La guirlande de Julie: augmentée de documents nouveaux
LA ROSE.
Madrigal.
ALORS que ie me voy si belle et si brillante,
Dans ce teint dont l'éclat fait naistre tant de vœux
L'excés de ma beauté moy-même me tourmente;
Ie languis pour moy-même, et brusle de mes feux,
Et ie crains qu'aujourd'huy la Rose ne finisse
Par ce qui fit iadis commencer le Narcisse.
De M. CHABERT, abbé de CÉRISY.
LA ROSE[4].
Madrigal.
DEVANT ce teint d'vn beau sang animé,
Ie ne parois que pour ne plus paroistre;
Ie n'ay plus rien de ce lustre enflamé
Que de Vénus le sang auoit fait naistre.
Le vif éclat de ce teint nompareil
Me fait paslir, accuser le Soleil,
Seicher d'enuie et languir de tristesse.
O sort bizarre! ô rigoureux effet!
Ce qu'a produit le sang d'vne Déesse,
Le sang d'vne autre aujourd'huy le défait.
De M. DE MALLEVILLE.
LA ROSE[5].
Madrigal.
ASSISE en majesté sur vn Throsne d'épines,
Ie porte le Sceptre des Fleurs,
Qui cédent à l'éclat de mes grâces diuines,
Quand l'Aurore au matin m'arrose de ses pleurs;
Mais, beauté que le monde adore,
Et qui sçais doucement rauir,
I'estime beaucoup plus l'honneur de vous seruir
Que celuy de régner dans l'Empire de Flore.
De M. le marquis DE MONTAUSIER.
LA ROSE.
Madrigal.
SI vous n'auiez banny l'ardeur démesurée
Qui du cœur des mortels fait triompher l'Amour,
Ma beauté prés de vous seroit mal assurée:
Aux chaleurs de l'esté ie ne dure qu'vn jour.
Mais vn sort plus heureux en ce lieu m'enuironne:
Le temps, dont le pouuoir de toute chose ordonne,
Par vos charmes puissans se trouue surmonté;
I'ay de vous obtenu la faueur desirée,
Et sur vostre visage, où règne la beauté,
Ie suis d'éternelle durée.
De M. COLLETET.
LA ROSE[6].
Madrigal.
QVOY que la Fable nous raconte,
Iamais la Reine d'Amathonte
Ne changea ma couleur ni mon lustre ancien.
Si quelque trait de flame à ma neige s'allie,
C'est de honte que i'ay que le teint de Ivlie
Est estimé plus frais et plus beau que le mien.
De M. C OLLETET.