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Pauvre et douce Corée

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Une cloche sonne dans l’air limpide, majestueusement, comme nos cloches de village. C’est celle de la cathédrale et elle sonne Noël. Il gèle à verglas, mais des groupes se dirigent dans la nuit vers la mission : le chemin est glissant, les sabots trébuchent sur la glace. Il y a des vieilles pliées en deux, appuyées sur des jeunes filles, des ombres blanches, des jupes de couleur et tout ce monde endimanché monte vers l’église dont les vitres embrasées resplendissent en haut de la colline. Du parvis qui domine la ville la vue est belle sur les maisons de Séoul assoupies et son grand cirque de montagnes, doucement éclairé par une nuit d’étoiles.

Mais le spectacle est dans l’église. Les tuniques blanches des hommes se sont rangées d’un côté, de l’autre les voiles des femmes, un nuage de mousseline ; les enfants de l’orphelinat, la classe bleue, la classe orange, la classe violette, un arc-en-ciel ; le lutrin en tuniques écarlates et la cornette des sœurs qui s’agite et bat la mesure. Sous la grande nef gothique, inondée de lumière, toutes ces étoffes font une masse brillante, un clair de neige, on dirait qu’il y a des anges dans l’église.

Les chants sont en latin et les petits chantres coréens ne s’en tirent pas mal. Ils se risquent même à entonner un cantique français, un vieux Noël, qu’on chante encore dans nos campagnes et qui se termine par un Gloria vainqueur. Les chants de Noël sont les plus beaux de l’Église. Quand ils passent sous des ogives, ils sont encore plus touchants, mais les entendre à Séoul, dans une cathédrale construite à la française, avec toutes ces ombres blanches qui essayaient de répéter le vieux refrain, il y avait là de quoi nous surprendre et nous attendrir.

L’évêque était revenu cette nuit même d’une grande tournée à cheval dans la province. C’était un de ces hommes rudement charpentés comme on imagine un évêque du moyen âge, fort, infatigable et bon, toujours sur les grands chemins et qui meurent à la peine. Debout devant l’autel, tourné vers les fidèles, il en imposait par sa barbe blanche, ses traits vieillis, une face de saint. Sa grande figure austère rayonnait sous les cierges. Il jubilait de se retrouver dans sa cathédrale, avec son troupeau, dans cette nuit de Noël pleine d’allégresse, qui le payait de toutes ses fatigues.

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