Emile et les autres
VI
RÉPUTATION USURPÉE DE ZOMPETTE
C’est la minuscule échelle de bois, soi-disant barométrique, à larges échelons plats, où se peut installer confortablement l’hôtesse de céans, occupant son temps à de mystérieuses méditations, ou guettant les mouches que la générosité de son gardien lui dispense. Les bonnes gens vous diront que, si Zompette grimpe vers le sommet de l’échelle, c’est que le temps va se mettre au beau, et tout le contraire, si elle s’installe sur un des bas échelons, qu’il vaudrait mieux, du reste, en l’espèce, dénommer paliers.
Les bonnes gens vous diront cela, ou vous l’ont dit et nombreux sont ceux qui leur demeurent crédules. En dépit du chagrin que j’ai à détruire une innocente légende, les bonnes gens ont tort, et nous aurions tort d’attribuer un caractère utilitaire à l’encagement de Zompette ; sa grâce, sa couleur, son aspect de bijou animé et sa gentillesse méritent que nous l’aimions pour elle-même, et sans qu’il soit besoin de lui attribuer des compétences météorologiques dont, soit dit à son excuse, je ne sache pas qu’elle se soit jamais targuée personnellement.
Zompette n’annonce pas le temps par ses allées et venues au long de l’échelle, mais profite de lui dans sa cage exactement en la même manière que le ferait un humble retraité plein de loisirs ; à cela près que c’est le soleil qui attire le vieux homme au banc de son seuil, la brume et le froid qui le font se confiner à l’âtre, tandis que, pour Zompette, il en va un peu différemment : j’ai dit qu’elle pouvait se passer d’eau dans sa cage, mais le climat idéal est pour elle une atmosphère gorgée de vapeur aqueuse et ensoleillée tout ensemble. Lorsque le temps est beau et qu’un rayon de soleil frappe sa demeure, c’est évidemment dans la partie supérieure de celle-ci que son idéal se trouve, hygrométriquement, réalisé pour le mieux ; quand le temps est mauvais ou quelconque, quiconque connaît bien Zompette avouera qu’elle s’installe un peu au hasard en tel ou tel endroit de sa demeure.
Zompette n’annonce pas le soleil en gagnant les étages supérieurs ; elle le suit aux lieux où ses effets lui paraîtront particulièrement agréables.
Elle prendra, de temps à autre, volontiers, un bain, surtout dans les premiers jours, lorsque votre approche l’épouvante encore et qu’elle n’est pas accoutumée à votre aspect ou à vos gestes.