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Pauvre et douce Corée

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La montagne du midi, le Nam-San, est plus abordable. C’est la promenade d’été des citadins qui viennent s’asseoir sous les grands pins et regarder leur capitale entre les branches. L’immense étendue de Séoul, la simplicité de ses toits qui fument et le cirque grandiose des montagnes qui l’enferment ne se découvrent bien que de là. Par un matin d’hiver, quand la neige à peine fondue dégage une fine vapeur, Séoul, entrevue dans les voiles du matin, est pleine d’attrait.

Sur la crête du Nam-San il y a un petit temple chargé sans doute d’arrêter les ouragans et les mauvaises nouvelles qui pourraient fondre sur la ville. Son gardien n’est pas riche, un promeneur lui apporte parfois quelques bâtons d’encens et quelques fruits ; à défaut de lampes et d’offrandes le sanctuaire jouit des derniers rayons du couchant et de l’arome des pins. Les trois enfants du prêtre nous ont fait les honneurs du sommet : l’un s’appelait « Pierre », l’autre « Cerf », la petite fille « Qui n’est pas méchante ». Ils avaient des vestes éclatantes, bariolées, couleur de cerise, d’abricot et tellement capitonnées qu’ils tenaient leurs bras en croix, tout raides, perdus dans des manches trop longues. Leur visage, gros comme une noisette, était bleui par le froid, mais il avait cette finesse de bijou, si étonnante dans les traits coréens, les yeux de furet et la bouche moqueuse. Au milieu des arbres glacés par l’hiver, au-dessus de la ville entrevue bien loin, en bas, dans une fumée, ces trois petits enfants avaient l’air échappés d’un conte de fées, ensorcelés par les dames de la forêt comme le bûcheron de la légende qui les écouta chanter si longtemps que sa hache à côté de lui pourrit. Ces trois innocents, ces trois Poucets furent notre dernière vision du pays.

« Qui n’est pas méchante » est le surnom qui convient à tout la Corée. Il n’y a pas de méchanceté dans ce gentil peuple, affiné, pauvre et rêveur. Le sort peut lui être contraire, il se console avec des proverbes : « Quelques-uns sont nés pour le sourire et d’autres pour les larmes. » Les nuages passent vite sur ces fronts bombés qui ne demandent qu’à continuer la vie paisible de leurs ancêtres.

PARIS
IMPRIMERIE
J. DUMOULIN

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