Le thé chez Miranda
Première Soirée
C'est l'hiémale nuit et ses buées et leurs doux comas.
Quartier Malesherbes.
Boudoir oblong.
En la profondeur violâtre du tapis, des cycloïdes bigarrures.
En les froncis des tentures, l'inflexion des voix s'apitoie; en les froncis des tentures lourdes, sombres, à plumetis.
C'est l'hiémale nuit et ses buées et leurs doux comas.
Dehors, la blancheur pacifiante des neiges.
Au foyer, la flamme s'allonge, s'allonge et se recroqueville, s'aplatit et se renfle,—facétieuse.
Et des émanations défaillent par le boudoir oblong, des émanations comme d'une guimpe attiédie, d'une guimpe attiédie au contact du derme.
Le jour froid des lampes filtre et se réfracte. Le jour des lampes se réfracte en la profondeur violâtre du tapis aux cycloïdes bigarrures; il se réfracte contre les tentures sombres, à plumetis.
Au-dessus du sofa brodé de lames, dans son cadre d'or bruni, un PAYSAGE: Perse stagne la mare; les joncs flexueux où des engoulevents volètent, la ceignent. A gauche, des peupliers que le cadre étronçonne, et tout au fond, par les ciels dégradés, dans la grivelure argentée de leurs ailes éployées, un vol tumultueux de grèbes.
En face du sofa brodé de lames, sur un meuble bas, pentagone, que des télamons supportent, de hautes feuilles de parchemins vêtues de poult-de-soie blanc, aux agrafes d'un métal précieusement oxydé, s'étalent.
Et ce sont là devis et contes, devis et contes futiles et sentencieux, écrits pour l'agrément de la Dame par ses deux sigisbées.
C'est l'hiémale nuit et ses buées et leurs doux comas.
Dehors, la blancheur pacifiante des neiges.
Au foyer, la flamme s'allonge, s'allonge et se recroqueville, s'aplatit et se renfle,—facétieuse.
… Miranda, toute droite, à l'aise en une sorte de canezou d'escot aux passements de jais et de soie écarlate, verse du thé de ses mains bien fardées.