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La chanson de la croisade contre les Albigeois

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Le jeune comte rentre en Provence.

Quelques jours après, le jeune comte rejoint son père à Gênes et rentre avec lui dans ses domaines de Provence. Les habitants de Marseille font aux deux comtes une réception enthousiaste.

Le quatrième jour, voici venir un messager, qui salue le comte et lui dit en son langage : « Seigneur comte, ne vous attardez pas demain matin, car les meilleurs d’Avignon vous attendent sur la rive [du Rhône] : ils sont plus de trois cents qui vous feront hommage. » Le comte, lorsqu’il entend ces paroles, en ressent une grande joie. Le matin, son fils et lui se mettent en route, et quand ils sont parvenus sur la rive, le comte descend de son bon mulet arabe, et trouve ceux d’Avignon à genoux sur le gazon. Il les salue, et eux l’accueillent avec joie. Alors Arnaut Audigier, homme preux et sage, né à Avignon d’une noble parenté, parle le premier : « Sire comte de Saint-Gilles, vous et votre bien-aimé fils, de noble lignée, acceptez cet honorable gage : tout Avignon se met en votre seigneurie ; chacun vous livre sa personne et ses biens, les clefs de la ville, les jardins et les portes. Et ce que nous vous disons, ne le tenez point pour chose vaine, car ce n’est de notre part ni égarement ni présomption. Mille vaillants chevaliers d’une bravoure accomplie et cent mille hommes courageux ont engagé leur serment garanti par des otages que désormais ils poursuivront les auteurs de votre dommage. Vous jouirez en Provence de tous vos droits, rentes, cens, tribut, péage, et nul ne voyagera sans payer le droit de sauf-conduit. Nous occuperons tous les passages du Rhône, et nous répandrons par le pays la mort et le carnage, jusqu’à ce que vous ayez recouvré Toulouse et votre légitime héritage ; les chevaliers bannis sortiront des bois, n’ayant plus à craindre désormais ni tempête ni orage, et vous n’avez au monde ennemi si féroce que, s’il vous fait tort ni dommage, ce ne soit pour lui une source de honte ! » — « Seigneurs, dit le comte, vous faites montre de sens et de noblesse en m’offrant votre appui, et vous y gagnerez l’estime de toute la chrétienté et de votre pays, car vous restaurez les preux et Joie et Parage. »

Le lendemain, le comte et son fils se mettent en route ; Ils passent la nuit à Salon, d’où ils repartent à l’aube.

Ils devisent d’armes, d’amour, et de présents, jusqu’à ce que le soir tombe et qu’Avignon les reçoive. Quand le bruit de leur arrivée s’est répandu par la ville, il n’y a vieillard ni jouvenceau qui n’accoure tout joyeux, à travers les rues. Il se tient pour fortuné, celui qui peut courir le mieux ! Les uns crient : « Toulouse ! » en l’honneur du père et du fils, et les autres : « Joie ! Désormais Dieu sera avec nous ! » D’un cœur résolu et les yeux mouillés de larmes, tous viennent s’agenouiller devant le comte, et tous ensemble disent : « Christ, Seigneur glorieux, donnez-nous le pouvoir et la force de leur rendre à tous deux leur héritage ! » Si grande est la presse et la procession qu’il faut recourir aux menaces, aux verges, aux bâtons !

Le comte et son fils entrent au moutier pour faire leurs prières. Puis vient un repas abondant et savoureux, où l’on sert mainte sorte de ragoûts et de poissons, vins blancs, roux et rouges, parfumés de girofle : et c’est alors le tour des jongleurs, des vielles, des danses et des chansons.

Le dimanche matin, on célèbre la cérémonie du serment et tous disent : « Seigneur légitime et bien aimé, ne craignez ni de donner ni de dépenser : nous vous fournirons l’argent et les hommes nécessaires, jusqu’à ce que vous recouvriez votre terre ou que nous mourions avec vous. » — « Seigneurs, dit le comte, belle en sera la récompense, car grâce à Dieu et à moi, vous serez plus puissants. »

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