris.
  • GALAPIAT, s. m. Fainéant, voyou,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi: Galapiau, Galapian, Galopiau, qui sont autant de formes du mot Galopin.

  • GALBE, s. m. Physionomie, bon air, élégance,—dans l'argot des petites dames.

Être truffé de galbe. Être à la dernière mode, ridicule ou non,—dans l'argot des gandins.

Ils disent aussi Être pourri de chic.

  • GALBEUX, adj. Qui a du chic, une désinvolture souverainement impertinente,—ou souverainement ridicule.
  • GALE, s. f. Homme difficile à vivre, ou agaçant comme un acarus,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Teigne.

  • GALERIE, s. f. La foule d'une place publique ou les habitués d'un café, d'un cabaret.

Parler pour la galerie. Faire des effets oratoires;—parler, non pour convaincre, mais pour être applaudi,—et encore, applaudi, non de ceux à qui l'on parle, mais de ceux à qui on ne devrait pas parler. Que de gens, de lettres ou d'autre chose, ont été et sont tous les jours victimes de leur préoccupation de la galerie?

  • GALETTE, s. f. Imbécile, homme sans capacité, sans épaisseur morale. Argot du peuple.
  • GALETTE, s. f. Matelas d'hôtel garni.
  • GALIFARD, s. m. Cordonnier,—dans l'argot des revendeuses du Temple.
  • GALIFARDE, s. f. Fille de boutique.
  • GALIMAFRÉE, s. f. Ragoût, ou plutôt Arlequin,—dans l'argot du peuple.

S'emploie aussi au figuré.

  • GALIOTE, s. f. «Complot entre deux joueurs qui s'entendent pour faire perdre ceux qui parient contre un de leurs compères.»

On dit aussi Gaye.

  • GALIPOT, s. m. Stercus humain,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.

A proprement parler le Galipot est un mastic composé de résine et de matières grasses.

  • GALIPOTER, v. n. Cacare.
  • GALLI-BATON, s. m. Vacarme; rixe,—dans l'argot des faubouriens.
  • GALLI-TRAC, s. m. Poule-mouillée, homme qui a le trac.
  • GALOCHE, s. f. Jeu du bouchon,—dans l'argot des gamins.
  • GALONS D'IMBÉCILE, s. m. pl. Grade subalterne obtenu à l'ancienneté,—dans l'argot des troupiers.
  • GALOP, s. m. Réprimande,—dans l'argot des ouvriers.
  • GALOPÉ, adj. Fait à la hâte, sans soin, sans goût.
  • GALOPER, v. n. Se dépêcher.

Signifie aussi Aller çà et là.

Activement, ce verbe s'entend dans le sens de Poursuivre, Courir après quelqu'un.

  • GALOPER UNE FEMME. Lui faire une cour pressante.
  • GALOPIN, s. m. Apprenti,—dans l'argot des ouvriers. Mauvais sujet,—dans l'argot des bourgeois. Impertinent,—dans l'argot des petites dames.
  • GALOUBET, s. m. Voix,—dans l'argot des coulisses.

Avoir du galoubetAvoir une belle voix.

Donner du galoubet. Chanter.

  • GALUCHE, s. m. Galon,—dans l'argot des voleurs.
  • GALUCHER, v. a. Galonner.
  • GALUCHET, s. m. Valet,—dans l'argot des voyous.
  • GALURIN, s. m. Chapeau.

Ce mot ne viendrait-il pas, par hasard, du latin galea, casque, ou plutôt de galerum, chapeau?

  • GALVAUDAGE, s. m. Désordre, gaspillage de fortune et d'existence. Argot des bourgeois.
  • GALVAUDER, v. a. Gâcher, gâter, dissiper.
  • GALVAUDER (Se). Vivre dans le désordre; ou seulement Hanter les endroits populaciers.
  • GALVAUDEUX, s. m. Fainéant, bambocheur. Argot du peuple.
  • GAMBILLARD, adj. et s. Homme alerte qu'on rencontre toujours marchant.
  • GAMBILLER, v. n. Danser, remuer les jambes.

Il est tout simple qu'on dise gambiller, la première forme de jambe ayant été gambe.

«Si souslevas ton train

Et ton peliçon ermin,

Ta cemisse de blan lin,

Tant que ta gambete vitz»

dit le roman d'Aucassin et Nicolette.

  • GAMBILLES, s. f. pl. Jambes.
  • GAMBILLEUR, s. m. Danseur,—dans l'argot des voleurs qui, comme de simples vaudevillistes, prennent le bien des autres où ils le trouvent.

Gambilleur de tourtouse. Danseur de corde.

  • GAMBRIADE, s. f. La danse, et principalement le Cancan.
  • GAMET, s. m. Raisin des environs de Paris avec lequel on fait de la piquette. Argot du peuple.
  • GAMIN, s. m. Enfant qui croit comme du chiendent entre les pavés du sol parisien, et qui est destiné à peupler les ateliers ou les prisons, selon qu'il tourne bien ou mal une fois arrivé à la Patte d'Oie de la vie, à l'âge où les passions le sollicitent le plus et où il se demande s'il ne vaut pas mieux vivre mollement sur un lit de fange, avec le bagne en perspective, que de vivre honnêtement sur un lit de misères et de souffrances de toutes sortes.

Ce mot, né à Paris et spécial aux Parisiens des faubourgs, a commencé à s'introduire dans notre langue sous la Restauration, et peut-être même un peu auparavant,—bien que Victor Hugo prétende l'avoir employé le premier dans Claude Gueux, c'est-à-dire en 1834.

  • GAMIN, s. m. Homme trop impertinent,—dans l'argot des petites dames, qui ne pardonnent les impertinences qu'aux hommes qui en ont les moyens.
  • GAMINER, v. n. Faire le gamin ou des gamineries.
  • GAMINERIE, s. t. Plaisanterie que font volontiers les grandes personnes à qui l'âge n'a pas apporté la sagesse et le tact.

Faire des gamineries. Écrire ou faire des choses indignes d'un homme qui se respecte un peu.

  • GAMME, s. f. Correction paternelle,—dans l'argot du peuple.

Faire chanter une gamme.—Châtier assez rudement pour faire crier.

On dit aussi Monter une gamme.

  • GANACHE, s. f. Homme qui ne sait rien faire ni rien dire; mâchoire.

Dans l'argot des gens de lettres, ce mot est synonyme de Classique, d'Académicien.

«Montesquieu toujours rabâche,

Corneille est un vieux barbon;

Voltaire est une ganache

Et Racine un polisson!»

dit une épigramme du temps de la Restauration.

Père Ganache. Rôle de Cassandre,—dans l'argot des coulisses. On dit aussi Père Dindon.

  • GANCE, s. f. Clique, bande,—dans l'argot des voleurs.
  • GANDIN, s. m. Oisif riche qui passe son temps à se ruiner pour des drôlesses,—et qui n'y passe pas beaucoup de temps, ces demoiselles ayant un appétit d'enfer.

Le mot n'a qu'une dizaine d'années. Je ne sais plus qui l'a créé. Peut-être est-il né tout seul, par allusion aux gants luxueux que ces messieurs donnent à ces demoiselles, ou au boulevard de Gand (des Italiens) sur lequel ils promènent leur oisiveté. On a dit gant-jaune précédemment.

  • GANDIN, s. m. Coup monté ou à monter,—dans l'argot des voleurs.

Hisser un gandin à quelqu'un. Tromper.

  • GANDIN, s. m. Amorce, paroles fallaces,—dans l'argot des marchandes du Temple.

Monter un gandin. Raccrocher une pratique, forcer un passant à entrer pour acheter.

  • GANDIN D'ALTÈQUE, s. m. Décoration honorifique quelconque,—dans l'argot des voleurs.
  • GANDINE, s. f. La femelle du gandin,—un triste mâle et une triste femelle.
  • GANDINERIE, s. f. Actions, habitudes de gandin. Peu usité.
  • GANTER, v. a. et n. Convenir, agréer,—dans l'argot des bourgeois.
  • GANTER, v. n. Payer plus ou moins généreusement,—dans l'argot des filles.

Ganter 51/2. N'être pas généreux.

Ganter 81/2. Avoir la main large et pleine.

  • GANTS, s. m. pl. Les deux sous du garçon des filles,—avec cette différence que les sous du premier sont en cuivre et les sous des secondes en argent, et même en or. Ce sont nos anciennes épingles, la drinkgeld des Flamands, le paraguantes des Espagnols et la buona mancia des Italiens.
  • GGANTS DE... (Avoir les). Avoir tout le mérite d'une découverte, tout l'honneur d'une affaire, etc.

Se donner les gants de... Se vanter d'une chose qu'on n'a pas faite; s'attribuer l'honneur d'une invention, le mérite d'une fine repartie,—en un mot, et il est de Génin, «s'offrir à soi-même un pourboire» gagné par un autre.

  • GARCE, s. f. Fille ou femme qui recherche volontiers la compagnie des hommes,—surtout quand ils sont riches.

Un mot charmant de notre vieux langage, que l'usage a défloré et couvert de boue. Il n'y a plus aujourd'hui que les paysans qui osent dire d'une jeune fille chaste: «C'est une belle garce.»

S'emploie fréquemment avec de, à propos des choses.

  • GARÇON, s. m. Voleur,—dans l'argot des prisons.

Brave garçon. Bon voleur.

Garçon de campagne. Voleur de grand chemin.

  • GARÇON D'ACCESSOIRES, s. m. Employé chargé de la garde du magasin où sont renfermés les accessoires. Argot des coulisses.

On dit aussi Accessoiriste.

  • GARÇONNER, v. n. Se plaire avec les petits garçons quand on est petite fille, et avec les jeunes hommes quand on est femme. Argot des bourgeois.
  • GARÇONNIÈRE, adj. et s. Fille qui oublie son sexe en jouant avec des garçons qui profitent de cet oubli.
  • GARDE-MANGER, s. m. Water-Closet,—dans l'argot du peuple, moins décent que l'argot anglais, qui ne fait allusion qu'à l'estomac en disant: Victualling-Office.
  • GARDE NATIONAL, s. m. Paquet de couenne,—dans l'argot des faubouriens, irrévérencieux envers l'institution inventée par La Fayette.
  • GARDER, v. n. Être près du bouchon ou de l'une des pièces tombées. Argot des gamins.
  • GARDER A CARREAU (Se). S'arranger de façon à n'être pas surpris par une réclamation, par un désaveu, par une attaque, etc. Argot du peuple.

Signifie aussi: Ne pas dépenser tout son argent.

On dit de même Avoir une garde à carreau.

  • GARDER UN CHIEN DE SA CHIENNE A QUELQU'UN. Se proposer de lui jouer un tour ou de lui rendre un mauvais office.

On dit aussi Garder une dent, et, absolument, la garder.

  • GARDER UNE POIRE POUR LA SOIF. Faire des économies; épargner, jeune, pour l'heure où l'on sera vieux.
  • GARDIEN, s. m. Variété de Sentinelle ou de Factionnaire. (V. Insurgé de Romilly.)
  • GARE-L'EAU, s. m. «Pot qu'en chambre on demande.»,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Reçoit-tout.

  • GARGANTUA, s. m. Grand mangeur,—dans l'argot du peuple.
  • GARGARISER (Se), v. réf. Boire un canon de vin ou un petit verre d'eau-de-vie.
  • GARGARISME, s. m. Verre de vin ou d'eau-de-vie.
  • GARGOINE, s. f. Gorge, gosier, γαργαρεων [grec: gargareôn].

Se rincer la gargoine. Boire.

  • GARGOT, s. m. Petit restaurant où l'on mange à bon marché et mal.

On dit aussi Gargote.

  • GARGOTAGE, s. m. Mauvais ragoût; chose mal apprêtée,—au propre et au figuré.

On dit aussi Gargoterie.

  • GARGOTER, v. a. et n. Cuisiner à la hâte et malproprement.

On trouve «Gargoter la marmite» dans les Caquets de l'accouchée.

Signifie aussi Hanter les gargotes.

  • GARGOTER, v. a. et n. Travailler sans goût, à la hâte.
  • GARGOTIER, s. m. Mauvais traiteur, au propre; mauvais ouvrier au figuré.
  • GARGOUILLADE, s. f. Borborygmes.

Se dit aussi de Fioritures de mauvais goût.

  • GARGOUILLER, v. n. Avoir des borborygmes.

On dit aussi Trifouiller.

  • GARGUE, s. f. Bouche,—dans l'argot des voleurs.

C'est l'apocope de Gargoine.

  • GARNAFFE, s. f. Ferme,—dans le même argot.
  • GARNAFFIER, s. m. Fermier, paysan.
  • GARNISON, s. f. Pediculi,—dans l'argot du peuple.

Naturellement c'est une garnison de grenadiers.

  • GAS, s. m. Garçon, enfant mâle,—dans l'argot du peuple, qui trouve plus doux de prononcer ainsi que de dire gars.

Beau gâs. Homme solide.

Mauvais gâs. Vaurien, homme suspect.

  • GATEAU FEUILLETÉ, s. m. Bottes qui se délitent,—dans l'argot des faubouriens.
  • GÂTE-MÉTIER, s. m. Ouvrier qui met trop de cœur à l'ouvrage; marchand qui vend trop bon marché,—dans l'argot du peuple, qui, s'il le connaissait, citerait volontiers le mot de Talleyrand: «Pas de zèle! Pas de zèle!»
  • GÂTER LA TAILLE (Se), pour une femme «devenir enceinte».
  • GÂTE-SAUCE, s. m. Garçon pâtissier.
  • GATEUX, s. m. Journaliste sans esprit, sans style et sans honnêteté,—dans l'argot des gens de lettres, qui n'y vont pas de plume morte avec leurs confrères.
  • GAU, s. m. Pou,—dans l'argot des voleurs.

Basourdir des gaux. Tuer des poux.

On a écrit autrefois Goth; Goth a été pris souvent pour Allemand; les Allemands passent pour des gens qui «se peignent avec les quatre doigts et le pouce»: concluez.

  • GAU PICANTI, s. m. Le pediculus vestimenti.
  • GAUDINEUR, s. m. Peintre-décorateur.
  • GAUDISSARD, s. m. Commis-voyageur, loustic,—dans l'argot du peuple.

Le type appartient à Balzac, qui en a fait un roman; mais le mot appartient à la langue du XVIe siècle, puisque Montaigne a employé Gaudisserie pour signifier Bouffonnerie, plaisanterie.

  • GAUDRIOLE, s. f. Parole leste dont une femme a le droit de rougir,—dans l'argot des bourgeois, qui aiment à faire rougir les dames par leurs équivoques.
  • GAUDRIOLER, v. n. Rire et plaisanter aux dépens du goût et souvent de la pudeur.
  • GAUDRIOLEUR, s. et adj. Bourgeois farceur, qui a de l'esprit aux dépens de Piron, qu'il a lu sans le citer, et de la morale, qu'il blesse sans l'avertir.
  • GAULÉ, s. m. Cidre,—dans l'argot des voleurs et des paysans.
  • GAULOIS, adj. et s. Homme gaillard en action, et surtout en paroles,—dans l'argot du peuple, qui a conservé «l'esprit gaulois» de nos pères, lesquels étaient passablement orduriers.
  • GAUPE, s. f. Fille d'une conduite lamentable.
  • GAUPERIE, s. f. Actions, conduite, dignes d'une gaupe.
  • GAVÉ, s. m. Ivrogne,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Gaviolé.

  • GAVER (Se), v. réfl. Manger,—dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un pigeon.
  • GAVIOT, s. m. Gorge, gosier.

Serrer le gaviot à quelqu'un. L'étrangler, l'étouffer.

Autrefois on disait Gavion.

  • GAVOT, s. m. Rival du Dévorant,—dans l'argot du compagnonnage.
  • GAVROCHE, s. m. Voyou,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont lu les Misérables de Victor Hugo.
  • GAZ, s. m. Les yeux, que la passion allume si vite,—dans l'argot des faubouriens.

Allumer son gaz. Regarder avec attention.

  • Gaz, s. m. Ventris flatus.

On dit aussi Fuite de gaz.

Lâcher son gaz. Crepitare.

Avoir une fuite de gaz dans l'estomac. Fetidum halitum emittere.

  • GAZER, v. a. et n. Ne pas dire les choses crûment,—dans l'argot des bourgeois.
  • GAZON, s. m. Perruque plus ou moins habilement préparée, destinée à orner les crânes affligés de calvitie.
  • GAZOUILLER, v. n. Parler,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi Répondre.

  • GEIGNEUR, s. et adj. Homme qui aime à se plaindre sans avoir de sérieux motifs de plainte,—dans l'argot du peuple, ennemi de ces hommes-femmes-là.
  • GEINDRE, v. n. Se plaindre.
  • GENDARME, s. m. Hareng saur,—dans l'argot des charcutiers.
  • GENDARME, s. m. Femme délurée et de grande taille,—dans l'argot du peuple.
  • GENDARME, s. m. Fer à repasser,—dans l'argot des ménagères, qui ont constaté que la plupart de ces utiles instruments sortaient de la maison de la veuve Gendarme.

Branleuse de gendarme. Repasseuse.

  • Gendarmer (Se), v. réfl. S'offenser.

Signifie aussi: Regimber, résister.

  • GENDARMES, s. m. pl. Moisissures que le contact de l'air développe à la surface du vin,—dont cela arrête ainsi le travail de bonification.
  • GENDELETTRE, s. m. Homme de lettres,—dans l'argot des bourgeois, qui font de ce mot ce que le peuple a fait du mot précédent, primitivement écrit gens d'armes.
  • GÊNE, s. f. Pauvreté,—dans l'argot du peuple, dont c'est le vice principal.
  • GÊNÉ DANS SES ENTOURNURES. Ennuyé, agacé par quelqu'un ou par quelque chose,—dans l'argot des faubouriens, qui aiment les vêtements larges et les «bons enfants».
  • GÉNÉRAL MACADAM, s. m. Le public, qui est le Salomon de toutes les filles.

On disait le général Pavé, avant l'introduction en France du système d'empierrement des rues dû à l'ingénieur anglais MacAdam.

  • GÊNEUR, s. et adj. Type essentiellement parisien,—comme la punaise. C'est plus que l'importun, plus que l'indiscret, plus que l'ennuyeux, plus que le raseur: c'est—le gêneur.
  • GÉNISSE, s. f. Femme trop libre.
  • GENOU, s. m. Crâne affligé de calvitie.

Avoir son genou dans le cou. Être chauve.

  • GENRE, s. m. Manières; embarras; pose,—dans l'argot du peuple.

Que ça de genre! est son exclamation favorite à propos de choses ou de gens qui «l'épatent».

  • GENTLEMAN, s. m. Homme d'une correction de langage et de manières à nulle autre pareille,—dans l'argot des gandins.

On dit aussi Parfait Gentleman, mais c'est un pléonasme, puisqu'un Gentleman qui ne serait pas parfait ne serait pas gentleman.

  • GERBEMENT, s. m. Jugement, condamnation,—dans l'argot des voleurs.
  • GERBER, v. a. Condamner.

Gerber à vioc. Condamner aux travaux forcés à perpétuité.

Gerber à la passe ou à conir. Condamner à mort.

  • GERBERIE, s. f. Tribunal, Cour d'assises.
  • GERBIER, s. m. Avocat d'office,—dans l'argot des voleurs, qui, certainement à leur insu, donnent à leur défenseur, médiocre porte-toge, le nom du très célèbre avocat au parlement de Paris.

Signifie aussi Juge.

  • GÉRONTOCRATIE, s. f. Puissance des préjugés, de la routine et des idées caduques, «sous laquelle tout se flétrit en France»,—où les Gérontes sont encore plus nombreux que les Scapins.

L'expression est d'Honoré de Balzac.

  • GERCE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des voyous pour qui, sans doute, c'est la vermine.
  • GÉSIER, s. m. Gorge, gosier,—dans l'argot du peuple.

Avoir mal au gésier. Avoir une laryngite ou une bronchite.

  • GESSEUR, s. m. Homme qui fait des embarras,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi Grimacier, excentrique.

Je n'ai pas besoin de dire que l'étymologie de ce mot est geste, et que c'est par euphonie qu'on le prononce ainsi que je l'écris.

  • GESSEUSE, s. m. Femme minaudière, qui fait sa sucrée—et même «sa Sophie».
  • G. G. s. m. Bon sens, jugeotte.

Avoir du g.-g. N'être pas un imbécile.

  • G. D. G. Phrase ironique qu'emploient fréquemment les faubouriens, qui dédaignent d'en dire plus long, affectant de n'en pas savoir davantage.

Avec ou sans g. d. g.? disent-ils souvent, à propos des moindres choses. Il est inutile d'ajouter que ce sans g. d. g. est l'abréviation de sans garantie du gouvernement.

  • GIBASSE, s. f. pl. Gorge qui a peut-être promis, mais qui ne tient pas.
  • GIBELOTTE DE GOUTTIÈRE, s. f. Chat de toits,—dans l'argot du peuple.
  • GIBERNE, s. f. La partie du corps dont les femmes augmentent encore le volume à grand renfort de jupons et de crinolines.

Ce mot,—de l'argot des faubouriens, s'explique par la position que les soldats donnaient autrefois à leur cartouchière.

  • GIBIER DE GAYENNE, s. m. Voleur, ou meurtrier,—dans l'argot du peuple.
  • GIBOYER, s. m. Journaliste d'estaminet, homme de lettres à tout faire,—dans l'argot des gens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir de la comédie d'Emile Augier. Encore un nom d'homme devenu un type.
  • GIFFE ou GIFFLE, s. f. Soufflet,—dans l'argot du peuple, qui se rappelle sans doute que ce mot signifiait autrefois joue.
  • GIFFLER, v. a. Souffleter quelqu'un.
  • GIGOLETTE, s. f. Jeune fille qui a jeté sa pudeur et son bonnet par-dessus les moulins, et qui fait consister son bonheur à aller jouer des gigues dans les bals publics,—surtout les bals de barrière.

Je crois avoir été un des premiers, sinon le premier, à employer ce mot, fort en usage dans le peuple depuis une quinzaine d'années. J'en ai dit ailleurs (Les Cythères parisiennes): «La gigolette est une adolescente, une muliéricule. Elle tient le milieu entre la grisette et la gandine,—moitié ouvrière et moitié fille. Ignorante comme une carpe, elle n'est pas fâchée de pouvoir babiller tout à son aise avec le gigolo, tout aussi ignorant qu'elle, sans redouter ses sourires et ses leçons.»

  • GIGOLO, s. m. Male de la gigolette. C'est un adolescent, un petit homme. Il tient le milieu entre Chérubin et don Juan,—moitié nigaud et moitié greluchon. Type tout à fait moderne, que je laisse à d'autres observateurs le soin d'observer plus en détail.
  • GIGOTER, v. n. Remuer les gigues; danser.
  • GIGOTS, s. m. pl. Cuisses de l'homme,—dans l'argot des faubouriens, toujours contempteurs de l'humanité.
  • GIGUE, s. f. Femme maigre et d'une taille élevée.

On dit aussi Grande gigue.

  • GIGUER, v. n. Danser.
  • GIGUES, s. f. pl. Jambes,—dans l'argot du peuple, qui s'en sert pour danser la gigue ou la faire danser aux gens qui l'ennuient.

On disait autrefois gigoteaux.

  • GILET, s. m. Estomac; poitrine.

S'emplir le gilet. Boire ou manger.

Avoir le gilet doublé de flanelle. Avoir mangé une soupe plantureuse.

Gilet à la mode. Belle gorge de femme, où le lard abonde.

  • GILLES, s. m. Nom d'homme devenu celui de tous les hommes dont l'esprit et le cœur ne se sont pas développés autant que les jambes.

Faire Gilles. S'en aller,—s'enfuir.

  • GILMONT, s. m. Gilet,—dans l'argot des voleurs.

On dit aussi Georget.

  • GILQUIN, s. m. Coup de poing,—dans l'argot des artistes et des canotiers.

On dit aussi Coup de Gilquin.

  • GIN, s. m. Genièvre,—dans l'argot des faubouriens, qui s'anglomanisent par moquerie comme les gandins par genre.
  • GIRAFE, s. f. Escalier en spirale,—dans l'argot des écoles de natation.
  • GIRIES, s. f. pl. Fausse modestie, refus des lèvres et non du cœur,—dans l'argot du peuple, qui a horreur de l'hypocrisie.

Faire des giries. Faire semblant de pleurer quand on n'en a pas envie; refuser ce qu'on meurt d'envie d'accepter.

Faiseuse de giries. Fausse Agnès, fausse prude,—et vraie femme.

  • GIROFLÉE A CINQ FEUILLES, s. f. Soufflet,—dans l'argot des faubouriens, qui savent très bien le nombre des feuilles du cheiranthus, et encore mieux celui des doigts de leur main droite.

On dit aussi giroflée à plusieurs feuilles,—autre ravenelle qui pousse sur les visages.

  • GIROFLÉTER, v. a. Souffleter.—Verbe créé par Balzac.
  • GIROLLE, adv. Soit,—dans l'argot des voleurs.
  • GIRON, s. m. La partie du corps comprise entre la ceinture et les genoux d'une femme assise,—dans l'argot du peuple, qui a conservé précieusement ce mot, en souvenir de ce qu'il représente pour lui, fils reconnaissant.
  • GIRONDE, adj. f. Se dit de toute fille ou femme agréable, plaisante à voir ou à avoir. Argot des voleurs.

On dit aussi Girofle.

  • GIRONDINE, adj. Femme plus jeune et plus gentille que celle qui n'est que gironde.
  • GIROUETTE, s. f. Homme sans conscience et sans moralité, mais non sans habileté et sans esprit, qui tourne à tous les vents sociaux et politiques: royaliste avec les Bourbons, républicain avec la République, napoléonien avec l'Empire, mouton avec les gens qui bêlent, dogue avec les gens qui mordent, roquet avec les gens qui aboient, enclume avec le peuple et marteau avec le Pouvoir. Argot du peuple.
  • GÎTER, v. n. Habiter, demeurer.
  • GIVERNER, v. n. Passer la nuit à vagabonder,—dans l'argot des cochers de fiacre.
  • GIVERNEUR, s. m. Vagabond, rôdeur de nuit.
  • GLACIS, s. m. Verre,—dans l'argot des voleurs, qui parlent anglais (glass) sans le savoir.

Un glacis de lance. Un verre d'eau.

  • GLACIS, s. m. Ton léger et transparent,—dans l'argot des artistes.

Se poser un glacis. Boire,—ce qui amène la transpiration sur le visage et le fait reluire en le colorant.

  • GLAÇON, s. m. Homme d'un abord un peu raide,—dans l'argot du peuple, que la distinction effarouche.
  • GLAIVE, s. m. Couteau à découper,—dans l'argot des francs-maçons.
  • GLAS, s. m. Homme ennuyeux, qui répète toujours la même chose,—comme la cloche qui sonne la mort de quelqu'un. Argot du peuple.

Les ouvriers anglais ont une expression du même genre: croaker, disent-ils.

  • GLAUDE, s. m. Innocent, et même niais.

Evidemment le Glaude d'ici est un Claude, comme Colas est un Nicolas, et Miché peut être un Michel.

  • GLAVIOT, s. m. Mucosité expectorée,—dans l'argot des faubouriens.
  • GLAVIOTTER, v. n. Cracher fréquemment et malproprement.

Signifie aussi Débiner.

  • Glaviotteur, s. m. Homme qui crache fréquemment et abondamment.
  • GLIER, s. m. Le Diable,—dans l'argot des voleurs.

C'est une syncope de Sanglier probablement.

Le Glier t'enrôle en son pasclin! Le diable t'emporte en enfer (son pays).

Signifie aussi Enfer.

  • GLISSADE, s. f. Chute plus déshonorante que dangereuse pour la jeune fille qui la fait: elle ne casse que son sabot, mais il vaudrait mieux qu'elle se fût cassé la jambe. Argot du peuple.

Faire des glissades. Changer souvent d'amants.

  • GLISSANT, s. m. Savon,—dans l'argot des voleurs.
  • GLISSER, v. n. Mourir,—dans l'argot des faubouriens.
  • GLISSOIRE, s. f. Ruisseau gelé sur lequel les gamins s'amusent à glisser.
  • GLOBE, s. m. Tête,—dans l'argot des faubouriens, qui la laissent souvent osciller sur son axe.
  • GLOBES ARRONDIS (Les). La gorge,—dans l'argot des Académiciens. Quelques-uns ajoutent quelquefois: par la main des Grâces.
  • GLORIA, s. m. Tasse de café noir avec un petit verre d'eau-de-vie. Argot des limonadiers.
  • GLOUGLOUTER, v. n. Boire, faire des glouglous en buvant. Argot des faubouriens.
  • GLOUSSER, v. n. Parler.
  • GLUANT, s. m. Enfant à la mamelle que le lait qu'il tette et qu'il laisse baver sur lui rend tout poisseux et désagréable à toucher pour quiconque n'est ni son père ni sa mère.
  • GLUAU, s. m. Expectoration abondante.

Lâcher son gluau. Cracher malproprement.

  • GNANGNAN, adj. des deux g. Mou, paresseux, sans courage.
  • GNIAF, s. m. Ouvrier,—dans l'argot des cordonniers. Savetier,—dans l'argot des ouvriers.
  • GNIAFFER, v. a. Travailler mal; faire une chose sans soin, sans goût,—comme un savetier.
  • GNIFF, s. et adj. Clair, dépouillé,—dans l'argot du peuple, qui dit cela spécialement à propos du vin.
  • GNOGNOTTE, s. f. Marchandise sans valeur; chose sans importance.

Balzac a employé aussi ce mot à propos des personnes,—et dans un sens péjoratif, naturellement.

  • GNOLLAIS, s. m. Batignollais,—dans l'argot des voyous.
  • GNOLLE, adj. des 2 g. Paresseux; niais,—dans l'argot des faubouriens.

Quelques lexicographes du ruisseau veulent que l'on écrive et prononce gniole.

  • GNOLLES- CEAUX, n. d. l. Batignolles-Monceaux.
  • GNOLLES- CHY., Batignolles-Clichy.
  • GNON, s. m. Meurtrissure que se fait une toupie ou un sabot,—dans l'argot des enfants; et par extension, Blessure que se font les hommes en se battant.

S'emploie au figuré.

  • GO (De, ou Tout de), adv. Librement, sans façon, sans obstacle,—dans l'argot du peuple.
  • GOBELOTTER, v. a. Aller de cabaret en cabaret.

Signifie aussi, Buvotter, boire à petits coups.

  • GOBELOTTEUR, s. m. Ami des franches lippées, et des plantureuses réfections.
  • GOBE-MOUCHERIE s. f. La franc-maçonnerie,—dans l'argot des voleurs.
  • GOBE-MOUCHES, s. m. Imbécile, homme qui bée au vent au lieu de regarder à ses côtés, où se trouve parfois un pick-pocket. Argot du peuple.
  • GOBER, v. a. Croire légèrement aux choses qu'on dit, avaler les mensonges avec autant de confiance que si c'étaient des vérités.
  • GOBER, v. a. Avoir de la sympathie pour quelqu'un; ressentir de l'enthousiasme pour certaines idées. Argot des faubouriens.

Eprouver un sentiment subit de tendresse pour un compagnon,—dans l'argot des petites dames.

  • GOBER (La). Être ruiné pour avoir trop cru aux Mercadets.

Par extension: Mourir.

  • GOBER (Se). Avoir de la fatuité; s'écouter parler et se regarder dans une glace en parlant.
  • GOBERGER (Se), v. réfl. Se complaire dans un endroit, dans un bon lit, dans un bon fauteuil, auprès d'un bon feu ou d'une bonne table.

On sait qu'on appelle goberges les ais du fond sanglé du lit.

  • GOBER SON BœUF, v. a. Être furieux, d'une chose ou contre quelqu'un,—dans l'argot des ouvriers.
  • GOBE-SON, s. m. Calice,—dans l'argot des voleurs.
  • GOBET, s. m. Morceau de viande quelconque,—dans l'argot des bouchers, qui emploient ce mot à propos de la viande non encore détaillée.
  • GOBET, s. m. Polisson; ouvrier qui se débauche,—dans l'argot du peuple.

Mauvais gobet. Méchant drôle.

  • GOBICHONNADE, s. f. Ripaille.
  • GOBICHONNER, v. n. Courir les cabarets; faire le lundi toute la semaine. Argot des ouvriers.
  • GOBICHONNEUR, s. m. Ami des franches lippées.
  • GOBIN, s. m. Bossu.
  • GODAILLER, v. n. Courir les cabarets.

Ce verbe est un souvenir de l'occupation de Paris par les Anglais, amateurs de good ale.

  • GODAILLEUR, s. m. Ivrogne, pilier de cabaret.
  • GODAN, s. m. Rubrique, mensonge, supercherie,—dans l'argot des faubouriens.

Connaître le godan. Savoir de quoi il s'agit; ne pas se laisser prendre à un mensonge.

Tomber dans le godan. Se laisser duper; tomber dans un piège.

  • GODANCER, v. n. Croire à un mensonge; tomber dans un piège,—dans un godan.
  • GODDAM, s. m. Anglais,—dans l'argot du peuple, qui a trouvé moyen de désigner toute une nation par son juron favori.
  • GODELUREAU, s. m. Jeune homme qui fait l'agréable auprès des «dames» et les réjouit,—dans l'argot des bourgeois qui n'aiment pas les Lovelaces.

On écrivait au XVIe siècle gaudelereau,—ce qu'explique l'étymologie gaudere.

  • GODET, s. m. Verre à boire,—dans l'argot du peuple.
  • GODICHE, s. et adj. Niais, ou seulement timide.

On dit aussi Godichon.

  • GODILLER, v. n. Se réjouir, être content.
  • GODINETTE, s. f. Grisette, maîtresse.

Baiser en godinette. «Baiser sur la bouche en pinçant les joues de la personne,»—sans doute comme baisent les grisettes des romans de Paul de Kock.

  • GOFFE, adj. Homme mal bâti, ou maladroit, grossier de corps ou d'esprit.
  • GOGAILLE, s. f. Repas joyeux et plantureux.
  • GOGO, s. m. Homme crédule, destiné à prendre des actions dans toutes les entreprises industrielles, même et surtout dans les plus véreuses,—chemins de fer de Paris à la lune, mines de café au lait, de charbon de bois, de cassonnade, enfin de toutes les créations les plus fantastiques sorties du cerveau de Mercadet ou de Robert Macaire.

A propos de ce mot encore, les étymologistes bien intentionnés sont partis à fond de train vers le passé et se sont égarés en route,—parce qu'ils tournaient le dos au poteau indicateur de la bonne voie. L'un veut que gogo vienne de gogue, expression du moyen âge qui signifie raillerie: l'autre trouve gogo dans François Villon et n'hésite pas un seul instant à lui donner le sens qu'il a aujourd'hui. Pourquoi, au lieu d'aller si loin si inutilement, ne se sont-ils pas baissés pour ramasser une expression qui traîne depuis longtemps dans la langue du peuple, et qui leur eût expliqué à merveille la crédulité des gens à qui l'on promet qu'ils auront tout à gogo?

Ce mot «du moyen âge» date de 1830-1835.

  • GOGO (A), adv. A profusion, en abondance.
  • GOGOTTE, adj. Faible, mou, sans caractère; malpropre, mauvais, désagréable. Argot des faubouriens.

Avoir la vue gogotte. Avoir de mauvais yeux, n'y pas voir clair, ou ne pas voir de loin.

Être gogotte. Être un peu niais; faire l'enfant.

  • GOGUENOT, s. m. Vase de fer-blanc,—dans l'argot des troupiers d'Afrique, qui s'en servent comme casserole et comme gobelet.
  • GOGUENOT, s. m. Baquet-latrine,—dans l'argot des prisons et des casernes.

On dit aussi Goguenaux.

  • GOGUETTE, s. f. Société chantante,—dans l'argot du peuple, qui lui aussi a son Caveau.
  • GOGUETTE, s. f. Chanson joyeuse.

Être en goguette. Être de bonne humeur, grâce à des libations réitérées.

  • GOGUETTIER, s. m. Chanteur de goguettes; membre d'une société chantante.
  • G, s. m. Chrétien,—dans l'argot des voleurs.
  • GOINFRADE, s. f. Repas copieux,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Goinfrerie.

  • GOINFRE, s. m. Chantre,—dans l'argot des voleurs.
  • GOINFRER (Se), v. réfl. Boire et manger avec excès,—comme font les gens qui ne mangent pas tous les jours.
  • GOÎTREUX, s. m. Aménité de l'argot des gens de lettres, qui se croient autorisés à l'adresser à leurs rivaux,—qu'ils appellent aussi crétins, pour varier leurs injures.
  • GOLGOTHER, v. n. Poser en martyr; se donner des airs de victime; faire croire à un Calvaire, à un Golgotha imaginaire.

Ce verbe appartient à Alexandre Pothey, graveur et chansonnier—sur bois.

  • GOMBERGER, v. a. Compter—dans l'argot des prisons.
  • GONCE, s. m. Homme quelconque du bois dont on fait les dupes,—dans l'argot des voleurs, qui ont remarqué que les bourgeois se parfumaient (concio).
  • GONCIER, s. et adj. Homme rusé, malin, qui enfonce le gonce.
  • GONZESSE, s. f. Femme en général, et, en particulier, Maîtresse, concubine.
  • GORET, s. m. Premier ouvrier,—dans l'argot des cordonniers.
  • GORET, s. m. Homme malpropre, petit cochon,—dans l'argot du peuple, qui a appelé la reine Isabeau la grande gore.
  • GORGE, s. f. Étui,—dans l'argot des voleurs.
  • GORGNIAT, s. m. Homme malpropre, cochon,—dans l'argot des faubouriens, qui emploient cette expression au propre et au figuré.
  • GOSSE, s. f. Bourde, menterie, attrape,—dans l'argot des écoliers et du peuple.

Voilà encore un mot fort intéressant, à propos duquel la verve des étymologistes eût pu se donner carrière. On ne sait pas d'où il vient, et, dans le doute, on le fait descendre du verbe français se gausser, venu lui-même du verbe latin gaudere. On aurait pu le faire descendre de moins haut, me semble-t-il. Outre que Noël Du Fail a écrit gosseur et gosseuse, ce qui signifie bien quelque chose, jamais les Parisiens, inventeurs du mot, n'ont prononcé gausse. C'est une onomatopée purement et simplement,—le bruit d'une gousse ou d'une cosse.

Conter des gosses. Mentir.

Monter une gosse. Faire une farce.

  • GOSSE, s. m. Apprenti,—dans l'argot des typographes.

Ils disent aussi Attrape-science et Môme.

  • GOSSE, s. m. Enfant, petit garçon,—dans l'argot du peuple.
  • GOSSELIN, s. m. Nouveau-né,—dans l'argot des voleurs.
  • GOSSELINE. Petite fille.
  • GOSSEMARD, s. m. Gamin,—dans l'argot des faubouriens.

On dit aussi Goussemard.

  • GOSSEUR, adj. et s. Menteur.
  • GOTEUR, s. m. Débauché, libertin,—dans l'argot des voleurs.
  • GOTHIQUE, adv. Vieux, suranné,—dans l'argot du peuple.
  • GOTHON, s. f. Cuisinière malpropre.

Signifie aussi Coureuse,—dans l'argot des bourgeois.

  • GOUALANTE, s. f. Chanson,—dans l'argot des voleurs.
  • GOUALER, v. a. et n. Chanter.

On dit aussi Galouser.

  • GOUALEUR, s. m. Chanteur des rues.

Goualeuse. Chanteuse.

  • GOUAPE, s. f. Vagabondage; fainéantise,—dans l'argot du peuple.
  • GOUAPE, s. f. Filou,—dans l'argot des faubouriens. Faiseur de poufs,—dans l'argot des cabaretiers.

On dit aussi Gouapeur. Cependant gouape a quelque chose de plus méprisant.

  • GOUAPER, v. a. Flâner, chercher aventure.
  • GOUGE, s. f. Fille ou femme qui vend l'amour au lieu de le donner,—dans l'argot du peuple, qui a déshonoré là un des plus vieux et des plus charmants mots de notre langue. Gouge, comme garce, n'avait pas à l'origine la signification honteuse qu'il a aujourd'hui; cela voulait dire jeune fille ou jeune femme. «En son aage viril espousa Gargamelle, fille du roy des Parpaillos, belle gouge,» dit Rabelais.
  • GOUGNOTTE, s. f. «Femme ou fille qui abuse des personnes de son sexe,—d'où le verbe gougnotter,» dit Francisque Michel.

On dit aussi Gusse.

  • GOUILLE (A la). A la volée,—dans l'argot des enfants, quand ils jouent à jeter des billes.

Envoyer à la gouille. Renvoyer quelqu'un qui importune,—dans l'argot des faubouriens.

  • GOUILLOU, s. m. Gamin, voyou,—avec cette différence que le premier est le père du second, comme la lorette est la mère de la boule-rouge.
  • GOUINE, s. f. Coureuse,—dans l'argot du peuple, qui a un arsenal d'injures à sa disposition pour foudroyer les drôlesses, ses filles.

A qui a-t-il emprunté ce carreau? A ses ennemis les Anglais, probablement. Il y a eu une Nell Gwynn, maîtresse de je ne sais plus quel Charles II. Il y a aussi la queen, qu'on respecte si fort de l'autre côté du détroit et si peu de ce côté-ci. Choisissez!

  • GOUJAT, s. m. Homme mal élevé,—dans l'argot des bourgeoises.
  • GOUJON, s. m. Homme facile à duper,—dans l'argot des filles, qui ont pour hameçons leurs sourires et leurs regards;—ainsi que dans l'argot des faiseurs, qui ont pour hameçons des dividendes invraisemblables.
  • GOUJONNER, v. a. Tromper, duper quelqu'un.

On disait autrefois Faire avaler le goujon.

  • GOULE, s. f. La gorge, le gosier,—dans l'argot au peuple, qui parle latin sans le savoir (gula).
  • GOULÉE, s. f. Bouchée de viande ou cuillerée de soupe.
  • GOULIAFFE, s. m. Gourmand, ou plutôt goinfre.

Le mot est vieux, puisqu'on le trouve dans la langue romane.

On dit aussi Gouillafre, ou gouillaffe.

  • GOULOT, s. m. Bouche, gosier,—dans l'argot des faubouriens.

Trouilloter du goulot. Fetidum halitum habere.

  • GOULU, s. m. Poêle,—dans l'argot des voleurs.

Se dit aussi pour Puits.

  • GOUPINER, v. a. Voler,—dans le même argot.

Goupiner les poivriers. Dévaliser les ivrognes endormis sur la voie publique.

  • GOUPINEUR, s. m. Voleur.
  • GOUPLINE, s. f. Litre,—dans le même argot.
  • GOUR, s. m. Pot à eau ou à vin,—dans le même argot.

Dans la langue des honnêtes gens, le gour est un creux plein d'eau dans un rocher, au pied d'un arbre, etc.

  • GOURD, DE, adj. Engourdi par le froid,—dans l'argot du peuple.
  • GOURDEMENT, adv. Beaucoup,—dans l'argot des voyous.
  • GOURDIN, s. m. Gros bâton,—dans l'argot du peuple, qui pour le manœuvrer ne doit pas avoir les mains gourdes.
  • GOURDINER, v. a. Bâtonner quelqu'un.
  • GOURGANDE, s. f. Apocope de Gourgandine,—dans l'argot des faubouriens.
  • GOURGANDINE, s. f. Fille ou femme qui court plus que ses jambes et la morale le lui permettent, et qui, en courant ainsi, s'expose à faire une infinité de glissades. Argot du peuple.
  • GOURGANDINER, v. n. Mener une vie libertine.
  • GOURGANER, v. n. Manger de la prison,—dans l'argot des faubouriens.
  • GOURGANES, s. f. pl. Lentilles ou haricots,—dans l'argot des prisons et des ateliers, où les hommes sont nourris comme des bestiaux.

Gourganes des prés. Celles qui constituent la nourriture des forçats.

Proprement, la gourgane est une petite fève de marais fort douce.

  • GOURGOUSSAGE, s. m. Murmure de mécontentement ou de colère,—dans l'argot des typographes.
  • GOURGOUSSER, v. n. Murmurer.
  • GOURME, s. f. La fougue de la jeunesse,—dans l'argot du peuple, qui sait que cet impetigo finit toujours par disparaître avec les années,—malheureusement!

Jeter sa gourme. Vivre follement, en casse-cou, sans souci des périls, des maladies et de la mort.

  • GOURRER, v. a. Tromper, duper,—dans l'argot des voleurs, qui se sont approprié là un verbe du langage des honnêtes gens. (Goure, drogue falsifiée: goureur, qui falsifie les drogues.)
  • GOURREUR, s. m. Trompeur.
  • GOUSPIN, s. m. Voyou, jeune apprenti voleur,—dans l'argot des faubouriens, qui se servent de cette expression depuis longtemps.
  • GOUSPINER, v. n. Vagabonder au lieu de travailler.
  • GOUSSE (La). Nom donné au banquet mensuel des artistes du Vaudeville. Il a lieu, le premier jeudi de chaque mois, chez Laumônier-Brébant.
  • GOUSSET, s. m. Aisselle,—dans l'argot du peuple.

Sentir du gousset. Puer.

«[Grec: Maschalê], axila, aisselle, sale odeur,»

dit M. Romain Cornut, expurgateur de Lancelot et continuateur de Port-Royal.

  • GOÛTER, v. n. Plaire, faire plaisir.
  • GOUTTE, adv. Peu ou point.

N'y voir goutte. N'y pas voir du tout.

On dit aussi N'y entendre goutte.

  • GOUTTE, s. f. Petit verre d'eau-de-vie,—dans l'argot des ouvriers et des soldats.

Marchand de goutte. Liquoriste.

  • GOUVERNE, s. f. Règle de conduite; façon d'agir.
  • GOUVERNEMENT, s. m. Épée d'ordonnance,—dans l'argot des Polytechniciens, qui distinguent entre les armes que leur fournit le gouvernement et celles qu'ils se choisissent eux-mêmes. (V. Spickel.)
  • GRABUGE, s. m. Trouble, vacarme,—dans l'argot du peuple.
  • GRAFFIGNER, v. a. et n. Saisir, prendre,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi Égratigner.

  • GRAFFIN, s. m. Chiffonnier.
  • GRAILLON, s. f. Servante malpropre, cuisinière peu appétissante. Argot du peuple.

On dit aussi Marie-Graillon.

  • GRAILLONNER, v. n. Cracher fréquemment.
  • GRAILLONNER, v. n. S'entretenir à haute voix, d'une fenêtre ou d'une cour à l'autre,—dans l'argot des prisons.
  • GRAILLONNEUR, s. m. Homme qui crache à chaque instant.
  • GRAILLONNEUSE, s. f. Femme qui vient laver son linge au bateau sans être du métier,—dans l'argot des blanchisseuses.
  • GRAIN, s. m. Pièce de cinquante centimes,—dans l'argot des voleurs.
  • GRAIN (Avoir un), v. a. Être un peu fou, ou seulement maniaque,—dans l'argot du peuple.
  • GRAINE D'ATTRAPE, s. f. Mensonge, moquerie, tromperie.
  • GRAINE DE CHOU COLOSSAL, s. f. Amorce pour duper les simples.

C'est un souvenir des réclames faites il y a vingt ans par un industriel possesseur d'une variété de brassica oleracea fantastique, servant à la fois à la nourriture des hommes et des bestiaux, et donnant un ombrage agréable pendant l'été.

  • GRAINE D'ÉPINARDS, s. f. Épaulettes des officiers supérieurs,—dans l'argot des troupiers, dont ce légume est le desideratum permanent.

Porter la graine d'épinards. Avoir des épaulettes d'officier supérieur.

  • GRAISSE, s. m. Variété de voleur dont Vidocq donne le signalement et l'industrie (p. 193).
  • GRAISSE, s. f. Argent,—dans l'argot du peuple, qui sait que c'est avec cela qu'on enduit les consciences pour les empêcher de crier lorsqu'elles tournent sur leurs gonds.
  • GRAISSER, v. a. Gratter,—dans l'argot des voleurs.
  • GRAISSER LA PATT, v. a. Acheter la discrétion de quelqu'un, principalement des inférieurs, employés, concierges ou valets.

On dit aussi graisser le marteau,—mais plus spécialement en parlant des concierges.

  • GRAISSER LES BOTTES, v. a. Donner des coups à quelqu'un,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi: Faire des compliments à quelqu'un, le combler d'aise en flattant sa vanité.

  • GRAISSER SES BOTTES, v. a. Recevoir l'Extrême-Onction, être en état de faire le grand voyage d'où l'on ne revient jamais.
  • GRAMMAIRE BENOITON, s. f. La grammaire de la langue verte,—dans l'argot des journalistes, qui ont voulu ainsi fixer le passage, dans la littérature française, de la pièce de M. Victorien Sardou, la Famille Benoiton (1865-66).

On dit aussi le Dictionnaire Benoiton.

  • GRAND ARROSEUR, s. m. Dieu,—dans l'argot du peuple, qui devrait pourtant savoir (depuis le temps!) comment se forment les nuages et la pluie.
  • GRAND COURT-BOUILLON, s. m. La mer.

On dit aussi la Grande tasse,—où tant de gens qui n'avaient pas soif ont bu leur dernier coup.

  • GRANDE BOUTIQUe, s. f. La préfecture de police,—dans l'argot des voleurs, qui voudraient bien dévaliser celle-là de ses sommiers judiciaires.
  • GRANDE FILLE, s. f. Bouteille,—dans l'argot des ouvriers.

Petite fille. Demi-bouteille.

  • GRAND LUMIGNON, s. m. Le soleil,—dans l'argot des voyous.
  • GRAND RESSORT, s. m. La volonté, le cœur,—dans l'argot du peuple, qui sait quels rouages font mouvoir la machine-homme.

Casser le grand ressort. Perdre l'énergie, le courage nécessaires pour se tirer des périls d'une situation, des ennuis d'une affaire, pour rompre une liaison mauvaise, etc., etc.

  • GRAND TOUR, s. m. Résultat de la digestion,—dans l'argot des enfants et des grandes personnes timides.
  • GRAND TROTTOIR (Le). Le répertoire classique,—dans l'argot des coulisses.
  • GRAND TURC, s. m. Personnage imaginaire qui intervient fréquemment dans l'argot des bourgeois.

S'en soucier comme du Grand Turc. Ne pas s'en soucier du tout.

Travailler pour le Grand Turc. Travailler sans profit.

Ce Grand Turc est un peu parent du roi de Prusse, auquel il est fait allusion si souvent.

  • GRAPPIN, s. m. Main,—dans l'argot du peuple.

Poser le grappin sur quelqu'un. L'arrêter.

Poser le grappin sur quelque chose. Le prendre.

  • GRAPPINER, v. a. et n. Arrêter,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi Cueillir.

  • GRAS, adj. Gaillard, grivois, et même obscène,—dans l'argot des bourgeois.

Parler gras. Dire des choses destinées à effaroucher les oreilles.

  • GRAS, s. m. Profit,—dans l'argot des faubouriens.

Il y a gras. Il y a de l'argent à gagner.

Il n'y a pas gras. Il n'y a rien à faire là-dedans.

  • GRAS, s. m. Réprimande, correction,—dans l'argot des voyous. C'est le suif des faubouriens.
  • GRAS A LARD, s. et adj. Homme chargé d'embonpoint,—dans l'argot du peuple.
  • GRAS-DOUBLE, s. m. Plomb volé et roulé,—par allusion à la ressemblance qu'il offre ainsi avec les tripes qu'on voit à la devanture des marchands d'abats.

Les voleurs anglais, eux, disent moos, trouvant sans doute au plomb une ressemblance avec la mousse.

  • GRAS-DOUBLE, s. m. Gorge trop plantureuse,—dans l'argot des faubouriens.

L'analogie, pour être assez exacte, n'est pas trop révérencieuse; en tout cas elle est consacrée par une comédie de Desforges, connue de tout le monde, le Sourd ou l'Auberge pleine: «Je ne voudrais pas payer madame Legras—double!» dit Dasnières en parlant de l'aubergiste, femme aux robustes appas.

Castigat ridendo mores, le théâtre! C'est pour cela que les plaisanteries obscènes nous viennent de lui.

  • GRAS-DOUBLIER, s. m. Plombier,—dans l'argot des voleurs.
  • GRATIS, s. m. Crédit,—dans l'argot des marchands de vin.
  • GRATOU, s. m. Rasoir,—dans l'argot des voleurs.
  • GRATOUILLE, s. f. Gale,—dans le même argot.
  • GRATOUSE, s. f. Dentelle,—dans le même argot.
  • GRATTE, s. f. Dîme illicite prélevée sur une étoffe,—dans l'argot des couturières, qui en prélèvent tant et si fréquemment qu'elles arrivent à s'habiller de soie toute l'année sans dépenser un sou pour cela. C'est un vol non puni, mais très punissable.

Les tailleurs ont le même mot pour désigner la même chose,—car eux aussi ont la conscience large.

  • GRATTE (La). La gale,—dans l'argot des faubouriens.
  • GRATTE-CUL, s. m. Femme qui a été jolie comme une rose et n'a rien conservé de sa fraîcheur et de son parfum,—dans l'argot du peuple, qui ne sait pas que:

«Si la jeunesse est une fleur,
le souvenir en est l'odeur.»

  • GRATTÉE, s. f. Coups donnés ou reçus.

Se donner une grattée. Se battre à coups de poing.

  • GRATTE-PAPIER, s. m. Employé, clerc d'huissier, expéditionnaire etc.,—tous les scribes enfin.
  • GRATTER, v. n. et a. Prélever un morceau plus ou moins considérable sur une pièce d'étoffe,—de façon à pouvoir trouver un gilet dans une redingote et un tablier dans une robe.
  • GRATTOIR, s. m. Rasoir,—dans l'argot du peuple.

Se passer au grattoir. Se raser.

  • GRAVEUR SUR CUIR, s. m. Cordonnier,—dans l'argot des faubouriens, qui prennent le tranchet pour un burin.
  • GREC, s. m. Filou, homme qui triche au jeu,—dans l'argot des ennemis des Hellènes.

Le mot a une centaine d'années de bouteille.

  • GRECQUERIE, s. f. Tricherie, art ou science des grecs.

Le mot a été créé par Robert-Houdin.

  • GRÉER (Se), v. réfl. S'habiller,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
  • GREFFER, v. n. Mourir de faim,—dans l'argot des voyous.
  • GREFFIER, s. m. Chat,—dans l'argot des faubouriens, qui n'aiment pas les gens à robe noire, et emploient à dessein ce mot à double compartiment où l'on sent la griffe.
  • GRÊLE, s. f. Petite vérole,—dans l'argot du peuple.

On dit d'un homme dont le visage porte des traces de virus variolique: Il a grêlé sur lui.

  • GRÊLE, s. m. Patron, maître,—dans l'argot des tailleurs.

Le grêle d'en haut. Dieu.

Grêlesse. Patronne.

  • GRELOT, s. m. La voix humaine,—dans l'argot des faubouriens.

Faire entendre son grelot. Parler.

  • GRELU, s. m. Blé,—dans l'argot des voleurs, qui font sans doute allusion à la gracilité de cette graminée.
  • GRELUCHON, s. m. Amant de cœur,—dans l'argot des gens de lettres qui ont lu le Colporteur de Chevrier, et connaissent un peu les mœurs parisiennes du XVIIIe siècle.
  • GRELUCHONNER, v. n. Se conduire en greluchon, comme se conduisent beaucoup de jeunes gens à qui leur famille a coupé les vivres et qui font de petits articles de petite littérature dans de petits journaux.
  • GRENADIER, s. m. Pediculus,—dans l'argot des enfants, dont les mères assurent que c'est «la santé», et qui tous pourraient servir de modèles au fameux tableau de Murillo.
  • GRENAFE, s. f. Grange.—dans l'argot des voleurs.
  • GRENIER A COUPS DE POING, s. m. Femme d'ivrogne,—dans l'argot du peuple.
  • GRENIER A COUPS DE SABRE, s. m. Fille à soldats.
  • GRENIER A LENTILLES, s. m. Homme dont le visage est marqué de la petite vérole.
  • GRENIER A SEL, s. m. La tête, siège de l'esprit.
  • GRENOUILLARD, s. m. Buveur d'eau.
  • GRENOUILLE, s. f. Prêt de la compagnie,—dans l'argot des troupiers.

Manger la grenouille. Dissiper le prêt de la compagnie.

S'emploie aussi, dans l'argot du peuple, pour signifier: Dépenser l'argent d'une société, en dissiper la caisse.

  • GRENOUILLE, s. f. Femme,—dans l'argot des faubouriens, qui emploient cette expression injurieuse, probablement à cause du ramage assourdissant que font les femmes en échangeant des caquets.
  • GRENOUILLER, v. n. Boire de l'eau.
  • GRENOUILLÈRE, s. f. Établissement de bains.
  • GRÈVE, s. f. Cessation de travail,—dans l'argot des ouvriers, qui avaient, il y a quelques années encore, l'habitude de se réunir sur la place de l'Hôtel-de-Ville.

Faire grève. Cesser de travailler et se réunir pour se concerter sur les moyens d'augmenter le salaire.

On dit aussi Se mettre en grève.

  • GRIBLAGE, s. m. Plainte, cri, reproche,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Gourpline.

  • GRIBOUILLAGE, s. m. Écriture mal formée; dessin confus, incohérent. Argot du peuple.

On dit aussi Gribouillis.

  • GRIBOUILLER, v. a. et n. Écrire illisiblement, dessiner incorrectement.
  • GRIBOUILLETTE, s. f. Objet quelconque lancé au milieu d'enfants,—dans l'argot des écoliers, qui se bousculent alors pour s'en emparer. Cela constitue un jeu.

Jeter une chose à la gribouillette. La lancer un peu au hasard,—dans l'argot du peuple.

  • GRIF, adj. Froid,—dans l'argot des voleurs.

Grielle. Froide.

  • GRIFFER, v. a. Saisir, prendre, dérober,—dans l'argot du peuple.

On dit aussi Agriffer.

  • GRIGNON, s. m. Morceau, de pain spécialement.
  • GRIGNOTTER, v. n. Faire de maigres profits, et surtout des profits illicites.
  • GRIGOU, s. m. Avare, homme qui vit sordidement.

«Ce grigou, d'un air renfrogné
Lui dit: Malgré ton joli nez...»

a écrit l'abbé de Lattaignant.

  • GRIL, s. m. Charpente légère et à jour qui s'étend au-dessus de la scène et où s'accrochent les frises. Argot des coulisses.
  • GRILLER UNE (En), v. a. Fumer une pipe ou une cigarette,—dans l'argot des artistes et des ouvriers.
  • GRIME, s. m. Rôle de vieux,—dans l'argot des coulisses.
  • GRIMOIRE, s. m. Le Code pénal,—dans l'argot des voleurs.

Grimoire mouchique. Les sommiers judiciaires.

  • GRINCHE, s. m. Voleur.

On dit aussi Grinchisseur.

  • GRINCHEUX, s. et adj. Homme difficile à vivre,—dans l'argot du peuple et des gens de lettres.
  • GRINCHIR, v. a. Voler quelque chose.

On dit aussi Grincher.

Grinchir à la cire. Voler des couverts d'argent par un procédé que décrit Vidocq (p. 205).

  • GRINCHISSAGE, s. m. Vol. (V. Vidocq, p. 205-220, pour les nombreuses variétés de grinchissage: à la limonade, à la desserte, au voisin, aux deux lourdes, etc.)
  • GRINCHISSEUR A LA CHICANE, s. m. Voleur adroit, qui travaille sans compère.
  • GRINGALET, s. m. Gamin, homme d'apparence chétive,—dans l'argot des faubouriens.
  • GRINGUENAUDES, s. f. pl. Ordures des environs du podex,—dans l'argot du peuple qui sent souvent le faguenat à cause de cela.
  • GRIPPE, s. f. Caprice, mauvaise humeur contre quelqu'un,—dans l'argot des bourgeois.

Avoir en grippe. Ne pas pouvoir supporter quelqu'un ou quelque chose.

Prendre en grippe. Avoir de l'aversion pour quelqu'un ou quelque chose.

  • GRIPPER, v. a. Chiper, et même voler,—dans l'argot du peuple.
  • GRIPPE-JÉSUS, s. m. Gendarme,—dans l'argot des voleurs.
  • GRIPPE-SOUS, s. m. Usurier, avare,—dans l'argot du peuple.
  • GRIS, adj. Cher, précieux,—dans l'argot des voleurs.

Grise. Chère, aimable.

  • GRISAILLE, s. f. Sœur de charité,—dans l'argot des faubouriens qui savent qu'on appelle ces saintes filles des sœurs grises.
  • GRISE, s. f. Chose extraordinaire et désagréable,—dans l'argot du peuple.

En voir de grises. Peiner, pâtir.

En faire voir de grises. Jouer des tours désagréables à quelqu'un.

  • GRISERIE, s. f. Ivresse légère,—dans l'argot des bourgeois.
  • GRIS JUSQU'À LA TROISIÈME CAPUCINE (Être). Être en complet état d'ivresse, à en déborder,—dans l'argot des troupiers, qui savent que la troisième capucine est près de la bouche du fusil.
  • GRISOTTER (Se), v. réfl. Se griser légèrement, honnêtement, pour ainsi dire,—dans l'argot des bourgeois, ennemis des excès parce qu'ils sont amis de la vie.
  • GRIVE, s. f. La garde,—dans l'argot des voleurs, qui se rappellent peut-être que les soldats s'appelaient autrefois des grivois.

Corps de grive.—Corps de garde.

Harnais de grive. Uniforme.

  • GRIVIER, s. m. Soldat.
  • GRIVOIS, s. m. Libertin,—dans l'argot du peuple.
  • GRIVOISE, s. f. Fille ou femme qui se plaît dans le commerce des hommes riches.
  • GROGNARD, s. m. Homme chagrin, mécontent, qui gronde sans cesse.

L'expression (qui vient de grundire, grogner) ne date pas de l'empire, comme on serait tenté de le croire: elle se trouve dans le Dictionnaire de Richelet, édition de 1709.

On dit aussi grognon.

  • GROGNE, s. f. Mauvaise humeur, chagrin.
  • GROGNER, v. n. Se plaindre; gronder sans raison.
  • GROLLER, v. n. Murmurer d'une façon désagréable, gronder, faire un bruit semblable à celui que fait en criant le freux, ou plutôt la grolle, une corneille.

Signifie aussi: Remuer des tiroirs, ouvrir et fermer des portes,—et alors c'est un verbe actif.

  • GROMIAU, s. m. Enfant, gamin,—dans l'argot des faubouriens.
  • GROS, adv. Beaucoup,—dans l'argot du peuple.

Coucher gros. Dire quelque chose d'énorme.

Gagner gros. Avoir de grands bénéfices.

Il y a gros à parier. Il y a de nombreuses chances pour que...

Tout en gros. Seulement.

  • GROS LÉGUMES, s. m. pl. Les officiers supérieurs,—dans l'argot des troupiers.
  • GROS LOT, s. m. Mal de Naples.
  • GROS NUMÉRO, s. m. Prostibulum.
  • GROS PAPA, s. m. Homme bon enfant, rond de caractère comme de ventre, ayant ou non des enfants.

On dit aussi Gros père.

  • GROSSE CAVALERIE, s. f. Cureurs d'égout,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux grosses bottes de ces ouvriers troglodytes.
  • GROSSE CAVALERIE, s. f. Figurantes du corps de ballet qu'on ne fait jamais donner,—dans l'argot des gandins, à qui cette grosse cavalerie fait toujours donner.
  • GROSSIER COMME DU PAIN D'ORGE, adj. Extrêmement brutal, dans l'argot des bourgeois amis du pain blanc et des discours amènes.
  • GROUCHY, s. m. Retardataire, flâneur,—dans l'argot du peuple. Passé de mode.
  • GROUCHY, s. m. Article qui arrive trop tard à l'imprimerie.—dans l'argot des journalistes.

L'expression est d'H. de Balzac.

On dit aussi Rappel de Waterloo.

  • GROUILLER, v. n. Remuer, s'agiter,—dans l'argot du peuple.
  • GROUILLIS-GROUILLOT, s. m. Foule de gens ou d'animaux,—par allusion à leurs mouvements vermiculaires.

Ce mot fait image et mérite d'être conservé, malgré sa trivialité.

  • GROUIN, s. m. Visage,—dans l'argot des faubouriens, qui n'ont pas le moindre respect pour le «miroir de l'âme».
  • GROUMER, v. n. Gronder, murmurer,—dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine.
  • GRUE, s. f. Femme entretenue, que la Nature a douée d'autant de bêtise que de beauté, et qui abuse de celle-ci pour faire accepter celle-là.

C'est un mot heureux que les gens de lettres ont trouvé là pour répondre à l'insolence des filles envers les honnêtes femmes.

Bécasses! disaient-elles. Grues! leur répond-on.

Mais ce mot, dans ce sens péjoratif, n'est pas né d'hier, il y a longtemps que le peuple l'emploie pour désigner un niais, un sot, un prétentieux.

  • GRUERIE, s. f. Bêtise rare,—comme il en sort tant de tant de jolies bouches.
  • GRUGER, v. a. Manger le bien de quelqu'un,—dans l'argot du peuple.

Les gens de lettres écrivent grue-ger, par allusion aux mœurs des grues,—ces Ruine-maison!

Grugeur, s. m. Parasite, faux ami qui vous aide à vous ruiner, comme si on avait besoin d'être aidé dans cette agréable besogne.

  • GUANO, s. m. Fèces, non pas des phénicoptères des mers du Sud, mais de l'homme,—dans l'argot des faubouriens, qui aiment les facéties grasses et remuent volontiers la lie de l'esprit pour en dégager les parfums nauséabonds au nez des autres et même à leur propre nez.
  • GUELTE, s. f. Bénéfice (geld) qu'on abandonne aux commis d'un magasin qui sont parvenus à vendre un objet jugé invendable. Grâce à la faconde des gaudissards modernes, il est rare qu'un rossignol reste sur les rayons, et leur guelte s'en accroît d'autant.
  • GUENILLON, s. m. Fille ou femme mal habillée,—dans l'argot des bourgeoises, qui ne tolèrent pas les infractions à la mode.
  • GUENON, s. f. Femme laide ou corrompue,—dans l'argot du peuple.

C'est la trot des Anglais.

On dit aussi Guenippe et Guenuche.

  • GUÉRETS, s. m. pl. Les blés mûrs,—dans l'argot des Académiciens.
  • GUÉRITE, s. f. Chapelle,—dans l'argot des marbriers de cimetière, qui s'y réfugient au moment des averses.
  • GUETTE, s. f. Gardien,—dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des chiens.

Bonne guette. Chien qui aboie quand il faut, pour avertir son maître.

Être de guette. Aboyer aux voleurs, ou aux étrangers.

  • GUEULARD, s. m. Gourmand.

Signifie aussi Homme qui parle trop haut, ou qui gronde toujours à propos de rien.

  • GUEULARD, s. m. Poêle,—dans l'argot des voleurs.

Signifie aussi Bissac.

  • GUEULARDE, s. f. Poche,—dans le même argot.
  • GUEULARDISE, s.f. Gourmandise,—dans l'argot du peuple.
  • GUEULE, s. f. Visage.

Bonne gueule. Visage sympathique.

Casser la gueule à quelqu'un. Lui donner des coups de poing en pleine figure.

Gueule en pantoufle. Visage emmitouflé.

  • GUEULE, s. f. Appétit énorme.

Être porté sur sa gueule. Aimer les bons repas et les plantureuses ripailles.

Donner un bon coup de gueule. Manger avec appétit.

  • GUEULE, s. f. Bouche.

Bonne gueule. Bouche fraîche, saine, garnie de toutes ses dents.

  • GUEULE DE BOIS, s. f. Ivresse,—dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu exprimer son résultat le plus ordinaire.

Se sculpter une gueule de bois. Commencer à se griser.

  • GUEULE D'EMPEIGNE, s. f. Homme qui a une voix de stentor ou qui mange très chaud ou très épicé.

Avoir une gueule d'empeigne. Avoir le palais assuré contre l'irritation que causerait à tout autre l'absorption de certains liquides frelatés.

On dit aussi Avoir la gueule ferrée.

  • GUEULÉE, s. f. Repas.

Chercher la gueulée. Piquer l'assiette.

Signifie aussi une grosse bouchée.

  • GUEULÉES, s. f. pl. Paroles fescennines, et même ordurières.
  • GUEULE ENFARINÉE (Avoir la). Être alléché par quelque chose, par une promesse de dîner ou d'amour et se créer par avance une indigestion ou une félicité sans pareilles.
  • GUEULE FINE, s. f. Gourmet.
  • GUEULER, v. n. Crier, gronder.

Signifie aussi Parler.

  • GUEULETON, s. m. Repas plantureux, ou simplement Repas.

Fin gueuleton. Ripaille où tout est en abondance, le vin et la viande.

  • GUEULETONNER, v. n. Faire un gueuleton.
  • GUEUSAILLER, v. n. Vagabonder, mendier,—dans l'argot des bourgeois.
  • GUEUSAILLE, s. f. La canaille.
  • GUEUSARD, s. m. Polisson.
  • GUEUSE, s. f. Drôlesse qui exploite le plus pur, le plus exquis des sentiments humains, l'amour, et «s'en fait des tapis de pieds»,—pour employer l'abominable expression que j'ai entendu un jour sortir, comme un crapaud visqueux, de la bouche de l'une d'elles.

Courir les gueuses. Fréquenter le monde interlope de Breda-Street.

En 1808 on disait: Courir la gueuse.

  • GUEUSERIE, s. f. Action vile, honteuse, comme les coquins en peuvent seuls commettre.
  • GUEUX, s. m. Petit pot de terre qu'on emplit de cendres rouges et que les marchandes en plein vent et les bonnes femmes pauvres placent sous leurs pieds pour se chauffer.
  • GUEUX, s. m. Coquin,—dans l'argot du peuple, qui, d'un seul mot, prouve ainsi éloquemment que le Vice est le fils naturel de la Misère.
  • GUEUX D'ARGENT! Expression du même argot, qui équivaut à l'argentum sceleratum (c'est-à-dire causa omnium scelerum) de l'argot des convives de Trimalcion, dans Pétrone. C'est un cri que poussent depuis longtemps les misérables et qui retentira longtemps encore à travers les âges.
  • GUIBES, s. f. pl. Jambes,—dans l'argot des voyous.
  • GUIBOLLES, s. f. pl. Jambes,—dans l'argot des faubouriens.

Jouer des guibolles. Courir, s'enfuir.

  • GUICHEMAR, s. m. Guichetier,—dans l'argot des voyous.
  • GUIGNE, s. f. Mauvaise chance,—dans l'argot des cochers qui ne veulent pas dire guignon.

Porter la guigne. Porter malheur.

  • GUIGNE A GAUCHE, s. m. Homme qui louche,—dans l'argot des faubouriens.
  • GUIGNER, v. a. Viser, convoiter, attendre,—dans l'argot du peuple.
  • GUIGNON, s. m. Pseudonyme moderne du vieux Fatum.

Avoir du guignon. Jouer de malheur, ne réussir à rien de ce qu'on entreprend.

  • GUIGNONNANT, adj. Désagréable.

C'est guignonnant! C'est une fatalité!

On dit aussi—à tort—guignolant.

  • GUIGNONNÉ (Être). Être poursuivi par la déveine au jeu, par l'insuccès dans ce qu'on entreprend.
  • GUIMBARDE, s. f. Voiture mal suspendue, comme les coucous d'il y a cinquante ans,—dans l'argot des faubouriens, qui emploient aussi cette expression à propos de n'importe quelle voiture.

L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne, qui l'emploie à propos d'une «grande voiture à quatre roues chargée de marchandises».

Se dit aussi en parlant d'une vieille guitare.

  • GUINAL, s. m. Juif,—dans l'argot des voleurs.

Grand-guinal. Le Mont-de-Piété.

  • GUINCHE, s. f. Grisette de bas étage, habituée de bastringues mal famés.
  • GUINCHE, s. f. Bal de barrière,—dans l'argot des voyous, qui appellent de ce nom la Belle Moissonneuse, Aux Deux Moulins, le Vieux chêne, rue Mouffetard, le Salon de la Victoire, à Grenelle, etc.
  • GUINCHER, v. n. Danser.
  • Guincher (Se). S'habiller à la hâte,—et mal.
  • GUINCHEUR, s. m. Habitué des bastringues.
  • GUINDAL, s. m. Verre,—dans l'argot des bouchers.

Siffler le guindal. Boire.

  • GUINGOIS (De), adv. De travers,—dans l'argot du peuple.
  • GUINGUETTE, s. f. Grisette,—parce qu'elle hante les bals de barrière.
  • GUITARE, s. f. Rengaîne; plainte banale, blague sentimentale,—dans l'argot des artistes et des gens de lettres, reconnaissants à leur manière envers les beaux vers des Orientales de Victor Hugo.
  • GY, adv. Oui,—dans l'argot des voleurs.

236

H

  • HABILLÉ DE SOIE, s. m. Porc,—dans l'argot des faubouriens et des paysans des environs de Paris.
  • HABILLER, v. a. Médire de quelqu'un,—dans l'argot du peuple.

Habiller de taffetas à 40 sous. Mettre sur le dos de quelqu'un des sottises ou des méchancetés compromettantes pour sa réputation.

  • HABILLER, v. a. Préparer un animal pour l'étal,—dans l'argot des bouchers.
  • HABILLER DE SAPIN (S'), v. réfl. Mourir,—par allusion au bois dont se composent ordinairement les cercueils. Argot du peuple.

Les gueux de Londres appellent le cercueil a wooden coat (un habit de bois ou une redingote en sapin).

  • HABIN, Chien,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot au vieux langage des honnêtes gens.

On dit aussi Happin et Hubin.

Habin ergamé. Chien enragé.

  • HABINER, v. a. Mordre.
  • HABIT NOIR, s. m. Bourgeois,—dans l'argot des souteneurs de filles, gens au peuple, et, à cause de cela, ennemis de l'habit.

Être habit noir. Être par trop simple, par trop naïf,—comme les bourgeois le sont d'ordinaire aux yeux des voyous, qui ont une morale différente de la leur.

  • HABITONGUE, s. f. Habitude,—dans l'argot des voleurs.
  • HACHER DE LA PAILLE, v. a. Parler allemand,—dans l'argot des ouvriers.
  • HALEINE CRUELLE, s. f. C'est-à-dire fétide—dans l'argot des gens de lettres, qui ne veulent pas dire haleine homicide.

Ils disent aussi Haleine à la Domitien.

  • HALEINER, v. a. Respirer l'haleine de quelqu'un,—dans l'argot du peuple.

Signifie aussi, au figuré: Flairer, chercher à deviner ce qu'une personne pense.

  • HALLE AUX DRAPS, s. f. Le lit,—dans l'argot des faubouriens.

Aller à la halle aux draps. Se coucher.

  • HALLEBARDE, s. f. Femme trop grande et mal habillée.

On disait autrefois, et plus justement, Hallebréda, qui était une corruption de Halbrené (dépenaillé).

  • HALOT, s. m. Soufflet,—dans l'argot des voleurs.
  • HALOTER, v. n. et a. Souffleter.

Signifie aussi Souffler.

  • HANNETON, s. m. Manie quelconque, idée fixe,—dans l'argot de Breda-Street, où les hannetons-hommes viennent d'eux-mêmes s'attacher le fil à la patte.

Avoir un hanneton dans le plafond. Être fou de quelqu'un ou de quelque chose.

Les voyous anglais ont une expression analogue: To have a bee in his bonnet (avoir une abeille dans son chapeau), disent-ils.

  • HANNETONNER, v. n. Se conduire comme un enfant; avoir des distractions.
  • HARAUDER, v. n. Crier après quelqu'un, le poursuivre d'injures ou de moqueries,—dans l'argot du peuple.

J'ai respecté l'orthographe dece verbe, que j'ai entendu souvent après l'avoir lu dans les Matinées du seigneur de Cholières. Mais, à vrai dire, on devrait l'écrire Haroder, puisqu'il vient de Haro. Et, à ce propos, qui se douterait que ce dernier mot, si connu, est composé de l'exclamation Ha! et du nom de Raoul, premier duc de Normandie?...

  • HARDES, s. f. pl. Vêtements.
  • HARDI A LA SOUPE, adj. Homme doué de plus d'appétit que de courage,—gulo.

On dit aussi dans le même sens: N'avoir de courage qu'à la soupe.

  • HARENGÈRE, s. f. Femme du peuple quelconque, «un peu trop forte en gueule»—dans l'argot des bourgeoises, qui se souviennent des plaisanteries salées dont les accablaient jadis les Dames de la Halle, aujourd'hui muselées par ordonnance de police.
  • HARIA, s. m. Embarras; chose ennuyeuse à faire ou à dire,—dans l'argot du peuple.

J'ai suivi pour ce mot l'orthographe de Balzac, mais je crois que c'est à tort et qu'il doit s'écrire sans H, venant probablement de l'italien aria, air,—d'où arietta, ariette, air de peu d'importance. A moins cependant que Haria ne vienne d'Hariolus, sorcier.

  • HARICANDER, v. n. Chamailler quelqu'un sur des vétilles; être de mauvaise composition.
  • HARICOTS, s. m. pl. Maison d'arrêt de la garde nationale, où il est de tradition—fausse—que l'ordinaire de cette prison pour rire se compose de légumes, comme celui des prisons sérieuses.

On dit aussi l'Hôtel des Haricots.

Aug. Villemot prétend que cette expression est une corruption d'Hôtel Darricau. Il a peut-être raison.

  • HARIDELLE, s. f. Femme maigre et grande.

On dit aussi, mais en moins mauvaise part, Haquenée.

  • HARNACHÉ, adj. Mal habillé.
  • HARPE, s. f. Barreaux de fer qui garnissent les fenêtres des prisons,—dans l'argot des voleurs.

Pincer de la harpe. Se mettre à la fenêtre.

  • HARPIE, s. f. Femme acariâtre comme la femme de Socrate,—dans l'argot des bourgeois, qui ont souvent le malheur d'épouser une Xantippe.
  • HARPIGNER (Se), v. réfl. Se quereller, se battre,—dans l'argot du peuple.
  • HASARD! Expression de l'argot des typographes, qui s'en servent ironiquement à propos de choses qu'on répète trop souvent devant eux.

Souvent ils se contentent de dire H!

  • HASARD DE LA FOURCHETTE (Au). Expression proverbiale de l'argot du peuple, qui, après l'avoir longtemps employée au propre, l'emploie maintenant au figuré.

C'est l'équivalent de Au petit bonheur.

  • HASARDER LE PAQUET. Tenter une chose, fortune ou danger, après avoir longtemps hésité.
  • HAUS, s. m. Nom que les commis de nouveautés donnent à toute personne qui entre dans le magasin, y marchande plusieurs choses, et s'en va sans rien acheter.
  • HAUSSIER, s. m. Spéculateur qui joue plus souvent à la hausse qu'à la baisse,—dans l'argot des boursiers.
  • HAUT-DE-TIRE, s. m. Bas,—dans l'argot des voleurs, pour qui ce mot a signifié originairement Haut-de-chausses.

Ils disent aussi Tirants.

  • HAUTE, s. f. La fraction riche de chaque classe de la société, bourgeois, lorettes, et même ouvriers.

Cette expression, très employée par le peuple et par le monde interlope, appartient à l'argot des voleurs, qui se sont divisés en deux grandes catégories, Haute et basse pègre.

  • HAUTE-BICHERIE, s. f. «Les plus élégantes et les plus connues d'entre les coureuses parisiennes, reines d'un jour qui ne font que paraître et disparaître sur le boulevard, leur champ de bataille.»
  • HAUT-MAL, s. m. L'épilepsie,—dans l'argot du peuple.
  • HAUTOCHER, v. n. Monter,—dans l'argot des voleurs.
  • HAUT-ET-BAS, s. m. pl. Chances diverses de bonheur et de malheur, de perte et de gain, de tristesse et de joie,—dans l'argot du peuple, qui connaît le jeu de bascule de la vie.

Avoir des hauts et des bas. N'avoir pas de position solide, de commerce à l'abri de la ruine.

Les Anglais ont la même expression: the ups and downs, disent-ils à propos de ces vicissitudes de l'existence.

  • HERBE A GRIMPER, s. f. Belle gorge ou belles épaules,—éperons du cœur, compulsoires d'amour.
  • HERBE SAINTE, s. f. L'absinthe,—à cause de la désinence, et par antiphrase.
  • HERBES DE LA SAINT-JEAN, s. f. pl. Moyens extraordinaires employés pour faire réussir une affaire, soins excessifs donnés à une chose,—dans l'argot du peuple, qui a une Flore à lui, comme il a sa Faune.
  • HIATER, v. n. Bâiller, s'entr'ouvrir comme hiatus.

L'expression appartient à J. Janin, qui l'a employée à propos des guenilles indécentes de Chodruc Duclos.

  • HIBOU, s. m. Homme d'un commerce difficile et désagréable,—dans l'argot des bourgeois, incapables de comprendre les susceptibilités sauvages d'Alceste, qui préférait la nuit avec son silence solennel au jour avec ses bruits discordants, et le désert avec les loups à la ville avec les hommes.
  • HIC, s. m. Difficulté, obstacle, ennui quelconque. Hic jacet lepus.

Voilà le hic. Voilà le difficile de l'affaire, son côté scabreux, ou périculoseux, ou seulement désagréable.

  • HIRONDELLE, s. f. Ouvrier récemment débarqué de province,—dans l'argot des tailleurs.
  • HIRONDELLE, s. f. Commis voyageur,—dans l'argot des faubouriens.
  • HIRONDELLE, s. f. Cocher de remise,—dans l'argot des cochers de place.
  • HIRONDELLE DE GRÈVE, s. f. Gendarme,—dans l'argot des voleurs, qui se souviennent du temps où l'on exécutait en Grève.

On disait autrefois, avant Guillotin, Hirondelle de potence.

Les voleurs anglais disent de même: gallows bird.

  • HIRONDELLES D'HIVER, s. f. pl. Les marchands de marrons, et aussi les petits ramoneurs, parce que c'est au milieu de l'automne, aux approches de l'hiver, que les premiers viennent s'installer dans les boutiques des marchands de vin, et que les seconds font leur apparition dans les rues de Paris.
  • HISTOIRE, s. f. Bagatelle, chose de rien, fadaise,—dans l'argot du peuple, qui donne ce nom à tout ce qui n'en a pas pour lui.
  • HISTOIRE, s. f. Visage de campagne que découvrent si volontiers et si innocemment les petits garçons et les petites filles.
  • HISTOIRES, s. f. pl. Discussion à propos de quelque chose,—et surtout à propos de rien.

Faire des histoires. Se fâcher sans motif raisonnable; exagérer un événement de peu d'importance.

  • HOGNER, v. n. Murmurer, se plaindre, pleurer.
  • HOMARD, s. m. Soldat de la ligne,—dans l'argot des faubouriens, qui, sans connaître l'anglais, imitent cependant les malfaiteurs de Londres appelant les soldats de leur pays lobsters, à cause de la couleur rouge de leur uniforme.

Signifie aussi: Suisse; domestique en grande livrée.

  • HOMÉLIE, s. f. Discours ennuyeux,—dans l'argot du peuple, qui se soucie peu des Pères de l'Église, et bâille aussi volontiers devant un sermon profane que Gil Blas devant les sermons religieux de l'archevêque de Grenade.
  • HOMICIDE, s. m. L'hiver,—dans l'argot des vagabonds, pour qui cette saison est en effet meurtrière.
  • HOMMASSE, adj. Femme que son embonpoint exagéré rapproche trop de l'homme,—dans l'argot du peuple.
  • HOMME, s. m. «Nom que les filles donnent à leur amant de prédilection.»

C'est aussi le nom que les femmes du peuple donnent à leur mari.

  • HOMME A FEMMES, s. m. Homme de galante humeur,—dans l'argot du peuple.
  • HOMME A CASQUE, s. m. Saltimbanque, dentiste en plein vent, pédicure de place publique, etc.
  • HOMME AU SAC, s. m. Personne riche, généreuse,—dans l'argot des petites dames qui voudraient que l'Humanité ne fût composée que de ces hommes-là.
  • HOMME DE LETTRES, s. m. Faussaire,—dans l'argot des voleurs.
  • HOMME DE PAILLE, s. m. Gérant responsable, machine à signatures,—dans l'argot des bourgeois.

Les Anglais, qui ont inventé les sociétés en commandite, devaient inventer le man of straw,—et l'homme de paille fut.

  • HOMME DE PAILLE, s. m. Bonhomme, pauvre homme et homme pauvre,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis quelque trois cents ans, comme le témoigne cette épigramme du Seigneur des Accords:

«Jean qui estoit homme de paille,

N'ayant que mettre sous la dent,

Prit une vieille et de l'argent:

Maintenant il vit et travaille.»

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