Médée: tragédie
SCENE II.
JASON, IPHITE.
IPHITE.
AVec quel air charmant cette aimable Princesse
Répond à vos transports & sent vostre tendresse?
Tout flatte votre espoir; tout conspire à vos vœux.
Et vous semblez toucher au sort le plus heureux.
JASON.
Que je serois heureux, je le confesse, Iphite,
Si je pouvois calmer un trouble qui m’irrite;
Et si goûtant en paix un si parfait bon-heur,
J’étouffois à mon gré tout remord en mon cœur!
Mais je puis bannir une importune idée.
A mes yeux malgré moi par tout s’offre Medée.
Ce souvenir crüel m’afflige & me poursuit.
Jusqu’aux pieds de Créüse il me trouble & me suit.
Grands Dieux! quel sort fatal, quelle loi trop severe
Des plaisirs les plus grands rend la douceur amere?
Quel noir poison se mêle au sort le plus charmant?
Et ne sçauroit-on estre heureux impunement?
Vostre bonté jalouze avec caprice enchaîne
Les biens & les tourmens, les plaisirs & la peine.
Au faiste du bon-heur on pousse des soupirs;
Et l’amertume naist dans le sein des plaisirs.
Ah c’est trop. De mon sort soyons enfin le maître.
Déja je sens le calme en mon ame renaître.
Déja.... je vois Medée! ô dieux! trop justes Dieux!
Ne peut-on un moment se soustraire à vos yeux?
Quand je crois estre heureux, soudain vostre justice
Confond tous mes projets & m’offre mon supplice.
Que lui dire? fuions.