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Médée: tragédie

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SCENE IV.

MEDÉE, RHODOPE.

MEDÉE

VA, quand tu le voudrois, il y va de ma gloire;
Je t’empescheray bien d’en perdre la memoire.
Je sçais quand il me plaist, dans l’ame des ingrats
Graver des souvenirs qui ne s’effacent pas.
Que j’ay souffert, Rhodope, à cacher ma colere?
Quelle horrible contrainte il a fallu me faire?
Ma rage en est accrüe; & ce torrent fougueux
Va plus rapidement se deborder contr’eux.
Il ne me reste plus que d’évoquer Hecate,
Et tous ces Dieux crüels dont la fureur me flate.
Mes plus mortels poisons, mes charmes sont tous prests.
Hâtons nous de lancer nos redoutables traits.

Rhodope tu connois cette robe éclattante
De rubis lumineuse & d’or étincellante;
Parure inestimable, ornement pretieux
Où l’art & la richesse ébloüissent les yeux.
Le Soleil mon Ayeul, favorisant mon Pere,
Pour present nuptial en fit don à ma Mere;
Et semble avoir mêlé pour enrichir ses dons
Le feu de la lumiere à l’or de ses rayons.
C’est de tous le thresors, où je pouvois pretendre,
L’unique qu’en fuyant Medée ait daigné prendre.
Tu sçais qu’en arrivant en ces funestes lieux,
De Créüse ébloüie elle enchanta les yeux.
Admirant son éclat & vantant sa richesse,
Elle a tout employé, prieres, dons, promesse,
Pour pouvoir posseder ce superbe ornement.
Il faut qu’à ma vengeance il serve d’instrument.
Je vais l’empoisonner, & par mon art funeste
Mêler un pront venin à son éclat celeste;
Mille sucs empestez, milles charmes divers;
Et la Rage, & la Mort, & l’horreur des Enfers.
Je veux que mes Enfans, pour cacher ma vengeance,
Et feignant d’implorer ses soins & sa clemence,
Ministres non suspects de mon courroux affreux,
Portent à leur Marâtre un don si dangereux.
Mais allons engager mes Dieux dans ma querelle.
J’entens déja leur voix qui m’anime & m’appelle.
Terribles Dieux du Stix, je marche sur vos pas.
Dans ce pressant besoin ne m’abandonnez pas.

Fin du troisiéme Acte.

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