Anciennes loix des François, conservées dans les coutumes angloises, recueillies par Littleton, Vol. I
[969] Britton, c. 27.
[970] Ibid.
SECTION 499.
Item, si home soit disseisin, & le disseisor fait feoffement a divers persons a son use, & le disseisor continualment prist les profits, &c. & le disseisee relessa a luy touts actions reals, & puis il suist vers luy briefe dentre en nature dassise per cause de lestatute (a) pur ceo que il prent les profits, &c. Quære, coment le disseisor serra aide per le dit releas: car sil voile pleder le releas generalment, donques le demandant poit dire que il navoit riens en le franktenement al temps del releas fait, & sil pleda releas specialment, donques il covient conuster un disseisin, & donques puit le demandant enter en le terre, &c. per son conusans de l' disseisin, &c. Mes peradventure per special pleader il luy poit barre de laction que il suist, &c. coment le demandant poit enter.
SECTION 499.—TRADUCTION.
Si un homme ayant été dessaisi, le dépossesseur a depuis inféodé le fonds à diverses personnes à son profit, & reçu sans interruption les fruits de ce fonds, & si le dessaisi a ensuite fait à celui qui l'a dépossédé délaissement de toutes ses actions réelles, & obtenu contre lui un Bref d'entrée en nature d'Assise, lequel, suivant le quatrieme Statut de Henri IV, c. 7, doit être fondé sur ce qu'il a perçu les fruits du fonds, &c. On demande si en ce cas celui qui a dessaisi peut tirer avantage du délaissement qui lui a été fait? La négative paroît sans difficulté: car si celui qui a dépossédé prétend que le délaissement qui lui a été fait a été général, le dessaisi peut lui répondre votre délaissement est nul, puisqu'au temps de sa date vous vous étiez dépouillé de toute possession en inféodant le fonds; & au contraire si le défendeur s'appuie spécialement sur le délaissement, alors le dessaisi peut lui dire, vous convenez donc, en ne faisant valoir contre moi que le délaissement, que vous m'avez dessaisi. Or, toute dessaisine donne droit d'entrée; il est vrai qu'il reste au défendeur, en s'en tenant à plaider spécialement sur le délaissement, la ressource de proposer toutes les exceptions que la Loi autorise contre le droit d'entrée prétendu par le demandeur, lors même qu'au fond ce droit d'entrée seroit incontestable.
REMARQUES.
(a) Per cause de lestatute.
Les Loix Angloises ne paroissent abstraites, que parce que des Statuts postérieurs à la Conquête les ont interprétées, étendues ou modifiées. Dans leur origine elles étoient également simples & claires. 1o. On ne pouvoit perdre la propriété ou la possession d'un fonds que par la cession que l'on faisoit par écrit, ou en présence de témoins, de ces droits. 2o. Si on étoit dépossédé injustement, on conservoit toujours un droit de rentrer dans le fonds, pourvu qu'on ne le laissât point passer par succession aux héritiers de celui qui le premier s'en étoit emparé. 3o. Mais comme ordinairement celui qui dépossédoit ne le faisoit pas sans quelque droit apparent ou sur la propriété, ou sur la possession, le dépossédé avoit le privilége de lui délaisser tous ses droits ou toutes les actions qu'il avoit lui même relativement à cette possession ou à cette propriété. Par le délaissement de ses droits le dessaisi confirmoit l'état de celui par qui il avoit été expulsé; mais par le délaissement de ses actions il n'accordoit à celui qui s'étoit emparé du fonds que la faculté de révendiquer par préférence contre d'autres créanciers, ou la possession, si le délaissement étoit d'actions personnelles, ou la propriété, si le délaissement étoit d'actions réelles. Le délaissement ne privoit donc pas le dessaisi de reprendre ni sa possession ni sa propriété, soit lorsque celui au profit duquel le délaissement avoit été fait n'en suivoit pas les conditions, soit après les termes du délaissement expirés. Ainsi quand le délaissement n'avoit pour objet que les actions réelles de ce dessaisi, celui au profit duquel ce délaissement avoit été passé ne pouvoit légitimement percevoir les fruits, & il n'avoit droit que d'inféoder au profit du dessaisi, & vice versa, si le délaissement ne concernoit que les actions personnelles ou possessoires; en vertu de cet acte on pouvoit recevoir les revenus du fonds, mais sans le démembrer ni le louer ni l'inféoder à d'autres. Dans l'espece de la Section 499, le dessaisi ayant délaissé seulement ses actions réelles, les fruits devoient donc lui revenir; & comme il étoit de maxime qu'on ne pouvoit accepter un délaissement de la propriété d'un fonds qu'autant que lors de ce délaissement on en avoit la possession, celui qui avoit dessaisi ayant inféodé avant le délaissement ne pouvoit pas dire avoir été possesseur lorsque ce délaissement lui avoit été fait; le délaissement ne pouvoit par conséquent dans cette circonstance empêcher le dessaisi de rentrer dans le fonds. En un mot, on ne pouvoit d'un côté faire regarder le délaissement, dans le cas de cette Section, comme général, c'est-à-dire, comme ayant eu pour objet la propriété & la possession en même-temps; & d'un autre côté si celui qui avoit dessaisi s'en tenoit spécialement au délaissement sans s'appuyer sur sa possession antérieure, il convenoit par là qu'il n'avoit acquis cette possession que par dessaisine: or, toute dessaisine faite par force ou par adresse sans titre, ou sans y être autorisé, opéroit en faveur du dessaisi le droit d'entrée.
SECTION 500.
Item, si home fuist appeale (a) de felony (b) del mort son ancester (c) envers un auter, coment que lappellant relessa al defendant touts manners dactions reals & personals, ceo ne aidera my le defendant, pur ceo que cest appeal nest pas action real, entant que lappellant ne recovera ascun realtie en tiel appeale: Ne tiel appeale nest pas action personal, entant que le tort fuit fait a son Auncestor, & nemy a luy. Mes sil relessa a le defendant tout manners actions, donque il serra bone barre en appeale. Et issint home poit voyer que release de touts maners de actions, est melior que releas de actions reals & personals, &c.
SECTION 500.—TRADUCTION.
Si un homme poursuit quelqu'un par appel de félonie, parce que celui-ci a tué en trahison son ancêtre, quoique l'appellant fasse délaissement au défendeur de toutes especes d'actions personnelles ou réelles, ceci ne servira de rien à ce dernier, parce que l'appel de félonie n'a pour objet ni le recouvrement d'un fonds ni la réparation d'un tort ou d'une injure personnelle à l'appellant. Mais si celui-ci a délaissé toute espece d'actions, alors le défendeur peut, avec raison, exciper du délaissement contre l'appel. Ainsi il est évident qu'un délaissement de toutes actions indéfiniment est plus sûr que celui qui est restraint seulement aux actions personnelles & réelles.
ANCIEN COUTUMIER.
De meurdre & de homicide peult le plus prochain du lignaige faire la suite, & se le plus prochain est en non aage, le plus prochain après celui-là pourra faire ou aultre du lignaige à qui tout le lignaige s'accordera. Ch. 70.
REMARQUES.
(a) Appeale.
Appel se prend ici pour accusation d'un crime. Voici comment Britton[971] définit l'appel: Ceo est pleynte de home faite sur auter avec purpos de luy atteindre de felonie par mots à ceo ordines. Il n'étoit pas permis à toutes personnes de se rendre accusateurs; les bannis, les condamnés à mort, les mineurs, les personnes qui avoient manqué la preuve des faits qu'elles avoient avancés en Justice,[972] les fols, les muets, les sourds, &c. n'étoient mye recevables en appels.[973] L'appel se faisoit par un Sergent, & il étoit garant des nullités de sa Sommation.[974] Si le défaut de cette diligence n'étoit pas prémédité, le Sergent ne payoit que cent sols d'amende; mais s'il avoit affecté de ne pas observer les formalités requises par séduction ou autre motif aussi répréhensible, il perdoit sa liberté, & étoit interdit de ses fonctions.[975] Les nullités les plus ordinaires de l'appel étoient l'omission du nom de l'accusé, de l'année, du jour, du lieu où le crime s'étoit passé.[976]
[971] Chapitre 22.
[972] Ceci est conforme à un Capitulaire de Charlemagne de l'an 801. Balus. c. 24, col. 353.
[973] Les Capitulaires refusoient le droit d'accuser à ceux qui avoient fui dans le combat. L. 6, c. 326, col. 978.
[974] Britton, c. 22.
[975] Ibid.
[976] Ibid.
(b) Felony.
On trouve le mot de felons, fellones, dans une Lettre adressée par les Evêques des Provinces de Reims & de Rouen en 858 à Louis le Germanique, frere de Charles le Chauve.[977] Ce mot signifie un perfide, un rebelle, un traître. Les Loix Angloises font trois classes de félonie; la premiere comprend celle que le Roi seul peut poursuivre, telle que le crime de fausse monnoie ou de contrefaction des Sceaux de la Couronne; la deuxieme intéresse d'autres Seigneurs que le Souverain & elle a pour objet des insultes graves faites par trahison aux femmes, aux filles, à la nourrice des enfans de ces Seigneurs; la troisieme s'étend à tous les crimes qui peuvent être poursuivis au nom du Roi & par les particuliers indifféremment, comme l'homicide, le rapt, les incendies, les vols.
[977] Capitul. Carol. Cal. ann. 858. 2e vol. col. 120, art. 15.
A l'égard de la félonie qui intéressoit la personne du Roi, celle de la Reine, de leurs pere, mere & enfans, ou qui tendoit à détrôner le Roi ou à trahir ses armées, quand même elle n'auroit pas eu d'exécution, elle étoit punie de mort, de la confiscation de tous les biens des coupables & des complices, & de l'expulsion de leur famille hors du Royaume, ne nul ne soit tiel de prier pur eux si ne voile mesme estre suspecte de felonie.[978] Toutes personnes étoient reçues à dénoncer ce crime à la Cour du Roi, & il ne pouvoit être effacé par quelque laps de temps que ce fût.
[978] Ibid.
(c) Del mort son ancester.
On avoit un an & un jour pour appeller en duel un homicide, sa poursuite appartenoit au prochein masle du saunke del cely que felonisement avoit este tue, ou à ceux qui lui avoient fait homage ou que avera este de sa meyne,[979] ou à son filleul ou à son fils adoptif.[980]
[979] Britton, c. 24, Meyne abbréviation de Domaine.
[980] Ibid, son nurry, son main past[980a] luy que fait leve de founds de baptesme.
[980a] Manu pastus.
On admettoit contre l'appel de meurtre diverses exceptions de la part de l'accusé: il pouvoit dire que tout fit il le fait par necessite, soy deffendaunt ou sa femme, ou sa meason, ou sa meyne, ou son Seigniour, ou sa dame de la mort; ou en défendant la paix du Roi, ou par mesaventure. Une femme n'étoit admise à donner un champion que pour le meurtre de son époux tué entre ses bras; mais de enfaunts occis dedans son ventre ne poyt ele mye appeler, car nul ne est tenu à respondre al appel de felonie ou le playntife ne set nomer le nome cely à qui la felonie avera estre faite.
Je l'ai déjà observé, le duel n'avoit lieu pour la preuve du meurtre que quand il avoit été commis sans témoins: car s'il y avoit des témoins, alors l'accusation se décidoit par le verdict ou rapport des Jureurs. Cette Jurisprudence est la même que celle indiquée par les 29, 30 & 31es Formules de Sirmond, & par le 9e article du Titre 3 du Capitulaire de l'Empereur Lotaire en 824,[981] il seroit inutile ici de les copier. Les gages, la forme de l'accusation & des sermens, le nombre des témoins, les reproches, & les autres exceptions que les anciennes Formules & les Capitulaires permettent de proposer, ne different en rien des dispositions des anciennes Coutumes que les Jurisconsultes Anglo-Normands nous ont conservées.[982]
[981] 2e Vol. Collect. Balus. col. 330.
[982] Il suffit de comparer, avec les Formules de Sirmond & le Capitulaire indiqué, les Formules du ch. 24 de Britton & celle du L. 14 de Glanville pour s'en convaincre.
SECTION 501.
Item, en appeale de Robberie, (a) si l' defendant voil' pleader un release de lappellant de touts actions personals ceo semble nul plee. Car action de l' appeale, lou lappellee avera judgement de mort, &c. est pluis hault que action personal est, & nest pas properment dit action personal: Et pur ceo si le defendant voiloit plead un release del appellant de barrer luy dappeale, en cest case il covient daver un release de touts manners dappeals, ou touts manners dactions, come il semble, &c.
SECTION 501.—TRADUCTION.
En appel de vol, si le défendeur plaide que l'appellant lui a fait délaissement de toutes actions personnelles, sans employer d'autres moyens, cette exception ne pourra empêcher l'effet de l'appel: car tout appel emportant la peine de mort, il ne peut être mis au nombre des actions purement personnelles. Ainsi il n'y a qu'un délaissement de toutes especes d'actions qui puisse arrêter la poursuite de l'appellant.
ANCIEN COUTUMIER.
De roberie l'en doit savoir que clameur doit estre faite en cette forme: Je me plaing de S. qui en la paix de Dieu & du Duc m'assaillit & me battit & me fit sang & playe, & me tollit ma chape en roberie. Pourquoi il me convint crier haro. Se l'autre le nye mot à mot, & il offre à soy défendre, l'en doibt premierement faire enqueste du haro par ceulx euxquels voisine ils dubt estre crie ou ceulx qui y furent présents, & si ils dient que ils ouirent le haro de la roberie, hors doivent les gages de bataille estre reçus, &c.
REMARQUE.
(a) De robberie.
L'appel de roberie, selon Britton, se faisoit en cette maniere:
Jean qui est ici y est appellé par Pierre, aussi présent, pour avoir ledit Jean tel jour de telle année enlevé, pris & amené de l'étable dudit Pierre un cheval qui appartenoit à ce dernier; pourquoi celui-ci veut lui prouver ce fait par son corps. Si l'accusé soutenoit que le cheval lui appartenoit, alors l'action pour duel se réduisoit à une simple action de trepas ou excès, en laquelle cet accusé pouvoit approcher ses garants. Mais comme quelquefois par collusion l'accusé auroit assigné comme garant un ou plusieurs champions, dont la force, au cas où l'on auroit méconnu qu'ils eussent vendu à l'accusé & acheté de l'appellant le cheval, auroit assuré à cet accusé l'impunité ou auroit privé l'appellant d'avoir des champions pour soutenir son droit, ce dernier étoit admis à la preuve de cette fraude, & on punissoit de mort ceux qui en étoient coupables ou complices.
SECTION 502.
Mes en appeale de Maihem (a) un release de touts manners dactions personals est bone plee en barre, pur ceo que en tiel action il ne recovera forsques damages, &c.
SECTION 502.—TRADUCTION.
Mais en appel de méhaing, les délaissemens de toutes especes d'actions personnelles forment une exception péremptoire, parce que cet appel ne se résoud qu'en dommages & intérêts.
REMARQUES.
(a) Maihem.
Le rapt étoit puni de mort; néanmoins si l'accusé prouvoit que la plaintive étoit enceinte du même temps dont elle datoit la violence, alors l'action en appel de Rapt étoit convertie en appel de meshaing, & pur ceo que nulle feme ne poit conceyver si elle ne se assente, l'accusé n'étoit tenu qu'à un dédommagement.[983]
[983] Britton, c. 23.
Une femme qui méhaignoit un homme avoit le poing coupé, mais on ne considéroit un homme comme mehaigné fors que de membre tollé dount il est plus foible à combattre; par exemple, d'un œil, de la main, de les pées, de la teste, de bruse de les dents devaunt, car des dents moillers ou de lorail, ne del nées n'étoit tenu nul maheme, mais blemure[984] del corps.[985]
[984] Difformité.
[985] Ibid, c. 15.
SECTION 503.
Item, si home soit utlage en action personal per proces sur le originall, & port briefe derror, (a) si celuy a que suit il fuit utelage, voile pleader envers luy un releas de touts manners dactions personals, ceo semble nul plee, (b) car per le dit action il ne recovera rien en personaltie forsque tantsolement de reverser le utlagarie: mes un release de Briefe derrour est bone plea.
SECTION 503.—TRADUCTION.
Si un banni, en conséquence d'une action personnelle intentée contre lui, & décidée par une contumace duement inscrite sur le Registre de la Jurisdiction, obtient un Bref d'Erreur, que celui à la poursuite duquel il a été contumacé & condamné au bannissement oppose au Bref un délaissement de toutes especes d'actions personnelles, cette exception ne vaut rien; car en proposant le délaissement d'actions personnelles il reconnoît tacitement que la contumace est anéantie: il ne peut donc faire valoir en ce cas qu'un délaissement de Bref d'Erreur.
REMARQUES.
(a) Briefe d'error.
Ce Bref s'obtenoit lorsqu'il y avoit eu erreur ou dans le Bref introductif d'une Instance, ou dans le Jugement, ou dans l'exécution du Jugement; la Cour du Roi avoit seule la connoissance de ce Bref,[986] parce qu'il n'avoit été établi qu'à l'égard des Sentences rendues par les Juges Royaux inférieurs.[987]
[986] Britton, Préface, fol. 2.
[987] Coke, fol. 288, verso. Britton, Préface, pag. 3, & défendons à tous que nul ne eyt poer de amender nul faux Jugement de nos Justices, &c. car ceo réservons spécialement. Nota. Qu'on ne pouvoit fausser les Sentences des Juges du Roi sous Saint Louis, Etablissement, c. 1.
Pour faire réformer les décisions des Juges des Seigneurs, on avoit recours au Bref de faux Jugement ou à l'action en défaulte de droit qui étoient de la compétence du Vicomte.
Les Brefs d'erreur tirent leur origine de la liberté que les premiers François avoient de se plaindre en la Cour du Roi, contre leurs Echevins qui ne les avoient pas jugés suivant leur Loi. En effet, 1o. si la Plainte paroissoit fondée, le Jugement étoit réformé suivant la Loi que suivoit le Plaintif, & les Juges n'étoient condamnés qu'à une amende. 2o. Cette Plainte n'étoit point admise dès que le Comte attestoit que les Echevins avoient réguliérement jugé.[988] Or, tel étoit l'effet de l'instruction sur les Brefs d'erreur dans les Cours de Record, sous les premiers Ducs Normands; les Juges subalternes, tels que ceux des Bourgs, dont les Sentences étoient attaquées par un Bref de cette espece, n'étoient point obligés de défendre personnellement leur décision, l'action se discutoit entre les deux Parties en la Cour du Roi; & d'après les preuves que donnoit l'Appellant de l'erreur dont il s'étoit plaint, cette Cour réparoit le préjudice qu'il avoit souffert. Au contraire, le Bref de faux Jugement étant obtenu, celui qui avoit prononcé la Sentence[989] étoit contraint de fournir un Champion; & si le Champion de l'Appellant étoit le Vainqueur, tous les Juges étoient privés d'exercer à l'avenir aucunes fonctions, & punis suivant la nature de l'injustice qu'ils avoient commise.[990]
[988] Capit. ann. 755, art. 39, col. 176, & ann. 757, art. 9.
[989] Et quidem curia tenetur se defendere maxime per illum qui judicium id reddidit. Glanville, L. 8, c. 8.
[990] Ibid.
Les Brefs d'erreur avoient pour objet de rétablir un Défendeur dans l'état, les possessions, l'honneur, dont des Juges, trompés par de fausses allégations, l'avoient dépouillé, quoiqu'il fût absent ou mal assigné.
Le Bref de faux Jugement étoit institué pour rétablir l'injustice des Sentences rendues par faveur, par séduction, par animosité.
Et le but du Bref de défaulte de droit étoit d'empêcher qu'un Seigneur, ou ses Officiers, ne condamnassent un Vassal à des Coutumes ou à des Services autres que ceux auxquels celui-ci se croyoit assujetti par l'inféodation de sa tenure.[991]
[991] Glanville, L. 12, c. 9. Je cite le Recueil des Procédures Angloises, sous le nom de Glanville, pour me conformer à l'usage; car ce Chancelier de Henri II n'est point l'auteur de ce Recueil.
Le Juge n'étoit donc accusé de crime que dans le second cas, & ce n'étoit qu'en ce cas seulement qu'il étoit garant de son Jugement, & obligé de s'en purger par la voie établie pour toutes les autres especes de crimes.
La Procédure de la défaulte de droit étoit très-simple: on obtenoit un Bref du Roi, on le présentoit au Vicomte qui le faisoit notifier par un Sergent à la Cour du Seigneur, le jour même auquel celui à qui le Bref étoit accordé avoit été sommé d'y comparoître; là se trouvoient, par ordre du Vicomte, quatre Chevaliers loyaux du Comté, en présence desquels & du Seigneur le Plaintif exposoit les motifs qu'il avoit de décliner la Jurisdiction de ce dernier; & après qu'il avoit attesté par son serment & fait attester par celui de deux personnes que la Cour du Seigneur s'étoit écartée du droit, avoit failli au droit, de rectò defecisse, soit en l'obligeant de comparoître en une Jurisdiction dont son fonds ne dépendoit pas, soit en le faisant sommer d'acquitter des Services contraires à ses Titres ou aux usages de la Seigneurie, la Cause étoit renvoyée au Vicomte devant lequel elle étoit instruite de nouveau.[992] Si le Jugement du Vicomte étoit rendu contre le Seigneur, ce Seigneur étoit, ainsi que ses héritiers, privé pour toujours du droit de juger les Causes du Plaintif. Le Bref de défaulte de droit devoit toujours être obtenu contre celui de qui l'Impétrant reconnoissoit être Vassal immédiat, & non contre le Seigneur Suzerain.
[992] Glanville, L. 12, c. 7.
Si l'on ne pouvoit attaquer de faux Jugement ou par défaulte de droit, comme on l'a dit précédemment, les Juges Royaux; leurs prévarications n'en étoient pas pour cela moins sévérement punies. Lorsque le grand Senéchal ou le Député de l'Echiquier faisoit la visite des Jurisdictions Royales, il recevoit toutes les Plaintes qu'on lui faisoit des Vicomtes & des autres Officiers subalternes du Roi.[993] Ces Plaintes étoient envoyées en l'Echiquier qui infligeoit des punitions proportionnées aux délits.[994] Les Vicomtes qui pour de l'argent, des présens, ou par amitié avoient dissimulé les félonies commises dans leur Ressort, qui avoient élargi des coupables sans avoir instruit leur Procès, étoient condamnés en une amende & obligés de garder prison pendant un certain temps; ils encouroient la même peine s'ils faisoient saisir, pour les Droits du Roi, les Bêtes de Charuë, Motons ou Berbis, ou Vessel[995] ou Robes, lorsqu'il y avoit en la Maison du Débiteur d'autres Meubles suffisans pour l'acquitter, &c. Il étoit rare cependant que les Juges Royaux s'écartassent de leurs devoirs, le Vicomte les choisissoit dans un certain nombre de Notables, que le Canton où ils devoient exercer leurs fonctions lui présentoit; & après que ce Vicomte avoit fait enregistrer le nom du Juge élu en l'Echiquier, on lui délivroit les Chapitres ou Cahiers des Réglemens faits par le Parlement sur chaque matiere; il ne pouvoit prononcer que sur les points définis clairement par ces Réglemens; les Questions qui n'avoient point encore été décidées étoient de la compétence du Parlement; & si le Vicomte ou les Commissaires du Parlement en prenoient connoissance, ce n'étoit que pour prononcer par provision: usages précieux, dont les premieres Loix Françoises ont été la source![996] Ces usages rendoient en quelque sorte le Souverain & son Parlement Juge immédiat de chaque Citoyen; elle épargnoit aux Plaideurs les délais, les dépenses, la variété des Jugemens qu'entraînent aujourd hui après elle la nécessité où on est de parcourir divers dégrés de Jurisdiction pour se procurer l'intelligence d'une Loi, qu'il n'appartient qu'au Souverain d'interpréter.
[993] Britton, c. 2, & c. 19, fol. 32, verso.
[994] Britton, c. 21, & ceo que sera présente de eux (les Juges) soit en roule & envoye en Lecheker & illickes soient les présentmentes détermines.
[995] Vaisselle.
[996] Nullæ causæ audiantur quæ legibus non continentur. Capitul. L. 7, c. 352.
(b) Ceo semble nul plee.
Cette disposition est une suite de celle de la Section 197; en opposant à un Contumacé le délaissement qu'il avoit fait, on convenoit qu'il pouvoit ester en jugement: faculté dont les bannis étoient privés.
SECTION 504.
Item, si home recover debt ou damages, & il relessa al defendant touts maners dactions, uncore il puit loialment suer execution per Capias ad satisfaciendum (a) ou per Elegit, (b) ou Fieri facias, (c) car execution per tiel briefe, ne poit estre dit action.
SECTION 504.—TRADUCTION.
Si un homme obtient la reconnoissance d'une dette ou d'un dommage, & fait délaissement au défendeur de toutes ses actions, ceci ne l'empêche pas de poursuivre l'exécution de la reconnoissance par un Bref Capias ad satisfaciendum, ou par un Bref d'Elegit ou de Fieri facias; car l'exécution qui se fait par Bref est l'effet d'une action, & n'est pas comprise sous le nom d'action.
REMARQUES.
(a) Capias ad satisfaciendum.
C'étoit un Bref de Prise-de-corps. Les impuberes, les femmes enceintes, les personnes malades, les Vieillards,[997] les Comtes, les Barons, les Sergens du Roi, tant qu'ils étoient dans l'étendue de la Verge de son Hôtel, c'est à-dire, dans les douze lieues des environs de la Cour, ne pouvoient être contraints en vertu de ce Bref; mais il avoit lieu contre les Ecclésiastiques.[998] Quand un Clerc refusoit de reconnoître la Jurisdiction du Vicomte auquel ce Bref étoit adressé, si ce Juge ne découvroit aucuns biens appartenans au Clerc dans le Ressort de son Bailliage qu'il pût faire saisir, il obtenoit un autre Bref en vertu duquel il enjoignoit à l'Evêque de sommer le Clerc de comparoître: l'Evêque différoit quelquefois cette sommation; mais le Vicomte pouvoit alors l'y forcer en se saisissant de son temporel. Voici la forme du Bref, Capias ad satisfaciendum, tel que Skenée nous l'a conservé.[999]
[997] Coke sur la Section 504.
[998] Britton, c. 28, fol. 68, verso.
[999] Statut. Robert. I, c. 20.
Vice Comiti.... salutem.... quia W.... de B.... mercator Burgensis de E.... recognovit se debere S... talem summam quam ei solvere debuisset tali die & illam ei adhuc non solvit, mandamus vobis & præcipimus quod corpus prædicti Willelmi capiatis & in prisonâ vestrâ custodiri faciatis quousque prædicto S.... de prædicto debito bene fuerit satisfactum, &c. teste me ipso anno regni nostri, &c.
Le Débiteur pouvoit offrir caution pour se conserver la liberté; mais le Créancier avoit droit de la refuser.[1000] Cette Jurisprudence a changé parmi les Anglois depuis qu'ils n'ont plus été sous la domination Normande. On ne peut plus refuser en Angleterre de relâcher des Prisons un homme libre, sous sa caution juratoire.
[1000] Les Loix des premiers François avoient adopté cette maxime. Capitul. ann. 744, tom. 1, col. 154.
(b) Per elegit.
Ce Bref laissoit au Créancier la liberté de se saisir ou des meubles, ou de la personne, ou des fonds, selon la nature de la créance.
(c) Fieri facias.
Ces termes étoient employés dans tous les Brefs qui ordonnoient l'exécution d'une Sentence.
SECTION 505.
Mes si apres lan & jour le plaintife voit suer un Scire facias, a sacher si le defendant poit rien dire pur que le plaintife navera execution, donques il semble que tiel raleas de touts actions serra bon plee en barre: Mes ascuns ont semble contrary, entant que le briefe de Scire facias est un briefe dexecution, & est daver execution, &c. Mes uncore entant que sur mesme l' briefe l' defendant poit pleader divers matters puis l' judgement rendue de luy ouster dexecution, come utlagary, &c. & divers auters matters, ceo bien poit estre dit action, &c.
SECTION 505.—TRADUCTION.
Si après l'an & jour le plaintif veut poursuivre un Bref de Scire facias, le défendeur ne pourra-t-il opposer à ce Bref aucune exception? Un délaissement de toutes actions n'en seroit-il pas une péremptoire? Quelques-uns ne l'ont pas cru, fondés sur ce que le Bref Scire facias est un Bref qui porte exécution; d'autres, au contraire, prétendent que c'est un Bref qui donne ouverture à plusieurs actions: car, après l'avoir obtenu, on peut être contraint de plaider contre le défendeur sur divers incidens arrivés depuis le Jugement, dont ce Bref enjoint l'exécution. Par exemple, si le défendeur oppose que celui qui a obtenu ce bref est banni, &c. Or, on peut considérer comme compris sous le nom d'action, les Brefs qui donnent occasion d'en intenter ou d'en poursuivre.
SECTION 506.
Et jeo croy, que en un Scire facias hors dun fine, (a) un releas de touts manners dactions, est bon plee en barre.
SECTION 506.—TRADUCTION.
Je crois donc que tant que le Bref Scire facias n'est point pour l'exécution d'une transaction, on peut s'y soustraire par un délaissement de toutes manieres d'actions.
REMARQUE.
(a) Fine.
Les Transactions homologuées devant les Juges n'étoient point sujettes à l'Appel, concordia finalis dicitur talis eo quod finem imponit negocio adeo ut neuter litigantium ab eâ de cætero poterit recedere,[1001] on ne pouvoit que demander le record des clauses qui avoient dû y être insérées, & le record se faisoit toujours en la Cour du Roi. Le Bref Scire facias obtenu pour l'exécution d'une Transaction ne pouvoit donc être considéré comme une action; un délaissement d'actions n'apportoit donc aucun obstacle à l'effet d'un Bref obtenu dans cette circonstance particuliere.
[1001] Glanville, L. 8, c. 3.
SECTION 507.
Mes lou home recovera debt ou damages, & est accorde perenter eux, que le plaintife ne suere execution, donque il co-vient que le plaintife fait un releas a luy de touts maners dexecutions.
SECTION 507.—TRADUCTION.
Mais si quelqu'un poursuit le recouvrement d'une dette ou de quelqu'indemnité, & promet au défendeur de ne pas mettre à exécution une Sentence il faut que ce dernier obtienne du demandeur un délaissement de toute espece d'exécutions.
SECTION 508.
Item, si home relessa a un auter touts manners de demands, ceo est le plus melior release a luy a que le release est fait que il poet aver, & plus urera a son advantage. Car per tiel release de touts manners de demands, touts manners dactions reals, personals, & actions dappeale sont ales & extincts, & touts manners de executions sont ales & extincts.
SECTION 508.—TRADUCTION.
Au reste, le délaissement de demandes de toute espece est le plus parfait des délaissemens; car il éteint toutes actions réelles, personnelles, & anéantit toute exécution, tout appel, quel qu'en soit l'objet.
SECTION 509.
Et si home ad title de entry en ascuns terres ou tenements, per tiel release son title est ale.
Sed quære (a) de hoc, car Fitz-Iames, chiefe Justice de Engleterre, tient le contrary, pur ceo que entre ne poit properment estre dit demande, P. 19. H. 8.
SECTION 509.—TRADUCTION.
Si un homme avoit droit d'entrée sur un fonds; au moyen d'un pareil délaissement, ce droit deviendroit nul. On peut cependant consulter à cet égard Fitzjames, chef de Justice, qui tient le contraire; parce que, selon lui, un droit d'entrée n'est point une demande.
REMARQUE.
(a) Sed quære.
La plupart de ces doutes, qui terminent quelques Sections de l'Ouvrage de Littleton, ont été ajoutés à son Texte.[1002]
[1002] This is an addition and no part of Littleton, &c. Coke, pag. 292.
SECTION 510.
Et si home ad Rent service ou Rent charge, ou Common de pasture, &c. per tiel release de touts manners de demaunds fait al tenaunts de la terre, dont le service ou le rent est issuant, ou en que le common est, le service, le rent, & le common est ale & extinct, &c.
SECTION 510.—TRADUCTION.
Qu'un homme ait une Rente-service ou une Rente-charge, ou droit à un Pâturage commun, &c. s'il fait un délaissement de toutes sortes de demandes, ses rentes, ses droits, de l'espece de ceux que l'on vient de désigner, sont éteints.
SECTION 511.
Item, si home relessa a un auter touts maners de quarrels, (a) eu touts controversies ou devates enter eux, &c. Quære a quel matter & a quel effect tiels parols soy extendont, &c.
SECTION 511.—TRADUCTION.
Mais si un homme fait délaissement à un autre de toutes querelles qu'ils pourroient avoir pour toutes contestations & débats qui naîtroient entr'eux dans la suite, il faut examiner quel peut être l'effet & l'étendue de cette sorte de délaissement.
REMARQUE.
(a) Quarrels.
Ce terme est ici pris, comme dans les Capitulaires,[1003] pour toutes especes de Procès. Querelles, dit l'ancien Coutumier, sont contends entre celui qui se plainct & celui de qui l'en se plainct qui sont demenées devant la Justice en certain terme qui est mis. Les querelles étoient ou réelles, ou personnelles, ou de fait, ou de dit, ou de force, ou de crime, ou de simple Loi.[1004] Les Loix Angloises & Ecossoises donnent à ce mot le même sens & la même étendue:[1005] si le délaissement de toutes querelles eût rendu non-recevable à intenter toutes sortes d'actions, il auroit donc pu arriver que celui au profit duquel ce délaissement auroit été passé, auroit maltraité impunément la personne qui le lui auroit fait; conséquence qu'il importoit de ne pas autoriser, & delà le délaissement de toutes querelles étoit de droit restreint aux seules querelles ou Procès qui avoient pour but l'indemnité du Demandeur. Voyez Section 501.
[1003] Balus. tom. 1, col. 748, 772 & 980.
[1004] Ancien Coutumier, c. 67 & 85.
[1005] Stat. 1, Rob. I, c. 30. Collect. Sken.
SECTION 512.
Item, si home de son fait soit oblige a un auter en certaine summe de money a payer al Feast de Saint Michael prochein ensuant, si le obligee devant le dit Feast relessa al obligor touts actions il serra barre del dutie (a) a touts temps, & uncore il ne puissoit aver action al temps de release fait.
SECTION 512.—TRADUCTION.
Si un homme par son fait s'est obligé de payer à un autre une certaine somme d'argent à la Fête de Saint Michel lors prochain, & si l'obligé a fait ensuite délaissement de toutes actions à son créancier avant ledit terme; celui-ci est pour toujours payé de sa redevance, quoiqu'au temps où le délaissement lui auroit été fait il n'eût pas d'action contre son débiteur.
REMARQUE.
(a) Dutie.
Il faut distinguer les duties, des dettes; les premieres sont toutes les redevances créées pour cession ou inféodation de fonds.
SECTION 513.
Mes si home lessa terre a un auter pur terme dun an, rendant a luy all Feast de S. Michael prochein ensuant 40. s. & puis devant mesme le Feast il relessa al lessee touts actions, nenter après mesme l' Feast il avera action de det pur non payment de les 40. s. nient obstant le dit releas. (a) Stude causam diversitatis (b) enter les deux cases.
SECTION 513.—TRADUCTION.
Mais si un homme cede des terres à un autre pour un an, à la charge qu'on lui payera à la Fête de Saint Michel suivant quarante sols; cet homme peut faire délaissement de toutes actions avant ce terme, sans pour cela être privé de poursuivre par action de dette le payement desdits quarante sols. Quelle peut être la différence entre cette maxime & la précédente? C'est ce qu'il s'agit d'approfondir.
REMARQUES.
(a) Releas.
On n'a retenu en Normandie le nom de délais que pour désigner la restitution qu'un Acquereur fait d'un fonds à un Retrayant lignager ou seigneurial. Les premiers François donnoient le nom de laisus à toutes les cessions qui se faisoient par un Propriétaire à ceux qui avoient déjà quelque droit sur la chose cedée.[1006]
[1006] Leg. Salic. c. 48.
(b) Stude causam diversitatis.
Cette différence est sensible. Par la Section 512, le délaissement a évidemment pour objet toutes les Actions: or sous ce nom est comprise celle qui naît de l'obligation de payer une somme à un terme convenu. Mais par la Section 513, le délaissement d'actions, dont elle parle, ne peut s'étendre à une rente créée pour prix d'un fonds: cette rente, représentative du fonds même, ne pouvoit être éteinte que par un délaissement où elle fût exprimée, ou par un délaissement de toutes demandes en général.
SECTION 514.
Item, ou home voile suer Briefe de Droit, il covient que il counta del seisin de luy, ou de ses ancestors, & auxy que l' seisin fuit en temps de mesme le Roy come il counta en son count: car cest un ancient ley use, come appiert per l' report dun plee en le Eire (a) de Nottingham, titulo, droit en Fitzherbert, (b) cap. 26. en tiel forme que ensuist. John Barre port son Briefe de Droit envers Reynold de Assington, & demanda certaine tenements, &c. ou le mise est joyne en le bank, & originall (c) & le Proces fueront demandes devant Justices errants, ou les parties viendront, & les 12 Chivalers fieront lour serement sans challenge (d) des parties désire allotes, pur ceo que election fuit fait per assents des parties, oue les quater Chivalers, (e) & le serement fuit tiel, Que jeo verity dirre, &c. le quel R. de A. ad plus mere droit a tener les tenements que John Barre demanda vers luy per son Briefe de Droit, ou John, de aver eux, sicome il demaund, & pur rien serra que le verity ne dirra, sicome moy ayde Dieu, &c. sans dire a lour escient. Et tiel serement serra fait en attaint, (f) & en battail, & en ley gager, (g) car eux mittont chescun chose a fine. Mes John Barre counta del seisin dun Rafe son ancester, en temps le Roy Henry, (h) & Reynolde sur le mise joyne tendist demi mark (i) pur le temps, &c. Et sur ceo Herle Justice dit al grand assise, apres ceo que ils fueront charges sur le mere droit, Vous gentes, Reynold donast demy marke al Roy pur le temps, al entent que si vous troves que launcester John ne fuit pas seise en le temps que le demaundant ad count, vous nenquires plus avant del droit, & pur ceo vous nous dires, le quel launcester John, Rafe per nosme, fuit seisie en temps le Roy Henry, come il ad count, ou non. Et si vous troves que il ne fuit seisie en cel temps, vous nenquires neient pluis, & si vous troves que il fuit seisie, donques enquires ouster del briefe. Et puis le graund Assise reviendroit oue lour Verdict, & disdont que Rafe ne fuit pas seisie en temps le Roy Henry, per que fuit agard, que Reynold tiendroit les tenements vers luy demandes, a luy & ses heires quites de John Barre & ses heires a remnant. Et John en le mercie, &c. Et le cause pur que jeo aye monstre icy a toy mon fits cest plee, est pur prover le matter precedent que est dit en Briefe de Droit, &c. car il semble per cest plee, que si Reynold navoit pas tendue demy mark pur enquirer del temps, &c. donques le graund Assise duissoit estre charga tantsolement del mere droit, & nemy del possession, &c. Et issint que touts foits en Briefe de Droit, si le possession dont le demandant counta soit en temps le Roy, come il avoit counte, donques le charge del grande assise serra tantsolement sur le mere droit, coment que le possession fuit encounter le ley, come il est dit adevant en cest Chapter, &c.
SECTION 514.—TRADUCTION.
Quand un homme veut poursuivre un Bref de Droit, il doit être en état de soutenir en Jugement qu'il a été saisi du fonds, lui ou ses ancêtres, pendant le regne du Roi qu'il désigne par le Bref. Ceci est appuyé sur une Loi très-ancienne, comme on peut s'en convaincre par le récit d'un Placité tenu en l'Eire de Nottingham, que l'on trouve sous le titre de droit en Fitzherbert, ch. 26, en cette forme:
Jean Barre présenta un Bref de Droit contre Reynold de Assington, & lui demanda certains tenemens. La contestation fut gagée au Banc du Roi. Les Juges ambulans de l'Eire demanderent que ce Bref leur fût présenté. Les Parties comparurent, & les douze Chevaliers prêterent leur serment, sans reproches de la part des Parties qui les avoient choisis avec quatre Chevaliers. Ce serment se fit en cette forme: Je jure que je dirai vérité, &c. sur la question de sçavoir si c'est Jean Barre ou Reynold Assington qui a la propriété des tenements désignés au Bref obtenu par ledit Jean Barre; & si mon témoignage n'est pas véritable, il ne pourra servir aux Parties: que Dieu m'aide en ce dessein, &c. Les témoins n'ajouterent point que leur témoignage ne pourroit servir s'ils parloient sciemment contre la vérité. Or, c'est de la même maniere qu'on doit prêter serment dans les poursuites criminelles, lorsque l'on gage les batailles; & même en matieres civiles, quand le Jugement emporte l'amende. Après ce serment Jean Barre plaida que Rafe, son ancêtre, avoit été saisi des tenemens sous le regne du Roi Henri, & Reynold mit en gage demi-marc contre la vérité de cette époque. Sur cela le Juge Herle s'adressa à la grande Assise en ces termes, après qu'il fut arrêté que la question n'avoit pour objet que la propriété: Messieurs, faites attention que Reynold donne demi-marc pour gage contre le temps articulé par Jean Rafe. Or si vous ne trouvez pas qu'un des ancêtres de Jean ait été saisi de ces tenemens au temps qu'il l'a prétendu dans sa Plaidoirie, vous n'enquerrez point au-delà de son droit. Vous nous rapporterez donc si un ancêtre de Jean Rafe, dont vous nous direz le nom, a été ou non saisi desdits tenemens du temps du Roi Henri; parce que s'il y a eu un Rafe d'où Jean soit descendu, qui ait eu effectivement la saisine des tenemens dès ce temps là, vous pourrez enquerir de tout ce qui peut avoir rapport au Bref. La grande Assise s'étant rassemblée, & le Verdict des Jureurs ayant été lu, après qu'il en eut résulté que Rafe n'avoit point été saisi durant le regne du Roi Henri, il fut décidé que Reynold auroit & ses hoirs les tenemens quittes de tout envers Jean Barre & ses successeurs, & Jean Barre resta en la merci de la Justice, &c.
Je vous ai rapporté ce Plaidoyer, mon fils, pour vous prouver tout ce que je vous ai dit ci-devant du Bref de Droit, &c. Car 1o. il paroît par ce Plaidoyer que si Reynold n'avoit pas gagé demi-marc que l'époque fixée par Jean Barre étoit fausse, &c. la grande Assise n'auroit pu faire enquête de la propriété, &c. D'où il suit 2o. que toutes les fois que dans le cours d'une action sur un Bref de Droit le demandeur se contente de dire que sa possession est du temps du Roi, la grande Assise ne peut faire enquerir que de la propriété, quand même la possession seroit contraire à la Loi, ainsi que je l'ai ci-devant dit.
REMARQUES.
(a) Eire.
Ce mot vient du Latin iter. Il est pris ici pour désigner ces Tribunaux ambulans, composés de membres de la Cour du Roi, qui étoient en usage chez les anciens Normands comme chez les premiers François. Britton[1007] donne le détail de la compétence de ces Tribunaux, & de la maniere dont ils s'assembloient & prononçoient.[1008] On publioit dans les Marchés, dans les Villes & les Bourgs d'un Comté, sans exception d'aucuns, quelque fût leur franchise, que tous les hommes libres du Comté & quatre principaux de chaque Ville, avec leur Prévôt ou Maire, se trouvassent, ainsi que ceux qui reclamoient quelque privilége, en certain lieu, le quarantieme jour de cette publication, en présence des Juges désignés dans l'ordre du Roi. Le jour arrivé, on écoutoit ceux qui se plaignoient des Baillifs royaux; le Vicomte y représentoit tous les Brefs qui lui avoient été adressés depuis le dernier Eire, avec les Sentences qui avoient été rendues dans les Assises de nouvelle Dessaisine, de Mort d'Ancêtre, de derniere Présentation, de Douaire. Après que les Commissaires de l'Echiquier avoient donné lecture des Lettres Patentes constitutives de leur pouvoir, le premier de ces Commissaires en exposoit le motif à l'assemblée; on procédoit ensuite à l'examen des excuses que faisoient proposer ceux qui n'y avoient pu assister. Le Vicomte y renouvelloit son serment, qui étoit suivi du serment de ses Assesseurs, des Baillifs & autres Officiers subalternes; & si quelque Archevêque, Abbé, Prieur, Comte ou Baron reclamoit le droit de recevoir les Brefs du Roi & de prononcer sur ces Brefs, il prêtoit aussi le même serment que le Vicomte, ou le faisoit prêter par ses Juges auxquels on délivroit une verge ou baguette pour marque de l'autorité qu'on leur confioit ou dans laquelle on les confirmoit. Enfin on lisoit à haute voix les Chapitres ou Capitulaires qui devoient guider ces Juges dans leurs décisions. Ces Chapitres contenoient les nouveaux Réglemens arrêtés dans l'Echiquier postérieurement au dernier Eire.[1009] Les Commissaires nommés par le Parlement pour tenir l'Eire s'enquéroient sur-tout de l'état des Eglises, Communautés Religieuses, Hôpitaux du Comté qui relevoient directement du Roi, & des droits qui en étoient dûs au fisc. On s'y informoit de ceux qui avoient usurpé ces droits, du nombre des terres qui avoient été démembrées anciennement du domaine, des Fiefs, des Patronages, de leurs redevances, des arrérages dûs de ces redevances, des reliefs, des mariages, des hommages, des confiscations échues à la Couronne, des entreprises faites sur les revenus du Roi, des constructions nouvelles de Châteaux, ou Forteresses entreprises sans la permission du Souverain, de l'interruption ou de la dégradation des grands chemins, des négligences ou prévarications des Vicomtes qui avoient refusé de rendre la justice ou qui avoient toléré des abus préjudiciables à la sureté publique, des trésors cachés en terre, du vareck.[1010]
[1007] Chapitre 2.
[1008] Il en est parlé en la Remarque sur la Section 164 ci-dessus.
[1009] Britton, c. 2, pag. 10.
[1010] Ibid, c. 17.
Les Enquêtes faites par les Commissaires ou les Plaintes sur lesquelles ils n'avoient pu prononcer, soit à cause de la qualité des personnes, soit relativement à l'obscurité des faits ou du droit, étoient rapportées à l'Echiquier.[1011] L'ancien Coutumier Normand attribue les mêmes pouvoirs, & avec les mêmes restrictions, au Senéchal du Duc;[1012] & les Missi Dominici, dont les Capitulaires de nos Rois font si souvent mention, remplissoient des fonctions tout-à-fait semblables. Le Roi ou son Parlement leur remettoit, en effet, les articles des Loix nouvellement faites; ils faisoient l'ouverture de leur Séance dans chaque endroit des Diocèses déterminé pour tenir leur Siége, par la lecture de ces Loix:[1013] si quelqu'un y formoit opposition, ils étoient obligés d'en faire leur rapport au Roi dans le temps qui leur étoit prescrit, eorum relatu nobis indicetur, ut per nos corrigatur quod per eos corrigi non potuit. Les Evêques, les Abbés, les Comtes, les Vassaux du Roi, les Avoués, Vidames, Abbesses, Vicomtes, Centeniers, Echevins, proposoient ou faisoient proposer leurs excuses à ces Commissaires, lorsqu'ils n'avoient pu comparoître devant eux.[1014] Ces Commissaires examinoient encore si les Officiers de Justice avoient été légalement élus, & ils pouvoient, dans le cas de la négative, les interdire;[1015] ils tenoient registre du nombre des Bénéfices, des Aleux, des Fiefs, de la quotité des cens, du fredum dû au Roi;[1016] ils faisoient restituer provisoirement les fonds relevans de la Couronne qui avoient été usurpés par les Evêques, Abbés, Vicomtes, Avoués. Si cependant l'usurpateur étoit Comte ou revêtu d'une Commission du Roi, lors de l'usurpation, les Commissaires déféroient l'affaire au Parlement.[1017] Comme les Assemblées auxquelles je donne ici le nom de Parlement portent ordinairement le nom de Placités dans les Histoires ou dans les Capitulaires, il est essentiel d'observer qu'il ne faut pas pour cela mettre les Parlemens de ces temps reculés au rang des Tribunaux des Commissaires du Roi ni de ceux des Vicomtes ou Juges subalternes qui portoient aussi le nom de Placités. Voici l'ordre des divers Placités dont nos premieres Loix font mention, & que l'Angleterre a conservés jusqu'au treizieme siecle. D'abord les chefs de cent familles ou Centeniers, assistés d'Echevins, avoient leur Jurisdiction particuliere; les Villes ou Bourgs en ressortissoient, comme les gens de la campagne furent soumis dans la suite aux Baillifs & à leurs assistans, qui étoient toujours choisis parmi les personnes les plus renommées d'un canton pour leur probité. Au dessus des Centeniers & des Baillifs étoient les Comtes, sur lesquels les Commissaires du Roi, Missi Dominici peregrinantes, avoient inspection. Les Causes que ces Commissaires n'avoient pu décider, soit qu'elles concernassent des particuliers ou le bien général de l'Etat, se portoient aux Placités royaux, c'est-à-dire, au Parlement, qui les jugeoit au nom du Roi lors même qu'il n'y assistoit pas.[1018]
[1011] Ibid, c. 20, 21 & 22.
[1012] Anc. Cout. c. 10.
[1013] L. 2, c. 27. Collect. Ansegis.
[1014] Ibid, c. 28, & L. 4, c. 71, Collect. Ansegis. & Addit. ad Leg. Longobard. Lotario rege, col. 337. Collect. Balus.
[1015] Ibid, L. 3, c. 11.
[1016] Ibid, L. 3, c. 80, 81, 82, 85, & L. 4, c. 55.
[1017] Ibid, L. 4, c. 44.
[1018] Not. Bignon ad Marculphum, col 910 & 911. Collect. Balus. 2e vol.
Dans le cours de mes Remarques[1019] j'ai suffisamment désigné les bornes & les objets de la compétence des Placités inférieurs; il ne faut qu'un mot pour faire connoître quelle étoit la compétence des Placités particuliers du Roi.
[1019] Voyez Remarq. Sect. supr.
Il me semble qu'on ne doit point distinguer ces Placités d'avec l'Assemblée générale du Royaume. Les mêmes personnes y avoient séance; les mêmes matieres y étoient discutées. Je dis que les mêmes personnes assistoient aux Placités généraux & particuliers. En effet, Marculphe, en la trente-cinquieme Formule de son premier Livre, suppose que pour la décision d'un Procès entre deux personnes puissantes, les Evêques, les Grands, les Référendaires, les Commensaux, le Comte du Palais & autres fideles doivent y être présens: or, les Assemblées générales ne pouvoient être composées d'aucuns Seigneurs qui ne soient compris sous ces diverses dénominations.
Quant à la compétence, si d'un côté nous voyons des Placités généraux condamner deux Evêques, s'occuper de la discussion d'une doctrine extravagante soutenue par un Sophiste, prononcer sur la propriété d'une Métairie, juger des contestations qui n'intéressoient qu'un Monastere:[1020] d'un autre côté ne voit-on pas des Commissaires députés par un Placité particulier du Roi pour rétablir l'ordre dans toutes les parties du Royaume.[1021] Ces deux Cours suprêmes ne différoient donc qu'en ce que 1o. l'Assemblée générale se tenoit deux fois par an, & les Placités du Roi seulement suivant le besoin; 2o. tous les grands du Royaume n'étoient dispensés de se présenter aux Assemblées générales que pour les plus fortes considérations,[1022] & les fideles n'étoient tenus, au contraire, d'assister aux Placités qu'autant qu'ils en avoient la commodité ou que le Roi leur commandoit expressément de s'y trouver.[1023] Deux Officiers, l'Apocrisiaire & le Comte du Palais examinoient, l'un les Causes Ecclésiastiques, l'autre les Causes civiles, avant qu'elles fussent proposées au Roi dans ses Placités; & en l'absence du Roi, le Comte du Palais y présidoit.[1024] Si de ces Placités on renvoyoit quelquefois des affaires à l'Assemblée générale, c'étoit ou parce qu'elles n'étoient point urgentes, ou parce que le Placité n'avoit pas été composé d'un nombre suffisant de Seigneurs de la classe de ceux qui avoient plus d'intérêt à la décision.[1025] Il est important de bien saisir ces notions sur le pouvoir qui appartenoit à chacun des Tribunaux établis sous les deux premieres Races pour l'administration de la Police générale & particuliere; car il n'est gueres possible de comprendre sans elles l'économie de notre ancienne Législation.
[1020] Annal. Benedict. ann. 693 & 780. Capitul. ann. 803, col. 401 Collect. Balus. tom. 1. Capitul. ann. 769, art. 12, col. 192. Capitul. 371, L. 6, Ansegis.
[1021] Capitul. ann. 828, col. 655. Balus.
[1022] Capitul. ann. 807, col. 459. Capitul. ann. 828, col. 655.
[1023] Marculph. Formul. 35, L. 1, cum pluribus optimatibus.... vel reliquiæ quam pluribus fidelibus, &c.
[1024] Not. Bignon. ad Formul. suprà-citat.
[1025] Thomassin. L. 3, 2 Part. c. 51, no9 & 10.
(b) Titulo, droit en Fitzherbert, &c.
Cette citation n'est pas de Littleton, & a été ajoutée à son Texte:[1026] on ne doit pas juger de l'ancienneté des Loix qu'il a recueillies par les Statuts ou Réglemens indiqués dans chaque Section, quand ils ne font point corps avec les maximes que ces Sections contiennent.
[1026] Coke, fol. 294.
(c) Et originall.
On représentoit en l'Eire le Bref adressé au premier Juge, & sur lequel il avoit mal jugé ou avoit refusé de prononcer; on appelloit ce Bref, Bref original.[1027]
[1027] Original pour originaire.
(d) Challenge.
C'étoit l'opposition qu'une Partie formoit au serment des Jureurs nommés en l'Assise ou en présence des Juges ambulans délégués par le Parlement; car aussi sount eux (Jureurs) refusables de serments faire, comme sount tesmoignes suspectes de temoignage.[1028]
[1028] Britton, c. 53, de Chalenge de Jurours.
(e) Quater Chivalers.
La grande Assise s'obtenoit du Roi par un Bref qui interdisoit au Vicomte de connoître de la matiere sur laquelle les Parties étoient en contestation.[1029] Ce Bref suspendoit donc toutes les poursuites que l'on auroit pu faire en premiere Instance contre celui auquel il étoit accordé, & il étoit toujours suivi d'un autre Bref qui enjoignoit au Vicomte ou au Juge de l'Eire, dans le cours de sa Commission, de rechercher dans le lieu quatre Chevaliers loyaux qui en élisoient douze autres par le rapport ou le verdict desquels la cause étoit décidée.[1030] Comme ces douze Jureurs étoient du choix des Parties, elles n'avoient aucun prétexte de s'opposer à leur serment de les Chalenger.
[1029] Glanville, L. 2, c. 9.
[1030] Ibid, c. 10.
(f) Attaint.
Si les Jurours facent faux serment, en tiel cas gist atteinte.[1031] La peine du Jureur, qui en avoit imposé sur les faits au premier Juge, étoit de perdre ses franchises, de tenir prison toute sa vie; ses biens & ses meubles étoient confisqués au profit du Roi; sa femme & ses enfans déclarés incapables de succéder; sa maison renversée, ses plantations détruites, ses prairies labourées. Pour convaincre les Jureurs de faux, on avoit recours à un Bref du Roi, en vertu duquel vingt-quatre Jureurs, de la même condition des premiers, étoient élus; mais avant d'entendre ces Jureurs, on examinoit s'il n'y avoit point eu erreur dans la prononciation de la Sentence; & quand le record des Juges qui l'avoient rendue en constatoit l'exactitude, on consultoit le rapport ou Procès-verbal accusé de fausseté, pour découvrir si les Jureurs qui l'avoient rédigé ne s'étoient pas trompés par précipitation, par omission, ou en faisant usage d'expressions obscures ou équivoques, & en ces deux cas ils n'étoient susceptibles que d'amendes.[1032]
[1031] Britton, c. 97 & 98.
[1032] Britton, c. 97, pag. 240.
(g) Ley gager.
Vadiare legem, on gageoit la bataille ou le duel en jettant à son adversaire devant le Juge un gant ou autre chose, comme le gage des faits que l'on avançoit. L'accusé ou le défendeur en relevant de terre ce gage ou en le recevant, étoit réputé contracter la preuve contraire à l'imputation qui lui étoit faite.[1033] La même formalité s'observoit pour gager la Loy; c'est-à-dire, pour se soumettre dans le cours d'une Instance à comparoître à un autre jour que celui de la premiere assignation, lorsqu'il n'étoit pas possible de terminer sans ce délai la difficulté qui formoit le Procès. Au moyen de ce que la Loi étoit gagée, on étoit non-recevable à décliner la Jurisdiction, & à proposer aucunes exceptions contre le Bref constitutif de la demande, on n'avoit plus que le droit de discuter le fonds.[1034]
(h) En temps le Roi Henry.
C'est de Henri II dont il est ici question. Sous le regne de ce Prince les Actes judiciaires, les Chartres des particuliers commencèrent à être recueillis & conservés avec plus de soin.
(i) Demi mark.
Du temps de Henri II, c'est-à-dire, soixante ans environ après Guillaume le Conquérant, le marc en Angleterre pesoit trente deniers & le sol onze deniers; six sols faisoient par conséquent un marc.[1035]
[1033] Reg. Majest. L. 3, c. 23, & Sken. Not. in vers. 9, pag. 85.
[1034] Britton, c. 27, pag. 56.
[1035] Coke, fol. 294, verso.
CHAPITRE IX. DE CONFIRMATION.
SECTION 515.
Fait de Confirmation (a) est communement en tiel form, ou a tiel effect, Noverint universi, &c. me A. de B. ratificasse, approbasse, & confirmasse, C. de D. statum & possessionem, quos habeo, de, & in uno messuagio, &c. cum pertin' in F. &c.
SECTION 515.—TRADUCTION.
Les Actes de Confirmation sont dressés ordinairement en cette forme: Qu'il soit notoire à tous que moi A. de B. ai ratifié, approuvé & confirmé à C. de D. l'état & possession que j'ai de telle métairie, avec ses dépendances, située A...
REMARQUES.
(a) Confirmation.
Charta de confirmatione, dit Flete, est illa quæ alterius factum consolidat & confirmat, & nihil novi attribuit, quandoque tamen confirmat & addit.
Marculphe[1036] nous a donné le modele de differentes Chartres de confirmation. Elles ont pour objet des ratifications faites par nos premiers Rois, des dons que leurs prédécesseurs avoient faits ou à des Eglises ou à des particuliers. La trente unieme est tout-à fait semblable à la Formule proposée en cette Section: non-seulement les donataires de fonds dépendans du domaine étoient obligés de les faire confirmer à chaque regne, mais ils ne pouvoient céder ou transporter la jouissance de ces fonds sans observer la même formalité.[1037]
[1036] L. 1, c. 4, 16, 31 & 35.
[1037] Glanville, L. 7, c. 1, in fine.
C'étoit à l'instar de cette Jurisprudence, établie pour la conservation des revenus de la Couronne, que les Seigneurs, pour prévenir l'anéantissement de leurs Fiefs, auquel les sous-inféodations trop fréquentes les exposoient, ordonnerent à leurs vassaux de tenir en leur main assez de terres en revenu pour s'acquitter de leurs services; & à moins que le vassal n'obtint un acte de confirmation du Seigneur pour l'aliénation qu'il faisoit au-delà des bornes qui lui étoient prescrites, ces aliénations étoient nulles.[1038] Les particuliers suivirent entr'eux les mêmes regles à l'égard de leurs immeubles. Un moribond ne pouvoit en disposer valablement durant sa derniere maladie; mais la confirmation de son héritier mettoit son testament à l'abri de tout reproche.[1039] Les symboles employés pour donner aux actes de vente ou de cession l'autenticité & la force nécessaires pour leur exécution étoient usités à l'égard des actes de confirmation.[1040] Depuis que les sous-inféodations sont devenues toutes héréditaires, nos Rois ont seuls conservé l'usage de confirmer les démembremens faits par leurs prédécesseurs des fonds ou des biens du domaine.
[1038] Statut. Willelm. Reg. c. 31. Collect. Sken.
[1039] Reg. Maj. L. 2, c. 18, no10.
[1040] Annal. Benedict. ann. 1075, 1076 & 1097, tom. 5, pag. 89, 95 & 351.
SECTION 516.
Et en ascun case un fait de confirmation est bone & available, lou en tiel case un fait de release nest passe bone, ne available. Sicome jeo lessa terre a un home pur terme de sa vie, l' quel lessa mesme la terre a un auter pur terme de xl ans, per force de quel il est en possession. Si jeo per mon fait confirme lestate del tenant a terme dans, & puis le tenant a terme de vie morust durant le terme des ans, jeo ne puis enter en la terre durant le dit terme.
SECTION 516.—TRADUCTION.
Il y a des cas où un acte de confirmation est bon & valable, & où un acte de délaissement seroit sans effet. Par exemple: Je cede une terre à un homme pour sa vie, & cet homme, en vertu de sa possession, la laisse à un autre pour quarante ans; si je confirme l'état du dernier cessionnaire, je ne peux, après le décès du premier, rentrer en possession du fonds durant les quarante années qui sont le terme de sa jouissance.
SECTION 517.
Uncore si jeo per mon fait de release avoy releas al tenant a terme dans en la vie le tenant a terme de vie, cel release serra void, pur ceo que adonques ne fuit ascun privity perenter moy & le tenant a terme dans, car release nest availeable al tenant a terme dans mes lou est un privitie perenter luy & celuy que releasast.
SECTION 517.—TRADUCTION.
Donnons un autre exemple. Si j'ai un délaissement de la part d'un tenant à terme d'ans durant la vie d'un tenant viager, ce délaissement est nul, parce qu'il n'y a aucune correspondance directe entre moi & le tenant à terme d'ans. Or, un délaissement ne vaut, lorsqu'un pareil tenant le fait, qu'autant qu'il y a quelques rapports entre lui & celui au profit duquel il fait le délaissement.
SECTION 518.
En mesme l' manner est, si jeo soy disseisie, & le disseisor fait un lease a un auter pur terme dans, si jeo relessa al termor, ceo est voyde, mes si jeo confirma lestate l' termor, ceo est bone & effectual.
SECTION 518.—TRADUCTION.
Il faut dire la même chose, si étant dessaisi, celui qui m'a dépossédé cede le fonds à un étranger pour quelques années; car si je fais délaissement à ce dernier, ce délaissement est nul; mais la confirmation que je ferois de son état seroit valable.
SECTION 519.
Item, si jeo soy disseisie, & jeo confirma lestate le disseisor, il ad bone & droiturel estate en fee simple, coment que en le fait de confirmation nul mention est fait de ses heires, pur ceo que il avoit fee simple al temps de confirmation. Car en tiel case si l' disseisee confirma lestate le disseisor, A aver & tener a luy & a ses heires de son corps engendres, ou a aver & tener a luy pur l' terme de sa vie, uncore le disseisor ad fee simple, & est seisie en son demesne come de fee, pur ceo que quant son estate fuit confirme, donque il avoit fee simple, & tiel fait ne poit changer son estate, sans entry fait sur luy, &c.
SECTION 519.—TRADUCTION.
Si cependant j'étois dessaisi, & si ensuite je confirmois l'état de celui qui auroit obtenu cette dessaisine, il auroit alors état en fief simple, quoique dans l'acte de confirmation je n'eus point parlé de ses hoirs, parce qu'au temps de l'acte son état étoit en fief simple. Il y a plus: si dans le même cas je confirme l'état du dépossesseur tant pour lui que pour ses hoirs, ou pour le terme de sa vie seulement, il ne sera pas moins tenant en fief simple dans l'un & l'autre cas. En effet, lorsque je confirme son état, il est tenant sans restriction; or, un acte de confirmation ne peut changer l'état des personnes qu'autant que l'on reprend, avant de passer cet acte, la possession des fonds en vertu d'un Bref d'entrée.
SECTION 520.
En mesme le maner est, si son estate soit confirme pur terme de un jour ou pur terme dun heure il ad bon estate en fee simple, pur ceo que son estate en fee simple fuit un foits confirme. Quia confirmare, idem est, quod firmum facere, &c.
SECTION 520.—TRADUCTION.
Par la même raison, quand on ne confirmeroit l'état d'un donataire ou d'un acquereur que pour un jour ou une heure, cet état seroit en fief simple, parce qu'on ne peut confirmer l'état que selon sa nature originaire.
SECTION 521.
Item, si mon disseisor fait un leas a terme de vie, le remainder ouster en fee, si jeo releas al tenant a terme de vie ceo urera a celuy en le remainder. Mes si jeo confirme lestate de le tenant a terme de vie, uncore apres son decease jeo puis bien enter, pur ceo que riens est confirme forsque lestate le tenant a terme de vie, issint que apres son decease, jeo puis enter. Mes quant jeo relessa tout mon droit al tenant a terme de vie, ceo urera a celuy en le remainder, ou en l' reversion, pur ceo que tout mon droit est ale per tiel releas. Mes en cest cas, sil le disseisee confirme lestate & le title celuy en le remainder sans ascun confirmation fait a tenant a terme de vie, le disseisee ne poit enter sur le tenant a terme de vie, pur ceo que l' remainder est dependant sur lestate le tenant a terme de vie, & si son estate serroit defeate, le remainder serroit defeate, per lentrie le disseisee, & ceo ne serra reason que il per son entre defeateroit le remainder encounter son confirmation, &c.
SECTION 521.—TRADUCTION.
Si celui qui m'a dépossédé cede les fonds à quelqu'un pour le terme de sa vie, & cede à un autre la propriété en fief simple, & si ensuite je fais un délaissement à celui qui est tenant viagerement, c'est le cessionnaire de la propriété qui profite de ce délaissement; au lieu que si je confirme l'état du tenant viager, je conserve le droit de rentrer dans le fonds après son décès. Il en seroit de même si je délaissois tous mes droits au tenant à terme de vie; celui qui auroit à son profit le retour du fief en jouiroit à mon préjudice, parce qu'en ce cas je ne me suis rien réservé sur le fonds; au contraire, si étant dessaisi je confirme l'état & le titre de celui-là seul, à qui le fief doit retourner, je ne peux, après la donation viagere éteinte, troubler la possession du tenant à terme de vie: car l'état de celui à qui appartient la réversion de ce fief dépend alors de l'état du tenant viager, & si ce dernier étoit déchu de son état, l'état de l'autre seroit anéanti. Or, il seroit contradictoire que celui à qui on auroit confirmé le droit de réversion sur la propriété perdît ce droit par la dépossession d'un tenant à terme de vie.
SECTION 522.
Item, si sont deux disseisors, & le disseisee relessa a un de eux, il tiendra son compagnion hors de la terre. Mes si le disseisee confirma lestate de lun, sans pluis dire en le fait, ascuns diont que il ne tiendra son compagnion dehors, mes tiendra joyntment oue luy, pur ceo que riens fuit confirme forsque son estate que fuit joynt, &c.
SECTION 522.—TRADUCTION.
S'il y avoit deux personnes qui eussent dépossédé; celui qui auroit été dépouillé de sa possession ayant fait délaissement à l'une d'elles, celle au profit de laquelle auroit été fait ce délaissement exclueroit son codépossesseur du fonds; mais si le dessaisi confirme l'état de l'un des dépossesseurs sans aucune réserve, plusieurs pensent que les deux dépossesseurs profitent de la confirmation, & qu'ils deviennent jointenans, parce que l'état de l'un ne peut être approuvé par celui seul qui pouvoit l'attaquer, sans que l'état de l'autre ne soit en même-temps reconnu pour légitime.
SECTION 523.
Et pur ceo ascuns ont dit, que si deux joyntenants sont, & lun confirme lestate lauter que il nad forsque joint estate, si come il avoit adevant. Mes sil ad tiels parols en le fait de confirmation, a aver & tener a luy & a ses heires touts les tenements dont mention est fait en le confirmation, donques il ad estate sole en les tenements, &c. Et pur ceo il est bone & sure chose en chescun confirmation daver ceux parolx: A aver & tener les tenements, &c. en fee ou en fee taile, ou pur terme de vie, ou pur terme dans, solonque ceo que le cas est, ou le matter gist.
SECTION 523.—TRADUCTION.
Quelques-uns ont dit néanmoins que si un des jointenans obtient un acte de confirmation de son état, tant pour lui que pour ses hoirs, il bénéficie seul de cet acte. Ainsi le plus sûr est d'insérer, en tous actes de confirmation, cette clause: A avoir & tenir les tenemens, tant pour lui que pour ses hoirs, en fief simple ou en fief tail, ou à terme de vie ou à terme d'ans, selon que la matiere le requiert.
SECTION 524.
Car al entent dascuns, si home lessa terre a un auter pur terme de vie, & puis confirma son estate que il ad en mesme la terre a aver & tener son estate a luy & a ses heires, cest confirmation, quant a ses heires, est void, car ses heires ne poient aver son estate que ne fuit forsque pur terme de son vie. Mes sil confirma son estate per ceux parolx a aver mesme le terre a luy & a ses heires, cest confirmation fait fee simple en cest case a luy en la terre, pur ceo que les parolx a aver & tener, &c. va a le terre & nemy al estate que il ad, &c.
SECTION 524.—TRADUCTION.
En effet, bien des Jurisconsultes estiment que si un homme cede sa terre à un autre pour sa vie, & employe dans l'acte de confirmation de cette cession, qu'il confirme l'état qu'a le cessionnaire tant pour lui que pour ses hoirs, cette clause est sans effet. La raison qu'ils en donnent est que les héritiers de ce dernier ne peuvent avoir d'autre état que l'état de celui auquel ils succedent; mais en employant dans l'acte de confirmation ces mots que l'état du tenant sur la terre est confirmé tant pour lui que pour ses successeurs, on ne doute point que cet état ne soit en fief simple. Les expressions de la premiere clause à avoir & tenir, ne sont, en effet, relatives qu'à la personne & à l'état qu'elle a sur la terre; au lieu que les termes de la derniere clause sont relatifs à la terre.
SECTION 525.
Item, si jeo lessa certaine terre a un feme sole pur terme de sa vie, la quel prent baron, & puis jeo confirma lestate le baron & sa feme a aver & tener pur terme de lour deux vies, en cest case le baron ne tient joyntment oue sa feme, mes tient en droit de sa feme pur terme de sa vie. Mes cest confirmation urera a le baron per voy de remainder pur terme de sa vie, sil survesquist (a) sa feme.
SECTION 525.—TRADUCTION.
Que je cede une terre à une femme pour sa vie, & qu'elle se marie ensuite, si je confirme l'état du mari & de la femme pour le terme de leur vie, en ce cas le mari n'est pas jointenant avec sa femme, mais il tient au droit de sa femme le fonds viagérement. Ainsi l'acte de confirmation ne sert au mari que pour lui donner la jouissance du fonds après le décès de sa femme.
REMARQUE.
(a) Sil survesquist.
Au cas de séparation ou de divorce le mari ne pouvoit donc rien prétendre sur le fonds.
SECTION 526.
Mes si jeo lessa al feme sole terre pur terme dans, le quel prent baron, & puis jeo confirma lestate le baron & se feme, a aver & tener la terre pur terme de lour deux vies: en cest case ils ont joynt estate en le franktenement de la terre, pur ceo que la feme navoit franktenement adevant, &c.
SECTION 526.—TRADUCTION.
Mais si je cede à une femme une terre pour terme d'ans, au cas où après son mariage je confirme l'état de cette femme & de son mari pour le terme de la vie de l'un & de l'autre, ils ont état égal en la possession; car la femme & le mari ne peuvent jouir que durant les mêmes termes.
SECTION 527.
Item, si mon disseisor granta a un rent charge hors de la terre dont il moy disseisist it jeo rehersant (a) le dit granta confirma mesme le grant, & tout ceo que est comprise deins mesme le graunt, & puis jeo enter sur le disseisor, Quære, (b) en cest case, sil le terre soit discharge de le rent ou nemy.
SECTION 527.—TRADUCTION.
Cependant quand celui qui m'a dessaisi transporte le fonds à un autre, & y affecte une Rente-charge, si j'ai répété tout le contenu de ce transport dans l'acte de confirmation que j'en ai fait, la Rente-charge subsiste-t-elle ou non, dans le cas où après l'acte de confirmation je rentre dans le fonds? Cette question mérite examen.
REMARQUES.
(a) Rehersant.
Dans les actes de confirmation on relatoit toutes les clauses contenues dans le premier acte. On peut s'en convaincre par la lecture des Formules de Marculphe, citées sur la premiere Section de ce Chapitre. Le scrupule avec lequel les Loix Angloises indiquent les formalités les moins essentielles en apparence à la validité des actes, fait aisément concevoir comment ces mêmes formalités se sont conservées sans altération depuis l'origine de notre Monarchie jusqu'à la conquête de l'Angleterre par les Normands.
(b) Quære, &c.
Coke pense que la rente auroit subsisté dans l'espece proposée, parce qu'on ne peut confirmer une cession qu'en ratifiant en même-temps les conditions auxquelles elle est faite.
SECTION 528.
Item, si un parson dun Esglise charge le gleble de son Esglise per son fait, & puis l' Patron (a) & Lordinarie (b) confirmont mesme le grant, & tout ceo que est comprise deins mesme l' grant, donques le grant estoyera en sa force, solonque l' purport de mesme le graunt. Mes en tiel case covient que le Patron eit fee simple en ladvowson, (c) car sil nad estate en Lavowson forsque pur terme de vie, ou en le taile, donque l' grant ne estoyera forsque durant sa vie, & la vie l' Parson que grantast, &c.
SECTION 528.—TRADUCTION.
Si un Ecclésiastique charge par un acte la glebe de son Eglise de quelque redevance, le Patron & l'Ordinaire, en confirmant cet acte & toutes les conditions qu'il contient, valide cet acte dans toutes ses parties. Mais il faut, en ce cas, que le Patron ait le Patronage en fief simple; car s'il ne l'a qu'en qualité d'usufruitier ou en fief conditionnel, l'acte ne sera réputé confirmé que durant la vie du Patron & de celui qui a imposé la charge.
ANCIEN COUTUMIER.
Si une partie du contends appartient à personne de Sainte Eglise, & l'en plede de la propriété, ce que la Chartre témoigne doit estre gardé, pourtant qu'elle soit loyale, & que cil l'ait faicte à qui la droiture du Patronage appartient. Ch. 109.
REMARQUES.
(a) Le Patron.
D'abord nos Rois avoient défendu aux Chefs des Eglises de vendre aucunes parties des biens qui en dépendoient sans le consentement de l'Evêque[1041] & de leur Clergé; mais ce consentement ne fut plus regardé comme suffisant dès qu'on eut accordé aux Laïcs des honneurs dans les Eglises qu'ils avoient fondées.[1042] L'avis des Patrons fut requis pour tout ce qui pouvoit servir ou nuire à la conservation des monumens de leur piété: ceci étoit d'autant plus juste que de tout temps[1043] en France les Eglises avoient eu des Avoués chargés de la défense de leurs droits & de leurs possessions, & que l'on devoit bien moins compter sur leur zèle à remplir ces fonctions que sur celui des personnes à la générosité desquelles les Eglises devoient leur existence. D'ailleurs les fondateurs d'Eglises, témoins des déprédations commises par la plupart des Avoués, se réservoient, comme il est dit plus haut, lors de la fondation, ce titre & le pouvoir qui y étoit attaché à perpétuité, & de là dans les Loix Anglo-Normandes Advouson & Patronage signifient la même chose.
[1041] Capitul. L. 7, art. 27 & 214, col. 1035 & 1070. Balus. 1er vol.
[1042] Capitul. 896, apud Pistas art. 8, col. 211. Ibid, 2e vol.
[1043] La Loi Salique, Marculphe, les Capitulaires parlent souvent de ces Avoués.
(b) Lordinarie.
Les Capitulaires de nos premiers Rois se servent du terme Sacros Ordines pour signifier les Saints Canons.[1044] En conséquence la Jurisdiction établie par les Evêques, pour faire observer les Réglemens Canoniques, a été appellée Ordinaire.
[1044] Capitul. 82. Balus. L. 1, col. 719.
(c) Advovvson en fee simple.
Les Eglises n'entrent point dans le commerce, nullius sunt res Sacræ, & les droits qu'un Patron y conserve ne sont qu'honorifiques. Quand il est parlé ici de l'Advovvson en fief simple ce n'est donc pas tant du Patronage en lui-même dont il s'agit que de la glebe auquel il étoit attaché. Cette glebe pouvoit consister aussi bien en fonds de terres qu'en rentes affectées sur ces fonds,[1045] & on pouvoit la tenir en fee ou a terme de vie ou en autre maniere.[1046] Lorsqu'il s'élevoit quelque contestation entre deux Patrons sur la nomination à un Bénéfice Ecclésiastique, on examinoit d'abord laquelle des Parties avoit présenté le dernier pourvu, & si cette présentation avoit été faite au nom propre de celui qui se disoit Patron, ou par un gardien d'un mineur à qui ce Patronage appartenoit alors, ou par une douairiere ou par un mari durant sa viduité; car dans ces trois derniers cas les enfans de ceux qui avoient présenté ne pouvoient se faire un titre de la possession que leur pere & mere avoient eu du Patronage. C'est pourquoi on distinguoit en fait de Patronage la seisine del droit possessory, & la seisine de la proprieté.[1047] Celui qui justifioit être saisi de la propriété l'emportoit toujours sur celui qui ne prouvoit qu'une simple possession. Ainsi on discutoit en même temps le pétitoire & le possessoire du Patronage, & cette discussion s'est toujours faite avant la réunion de la Normandie à la Couronne en cette Province, ainsi qu'en Angleterre, devant les Juges Laïcs, lors même que la contestation étoit née entre un Patron Ecclésiastique & un Patron Laïc.[1048]
[1045] Britton, c. 91, il quant il presenta tint rien de la glebe, si come rente ou soil, a que lavow son appendit.
[1046] Ibid, pag. 224.
[1047] Britton, c. 92, pag. 226.
[1048] Glanville, L. 4, c. 13, Rex judicibus illis Ecclesiasticis salutem: indicavit nobis R. quod cum I. Clericus suus tenet Ecclesiam illam in illâ villâ per suam presentationem quæ de sua advocatione est ut dicitur, N. Clericus eamdem petens ex advocatione M. militis, ipsum I. coram vobis in curiâ Christianitatis inde trahit in placitum.... quoniam lites de advocationibus Ecclesiarum ad coronam & dignitatem meam pertinent, vobis prohibeo ne in causam illam procedatis, &c. Voyez Remarque Section 234.
SECTION 529.
Item, si home lessa terre pur terme de vie, le quel tenant a terme de vie charge la terre oue un rent en fee, & celuy en le reversion confirma mesme le grant, le charge est assets bonne & effectual.
SECTION 529.—TRADUCTION.
Quand un propriétaire a cédé une terre à terme de vie, si le tenant viager donne ensuite cette terre en fief, à la charge d'une rente, le propriétaire qui a la directité de cette terre, en confirmant la donation, est réputé avoir aussi confirmé la charge à laquelle elle a été faite.
SECTION 530.
Item, si soit un perpetual chantarie, dont lordinarie nad rien a medler ne a faire, Quære si le Patron del chauntery (a) & le Chapleine de mesme le chauntery poient charge le chauntery oue un Rent charge a perpetuitie.
SECTION 530.—TRADUCTION.
Le Patron d'une Chantrerie en titre, dont la nomination ne dépend point de l'Ordinaire, peut, conjointement avec le pourvu de cette espece de Bénéfice, le charger d'une rente à perpétuité.
REMARQUES.
(a) Chauntery.
Une des principales fonctions des Ecclésiastiques & des Moines sous les regnes de Pepin & de Charlemagne étoit d'enseigner ou d'apprendre à chanter; il y avoit des Ecoles de chant dans tous les Monasteres & les Maisons Episcopales.[1049] Charlemagne lui-même se faisoit un mérite de diriger le chant des Prêtres lorsqu'il assistoit à l'Office Divin. Dès que les Seigneurs eurent la permission de fonder des Chapelles domestiques, ils s'attacherent sur-tout à y établir de bons Chantres; ils leur assignerent, & à ceux qui succederoient à leurs fonctions, des terres, des portions de leurs Fiefs pour leur entretien & leur subsistance: mais la dot de ces Chantres étoit tellement en la disposition des seuls Fondateurs qu'ils pouvoient, sans recourir à l'Ordinaire, les transporter à d'autres Chapelles que celles qu'ils en avoient originairement gratifiées.
[1049] Capit. Carol. Mag. col. 482 & 237. Balus. 1er vol. Greg. Tur. de Mirac.
Les Ecclésiastiques qui desservoient les Chantreries n'avoient donc point un titre canonique, ils étoient amovibles; & le Canon 25 du Concile d'Epaone, cité par Thomassin, Discipline Ecclésiastique, c. 94, pag. 1, L. 2, ne contient rien de contraire à cette assertion. L'Evêque ne permettoit point à un Prêtre de s'habituer en une Chapelle pour y chanter, à moins que ce Prêtre n'y trouvât une subsistance honnête; mais de-là il ne s'en suit point que le fondateur de la Chapelle fût privé du droit d'affecter les revenus des Chantres qu'il y admettoit à d'autres usages quand la convention qu'il avoit faite avec eux ne contenoit à cet égard aucun dérogatoire.
SECTION 531.
Item, en ascun cas cest verbe Dedi ou cest verbe Concessi, ad mesme leffect en substance, & urera a mesme lentent, come cest verbe Confirmavi. Sicome jeo sue disseisie dun carue de terre, (a) & jeo face tiel fait; Sciant præsentes, &c. quod dedi a le disseisor, &c. vel quod concessi a le dit disseisor le dit carue, &c. & jeo deliver tantsolement le fait a luy sauns ascun livery de seisin del terre, cest un bone confirmation, & auxy fort en ley, sicome il avoit en le fait cest verbe confirmavi, &c.
SECTION 531.—TRADUCTION.
En certaines circonstances ces mots, j'ai donné, j'ai concédé, ont le même effet & le même sens que celui-ci, j'ai confirmé. Par exemple, que j'aie été dessaisi d'une charrue de terre, & que je fasse ensuite un acte conçu en ces termes: que tout le monde sache que j'ai donné ou concédé à celui qui m'a dépossédé ladite charrue de terre; ce dernier, en vertu d'un pareil acte, même sans prise de possession, est aussi certain dans sa possession, suivant la Loi, que si je lui avois donné un acte de confirmation.
REMARQUE.
(a) Carue de terre.
Carucata terræ, cette mesure a varié; selon les uns elle contenoit 60 acres:[1050] selon d'autres 120 & même 130 acres.[1051]
[1050] Willelm. Wast Gloss. in fine. Matth. Paris.
[1051] Du Cange, verbo carrucata.
SECTION 532.
Item, si jeo lessa terre a un home pur terme dans, per force de quel il est en possession, &c. Et puis jeo face un fait a luy, &c. Quod dedi & concessi, &c. le dit terre a aver pur terme de sa vie, & deliver a luy le fait, &c. donques maintenant il ad estate en le terre pur terme de sa vie.
SECTION 532.—TRADUCTION.
Quand je cede une terre à un homme pour plusieurs années, si en vertu de cette cession il se met en possession du fonds, l'acte par lequel je lui donne & accorde ensuite le même fonds pour sa vie doit avoir son exécution.
SECTION 533.
Et si jeo die en le fait, a aver & tener a luy & a ses heires de son corps engendres, il ad estate en fee taile, & si jeo die en le fait, a aver & tener a luy & a ses heires, il ad estate en fee simple, car ceo urera a luy per force de confirmation denlarger son estate.
SECTION 533.—TRADUCTION.
Si l'acte porte que la cession est faite au cessionnaire pour lui & les enfans qui sortiront de lui, son état est en fief tail; & s'il y est stipulé qu'il aura le fonds pour lui & ses hoirs, son état sera en fief simple: car on peut dans tous les actes de confirmation augmenter & améliorer l'état de celui au profit duquel il est passé.
SECTION 534.
Item, si home soit disseisie, & le disseisor devie seisie, & son heire est eins per descent, & puis le disseisee & lheire le disseisor sont joyntment un fait a un auter en fee, & livery de seisin sur ceo est fait (quant al heire le disseisor, que ensealast le fait) les tenements passont & uront per mesme le fait per voy de feoffement, & quant al disseisee que ensealast mesme le fait, ceo ne urera sinon per voy de confirmation. Mes si le disseisee en cest cas port briefe dentre en l' Per & Cui envers lalienee del heire le desseisor: Quaere, coment il pledra cel fait envers l' demandant per voy de confirmation, &c. Et saches, mon fits, que est un des pluis honorables, laudables, & profitables choses en nostre ley, de aver le science de bien pleder, (a) en actions reals & personals, & pur ceo jeo toy counsaile especialment de mitter ton courage & cure de ceo apprender.
SECTION 534.—TRADUCTION.
Lorsqu'un homme est dessaisi, si celui qui l'a dépossédé meurt en possession de la terre, l'héritier de ce dernier, après avoir entré sur le fonds à droit successif, peut, conjointement avec le dessaisi, donner ce fonds en fief; & en ce cas le feudataire, en vertu du sceau apposé à l'acte par l'héritier de celui qui a dessaisi, obtient la propriété du fonds à titre de fief, & en vertu du sceau que le dessaisi a apposé au même acte, il acquiert cette propriété par voie de confirmation. Conséquemment si le dessaisi, après ledit acte, obtenoit un Bref d'entrée contre l'acquereur de l'héritier de celui qui l'a dépossédé, cet acquereur seroit tenu, pour se défendre, de suivre les Procédures établies pour les cas où il s'agit de confirmation.
Je vous fais cet observation, mon fils, parce que vous devez sçavoir que dans la profession des Légistes il n'y a point de connoissance plus honorable, plus louable ni plus utile que celle qui consiste à distinguer les diverses manieres de plaider en matiere réelle ou personnelle; c'est pourquoi je vous exhorte à ne rien négliger pour l'acquerir.
REMARQUES.
(a) Est un des pluis honorables en nostre Ley, &c. de bien pleder.
Nos premiers Monarques ont honoré des distinctions les plus flatteuses, les Défenseurs des causes des Villes ou des Particuliers; ils portent dans les Formules de Marculphe les noms d'Illustres, Honesti, Laudabiles, Venerabiles Viri.[1052] C'étoit sur-tout aux Infirmes, aux Vieillards, aux Mineurs[1053] que le Roi permettoit de faire proposer leurs raisons par ces Défenseurs ou Avocats. Si celui du Demandeur amplifioit quelquefois l'objet de la plainte, l'Avocat de l'Accusé n'épargnoit rien pour en atténuer les motifs; mais comme la plûpart des causes se décidoient par des enquêtes, l'illusion ne duroit pas.[1054] La réception de ces Défenseurs se faisoit comme celle des Juges Assesseurs, par les Comtes ou les Missi Dominici dans chaque Comté, leurs noms étoient enregistrés aux Placités généraux; & pour obtenir la liberté d'employer leur ministere, il falloit, comme on l'a déjà dit, s'adresser au Roi. Leur éducation ne se bornoit pas à l'étude de la Loi: dans la même Ecole où ils s'en instruisoient, ils pouvoient aussi se former à la Religion, aux Exercices militaires & aux Belles Lettres;[1055] cette Ecole étoit dans le Palais même du Roi, les Princes, les Enfans des Comtes les fréquentoient.[1056] Comme on étoit obligé quelquefois de faire des changemens ou quelques additions aux Loix, afin que les Défenseurs ne pussent les ignorer, & que les Juges n'eussent aucun prétexte de s'en écarter, les Comtes portoient avec eux le livre de la Loi en chaque Audience. Le Roi tiroit ordinairement ceux qui tenoient registre de sa dépense, du nombre des jeunes gens qui s'étoient appliqués à l'étude des Loix, & il étoit assez ordinaire qu'ils parvinssent de ce grade aux premieres dignités du Royaume & même à l'Episcopat. Les Rois d'Angleterre, après la conquête du Duc Guillaume, n'ont pas été moins attentifs que nos premiers Monarques à l'instruction de ceux qui se sont consacrés dans leurs Etats à l'interprétation du Droit Coutumier. Postquam Galli, dit Fortescue, Duce Willhelmo Angliæ conquestore terram illam obtinuerunt, non permiserunt ipsi eorum Advocatos placitare causas suas nisi in linguâ quam ipsi noverunt, qualiter & faciunt omnes Advocati in Franciâ. Les François porterent plus loin encore leur attachement à leur langue naturelle: dans la crainte d'être trompés par les vaincus, ils n'en employerent jamais d'autre dans leurs comptes avec ces derniers, ils s'en servoient même à la chasse & dans leurs jeux; les Anglois, en partageant ces exercices avec leurs vainqueurs, contracterent insensiblement l'habitude de ne parler que le Normand dans les mêmes occasions, & l'étude de cet idiome fit une des parties essentielles de l'éducation de leurs enfans.
[1052] Formul. 12, L. 1. Marculph. & Not. Bignon. ad eandem Formulam 38. Tom. 2, L. Formul. Sirmond. 3.
[1053] Lex Ripuar. art. 81, col. 51. Balus. 1 vol.
[1054] Capitul. ann. 744. Childer. 3 Regn. no18. Collect. 154. Ibid.
[1055] Not. Sirmond. ad Capit. ann. 858, Collect. 113, 2e vol. Balus. & ann. 882, col. 289, 2e vol. ibid. Not. Balus. ad Capitul. tom. 2, col 1193. Examinat. Willeberti per Hincmar. col. 613, 2e vol. Balus.
[1056] Annal. Benedict. ann. 870, 3e vol. L. 37, pag. 153. Not. Sirmond. ad Capitul. 12, ann. 858. Thomassin, Discipline Ecclésiastique, tom. 2, pag. 607, 629 & 636.
Divers Réglemens rendus depuis que la Normandie a été réunie à la France, n'ont encore pu abolir entierement cette habitude, sur-tout à l'égard des plaidoyers; il est en effet impossible de bien rendre en Anglois certains termes affectés de tous temps par les Normands aux Brefs & à la forme de procéder adoptés par le Droit public Anglois. Lorsque les Loix Romaines s'introduisirent en Angleterre, on les enseigna, il est vrai, en Latin dans les Universités; mais indépendamment des Universités on conserva toujours des Ecoles particulieres, qui avoient été établies sous le Conquérant pour l'enseignement des Coutumes du pays. Ces Ecoles étoient proche du Palais où le Roi rendoit la justice,[1057] afin que les Etudians puissent assister aux plaidoiries, & y apprendre à faire une juste application des principes qui faisoient l'objet de leurs recherches. On admettoit indifféremment en ces Ecoles les roturiers & les nobles, elles ne se trouvoient cependant ordinairement composées que de ces derniers; la pension que l'on y payoit étoit trop forte pour que des négocians, & encore moins les personnes d'un état inférieur, fussent en état d'en faire le sacrifice chaque année: car indépendamment de l'étude de la Loi, les jeunes gens étoient exercés dans ces especes de Colléges à la musique, à la danse; & outre les Maîtres destinés pour les former à ces divertissemens honnêtes, il y en avoit de gagés pour leur enseigner tous les jours de Dimanches & de Fêtes la Chronologie, la Diplomatique, l'Ecriture-Sainte; de-là des Chevaliers, des Barons & autres Seigneurs de la plus grande distinction plaçoient dans ces Ecoles leurs enfans, & ces enfans, parvenus dans l'âge mûr, conservoient toujours pour les Loix l'amour & le respect qu'on leur avoit inspiré dès l'enfance.[1058] En certains temps déterminés par le Chancelier, les Juges préposés à la direction des Ecoles envoyoient au Roi le nom des sept Etudians qui s'étoient le plus distingués par leur application, & le Roi lui-même les mandoit en la Cour, où il leur conféroit le grade de Sergent de la Loi, Servientis ad Legem. Leur réception étoit suivie d'un repas aussi somptueux que ceux qu'on étoit dans l'usage de donner lors du Couronnement des Rois. Ces repas duroient sept jours. Les nouveaux Sergens faisoient, outre cette dépense, présent aux principaux Officiers de la Couronne, & à chaque Juge de l'Echiquier, d'un anneau d'or dont la valeur étoit proportionnée à leur dignité. C'étoit dans le nombre de ces Sergens de la Loi, que l'on choisissoit les Avocats & les Juges des Cours supérieures, & ceux qui étoient parvenus à ce grade avoient le droit de parler en Justice la tête couverte, même au Roi lorsqu'il y étoit présent.[1059]
[1057] Fortescue, c. 60: Studium istud positum prope curias Regis ad quas omni die placitabili confluunt studentes in legibus illis quasi in scholis publicis leges illæ leguntur & ducentur.
[1058] Ibid, c. 49.
[1059] Fortescue, c. 50, fol. 65.
Que des épreuves si sérieuses, des priviléges si extraordinaires, une réception si distinguée, sont capables d'imprimer dans l'esprit & le cœur des Peuples du respect & de la confiance pour ceux qui par état sont préposés au maintien des Loix! Que ce respect, cette confiance sont propres à développer les talens, à élever l'ame, à annoblir les idées! On préfere naturellement à son propre bonheur celui d'un Compatriote, qui ne craint pas de reconnoître que le sien dépend de nous; & on ne craint point d'immoler ses plaisirs, sa fortune, sa vie même, à la conservation des Loix dont le Souverain ne dédaigne pas de nous constituer lui-même dépositaires ou interpretes.
SECTION 535.
Item, si soyent Seignior & tenant mesque le Seignior confirma lestate que l' tenant ad en les tenements, uncore le Seignior entierment demurt a le Seigniorie come il fuit adevant.
SECTION 535.—TRADUCTION.
Supposons un Seigneur & un tenant: si le Seigneur confirme l'état qui appartient au tenant sur les fonds, la Seigneurie du Seigneur sur ces fonds ne souffre pour cela aucun préjudice.
SECTION 536.
En mesme le manner est, si home ad un rent charge hors de certaine terre, & il confirma lestate que le tenant ad en la terre, uncore demurt a le confirmor le rent charge.
SECTION 536.—TRADUCTION.
Il en est de même si un homme a une Rente-charge sur une terre; en confirmant au possesseur son état sur cette terre, celui-ci reste débiteur de la rente.
SECTION 537.
En mesme le manner est, si un home ad common de pasture en auter terre, sil confirma estate de le tenant de la terre, rien departent de luy de son common, mes ceo nient obstant le common demurt a luy come fuit adevant.
SECTION 537.—TRADUCTION.
Un homme qui s'est réservé un droit de Communauté sur un Pâturage qu'il a aliéné, est encore dans le même cas; il ne perd point son droit de Communauté en confirmant la tenure du fonds à celui qui possede la terre sur laquelle ce droit s'exerce.
SECTION 538.
Mes si soient Seignior & tenant, le quel tenant tient de son Seignior per le service de fealtie & 20 s. de rent, si le Seignior per son fait confirma lestate le tenant, a tener per 12 d. ou per un denier, ou per un maile: en cest case le tenant est discharge de tous les auters services, & le rendra rien a le Seignior, forsque ceo que est comprise deins mesme le confirmation.
SECTION 538.—TRADUCTION.
Mais qu'il y ait un Seigneur & un tenant, & que ce tenant releve d'un Seigneur par le service de féauté & de vingt sols de rente; le Seigneur, en confirmant l'état de son vassal, aux conditions qu'il ne tiendra plus le fonds à l'avenir que par une rente de douze deniers ou d'un denier, ou même d'une maille; en ce cas ce vassal est déchargé de tout autre service, & ne doit rien à son Seigneur que ce que celui-ci s'est réservé par l'acte de confirmation.
SECTION 539.
Mes si le Seignior voile per fait de confirmation, que le tenant en cest cas doit render a luy un esperuer, ou un rose annualement a tiel feast, &c. cest confirmation est voide, pur ceo que il reserva a luy un novel chose que ne fuit parcel de ses services devant la confirmation, & issint le Seignior poit bien per tiel confirmation abridger les services, per queux le tenant tient de luy, mes il ne poit reserver a luy novel services.
SECTION 539.—TRADUCTION.
Si cependant le Seigneur, par l'acte de confirmation, chargeoit son vassal de lui offrir chaque année un épervier ou une rose au lieu de la rente que ce vassal lui devoit, cette redevance seroit nulle; car un Seigneur peut bien diminuer les services qui lui sont dûs par l'acte de confirmation, mais il ne peut y employer de nouvelles charges.
SECTION 540.
Item, si soit Seignior, mesne, & tenant, & le tenant est un Abbe, que tient de mesne per certain services annualment, le quel nad ascun cause daver acquitance (a) envers son mesne pur porter briefe de Mesne, &c. en cest cas, si le mesne confirma lestate que l' Abbe ad en la terre, a aver & tener la terre a luy & a ses successors en frank-almoigne, &c. en cest cas le confirmation est bone, & adonques Labbe tiendra de le mesne en frankalmoigne. Et la cause est pur ceo que nul novel service est reserve, car touts les services especialment specifies sont extincts, & nul rent est reserve al mesne forsque que l'Abbe tient de luy la terre, & ceo fist il devant la confirmation, car celuy que tient en frankalmoigne, ne doit faire ascun corporall service, issint que per tiel confirmation il appiert, que le mesne ne reserva a luy ascun novel service, mes que les tenements serront tenus de luy come ceo fuit devant. Et en cest case l'Abbe avera un briefe de mesne, sil soit distreine en son default per force de le dit confirmation, lou per case il ne puissoit aver un briefe adevant, &c.
SECTION 540.—TRADUCTION.
Supposons un Seigneur suserain, un Seigneur moyen & un tenant Abbé chef d'une Eglise: si ce tenant Ecclésiastique tient de son Seigneur moyen ou direct un fonds, à la charge de certains services annuels auxquels il ne peut se soustraire que par un Bref De medio; en ce cas le Seigneur moyen peut valablement confirmer l'état que le tenant a en la terre, à l'effet que celui-ci & ses successeurs la possedent en Franche-aumône. Le motif de cette maxime est que par cette confirmation le vassal continue de tenir sa terre du Seigneur moyen, & se trouve naturellement déchargé des services qui lui auroient été imposés avant la confirmation: car les dons en franche-aumône excluent toute idée de services corporels. Il y a plus: par l'acte de confirmation le vassal Ecclésiastique qui, auparavant cet acte, n'auroit pu se défendre par un Bref De medio contre son Seigneur moyen, si celui-ci eût saisi le fonds pour l'exécution de ses services, acquiert le droit d'obtenir ce Bref & de l'opposer au Seigneur moyen qui voudroit le saisir.
REMARQUES.
(a) Acquitance.
Le Bref de mesne s'obtenoit ordinairement, comme on l'a dit plus haut,[1060] contre le Seigneur immédiat, qui refusoit à son Vassal de le faire jouir des priviléges attachés essentiellement au Fief. Lors donc que l'inféodation avoit été faite en franche-aumône, il n'étoit dû, par le Donateur au Feudataire, aucun acquittement ou garantie de ce privilége envers le Suzerain; puisque, suivant la section 141 de Littleton, l'inféodation faite en franche-aumône par un Seigneur qui relevoit lui-même d'un autre Seigneur, ne pouvoit jamais changer à l'égard du Suzerain, la nature des services que ce dernier avoit originairement imposés au Fief. Le tenant en franche-aumône ne pouvoit conséquemment obtenir un Bref de mesne ou de medio contre son Seigneur direct, lorsque celui-ci l'inquiétoit dans sa jouissance. Si le Vassal eût en effet réussi à faire perdre à son Seigneur immédiat, en vertu d'un pareil Bref, la directité, le Suzerain, devenu Seigneur direct, n'auroit pas été obligé de conserver au tenant son état en franche-aumône; mais après que cet état en franche-aumône avoit été confirmé par le Seigneur immédiat, ce Seigneur pouvoit être poursuivi par son Vassal, pour l'infraction commise contre les conditions de l'inféodation, & cette poursuite se faisoit en vertu d'un Bref qu'on appelloit aussi de medio, parce qu'il étoit dirigé contre le Seigneur moyen; cependant son effet, au lieu de consister à dépouiller celui-ci de sa Seigneurie & de la transporter au Suzerain, se réduisoit à le contraindre de suivre les conditions de l'inféodation, qu'il ne lui étoit plus possible, ni à ses héritiers, de rétracter après qu'elle avoit été une fois confirmée.