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Mireille des Trois Raisins

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III

Il eût été injuste, il eût été cruel qu’une semblable union demeurât stérile. Dieu la bénit. Une fille naquit.

Elle causa, quelques heures durant, une déception à ses parents.

Cet anneau femelle dans la chaîne des Rabier qui, depuis tant d’années, ne comportait que des mâles, perturbait les conceptions de Mme Mireille et de M. Adolphe qui se demandaient selon quel rythme se transmettrait désormais la Maison…

Mais nul ne saurait reprocher longtemps de n’avoir pas tout à fait la forme de son rêve à l’enfant né de lui et qui commence de s’agiter dans un berceau.

Penché sur le visage fripé, aux paupières encore closes, qui faisait tant d’efforts pour appeler la vie, M. Adolphe éprouva soudain une telle émotion que ses yeux se mouillèrent…

— Ce petit bout… ce petit bout ! disait-il. Quand on pense que c’est nous deux !… Nous deux réunis… fondus…

Éperdu de tendresse et de reconnaissance, il prit avec précaution dans ses bras celle qui restait toute meurtrie de l’offrande douloureuse qu’elle venait de faire.

Et, comme pour lui apporter une consolation dont elle n’avait plus besoin, puisque, en elle aussi, venait de se former un sentiment nouveau dont la force et la douceur l’étonnaient en même temps qu’elles la ravissaient, il murmura :

— Nous lui donnerons bientôt un petit frère.

Elle tourna vers lui son visage : Un sourire dolent errait sur ses lèvres. Une flamme luisait dans ses yeux.

M. Adolphe comprit qu’elle était déjà prête à souffrir de nouveau pour que la fortune ne tombât point tout entière en quenouille et que le nom se perpétuât au 17.

Il l’en aima davantage.

Afin de se bien démontrer à eux-mêmes que rien ne subsistait de leur désillusion première, ils déclarèrent la fillette à l’état civil sous les prénoms d’Aimée-Désirée, choisis par eux avec tant d’amour pour le donner au fils qu’ils avaient espéré.

Son baptême fut l’occasion d’une fête charmante, répétition de celle que, le soir de leur mariage, Mme Mireille et M. Adolphe avaient offerte à l’ancien personnel et à quelques habitués de marque.

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