← Retour

Emile et les autres

16px
100%

V
DE L’HABITAT QUI SIED A ZOMPETTE CAPTIVE

De même que, pour répondre à la question et aux reproches de Celle-qui-se-promenait-dans-la-forêt, j’interrompis, voici bientôt quinze ans, une esquisse mentale de méthodologie en sciences naturelles, de même en ferai-je sur le papier, pour le moment du moins…

Une heure plus tard, Zompette était installée dans sa nouvelle demeure. Celle où elle vivra aussi heureuse qu’en liberté, plus heureuse peut-être, est peu coûteuse à établir. Vous rincez soigneusement un de ces grands bocaux de verre blanc où l’on conserve traditionnellement, de mère en fille, en Gascogne ma patrie, les piments, les cornichons, les oignons et les aulx dans le vinaigre, les cerises, les pruneaux ou de beaux grains de raisin de malaga dans l’eau-de-vie ; deux centimètres d’eau, tout au fond du bocal, suffisent ; et encore est-ce un luxe, une concession à cette habitude mentale qui nous fait considérer Zompette comme une grenouille ; un tapis de mousse humide, en cette place, suffirait parfaitement à son bonheur ; après quoi, vous coupez à n’importe quel arbre une branche dont vous étêtez les ramifications de telle façon que celles-ci puissent ensuite, leurs bouts coincés contre les parois du bocal, maintenir l’ensemble en équilibre stable ; vous laissez autant de feuilles qu’il plaît à votre fantaisie, non point trop, toutefois, car vous risqueriez de ne plus commodément observer votre pensionnaire, mais sans oublier que ce sera là son perchoir habituel, son fauteuil, son lit de repos, et qu’il sied qu’il soit confortable… C’est tout, à cela près que vous donnerez comme clôture à cet aimable asile, afin que votre pensionnaire ne s’en évade pas en sautant après une mouche, ou par distraction, un lambeau de mousseline, de tulle ou d’étamine, fixé par une ficelle circulaire à l’orifice du bocal.

Un trou aménagé dans cette clôture en écartant les mailles du tissu vous permettra d’introduire et d’emprisonner dans la maison de Zompette les mouches dont elle fera sa plus ordinaire alimentation.

C’est bien simple, vous dis-je ! J’ajoute qu’on vend, chez les naturalistes des quais, de gentils papillons de verre, de style vaguement chinois, au toit pointu de toile métallique, qui sont de véritables cages à rainettes et où celles-ci vivent également dans une captivité heureuse. Le fond est compris de façon à contenir les quelques centimètres cubes que je vous conseillais tout à l’heure de verser dans le bocal ; les commerçants qui vous vendront cet article ajouteront :

— Quelques tiges de cresson qui continueront à pousser, les pieds dans l’eau… Votre raine sera là-dedans heureuse… comme une reine. Et, par-dessus le marché, voici la petite échelle, monsieur…

Chargement de la publicité...