La guirlande de Julie: augmentée de documents nouveaux
[1].—Dans l'original, tous les vers, de quelque nombre de syllabes qu'ils soient, commencent à égale distance de la marge.—Nous ne poussons pas le scrupule jusqu'à reproduire dans notre édition cet arrangement disgracieux, tout au plus admissible dans un manuscrit.
Zéphire à Julie est le seul madrigal du marquis de Montausier qui ne soit pas signé dans l'original.
2.—La Couronne Impériale, de Chapelain, fut regardée, à l'hôtel de Rambouillet, comme l'un des plus beaux madrigaux de la Guirlande.—Julie professait la plus grande admiration pour le roi de Suède, Gustave-Adolphe, tué à la bataille de Lutzen, qu'il gagna; Chapelain suppose que ce héros ayant voulu conquérir une couronne impériale pour l'offrir à son admiratrice, fut métamorphosé en la fleur à laquelle cet événement fit donner le nom de Couronne Impériale.
Voiture, dans ses Lettres, nomme Chapelain père de la Pucelle et ouvrier de la Couronne Impériale, et ce madrigal, alors si fameux, fut inséré dans le Huétiana (page 105, chap. XLIV) Huet, le vénérable évêque d'Avranches, bien qu'un des plus violents défenseurs de Chapelain, lors de l'apparition de la Pucelle, fait remarquer avec justesse le contre sens des vers suivants:
«Du rivage inconnu de l'aspre Corélie,
Où la mer sous la glace est toute ensevelie,
Le flambeau de l'Amour mes voiles conduisant,
Je vins pour rendre hommage à l'auguste Julie.»
Comment, s'écrie le prélat, des vaisseaux pouvaient-ils avancer sur une mer toute ensevelie sous la glace?
L'honnête Chapelain, pour se justifier, eût peut-être répondu que le «flambeau de l'Amour, qui conduisait les voiles de Gustave-Adolphe, était assez incandescent pour fondre toute la glace de l'aspre Corélie!»
Le Recueil de Conrart (in-fo, Belles-Lettres 145, bibl. de l'Arsenal), page 1087, donne ce madrigal avec le sous-titre: A la Princesse Julie. L'orthographe de ce manuscrit est de beaucoup plus surannée que celle de l'original.
3.—Au second vers de ce madrigal, le mot treuve, qui est écrit ainsi que nous le donnons, dans le texte original et dans la copie de Maurepas, subit la variante de trouve dans les éditions Nodier, Didot, et dans les œuvres de Scudéry, qui portent:«Je me trouve sans effroy.»
4.—...«Je n'ay plus rien de ce lustre enflammé
Que de Vénus le sang avait fait naistre.»
Quelques auteurs ont fait sortir la Rose d'une piqûre de Vénus, image gracieuse, mais fable peu consacrée.
Voiture fit également une métamorphose en prose de la Rose pour Me de Rambouillet.
5.—Les derniers vers de la Rose, de M. de Montausier, se trouvent très-maltraités dans le recueil de Sercy, qui termine ainsi ce madrigal:
«Mais beauté que le monde adore,
«J'estime celuy de règner dans l'empire de Flore.
Il faut attribuer à une faute d'impression ce non-sens et ce vers faux.
6.—Le même Recueil de Sercy fait débuter ainsi la Seconde Rose, de M. Colletet:
«Quoyque la fable nous raconte
Jamais la Royne d'Amaronte,» etc.
7.—La version manuscrite de Conrart donne ces légères variantes à ce premier madrigal du Narcisse: au troisième vers, jadis estant au lieu de estant jadis, et au sixième vers:
Il baissoit toujours son visage,
Qu'il estimoit plus beau que le soleil;
au lieu de:
Qu'il estimoit plus beau que celui du soleil.
8.—Le manuscrit de Conrart, page 1105, donne cette énorme variante; après le troisième vers, le madrigal continue ainsi:
Je viens pour vous offrir mes vœux,
Unique beauté que j'estime,
Escoutez ce discours que ma pasleur exprime:
Vous pour qui souffrent mille amans
Un nombre infini de tourments,
Si vous me voyez le teint blesme,
Ce n'est plus moy, c'est vous que j'ayme.
9.—Le Recueil de Sercy nous fournit cette variante pour la fin du Narcisse de M. Habert:
Et pour éviter son courroux,
Julie, aimez d'autres que vous.
A propos de cet Habert auquel les éditions Didot et Nodier décernent à tort le titre de capitaine, nous rectifions, ainsi que l'a fait M. Ch. L. Livet, cette grosse erreur. Habert était commissaire et non capitaine de l'artillerie. Nous signons donc, ainsi que le manuscrit original et le recueil de Maurepas, les madrigaux de cet auteur: M. Habert, C. de l'artillerie.
Nota. C'est par suite d'une faute de correcteur que le mot cap. subsiste dans la signature de ce madrigal.
10.—Dans la copie manuscrite de Maurepas, le Narcisse, du commissaire de l'artillerie est placé ainsi que nous le donnons. L'édition Nodier, au contraire, place le Narcisse de l'abbé de Cerisy auparavant.
Au sujet de celui-ci, les textes de Didot et Nodier portent cette variante au dernier vers:
«Chacun sçait toutefois comme elle m'a perdu.
11.—Jean Ogier de Combaud est auteur d'une pastorale également nommée Amaranthe (in-8, 1631). L'allusion qu'il fait dans son quatrain, à l'immortalité de l'amarante, est appuyée par toute l'antiquité.
Homère nous apprend qu'aux funérailles d'Achille, les Thessaliens étaient couronnés d'amarantes, et Malherbe dit, dans une ode à Henri IV (Sur l'heureux succès du voyage de Sedan):
«La louange dans mes vers,
D'amarante couronnée,
N'aura sa fin terminée
Qu'en celle de l'Univers.»
L'amarante d'or était le prix de l'ode dans les jeux floraux.
12.—L'Angélique, de M. de Malleville, ne se trouve pas dans ses madrigaux (Paris, A. Courbé, 1649). Ce fait est d'autant plus curieux que c'est le seul madrigal de ce poëte qui manque à l'appel dans ses poésies imprimées.
13.—Le mot THIN est ainsi écrit dans le manuscrit original; nous faisons cette remarque d'après l'abbé Rive.
14.—Ce fameux madrigal de la Violette n'a jamais été attribué qu'à Desmarest; dans l'original il est signé avec cette orthographe: M. Des Marestz; dans la copie de Maurepas, signé: De.....
L'édition de 1729, à la suite de la vie de Montausier, du père N. Petit, porte: «Anonyme», et donne cette très-intéressante variante, dont on n'a pas encore fait mention jusqu'ici:
«Fleur sans ambition, je me cache sous l'herbe.»
15.—Au troisième vers du Lys de M. de Montausier, la copie de Maurepas donne, en supprimant la particule négative:
«Et je crois si je me flatte.»
16.—Dans les poésies de Malleville (1649), il se trouve la variante suivante:
«Reçoy les lys que je te donne
Pour en former une couronne
Par qui de ta beauté le lustre soit dépeint.»
17.—Le manuscrit de Maurepas donne à ce madrigal le début suivant:
«Que j'ay d'honneur à cette fois.»
Cette variante est intéressante, car la copie de Maurepas suit assez fidèlement le texte original.
18.—Cette pièce est seulement signée des initiales M. C. dans l'original et la copie de Maurepas; les textes imprimés de Didot et de Nodier signent: «Conrart», sans motifs connus. Il est vrai que l'abbé Goujet, dans sa Bibliothèque Françoise (tome XVII, page 401, et tome XVIII, page 444) met à l'actif de Conrart quelques-uns des madrigaux de la Guirlande. Mais est-ce là une autorité suffisante? L'éditeur de 1729, plus circonspect, ne garde de Conrart que le silence prudent et signe «M. C.» M. Taschereau, dans son Histoire de la vie et des ouvrages de Corneille (Paris, Jannet, 1855, page 318), revendique pour l'auteur du Cid les six pièces signées «M. C.»
19.—Ce dernier madrigal sur les Lys est signé Desmaretz dans le recueil manuscrit de Maurepas. L'édition de 1729 le porte anonyme.
20.—Dans la Tulipe, de M. de Vence, la version manuscrite de Conrart remplace ce vers:
«Miracle de nos jours si mes yeux t'eussent vue»,
par:
«Julie si je t'eusse vue».
21.—La Tulipe signée M. C., dans l'original et dans la copie de Maurepas, est une des trois pièces attribuées à Corneille. Le Recueil de Sercy, si avare cependant de signatures intégrales, signe ce madrigal: «Corneille», et l'abbé Granet, éditeur des œuvres diverses du grand tragique, a inséré dans son édition (Paris, Gissey, 1738, in-12) la Tulipe, ainsi que la Fleur d'Orange et l'Immortelle blanche, de même signées «Corneille» dans le Recueil de Sercy.—Madame de Genlis, dans sa Botanique historique et littéraire (Paris, 1810, p. 91), donne également à Corneille la paternité de ces trois madrigaux, et dans la Bibliographie Cornélienne, qui vient de paraître (Paris, Fontaine, 1875), les éditeurs attachent une assez grande importance à ces trois madrigaux, qu'ils attribuent à Corneille, car, page 198 et suivantes, ils ont dressé fort consciencieusement la liste des trois manuscrits et des différentes éditions de la Guirlande de Julie.
Les éditions Didot et Nodier signent: «Conrart».
22.—La Jonquille était une fleur rarissime et très-chère en 1641. Mme de Sévigné, en parlant d'une superbe fête, raconte, comme une chose extraordinaire, qu'on y avait prodigué les jonquilles.
23.—Le Recueil de Sercy, au deuxième vers de ce madrigal, donne, au lieu de:
«Dont l'injuste refus précipita mon sort»,
cette variante:
«Dont mon juste repos précipita mon sort».
Dans l'original, la copie de Maurepas et l'édition de 1729, ce sixain paraît signé des initiales: «de M. le M. de R.»—Les textes de Didot et de Nodier, ennemis des initiales, signent à tort: «M. le marquis de Racan.»—Le poëte des Bergeries n'est aucunement l'auteur de ce madrigal, généralement attribué, et avec raison, au marquis de Rambouillet, père de Julie.
Tallemant est là, du reste, pour appuyer notre assertion: «Elle remercia, dit-il (en parlant de Julie d'Angennes), tous ceux qui avoient fait des vers pour elle. Il n'y eut pas jusqu'à M. le marquis de Rambouillet qui n'en fist, on y voit un madrigal de sa façon.»—Tallemant (historiette de Montauzier).
24.—Ce quatrain de l'Hyacinthe est signé: «M. C.» dans l'original, le manuscrit de Maurepas et l'édition de 1729. Les éditions Nodier et Didot, logiques dans leurs hypothèses, portent: «M. Conrart.»
25.—Ce madrigal n'est pas inséré dans l'édition de 1729, mais il se trouve dans celle de 1784.
26.—A la page 1094 de la version manuscrite de Conrart, nous trouvons, au quatrième vers de ce huitain, cette petite variante:
Au lieu de:
«Ait pris mon âme en ses appas»,
Il y a:
«Ayt pris âme en ses appas».
Le texte imprimé des poésies de Malleville (Courbé, 1649) donne cette autre variante pour les deux derniers vers:
«Aymer la divine Julie
N'est-ce pas aymer le Soleil?»
27.—La Fleur d'Orange est la seconde fleur de la Guirlande, qu'on attribue à Corneille; Sercy la signe en toutes lettres «Corneille» dans son Recueil, et l'abbé Granet l'inséra dans son édition des œuvres diverses de ce poëte.
L'original, la copie de Maurepas et l'édition de 1729 signent de «M. C.». Les textes Didot et Nodier, conséquents dans leur erreur, signent: «M. Conrart».
28.—Le manuscrit de Maurepas écrit ainsi le pseudonyme du marquis de Pomponne: «M. de Briotte». L'édition Livet: «M. Briote». Nous adoptons l'orthographe du Recueil de Maurepas.
29.—Ce madrigal, signé avec constance «Conrart» dans les textes de Didot et Nodier, ne porte dans l'original et le Recueil de Sercy que les initiales M. C.—Au sujet de cette fleur, on avait donné cette devise à la reine Anne d'Autriche: Une grenade, avec ces mots: Mon prix n'est pas dans ma couronne.
30.—Dans les poésies de Malleville (1649, p. 269), ce madrigal subit cette variante au second vers:
«Et de voir votre nom sur la terre estimé.»
Le manuscrit de Conrart donne, page 1095, ce madrigal conforme à l'original, et, page 1097, le même avec la variante de Malleville que nous venons de citer.
31.—Mme de Genlis, dans sa Botanique historique et littéraire (Paris, 1810, page 189), s'exprime ainsi sur ce madrigal:«Le Perce-Neige fut encore une fleur de la guirlande de Julie; Benserade en fit les vers que voici:»
Suit le madrigal avec cette curieuse variante qu'il nous procure pour les derniers vers:
«Mais celle de ton sein, adorable Julie,
Me fait perdre aux yeux éblouis
La gloire désormais ternie
Que je ne cédois pas aux lys.»
Nous laissons à Mme de Genlis la responsabilité de son affirmation, et nous ne chercherons pas comment Benserade pourrait être auteur d'un madrigal signé «de Briotte» dans l'original.
32.—L'Immortelle devient l'Amarante au titre de ce madrigal, dans les poésies de Scudéry, à la suite du Vassal généreux (Paris, Courbé, 1636). Nous devions signaler cette synonymie.
33.—L'Immortelle blanche est le troisième madrigal signé «M. C.» pour lequel le Recueil de Sercy ait donné, avec sa puissante autorité, la signature de «Corneille». Avec la Tulipe et la Fleur d'Orange, il fait partie des œuvres diverses de notre grand poëte, publiées par l'abbé Granet.
L'original, la copie manuscrite de Maurepas et l'édition de 1729 signent «M. C.»; Conrart est la signature que donnent les éditions Didot et Nodier.
34.—Ce madrigal, qui est le dernier du volume, occupe dans le manuscrit original le feuillet 95. (Les feuillets ne sont paginés qu'au recto.)