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La guirlande de Julie: augmentée de documents nouveaux

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LA FLEVR D'ORANGE[27].
Madrigal.

DV palais d'emeraude où la riche Nature

M'a fait naistre et regner auecque maiesté,

Ie viens pour adorer la diuine beauté

Dont le Soleil n'est rien qu'vne foible peinture.

Si ie n'ay point l'éclat ni les viues couleurs

Qui font l'orgueil des autres Fleurs,

Par mes douces odeurs ie suis plus accomplie,

Et par ma pureté plus digne de Ivlie.

Ie ne suis point suiette au fragile destin

De ces belles infortunées

Qui meurent dès qu'elles sont nées,

Et de qui les appas ne durent qu'vn matin;

Mon sort est plus heureux, et le ciel fauorable

Conserue ma fraîcheur et la rend plus durable.

Ainsi, charmant objet, rare présent des Cieux,

Pour mériter l'honneur de plaire à vos beaux yeux,

I'ai la pompe de ma naissance,

Ie suis en bonne odeur, en tout temps, en tous lieux,

Mes beautez ont de la constance,

Et ma pure blancheur marque mon jnnocence;

I'ose donc me vanter, en vous offrant mes vœux,

De vous faire moy seule vne riche Couronne,

Bien plus digne de vos cheueux

Que les plus belles Fleurs que Zéphire vous donne.

Mais si vous m'accusez de trop d'ambition,

Et d'aspirer plus haut que ie ne deurois faire,

Condamnez ma présomption,

Et me traittez en temeraire;

Punissez, i'y consens, mon superbe dessein

Par une seuére défense,

De m'éleuer plus haut que iusqu'à vôtre sein,

Et ma punition sera ma récompense.

De M. C. (Corneille).

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