Les sentiers dans la montagne
XVI
LA GRANDE RÉVÉLATION
I
Nous désespérons de connaître jamais l'origine de l'univers, son but, ses lois, ses intentions, et nous finissons par douter qu'il en ait. Il serait plus sage de très humblement nous dire que nous ne sommes pas à même de les concevoir. Il est probable que s'il nous livrait demain la clef de son énigme, nous serions, autant qu'un chien à qui l'on montre la clef d'une horloge, incapable d'en comprendre l'usage. En nous révélant son grand secret, il ne nous apprendrait presque rien, ou du moins cette révélation n'aurait qu'une influence insignifiante sur notre vie, notre bonheur, notre morale, nos efforts et nos espérances. Elle planerait à de telles hauteurs que personne ne l'apercevrait; tout au plus débarrasserait-elle le ciel de nos illusions religieuses, ne laissant, à la place qu'elles y occupaient, que le vide infini de l'éther.
Il n'est pas dit, du reste, que nous ne possédions pas cette révélation. Il est fort possible que les religions de peuples disparus, Lémures, Atlantes et beaucoup d'autres, l'aient connue; et que nous en retrouvions les débris dans les traditions ésotériques parvenues jusqu'à nous. Il ne faut pas oublier, en effet, qu'à côté de l'histoire extérieure et scientifique, existe une histoire secrète de l'humanité qui tire sa substance de légendes, de mythes, d'hiéroglyphes, de monuments étranges, d'écrits mystérieux, du sens caché des livres primitifs. Il est certain que si l'imagination des interprètes de cette histoire occulte est souvent hasardeuse, tout ce qu'ils affirment n'est pas à dédaigner et mériterait d'être un jour examiné plus sérieusement qu'on ne l'a fait jusqu'ici.
L'essentiel de cette révélation ésotérique est fort bien résumé par M. Marc Saunier, disciple de Fabre d'Olivet et de Saint-Yves d'Alveydre, dans son livre: la Légende des Symboles. «Les Initiés, dit-il, ont toujours considéré chaque continent comme un être soumis aux mêmes lois que l'homme. Pour eux, les minéraux en constituent l'ossature, la flore, la chair, la faune, les cellules nerveuses, et les races humaines, la substance grise du cerveau. Ce continent ne serait lui-même qu'un organe de la terre dont chaque homme serait une cellule pensante, et dont la totalisation des pensées humaines exprimerait la pensée. La terre elle-même ne serait qu'un organe du système solaire considéré à son tour comme individu, et notre système solaire ne serait lui aussi qu'un organe d'un autre être de l'infini, dont l'étoile Alpha du Bélier manifesterait le cœur. Et enfin, par une dernière synthèse, on arrive au Cosmos qui exprime la totalisation générale de tout, en un être dont le corps est le monde, et la pensée, l'intelligence universelle, divinisée par les religions.»
Le fond de leur doctrine est nettement évolutionniste. Chaque continent n'a fait que transformer à son heure, et selon son idéal, les germes issus des terres hyperboréennes, et l'homme n'est que le résultat d'une évolution animale. Ils l'empruntent d'ailleurs presque totalement aux Hindous et précèdent ainsi de plusieurs milliers d'années les dernières hypothèses de notre science actuelle.
Mais, sans nous attarder dans ces sables mouvants, allons directement aux sources claires et sûres. Nous possédons, en effet, dans les livres sacrés et secrets de l'Inde, dont nous ne connaissons d'ailleurs qu'une infime partie, une cosmogonie qu'aucune pensée européenne n'a jamais dépassée. Il ne serait pas juste de dire que du premier coup elle atteignit les dernières limites où l'intelligence de l'homme puisse se hasarder sans se dissoudre dans l'infini, car elle est l'œuvre de siècles dont nous ne savons pas le nombre; mais il est incontestable qu'elle précède toutes les autres, que sa naissance est antérieure à tout ce que nous connaissons, et qu'à l'origine de tout, elle est allée au delà de tout ce que nous avons appris et de tout ce que nous pouvons imaginer de plus grand.
La première, par exemple, bien avant nos temps historiques, elle a su nous donner une idée concrète et vertigineuse de l'infini du temps. Le livre de Manou nous apprend que douze mille années des mortels ne représentent pour les dieux qu'un jour et une nuit; leur année composée de trois cent soixante jours compte donc quatre millions trois cent mille ans. Mille années des dieux ne forment à leur tour qu'un seul jour de Brahma, c'est-à-dire quatre milliards trois cent vingt millions d'années humaines, représentant la vie totale de notre globe; et la nuit de Brahma est d'égale durée. Trois cent soixante de ces jours et nuits font une année de ce dieu, et cent de ces années constituent une de ses vies, c'est-à-dire la durée de l'univers représentée par le chiffre formidable de trois cent onze mille et quarante milliards d'années. Après quoi, il recommence une autre vie. En ce moment, nous n'avons pas encore atteint le midi du jour actuel de Brahma, ni la moitié de la vie de notre globe terrestre.
Pour compléter cette esquisse de l'immense chronologie védique, je continue de me servir des notes que veut bien me confier mon filleul de guerre qui possède à fond cette science trop négligée. On verra du reste que chronologie et cosmogonie sont ici intimement liées.
«La journée de Brahma (quatre milliards trois cent vingt millions d'années) se décompose en quatorze vies de Manou, dont sept Manvantaras et sept Pralayas alternatifs. Le mot Manvantara veut dire intervalle entre deux Manous: l'un de ceux-ci apparaît à l'aurore et l'autre au crépuscule de cette période d'activité terrestre. Le Manou matinal donne son nom au Manvantara, et le Manou vespéral préside au Pralaya, c'est-à-dire à la période de dissolution, ou de statu quo négatif, mort, sommeil ou inertie selon le cas, qui sépare deux vagues de vie.
«L'évolution universelle est une chaîne sans commencement ni fin dont chaque anneau apparaît et disparaît tour à tour dans notre champ de conscience. Brahma lui-même ne meurt que pour renaître. Mais pour le souverain des mondes comme pour un astre quelconque ou pour le dernier des êtres organiques, il n'y a de mort et de dissolution qu'au point de vue individuel. L'obscurité est la rançon de la lumière, le soir compense le matin, la vieillesse est le prix de la jeunesse et la mort le revers de la vie. En réalité cependant, toute évolution est continuelle en même temps que discontinue; les Manvantaras et Pralayas sont à la fois simultanés et successifs; chaque vie individuelle est engendrée par son double élémental et engendre son double résidual. Tout déclin de vie dans un lieu donné coïncide avec une croissance d'être dans un lieu correspondant et se poursuit par une renaissance en un lieu nouveau. Au fond, il n'y a pas de vie individuelle. Nous sommes à la fois nous-même et un autre, nous-même et plusieurs autres, nous-même et tous les autres, nous-même et l'univers, nous-même et l'infini.
«L'évolution de notre globe terrestre est un cycle infinitésimal de cette évolution universelle, correspondant seulement à un jour et une nuit de Brahma et se divise en quatorze cycles composés chacun d'un Manvantara et d'un Pralaya. Le cycle de l'évolution organique sur notre globe solidifié représente une seule de ces subdivisions, c'est-à-dire que le rayon de la sphère organique n'est qu'un quatorzième du rayon de la sphère minérale. L'évolution minérale est évidemment continue, de la formation à la dissolution du globe. Si, entre les périodes d'activité géologiques, il existe un Pralaya quelconque, celui-ci, en dépit de l'étymologie du mot, doit être, non pas une dissolution parfaitement inconcevable au point de vue logique et scientifique, mais une période d'inertie ou de ralentissement, dont l'hypothèse est très admissible, et dont les périodes glaciaires survenues au cours même du Manvantara actuel nous offrent un exemple. Dans les cycles antérieurs de Manou, la terre a passé successivement par les divers états de condensation que la science considère comme ignés et qui correspondent à l'évolution élémentaire, éthérée, gazeuse et liquide. Pendant ces longues périodes, la vie actuelle existait en potentialité dans l'âme de la terre et en réalité sur d'autres globes que le nôtre.»
Mais ne poussons pas plus loin cette esquisse dont la complication deviendrait inextricable. Rappelons simplement cette magnifique doctrine de la réincarnation qui, à toutes les questions du juste et de l'injuste, immortelle torture des mortels, est la réponse la plus ancienne, la seule décisive et sans doute la plus plausible; et son corollaire, cette loi du Karma comme le dit si bien mon filleul, «la plus admirable des découvertes morales: elle représente la liberté abstraite, et suffit à affranchir la volonté humaine de tout être supérieur ou même infini. Nous sommes nos propres créateurs et les seuls maîtres de notre destin; nul autre que nous-même ne nous récompense ou ne nous punit; il n'y a pas de péché, mais seulement des conséquences; il n'y a pas de morale, mais seulement des responsabilités. Or, le Bouddha enseignait qu'en vertu même de cette loi souveraine, l'individu doit renaître pour moissonner ce qu'il a semé: cette certitude de renaissance suffisait à neutraliser l'horreur de la mort.»
Tout cela n'est-il qu'imaginaire, rêves de cerveaux plus ardents que les nôtres, hallucinations d'ascètes qu'étourdissent le jeûne et l'immobilité ou échos de traditions immémoriales laissées par d'autres races ou des êtres antérieurs à l'homme et plus spirituels? Il est impossible de s'en rendre compte, mais quelle qu'en soit l'origine, il est certain que le monument, dont nous n'avons entrevu qu'un angle de la base, est prodigieux et n'a pas l'air humain. Tout ce qu'on peut dire, c'est que nos sciences modernes, notamment l'archéologie, la géologie et la biologie, confirment plus qu'elles n'infirment l'une ou l'autre de ces révélations.
Mais là n'est pas, pour l'instant, la question. Admettons que l'une d'elles, celle des livres sacrés de l'Inde, par exemple, soit vraie, incontestable et scientifiquement établie par nos recherches, ou qu'une communication interplanétaire ou une déclaration d'un être surhumain ne permette plus de douter de son authenticité: quelle influence une telle révélation aura-t-elle sur notre vie? Qu'y transformera-t-elle, quel élément nouveau apportera-t-elle à notre morale, à notre bonheur? Sans doute fort peu de chose. Elle passera trop haut, elle ne descendra pas jusqu'à nous, elle ne nous touchera point, nous nous perdrons en son immensité, et, au fond, sachant tout, nous ne serons ni plus heureux ni plus savants que lorsque nous ne savions rien.
Ne pas savoir ce qu'il est venu faire sur cette terre, voilà le grand et l'éternel tourment de l'homme. Or, il faut bien se dire que la vérité vraie de l'univers, si nous l'apprenons quelque jour, sera probablement assez semblable à l'une ou l'autre de ces révélations qui, ayant l'air de nous apprendre tout, ne nous apprennent rien. Elle aura du moins le même caractère inhumain. Il faudra bien qu'elle soit aussi illimitée dans l'espace et le temps, aussi abyssale, aussi étrangère à nos sens et à notre cerveau. Plus la révélation sera immense et haute, plus elle aura chance d'être vraie; mais plus aussi elle s'éloignera de nous, moins elle nous intéressera. Nous ne pouvons guère espérer de sortir de ce dilemme décourageant: les révélations, les explications ou les interprétations trop petites ne nous satisferont point parce que nous les pressentirons insuffisantes, et celles qui seront trop grandes passeront trop loin de nous pour nous atteindre.
II
Il serait cependant souhaitable que cette révélation des livres sacrés de l'Inde fût authentique et que notre science encore si étroite, si petite, si timide et si incohérente, confirmât peu à peu, comme du reste elle le fait chaque jour à son insu, certains points épars dans l'immensité sans bornes de cette immémoriale vérité.
Elle aurait en tout cas, même si elle ne parvenait pas à nous atteindre directement, l'avantage d'élargir à l'infini notre horizon plus borné qu'on ne croit; de jalonner cet infini de repères magnifiques, de l'animer, de le peupler, de lui donner d'admirables visages, de le rendre vivant, sensible et presque compréhensible.
Nous savons tous que nous vivons dans l'infini; mais cet infini pour nous n'est qu'un mot sec et nu, un vide noir et inhabitable, une abstraction sans forme, une expression morte que notre imagination ne ranime un moment qu'au prix d'un effort fatigant, solitaire, inhabile, inassisté, ingrat et infructueux. En fait, nous nous tenons cantonnés dans notre monde terrestre et dans nos petits temps historiques, et tout au plus levons-nous parfois les yeux vers les planètes de notre système solaire et poussons-nous notre pensée, d'avance découragée, jusqu'aux époques nébuleuses qui précédèrent l'arrivée de l'homme sur notre globe. De plus en plus, délibérément, nous tournons sur nous-mêmes toute l'activité de notre intelligence et, par une regrettable illusion d'optique, plus elle rétrécit son champ d'action, plus nous croyons qu'elle l'approfondit. Nos penseurs et nos philosophes, de crainte de s'égarer comme leurs prédécesseurs, ne s'intéressent plus qu'aux aspects, aux problèmes, aux secrets les moins contestables; mais s'ils sont les moins contestables, ils sont aussi les moins hauts, et l'homme, en tant qu'animal terrestre, devient le seul objet de leurs études. Les savants, d'autre part, accumulent de petits faits, de petites observations sous lesquelles ils étouffent et qu'ils n'osent plus soulever ou entr'ouvrir pour y faire circuler l'air d'une loi générale ou d'une hypothèse salutaire, tant celles qu'ils hasardèrent jusqu'à ce jour furent successivement et pitoyablement démenties ou bafouées par l'expérience.
Néanmoins, ils ont raison d'agir comme ils font et de continuer leurs investigations, selon leurs étroites et sévères méthodes; mais il est permis de constater que plus ils croient s'approcher d'une vérité qui fuit, plus augmentent leurs incertitudes et leur désarroi, plus les assises sur lesquelles ils fondaient leur confiance leur semblent précaires, imaginaires et insuffisantes, et mieux ils se rendent compte de l'incommensurable distance qui les sépare encore du moindre secret de la vie. «Il semble, comme l'a prophétisé l'un des plus illustres d'entre eux, le physicien anglais sir William Grove, que le jour approche rapidement où l'on confessera que les forces que nous connaissons ne sont que les manifestations phénoménales de réalités au sujet desquelles nous ne savons rien, mais que les anciens connaissaient et auxquelles ils vouaient un culte.»
III
Voilà, en effet, ce qu'on ne peut s'empêcher de penser quand on étudie quelque peu cette révélation primitive, la sagesse d'autrefois et ce qui en a découlé. L'homme a su plus qu'il ne sait. Il ignorait peut-être l'énorme masse de petits détails que nous avons observés et classés et qui nous ont permis de domestiquer certaines forces dont il ne songeait pas à tirer parti; mais il est probable qu'il en connaissait mieux que nous la nature, l'essence et l'origine.
La haute civilisation de l'humanité que l'histoire, en tâtonnant, reporte à cinq ou six mille ans avant Jésus-Christ, est peut-être beaucoup plus ancienne, et sans admettre, comme on l'a affirmé, que les Égyptiens aient conservé des archives astronomiques durant une période de six cent trente mille ans, on peut considérer comme établi que leurs observations embrassaient deux cycles de précession, deux années sidérales, soit cinquante et un mille sept cent trente-six ans. Or, eux-mêmes n'étaient pas des initiateurs, mais des initiés, et tiraient tout ce qu'ils savaient d'une source plus ancienne. Il en est de même des Juifs, en ce qui concerne leurs livres primitifs et leur Kabbale; et des Grecs, parmi lesquels tous ceux qui réellement nous apprirent quelque chose sur l'origine, et la constitution de l'univers et de ses éléments, sur la nature de la divinité, de la matière et de l'esprit, tels qu'Orphée, Hésiode, Pythagore, Anaxagore, Platon et les Néo-Platoniciens, étaient également des initiés, c'est-à-dire des hommes qui, ayant passé par l'Égypte ou par l'Inde, avaient puisé à la même source unique et immémoriale. Nos religions préhistoriques, scandinaves ou germaniques et le druidisme celte, celles de la Chine et du Japon, du Mexique et du Pérou, malgré de nombreuses déformations, en dérivaient pareillement; de même que notre grande métaphysique occidentale, d'avant le matérialisme actuel, dont la vue est un peu basse, notamment les métaphysiques de Leibnitz, de Kant, de Schelling, de Fichte, de Hegel, s'en rapprochent et s'y abreuvent plus ou moins à leur insu.
Il est donc certain que par les Grecs, par la Bible, par le Christianisme qui en est un dernier écho, car l'auteur de l'Apocalypse et saint Paul étaient des initiés, nous sommes tout imprégnés de cette révélation, qu'il n'y en a pas, qu'il n'y en eut jamais d'autre, qu'elle est la grande révélation humaine ou surhumaine, et que par conséquent il serait juste et salutaire de l'étudier plus attentivement et plus profondément qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour.
IV
Où est la source de cette révélation? Nous la situons en Orient parce que c'est dans les livres sacrés de l'Inde que se trouve presque tout ce que nous en connaissons. Mais il est à peu près certain qu'elle est d'origine occidentale ou plutôt hyperboréenne et remonte à ces merveilleux peuples disparus, les Atlantes, dont les dernières colonies Protosythes florissaient il y a plus de onze mille ans et dont l'existence n'est plus niable.
On n'a pas oublié la page célèbre de Platon: Un jour que Solon s'entretenait avec les prêtres de Saïs sur l'histoire des temps reculés, l'un d'eux lui dit: «O Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours enfants. Il n'en est pas un seul parmi vous qui ne soit novice dans la science de l'antiquité. Vous ignorez ce que fit la génération de héros dont vous êtes la faible postérité… Ce que je vais vous raconter remonte à neuf mille ans.
«Nos fastes rapportent que votre pays a résisté aux efforts d'une puissance formidable qui, sortie de la mer Atlantique, avait envahi une grande partie de l'Europe; car, pour lors, cette mer était navigable. Près de ses bords était une île, vis-à-vis de l'embouchure que vous nommez les colonnes d'Hercule. On dit que de cette île, plus étendue que la Lydie et que l'Asie, il était facile de se rendre sur le continent.
«Dans cette Atlantide, il y avait des rois célèbres par leur puissance qui s'étendait sur les îles adjacentes et sur une partie du continent. Ils régnaient, outre cela, d'un côté sur la Lydie jusqu'à l'Égypte, et du côté de l'Europe jusqu'à la Tyrrhénie… Mais il survint des tremblements de terre et des inondations; et dans l'espace de vingt-quatre heures, l'Atlantide disparut.»
Ce passage du Timée est la première lueur que l'histoire proprement dite ait projetée sur l'immense chaos des temps antédiluviens. Les recherches et les découvertes modernes l'ont confirmé point par point. Comme le dit Roisel, qui a consacré aux Atlantes un livre remarquable, moins connu que ceux de Scott Elliot et de Rudolf Steiner, et qui ne permet plus le moindre doute, «il est prouvé que bien avant les siècles historiques, les Atlantes avaient acquis une science merveilleuse dont l'humanité commence à peine à reconstituer les éléments et dont les puissantes épaves se retrouvent dans les Gaules, l'Égypte, la Perse, les Indes et la partie centrale du continent américain. Plus de dix mille ans avant notre ère, ils connaissaient la précession des équinoxes, les modifications si lentes que plusieurs astres éprouvent dans leur cours et les mille secrets de la nature. Ils avaient des procédés dont l'industrie moderne n'a pas encore pénétré les mystères».
Il ressort de ces études que l'humanité n'éprouva jamais désastre comparable à la disparition de l'Atlantide. Il lui faudra peut-être des milliers d'années pour réparer cette perte et remonter au niveau d'une civilisation qui avait sur l'origine et les mouvements de l'univers, sur l'énergie de la matière, sur les forces inconnues de ce monde et des autres, sur la vie d'outre-tombe, sur l'organisation sociale et l'économie politique, comparables à celle des abeilles, des certitudes dont nous glanons péniblement les débris dispersés. Rien ne prouverait mieux l'inutilité de l'effort de l'homme que cette perte inégalée, si l'on ne s'efforçait d'espérer malgré tout.
Peuple de métallurgistes prodigieux qui avaient découvert la trempe du cuivre que nous cherchons encore, peuple d'ingénieurs fabuleux dont la géométrie, au dire du professeur Smyth, commençait là où finit celle d'Euclide, ils soulevaient et transportaient à d'énormes distances, par des moyens mystérieux, des rochers de quinze cents tonnes et semaient par le monde ces fantastiques pierres mouvantes, appelées «pierres folles», «pierres de vérité», blocs de cinq cent mille kilos, si habilement couchées sur un de leurs angles qu'un enfant peut les mouvoir du doigt, tandis que la poussée de deux cents hommes serait incapable de les renverser et qui, géologiquement, n'appartiennent jamais au sol sur lequel elles se trouvent. Peuple d'explorateurs qui avaient parcouru et colonisé toute la surface de la terre, peuple de savants, de calculateurs, d'astronomes; ils semblent avoir été avant tout des rationalistes et des logiciens implacables, au cerveau pour ainsi dire métallique, dont les lobes latéraux étaient beaucoup plus développés que les nôtres. Ils n'appliquaient leurs aptitudes incomparables qu'à l'étude des sciences exactes; et le seul but de leurs efforts était la conquête du vrai. Mais l'étude de l'invisible, et de l'infini, sous leurs puissants regards devient elle-même une science exacte; et l'idée mère de leur cosmogonie, en vertu de laquelle tout sort de l'océan de la matière cosmique ou des flots sans limites de l'éternel éther pour y rentrer bientôt et pour en ressortir, défigurée et surchargée de mythes innombrables par l'imagination de leurs descendants ou de leurs colons dégénérés, est à la base de toutes les religions; et il est peu probable que l'homme en découvre jamais une qui la vaille et la puisse remplacer.
V
C'est dans les livres sacrés de l'Inde que nous trouvons les traces les plus sûres et les plus abondantes de cette cosmogonie ou de cette révélation.
Il y a moins d'un siècle, on ignorait à peu près totalement l'existence de ces livres. Leurs interprètes ont pris deux routes différentes. D'un côté, des savants, qu'on pourrait appeler officiels, ont donné la traduction d'un certain nombre de textes qu'on pourrait également qualifier d'officiels, textes qu'ils ne comprennent pas toujours et que leurs lecteurs comprennent encore moins. De l'autre, des initiés ou soi-disant tels, avec le concours d'adeptes d'une fraternité occulte, ont proposé, de ces mêmes textes ou d'autres plus secrets, une interprétation nouvelle et plus impressionnante. Ils inspirent encore, à tort ou à raison, quelque méfiance. On doit admettre l'authenticité et l'antiquité de certaines traditions, de certains écrits primitifs et essentiels, bien qu'il soit impossible de leur assigner une date approximative, tant ils se perdent dans les brumes de la préhistoire. Mais ils sont à peu près incompréhensibles sans clefs et sans commentaires, et c'est ici que commencent les doutes et les hésitations. Un grand nombre de ces commentaires sont également très anciens et, à leur tour, ont besoin de clefs, d'autres paraissent plus récents, d'autres enfin semblent contemporains et le départ est souvent malaisé entre ce qui se trouve en puissance dans l'original et ce que les interprètes croient y trouver ou y ajoutent plus ou moins volontairement. Or, le plus frappant, le plus grandiose et, en tout cas, le plus clair de la doctrine réside souvent dans les commentaires.
Il y a ensuite, comme je viens de le dire, la question des clefs, intimement liée à la précédente. Ces clefs sont plus ou moins maniables, s'imposent plus ou moins, paraissent parfois chimériques ou arbitraires, ne sont livrées qu'avec d'étranges précautions, une à une et parcimonieusement, et peuvent ouvrir plusieurs sens superposés. Et tout cela s'accompagne de réticences bizarres, de secrets soi-disant dangereux ou terribles, retenus au moment décisif, de révélations qu'on prétend incommunicables avant bien des siècles. Des portes qu'on allait franchir se referment brusquement à l'instant qu'on entrevoyait enfin un horizon longtemps promis, et derrière chacune d'elles se cache un initié suprême, un Maître encore vivant, gardien sacré des derniers arcanes, qui sait tout mais ne veut ou ne peut rien dire.
Notez, en outre, qu'une foule d'illuminés plus ou moins intelligents, de jeunes filles et de vieilles dames déséquilibrées, de naïfs qui adoptent d'emblée et aveuglément ce qu'ils ne comprennent pas, de mécontents, de ratés, de vaniteux, de roublards qui pèchent en eau trouble, en un mot la tourbe habituelle et suspecte qui s'agglomère autour de toute doctrine, de toute science, de tout phénomène un peu mystérieux, a discrédité ces premières interprétations ésotériques, dont la source même n'est pas très claire. Ajoutez enfin que l'incendie de la fameuse bibliothèque d'Alexandrie, où s'était entassée toute la science de l'Orient, l'anéantissement, au XVIe siècle, sous le règne mongol d'Akbar, de milliers d'œuvres sanscrites, la destruction systématique et impitoyable, surtout aux premiers siècles de l'Église et durant le Moyen Age, de tout ce qui se rapportait ou faisait allusion à cette révélation gênante et redoutée, nous ont enlevé nos meilleurs moyens de contrôle. Les adeptes, il est vrai, affirment, d'autre part, que les textes véritables, ainsi que les vieux commentaires qui seuls les rendent compréhensibles, existent encore dans des cryptes secrètes, dans des bibliothèques souterraines du Thibet ou de l'Himalaya, aux livres plus innombrables que tous ceux que nous possédons en Occident, et qu'ils reparaîtront dans un âge plus éclairé. C'est possible, mais en attendant ils ne nous sont d'aucun secours.
VI
Quoi qu'il en soit, ce que nous avons suffit à troubler profondément, et le contrôle que permettent les fragments sauvés de l'antiquité historique écarte absolument, quant aux éléments essentiels, tout soupçon de fraude ou de mystification plus ou moins récente. Au surplus, une fraude ou une mystification de ce genre ne paraît guère possible et serait tellement géniale qu'il faudrait l'admirer comme un phénomène presque égal à celui dont elle voudrait donner l'illusion, et convenir que jamais l'esprit de l'homme ne plongea plus avant dans l'infini du temps et de l'espace, dans l'origine des choses et ne s'éleva à de pareilles hauteurs. Elle aurait profité, cette révélation, de tout l'acquis de la science et de la pensée d'aujourd'hui, qu'elle n'aurait pu, sur le rythme des éternités, sur le va-et-vient du toujours devenir, sur le cycle sans fin et les existences périodiques du moi, sur la naissance, le mouvement et l'évolution des mondes, sur les souffles divins de l'intelligence qui les animent, sur Maya, l'éternelle illusion de l'ignorance, sur la lutte pour la vie, la sélection naturelle, le développement graduel et la transformation des astres et des hommes, sur les fonctions et les énergies de l'éther, sur la justice immortelle et infaillible, sur l'activité intermoléculaire et fantastique de la matière, sur la nature de l'âme et sur l'existence de l'immense puissance innommable qui gouverne l'univers, en un mot sur toutes les énigmes qui nous assaillent et tous les mystères qui nous accablent, nous donner des hypothèses plus satisfaisantes, plus logiques, plus cohérentes, plus plausibles, plus synthétiques, plus dignes de l'infini qu'elles cherchent à embrasser et que bien souvent elles semblent étreindre.
Mais, hâtons-nous de le répéter, il ne saurait être sérieusement question de fraude, puisque les textes ou les traditions qu'on pourrait suspecter se trouvent corroborés par d'autres textes, les inscriptions sacrées de l'Égypte, par exemple, que nul ne songe à contester. Tout au plus, rencontrera-t-on quelques passages antidatés par le zèle imprudent d'adeptes ou de commentateurs, quelques interpolations qui ne font qu'enguirlander les grandes lignes. Il s'agit bien, dans l'ensemble, d'une révélation qui remonte infiniment plus haut que tout ce que nous avons appelé la préhistoire, et dès lors il est légitime que notre étonnement n'ait plus de bornes.
VII
Fort bien, dira-t-on, cette interprétation de l'univers, cette anthropo-cosmogénèse est la plus haute, la plus vaste, la plus admirable, la plus inattaquable qu'on ait jamais conçue; elle déborde de toutes parts l'imagination et la pensée de l'homme; mais sur quoi tout cela repose-t-il? Il n'y a là, en fin de compte, que de magnifiques hypothèses audacieusement travesties en affirmations magistrales, péremptoires et dogmatiques, mais qui sont toutes invérifiables. C'est l'objection que j'ai faite moi-même, un peu hâtivement, dans un des premiers chapitres de la Mort.
Il est, en effet, incontestable que nous ne connaîtrons pas de si tôt, que nous ne connaîtrons peut-être jamais la vérité sur l'origine et la fin de l'univers ni sur tous les autres problèmes que ces affirmations résolvent. Seulement, il est curieux de constater que la science, chaque jour, se rapproche, malgré elle, de l'une ou l'autre de ces affirmations, et qu'elle ne peut en écarter ou démentir aucune. Il y a telle étude du chimiste Crookes, par exemple, sur la genèse des éléments qui, à son insu, devient nettement occultiste, tandis que la découverte de la radio-activité de la matière reproduit exactement la théorie des tourbillons de l'initié Anaxagore. Il en est de même, mutatis mutandis, du rôle attribué à l'éther, dernier et indispensable postulat de nos savants. Il en est de même des fonctions souveraines et essentielles de certaines glandes minuscules dont la médecine moderne commence à peine à retrouver l'importance et qui recèlent probablement les secrets primordiaux de la vie: la glande thyroïde qui préside à la croissance et à l'intelligence, la glande surrénale qui régente ce muscle inconscient qu'est le cœur et la glande pinéale, la plus mystérieuse de toutes, qui nous met en rapport avec les mondes inconnus. Il en est encore de même en astronomie où l'insuffisance manifeste de nos soi-disant lois cosmiques, notamment celle de la gravitation et de la formation des nébuleuses, pose une foule de questions auxquelles répond seule la cosmogonie orientale. Mais ceci demanderait une longue étude que je n'ai pas qualité pour entreprendre.
Au demeurant, rien ne nous oblige à accepter ces affirmations comme des dogmes. Il ne s'agit pas ici d'une religion qui nous impose sa foi aveugle, son Credo quia absurdum. Il nous est parfaitement loisible de les considérer comme de simples hypothèses, d'immenses, d'incomparables poèmes antédiluviens, dont la genèse de Moïse n'est qu'un fragment défiguré. Mais, en tant qu'hypothèses ou poèmes, il faut convenir qu'elles sont prodigieuses, que nous n'avons rien de meilleur, rien de plus vraisemblable à leur opposer et, qu'étant donnée leur antiquité indiscutable, leur origine préhistorique, elles semblent réellement surhumaines.
Faut-il admettre, comme le prétendent les occultistes, qu'elles nous viennent d'êtres supérieurs à l'homme, d'entités plus spirituelles vivant dans des conditions inconnues, qui occupaient notre terre ou les planètes voisines, avant notre venue; d'une civilisation lémuro-atlantéenne qui a laissé en la mémoire des peuples et sur le sol de notre globe, dans ses monuments mégalithiques, des traces indélébiles? C'est fort possible, mais ici encore nous sommes libres d'attendre les confirmations de l'archéologie hindoue, égyptienne, chaldéenne, assyrienne et persane, qui, sur ce point, comme sur tant d'autres, n'a pas dit son dernier mot.
VIII
Je sais bien que cette révélation, comme apparemment toutes celles qu'on pourra faire dans la suite des temps, remonte et aboutit à l'inconnaissable, à l'insoluble mystère de la divinité, de l'être ou de l'existence, et forcément s'arrête net devant cet inconnaissable aussi impénétrable, aussi inattaquable qu'une falaise de toutes parts infinie et formée d'un seul bloc de diamant noir. Il n'y a rien à faire, il n'y a qu'à s'arrêter; il n'y a pas à essayer de la tourner, de la prendre à revers; le revers, si l'on pouvait l'atteindre, étant nécessairement pareil à l'avers, attendu que l'inexistence de tout serait exactement aussi inexplicable, aussi incompréhensible que son existence. Il est vrai que dans les replis secrets de la doctrine, l'Univers et tout ce qu'il renferme est appelé Maya, c'est-à-dire l'illusion éternelle, et qu'ainsi, les deux mystères inconciliables s'unissent en un mystère plus haut dont l'intelligence de l'homme ne peut plus approcher.
Au fond, l'énigme primitive, le mystère primordial n'étant pas éclairci, tout le reste n'éclaire que des degrés qui mènent de la connaissance relative à l'ignorance absolue. Il est probable qu'il en sera de même pour toutes les révélations qui s'adressent à l'intelligence de l'homme tant qu'il vivra sur cette planète; car cette intelligence a des limites qu'aucun effort ne pourra reculer. Mais en attendant, il est certain que ces degrés, qui ne mènent à rien, l'ont néanmoins, d'emblée et dès les premiers jours, conduite au plus haut point qu'elle ait atteint, qu'elle puisse espérer d'atteindre. L'explication la plus ancienne embrasse du premier coup tous les essais d'explications proposés jusqu'ici. Elle concilie le positivisme scientifique avec l'idéalisme le plus transcendantal, elle admet la matière et l'esprit, elle accorde l'impulsion mécanique des atomes et des mondes avec leur direction intelligente. Elle nous donne une divinité inconditionnée, «cause sans cause de toutes les causes», digne de l'univers qu'elle est elle-même et dont celles qui lui ont succédé dans toutes nos religions ne sont que des membres épars, mutilés et méconnaissables. Elle nous offre enfin, par sa loi de Karma, en vertu de laquelle chaque être porte dans ses vies successives les conséquences de ses actes et se purifie peu à peu, le principe moral le plus haut, le plus juste, le plus inattaquable, le plus fécond, le plus consolant, le plus chargé d'espoirs qu'il soit possible de proposer à l'homme. Il semble que tout cela mérite qu'on l'examine, qu'on la respecte et qu'on l'admire.
IX
Cette admiration et ce respect n'empêchent pas d'ailleurs que nous ne soyons libres de choisir, de rejeter beaucoup de choses ou de les réserver en attendant d'autres clartés. Quand on nous dit, par exemple, que le Cosmos est guidé par une série infinie de hiérarchies d'êtres sensibles, ayant chacun une mission à remplir et qui sont les agents des lois karmiques et cosmiques; quand on ajoute que chacun de ces êtres a été un homme dans un Manvantara précédent ou se prépare à le devenir dans le Manvantara actuel ou dans un Manvantara futur, qu'ils sont des hommes perfectionnés ou des hommes naissants et que dans leurs sphères supérieures et moins matérielles, ils ne diffèrent moralement des êtres humains terrestres qu'en ce qu'ils ne possèdent pas le sentiment de la personnalité et de la nature émotionnelle humaine; quand on affirme enfin que ce que nous appelons la Nature inconsciente est, en réalité, un ensemble de forces manipulées par des êtres semi-intelligents (Élémentals), dirigés par les hauts esprits planétaires (Dhyan-Chohans), dont le total forme le Verbe manifesté du Logos non manifesté et constitue, en même temps, l'intelligence de l'univers et sa loi immuable; nous pouvons rendre hommage à l'ingéniosité de ces spéculations comme à celles de milliers d'autres qui peut-être serrent la vérité de plus près que nos meilleures et nos plus récentes hypothèses scientifiques; nous sommes libres d'en prendre et d'en laisser ce qui nous plaît. Tout cela, je l'accorde, n'est nullement prouvé, n'est vérifié ou ne sera vérifiable qu'en certains détails, tandis que les grandes lignes fondamentales échapperont probablement toujours au contrôle de notre intelligence désarmée. Mais ce que nous devons, je le répète, admirer sans réserve, c'est le prodigieux édifice spirituel qu'offre l'ensemble de cette révélation, l'immense effort intellectuel qui, dès l'aube de l'humanité, tenta de débrouiller l'insondable chaos de l'origine, de la structure, de la marche, de la direction et de la fin de l'univers, et semble y avoir réussi de façon telle que jusqu'ici on n'a rien trouvé qui l'égale, ne s'en inspire ou, souvent à son insu, n'y retourne.
X
Je disais, dans la première partie de cette étude, qu'une révélation trop haute, fût-elle incontestable, n'aurait guère d'influence sur notre vie, y transformerait peu de chose, passerait trop loin de nous dans l'immensité de l'espace et ne descendrait pas dans notre pensée et notre cœur. En alla-t-il ainsi de celle dont nous parlons, qui est la seule vraiment surhumaine et encore acceptable et presque inattaquable que nous ayons eue? Oui et non, selon le point de vue où l'on se place. Tout ce qu'il y a en elle de trop grand, excepté sa notion de l'éternité, n'a pas réellement modifié nos idées, n'a pas imprégné nos mœurs. Elle n'a même pas atteint profondément les peuples qui nous l'ont transmise et qui, renonçant à la comprendre, l'ont transformée en un polythéisme anthropomorphe, barbare et monstrueux. Il en est à peu près de même partout ailleurs. Toutes les religions, du paganisme, en passant par la Chine et le Japon, la Gaule et la Germanie, le Mexique et le Pérou, jusqu'au christianisme avec ses variantes et ses surgeons, en sont issues; mais toutes n'ont pu vivre et régner sur les hommes, qu'en la défigurant, en la mutilant, en la rapetissant à la plus petite taille des âmes de leur temps, en la rendant méconnaissable. Il est donc assez probable qu'il en irait pareillement de toute autre plus grande, s'il était possible, eût-elle tous les caractères d'une révélation divine, directe, authentique, indubitable, irréfutable, irrécusable; en un mot, de celle que nous attendons encore sans oser l'espérer.