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La Guyane inconnue: Voyage à l'intérieur de la Guyane française

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CHAPITRE XIII
DESCENTE DE LA RIVIÈRE MANA EN CANOT

Après avoir terminé l’inspection des quatre placers qui m’était confiée, nous quittons le dernier établissement pour descendre à pied au dégrad ou débarcadère de la Mana. Il n’y a guère que sept ou huit kilomètres, mais les pluies torrentielles de ces derniers jours ont transformé les criques en lacs, et les bois en marécages.

Le sentier est affreux ; sur les criques débordées, les ponts de troncs d’arbres manquent de solidité, parfois flottent et tournent sur eux-mêmes ; il est impossible d’y passer debout : il faut passer à califourchon, ou dans l’eau jusqu’au milieu du corps. Je file en avant avec Thamar, le directeur provisoire du placer Dagobert, qui m’aide autant qu’il peut : d’ailleurs les arbres ruissellent et achèvent de nous mouiller. Thamar, ce garçon intelligent qui m’a fort bien expliqué le système des criques qu’il a étudiées, est en même temps un remarquable homme des bois ; il en connaît tous les secrets ; il échoue pourtant plusieurs fois dans sa recherche des passages à gué, tellement l’eau est haute. Sur le sentier, voici passer un serpent vert, un jacquot, qui fuit l’inondation. Parfois surgissent de terre des blocs de quartz où l’on pose le pied avec plaisir, car tout autour le sol est glissant. Je ne suis pas fâché de voir cet aspect de la forêt tropicale. On est inondé, mais il fait tiède, et, tant que l’on est en mouvement, l’humidité ne vous refroidit pas. On a même un certain plaisir à braver impunément des situations que, sous nos climats froids, on ne braverait pas sans risquer quelque peu sa santé.

La dernière crique à passer est un lac de cinquante mètres de largeur, et d’une profondeur inconnue. Les troncs qui servaient de pont ont été emportés par la crue. En vain Thamar cherche un passage. Il appelle les boys du dégrad, qui n’est qu’à cent mètres plus loin. Ceux-ci arrivent ; deux d’entre eux traversent le gué à l’endroit le moins profond : ils en ont jusqu’au cou. Il faut me décider à passer comme eux, tenant ma montre en l’air, seul objet craignant ici l’humidité. De l’autre côté, le soleil brille sur les toits des magasins, et je vais me sécher en attendant Sully et Emma. Ceux-ci, plus patients que moi, ont fait abattre, par nos porteurs qui les suivent, un arbre immense, et passent l’eau profonde à pied sec. Ils sont pourtant obligés, eux aussi, de changer de linge dans la hutte du magasinier.

Deux canots nous attendent sur la crique Sophie, qui rejoint la Mana près d’ici. Il est midi passé ; aussi nous déjeunons avant de nous embarquer.

Nos pagayeurs, qui sont des créoles, font aussi leur repas. Nous montons dans nos canots, chacun muni de quatre pagayeurs et d’un pilote. Sully et Emma prennent le plus grand ; je monte, seul passager, dans l’autre. Il n’y a pas d’abri, comme en avaient nos canots de l’Approuague ; les pomakarys, ces abris de feuilles, comme on les appelle en créole, gêneraient le pilote au passage des rapides et des sauts. Un troisième canot descend la Mana avec nous, monté par deux boschmen, le père et le fils.

Nous ne sommes pas à cinquante mètres du rivage qu’un clairon retentit. C’est Thamar qui sonne la générale. Aussitôt Sully saisit son winchester qui est chargé, et envoie une salve de dix coups ; c’est L’Admiral de la flotte qui répond au général des placers ; puis, brusquement, la rivière fait un détour, et nous perdons de vue le dégrad de Dagobert. Seuls, des coups de fusil, qui font écho à ceux de Sully, nous parviennent encore, tandis que nous descendons la crique Sophie. Les bords inondés au loin n’offrent aucun atterrissage ; nous passons des groupes de carbets dont les toits seuls émergent de l’eau.

Cependant la crique s’élargit, et nous entrons dans la Mana, large et gonflée comme un grand fleuve. Bientôt c’est le confluent du Coumarou, et le saut du Grand-Coumarou, signalé par mon pilote. Mais il est invisible ; à peine quelques petites vagues, indiquant les rochers à faible profondeur, rident-elles la surface de l’eau. Nous filons sur le courant plus rapide, sûrs que, de ce train, il ne faudra pas treize jours pour descendre à Mana.

Vers cinq heures, nous touchons au saut Ananas, et nous décidons d’y coucher, car il y a une chute brusque de trois mètres, et il faudra alléger les canots au moins de notre poids. Nous accostons juste au sommet du saut et l’on amarre les canots. Mais le mien se détache avant que je ne l’aie quitté, et glisse ; heureusement je saisis une liane, mon pilote en agrippe une autre, et le canot s’arrête. Un peu plus, nous descendions le saut par l’arrière, et non pas peut-être sans quelque dommage.

Nous passons une bonne nuit, enchantés de reprendre la vie des carbets. Au matin, nous passons à pied le saut Ananas, regardant filer les canots allégés dans les rapides, et nous y remontons quelques instants après. Un léger rideau de brume s’étend sur la rivière, amortissant l’éclat du jour, et créant de jolies perspectives fuyantes. Voici que se répètent les paysages de l’Approuague, les lianes touffues formant devant les arbres de vraies murailles de feuillage rappelant les vieux châteaux couverts de lierre, et sous les buissons poussent les ananas sauvages, qui ont donné leur nom au saut.

Mais, de ces rideaux de feuillages verts, pendent maintenant de splendides grappes de fleurs violettes ; parfois même ces fleurs recouvrent tout et montent jusqu’au sommet des arbres. La muraille verte est devenue entièrement violette, et c’est une fête pour les yeux.

Ailleurs, sans qu’il y ait de fleurs visibles, ce sont des bouffées de parfums qui nous arrivent et qui embaument toute la rivière.

Pour déjeuner, nous faisons halte près d’un groupe de carbets où se trouve amarrée une flottille de canots. Ils portent des provisions venant de Mana pour les placers que nous venons de visiter ; mais le courant est si fort que les pagayeurs sont impuissants à le remonter ; ils ont dû faire halte. Voilà près de cinquante jours qu’ils sont partis de Mana, le 26 janvier, et ils vont encore être obligés d’attendre quelques jours que la rivière ait baissé. Un peu plus bas, c’est un autre groupe de canots. Voilà donc pourquoi l’on est privé de provisions depuis quatre mois aux placers Saint-Léon et Triomphe : les pagayeurs ont perdu leur temps sur la rivière pendant les quinze ou vingt premiers jours, puis la crue est arrivée et les a immobilisés. Par contre, les pagayeurs de Dagobert, qui sont justement ceux avec qui nous descendons la Mana, bien que partis en février, sont sur la voie du retour.

Les lianes font tantôt des arches de verdure et de fleurs, et tantôt elles s’amoncellent en figurant des collines en dômes plongeant dans la rivière.

ÉGLISE DE MANA

Nous arrivons au saut X… où nous passerons la nuit : mais il faut d’abord le franchir. Malgré la crue, il est difficile et nous le descendons à pied, non sans peine ; car, même dans l’île par laquelle nous passons, l’eau a envahi le sentier et formé des criques assez profondes. Le passage n’est pas long, mais voici qu’à l’extrémité, nous attendons vainement l’arrivée des canotiers : il faut aller à leur recherche. Une partie seulement des provisions a été déchargée et transportée derrière nous. En montant sur des blocs de granite qui font partie du saut, nous distinguons un de nos canots en détresse contre un îlot. C’est justement celui qui contient nos provisions : un faux coup de pagaie l’a exposé à une lame des rapides qui l’a rempli. Heureusement il a pu accoster l’îlot, et les deux pagayeurs sont en train de vider l’eau avec leurs couis (grandes écuelles en fer-blanc). Ils essayent ensuite de traîner le canot par terre le long de l’îlot, pour se trouver ainsi au pied de la chute ; car il est impossible de la reprendre en amont. Leurs efforts étant insuffisants, le canot des deux boschs, monté par nos deux pilotes, part à leur secours. A son tour, il va se mettre en travers sous un faux coup de pagaie ; il embarque. Heureusement il est vide ; deux lames, une troisième l’aurait coulé. Mais il passe. Un canot coulé dans un saut est généralement perdu : les hommes même ne s’en tirent pas toujours ! Enfin, voilà nos quatre hommes dans l’îlot, et bientôt les deux canots sont traînés au bas du saut ; ils filent comme des flèches à travers les derniers rapides, sous nos yeux, et viennent nous prendre pour nous conduire à la station des carbets. Il est sept heures du soir, grande nuit, et nous avons eu un moment d’anxiété.

Nous repartons à six heures et demie du matin pour passer d’abord le saut Acajou, presque invisible. Nous aurons une série de sauts à franchir aujourd’hui.

Le saut Léopard, bien que fort visible, peut être franchi sans descendre à terre. C’est le premier que je passe en plein courant, et l’impression est plutôt excitante, au sens du mot américain exciting, grisante. Les pagayeurs retirent de l’eau leurs pagaies, sauf celui de tête et le pilote : le courant est plus que suffisant pour filer vite ; la direction seule importe. C’est là que se révèlent l’à-propos et l’habileté du coup de pagaie. Nous n’avons qu’à nous tenir immobiles, pour ne pas faire chavirer le canot, car les lames arrivent à la hauteur des bords ; un rien ferait entrer l’eau, au risque de nous couler. On passe à quelques centimètres de crêtes de rocs à fleur d’eau, ou de petits tourbillons. C’est vraiment une chose admirable que la science consommée de leur art qu’ont ces créoles : on voit qu’ils connaissent les sauts depuis leur enfance, dans tous leurs détails, et quel que soit le niveau de l’eau, car la passe varie suivant ce niveau. C’est excitant : quand un passage est franchi, on attend l’autre avec le désir de retrouver cette excitation. Chaque saut n’est pas une chute unique ; il est formé de plusieurs chaînes de rocs à franchir, et dure deux cents à trois cents mètres.

A midi, nous passons le Gros-Saut et le saut Patawa ; la chute totale est de huit à dix mètres : il y a d’un seul coup une cataracte de trois à quatre mètres de haut. Sur le bord, il y a deux tombes, l’une toute fraîche, des victimes du saut. Pendant notre arrêt, suivant une coutume locale, Sully fait brûler des bougies sur ces tombes.

C’est ensuite le saut Topi-Topi que nous passons en canot. Outre l’impression du saut Léopard, il me cause une légère émotion : entre deux chutes, mon canot se retourne bout pour bout ; c’est un cas fréquent avec les courants de divers sens qui arrivent. Et, dans cet immense bruissement des grandes eaux autour de soi, les pagayeurs se comprennent mal. Nous nous accrochons à des branches pendantes d’un îlot propice ; nous retournons le canot et il file sans encombre à travers les dernières cataractes de Topi-Topi. Dans ces mouvements, je conçois le danger pour un canot à prêter le flanc aux vagues : il oscille et l’eau y pénètre immédiatement. C’est aussi grave pour un canot que de se briser contre une pointe de roc.

Au delà de Topi-Topi, nous croisons une demi-douzaine de canots avec une troupe de gens qui font sécher des vêtements. Ils allaient au placer Saint-Léon, lorsque, au milieu du saut que nous venons de franchir, un de leurs canots a fait naufrage, avec les bagages de trois passagers, leurs provisions et leurs vêtements ; deux autres canots ont été plus ou moins inondés, et ce sont les effets mouillés qu’ils font sécher. Maintenant, quelques-uns d’entre eux vont redescendre à Mana chercher d’autres provisions et d’autres effets. Ce sont seize jours de perdus déjà, car de Mana ici ils ont mis seize jours. Sully, toujours généreux, leur donne des provisions pour permettre à ceux qui vont rester ici d’attendre, car ils vont être obligés d’y rester plus de trois semaines, avec la crue de la Mana. C’est une désagréable aventure.

Dans ce groupe, il y a des femmes et des enfants. Ces dames, fort élégantes physiquement, ne sont heureusement pas délicates et savent se contenter de peu ; elles ont même l’air de plaisanter sur leur situation. Elles ne seront guère plus mal qu’aux placers, car elles ont du gibier et des provisions ; et puis elles connaissent la vie des bois, elles savent se tirer d’affaire, et ce n’est peut-être pas la première aventure de ce genre qui leur arrive.

Le saut Continent est à découvert : nous en passons la partie centrale à pied. Postés, Sully et moi, sur une saillie de rocher qui forme un observatoire naturel sur le fleuve, nous regardons avec envie nos canots filer comme des flèches au milieu de l’écume, du remous contre les rochers, des tourbillons et des lames, dans le fracas de la cataracte.

Nous arrivons bientôt au-dessus du saut Fracas, où nous trouvons quelques carbets pour passer la nuit. Il y a des maringouins, moustiques d’un bleu d’acier, avec de longs dards qui percent facilement les hamacs. Je dors tout de même, bercé par le roulement sourd et distant du saut Fracas qui nous attend demain. Il ne nous engloutira pas ; nos pilotes sont habiles.

Nous le défions, en effet, de nos canots qui filent au travers comme des fétus de paille. Nouvelle excitation et nouvelle occasion d’admirer ce jeu de pagaies, qui évite les abîmes des remous, les crêtes sournoises des rochers, et qui dirige le canot toujours au travers des lames. C’est le dernier saut que nous verrons : plus bas, l’eau les a recouverts. Au bout du saut Fracas, la rive nous offre un petit spectacle : un temple bosch. C’est un autel aux dieux des boschmen, élevé sous des arbres d’où pendent des oriflammes blanches. Les boschs prient ici, pour se rendre les sauts favorables en les remontant, et pour faire leurs actions de grâces en redescendant. Nos créoles, plus sceptiques, sont tentés de rire de cette dévotion. Les boschs ne sont pas, comme eux, gâtés par Cayenne et le contact des blancs.

A une heure, nous passons les criques Avenir et Arrouani, dans lesquelles on exploite des placers aurifères. Plus bas, ce sont les criques Enfin et Elysée, bien connues en France par leurs mines d’or d’alluvion, depuis longtemps exploitées. A l’entrée de la crique Elysée nous distinguons une masse de diverses machines en train de passer à l’état de vieille ferraille, si l’on ne vient pas bientôt les tirer de leur état précaire : ce sont des dragues.

Au bord de l’eau apparaissent deux grands arbres dominant ceux d’alentour : ce sont des fromagers. Je ne sais d’où vient ce nom, ils ne produisent rien de mangeable ; ils abritent un placer. Un peu plus bas, trois petites collines rompent la monotonie des berges.

Plusieurs fois nous accostons pour chercher des carbets où nous abriter pour la nuit : les uns sont noyés, les autres occupés. A huit heures seulement, quand il fait complètement noir, nous trouvons de grands carbets sur une haute berge : ils ne sont que partiellement occupés. Cet endroit s’appelle le Grand-Amadis : hélas ! il n’offre rien d’héroïque à conquérir ; pourtant, il faut un certain genre de courage pour s’accommoder de ce refuge : il est plein de vermine, de maringouins et de chiques. Je n’ai pas encore vu de chiques en telle abondance. En outre, il y a des vampires, et mon voisin de hamac, un bosch, est mordu au pied par ce vilain animal. Pour moi, je dors bien ; je le dois, je pense, à la petite fatigue que je me suis volontairement donnée en pagayant plusieurs heures avec mes créoles pour rattraper le canot de Sully qui avait une forte avance. Déjà hier, j’avais pagayé entre les sauts, et cet exercice m’avait détendu de l’éternelle position assise dans le canot.

Toute cette nuit, il tombe une pluie diluvienne. Dans mes instants de réveil, je voyais curieusement circuler ces boschmen presque nus avec leur sabre nu au côté : les maringouins les gênaient.

Nous voulions partir à trois heures pour être le soir à Mana, mais, à cinq heures, la pluie est toujours telle que force est bien d’attendre. A sept heures, elle n’a pas cessé ; pourtant il faut bien se décider. Avec des caoutchoucs et des parasols, on se tirera d’affaire. Il n’y a plus de sauts à franchir, car les hautes eaux ont recouvert tous les rochers et les sauts de cette région sont peu élevés. Ainsi nous avons passé hier soir, sans nous en douter, le saut Dalle, ainsi nommé parce que le passage par où on le franchit est allongé comme une dalle de sluice.

Nous passons le dégrad du placer Clovis : il pleut toujours à torrents. Sully et Emma ont arboré des chapeaux-parapluies en bois d’arouman ; c’est grotesque et pittoresque à la fois. Mon pilote voit avec inquiétude l’eau ruisseler sur sa peau nue : il me dit qu’il commence à sentir le froid. A la longue, ces pluies tièdes refroidissent ; c’est leur danger : il vaut mieux mettre alors un tricot, même mouillé, comme me le disait mon Indien de l’Approuague. Je passe au pilote mon caoutchouc, et j’ouvre mon parasol. Il nous arrive des effluves de parfums provenant de fleurs invisibles, mais cela même ne nous charme plus. C’est peut-être le bois de rose, ou ce bois violet que nous avons vu hier, et qui ferait de si beaux ouvrages d’ébénisterie.

Les boschs (qu’on appelle ici Saramacas) du troisième canot se sont couchés sous leur prélart, la toile goudronnée qui recouvre leurs provisions ; et, quand nous rencontrons leur canot, il flotte à la dérive au milieu de la Mana. C’est ingénieux pour éviter la pluie, tout en faisant du chemin. Mes boys sont stoïques sous la pluie. Mon pilote, qui avait cessé son chant monotone, le reprend sous mon caoutchouc. C’est une mélopée indéfinie qui rythme le mouvement des pagaies ; car lui aussi pagaye pour se réchauffer. Ce chant vient du Soudan, en Afrique, et il est en idiome africain ; il dit l’histoire de la fille du désert. Les boys chantent aussi et pagayent mieux ; ils ont les voix de sauvages qu’il faut avec leur chant : ce sont parfois des éclats violents qui sonnent faux, mais rappellent les cris aigus de nos montagnards de Savoie pour s’appeler de très loin. Je n’oublierai pas ces cinq heures de pluie sans miséricorde. Je pagayai aussi sur leur rythme, mais je pensais plutôt à des rythmes de Verdi, de ces rythmes italiens à trois temps qui vont si bien aussi avec le mouvement rapide des pagaies.

Après midi, la pluie cesse tout à fait, aussi brusquement et sérieusement qu’elle n’avait cessé de ruisseler. Quand je ne pagayais pas, j’étais occupé à manier le coui pour vider l’eau du canot. La Mana devient de plus en plus large et profonde, grâce aux criques qui s’y déversent. Ce fleuve magnifique commence à me rappeler ceux de Sibérie : il est aussi jaune, mais les bords sont d’une végétation bien plus riche.

Nous passons devant Angoulême, l’ancien village de Mana, abandonné comme trop loin de la mer pour les petites goélettes ; puis c’est Cormoran, où M. Théodule Leblond, de Cayenne, a entrepris l’exploitation du balata, l’arbre dont le suc équivaut à la gutta-percha.

Il fait nuit quand nous arrivons au village indien de Mana, et il y a encore deux heures et demie jusqu’au bourg de Mana. Nous n’entrevoyons les lumières de cette petite localité qu’à dix heures du soir. Sully nous annonce par une salve de son winchester, et les boys entonnent leur chanson avec un nouvel entrain. Cette cinquième journée, ils ont pagayé quinze heures.

Les coups de feu ont attiré quelques personnes avec des lanternes, grâce auxquelles nous réussissons à sortir des canots avec nos bagages, au milieu d’une nuée de moustiques.

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