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Pauvre et douce Corée

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Pour les jours de pluie ou d’hiver, quand ils ne peuvent jouir de la campagne, les Coréens ont des paravents qui leur en donnent l’illusion. Leurs peintres ont le talent de jeter sur le morceau de soie une branche d’épine en fleur, un vol de cigognes, une libellule ou simplement une rose qui meurt dans un vase de bronze, et, comme ils improvisent, leurs dessins sont capricieux et vivants comme la nature même. C’est un plaisir de visiter leurs ateliers et de les voir travailler. Ils s’installent dans une chambrette tapissée de papier et chauffée par-dessous à la mode coréenne ; ils se couchent à plat ventre sur le parquet tiède ; une banderole de soie est devant eux ; d’une main légère ils trempent leur pinceau dans les godets et, sans croquis, peignent d’un trait leurs fleurs sur l’étoffe. Leur calme est étonnant : ils soutiennent leur poignet droit de la main gauche, ils ont l’air d’écrire et ils sont si sûrs d’eux-mêmes qu’ils mettent pour travailler une casaque de soie bleu de ciel qu’ils ont bien garde de tacher et qu’ils invitent leurs amis et leurs parents à assister à leur besogne. L’œuvre d’art prend naissance au milieu des conversations, entre deux tasses de thé. Elle restera toujours un peu superficielle, mais infiniment variée et amusante comme les paysages de Corée. Le plus humble badigeonneur, qui barbouille les papiers peints dont le pauvre Coréen éclaire son logis, a de l’imagination : on voit qu’il a regardé la nature, qu’il s’est intéressé aux brins d’herbe, aux oiseaux, à la vie silencieuse des poissons, qu’il a surpris l’anxiété du martin-pêcheur qui guette une ablette, qu’il a senti l’insolence des oiseaux de proie et l’humilité des crabes. Dans l’originalité de cet art populaire on retrouve le tempérament d’une vieille race artiste qui n’a plus la force des grandes œuvres, mais sait encore orner sa maison.

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