Pauvre et douce Corée
Les Coréens n’ont pas la face grimaçante des Jaunes. Le sang des races du Nord s’est mélangé dans leurs veines au sang mongol et a produit ce beau type d’homme vigoureux, rudement charpenté, d’une taille imposante. Les yeux ne sont pas bridés ni perpétuellement enfiévrés ; le front saillant, poli et découvert ressemble au front de nos Bretons, il a les reflets joyeux d’un front celtique ; les visages sont très barbus comme ceux des Aïnos de l’île Sakhalin et ce seul trait suffirait à distinguer un Coréen de ses voisins. Il y a en eux un élément qui n’est ni japonais ni chinois ; ils sont cousins de ces vieilles races sibériennes qui sentent encore le primitif. Leur expression naturelle est placide, ils ont l’œil fin et rêveur, beaucoup de laisser-aller et de bonhomie dans les manières. Leur pauvreté persistante est encore un indice de cette simplicité d’esprit qui leur fait dédaigner la vie moderne : ils ne désirent que la tranquillité.
Leurs femmes sont grandes, élancées, la taille assez ferme pour porter sur la tête de lourds fardeaux, assez souple pour demeurer accroupies de longues heures au bord des fontaines. Leur visage, bien marqué, a souvent une expression de gravité touchante, une sérieuse douceur qui contraste avec l’insouciance des hommes : c’est que les fatigues de la vie sont pour elles. En vieillissant elles conservent l’éclat noir de leurs yeux et la majesté de la démarche. Il en est de fort belles. Elles ont alors une admirable ligne de front, l’arc des sourcils plein de hardiesse, une vivacité de regard, des narines moqueuses, la bouche petite, un pur ovale de menton, et leur beauté tout en finesse et en fragilité semble l’héritage d’une très vieille race, peut-être engourdie, mais qui n’a point déchu.
Le luxe de ces pauvres gens est dans leur chevelure. Elle est d’un noir d’ébène, lisse, abondante et souple et l’huile la fait briller : il faut qu’une Coréenne soit au dernier degré de la misère pour la vendre au poids à un perruquier chinois. Personne n’y met le ciseau : les hommes la portent en chignon et maintiennent l’extrémité du toupet par un bout de corail rouge, les adolescents en font une natte, les femmes du peuple un diadème qui leur sert de coussinet pour les fardeaux, les élégantes des bandeaux collés sur le haut du front et noués sous la nuque avec une épingle d’argent. Toutes les Coréennes savent qu’à leur visage délicat rien ne sied mieux que le bandeau des vierges.