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Naples : $b Les légendes et la réalité

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VIII
Donn’Albina, Donna Romita, Donna Regina.

La légende de Donn’Albina, Donna Romita, Donna Regina, court encore dans les quartiers tranquilles de la vieille Naples, qui entourent l’Université ; cette légende circule dans ces ruelles étroites et tortueuses, tombe dans le ruisseau, se relève, monte jusqu’au ciel, redescend, s’attarde dans les nefs humides et sombres des églises, se réfugie dans les tristes jardins des couvents, s’égare, se perd, se retrouve, se renouvelle — et elle est toujours jeune, toujours fraîche. Si vous voulez, ô mes fidèles et chers lecteurs, je vous la narrerai. Si vous voulez un peu oublier vos folles passions, vos haines taciturnes, vos visages pâlis, vos âmes inquiètes, je vous parlerai d’autres passions également folles, d’autres haines, d’autres pâleurs, d’autres âmes. Si vous voulez, je vous conterai la légende des trois sœurs : Donn’Albina, Donna Romita, Donna Regina. C’étaient les trois filles du noble baron Toraldo. La mère, Donna Gaetane Scauro, de haute et grande lignée, était morte très jeune ; le baron se désespérait que son nom dût s’éteindre avec lui, cependant il ne se remaria pas. Il obtint comme faveur spéciale, du roi Robert d’Anjou, que sa fille aînée, Donna Regina pût, en prenant un époux, conserver son nom de famille et le transmettre à ses enfants. En l’an 1320, il mourut, réconforté dans la foi de notre Seigneur Jésus-Christ. Donna Regina avait alors dix-neuf ans, Donn’Albina dix-sept et Donna Romita quinze.

L’aînée était une beauté fière et magnifique, avec ses cheveux bruns enfermés dans une résille d’argent, son front étroit et bas, ses grands yeux noirs gravement rêveurs, son profil sévère, son visage pâle, ses lèvres pourprées, rares de sourires et de paroles ; son corps sculptural, enfermé dans des lignes pures, avait un maintien posé, une démarche roide, et des mouvements presque rigides. Et l’esprit de Regina, pour ce qu’en pouvait deviner l’indiscret observateur, ressemblait à son corps. Il y avait dans cette âme une austérité précoce, un sentiment absolu du devoir, une haute idée de sa mission, un aveugle respect pour le nom, les traditions, les droits et les privilèges de sa race. C’était elle le chef de la famille, l’héritière, la gardienne du sang noble, de l’honneur, de la gloire ; c’était dans son fragile cœur de femme que ces choses devaient trouver aide et soutien — et elle, dans le silence et dans la solitude, s’habituait à fortifier son cœur, à y faire naître la constance et la fermeté, à y effacer toute trace de faiblesse. Quelquefois sur son esprit, toujours froid, toujours tendu, passait un souffle ardent et doux, et il montait en elle de vagues désirs d’amour, de parfums, de couleurs éclatantes, de sourires ; mais elle cherchait à se dominer, elle s’agenouillait pour prier, elle lisait dans le vieux livre où étaient écrites les histoires de sa famille — et elle redevenait l’inflexible jeune fille, Donna Regina, baronne de Toraldo.

Donn’Albina, la seconde sœur, avait un visage d’une exceptionnelle blancheur. C’était une aimable jeune fille, souriante sous la blondeur de ses cheveux, avec des yeux d’un bleu intense, des traits délicats et un corps souple. La physionomie dure et fière de Donna Regina devenait fémininement gracieuse en Donn’Albina. Et vraiment, elle représentait toute la douceur de la maison Toraldo. C’était elle qui présidait aux longs travaux de ses femmes sur le brocart d’or, à la confection des dentelles en brillants fils d’argent et des tapisseries historiées, allant d’un métier à l’autre, se penchant sur les broderies, conseillant et dirigeant ; c’était elle qui, chaque samedi, surveillait la distribution des aumônes aux pauvres, faisant attention à ce que nul ne fût traité avec dureté, à ce que nul ne fût oublié, debout sur le premier degré de la porte, vivante image de la miséricorde terrestre. C’était elle qui portait à sa sœur Regina les suppliques des serviteurs malades, des pauvres fermiers, de tous ceux qui demandaient une grâce ou un secours. Sa nature gaie et affectueuse s’affectait du silence de cette maison, de l’austère gravité qui y régnait, des corridors glacés, des salles de marbre qu’aucun rayon de soleil ne venait réchauffer ; elle s’affectait de la froideur de Regina qu’aucune tendresse ne venait tempérer — et elle s’en affectait pour Donna Romita.

Car, Donna Romita était une singulière créature, moitié femme, moitié enfant, comme en témoignait son aspect juvénile : des cheveux blonds sombres, courts et frisés ; un visage brun, de ce brun chaud et vif qui semble avoir conservé un reflet du soleil ; des yeux d’un beau vert d’émeraude, glauque et changeant comme celui de la mer ; des lèvres fines et rouges, des formes maigres et encore un peu anguleuses, des gestes brusques et toujours inquiets. Tantôt elle paraissait indifférente, froide, avec les yeux sans expression et les narines pincées, comme si la vie se fût retirée d’elle ; tantôt elle s’agitait, une flamme colorait son visage, ses lèvres frémissaient de baisers, de paroles, de sourires, ses paupières cachaient une lueur ardente, qui jaillissait de sa prunelle claire ; tantôt elle devenait irritable, fière, le visage fermé, pâli par une colère intérieure. Dans les jours d’hiver, quand la pluie fouettait les vitres, quand le vent sifflait par les fentes des portes et gémissait dans les larges cheminées, Donna Romita se recroquevillait dans un grand fauteuil, comme un oiseau peureux et malade ; dans les chaudes heures de l’été, elle errait dans les allées ombreuses du jardin, et quelquefois s’abîmait dans de longues rêveries. Peut-être pensait-elle à sa mère, à laquelle on lui avait dit qu’elle ressemblait…


Cependant les trois sœurs menaient une vie très calme. Les heures de la toilette, de la prière, du travail, des repas étaient réglées ; les occupations de chaque semaine, de chaque mois étaient également établies minutieusement. Partout, Donna Regina passait la première et ses sœurs la suivaient ; elle occupait le grand fauteuil familial surmonté du tortil de baron ; elle avait la clef des coffres où étaient renfermés les insignes de sa noblesse et les joyaux de famille ; à table, elle avait la place d’honneur entre ses deux sœurs, l’une à droite et l’autre à gauche, assises sur de simples sièges sans dossier ; à la chapelle, elle chantait les litanies. Le matin et le soir, les deux sœurs cadettes saluaient l’aînée, s’inclinaient devant elle et lui baisaient la main ; elle effleurait leurs fronts de ses lèvres froides. Rarement elle les consultait, car elle avait un bon sens supérieur à son âge et à son sexe ; mais quand l’occasion s’en présentait, les deux jeunes filles attendaient patiemment le moment d’être interrogées. Elles possédaient toutes trois le sentiment profond et inné de ce qu’elles se devaient mutuellement : Donn’Albina et Donna Romita éprouvaient un respect affectueux pour Donna Regina. Ses paroles étaient pour elles une loi indiscutable, contre laquelle jamais elles ne se seraient rebellées. Au fond, elles l’aimaient, mais sans expansion. Et Regina, de son côté, était trop rigide pour leur montrer son affection, si toutefois elle en éprouvait.

Un jour, le roi Robert daigna écrire de sa main à Donna Regina Toraldo, qu’il lui destinait comme époux, Don Filippo Capece, gentilhomme de la cour de Naples.


Il bruinait. Dans l’embrasure d’une fenêtre était assise Donna Regina, un livre d’heures à la main. Mais elle ne lisait pas.

— M’est-il permis de rester près de vous, ma sœur ? demanda timidement Donn’Albina.

— Restez, ma sœur, répondit brièvement Regina.

Celle-ci était plus pâle que d’habitude, la tête baissée, le regard vague. Et Donn’Albina cherchait en vain à deviner la pensée secrète qui barrait ce front sévère.

— Vous vouliez me confier quelque chose, Donn’Albina ? demanda enfin Regina, en secouant sa rêverie.

— Je voulais vous dire que notre sœur, Donna Romita, me semble malade.

— Je ne m’en suis pas aperçue, vous avez sans doute envoyé chercher Giovanna, la femme qui s’occupe de médecine ?

— Non, ma sœur, je ne l’ai pas fait.

— Et pourquoi ?

— Hélas ! ma sœur, je doute que les médicaments puissent guérir Donna Romita !

— Quel mal étrange est donc le sien, qu’on ne puisse lui trouver de remèdes ?

— Donna Romita souffre, ma sœur. La nuit, son insomnie est pleine d’angoisse et son sommeil est agité ; le jour, elle fuit toute compagnie et s’en va pleurer dans quelque coin obscur ; elle passe des heures et des heures dans l’oratoire, agenouillée, la tête dans les mains. Donna Romita se consume lentement…

— Et savez-vous la cause de tout cela, Donn’Albina ? demanda Donna Regina d’une voix dure.

— Je crois la connaître, répondit la sœur cadette, toute tremblante.

— Dites-la donc.

— C’est vous qui me la demandez ?

— Certainement, et vous tardez trop à me la confier.

— Donna Romita se meurt d’amour, ma sœur.

— D’amour, dites-vous ? s’écria Regina en bondissant sur son siège.

— D’amour, oui, ma sœur…

— Comment ? Dois-je entendre sortir ces mots de votre bouche ? Qui vous a parlé d’amour ? Qui vous a enseigné cette triste science ? De qui dois-je le plus me plaindre, de Donna Romita qui me le cache, ou de vous, Donn’Albina, qui le devinez et me le rapportez ? Comment le cœur de l’une et l’esprit de l’autre ont-ils été troublés ? Ai-je donc été si peu prévoyante, si peu capable de veiller sur votre jeunesse ?

— L’amour est notre vie, répondit Donn’Albina avec une douce fermeté.

Regina se tut un moment. Elle fronçait ses sourcils altiers, comme pour condenser sa pensée.

— Le nom de cet homme ? demanda-t-elle enfin d’un ton dur.

Donn’Albina trembla et ne répondit pas.

— Le nom de cet homme, insista l’autre.

— C’est un jeune gentilhomme, un cavalier noble, beau et riche.

— Son nom ?

— Donna Romita a été fascinée par sa parole éloquente, par son regard de feu. Elle l’a aimé certainement sans le savoir…

— Son nom, vous dis-je ? Dois-je donc vous prier ?

— Oh non ! Mais vous lui pardonnerez, n’est-ce pas ? fit-elle en cherchant à prendre la main de sa sœur aînée.

— Qu’est-ce que je dois lui pardonner ? Allons ! Dites-moi le nom de ce gentilhomme.

— Pitié pour elle ! Elle aime don Filippo Capece.

— Non !

— Elle l’aime, elle l’aime, ma sœur. Qui ne l’aimerait pas ? N’est-il pas vaillant, courageux, galant avec les dames, séduisant de manières ? Quand il murmure une parole d’amour, le cœur de celle à qui il l’adresse doit se fondre dans une joie infinie ; quand ses lèvres effleurent le front de celle qu’il courtise, celle-ci doit posséder le bonheur des anges… Être sienne ! Rêve béni, songe ineffable, félicité suprême, clarté radieuse ! Pitié pour notre sœur ! Elle l’aime…

Et la jeune fille tomba à genoux, balbutiant encore de vagues prières.

— Mais pour qui me demandez-vous pitié ? cria Donna Regina, en relevant brusquement sa sœur dans un mouvement de colère. Oui, pour qui me le demandez-vous ?

— Pour Donna Romita… balbutia l’autre, effarée.

— Demande-le aussi pour toi, car, comme elle, tu aimes Filippo Capece.

— Je ne l’ai pas dit ! gémit Albina, folle de terreur.

— Tu l’as avoué. Tu l’aimes. Et je ne puis pas pardonner : j’aime également Filippo Capece, avoua Regina d’une voix désespérée.

Et les ombres de la nuit enveloppèrent la maison Toraldo — une nuit sans l’espoir d’une aube le lendemain.


Le silence de l’oratoire est profond. La lampe d’argent, suspendue devant une Madone brunie, brûle son huile parfumée, mettant dans les ténèbres une petite lueur incertaine. Une seule étincelle brille sur la robe d’argent de la Vierge. Si on tend bien l’oreille, on entend le bruit d’une respiration légère, légère… Une forme humaine gît prostrée, non sur le velours rouge du coussin, non sur le dossier sculpté du prie-Dieu, mais sur le marbre glacé du sol ; le long vêtement blanc qui l’enveloppe a quelque chose de funèbre. Donna Romita est là depuis de longues heures, ayant tout oublié, dans l’abandon absolu de son être, absorbée par son idée fixe. Elle ne souffre pas du froid, elle ne voit pas l’obscurité, elle n’a pas la notion du temps, elle ne sent pas la douleur de ses genoux ployés, elle ne sent pas non plus la douleur de toute sa vie — elle sent seulement une pensée angoissante et continue lui marteler la tête.

— Sainte Vierge, délivre-moi de cet amour ! Sainte Vierge, arrache-moi le cœur de ma poitrine ! Sainte Vierge, fais-moi mourir, fais-moi mourir, fais-moi mourir ! Délivre-moi de cet amour !

Et les invocations se multiplient ; elle tend les bras vers l’image sacrée et se reprend à demander la mort, la mort. Son front brûlant frappe le sol, ses lèvres baisent le marbre, tout son corps se tord désespérément.

Tout à coup, un sanglot interrompt le silence. Qui pleure près d’elle ? C’est peut-être l’écho de sa douleur ? C’est peut-être son ombre, cette autre jeune fille vêtue de blanc, qui pleure et prie dans un coin ? Oui, c’est l’écho de sa douleur, c’est son ombre qui se désespère — c’est Albina, sa sœur bien-aimée. Donna Romita fuit, fuit, prise par la terreur et la honte, laissant dans l’oratoire un amour pareil au sien, une souffrance semblable à la sienne…

A ce même moment, dans la vaste chambre à coucher, seule, assise près de la lourde table de chêne, veille Donna Regina. Elle est immobile, elle ne prie pas, elle ne pleure pas, elle ne remue pas. Son beau visage semble sculpté dans le granit, et seuls, ses yeux brûlent d’un feu destructeur. Les heures passent sur sa tête orgueilleuse, les heures passent sur son cœur meurtri, les heures passent sans amener de soulagement à sa douleur.


Les rues de la vieille Naples sont gaies dans le doux renouveau du printemps et joyeux sont les carillons des églises. C’est le jour de Pâques, le jour glorieux de la Résurrection. La paix du ciel descend sur la terre, sur les fleurs et dans la lumière éclatante. Le monde revit : sa jeunesse s’éveille après s’être un instant assoupie, et dans l’air, on respire le désir d’aimer.

Les deux sœurs cadettes ont demandé un entretien particulier à Donna Regina et elle le leur a accordé. Depuis longtemps, les trois jeunes filles ne se voient plus, l’une fuyant les autres, mettant la mélancolie et le deuil dans la maison, causant un grand désordre parmi les familiers et les serviteurs. Donna Regina est dans la grande salle, où autrefois se tenaient les cours de justice ; elle est magnifiquement vêtue et porte tous les joyaux de la maison Toraldo ; devant elle, sur un coussin, sont posés la couronne ornée de saphirs, de rubis et d’émeraudes, ainsi que le sceptre baronnal. Son visage est empreint d’une austérité calme et réfléchie.

Donn’Albina et Donna Romita paraissent à l’entrée, vêtues de brun, sans ornements. La rayonnante jeunesse de Donn’Albina est ternie ; son radieux sourire est éteint et sa blonde beauté est fanée. Donna Romita courbe la tête, abattue : elle n’a pas encore eu le temps d’être jeune et déjà elle se sent irrésistiblement attirée par la mort.

Toutes les deux s’inclinent devant Donna Regina, qui les salue à son tour.

— Parlez aussi pour moi, Donn’Albina, murmure à voix basse Donna Romita.

— Nous venions vous dire, notre sœur, fait Donn’Albina, qu’il faut nous séparer.

Regina ne tressaille pas, ne bouge pas, — elle attend.

— C’est mon intention et celle de Donna Romita, de donner une moitié de notre dot aux pauvres et de consacrer l’autre à la fondation d’un monastère, où nous prendrons le voile.

— Toute religieuse de la maison Toraldo a droit d’être abbesse du monastère qu’elle a fondé, déclare Regina d’un ton sévère.

— Soit. Nous attendons vos décisions, ma sœur.

Elle ne répond pas. Elle réfléchit et se recueille en elle-même.

— Soyez généreuse en nous accordant votre consentement, Donna Regina. Nous vous avons trop offensée…

— Renoncez à cette résolution, fait l’autre avec un geste d’ennui.

— Nous n’y renoncerons jamais, reprend Donn’Albina, en respirant avec peine. Nous avons offensé vous et le Seigneur notre Dieu. Grave est le péché, grande doit être l’expiation… Voyez, nous n’avons pas encore atteint notre vingtième année et nous abandonnons ce monde si beau, si gai, si séduisant ; nous laissons notre maison, nos douces amies, nos habitudes si chères ; nous vous laissons, ma sœur aimée, vous que nous avons si profondément offensée. Le cloître nous attend. A vous l’honneur de conserver notre nom ; à vous la joie de connaître le bonheur dans le mariage, l’amour d’un mari, les caresses des enfants…

Et la voix de Donn’Albina devient faible comme celle d’une mourante.

— Vous vous trompez, mes sœurs, répond lentement Regina. Il y a quelque temps que j’ai résolu de prendre le voile, dans un couvent que je fonderai…

Un lourd silence suit ces funestes paroles.

— Je ne puis épouser Filippo Capece, reprend-elle, tandis qu’une flamme de dédain lui monte au visage. Il me hait.

— Hélas ! Je lui suis indifférente… murmure Donn’Albina.

— J’aspire au cloître : il m’aime… prononce Donna Romita d’une voix brisée.

Et les deux sœurs déposent un baiser sur la joue de Donna Regina, qui le leur rend froidement.

— Adieu, ma sœur.

— Adieu, ma sœur.

— Adieu, sœurs !

Donna Regina se lève, prend le sceptre d’ébène clouté d’or, et le brise en deux morceaux ; et se tournant vers le portrait du dernier baron Toraldo, elle lui dit en s’inclinant :

— Salut, mon père. Votre noble maison n’existe plus !


Le brun visage des monastères, la pâle lueur des cierges transparents, le parfum excessif et lourd de l’encens, la voix profonde de l’orgue, les grises pierres des sépulcres ne parlent pas ; les cellules glacées, la couchette dure où le sommeil est difficile, les cilices ensanglantés, les livres d’Heures arrosés de larmes, les crucifix usés par les baisers ne parlent pas ; les figures jaunies, les yeux cerclés de noir, les corps amaigris, mais animés par une flamme sans cesse renaissante, ne parlent pas ; les convulsions, les hallucinations, les douloureuses extases ne parlent pas non plus… Sans cela, des histoires merveilleuses et dramatiques arriveraient jusqu’à nous ; sans cela, nous saurions la vie des trois sœurs ; sans cela, nous connaîtrions le jour où leurs tortures finirent.

Mais que nous importe ce jour-là ? Savons-nous si, après, on ne s’aime pas encore ? L’amour finit-il jamais ? Nous ne pouvons pas plus marquer son dernier jour, que noter sa dernière parole…

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