Anciennes loix des François, conservées dans les coutumes angloises, recueillies par Littleton, Vol. I
[859] Britton, ch. 114.
SECTION 387.
Et nota, que en tiels discents, que tollent entries, il covient que home morust seisie en son demesne come de fee, ou en son demesne come de fee taile: Car un moront seisie pur terme de vie, ne pur terme dauter vie, ne unques tollent entre.
SECTION 387.—TRADUCTION.
Nota. Que pour être dans les dégrés qui empêchent le droit d'entrée, il faut que celui qui est décédé saisi des fonds, les ait possédés en propre, soit à titre de Fief simple, soit à titre de Fief conditionnel: car lorsqu'un homme décede saisi pour terme de vie, le droit d'entrée a lieu.
SECTION 388.
Item, un discent de reversion, ou de remainder, ne unques tollent entry: issint que en tiels cases que tollent entries, per force de discents, il covient que celuy que morust seisie ad fee & franktenement al temps de son morant, ou fee taile & franktenement al temps de son morant, ou auterment tiel discent ne tolle entre.
SECTION 388.—TRADUCTION.
Le droit de réversion que l'on s'est conservé sur tout ou partie d'un fonds n'est point encore un obstacle au droit dentrée, parce qu'il est de maxime que ce dernier droit n'éprouve d'obstacle que lorsque le possesseur d'un fonds meurt saisi de la propriété & de la jouissance.
SECTION 389.
Item, come est dit de discents que discendont al issue de ceux que moront seisies, &c. Mesme la Ley est lou ils nont ascun issue, mes les tenements discendont al frere, soer, uncle, ou auter cosin de celuy que morust seisie.
SECTION 389.—TRADUCTION.
Ce qu'on a dit plus haut du fils qui succede à son pere décédé saisi d'un fonds, &c. doit aussi s'entendre des freres, sœurs, oncles & autres cousins qui succedent à leurs parens décédés saisis, &c.
SECTION 390.
Item, si soit Seignior & tenant, & le tenant soit disseisie, & le disseisor aliena a un auter en fee, & lalienee devie sans heire, & le Seignior enter come en son escheat, en cest case le disseisee poit enter sur le Seignior, pur ceo que le Seignior ne vient a le terre per discent, mes per voy descheat.
SECTION 390.—TRADUCTION.
Supposons un Seigneur & un tenant, & que le tenant ayant été dessaisi, le Seigneur donne à un autre le fonds à titre de fief: si en ce cas le donataire de ce fonds décédant sans hoirs, le Seigneur veut reprendre ce fonds en vertu du droit de deshérence, le tenant qui en a été dessaisi peut y rentrer, parce que le Seigneur n'est alors dans aucuns des dégrés qui forment obstacle au droit d'entrée.
SECTION 391.
Item, si home seisie de certaine terre en fee, ou en fee taile, sur condition de render certaine rent, ou sur auter condition, coment que tiel tenant seisie en fee, ou en fee taile, morust seisie, uncore si le condition soit enfreint en lour vies, ou apres lour decease, ceo ne tollera pas lentry del feoffor, ou del donor ou de lour heires, pur ceo que le tenancie est charge ove le condition, & lestate del tenant est conditionall en quecunque mains que le tenancie vient, &c.
SECTION 391.—TRADUCTION.
Si un homme est saisi d'une terre en fief simple ou en fief tail, sous condition de faire une rente ou autre service, quoique ce tenant décede étant possesseur du fonds, cependant s'il n'a point exécuté la condition de son vivant, ou si on ne la remplit point après son décès, le fieffeur ou le donateur ou leurs héritiers ont incontestablement le droit d'entrée, parce que toute inféodation faite à condition ne peut jamais subsister, sans l'exécution de cette condition, en quelques mains qu'elle passe.
SECTION 392.
Item, si tiel tenant sur condition soit disseisie, & le disseisor devie ent seisie, & la terre descendist al heire le disseisor, ore le entry le tenant sur condition, que fuist disseisie est toll: Mes uncore si le condition soit enfreint, donque poit le feoffor ou le donor que fierent estate sur conditon, ou lour heires enter, Causa qua suprà.
SECTION 392.—TRADUCTION.
Ainsi lorsqu'un tenant à condition est dessaisi, & que celui qui le dépossede meurt étant saisi du fonds, si son héritier se met en possession de ce fonds, le dessaisi perd le droit d'y rentrer. D'où il suit que dès que la condition d'une inféodation n'est pas exécutée, le fieffeur ou le donateur, ou leurs héritiers peuvent rentrer dans le fonds sans crainte d'en être expulsés par celui qui étoit soumis à la condition, & qui y a manqué.
SECTION 393.
Item, si un disseisor devie seisie, &c. & son heire enter, &c. le quel en dowa la feme le disseisor de la tierce part de les tenements, &c. en cest cas quant a cest tierce part que est assigne a la feme en dower maintenant apres ceo que la feme enter, & ad le possession de mesme la tierce part, le disseisee poit loyalment enter sur la possession le feme en mesme la tierce part. Et la cause est, pur ceo que quant la feme ad son dower, el serra adjudge eins immediate per son baron, & nemy per l' heire, & issint quant a le franktenement de mesme la tierce part, le discent est defeate. Et issint poies veir, que devant le endowment le disseisee ne poit enter en ascun part, &c. & apres le dowment il poit enter sur la feoffe, &c. mes uncore il ne poit enter sur les auters deux parts que l' heire le disseisor ad per le discent.
SECTION 393.—TRADUCTION.
Qu'un Seigneur, après avoir dépossédé son tenant, meure saisi du fonds, & que son héritier s'étant mis en possession de ce fonds en donne à la veuve le tiers pour son douaire; en ce cas, quoique la veuve ait de fait entrée sur la portion qui lui a été abandonnée, le dessaisi n'a pas moins le droit de révendiquer cette portion, parce que la femme n'a son douaire que par son mari, & non par l'héritier de son mari, & qu'ainsi on ne peut compter aucuns discens ou dégrés qui fassent obstacle au droit d'entrée entre l'héritier du décédé & la veuve de ce dernier. Conséquemment un homme dépossédé ne peut rentrer en possession de ses fonds, si l'héritier de celui qui l'en dépouille s'est mis en possession de tout ce fonds, parce que cet héritier possede par discent ou succession; & au contraire le dessaisi peut rentrer dans le tiers du fonds, si l'héritier a donné ce tiers en douaire à la femme de celui auquel il succede.
SECTION 394.
Item, si un feme soit seisie de terre en fee, dont jeo aye droit & title dentre, si la feme prent baron, & ont lissue enter eux, & puis la feme devie seisie, & apres le baron devie, & lissue enter, &c. en cest case jeo poy enter sur le possession lissue, pur ceo que lissue ne vient a les tenements immediate per discent apres la mort sa mere, &c. eins per le mort del pier.
Contrarium tenetur P. 9. Henr. 7. per tout le Court, & M. 37. H. 6.
SECTION 394.—TRADUCTION.
Quand une femme saisie d'un fief, sur lequel j'ai droit & titre d'entrée, se marie, & après avoir eu un enfant décede & son mari ensuite; quoique cet enfant se soit mis en possession du fief, je peux l'en évincer; parce qu'en ce cas cet enfant n'a pas succédé immédiatement à sa mere, & qu'il n'a de possession que par la mort de son pere.
Cependant le neuvieme Statut d'Henri VII, & le trente-septieme d'Henri VI ont décidé le contraire.
SECTION 395.
Item, si un disseisor enfeoffa son pier en fee, & l' pier morust de tiel estate seisie, pur que les tenements discendont a l' disseisor come fits & heire, &c. en cest case l' disseisee bien poit enter sur le disseisor, nient obstant le discent, pur ceo que quant al disseisin, le disseisor serra adjudge eins forsque come disseisor, nient obstant de discent, Quia particeps criminis.
SECTION 395.—TRADUCTION.
Si un fils qui a dépossédé son tenant d'un fonds donne à fief ce fonds à son pere: ce pere mourant ensuite saisi de ce fonds, & son fils en devenant héritier, le dessaisi a droit d'entrée; parce qu'on ne considere point alors en la personne du fils la qualité d'héritier, mais seulement l'injustice de son usurpation, usurpation dont il n'a pas cessé d'être responsable en transportant le fonds à son pere.
SECTION 396.
Item, si home seisie de certaine terre en fee ad issue deux fits, & morust seisie, & le puisne fits entra per abatement en la terre, quel ad issue, & de ceo morust seisie, & les tenemens discendont al issue, & l' issue entra en la terre, en cest case le fits eigne, ou son heire, poit enter per la Ley sur lissue del fits puisne, nient contristiant le discent, pur ceo que quant le fits puisne abatist en la terre apres l' mort son pier devant ascun entrie per le fits eigne fait, la ley intendra que il entra enclaymant come heire a son pier, & pur ceo qui leigne fits clayma per mesme le title, cestascavoir, come heire a son pier, il & ses heires poient enter sur lissue de puisne fits, nient obstant le discent, &c. pur ceo que ils claymont per un mesme title. Et en mesme le manner il serra, si fueront plusors discents de un issue a un auter issue del puisne fits.
SECTION 396.—TRADUCTION.
Qu'un homme saisi de certains tenemens en fief laisse deux fils lorsqu'il meurt, si le fils puîné usurpe la possession de la terre, & si ce fils étant décédé saisi de cette terre, ses enfans continuent d'en jouir: en ce cas le frere aîné ou ses hoirs peuvent de droit expulser le fils du frere puîné; parce que quoique que le fils puîné se soit emparé du fonds après la mort de son pere avant que l'aîné y soit entré, ce puîné est supposé n'avoir pris possession du fonds que comme héritier de son pere & comme l'aîné a le même titre, il peut, ainsi que ses héritiers, déposséder le fils du frere cadet. Il en seroit de même si le fonds avoit passé en différentes mains dans la postérité du cadet.
SECTION 397.
Mes en tiel case, si le pier fuit seisie de certaine terres en fee, & ad issue deux fits & devie, & leigne fits enter, & est seisie, &c. & puis le puisne frere luy disseisist, per quel disseisin il est seisie, en fee, & ad issue, & de tiel estate morust seisie, donques leigne frere ne poit entrer, mes est mis a son briefe Dentre sur disseisin, &c. de recoverer la terre. Et la cause est, que ceo que le puisne frere vient a les tenements per tortious disseisin fait a son eigne frere, & per cel tort la Ley ne poit entender que il claime come heire a son pier, nient pluis que un estrange person que ust disseisie leigne frere que navoit ascun title, &c. Et issint poyes veier la diversitie, lou le puisne frere enter apres le mort le pier devant ascun entrie fait per leigne frere en tiel cas, & ou leigne frere enter apres la mort son pier, & puis est disseisie per le puisne frere, lou le puisne frere puis morust seisie.
SECTION 397.—TRADUCTION.
Mais lorsqu'un pere saisi d'un fief laisse deux fils lors de son décès, si le fils aîné, après avoir pris possession du fief, en est dépossédé par son puîné, lequel décédant ensuite meurt saisi du fief, & le transmet à son enfant, le frere aîné ne peut déposséder cet enfant que par un Bref d'entrée sur dessaisine; parce que le frere puîné est supposé de droit avoir fait violence à son aîné pour le dessaisir, quand ce puîné ne justifie pas être entré sur le fonds immédiatement après le décès de son pere, & par-là l'aîné se trouve obligé d'agir contre son frere puîné, comme il le seroit à l'égard de tout étranger qui auroit usurpé son fief sans titre. Ainsi il y a une grande différence entre la maniere de procéder contre un puîné qui s'est emparé des biens de son pere avant que l'aîné en ait été saisi, & celle d'agir contre les héritiers d'un puîné qui a dépossédé son aîné des fonds paternels, quand ce puîné est mort saisi de ces fonds.
SECTION 398.
En mesme le manner est, si home seisie de certain terre en fee ad issue deux files & devie, leigne file entra en la terre claymant tout la terre a luy, & ent solement prist les profits & ad issue & morust seisie, per que son issue enter, quel issue ad issue & devie seisie, & le second issue enter, & sic ultrà, uncore le puisne file ou son issue, quanta le moitie poit enter sur quecunque issue de leigne file, nient obstant tiel discent, pur ceo que ils claimont per un mesme title, &c. mes en tiel case si ambideux soers avoyent enter apres la mort lour pier, & ent fueront seisies, & puis leigne soer ust disseisie la puisne soer de ceo que a luy affiert, & ent suit seisie en fee & ad issue, & de tiel estate morust seisie, per que les tenements discendont al issue del eigne soer, donque le puisne soer, ne ses heires ne poient enter, &c. Causa qua supra, &c.
SECTION 398.—TRADUCTION.
Il en est de même si un homme saisi d'une terre décede & laisse deux filles: car si l'aînée étant entré en la totalité de la terre, ses enfans & les enfans de ses enfans continuent de la posséder, la fille puînée ou ses descendans peuvent entrer en tous temps en la moitié de la terre, parce qu'ils y viennent au même titre que la fille aînée ou ses représentans. Au contraire, si deux sœurs, après le décès de leur pere, entrent en possession de la moitié qui leur appartient à chacune en la terre qu'il laisse, dès que l'une de ces sœurs auroit dépossédé l'autre de sa moitié, & l'auroit transmise à ses enfans, la sœur qui auroit été dépossédée ne pourroit plus révendiquer sa moitié que par la voie du Bref d'entrée sur dessaisine, par une conséquence des principes déjà posés.
SECTION 399.
Item, si home est seisie de certaine terre en fee, & ad issue deux fits, & leigne fits est bastard, (a) & le puisne frere est mulier, (b) & le pier devie, & le bastard enter enclaimant come heire a son pier, & occupia la terre tout sa vie sans ascun entre fait sur luy per l' mulier, & le Bastard ad issue & morust seisie de tiel estate en fee, & la terre discendist a son issue, & son issue enter, &c. En cest case le mulier est sans remedy, car il ne poit enter, ne aver ascun action pur recoverer la terre, pur ceo que est un ancient Ley en tiel case use, &c.
SECTION 399.—TRADUCTION.
Si un homme saisi d'un fief décede ayant deux fils, dont l'aîné bâtard & le puîné mulier, dans le cas où le bâtard étant entré dans le fief comme héritier de son pere avant le mulier décede saisi de ce fief, en laissant un fils qui conserve la possession de ce fief, le mulier ne peut avoir d'action pour révendiquer cette possession; & ceci est fondé sur une Coutume très-ancienne.
ANCIEN COUTUMIER.
Bastard ne peut estre héritier d'aucun héritage, mais par achapt ou par aultre condition le peut-il bien avoir. Ch. 27.
REMARQUES.
(a) Bastard.
On distingua chez les Anglois, après la conquête, deux sortes d'enfans; les bâtards nés avant le mariage, les légitimes nés constant le mariage, soit qu'il eût été célébré secrettement ou publiquement en l'Eglise. Les Bâtards étoient exclus de droit de toutes successions.[860] Si cependant, comme l'observe Littleton, un bâtard avoit été mis par son pere en possession de ses biens de son vivant, ou si ce bâtard en avoit pris possession après le décès de son pere, & les avoit transmis à ses enfans sans trouble, ceux-ci ne pouvoient être dépossédés: car, dit un célebre Jurisconsulte Anglois, justum est non aliquem post mortem facere bastardum qui toto tempore vitæ suæ pro legitimo habebatur.[861]
[860] Glanville, L. 7, c. 13, 14 & 15.
[861] Coke, pag. 244.
Quant aux enfans nés d'un mariage secret, ils succédoient même, par préférence, à ceux qui étoient le fruit d'une alliance solemnelle, mais postérieure. Mes ores purra ascun auter demaunder que si un home teigne un amie en concubine & engendre de luy un enfaunt, & puis la espouse privement aillours que al huis de Mouster & puis en tielx espousailles privement engendre de luy un enfaunt, & puis lespousea solemnellement al huis del Mouster, & illonques la dovve & puis engendre de luy un auter enfaunt, quel enfaunt serra receivable a la succession de lheritage le pier, & pur reason de quel enfaunt doit la feme estre dovve? En tiel cas fait a respondre que le mulvein[862] fits doit estre reçu a la succession de lheritaige son pier & serra counte pur mulliere. Tous fussent les espousailles privez quand en droit de sa nation, mes que il pusse averer que il fuit nées dedans les espousailles, lequel les espousailles fuerent faits solemnement ou privement, & si ne aura mye la mere dovver par reason de cel enfaunt, eins avera per reason de tierce enfaunt, & per les solemnels espousailles ou ele fut dovves a lhius del Mouster.[863]
[862] Celui du milieu.
[863] Britton, c. 107. D'exception de Concubinage. Fortescui Commentarius, c. 39, fo 46, vo.
Il ne faut pas confondre ici le mariage secret dont parle Britton avec les mariages clandestins; quoique ce mariage secret ne se fît point à la porte d'une Eglise, & que le mari n'accordât point douaire à sa femme en le contractant, néanmoins il étoit célébré par un Prêtre & en présence de témoins. Ces sortes de mariages tiroient leur origine de ce qui s'étoit pratiqué en France[864] sous nos premiers Monarques. Ces mariages étoient tellement regardés comme légitimes alors, qu'il ne dépendoit que de la volonté des peres d'instituer pour leurs héritiers les enfans qui en provenoient. Dagobert I n'avoit point donné le nom de Reine à Régnetrude; mais comme elle n'en étoit pas moins sa femme, le Royaume d'Austrasie, que ce Prince avoit donné de son vivant à Sigebert qu'il avoit eu d'elle, fut conservé sans difficulté à ce jeune Prince après la mort du Roi son pere.[865]
[864] Appendix ad Formul. Marc. 52: Dum non est incognitum quod feminam aliquam bene ingenuam ad conjugium sociavi uxorem, sed talis causa vel tempora me oppresserunt, ut Chartulam libelli dotis ad eam sicut Lex declarat, minimè concessit facere unde ipsi filii mei secundum Legem naturales appellantur. Collect. Balus. tom. 2, col. 464.
[865] Du Tillet, 1ere Partie.
Ce fut encore par cette raison que Louis & Carloman furent préférés à Charles le Simple; & que Gondebaud, que Gontran Roi d'Orléans, fils de Clotaire I, avoit eu de Venérande, fut empoisonné par Marchutrude, seconde femme de son pere, parce qu'elle craignoit qu'il ne fût préferé à son propre fils pour le Gouvernement.
Il n'en étoit pas de même des enfans de nos Rois sortis de femmes à qui ils ne s'étoient pas unis pour toujours par le Sacrement, tels que les Bâtards de Thierry,[866] Roi de Bourgogne; ceux ci ne pouvoient prétendre à la Couronne, lors même qu'ils étoient avoués par leurs peres, qu'au défaut d'enfans légitimes.
[866] Fredeg. Append. ad Greg. Turon. L. 9, c. 36: Cepit vir Dei, Theodoricum, increpare cur non legitimi conjugii solaminibus frueretur, ut regalis proles ex honorabili Regina procederet & non potius ex lupanaribus videretur emergere.—M. l'Abbé Vély, 1er vol. pag. 183, ne voit dans tout le récit de Frédégaire qu'absurdité; mais c'est parce qu'il suppose 1o. que Thierry étoit marié avec ses concubines, & Frédégaire fait dire le contraire à Saint Colomban; 2o. il imagine que de Saints Evêques avoient tenu, selon Frédégaire, sur les fonds de Baptême les bâtards de Thierry, & Frédégaire n'en dit pas un mot.
Delà, selon Aimoin, L. 4. chap. 1. pag. 152, Brunichilde ne put réussir à placer Sigibert, l'un des Bâtards de Thierry, sur le Trône d'Austrasie. Chlotarius Chilperico patre genitus è regiâ stirpe videbatur relictus, in quem regnandi jus potissimum transfundi oporteret; Brunchildis tamen moliebatur si posset Sigebertum Theodorici filium regno præponere Austrasiarum, quatuor namque Theodoricus ex pellicibus susceperat filios quorum ista sunt nomina Sigebertus, Chorbus, Childebertus atque Meroveus, sed quia erant materna latere minus nobiles, regni quoque gubernaculis æstimabantur fore impares.
Il est cependant arrivé qu'un Bâtard a quelquefois joui, du vivant de son pere, de quelque appanage sous le titre de Royaume, (car anciennement on nommoit ainsi les appanages des fils de nos Rois) & lorsque les enfans de ce Bâtard s'y étoient maintenus après son décès, les Princes légitimes ou leurs descendans ne les en ont pas dépouillés. Ainsi Carloman, frere de Louis le Begue, lui succéda, & Louis le Fainéant fut reconnu héritier de Carloman son pere sans opposition.[867]
[867] Du Tillet, Chronique sous l'an 882.
Il en fut de même de la succession de Robert II, Duc de Normandie. Avant sa mort il avoit fait reconnoître pour son Successeur Guillaume le Conquérant, & la postérité de Guillaume fut soutenue par la plus saine partie des Grands de Normandie contre les descendans légitimes des Ducs Robert I & Richard II; mais on ne peut pas dire que ces exemples fussent appuyés sur quelque Loi. La difficulté de déposséder un usurpateur avoit seule introduit cet abus; & si cet abus, après la conquête, fut regardé comme regle chez les Anglois à l'égard des successions particulieres, ce ne fut que parce que, s'ils avoient fait valoir des maximes opposées à cet abus dans les Tribunaux de Justice, ils auroient paru attaquer par là, indirectement, le droit des enfans du Conquérant sur la succession de leur pere: motif qui probablement a forcé notre Auteur de ne pas donner la maxime de la Section présente pour Loi, mais seulement comme un usage ancien. Au reste, si les Bâtards ne pouvoient succéder en Normandie ni en Angleterre, ils étoient capables de donations.[868]
[868] Glanville, L. 7, c. 1, fol. 42, verso.
De ce qui vient d'être observé, on ne doit pas inférer que tous les enfans nés durant le mariage fussent regardés anciennement comme légitimes. Le droit Anglo-Normand avoit établi différentes regles pour distinguer les légitimes des adultérins, ou de ceux que l'on supposoit.
Il arrivoit quelquefois qu'une femme, après la mort de son mari, se disoit enceinte, & par là tenoit en suspens le droit de succéder qui appartenoit aux autres enfans ou à des collatéraux. Ceux qui soutenoient que la grossesse étoit feinte obtenoient un Bref qui ordonnoit aux Vicomtes de faire comparoître devant lui la veuve. Ce Juge interrogeoit cette femme sur son état, & si elle persistoit à soutenir qu'elle étoit enceinte des œuvre de son défunt mari, on appelloit Sages-Femes jesques a six au meins, & les faisoit jurer sur Saints de leaulment faire & verreyment presenter en les articles dount eles seront charges, & puis etoient charges que eux sous leur serment enquergent de la feme per tactum ventris, &c. & en touts autres maners dount eles purroient estre certefies lequel est enceinte ou non, & puis la preignent privement en une meson & enquergent la visite, & si les femes dient que ele est enceinte ou soyent de ceo en doutaunce lequel ele soit ou non, adonques le Vicomte fera tele feme mettre en Chatel[869] ou aillours en sauve-garde issi que nul feme ne autre de qui suspicion puisse estre de fausine faire ne luy approche, & illonques demourge a ses propres custages jusques a lhoure que el doit enfaunter issint que nule feme ne veigne a ele en le meen[870] temps forsque de linage le pleyntise. Et si ele ne eyt enfaunt dedens les 40 semaines apres la mort sa baron ou si ele ne soit trove enceinte, si ele soit punie par pryson & par fyn,[871] & si ele eyt un enfaunt dedans les 40 semaines, adonques soit cel enfaunt receu al heritage si autre heire ne puisse averrer cel enfaunt eytre engendre de autre que del baron, ou si il puisse averrer que le baron fuit discole[872] ou emprisone en un aultre realme avant que cest enfaunt fuit née & apres sauns approcher la feme ou par autre apparunte presumption communement temoigne de touts gents; en touts ceux cas ne volons mie que les droits heires soient desherites per les putages de le feme.[873]
[869] Prison.
[870] Moyen, intermédiaire.
[871] Amende.
[872] Voyageur.
[873] Quod autem generaliter solet dici, putagium hæreditatem non adimit, dit Glanville, L. 7, c. 12, illud intelligendum est de putagio matris quia filius heres legitimus est quem nuptiæ demonstrant.
Et si ascun heire soit engendre de autre que del baron de sa mere, en temps nomement que presumption poit faire pur le baron que il le poit aver engendre en matrimoigne, en tiel cas ne volons mye que par putage de la mere heritage soit baré a lenfaunt.
Et aussi de enfaunt engendre de autres espose pur le engendrure le baron lequel enfaunt le baron avera nurry & avovve pur son heire, volons que ceux enfaunts soient recevaubles a lheritage si presumption face que le baron la mere les poit aver engendre. Mes si les barons de teles femes que norissent enfaunts pour heires que ount este issi engendres jusques les barons eyent este desturbes per aperte malice ou per distaunce del leu & del temps si que apperte presumption & comune fame come est avaunt dit face en countre tiels barons que ils ne poient mye ceux enfaunts aver engendre, tout voilent tiels barons[874] tiels enfaunts norir en lour mesons & avouer pour lour, pur ce ne quedant ne soient mye tiels enfaunts receyvables a lheritaige. Ne aussi ceux que les barons troveront en lour hostel & desavovves pur lour engendrure, & pur ceo volons que chescun en tiel cas apertement desavovve & face remuer[875] tele engendrure supose, estre sue sitot come il le savera. Car puisque il lavera avovve pur sue, & ceo soit tesmoigne per visne, il ne le purra james desavovver & si pleynte nous veigne de ascun droit heire de tiel enfaunt suppose nurry & avoue pur droit heire par ascun baron & sa feme en disheriteson[876] del droit heire,[877] tauntot maunderons a le Vicoumte del lieu a la suite le pleyntife que il eyt le corps de tiel baron & de tiele sa feme & de tiel enfaunt que ils norissent pardevant nos Justices a certain jour & lieu a repondre a tel pleyntife que se doist estre heire mesne[878] cely baron purquoy ils norissent en desheretison de nous lavaunt dit enfaunt & avovvent pur lour engendrure que nest mye. A quel jour il coviendra au pleyntife de monstrer certeines presumptions pur luy aprover sa entente, ou sinon soit juge en countre le pleyntife. Et si par procez de plee entre les parties se fasse jugement encountre lenfaunt & pur[879] le pleyntife, soit la malice le baron & de sa feme punye par prison & par fyn.
[874] Quoique les maris veulent, &c.
[875] Sortir de chez eux.
[876] Pour dépouiller son héritier légitime de sa succession.
[877] Nous voyons par les Formules de Marculphe, L. 2, c. 13, & par celles recueillies par Sirmond, c. 23, que l'on ne pouvoit adopter quelqu'un pour héritier que lorsqu'on n'avoit pas d'enfans, dum à peccatis meis orbatus sum à filiis.... &c.
[878] Propre.
[879] En faveur du plaintif.
(b) Mulier.
Ce nom mulier est pris dans les Loix Angloises pour uxor, & de-là filius mulieratus est un fils né d'un mariage légitime.[880] C'est en ce sens que la Loi Regiam appelle mulieratos liberos ex sponsâ legitime procreatos.[881]
[880] Coke, fol. 243, verso. Glanville, L. 7, c. Britton, c. 118, fol. 268, verso.
[881] Regiam Majestatem, c. 19, verso 3, & Skénée aux Notes sur ce Chapitre.
SECTION 400.
Mes il ad estre lopinion dascuns, que ceo serra intendue lou l' pier ad un fils bastard per un feme, & puis espousa mesme la feme, & apres lespousels il ad issue per mesme la feme un fils ou un file mulier, & puis le pier morust, &c, si tiel bastard enter, &c. & ad issue & devie seisie, &c. donque avera lissue de tiel bastard le terre cleeremment a luy, come avant est dit, &c. & nemy ascun auter bastard la mere, que ne fuit unque espouse a son pier, & ceo semble bone & reasonable opinion. Car tiel bastard nee devant espousels celebrea perenter son pier & sa mere, per la Ley de Saint Esglise est mulier, coment que per la Ley del terre il est bastard, & issint il ad un colour dentrer come heire a son pier, pur ceo que il est per un Ley mulier, &c. scavoir, per la Ley de Saint Esglise. Mes auterment est de bastard que nad ascun maner colour dentre come heire, entant que il ne poit per nul Ley estre dit mulier, car tiel bastard est dit en la Ley, Quasi nullius filius, &c.
SECTION 400.—TRADUCTION.
Plusieurs restraignent la disposition de la Section précédente aux seuls bâtards sortis d'une femme qui ensuite épouse leur pere & en a des enfans, & cette opinion paroît juste; car si le pere étant décédé, le bâtard se met en possession de ses biens sans opposition de la part des enfans nés constant le mariage de ses pere & mere, & meurt lui-même saisi de ces biens en laissant un enfant, cet enfant du bâtard doit être maintenu dans les fonds possédés par son pere. D'ailleurs les Loix canoniques regardent les bâtards comme légitimés par le mariage subséquent de leur mere. Ainsi quoique la Loi civile exclue des successions ces sortes de bâtards, ils ont au moins une apparence de qualité pour succéder à leur pere, puisqu'en vertu des Loix de l'Eglise ils sont légitimes; au lieu que les autres bâtards, dont la mere n'a point été mariée après leur naissance avec celui de qui ils sont issus, n'ayant point cette qualité apparente, les Loix civiles & canoniques les regardent comme n'appartenans à personne.
SECTION 401.
Mes en le case avantdit, lou le bastard enter apres la mort le pier, & l' mulier luy ousta, & puis le bastard disseisist le mulier, & ad issue, & devie seisie, & lissue enter, donque le mulier poit aver briefe Dentre sur disseisin envers lissue del bastard, & recovera la terre, &c. Et issint poies vier le diversitie lou tiel bastard continue la possession tout sa vie sans interruption, & lou le mulier enter & interrupt le possession de tiel bastard, &c.
SECTION 401.—TRADUCTION.
Il est bon cependant d'observer que si un bâtard, né d'une femme que depuis son pere a épousée, après être entré en possession des biens de ce dernier, en est dépossédé par un enfant né de cette femme & du même pere depuis leur mariage; quand même le bâtard recouvreroit sa possession, les fils légitimes ou leurs enfans peuvent la révendiquer par Bref d'entrée sur dessaisine: il faut donc, afin que les enfans d'un bâtard, tel que celui dont il est parlé en la précédente Section, se maintiennent dans les fonds dont leur pere est décédé saisi, que ce pere en ait eu une possession non interrompue.
SECTION 402.
Item, si un enfant deins age (a) ad tiel cause de entry en ascuns terres ou tenements sur un auter, que est seisie en fee, ou en fee taile de mesme les terres ou tenements, si tiel home que est tielment seisie, morust de tiel estate seisie, & les terres discendont a son issue durant le temps que lenfant est deins age, tiel discent, ne tollera lentry lenfant, mes que il poit enter sur le issue que est eins per discent, &c. pur ceo que nul laches serra adjudge en un enfant deins age en tiel case.
SECTION 402.—TRADUCTION.
Si un enfant mineur a un droit d'entrée en quelques terres ou tenemens, le possesseur de ces fonds mourant, quand même son fils, après sa mort, en conserveroit la possession, le mineur ne sera pas pour cela privé de son droit d'entrée; car on ne peut, en ce cas, imputer de négligence à un mineur.
ANCIEN COUTUMIER.
Non aage prolonge la fin des querelles. Nous dirons que ceulx sont en non aage qui n'ont pas accompli vingt ans. Tous ceulx qui sont en non aage auront terme de toutes querelles tant qu'ils viennent en l'aage de vingt-un ans fors des querelles qui sont déterminées par Enquestes ou par Briefs. Chose que ceulx qui sont en non aage facent ne dient en Cour Ley ne sera estable.
REMARQUE.
(a) Enfaunt deins aage.
Si le pleyntife soit dedans age, dit Britton,[882] soit le plee suspendu & respite jusques a son age. Car nul enfant de deux age ne puit disclaimer en prejudice de luy...... Car avaunt son age ne purra il point assenter en la parole.
[882] Ch. 48, fol. 124, verso.
SECTION 403.
Item, si le baron & sa feme come en droit la feme ont title & droit denter en tenements que un auter ad en fee, ou en fee taile, & tiel tenant morust seisie, &c. en tiel case lentre le baron est tolle sur l' heire que est eins per discent. Mes si le baron devie, donque la feme bien poit enter sur lissue que est eins per discent, pur ceo que laches le baron ne turnera la feme ne ses heires en prejudice ne en dammage en tiel cas, mes que la feme & ses heires bien poient enter, lou tiel discent est eschue durant le coverture.
SECTION 403.—TRADUCTION.
Si le mari a, tant pour lui que pour sa femme, & au nom de cette derniere, le droit d'entrée en quelques fiefs simples ou conditionnels possédés par un autre après le décès du possesseur, &c. le mari ne peut déposséder l'héritier de ce dernier qui a conservé le fief par succession; mais si le mari décede, la femme peut rentrer dans le fonds & déposséder cet héritier, parce que la négligence du mari ne peut nuire à son épouse ni à ses héritiers, pourvu que cet héritier ait succédé à son pere constant le mariage de l'homme & de la femme qui ont le droit d'entrer.
SECTION 404.
Mes la Court tient, lou tiel title est done al feme sole, que puis prent baron, que nentra pas, eins suffer un discent, &c. la auter est, car serra dit la folly le feme de prender tiel baron que nentre en temps, &c.
SECTION 404.—TRADUCTION.
Cependant on décide en la Cour du Roi que lorsqu'un droit d'entrée est donné à une femme, si après ce don elle prend un mari qui, au lieu d'exercer ce droit, souffre qu'un autre entre sur le fonds, &c. alors c'est à la femme à s'imputer la faute d'avoir pris un mari qui n'a pas profité du droit qu'elle avoit.
SECTION 405.
Item, si home que est de non sane memorie, que est adire en Latin, Qui non est compos mentis, ad cause dentre en ascuns tiels tenements, si tiel discent ut supra, soit ewe en sa vie, durant le temps que il fuit de non sane memorie, & puis devia, son heire bien poit enter sur luy que est eins per discent. Et en cest case poyes veyer un cas, que lheire poiet enter, & uncore son ancester que avoit mesme le title ne puissoit enter. Car celuy que fuit hors de sa memorie al temps de tiel discent, sil voile enter apres tiel discent, si action sur ceo soit sue envers luy, il nad riens pur luy a pleader, ou de luy ayder, mes adire que il fuit de non sane memorie al temps de tiel discent, &c. & a ceo ne serra il resceive adire, pur ceo que nul home de pleine age serra resceive en ascun plee per la ley a disabler le person demesne, mes lheire bien poit disabler le person son auncester pur son advantage demesne en tiel cas, pur ceo que nul laches poit estre adjudge pur la ley en celuy que ad nul discretion en tiel case.
SECTION 405.—TRADUCTION.
Si un homme étant imbécille ou fou, & ayant droit d'entrer, un autre prend possession du fonds, l'héritier de l'imbécille n'est pas pour cela privé d'en reprendre la possession; mais l'imbécille n'auroit pas lui-même ce droit s'il recouvroit sa raison: car pour rentrer il seroit forcé de dire qu'il a été pendant un temps insensé. Or, il n'est point permis à un homme par la Loi de dégrader en Jugement sa propre personne; mais l'héritier peut légitimement exposer l'incapacité de son ancêtre & soutenir qu'il n'a pu être préjudicié par la négligence d'un homme qui étoit privé de toute réflexion.
SECTION 406.
Et si tiel home de non sane memorie fait feoffement, &c. il mesme ne poit enter ne aver briefe appell' Dum non fuit compos mentis, &c. causa qua supra: Mes apres la mort son heire bien poit enter, ou aver le dit briefe Dum non fuit compos mentis a son election. Mesme la Ley est lou enfant deins age fait feoffement & devie, son heire poit enter, ou aver un briefe de Dum fuit infra ætatem, &c.
SECTION 406.—TRADUCTION.
Si un imbécille ou un fou fait une inféodation, il en est de lui comme d'un mineur qui auroit aliéné; après le décès de ces deux sortes de personnes leurs héritiers peuvent rentrer en possession des fonds en vertu de deux différens Brefs établis à cet effet.
SECTION 407.
Item, si jeo sue disseisie per un enfant deins age, le quel aliena a un auter en fee, & lalienee devie seisie, & les tenements discendont a son heire, esteant lenfant deins age, mon entry est tolle.
SECTION 407.—TRADUCTION.
Si je suis dessaisi par un mineur, lequel vend à titre de fief le fonds à un autre, dans le cas où l'acquereur décede, & où ses enfans continuent de posséder ces fonds comme ses héritiers, si le vendeur est encore mineur lors de l'échéance de cette succession, je ne peux exercer mon droit d'entrée.
SECTION 408.
Mes si lenfant deins age enter sur lheire que eins per discent, come il bien poit pur ceo que mesme le discent fuit durant son nonage, donque jeo bien puisse enter sur le disseisor, pur ceo que per son entrie il ad defeat & anient le discent.
SECTION 408.—TRADUCTION.
Mais si l'enfant mineur dépouilloit de la possession du fonds l'héritier de l'acquereur, ce que ce mineur a bien droit de faire quand la succession de son vendeur n'échoit que durant sa minorité, alors je peux bien rentrer dans le fonds dont le mineur m'a dessaisi.
SECTION 409.
En mesme le manner est lou jeo sue disseisie, & le disseisor fait feoffment en fee sur condition, & le feoffee mort de tiel estate seisie, jeo ne purroy my enter sur lheire le feoffee: mes si le condition soit enfreint, issint que pur cel cause le feoffor enter sur lheire, ore jeo bien puisse enter, pur ceo que quant le feoffor ou ses heires entront pur le condition enfreint, le discent est ousterment defeat, &c.
SECTION 409.—TRADUCTION.
Il en est de même lorsqu'étant dessaisi celui qui m'a dépossédé donne à fief le fonds sous condition à quelqu'un, & que le feudataire meurt en possession de ce fonds: car, en ce cas, je ne peux en dépouiller l'héritier de ce feudataire; mais si la condition de l'inféodation n'étoit pas exécutée, en ce cas j'ai autant de droit que le fieffeur de rentrer dans le fonds, parce que l'infraction de la condition anéantit le droit de succéder à la cession à laquelle cette condition a été apposée.
SECTION 410.
Item, si jeo soy disseisie, & le disseisor ad issue & enter en Religion, per force de quel les tenements discendont a son issue, en cest case jeo bien puisse enter sans lissue, & uncore la fuit un discent. Mes pur ceo que tiel discent vient al issue per fait le pier, scavoir, pur ceo que il enter en Religion, &c. & le discent ne vient a luy per fait de Dieu, scavoir, per mort, &c. mon entre est congeable. Car si jeo arraigne un Assise de Novel Disseisin envers mon disseisor, coment que il puit enter en Religion, ceo ne abarra my mont bont, mes mont bont (terre con obstant) estroyera en sa force, & mon recovere vers luy serront bone. Et per mesme le reason le discent que aveigne a son issue per son fait demesne, ne tollera moy de mon entry, &c.
SECTION 410.—TRADUCTION.
Si je suis dessaisi par une personne qui ensuite entre en Religion, les tenemens dont il m'a dépossédé passent à son héritier; mais je ne suis pas privé pour cela de rentrer dans les fonds, parce que ce n'est ni par mort ou autre évenement naturel que l'héritier du tenant lui succede, mais par un acte purement volontaire. C'est par une suite de cette regle, que si j'obtiens une Assise de nouvelle dessaisine contre ce tenant, quoiqu'entré en Religion, mon Bref n'est point annullé pour cela, & que je peux, malgré son changement d'état, recouvrer les fonds dont il m'a dépouillé. Son héritier ne peut donc, à plus forte raison, me priver du droit d'entrée, puisque celui auquel il succede n'a pas lui-même cette faculté.
SECTION 411.
Item, si jeo lesse a un home certain terres pur terme de 20 ans, & un auter moy disseisist, & ousta, le termor & devie seisie, & les tenements discendont a son heire jeo ne purroy enter, & uncore le lessee pur terme dans bien puit enter, pur ceo que il puit son entry ne ousta lheir que est eins per discent pur le franktenement que est a luy discendus mes solement claime daver les tenements pur terme dans, le quel nest pas expulsement de le franktenement del heire que est eins per discent. Mes auterment est ou mon tenant a terme de vie est disseisie, Causa patet, &c.
SECTION 411.—TRADUCTION.
Si ayant cédé à un homme des terres pour vingt ans j'en suis dessaisi par un autre, celui-ci étant décédé saisi des fonds, & par son décès les ayant transmis à ses héritiers, je perds mon droit d'entrée, quoique le cessionnaire à terme ait ce droit; la raison qu'on en donne est que ce cessionnaire ne dépossede pas en entrant sur les fonds l'héritier de celui qui m'en a dépossédé, il interrompt seulement la jouissance de ce dernier pour le temps de la cession qui lui a été faite. Il n'en seroit pas de même si ce n'étoit pas moi, mais mon tenant à terme de vie qui fût dessaisi.
SECTION 412.
Item, il est dit que si home est seisie de tenements en fee per occupation en temps de guerre, & ent morust seisie en temps de guerre, & les tenements discendont a son heire, tiel discent ne oustera ascun home de son entry & de ceo home poit vier en un plee sur un briefe de Aiel, An. 7. E. 2.
SECTION 412.—TRADUCTION.
Si un homme, en temps de guerre, s'empare d'un fief, & transmet ce fief à ses héritiers par son décès, cette succession ne prive personne de son droit d'entrée. On peut voir sur cela ce qui fut dit en Cour sur un Bref d'Aïeul en la septieme année d'Edouard II.
SECTION 413.
Item, que nul morant seisie (ou les tenements viendront a un auter per succession) tollera lentre dascun person, &c. come de Prelates, Abbots, Priors, Deans, ou Person desglise, ou dun auters corps politike, &c. coment que ils fueront xx morants seisie, & xx successors, ceo ne tolle jammes ascun home de son entry.
Plus serra dit de Descents en le prochein Chapter.
SECTION 413.—TRADUCTION.
La succession en des tenemens, tels qu'ils soient, ne prive point du droit d'entrée les Prélats, Abbés, Prieurs, Doyens ou autres Ecclésiastiques, ni les autres Corps ou Communautés politiques, quand même il y auroit eu vingt personnes successivement décédées saisies des fonds, & vingt héritiers qui leur auroient succédé.
 
CHAPITRE VII. DES CLAMEURS CONTINUÉES.
SECTION 414.
Continuall claime est la lou home ad droit & title dentrer en ascuns terres ou tenements dont auter est seisie en fee, ou en fee taile, si cesty que ad title dentrer fait continuall claime a les terres ou tenements devant le morant seisie de celuy que tient les tenements, donques coment que tiel tenant morust ent seisist, & les terres ou tenements discendront a son heire, uncore poit celuy que avoit fait tiel claime ou son heire, enter en les terres ou tenements issint discendus, per cause de l' continual claime, fait nient contristiant le discent. Sicome en case que home soit disseisie, & le disseisee fait continual claime a les tenements en la vie le disseisor, coment que le disseisor devie seisie en fee, & la terre discendist a son heire uncore poit le disseisee enter sur la possession le heire, nient obstant le discent.
SECTION 414.—TRADUCTION.
La Clameur continuée a lieu quand un homme, ayant droit & titre d'entrée sur un fonds dont un autre est saisi en fief simple ou en fief tail, reclame ce droit & fait notifier son titre à chaque possesseur avant son décès; car à ce moyen, quand même les héritiers de chacun de ces possesseurs se mettroient en possession du fonds, le clamant ou ses héritiers conserveroient leur droit d'entrée. Il faut dire la même chose de celui qui étant dessaisi continue à chaque mutation de jouissance sa reclamation; car les héritiers auxquels les fonds dont il a été dépossédé sont échus ne peuvent, en y succédant, le priver du droit d'en reprendre la possession.
SECTION 415.
En mesme l' maner est, si tenant a terme de vie alien en fee, celuy en le reversion, ou celuy en le remainder poit enter sur lalienee: & si tiel alienee devie seisi de tiel estate sans continual claim fait a les tenements devant le morant seisi del alienee, & les tenements per cause del morant seisi del alienee, discendont a son heire, donques ne poit celuy en le reversion, ne celuy en le remainder enter. Mes si celuy en le reversion ou celuy en le remainder que ad cause dentre sur lalienee fait continual claime a les tenements devant le morants seisie del alienee, donques tiel home poit enter apres la mort lalienee, auxy bien come il puissoit en sa vie.
SECTION 415.—TRADUCTION.
Si un tenant à terme de vie aliene en propriété le fonds dont il n'a que la jouissance, ceux auxquels le fonds devoit retourner après le terme expiré, ont droit d'en reprendre la possession; mais pour cela il faut que l'acquereur du tenant n'ait pas transmis à ses héritiers son acquisition: car le droit de reversion est éteint si avant son décès ceux à qui ce droit appartenoit ne l'ont pas reclamé.
SECTION 416.
Item, si terre soit lesse a un home pur terme de sa vie, l' remainder a un auter a terme de vie, le remainder a le tierce en fee, si le tenant a terme de vie aliena a un auter en fee, & celuy en le remainder pur terme de vie fait continual claime a la terre devant le morant seisie dalienee, & puis lalienee morust seisie, & puis apres celuy en le remainder pur terme de vie morust, devaunt ascun entry fait pur luy, en ceo cas, celuy en le remainder en fee, poit enter sur heire le alienee, per cause de continual claime fait per luy que avoit le remainder pur terme de sa vie, pur ceo que tiel droit que il averoit dentre, alera & remaindera a celuy en le remainder apres luy, entant que celuy en l' remainder en fee ne puissoit pas enter sur lalienee en fee durant la vie celuy en l' remainder pur terme de sa vie, & pur ceo que il ne puissoit adonques faire continual claim. (Car nul poit faire continual claime mes quant il ad title dentrie, &c.)
SECTION 416.—TRADUCTION.
Si une terre est cédée à un homme pour le terme de sa vie, & à un autre aussi pour le terme de sa vie après le décès du premier, & s'il est stipulé que tous deux étant morts un troisieme en aura la propriété à titre de fief; dans le cas où le premier tenant à terme de vie vend à quelqu'un cette terre en fief, celui qui doit la tenir après lui à terme de vie doit former sa reclamation contre la vente avant la mort du vendeur. Par ce moyen quand même l'acquereur décéderoit saisi de la terre, & quand celui qui auroit reclamé décéderoit aussi sans avoir repris la possession du fonds, celui auquel le retour de la terre auroit été cédé pour en jouir après le décès des deux tenans à terme de vie pourroit entrer en jouissance de la terre en vertu de la reclamation faite par celui des tenans à terme de vie qui devoit posséder cette terre le second, parce que le cessionnaire de la propriété de la terre ne pouvoit exercer le droit de clameur tant que ceux qui la tenoient à terme de vie existoient. Ce droit de clameur n'appartient, en effet, qu'aux personnes qui ont un titre d'entrée, & dans l'espece proposée, le second tenant à terme de vie auroit seul ce titre.
SECTION 417.
Mes est a veier a toy (mon fits) coment & en quel maner tiel continual claime serra fait, & ceo bien apprender trois choses sont a intender. La 1. chose est, si home ad cause dentre en ascuns terres ou tenements que sont en divers Villes deins un mesme Countie, sil enter en un parcel de les terres ou tenements que sont en un Ville, en nosme de touts ses terres ou tenements as queux il ad droit dentrer deins touts les Villes de mesme le Countie, partiel entrie il avera auxy bone possession, & seisin de touts terres ou tenements dont il ad title dentrie, sicome il avoit enter en fait en chescun parcel, & ceo semble grand reason.
SECTION 417.—TRADUCTION.
Mais, mon fils, le point le plus important est celui de sçavoir de quelle maniere & en quel cas on peut exercer le droit de clameur continuée.
1o. Il est d'observation que lorsqu'un homme a droit d'entrer en des terres ou tenements situés en diverses Villes & dans un même Comté, s'il entre en une partie de ces terres ou tenemens qui soient dans une Ville, & déclare que cette entrée est tant pour le fonds sur lequel il l'exécute que pour les autres fonds sur lesquels le droit d'entrée lui appartient, il aura acquis par-là une possession aussi légitime sur tous les fonds dans lesquels il n'aura point entré que s'il avoit entré en chacune partie de ces fonds en particulier.
SECTION 418.
Car si home voile enfeoffer un auter sans fait de certaine terres ou tenements, que il ad deins plusours Villes en un Countie, & il voile liverer seisin al feoffee de parcel de tenements deins un ville en nosme de touts les terres ou tenements quel il ad en mesme le ville, & en les auters villes, &c. touts les dits tenements, &c. passont per force de le dit livery de seisin & celuy a que tiel feoffement en tiel maner est fait, & uncore celuy a que tiel livery de seisin fuit fait, navoit droit en touts les terres ou tenements en touts les villes, mes per cause de livery de seisin fait de parcel de les terres ou tenements en un ville: A multo fortiori il semble bone reason, que quant home ad title denter en les terres ou tenements en divers villes deins un mesme County devant ascun entry per luy fait, que per lentry fait per luy en parcel de les terres en un ville en le nosme de touts les terres & tenements as queux il ad title denter deins mesme le County, ceo vest un seisin de touts en luy & per tiel entry il ad possession & seisin en fait sicome il avoit enter en chescun parcel, &c.
SECTION 418.—TRADUCTION.
Ceci est d'autant plus raisonnable, que si un homme veut inféoder à un autre certaines terres ou tenemens sîtués en diverses Villes d'un même Comté, & s'il ensaisine le fieffataire de partie de ces terres & tenemens pour lui tenir lieu de la saisine de la totalité des fonds qui sont l'objet de l'inféodation, par-là le fieffataire acquerra la jouissance & la propriété de toutes les terres comme si on l'avoit ensaisiné de toutes en particulier. A plus forte raison donc quand un homme a un titre pour entrer en plusieurs fonds situés en un même Comté, son entrée sur une portion de ces fonds doit-elle lui valoir comme s'il avoit entré sur toutes.
SECTION 419.
Le second chose est a entender, que si home ad title denter en ascuns terres ou tenements, sil ne osast enter en mesme les terres ou tenements, ne en ascun parcel de terre per doubt de battery, ou per doubt de mayhem, ou pur doubt de mort, sil alast & approach auxy pres la tenements, come il osast pur tiel doubt, & claime pur parol les tenements estre les soens, maintenant per tiel claime il ad un possession, & seisin en les tenements, auxy bien come sil ust enter en fait, (a) coment que il navoit unque possession ou seisin de mesme les terres ou tenements devant le dit claime.
SECTION 419.—TRADUCTION.
Si un particulier ayant un titre pour entrer dans un fonds n'ose faire cette entrée par la crainte d'être maltraité, blessé ou tué, il lui suffit d'approcher des fonds le plus près qu'il lui est possible, & de les reclamer à haute voix comme siens. Cette formalité, en effet, lui acquere la possession des fonds aussi sûrement que s'il en avoit été saisi, quand même avant sa clameur il n'auroît eu aucune jouissance ni saisine desdits fonds.
REMARQUES.
(a) Auxy bien come sil ust enter en fait.
On ne pouvoit acquérir la possession d'un immeuble, sans quelque action extérieure qui manifestât en même temps la volonté de celui qui abandonnoit le fonds, & l'acceptation du cessionnaire. Mettre le pied sur une terre, toucher la ferrure de la porte ou la porte d'une maison, &c. en présence de témoins, cela suffisoit pour se procurer le titre de possesseur; mais pour transmettre la propriété, il falloit que le vendeur ou le donateur, en transmettant à l'aquereur ses fonds, cessât de les occuper & en retirât tous les bestiaux ou autres effets qui lui appartenoient;[883] car si un home ou une beste de moerge pur le donour en les tenements & dones, assez par taunt se retient il ensaisine. Il y a plus: quand même il n'auroit resté qu'une partie des meubles des donateurs ou des vendeurs sur une portion du fonds donné ou vendu, les anciens possesseurs auroient toujours été réputés avoir voulu se conserver cette qualité, & ne s'être pas dessaisis. Par exemple: Si le feoffour que done comune de pasture que il ad & fait pestre la comune de un beste, par une tele beste retient le donour tout le comune. Et pur toutes dotaunces ouster, mieux vaut que les donours facent aillours democre que en les tenements par eulx dones.
[883] De-là cette clause des Formules d'un Auteur incertain, Appendix. Marculphi, L. 1, c. 57. Visus fuit tradidisse & exitum fecisse. &c.
De ces maximes, que le peu d'usage de l'Ecriture avoit rendues originairement nécessaires, il arrivoit que les vendeurs ou les donateurs avoient beaucoup de facilités pour rétracter leurs conventions. Conséquemment si ascun donour soit receu en ceulx tenements apres le don per la debonnerte le purchassour, & il pusse aperceyver que le donour le voile engetirer ou desturber de la seisine, l'acquereur n'avoit que deux partis à prendre, ou de se pourvoir en l'Assise contre le donateur ou le vendeur, ou bien s'il lui étoit possible de les expulser sans autorité de Justice, sans Juge le engette.[884] Mais on ne prenoit le premier parti que lorsque s'étant trouvé trop foible pour s'assurer une possession, on étoit nécessité de faire constater judiciairement les efforts qu'on avoit faits dans cette vue. Ainsi quand on éprouvoit une résistance que l'on ne pouvoir vaincre sans danger, on n'étoit tenu qu'à prouver en l'Assise la réalité de ce danger.
[884] Britton, c. 40, fol. 101, verso.
SECTION 420.
Et que la ley est tiel, il est bien prove per un plee dun assise en le Liver dass. An. 38. E. 3. P. 32. le tenor de quel ensuist en tiel forme. En le County de Dorset devant les Justices trove fuit per verdict dassise, (a) que le plaintife que avoit droit per discent de heritage daver les tenements mis en plaint al temps del morant son ancester, fuit demurrant en le ville ou les tenements fueront, & per parolx claime les tenements enter ses vicines, mes pur doubt de mort il nosa approcher les tenements, mes port lassise, & sur cest matter trove, agard fuit suit il recovera, &c.
SECTION 420.—TRADUCTION.
L'existence de cette Loi se prouve par un Plaidoyer rapporté dans le Livre des Assises de la trente-huitieme année d'Edouard III, pag. 32, dont voici la teneur.
Dans le Comté de Dorset il fut prouvé en présence des Juges par le verdict de l'Assise que le plaintif qui avoit droit par succession à des héritages litigieux lors du décès de son aïeul, étant domicilié en la Ville où les héritages étoient situés, les avoit clamés verbalement en présence de ses voisins, & n'avoit cependant osé approcher des fonds dans la crainte d'être tué, sur quoi l'Assise décida que sa clameur étoit bonne.
REMARQUE.
(a) Devant les Justices trove suit per verdict dassise, &c.
Les Juges des Villes ou des Assises ordinaires de chaque canton, étoient reçus par les Comtes ou les Vicomtes, dans le cours de la visite qu'ils faisoient, deux fois par an, des différentes Jurisdictions de leur ressort. La forme de cette réception étoit de mettre entre les mains des Juges une verge, & de leur faire jurer que il loyalment fera les commandements de la Justice le Roi, en droiture, & que les conseils de leur eyre[885] bien councelera. Après cela le Juge reçu présentoit deux ou quatre hommes des plus vertueux de sa Jurisdiction, qu'il avoit choisis pour lui servir de Conseillers, & qui faisoient avec lui serment de se conformer dans leurs Sentences aux cahiers des Réglemens rendus sur les meurtres, larcins & autres matieres que le Vicomte leur notifioit.[886] Chaque Siége des Tribunaux inférieurs ainsi composé, si un particulier ne pouvoit par lui-même, par amis & force[887] recouvrer la possession d'un fonds, il avoit recours à la Chancellerie, où on lui délivroit un Bref qui autorisoit le Juge & ses Assistans de oyer & terminer la querelle solon le cas.[888] En vertu de ce Bref on procédoit à la vue du lieu en la forme que nous avons dite: les exceptions, tant contre l'obtention & la teneur du Bref que contre la personne du demandeur ou contre l'action, étoient proposées & discutées avant tout, & si les parties consentoient s'en rapporter au verdict ou rapport des douze jureurs, solon que le verdict se fesoit le jugement.[889]
[885] Siege ambulant.
[886] Britton, c. 2.
[887] Ibid, c. 44 & 45.
[888] Ibid, pag. 116.
[889] Ibid, c. 52, pag. 133.
SECTION 421.
La tierce chose est a entender, deins quel temps & per quel temps le claime que est dit, continuall claime, servera & aidera celuy que fit le claime & ses heires. Et quant a ceo est ascavoir, que celuy que ad title denter, quant il voyer faire son claime, si il osast approacher la terre, donques il covient alera a la terre ou a parcel de ceo, & faire son claime, & sil nosast approcher la terre pur doubt ou pavor de batterie, ou mayhem, ou mort, donques covient a luy daler & approcher auxy pres come il osast vers la terre ou parcel de ceo, a faire son claime.
SECTION 421.—TRADUCTION.
3o. Mais dans quel temps & pendant quel temps la clameur continuée doit-elle être faite, & peut-elle subsister? le voici. Celui qui a un titre d'entrée peut ou ne peut pas accéder le fonds; au premier cas, il doit aussi-tôt qu'il est parvenu à une portion de ce fonds faire sa clameur; au second cas, s'il appréhende d'être maltraité, blessé ou tué, il ira le plus près qu'il pourra du fonds, & là sa clameur sera valablement faite.
SECTION 422.
Et si son adversary que occupia le terre morust seisie en fee, ou en fee taile deins lan & le jour apres tiel claim, per que les tenements discendont a son fits come heire a luy, uncore poit celuy que fist le claime entrer sur le possession le heire, &c.
SECTION 422.—TRADUCTION.
Si le possesseur de la terre, étant saisi du fonds qu'il tenoit en fief simple ou en fief tail, meurt dans l'an & jour après la clameur faite en la forme ci-dessus, son fils, en lui succédant, ne peut empêcher néanmoins le clamant de reprendre sur lui la possession.
SECTION 423.
Mes en cest cas apres lan & le jour que tiel claime fuit fait, si le pere donques morust seisie ademaine procheine apres lan & le jour, ou un auter jour apres, &c. donques ne poit celuy que fist le claime entrer: & pur ceo si celuy que fist le claime voit estre sure a touts temps que son entre ne serra toll per tiel discent, &c. il covient a luy que deins lan & le jour apres le primer claime fait, de faire un auter claime en le forme avantdit, & deins lan & le jour apres le second claime fait, de faire le tierce claime en mesme le maner, & deins lan & le jour de la tierce claime, de faire un auter claime, & issint ouster, cestascavoir, de faire un claime deins chescun an & jour procheine apres chescun claime fait durant la vie son adversary, & donques, a quecunques temps que son adversary morust seisie son entry ne serra tolle per nul tiel discent. Et tiel claime en tiel maner fait, est pluis communement prise & nosme continuall claime de luy que fist le claime.
SECTION 423.—TRADUCTION.
Mais si le possesseur de la terre mouroit le jour d'après l'an de jour de la clameur, le clamant auroit perdu son droit. Ainsi afin que l'héritier d'un possesseur ne puisse priver un clamant de son droit d'entrée, le clamant doit dans l'an & jour de sa premiere clameur en faire une seconde, & dans l'an & jour de la seconde en faire une troisieme, & ainsi successivement chaque année de la vie du possesseur: à ce moyen il conserve son droit dans quelque temps que ce possesseur décede, & c'est de là que la clameur continuée ou continuelle tire sa dénomination.
SECTION 424.
Mes uncore en le cas avantdit, lou son adversary morust deins lan & la jour procheine apres le claime, ceo est en Ley un continual claime entant, que ladversary deins lan & le jour procheine apres mesme la claime morust. Car il ne besoigne a celuy que fit son claime de faire ascun auter claime, mes a quel temps que il voit deins mesme lan & jour, (a) &c.
SECTION 424.—TRADUCTION.
Si le possesseur mouroit en dedans l'an & jour de la clameur, ceci n'empêcheroit pas que cette clameur ne pût être appellée continuelle; car ce possesseur en mourant immédiatement après l'an & jour d'une premiere clameur, il est inutile que le clamant en fasse une seconde, puisque, selon la Loi, il pouvoit choisir tel jour qu'il vouloit dans la deuxieme année pour faire cette seconde clameur.
REMARQUE.
(a) Lan & jour.
Dans l'espece proposée par Littleton, il n'étoit question que de conserver un droit sur une possession usurpée: or, pour interrompre la prescription, il suffisoit de témoigner, au moins chaque année, qu'on n'avoit pas renoncé à ce droit; par là, en effet, on constituoit en mauvaise foi le possesseur, dont la possession ne pouvoit être légitime, qu'autant que le véritable propriétaire auroit paru l'autoriser par son silence. La Loi étoit différente lorsqu'il s'agissoit de déposséder un acquereur qui l'étoit à prix d'argent; le terme d'an & jour étoit en ce cas fatal, il ne pouvoit être prorogé. Quicumque tenuerit terras suas in pace per unum annum & unum diem & sine calumniâ quasi fideliter emit, &c. siquis eum calumniaverit post annum & diem, &c. numquam audietur, &c.[890]
[890] Leg. Burg. c. 9.
Cette prescription d'an & jour, reçue dans les Loix d'Angleterre & d'Ecosse, vient des François.[891] On n'en voit aucunes traces dans les Capitulaires indiqués par du Cange;[892] il y est seulement dit que les Actes où le jour & l'année de leur rédaction auront été exprimés, ne pourront être révoqués. C'est dans la Loi Salique qu'on trouve l'origine de cette Coutume. Si quis, dit cette Loi, migraverit in villam alienam & ei aliquid infra duodecim menses secundum legem contestatum non fuerit, securus ibidem consistat.[893]
[891] Etablissement de Saint Louis, c. 154.
[892] Du Cange, verbo annus & dies. Il cite Leg. Bajwarior. Tit. 15, Sect. 13, & Capitul. Carol. Magn. L. 6, c. 147. Leg. Alaman. Titul. 43.
[893] Balus. Collect. 1er. vol. col. 313.
SECTION 425.
Item, sil ladversary soit disseisie deins lan & le jour apres tiel claime, & le disseisor ent morust seisie deins lan & le jour, &c. tiel morant seisie ne grievera my celuy que fist le claime, mes que il poit enter, &c. Car quecunque soit que morust seisie deins lan & le jour procheine apres tiel claime fait, ceo ne grievera my celuy que fist le claime, mes que il poit enter, &c. coment que fueront plusors morant seisie, & plusors discents deins mesme lan & le jour, &c.
SECTION 425.—TRADUCTION.
Si le possesseur est dessaisi dans l'an & jour après la clameur, celui qui l'a dépossédé décédant avant l'an & jour expiré, & après avoir pris possession des fonds, le clamant ne perd pas pour cela le droit d'entrée que sa clameur lui a donné. Car lors même qu'il y auroit eu successivement plusieurs possesseurs ou plusieurs héritiers d'un fonds dans l'an & jour, le droit du clamant n'en pourroit souffrir aucun préjudice.
SECTION 426.
Item, si home soit disseisie, & le disseisor morust seisie deins lan & le jour prochein apres le disseisin fait, per que les tenements discendont a son heire, en cest case lentrie le disseisie est toll, car lan & le jour que aidroit le disseisee en tiel case, ne serra pris de temps de title dentre a luy accrue, mes tantsolement de temps del claime per luy fait en le manner avantdit, & pur cel cause il serroit bone per tiel disseisee, pur faire son claime en axy breve temps que il puissoit apres le disseisin, &c.
SECTION 426.—TRADUCTION.
Si un homme ayant été dépossédé d'un fonds, celui qui l'a dépossédé meurt, saisi de ce même fonds, dans l'an & jour après la dépossession, & si par son décès il le transmet à son héritier, en ce cas le dessaisi perd le droit de rentrer dans le fonds, parce que l'an & jour au moyen duquel il auroit pu recouvrer sa possession ne doit pas se compter du jour de la dessaisine qui est le fondement de son droit d'entrée, mais du temps de la clameur qu'il auroit pu faire en la forme ci-dessus prescrite, clameur que son héritier n'a pas le droit d'intenter. Or, pour parer à cet inconvénient, le plus sûr parti pour tout homme qui est dépossédé est de faire sa clameur le plutôt qu'il peut après sa dépossession.
SECTION 427.
Item, si tiel disseisor occupia la terre per xl ans, ou per plusors ans sans ascun claime fait per le disseisee, &c. Et le disseisee per petit space devaunt le mort del disseisor fait un claime en le forme avantdit, si issint fortunast que deins lan & le jour apres tiel claime le disseisor morust, &c. lentry le disseisee est congeable, &c. & pur ceo il serroit bone (a) pur tiel home que ne fist claime que ad bone title dentrie, quant il oyet que son adversary gist languishment, de faire son claime, &c.
SECTION 427.—TRADUCTION.
Si celui qui en a dépossédé un autre jouit de la terre pendant quarante ans ou pendant un moindre nombre d'années sans reclamation de la part du dessaisi, quand même ce dernier peu auparavant la mort du possesseur feroit une clameur en la forme prescrite par les articles précédens, & quand même le possesseur décéderoit dans l'an & jour de cette clameur, le dessaisi ne pourroit rentrer dans le fonds. C'est pourquoi il convient qu'un dessaisi, en pareil cas, ne clame qu'en vertu d'un titre d'entrée; car ce n'est qu'autant qu'on est porteur d'un pareil titre qu'une clameur, faite dans le temps où un possesseur est malade, peut être valable.
REMARQUE.
(a) Et pur ceo il serroit bone, &c.
Le motif de cet article part de ce principe de la Loi des Bavarois,[894] que contre un titre on ne pouvoit opposer de prescription. La prescription de quarante ans n'avoit d'abord été établie en France qu'en faveur des Eglises, & celle de trente ans suffisoit alors pour acquerir la propriété des immeubles entre laïcs;[895] mais les regles suivies pour l'administration des biens Ecclésiastiques devinrent la plupart communes aux Fiefs après leur institution; & des Fiefs, la prescription quadragénaire passa en Normandie à toutes les autres especes de biens.
[894] Leg. Bajwarior. Tit. 11, Sect. 3.
[895] Capitul. L. 5, c. 389.
SECTION 428.
Item, si come est dit en les cases mises, lou home ad title dentre pur cause dun disseisin, &c. Mesme la Ley est lou home ad droit dentre per cause de ascun auter title, &c.
SECTION 428.—TRADUCTION.
En un mot, tout ce qui a été dit du droit d'entrée, qui a pour principe une dépossession, doit, selon la Loy, s'appliquer à toute autre cause qui donne le droit d'entrée.
SECTION 429.
Item, de les dits Presidents poies scaver (mon fits) deux choses. Un est, lou home ad title dentre sur un tenant en le taile, sil fist un tiel claim a la terre, donques est lestate taile defeat, car cel claime est come entre fait pur luy, & est de mesme le fect en Ley, sicome il fuissoit sur mesmes tenements, & ust enter en mesmes les tenements, come devant est dit. Et donques quant le tenant en le taile immediate puis tiel claime continua son occupation en les tenements, ceo est un disseisin fait de mesmes les tenements, a celuy que fist tiel claim, & sic per consequens, le tenant adonques ad fee simple.
SECTION 429.—TRADUCTION.
Des observations précédentes, mon fils, vous pouvez conclure deux choses.
1o. Lorsqu'on a titre d'entrée sur un tenant en tail, & que l'on clame la terre de la maniere ci-devant indiquée, la tenure en tail est interrompue par cette clameur verbale aussi efficacement que si de fait on avoit occupé le fonds; d'où il suit que si après la clameur le tenant en tail continue d'occuper les tenements, il dessaisit par-là le clamant, & possede dès-lors le fonds en fief simple.
SECTION 430.
Le second chose est, que auxy sovent (a) que il que ad droit dentre fait tiel claim, & ceo nient contristeant son adversary continua son occupation, auxy sovent ladversary fait tort & disseisin (b) a celuy que fist le claim. Et pur cel cause auxy sovent poit celuy que fist mesme le claime pur chescun tiel tort & disseisin fait a luy, aver un briefe de trespassement. Quare clausum fregit, &c. & recovera ses damages, &c.
SECTION 430.—TRADUCTION.
2o. Aussi souvent que celui qui a droit d'entrée clame un fonds, & laisse le tenant en possession sans se pourvoir en Justice pour l'expulser, aussi souvent le tenant qui continue son occupation dessaisit le clamant; & par cette raison toutes les fois que le clamé refuse de desemparer le fonds, le clamant doit obtenir le Bref de trépassement, quare clausum fregit, pour avoir des dommages & intérêts.
REMARQUES.
(a) Auxy sovent, &c.
Le Seigneur est encore obligé, en Normandie, de recommencer les diligences de la prise de Fief, autant de fois qu'il a négligé de les mettre dans l'an à exécution.[896]
[896] Cout. Réform. de Norman. art. 111.
(b) Tort & disseisin.
On pouvoit faire tort & disseisine ou interrompre une possession par négligence ou par torcenouse,[897] sans rien faire.[898] Par exemple, en laissant usurper par son voisin partie d'un fonds dont on n'étoit qu'usufruitier, où ne voulant pas sortir d'un fonds pour en laisser l'usage au légitime possesseur qui le reclamoit: le Bref, dans tous ces cas, étoit le même que celui dressé pour revendiquer un fonds dont on auroit été privé de jouir par violence; ce n'a été que par succession de temps qu'il y a eu des Brefs ou chaque cause en particulier a été spécialement désignée.
[897] Voie de fait.
[898] Britton, c. 61, de Nosaunces.
SECTION 431.
Ou il poit aver un briefe sur l' statute le Roy R. l' second, fait lan de son raigne 5. supposant per son briefe que son adversary avoit enter en les terres ou tenements celuy que fist le claime, ou son entry ne fuit pas done per la ley, &c. & per tiel action il recovera ses dammages, &c. Et si le case fuit tiel, que ladversary occupiast les tenements oue force & armes ou oue multitude de gents a temps de tiel claime, &c. immediate apres mesme le claime, poit celuy que fist le claime, pur chescun tiel fait aver un briefe de forcible entry, (a) & recovera ses treble dammages, (b) &c.
SECTION 431.—TRADUCTION.
Le Statut du Roi Richard II, en la cinquieme année de son regne, fait mention d'un Bref, par lequel il est dit qu'un possesseur étoit entré dans le fonds d'un clamant, sans y avoir été autorisé par la Loi, &c. & qu'en conséquence le clamant obtint des dommages & intérêts, &c. Dans l'espece de ce Bref le possesseur s'étoit maintenu dans les fonds à main armée, & avec une troupe de gens qu'il avoit assemblés pour l'assister au moment de la clameur: or, le clamant immédiatement après sa clameur, dans une pareille circonstance, peut avoir un Bref d'entrée violente, & recouvrer une indemnité proportionnée au tort qu'il a souffert.
REMARQUES.
(a) Briefe de forcible entry.
En fait de possession, on étoit exposé à trois sortes d'oppositions, les unes simplement dommageables, les autres violentes; les dernieres réunissoient ces deux caracteres. Noysaunces sount ascunes torcenouses & damajouses & ascunes damajouses & torcenouses, & pur ceo covient a chescun pleyntife en ceo cas monstrer a quel damage que la noysaunce est faite.[899]
[899] Britton, c. 61.
Les dommageables comprenoient tous les Actes qui, sans attaquer la personne, préjudicioient un droit, ou empêchoient celui qui l'avoit de l'effectuer; ainsi on faisoit un simple dommage en envoyant pâturer, comme commune, un fonds qui appartenoit à un légitime héritier.
Les violentes étoient celles qui, uniquement dirigées contre la personne, laissoient le fonds dans son état naturel.
Les autres s'étendoient à tous les cas où on rendoit inutiles, par la force, les précautions prises par le possesseur pour se conserver ce titre. Par exemple, si on brisoit des barrieres, si on renversoit un mur ou un fossé, si on déracinoit une haie pour rendre accessible un fonds à des étrangers; car par-là on faisoit tort au fonds & au propriétaire: au fonds, en changeant l'usage auquel il étoit destiné; au propriétaire, en l'obligeant à de nouveaux travaux. La procédure & les condamnations relatives au Bref de forcible entry, varioient selon l'espece de tort dont on se plaignoit, & dont on faisoit la preuve.[900]
[900] Glanville, L. 13, c. 34.
Quant aux condamnations: ou l'on ordonnoit la restitution des fruits, on l'on ajugeoit des dommages & intérêts, ou l'on condamnoit l'accusé en une amende. Quant à la procédure: aussi-tôt que le Juge avoit reçu le Bref, il convoquoit, pour le jour le plus prochain, ses Assistans ordinaires, dont quelques uns étoient députés pour faire la vue du lieu, & sur leur rapport ce Juge prononçoit.
Le demandeur ni le défendeur n'étoient admis à proposer, en ce cas, aucunes excuses ou exoines, rien n'étant plus urgent que de rétablir les parties dans l'état dont elles avoient été violemment dépouillées. Tout se décidoit sommairement.[901]
[901] Britton, c. 62. Glanville, ibid, c. 38.
(b) Treble dammages.
Dans l'espece proposée par notre Auteur, l'indemnité étoit due 1o. pour la violence, 2o. pour l'injustice de l'opposition, 3o. pour la perte de la jouissance. Cette indemnité devoit donc être triple. Telle étoit l'indemnité fixée par les Capitulaires de nos Rois, en faveur de celui dont on avoit violé l'asyle[902] pour le voler.
[902] Capitul. L. 3, no. 65, Collect. Balus. col. 766, si quis domum alienam cujuslibet infregerit, &c. illi cujus domus fuerit infracta... in triplum componat.
SECTION 432.
Item, il est a veier, si le servant dun home que ad title denter, poit per l' commandement son master faire continual claime pur son master ou non.
SECTION 432.—TRADUCTION.
Il s'agit maintenant d'examiner si le domestique d'une personne qui a le droit d'entrée sur un fonds peut continuer valablement une clameur pour son maître.
SECTION 433.
Et il semble que en ascuns cases il poit ceo faire, car sil per son commandement vient a ascun parcel de la terre & la fait claime, &c. en le nosme son master, cest claime est assets bone pur son master, pur ceo que il fait tout ceo que son master covient faire ou devoit faire en tiel cas, &c. Auxy si le master dit a son servant, que il ne osast vener a la terre, ne ascun parcel de la terre, pur faire son claime, &c. & que il ne osast approcher pluis prochein a la terre, forsque a tiel lieu appell dale, & commanda son servant dale a mesme le lieu de dale, & la faire un claime pur luy, &c. si le servant issint fait, &c. ceo semble auxy bone claime pur son master, sicome son master la fuit en proper person, pur ceo que le servant fist tout ceo que son master osast & devoit faire per la ley en tiel case, &c.
SECTION 433.—TRADUCTION.
Il paroît qu'en bien des cas le maître a la faculté de faire remplir cette formalité par son domestique; car si ce domestique vient sur une portion du fonds, & le clame au nom de son maître, il fait tout ce que celui-ci auroit pu faire. D'ailleurs il peut arriver qu'un maître n'ose approcher d'aucune partie du terrein pour faire sa clameur. Or, dans ce cas, s'il commande à son domestique d'aller jusqu'à un vallon qui est le lieu le plus prochain du fonds qu'il ait pu lui-même accéder, ce domestique, en exécutant ses ordres, le représente; & en faisant tout ce que son maître étoit obligé de faire, c'est-à-dire, en allant jusqu'au lieu indiqué par ce dernier, & en y faisant sa clameur, ceci doit suffire.
SECTION 434.
Auxy si home soit cy languishant, ou cy decrepyte, que il ne poit per nul maner vener a le terre, ne a ascun parcel de ycel, ou si un recluse soit, que ne poit per cause de son order aler hors de sa meason. Si tiel maner de person commaunder son servant daler & faire claime pur luy, & tiel servant ne osast aler a le terre, ne a ascun parcel de ceo pur doubt de batery, mayhem, ou mort, &c. & pur cel cause tiel servant vient auxy pres a la terre come il osast pur tiel doubt, & fait l' claime, &c. pur son master, il semble que tiel claime pur son master est assets fort, & bon en ley. Car auterment son master serroit en tresgrand mischiefe, car il bien poit estre que tiel person que est languishant, decrepite, ou recluse, ne poit trover ascun servant que osast aler a la terre, ne ascun parcel de cel pur faire le claime pur luy, &c.
SECTION 434.—TRADUCTION.
Il en est de même lorsqu'un homme est infirme ou si décrépit qu'il ne peut aller en personne clamer un fonds, ou lorsque par état il est obligé de garder la clôture; car il peut alors se faire représenter par son serviteur, & si celui-ci ne peut accéder le fonds dans la crainte d'être battu, blessé ou tué, il suffit qu'il fasse sa clameur le plus près qu'il pourra de ce fonds, autrement un maître seroit bien à plaindre de ne pouvoir, par son état ou ses infirmités, faire valoir un droit que la Loi lui accorderoit.
SECTION 435.
Mes si le master de tiel servant soit de bone sane, & poit & osast bien aler a les tenements, ou a parcel de ceo de faire son claime, &c. si tiel master commanda son servant daler a ascun parcel de la terre a faire claime pur luy, & quant le servant est an alant de faire le commandement de son master, il oye per le voy tielx choses que il ne osast vener a ascun parcel de la terre pur faire le claime pur son master, & pur cel cause il vient auxy pres la terre come il osast pur doubt de mort, & la fait claime pur son master, & en le nosme de son master, &c. il semble que le doubt en le ley en tiel case serroit, si tiel claime availera son master, ou nemy, pur ceo que le servant ne fist tout ceo que son master al temps de son commandement osast faire, &c. Quære.
SECTION 435.—TRADUCTION.
Mais si un maître se portant bien, & étant en état de se transporter sur les fonds y envoie son domestique pour faire sa clameur, & si celui-ci apprenant dans le chemin des choses qui l'intimident & ne lui permettent d'approcher des fonds qu'il est chargé de clamer, qu'autant qu'il faut pour n'être point en danger de sa vie, il n'est pas certain que la clameur de ce domestique vaille, parce qu'en effet il n'a pas fait tout ce que son maître auroit pu faire. Au reste, on peut examiner cette question.
SECTION 436.
Item, ascuns ont dit que lou home est en prison, (a) & est disseisie, & le disseisor morust seisie durant le temps que le disseisie est en prison, per que les tenements discendont al heire del disseisor, ils ont dit, que ceo ne noiera my le disseisee que est en prison, mes que il bien poit enter, nient obstant tiel discent, pur ceo que il ne puissoit faire continual claim, quant il fuit en prison.
SECTION 436.—TRADUCTION.
Plusieurs tiennent que lorsqu'un homme est en prison & dessaisi d'un fonds, & que celui qui l'a dépossédé, décédant possesseur de ce fonds, le transmet à son héritier, le prisonnier ne perd point pour cela le droit d'entrée.
ANCIEN COUTUMIER.
S'aulcun est tenu en prison, il n'est pas tenu à respondre des querelles fieffaux devant qu'il soit délivré. Ch. 48.
Langueur... géfine de femme.... non aage.... Loft au Prince de Normandie dès le jour qu'il est banni, le privilége aux croisiés.... prolongent les querelles.... Ch. 40, 41, 43, 44 & 45.
S'aulcun a reçu semonces de divers Juges d'estre en divers lieux en un mesme jour, il doit aller à la Court au plus haut. Ch. 46.
REMARQUES.
(a) Lou home est en prison.
Les excuses, empêchemens ou essoines, approuvées par les Coutumes Anglo-Normandes, étoient admises dans les Tribunaux des premiers François:[903] ils les appelloient sunnia.[904] On ne les proposoit aux Juges que sous la foi du serment,[905] & lorsqu'on avoit différé de reclamer ou de défendre un droit dans le temps prescrit par la Loi ou par les Ordonnances de la Jurisdiction en laquelle on étoit en procès.
[903] Pactus Childeberti & Clotarii, ann. 593. Balus. tom. 1, col. 15. Leg. Ripuar. Sect. 22, art. 1. Leg. Salic. tit. 1, art. 1. Capitul. Car. Magn. L. 3, c. 44. Marculphi, Formul. 37, L. 1.
[904] Si c'est de ce mot que saons est venu, saoner un témoin n'est pas proprement le reprocher, mais désigne l'empêchement qu'il y a à ce que son témoignage soit admis.
[905] Formul. Lindebrog. 168.
Les établissemens de Saint Louis reçoivent comme excuses resnables, (raisonnables) la maladie, la nécessité d'assister un fils, un pere, une mere, des freres, des neveux lorsqu'ils sont en danger de mort.[906] Les Recueils de Jurisprudence Angloise nous les offrent dans un plus grand détail: Essoynes nessent si come de service de Dieu & de nous, encusement de crime, malady & force.
[906] Etablissement, c. 102 & 120.
Service de Dieu, si come pelerinage; notre service, si come estre le defens de nous de notre people & de notre realme; encusement de crime, come si ascun soit appelle de vie & de membre nest tenu a respondre, si la que la greignure cause soit descendue; malady si come est de ceux qui se movent vers la Court & sount en chemin surpris de malady; force si come est de ceux qui sount desturbes par imprisonement ou de larouns ou de autres ennemis par chemin, ou de brisures de pounts ou de autres passages ou trop de tempeste ou de faulte de bataux ou de neefs.[907]
[907] Britton, c. 122.
Chaque espece d'excuse avoit des effets différens. Une infirmité habituelle autorisoit celui qui en étoit attaqué d'agir ou de se défendre par Procureur; on accordoit, pour comparoître sur une action, des délais proportionnés à la nature des maladies qui n'étoient qu'accidentelles. On ne pouvoit poursuivre celui qui étoit en voyage d'outre-mer, ni prescrire contre lui qu'après son retour. S'il ne voyageoit que dans les mers de France, d'Irlande, d'Ecosse, le délai qu'on lui accordoit étoit fixé à quarante jours & une marée.[908]
[908] Glanville, L. 1, c. 12. jusqu'au 28. Britton, c. 123.
Tout homme en prison, ou retenu par quelque force majeure, conservoit la faculté de faire valoir ses droits jusqu'au moment où l'obstacle qui l'avoit privé d'en jouir étoit cessé. Quand l'excuse étoit proposée contre une assignation, celui qui avoit été chargé de certifier l'excuse au Juge, devoit donner caution de la vérité du fait,[909] & l'adversaire de l'absent avoit le choix, ou de faire constater ce fait par des témoins, ou d'accorder un délai pour que l'absent se fît représenter par un Attourné ou porteur de procuration. Mais s'il s'agissoit de la restitution d'un droit usurpé pendant l'absence ou la détention forcée de quelqu'un, il falloit obtenir un Bref pour être autorisé d'appeller en cause l'usurpateur, & de constater l'impuissance où on avoit été de conserver sa possession sur le fonds au temps de l'invasion.[910]
[909] Quoniam attachiament. c. 33, no 2 Collect. Sken.
[910] Reg. Majest. Stat. 1, Robert. I, c. 6, no. 1 & 2.
SECTION 437.
Mes lopinion de touts les Justices, P. 11. H. 7. fuit que si le disseisin soit avant lemprisonment, coment que le morant seisie soit, il esteant en le prison son entrie est tolle.
Et auxy si tiel que est en prison soit utlage (a) in action de debt, (b) ou trespasse, ou en appeale de Robberie, &c. (c) il reversera tiel utlagarie envers luy pronounce, &c.
SECTION 437.—TRADUCTION.
Mais tous les Juges, dans le onzieme Plaid tenu sous Henri VII, furent d'opinion que si quelqu'un avoit été dessaisi d'un fonds avant son emprisonnement, il ne pouvoit revendiquer ce fonds, quand même il prouveroit que celui qui l'auroit dépossédé seroit mort durant sa détention.
Il est encore essentiel d'observer que si un homme étant en prison est jugé par contumace sur une action de dette ou d'excès, ou sur un appel en duel pour vol, &c. il peut après sa délivrance, faire rapporter sa Sentence.
REMARQUES.
(a) Utlage signifie en général un banni. Ici ce mot désigne un homme jugé par défaut. Le bannissement étoit la peine que l'on prononçoit ordinairement contre ceux qui refusoient de venir se défendre en Justice. Quant a la peine des utlages en lour vies pour lour felonie, soit tele que pour ceo que ils ne voilent la luy attendre, si soient ils forjugez de chescune ley & hors de nostre pees,[911] & soient responaunts a tous & nul a eux, & soient juges pur felons, & qui les tuera quite soyt de lour mort, & lour Chateaux[912] soient nostres, & lour heires a remenaunt[913] disheritez de toute maniere de heritage.[914] Les bannis avoient deux moyens de se mettre à l'abri de la rigueur de la Loi; l'un de grace, l'autre de droit. Le premier consistoit à obtenir du Roi une Chartre ou Sauf-conduit qu'ils devoient toujours porter sur eux; mais ce Sauf-conduit, en conservant leur vie, ne leur restituoit pas leurs biens, & ne leur donnoit pas la faculté d'agir contre leurs débiteurs ni d'intenter aucune action. Le second moyen qui étoit de droit, pouvoit être employé par ceux qui avoient été condamnés sans avoir été dûement semoncés ou assignés, ou qui avoient été condamnés après l'audience fixée par l'assignation, ou dont la Sentence avoit été rendue dans un Comté où ils n'avoient pas leur domicile, ou durant leur minorité, ou tandis qu'ils étoient hors le Royalme, ou détenus en prison; ou enfin lorsque le motif de la condamnation étoit évidemment nulle, come si celuy qui duist aver est occis, soit uncore plein de vie, en tiels cas & en aultres semblables, les bannis pouvoient se rendre en prison, exposer aux Juges leurs raisons. Ceux-ci en informoient la Cour du Roi, & le Roi adressoit à ses Juges un Bref par lequel il leur étoit enjoint de faire publier, après informations, en citez, en burghes, en feyres, en marchez, que la cause du bannissement étant fausse, le banni étoit restitué en ses terres & en tous ses droits. Ce Bref s'appelloit Bref d'erreur.
[911] Paix.
[912] Meubles.
[913] Demeurans avec eux.
[914] Britton, c. 12.
(b) Action de debt.
On pouvoit poursuivre son débiteur sans Bref, quand il s'agissoit d'une somme moindre que quarante sols;[915] pour les sommes plus fortes, le Bref qu'on étoit obligé d'obtenir étoit ainsi conçu:
[915] Britton, c. 28. Quoniam attachiament. c. 81.
Rex vicecomiti salutem: præcipe N... quod juste & sine dilatione reddat R... tantum marcas quas et debet ut dicit & unde queritur quod ipse ei deforciat, & nisi fecerit summone eum per bonos summonitores quod sit coram me vel justiciis meis in quindecim dies ostensurus quare non fecerit, & habeas ibi summonitores & hoc breve.[916]
[916] Glanville, L. 10, c. 2.
On contractoit une dette de quatre manieres, par dépôt, par parole, par écrit, par consentement; par dépôt, le dépositaire étoit obligé de rendre ce qui lui avoit été confié, au jour indiqué, dans le même état qu'il l'avoit reçu, à moins qu'il ne l'eût perdu sur mer, ou par le feu, ou que des voleurs ne le lui eussent enlevé: cependant si le dépositaire passant dans un grand-chemin monstroit folement l'argent qu'on lui avoit remis & étoit volé, il n'étoit pas pour cela déchargé du dépôt, pur ceo que il ne mist mye sa deligence de les deniers garder.[917]
[917] Britton, c. 28.
La dette contractée verbalement, si elle étoit niée, ne pouvoit être justifiée que par des témoins. La dette dont il y avoit une obligation écrite, étoit susceptible de plusieurs exceptions. Le débiteur pouvoit soutenir que en temps de la rédaction de cet Escript, il avoit perdu son seal, qu'il l'avoit fait publier & crier per Esglises & per merchez, & que depuis ce temps il n'avoit fait aucun usage de son sceau; on faisoit enquête dans le pays de l'exactitude de ce soutien, & le Verdict, ou rapport des voisins du débiteur, décidoit la cause. Le débiteur pouvoit encore arguer l'obligation de faulseté, lorsqu'elle étoit datée du temps où il avoit été en prison, ou quand on y remarquoit diversitie de mayn, d'encre & d'écriture, ou que le sceau pouvoit en être détaché & y être appliqué par adresse. Une obligation prétendue faite par un Seigneur particulier au profit de son Senechal ou de son Chambellan, ne pouvoit encore l'assujettir, s'il prouvoit que ses Officiers avoient eu la garde de son sceau ou cachet, au temps de la date de l'obligation. Il en étoit de même des Actes opposés à une femme qui faisoit demeurer constant judiciairement, que lors qu'ils avoient été faits, elle étoit en puissance de mari, coverte de baron. Car nous ne volons mye que feme pusse obliger son baron. Enfin, sans un consentement exprès, nul n'étoit obligé. Ainsi les seurs, les pou es sots, les enfaunts en lour tendre age, les lunatikes & frentikes, ne gents de Religion, ne villains, avec cette genste ne tenent nul contracte, ne nulle obligation. Delà aussi les obligations qui renfermoient une condition impossible ou malhonnête, étoient sans valeur, come si tu me faces aver la lune, ou si tu occis tiel home jeo te doyrai.
On trouvera peut-être minutieux les détails auxquels se livrent les anciens Jurisconsultes Normands & Anglois; mais j'ai cru devoir les copier, lorsque les maximes qu'ils nous ont conservées m'ont paru peindre les mœurs de ceux qui les leur avoient transmises. Que de rapports l'on découvre entre ces mœurs & celles de nos premiers François! Après la Sentence de condamnation contre le débiteur, il avoit encore quinze jours pour payer,[918] suivant la Loi Salique; & ce n'étoit qu'apres des sommations réitérées que le créancier prenoit de ses meubles jusques à concurrence de la valeur de sa crédite. Les Coutumes de Normandie, d'Angleterre & d'Ecosse, prescrivent les mêmes procédures, fixent les mêmes délais, & punissent le débiteur de la même peine & dans les mêmes termes.[919] A ces Loix nous en avons substitué de plus subtiles; mais ne fournissent-elles pas aux injustes des facilités capables de faire prévaloir leur subtilité sur celle des Loix?
[918] Voyez ch. 52 & 54 de la Loi Salique, col. 316 & 317. Balus. Collect.
[919] Quoniam attachiament. c. 7, no. 1.
(c) Appeale de robberie, &c.
Par les anciennes Loix Normandes, on ne pouvoit forcer quelqu'un de combattre que pour les crimes capitaux, & le vol étoit de ce genre. Rien ne nous paroît plus absurde, sans doute, que l'usage où l'on étoit autrefois de confier au hazard d'un duel la justification d'un accusé. Que dirons-nous donc des procédures que nous employons maintenant pour la découverte des crimes? Que d'inconvéniens en résultent? C'est l'accusateur qui, parmi nous, choisit à son gre les témoins: et quels témoins! La crainte, l'amitié, l'intérêt n'exercent-ils jamais leur empire sur leur conscience? L'accusé a-t-il toujours en sa disposition les moyens d'approfondir ou de développer les motifs secrets qui les animent contre lui? Qui peut être à l'abri d'une injuste condamnation, quand sa fortune, son honneur, sa vie même ne dépendent que de la déposition de deux témoins, dont on n'a pas même le temps d'examiner les caracteres, les mœurs, les liaisons? Ces témoins ne peuvent-ils pas être les complices d'un calomniateur? Si cela est, ils ont à loisir concerté l'accusation & imaginé les circonstances les plus capables de la réaliser aux yeux des Juges. Comment, dans le délai de quelques jours, démêler leurs intrigues, acquérir des preuves de leur perversité? Tels sont les reproches qu'un célebre Jurisconsulte Anglois, (Fortescue)[920] fait contre nos usages; à l'appui de ses plaintes il cite cet exemple: Magister Johannes FRINGE qui postquam annis tribus sacerdotali functus est officio, duorum iniquorum depositione qui eum antea juvenculam quamdam affidasse testati sunt, sacrum Presbiteratûs ordinem relinquere compulsus est, & matrimonium cum feminâ illâ consummare, cum quâ postquam annis quatuor decim moratus sobolem septimam suscitaverat; demum de crimine lesæ Majestatis conjurato convictus, subornatos fuisse testes illos & falsum dixisse testimonium, in mortis suæ articulo coram omni populo fassus est.
[920] Fortescue, c. 21, fol. 23 & 24.
Or, combien de fois des faux-témoins ont-ils occasionné des maux encore plus funestes? La loi du combat rendoit les accusations d'autant plus rares, que les accusateurs partageoient les hazards auxquels ils exposoient l'accusé; au lieu que la facilité de trouver des témoins doit rendre le crime plus commun. Si deux méchans suffisent pour perdre un innocent ou sauver un coupable, les méchans manqueront-ils jamais de gens intéressés à servir la vengeance, ou à procurer l'impunité de leurs semblables? Notre Jurisconsulte ne se borne pas à critiquer l'usage que nous faisons des témoins dans l'instruction des procès criminels; l'abus de la question que l'on donne aux accusés, pour les forcer d'approuver les témoignages sur lesquels on les condamne, est, selon lui, le comble de la barbarie. Non igitur contenta est lex Franciæ in criminalibus ubi mors imminet, reum testibus convincere, ne falsidicorum testimonio sanguis innocens condemnetur; sed mavult lex illa reos tales torturis cruciari quousque ipsi eorum reatum confiteantur, quàm testium depositione qui sæpe passionibus iniquis & quandoque subornatione malorum ad perjurias stimulantur. Quali cautione & astutiâ criminosi etiam & de criminibus suspecti tot torturarum, in regno illo, generibus affliguntur, quòd fastidit calamus ea litteris designare. Quidam vero in equuleis extenduntur quo eorum rumpuntur nervi & venæ in sanguinis fluenta prorumpunt; quorumdam vero diversorum ponderum pendulis dissolvuntur compagines & juncturæ; & quorumdam gaggantur ora, usque dum per illa tot aquarum infundantur fluenta, ut ipsorum venter montis tumescat more, quo tunc venter ille fossorio vel simili percussus instrumento per os aquam illam evomit ad instar balenæ, quæ, cum allecibus & aliis pisciculis mare absorbuit, aquam despumat ad altitudinem arboris pini. Piget, proh pudor, jam penna exquisitorum ad hæc cruciatuum enarrare immania.... Sed quis tam duri animi est qui semel ab atroci tanto torculari laxatus, non potius innocens ille omnia fateretur scelerum genera, quam acerbitatem sic experti iterum subire tormenti, & non semel mori mallet?
J'ai connu, ajoute cet Auteur, un criminel qui étant appliqué à la question accusa, au milieu des tourmens, un Chevalier très-respectable & fidele sujet du Roi, d'avoir été complice d'une conjuration; mais à peine l'eut-on relâché de la torture que, se trouvant en danger de sa vie, on lui administra le Saint Viatique: après l'avoir reçu avec la plus grande ferveur, il jura sur le Corps de Jesus-Christ, & par la mort qu'il s'attendoit de subir, que le Chevalier qu'il avoit accusé étoit innocent, & que les douleurs qu'il avoit souffertes avoient été si horribles, que plutôt que de les éprouver de nouveau, non-seulement il réitéreroit son accusation contre cet innocent, mais contre son propre pere.[921] On ne peut, ce me semble, nier que les réflexions de Fortescue ne soient solides. La Loi du combat avoit des inconvéniens; mais celle qui fait dépendre le sort du citoyen du témoignage de deux hommes, & d'aveux arrachés à force de tourmens, en entraîne après elle de plus terribles encore.
[921] Fortescue, c. 22.
Les Anglois paroissent avoir évité les funestes effets que ces deux sortes de Loix pouvoient produire; en abolissant la formalité du duel, ils ont rendu communes aux matieres criminelles les procédures que les François leurs vainqueurs avoient établies parmi eux pour l'instruction des causes civiles.[922]
[922] Dans le temps même où la Loi du combat subsistoit l'accusé pouvoit l'éviter en s'en rapportant au jugement de douze hommes légaux. Quoniam attachiament. c. 61. Sit ad libitum appellari utrum velit duellum vel purgationem 12 fidelium hominum accipere.
Si un accusé de vol, étant traduit devant ses Juges, persiste à se dire innocent, le Vicomte du lieu où le crime a été commis, appelle en la Cour, où le Jugement doit se rendre, vingt-quatre des plus honnêtes gens de ce même lieu. De ces vingt-quatre on en prend douze qui ne sont ni parens, ni alliés, ni amis de l'accusé, & qui ont chacun en fonds de terre au moins trois cens livres de revenu. C'est en leur présence que les témoins sont entendus, & de leur avis que le Jugement se prononce. Il y a plus, l'accusé a le droit de récuser jusqu'à trente-cinq témoins sans en dire les causes.[923] Il n'est pas douteux que tant de précautions prises pour faire punir un coupable, le soustraient quelquefois au châtiment qu'il mérite; mais, mallem reverà, dit Fortescue, viginti facinorosos mortem pietate evadere, quàm justum bonum injustè condemnari. Pourquoi donc, demande cet Auteur, a-t'on abandonné des regles si conformes à l'humanité dans les autres Royaumes d'où l'Angleterre les a elle-même tirées? Voici la raison qu'il en donne. Il y a en Angleterre tant de propriétaires de fonds de terre qui les font valoir eux-mêmes, que le Village le moins considérable peut fournir douze peres de familles jouissans de fonds suffisans pour former une Jurée: il y en a qui ont plus de deux mille écus de revenu. Peut-on craindre que des personnes si opulentes sacrifient leur honneur & leur fortune pour perdre un innocent?
[923] Fortescue, c. 27 & 28. Thom. Smith. Angl. Descript. c. 18 & 26.
En France, au contraire, les Propriétaires des fonds situés en campagne ne les occupent pas; la plupart fixent leur domicile dans les Villes, & confient l'exploitation de leurs terres à des Colons peu jaloux de leur réputation, pauvres & mal éduqués, quibus non est verecundia infamiæ, nec timor jacturæ bonorum, ipsi etiam rusticitatis ruditate obcæcati. Comment trouver dans de pareilles gens douze personnes à l'abri de toute séduction? Et resteroit-il encore des témoins dans chaque Village de France, pour constater les délits qui s'y commettent, si chaque accusé avoit la faculté de rejetter, sans être tenu d'en donner de raisons, le témoignage de trente cinq personnes majeures?
SECTION 438.
Auxy si un recoverie soit per default (a) vers tiel que est en prison, il avoidera le judgement per Briefe de Error, pur ceo que il fuit en prison al temps de le default fait, &c. Et pur ceo que tiels matters de record ne noyent celuy que est en prison, mes que ils serront reverses, &c. à multo fortiori, il semble que un matter en fait, scavoir, tiel discent ewe quant il fuit en prison ne luy noyera, &c. specialment pur ceo que il ne puissoit aler hors de prison pur faire continuall claime, &c.
SECTION 438.—TRADUCTION.
Si l'on a obtenu un Jugement par défaut contre un homme détenu prisonnier, il peut faire anéantir sa condamnation par un Bref d'erreur. Or, comme tout record, qui décide une question de droit pendant la détention de quelqu'un, est sujet à être rapporté, à plus forte raison toute cause de fait, telle que celle de clameur, ne peut être jugée sans retour contre un prisonnier qui s'est trouvé dans l'impuissance de remplir cette formalité.
REMARQUE.
(a) Default.
La non comparence emportoit la perte du droit pour lequel on étoit appellé en Cour.[924]
[924] Glanville, L. 1, c. 21. Quoniam attachiament. c. 48.
SECTION 439.
En mesme le manner il semble, lou home est hors du Royalme, en service le Roy, pur besoigne del Royalme, si tiel home soit disseisie quant il est en service le Roy, & le disseisor morust seisie, le disseisee esteant en le service le Roy, que tiel discent ne grieveroit le disseisee, mes pur ceo que il ne puissoit faire continuall claime, il semble a eux, que quant il vient en Engleterre, il poit enter sur lheir le disseisor, &c. Car tiel home reversera un utlagarie, pronounter envers luy durant le temps que il fuit en le service le Roy, &c. Ergo à multo fortiori, avera aid & indempnitie (a) per la Ley en lauter case, &c.
SECTION 439.—TRADUCTION.
Tout homme employé hors le Royaume au service du Roi ou pour les affaires de l'Etat, qui se trouve dépossédé durant son absence, a le droit, quand même celui qui l'a dessaisi seroit décédé & auroit transmis le fonds à ses héritiers, de revendiquer à son retour en Angleterre ce fonds, quoiqu'il n'ait point fait de clameur dans le temps prescrit; car si l'absence hors le Royaume donne la faculté d'anéantir une Sentence de bannissement, à plus forte raison les actes faits au préjudice d'un absent hors le Royaume peuvent-ils être révoqués.
REMARQUE.
(a) Avera aid & indempnitie.
Pour être reçu opposant à un Jugement rendu tandis qu'on étoit absent, il falloit former l'opposition quarante jours au plutard après son retour.[925]