← Retour

Anciennes loix des François, conservées dans les coutumes angloises, recueillies par Littleton, Vol. I

16px
100%

The Project Gutenberg eBook of Anciennes loix des François, conservées dans les coutumes angloises, recueillies par Littleton, Vol. I

This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook.

Title: Anciennes loix des François, conservées dans les coutumes angloises, recueillies par Littleton, Vol. I

Author: Sir Thomas Littleton

David Hoüard

Release date: April 13, 2013 [eBook #42525]
Most recently updated: October 23, 2024

Language: French

Credits: Produced by Anna Tuinman, Irma Spehar and the Online
Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
file was produced from images generously made available
by The Internet Archive/Canadian Libraries)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK ANCIENNES LOIX DES FRANÇOIS, CONSERVÉES DANS LES COUTUMES ANGLOISES, RECUEILLIES PAR LITTLETON, VOL. I ***

ANCIENNES LOIX DES FRANÇOIS, CONSERVÉES DANS LES COUTUMES ANGLOISES, RECUEILLIES PAR LITTLETON;

AVEC des Observations historiques & critiques, où l'on fait voir que les Coutumes & les Usages suivis anciennement en Normandie, sont les mêmes que ceux qui étoient en vigueur dans toute la France sous les deux premieres Races de nos Rois.

Ouvrage également utile pour l'étude de notre ancienne Histoire & pour l'intelligence du Droit Coutumier de chaque Province.

Par M. HOÜARD, Avocat en Parlement, Correspondant de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres.

Fabula fucato verborum ornetur amictu;
Integritas legum simplicitate viget.

Anonym. ad Sken.

NOUVELLE ÉDITION.

TOME PREMIER.

A ROUEN,

Chez LE BOUCHER le jeune, Libraire, rue Ganterie.

Et se trouve à Paris,

Chez DURAND, Neveu, Libraire, rue Galande.

M. DCC. LXXIX.

AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROI.

TABLE DES CHAPITRES


A MONSEIGNEUR,

MONSEIGNEUR

ARMAND-THOMAS HUE,

CHEVALIER

MARQUIS DE MIROMENIL,

CONSEILLER DU ROI EN TOUS SES CONSEILS,

PREMIER PRÉSIDENT

DE LA COUR DE PARLEMENT SÉANT A ROUEN.

MONSEIGNEUR,

Vous me fîtes l'honneur de me dire, il y a quelques années, que les Principes du Droit ne pouvoient être bien connus que par l'étude de l'Histoire: Vous ajoutâtes, MONSEIGNEUR, que si cette maxime étoit vraie à l'égard du Droit en général, elle ne l'étoit pas moins relativement au Droit particulier de chaque Nation & de chaque Province. Cette idée a été le germe de l'Ouvrage que je prends la liberté de vous offrir.

Si les Observations qu'il contient ne suffisent pas pour dissiper tous les nuages qui nous cachent l'origine de la plûpart des maximes de notre Droit Coutumier, elles peuvent du moins exciter ceux qui ont plus de capacité & de loisir à atteindre ce but. Quoi d'ailleurs de plus propre à les encourager, que la liberté que vous me donnez de vous faire hommage de cet essai, & de vous exprimer publiquement le respect & l'attachement inviolable avec lesquels j'ai l'honneur d'être,

MONSEIGNEUR,

Votre très-humble & très-obéissant
Serviteur, HOÜARD.


PREFACE.

Tous les Amateurs de la Littérature conviennent de l'importance des Actes recueillis par Rimer, & des secours que l'on peut tirer des Rôles Gascons & Normands que M. CARTE a copiés sur les Registres de la Tour de Londres, & qu'il a publiés en 1743.

Mais ces Recueils ne sont pas seulement utiles aux Littérateurs; les Villes, les Communautés, les Seigneurs, les Particuliers mêmes, Propriétaires de Droits, de Fiefs ou de Fonds situés dans celles de nos Provinces qui ont autrefois été occupées par les Anglois, & conséquemment ceux qui sont chargés par état de la défense de ces Droits & de ces possessions, peuvent aussi en tirer de grands avantages.

On auroit cependant inutilement recours à ces précieuses sources, si l'on ignoroit l'origine de la législation qui subsistoit en France & en Angleterre au temps de la date des Pieces qui ont fixé l'attention des deux Compilateurs Anglois.

Aucun François ne s'est appliqué jusqu'ici à rassembler les Traités qui nous restent encore de cette ancienne Législation, & les Anglois, qui en sont Dépositaires, les consultent rarement aujourd'hui. Ces Traités ne sont déjà plus pour la plûpart d'entr'eux que des Ouvrages de pure curiosité, leur étude semble se borner aux Statuts des Parlemens postérieurs à la Conquête. La France se trouvant par-là exposée à voir périr entre les mains des Anglois de ce temps les Ouvrages que leurs Jurisconsultes des douze & treizieme siecles ont donnés sur les Coutumes Anglo-Normandes, j'ai tâché de me procurer les principaux de ces Ouvrages. Mon dessein étoit d'abord de les réunir & publier en un seul Volume; mais après y avoir mûrement réfléchi, il m'a paru que ce projet ne seroit que d'une utilité bornée, tant que les esprits n'auroient pas été préparés d'avance à recueillir tout le fruit que son exécution doit naturellement produire.

Les Coutumes Anglo-Normandes isolées n'offrent rien d'intéressant aux personnes qui n'ont point fait une étude particuliere de notre ancienne Histoire & de la Jurisprudence Françoise des neuf & dixieme siecles. Ce n'est pas du premier coup d'œil que l'on apperçoit les facilités que les Coutumes peuvent procurer, soit pour l'intelligence des Chartes & des Diplômes de nos derniers Rois de la seconde Race, soit pour découvrir le véritable esprit de notre Droit Coutumier actuel; elles ne produiront jamais ce double effet, qu'autant qu'on les placera, pour ainsi dire, entre l'époque où nos Capitulaires ont cessé & celle où nos différentes Coutumes ont été réformées: c'est par ce moyen seul que l'on peut suivre, sans effort, les changemens que nos Loix ont successivement éprouvés depuis le commencement de la Monarchie jusqu'à nous; opération bien intéressante, car les motifs de ces changemens étant une fois apperçus, les principes fondamentaux des Loix ou des Coutumes, sous l'empire desquelles chacunes de nos Provinces se trouvent placées, ne peuvent plus être méconnus. Frapé de cette idée, j'ai choisi entre les Jurisconsultes Anglo-Normands celui qui a le mieux approfondi les Loix Françoises, telles qu'elles ont été données à sa Nation par Guillaume le Conquérant. J'ai interprété le texte de Littleton, & j'y ai joint des Remarques; l'explication du texte rendra familieres des expressions barbares qui se rencontrent à chaque ligne dans les Ouvrages des autres Ecrivains qui, comme lui, ont travaillé sur les Coutumes que l'Angleterre tient des Ducs de Normandie.

Les Remarques ont un double but. 1o. Elles indiquent dans les Procédures que les Coutumes Anglo-Normandes nous ont conservées, les traces des Procédures qui étoient admises durant les cinq premiers siecles de notre Monarchie, & le germe de la plûpart de celles que nous suivons maintenant. 2o. Elles ouvrent une voie sûre pour rendre raison de toutes les variations que la Législation françoise a successivement éprouvées depuis Clovis jusqu'au regne de Saint Louis. Cette voie s'écarte, il est vrai, quelquefois de celle que nos Historiens ou nos Jurisconsultes les plus accrédités ont tracée; mais la célébrité des Auteurs ne fit jamais autorité, elle doit seulement engager à ne les contredire qu'après le plus sérieux examen. Au reste, je ne crains pas le reproche d'avoir porté trop loin ma critique. On peut juger par un seul exemple de la circonspection avec laquelle je me suis conduit. En jettant un coup d'œil sur les premiers Volumes de l'élégante Histoire de l'Abbé Vély, que de négligences n'y découvre-t'on pas!

1o. Il croit trouver l'origine de la Régale dans la nature du Droit féodal. Les gratifications du Souverain, dit-il, qui s'appelloient Bénéfices sous les Mérovingiens, se nommerent Fiefs sous les Carlovingiens: or ces bienfaits, toujours viagers, étoient réversibles à la Couronne à la mort du Possesseur; ce qui avoit lieu, soit que ces bienfaits fussent accordés à des Ecclésiastiques ou à des Laïcs. On peut donc, continue-t'il, regarder cette Coutume comme la base du Droit de Régale, qui, avec le temps, s'est étendu sur tous les biens de l'Evêché; & ce qui rend cette opinion certaine, ajoute cet Historien, c'est qu'il n'y avoit d'Eglises sujettes à la Régale que celles qui tenoient des Fiefs du Roi.

Il n'est pas assurément nouveau d'attribuer l'établissement de la Régale à celui de la Garde des Bénéfices Laïcs; M. de Marca, Van-Espen, &c. ont embrassé ce sentiment: mais en même-temps ces Auteurs ont compris qu'il seroit contradictoire de faire remonter d'un côté, comme l'a fait l'Abbé Vély, l'institution de la Régale au temps de Grégoire de Tours; & d'un autre côté, de la faire dépendre de la Garde des Bénéfices, laquelle n'a pu avoir lieu que postérieurement à leur hérédité, c'est-à-dire, dans le neuvieme siecle.

D'ailleurs on ne voit point d'Eglises donataires de Bénéfices de dignité avant ce temps-là. Les Rois leur avoient quelquefois, il est vrai, permis sous la premiere Race de choisir des Officiers pour l'administration provisoire de la Police dans leur Diocèse, & pour l'y maintenir par des peines Canoniques:[1] ils leur avoient aussi cédé, sous la dénomination de Bénéfices, des terres, des droits dépendans du Fisc; mais ces concessions n'attribuoient aux Eglises aucune Jurisdiction civile proprement dite, & ces Eglises n'étoient point tenues d'en faire hommage.

[1] Voyez la Note sur une Charte de Guillaume le Conquérant, qui suit les Loix d'Edouard le Confesseur, dans le second Volume de cet Ouvrage.

Le nom de Bénéfices attribué à ces dons ne signifioit donc rien autre chose dans les Actes où on l'employoit relativement aux Eglises avant 877, sinon que les objets donnés étoient inaliénables, comme les Bénéfices de dignité dont nos Rois gratifioient les Leudes Laïcs. C'est en ce sens que dans la neuvieme Formule de Marculphe, Liv. 2, les enfans cedent à leur pere les aleux de leur mere ad usum Beneficii, nec vendere, fait-on dire à ce pere, nec alienare, nec minuere debeam. C'est encore par cette même raison que dans la sixieme Formule du même Livre, un Laïc qui prend sous le titre de Bénéfice le fonds qu'il a aumôné à une Eglise, s'oblige de le conserver & de le cultiver absque ullo præjudicio vel diminutione aliquâ. Mais à la différence des Bénéfices de dignité, ces dons, ces bienfaits obtenus, possédés par les Eglises, étoient perpétuels, quoiqu'on ne pût les aliéner. Ainsi il seroit ridicule d'admettre que tant que les Eglises n'ont eu aucuns Bénéfices de dignité, nos Rois ayent considéré les revenus de ces Eglises comme réversibles à leur Domaine par la mort des Titulaires.

Lorsque les Bénéfices de dignité ou les honneurs Laïcs, tels que les Duchés ou les Comtés, étoient amovibles ou viagers, les Possesseurs n'en avoient que l'usufruit, & il étoit de l'essence même de ces honneurs qu'après eux cet usufruit retournât au Souverain. L'exercice de la portion d'autorité qui constituoit ces Bénéfices n'étant qu'une émanation de celle du Souverain, cette portion s'y trouvoit naturellement réunie par le décès de ceux qui en avoient été décorés. Mais les biens des Eglises ayant été donnés à perpétuité, ipsum Beneficium perenniter maneat inconvulsum, la Jurisdiction qui y étoit attachée étant purement domestique, & les Possesseurs de ces biens n'ayant d'autre part à la justice civile qui s'exerçoit sur ceux qui étoient domiciliés dans l'étendue de leurs terres, que la recette des amendes prononcées contre ces derniers en la Cour du Roi ou en celles de ses Officiers, le Fisc n'avoit aucun prétexte pour révoquer en quelque cas que ce fût la jouissance de ces dons, quidquid exinde fiscus noster poterat sperare in luminaribus Ecclesiæ in perpetuum proficiat?

Il y a plus: s'il étoit vrai, comme l'avance l'Abbé Vély, que le Droit de Régale se fût étendu avec le temps, & non originairement, sur les biens d'autre nature que les Bénéfices, il faudroit supposer qu'une Eglise qui n'auroit possédé aucuns biens sujets au Vasselage Royal, auroit été exempte de la Régale: supposition contredite par les Auteurs qui les premiers ont fourni des preuves de ce Droit. Tous, en effet, désignent les biens sur lesquels la Régale s'exerçoit par les termes les plus propres à faire entendre qu'aucuns biens n'en étoient exceptés. Dans le cinquieme Concile de Paris, en 615, Canon 7, les Préceptions par lesquelles le Prince accorde la régie des biens Ecclésiastiques durant la Vacance, & dont ce Concile condamne l'usage, qui, dans la suite, fut cependant approuvé par le Clergé, il s'agit de tous les fonds des Eglises sans distinction, Res Ecclesiæ. Le Pape Adrien II, en écrivant à Hincmar, Archevêque de Reims, pour lui recommander de veiller en l'absence de son Neveu, sous le bon plaisir du Roi, à l'administration de l'Evêché de Laon, parle de tout le temporel de cet Evêché, Episcopatum post Regem servandum committimus.

Ces observations paroîtront, sans doute, de quelque poids; cependant l'Abbé Vély n'a pas daigné faire pressentir au Public les raisons qu'il avoit eues pour les négliger; il se contente d'indiquer dans une Note marginale des autorités pour établir que nos Rois de la premiere Race faisoient don de Bénéfices à des Laïcs, à la charge du Service militaire: ce qui n'a jamais été contesté; & il n'en a pas allégué une d'où on puisse induire que les Bénéfices Ecclésiastiques avoient été sous la premiere Race administrés durant la Vacance au nom du Roi, quoique ce fût là l'unique point de difficulté qu'il devoit éclaircir.[2]

[2] Voyez ma Remarque sur la Section 103. J'y fixe l'origine & l'antiquité de la Régale.

2o. Ces défauts d'exactitude se retrouvent en plusieurs autres endroits de l'excellente Histoire de cet Ecrivain. Grégoire de Tours[3] a l'attention de distinguer le Morgageniba ou Présent du lendemain des Nôces d'avec la Dot; & notre Auteur,[4] en le citant, s'exprime de maniere à rendre communs à ces deux especes de dons les caracteres différens que Grégoire de Tours leur attribue.

[3] Livre 9, c. 20.

[4] Page 97, premier Volume, Hist. de France.

3o. Dans la 21e Formule de Marculphe, Liv. 1, on trouve le modele d'un Bref, par lequel le Roi donne permission à un de ses Sujets, propter simplicitatem suam, de choisir un homme distingué par son mérite pour défendre ses causes. Les Capitulaires parlent à chaque page de Gens de Loi, d'Avoués, de Défenseurs, de Causeurs: le Concile de Vernon, en 755, atteste que les Gens d'Eglise plaidoient pour d'autres que pour les Eglises, les Veuves & les Orphelins; & l'Abbé Vély soutient que sous la premiere Race on ne sçavoit ce que c'étoit que Gens de Robe.

4o. Tantôt il lui paroît probable que l'institution de la Chevalerie date de la fin du regne de Charlemagne, & tantôt il donne pour certain que la Chevalerie ne remonte gueres plus haut que le 11e siecle.

5o. Il traite de Grace l'investiture que Louis VII donne en 1152 du Comté de Vermandois à la Sœur du Prince Raoul; & dès le commencement du dixieme siecle c'étoit un droit généralement reçu que les Filles succédassent aux Bénéfices.

6o. Après avoir soutenu que les Nobles étoient les plus anciens hommes libres, que l'antiquité faisoit seule la Noblesse,[5] il attribue la Noblesse à la possession héréditaire des Bénéfices.[6]

[5] Premier Volume, page 270.

[6] Second Volume, page 192.

Ces traits pris au hazard dans notre dernier Historien, c'est-à-dire dans l'Auteur qui, par le plan qu'il s'est tracé, a dû approfondir plus qu'aucun autre nos anciens usages; ces traits, dis-je, suffiront, sans doute, pour garantir le Lecteur des préventions peu favorables que la nouveauté de quelques-unes de mes opinions auroit pu faire naître dans son esprit.

Il verra qu'en puisant dans des sources trop négligées jusqu'ici, je me suis trouvé dans la nécessité de parler différemment de ceux qui m'ont précédé; il comprendra que si les fautes que je lui ai fait observer dans des ouvrages importans sont en petit nombre, c'est que j'ai dû me borner aux seuls points de notre Histoire & de notre Jurisprudence anciennes, qui avoient quelque connexité avec les usages relatifs aux Loix & à la forme de procéder établies en Angleterre par Guillaume le Conquérant, & dont Littleton a parlé: mais en mettant au jour les autres Compilateurs des Loix Anglo-Normandes, les observations sur les Ouvrages modernes se multiplieroient; à l'art superficiel & frivole des conjectures, succéderoit la science du vrai, toujours également solide & féconde. Le vuide qui se trouve dans une des principales époques de notre législation se trouveroit rempli; les causes de la révolution que nos Coutumes ont éprouvées, sur-tout à la fin de la seconde Race, les moyens presqu'insensibles par lesquels cette révolution s'est opérée, ne seroient plus un mystere.

L'essai que j'offre aujourd'hui au Public doit le mettre à portée de décider si, en continuant mes Remarques sur les Recueils des Loix Anglo-Normandes, il en pourroit résulter tous les avantages que j'ose lui promettre.

Les Remarques que j'ai faites sur Littleton ne sont pas, à beaucoup près, des Traités complets; mais elles contiennent des matériaux, dont ceux qui voudroient faire l'Histoire de notre Monarchie par les Loix, pourroient, ce semble, tirer quelque secours; peut-être même ne seront-elles pas inutiles aux Anglois: elles indiquent l'usage qu'ils pourroient faire de nos premieres Loix pour s'assurer de l'esprit dans lequel les Coutumes Normandes, d'où sont dérivées celles qui les régissent encore, ont été originairement instituées.

Si l'on trouvoit que j'aurois dû être plus littéral en traduisant Littleton, une seule réflexion me justifiera, je m'en flatte.

Je me suis plus attaché à faire entendre la pensée de l'Auteur, qu'à faire sentir la valeur de ses expressions; parce qu'en facilitant la lecture d'un texte barbare, il m'a paru essentiel de ne pas dispenser de recourir à l'idiome dans lequel il étoit écrit; l'originalité des termes dont Littleton fait usage, sert en effet souvent mieux que tous les raisonnemens à la découverte des temps, des lieux, des circonstances où la Loi est née; & d'ailleurs quelques tours de notre langue que j'eusse empruntés, ils n'auroient pu faire sentir toute l'énergie du langage de ce célebre Anglois: Coke, son plus habile Commentateur, a d'ailleurs suivi cette méthode dans la traduction qu'il a faite des Institutes des Coutumes de sa Nation.

Si mon Commentaire n'a pas le succès que celui de Coke a eu; j'aurai du moins la satisfaction d'avoir publié le premier dans ma Patrie le Texte de nos Coutumes les plus anciennes: Texte qui peut seul suppléer au petit nombre & à l'obscurité des monumens qui nous restent des Loix & des Usages reçus en France dans les dix & onzieme siecles.


ELOGE HISTORIQUE
DE LITTLETON:

Extrait de la Préface de Coke.

Littleton est le nom d'une très-noble & très-ancienne Famille d'Angleterre. Thomas Littleton, Seigneur de Frankley,[7] n'ayant qu'une fille, il la donna en mariage à Thomas Wescote, Ecuyer, & Officier du Roi, à condition que l'aîné de leurs enfans s'appelleroit Littleton. Cette Dame étoit belle, spirituelle & fort riche; ses ancêtres paternels lui avoient laissé des possessions honorables & très-étendues, & elle n'en avoit pas de moindres du côté de Richard Quartemains, son aïeul maternel. Elle eut de Wescote huit enfans, Thomas, Nicolas, Edmond, Guy, & quatre filles. Thomas, l'aîné, Auteur des Institutes, devint très-célebre par cet Ouvrage. Cambden regarde les maximes qui y sont rassemblées sur les Tenures, comme aussi essentielles à ceux qui étudient les Coutumes Angloises, que les Institutes de Justinien le sont à ceux qui se livrent à l'étude du Droit Romain. Littleton se fit connoître d'abord par de sçavantes Remarques sur le Statut de Guillaume II, de Donis conditionalibus, & Henri VI le choisit pour être un des Nobles de la Cour Militaire, où le Connétable & le Maréchal président. Edouard IV lui confia successivement la Justice de l'Assise dans le Département du Nord, l'Office de Juge de la Cour des communs Plaids pour le Département de Northampton, & le fit Chevalier du Bain avec plusieurs Princes, Seigneurs & Gentilshommes de la premiere distinction. Ce fut en 1475 qu'il compila les Coutumes Angloises; mais il n'acheva cet Ouvrage précieux que peu d'années avant son décès.

[7] Il portoit d'argent à un Chevron à Coquilles de Sable. Coke, Préf.

Il y avoit de son temps des Jurisconsultes très-renommés dans la Cour des communs Plaids, tels que Richard Newton, Jean Prisot, Robert d'Ambi, Thomas Brian, Pierre Ardenne, Richard Choque, Gautier Moyle, Guillaume Paston, Robert d'Amer qui fut son successeur, Guillaume Astugh: Littleton, en s'aidant souvent de leur opinion, fait voir combien il les estimoit. Les autres Jurisdictions n'étoient pas moins célebres par les Sçavans qui en occupoient les premiers rangs. Jean June, Jean Hodi, Jean Fortescue, Jean Marshem, Thomas Billing, composoient la Cour du Banc royal. Dans la Chancellerie étoient Nicolas Bacon, Thomas Bramley. Dans la Chambre de l'Echiquier le Lord Burley, Trésorier d'Angleterre, & Gautier Mildmay, Chancelier de l'Echiquier. La considération dont jouissoit Littleton lui procura l'alliance de l'unique héritiere de Guillaume Burley, dont il eut Guillaume, Richard & Thomas; parvenu à un âge fort avancé, il fit son Testament, en établit exécuteurs le Curé & le Vicaire de sa Paroisse, sous la direction du fameux Jean Alock, Docteur en l'Université de Cambridge, & Evêque de Worcester; cet homme, d'une dévotion, d'une chasteté, d'une tempérance, d'une générosité singulieres, étoit Fondateur du Collége de Jesus à Cambridge, & ami particulier de Littleton.

Littleton mourut le 23 Août 1482, regretté des Grands; & sur-tout des pauvres en faveur desquels il fit des legs si abondans, qu'il n'y en eut point, en quelqu'état ou profession que ce fût, qui n'y eussent part. On l'enterra dans la Cathédrale de Worcester, où on lui éleva un tombeau de marbre, sur lequel on posa sa Statue, en relief, de grandeur naturelle, avec ces mots qui sortoient de sa bouche: Fili mi, miserere mei.

Son Portrait fut placé dans l'Eglise de Frankley; il y étoit représenté tenant son Livre à la main. A en juger par ce tableau, sa contenance étoit grave, sa taille haute; mais son esprit avoit encore plus de noblesse & d'élévation. Quelle sagacité dans la liaison qu'il a sçu donner à cette multitude de Coutumes qu'il a rassemblées! Quelle profondeur de jugement! Quelle précision de raisonnement dans ses définitions, ses divisions, ses étymologies! Que de clarté dans les distinctions qu'il fait entre les opinions, l'autorité, la raison & la Loi! Que d'exactitude dans les divers sens qu'il assigne à chaque Cause particuliere, dans les moyens qu'il emploie pour concilier les dispositions qui, en apparence, sont contradictoires entr'elles; dans les époques qu'il donne aux restrictions que les Statuts des Parlemens ont successivement opposées à certaines maximes que les circonstances rendoient impraticables! Son Livre n'est que la premiere partie des Institutes; mais elle est la plus essentielle & la clef des autres. La Loi Angloise ne peut cependant être bien entendue qu'autant que l'on joint à la connoissance des usages primitifs la connoissance de la grande Charte & des Statuts postérieurs qui ont modifié ou interprété ces usages, celle des Plaids civils, des Causes criminelles de la compétence des Jurisdictions. Coke s'est attaché à donner des notions exactes de ces divers objets, que Littleton n'a pas traités; mais dans le Commentaire que Coke a fait des Institutes, ce dernier convient qu'il n'est presque pas possible de bien saisir le sens de la Loi Angloise, si l'on ne s'est pas mis auparavant au fait de la Langue & des Coutumes anciennes de France.


DISCOURS
PRELIMINAIRE.

Charles, fils du second mariage de Louis le Débonnaire, succéda à son pere au Royaume de France sous le nom de Charles le Chauve, & ne fut d'abord paisible possesseur que de la portion de ce Royaume qui s'appelloit Neustrie.

La division qui avoit long-temps régné entre ce Prince & ses freres lui avoit fait négliger la défense des différens Ports de ses Etats; ensorte que les Danois & les Norvégiens, qui, sous le regne de Charlemagne, avoient fait des tentatives inutiles sur les côtes de ce pays, profiterent de l'occasion pour s'y introduire par la Seine: ils s'avancerent jusqu'aux portes de Paris, en brûlerent les Fauxbourgs; mais Charles les repoussa jusqu'au-delà du Pont-de-l'Arche.

Louis le Begue, fils & unique héritier de Charles, monta sur le Trône après son décès. Il ne vécut que deux ans; & Charles le Simple fut mis sous la tutele de Carloman son oncle.

Pendant sa minorité, celui-ci fit avec les Normands une treve pour douze années, avant l'expiration desquelles il mourut. Cet évenement fournit à Godefroy, Roi de Dannemarck & de Norvege, un prétexte de rompre la treve; il prétendit que la mort de celui avec qui il avoit traité entraînoit après elle la dissolution d'un engagement réciproque.[8]

[8] Ad hæc illi Normani respondent se cum Carolomano Rege, non cum alio aliquo fœdus pepigisse. Gest. Norman. ante Rollon. apud Duchesn. de Scriptor. Norman. pag. 11.

L'Empereur Charles le Gros vint s'opposer aux incursions des Troupes Danoises en France; mais il fut battu. Paris fut assiégé; & pour sauver la Capitale, on abandonna au Prince Danois une des Provinces Neustriennes, qui, du nom de ses nouveaux maîtres North-man, homme du Nord, fut appellée Normandie.

Après la mort de Godefroy Harout, son successeur, aidé par les François, voulut chasser Régnier du Trône de Dannemarck dont il s'étoit emparé; leurs querelles diviserent les Grands de ce Royaume en différens partis.

Raoul qui probablement avoit voulu profiter des troubles de l'Etat pour s'en rendre maître,[9] n'ayant pu y réussir, se réfugia en Angleterre, se ligua avec Alfred qui en étoit Roi,[10] vint ravager la Normandie, & força, par des avantages multipliés, Charles le Simple à lui donner sa fille en mariage, & à lui céder pour dot cette Province avec la Bretagne qu'il érigea en Duché, & dont il ne se réserva que l'hommage.

[9] Guillem. Gemeticens, de Ducibus Normann. c. 1. Dudo Sancti Quintini, de Moribus & Actis Norman. L. 2, pag. 82, apud Duchesn. Hist. des neuf Charles, par Belleforêt, ann. 887.

[10] Walsing. Ypodigm. Neustr. pag. 416.

Raoul gouverna avec beaucoup de sagesse. Il jugea seul d'abord les contestations de ses sujets: il suffisoit de reclamer son nom pour obliger les témoins de la violence qu'on éprouvoit à conduire le plaintif & l'aggresseur devant ce Prince, qui, après les avoir entendus, faisoit punir sévérement & sans délai le coupable. De-là vient la Clameur de Haro, si respectée en Normandie. Ha-ro ou Ah-ro! ou
ah Raoul! paroissent, en effet, signifier la même chose.[11]

[11] Les anciens Ecrivains écrivent Rol, Ro, Rou pour Raoul. Voyez ce que je dis du Haro, 2e Volume.

Raoul s'apperçut bien-tôt qu'il ne pouvoit continuer de décider personnellement tous les différends des particuliers, sans s'exposer à négliger des opérations plus essentielles au bien général: il établit donc, sous le nom d'Echiquier, un Tribunal souverain, sur le rapport de personnes graves députées sur les lieux où les difficultés étoient nées; les membres de cet Echiquier jugeoient au nom de Raoul en dernier ressort.

Il n'est pas concevable que tant d'Officiers chargés d'administrer la Justice eussent pu s'accorder entr'eux, s'il n'y eût point eu alors de Loix écrites; aussi ferai-je voir bien-tôt qu'ils observoient celles de la France Neustrienne.

Guillaume, fils de Raoul, fut couronné en 917, & promit à ses peuples de ne rien changer aux Loix qui étoient en vigueur sous le regne de son pere.[12]

[12] Raoul, en faisant reconnoître Guillaume pour son Successeur, dit: Legibus & statutis nostris auxiliabitur. Dudon, p. 91. Collect. de Duchêne. Ce Duc distingue les Loix anciennes des Statuts particuliers dont il avoit été l'Auteur.

A Guillaume succéda Richard Sans-peur, & Hugues Capet lui donna sa sœur en mariage.

Richard, surnommé le Bon, qui gouverna après lui, fut forcé de mettre des bornes aux entreprises des Seigneurs sur leurs vassaux qui s'étoient révoltés, & de céder la Bretagne à Eudes, Comte de Chartres.[13]

[13] Invent. de Norm. par Danneville. Chron. de Normand. en 1589.

Richard le Bon laissa deux fils; l'aîné, qui s'appelloit aussi Richard, ne vécut que deux ans. Edouard le Confesseur, chassé par l'usurpateur Canut, se réfugia auprès de Robert, frere puîné de Richard, & son successeur.

Guillaume, bâtard de Robert, remit Edouard en possession de son Royaume: celui-ci, par reconnoissance, l'institua son héritier.

Ce saint Roi étant mort, Guillaume descendit en Angleterre, & fut couronné à Londres. Il y établit un Echiquier à l'instar de celui de Normandie, soumit ses nouveaux sujets aux Loix de cette Province, & ordonna de plaider & de rédiger les Actes judiciaires en Langue Normande,[14] ce qui a duré jusqu'en 1362, temps auquel Edouard III, Roi d'Angleterre, rétablit par un Statut l'usage de la Langue Angloise dans les Tribunaux.

[14] Il ne faut pas confondre les Actes judiciaires avec les Chartes. Voyez nouveau Traité de Diplomatique, Tom. 4, Sect. 1, Ch. 1, Art. 3, p. 513 & 514, & Fortescue, C. 48, fol. 59.

Matthieu de Westminster, Huntindon & Rouillé ont pensé qu'Edouard le Confesseur avoit composé les Loix données aux Anglois par le Duc Guillaume; quelques autres[15] ont insinué qu'il les avoit empruntées de celles de Malcolme, deuxieme Roi d'Ecosse: opinions également destituées de vraisemblance.

[15] M. Roupnel, Préface de ses Additions au Commentaire de Pesnelle.

1o. Les Neustriens, avant Raoul, étoient soumis à des Loix que ce Prince conserva entieres en Normandie après son Traité avec Charles le Simple.[16] Il ajouta, il est vrai, à ces Loix quelques dispositions relatives aux circonstances particulieres où il se trouvoit; mais on distingue encore aisément ces dispositions de celles des premieres Loix auxquelles elles ont été substituées.

[16] Basnage, p. 450, premier vol. Discours sur les Successions aux Propres de Caux, observe que le Duc Raoul LAISSA VIVRE CHACUN selon les anciennes Coutumes; & p. 4. du même Volume, premier Discours sur le Chapitre de Jurisdiction, il dit qu'on peut conjecturer que Raoul est l'Auteur des Coutumes de Normandie; puis page 6, il ajoute que les Coutumes Normandes n'ont aucune conformité avec les anciennes Loix Françoises. Si ce n'est point là se contredire, quand se contredira-t'on?

2o. Raoul eut des successeurs aussi attentifs qu'il l'avoit été à prévenir les changemens qui auroient pu se glisser dans les usages François qu'il avoit adoptés: ils les conserverent purs, ces usages, dans le temps même où tout concouroit à les défigurer en France.

3o. Les Anglois les ayant reçus de Guillaume sans qu'ils eussent éprouvé la plus légere altération, ils se retrouvent encore les mêmes dans Littleton & dans l'ancien Coutumier de Normandie.

Développons ces faits, & nous serons convaincus que ces deux Ouvrages sont les plus anciens monumens des Coutumes suivies sous les derniers Rois de la seconde Race.


Les Loix Saliques & Ripuaires furent d'abord les seules connues dans la plus grande partie des Provinces qui composent actuellement le Royaume de France, & auxquelles le nom de Neustrie étoit commun.[17]

[17] Chopin. De Domanio Franciæ, p. 41, L. 1.

Childebert, Pepin, Charlemagne & les Rois qui les suivirent jusqu'au regne de Charles le Simple, augmenterent ces Loix de plusieurs Constitutions;[18] mais comme ces Constitutions avoient des objets particuliers, les maximes qui caractérisoient nos premieres Loix n'en reçurent aucune atteinte. Les droits du Roi, la division des sujets en différentes classes, l'ordre des successions, la forme de procéder, la punition des crimes, avoient été, à de légeres différences près, les mêmes durant les quatre premiers siecles de la Monarchie. Raoul, en devenant maître de la Normandie, ne s'occupa que des moyens propres à affermir sa domination, & à se concilier l'amour de son peuple; il n'en trouva point de plus efficace que celui de conserver les Loix auxquelles ses nouveaux sujets avoient toujours été soumis.[19]

[18] Elles se trouvent toutes dans la collection des Capitulaires par Baluse.

[19] Dom Pommeraye, Hist. des Archevêques de Rouen, année 910.

Il fit donc enquerir par des Commissaires quels étoient les usages reçus dans les divers cantons du Duché. On recorda[20] les droits attachés à la Souveraineté; ceux des Fiefs, de Bataille, de Mariage; & lorsque sur ces différentes matieres, qui appartiennent en droit, il avoit lieu de soupçonner le rapport des délégués, il conféroit avec moult saiges hommes par qui la verité étoit sue, ce qui toujours avoit été dit ou fait. Si Raoul avoit établi de nouvelles Coutumes, ces précautions, de sa part, auroient été inutiles; ses Ordonnances une fois promulguées, personne n'auroit osé les méconnoître.

[20] Ancien Coutum. chap. 10, 53 & 121.

D'ailleurs, est-il possible de concevoir que ce Prince eût réussi, dans l'espace d'un regne de cinq ans,[21] à abolir les usages pratiqués de tout temps en Normandie, si l'on ne suppose qu'au-paravant que Charles le Simple eut cédé à Raoul cette Province, ce dernier avoit donné des Loix si conformes au génie & aux mœurs des habitans, qu'elles réunirent leurs suffrages aussi-tôt qu'il les leur eut présentées?

[21] Quoique Raoul n'ait régné que 5 ans, il ne s'ensuit pas qu'il n'ait vécu que 5 ans après son avénement au Duché. Il assista à la Translation des Reliques de S. Ouen en 918. Concil. Rothomag. Eccl. D. Pommeraye. Selon Flodoard, anno 928. habebat obsidem Odonem Heriberti filium. Mais dès l'an 917 Raoul avoit fait reconnoître son fils Duc par les Seigneurs de Normandie, & il ne se mêla plus dans la suite du Gouvernement, à cause de son extrême vieillesse;[21a] aussi Flodoard, dans sa Chronique & son Histoire de l'Eglise de Reims, ne fait mention de Raoul en aucune expédition après cette époque. Ce n'est plus lui, c'est son fils qui en 917 fait en la ville d'Eu hommage à Charles le Simple. Filius Rollonis Carolo se committit. Or il n'est pas étonnant que des Ecrivains postérieurs à Flodoard, qui avoient vu divers Actes faits sous le nom de Guillaume Longue-Epée dès 917, ayent confondu le temps de l'abdication de Raoul avec l'époque véritable de son décès.

[21a] Rollo jam fractis viribus laboribus & prœliis deliberare cœpit de sui Ducatus dispositione; convocatisque totius Normanniæ proceribus Guillelmum filium suum illis exponit, jubens ut eum sibi Dominum eligerent, militiæque suæ principem præficerent; meum est, inquit, mihi illum subrogare, vestrum est illi fidem servare. Et cunctos suasibilibus verbis demulcens filio sub Sacramento fidei illos subegit. Et ex post uno vivens lustro consumptus senio vivere desiit. Ypodigm. Neustr. pag. 417. Dudon, pag. 91, ibid, s'exprime dans les mêmes termes; & il ajoute que Guillaume, en succédant à son pere, promit de conserver les Coutumes & les Loix; Raoul n'auroit donc eu que cinq ans pour les rédiger.

Il faudroit admettre encore qu'au milieu du tumulte des armes Raoul avoit conservé assez de tranquillité pour dresser[22] un corps de droit municipal, & que malgré le désordre & la confusion où tout étoit en Normandie après sa conquête, il obtint de tous les Ordres de son Gouvernement une soumission plus prompte et plus étendue que celle dont le Monarque le plus despotique ou le plus chéri n'oseroit maintenant se flatter dans les circonstances de la paix la mieux cimentée: toutes suppositions absurdes, & qui sont au reste démenties par ceux mêmes qui paroissent favoriser le sentiment contraire à celui que je propose.

[22] Les Danois n'avoient point encore de Loix écrites au douzieme siecle. Arthur Duck. Lib. 2, pag. 405.

Lorsque Raoul fut reconnu Souverain de la Normandie en 912, il y avoit incontestablement en cette Province des Seigneurs propriétaires de Fiefs, puisque dès le commencement du neuvieme siecle les Fiefs étoient communs en France, & que les Bénéfices, dont ces Fiefs dépendoient, furent tous rendus héréditaires en 877.[23]

[23] Capitul. de ladite année, Titr. 53, art. 9.

Or aucuns Historiens n'ont avancé que Raoul ait dépouillé ces Seigneurs de leurs Bénéfices ni de leurs Fiefs; au contraire, ils attestent que les fonds abandonnés par les anciens habitans furent les seuls[24] dont ce Duc disposa en faveur des Officiers qui avoient le plus contribué à sa conquête: on en trouve même une preuve sans replique dans la conduite que tint Guillaume Longue-Epée son fils lorsqu'il lui succéda; il reconnut tous les Comtes & les Barons propriétaires de leurs Dignités, & n'exigea d'eux que l'hommage.[25]

[24] Basnage, Comment. art. 13, p. 57, & 143, premier Vol. Hist. Universelle des Gaulois ou François, ch. 120, p. 846.

[25] Hist. de Norm. par Dumoulin, p. 52.

Un des principaux droits attachés aux Fiefs en France étoit le Droit de Garde. Par le Capitulaire de Charles le Chauve en 877,[26] il paroît que nos Rois avoient déjà fait administrer les Fiefs pour les conserver aux mineurs. Les Seigneurs obtinrent dans la suite cette administration; & ce droit fut perpétué sous les Ducs Normands. On le vit pratiqué parmi eux avant qu'il fût connu en Angleterre & en Ecosse;[27] le prétendu Roi d'Yvetot est peut-être le seul Seigneur qui dans l'espace de plus de six siecles ait tenté de s'y soustraire.[28]

[26] Filius noster..... cum ministerialibus Comitatus & cum Episcopo ipsum Comitatum prævideant usquedum..... filium illius (Comitis) de honoribus illius honoremus, p. 269. Collect. Balus. 1. vol.

[27] Polyd. Vergil. L. 16, num. 20, p. 288. Terrien, c. 10, L. 5. Chopin, de Doman. Franc. p. 257. de jur. Andegavens. p. 467.

[28] Servin, p. 470. Loisel, Instit. Cout. p. 228, premier vol. Rouillé, p. 25. Terrien, p. 187.

Le droit d'Aînesse avoit précédé en France celui des Gardes royales & seigneuriales. Tiraqueau[29] lui donne la même origine que celle de l'érection des Fiefs, jus primogenituræ & feudum fraternisant; mais c'est trop peu dire.[30] Dagobert, en 628, succéda à tout l'Empire après la mort de Clotaire II son pere; & si son frere Caribert obtint de lui une partie de l'Aquitaine, ce fut plutôt comme un appanage que comme un partage.[31] Après Clovis II, Clotaire III monta sur le Trône sans faire part de ses domaines à Thierry son second puîné; & Childéric le cadet, qui du vivant de Clovis s'étoit emparé du Royaume d'Austrasie, ne forma aucunes prétentions ultérieures.

[29] Tiraquell. de jure Primogen. p. 594, num. 59, p. 609.

[30] Voyez Remarque sur la Sect. 5 de Littleton.

[31] Chopin, de Doman. Franc. L. 2, p. 198, & Abregé Chronol. de M. le Président Hesnault, p. 29, premier vol.

Si dans la suite les successions des Rois furent partagées, ce fut sans doute parce que les circonstances ne permirent pas aux aînés de s'y opposer; car la Loi de l'aînesse étoit tellement tenue pour légitime avant Charlemagne, que lorsque Louis le Débonnaire, son fils puîné, voulut continuer de gouverner l'Empire auquel son pere l'avoit associé de son vivant, Bernard, fils de Pepin, lequel étoit aîné de Louis, se forma un parti,[32] & prit les armes contre son oncle; celui-ci, après l'avoir vaincu, le fit enfermer dans une prison où on lui creva les yeux. Cependant Louis le Débonnaire comprit que malgré cette précaution le droit de Bernard avoit encore des appuis formidables, puisque pour ne pas s'exposer à de nouveaux troubles, il se détermina à faire mourir ce malheureux Prince.

[32] Tiraquell. num. 16, p. 594.

L'exemple des Souverains, les services qui leur étoient dûs par les possesseurs des Fiefs, porterent naturellement ceux-ci à les céder à l'enfant qui le premier étoit en état de s'en acquitter à leur décharge. Ces cessions furent agréées, le Prince reçut l'hommage & les services des aînés qui, après la mort de leurs peres, trouverent dans l'indivision de leurs services un titre pour exclure leurs cadets du partage des fonds auxquels ces services étoient attachés.

D'ailleurs les François avoient dans tous les temps considéré les terres & les dignités commes les récompenses de la bravoure, & de cette idée s'étoit formée celle de la préférence due au sexe & à l'âge qui pouvoient donner des preuves plus promptes ou moins équivoques de cette vertu. De-là les filles, par la Loi Salique,[33] n'avoient rien en la succession de l'ancien patrimoine; lorsqu'elles avoient des freres, elles étoient réduites à ne participer qu'aux acquêts & aux meubles. De-là encore dans la suite les aînés, qui étoient mineurs au décès de leur pere, ne jouissoient des Fiefs qu'après être devenus capables de suivre le Prince à la guerre.

[33] Leg. Salic. Titr. 62.

Le besoin ne permit d'abord de consulter que la disposition corporelle du sujet, & la majorité varia; mais sous Charlemagne l'Etat devint plus peuplé, & elle fut fixée à vingt-un an.

Avec les premieres notions des usages de Normandie, on fait aisément l'application de ce qui vient d'être observé. On retrouve dans ces usages la cession des Fiefs à la charge d'hommages & de services; on voit les Rois ou les Ducs gardiens des pupilles, leurs tenans directs, jusqu'à vingt-un an, ainsi que les Seigneurs, tels que Comtes, Barons, &c. exercer le même droit sur leurs vassaux nobles. On voit les filles n'avoir à répéter de leurs freres qu'une légitime médiocre qui, en certains cantons,[34] ne se leve que sur les meubles; les cadets bornés à une pension viagere, les aînés succéder seuls aux Fiefs, & les Fiefs considérés comme indivisibles.

[34] Par exemple, dans le Pays de Caux.

Raoul avoit ajouté quelques dispositions à ces Coutumes; mais, comme je l'ai déjà dit, ces additions ne portent aucun préjudice aux maximes des Loix Françoises que son peuple suivoit avant qu'il eût conquis la Normandie.

Par exemple, nos Rois de la seconde Race avoient communiqué aux Comtes le droit de juger en dernier ressort les crimes commis dans les terres enclavées dans leurs Honneurs; on ne pouvoit, sous aucun prétexte, interjetter appel des Jugemens qu'ils donnoient en toutes matieres civiles ou criminelles. Un Capitulaire de Charlemagne[35] prouve que les Centeniers étoient les seuls dont on pouvoit faire infirmer les Sentences par la voie de l'appel au Comte, à qui les causes d'Etat & le pouvoir de prononcer des peines afflictives & capitales étoient réservés.

[35] L. 3. Tit. 19. Collect. Anseg.

Raoul comprenant le danger qu'il y auroit à diviser son pouvoir dans un Etat aussi peu considérable que le sien, s'attribua la cour de tous les torts qui lui étoient faits en choses mouvables & non mouvables, & les Chevaliers, Comtes, Barons, & autres Dignités fieffaux, & n'eurent plus que la cour de leurs resséans ès simples querelles & ès legieres:[36] c'est ce qui fit appeller l'Echiquier l'œil du Prince.[37] Il veilloit, en effet, sur toutes les entreprises qu'on auroit pu former directement ou indirectement contre l'autorité du Duc: par ce moyen Raoul concentra en sa propre personne non-seulement le pouvoir législatif, mais même l'exercice de ce pouvoir.

[36] Anc. Coutum. Norm. ch. 53.

[37] Ibid.

Comme l'établissement de sa Jurisdiction souveraine lui avoit paru propre à prévenir l'abus que les Seigneurs auroient pu faire de l'exercice d'une Jurisdiction égale à la sienne, il ne jugea pas moins important, pour empêcher ses Successeurs de gouverner arbitrairement, de rendre aux anciennes Loix leur premiere vigueur.

Après les enquêtes faites dans toutes les parties de la Normandie par ses Justiciers des usages qui s'y pratiquoient, il assembla les principaux Seigneurs, & de leur consentement fit publier ses Réglemens & les Loix & les Coutumes Françoises, qu'il enjoignit d'observer inviolablement à l'avenir.[38]

[38] Ceux de Rouen envoyerent vers Raoul leur Archevêque Franco, pour lui présenter les Clefs de la Ville, &c. pourvu qu'il eût agréable de gouverner selon les anciennes Coutumes du Pays... & ce Capitaine accepta avec joie les offres que lui faisoit ce Prélat. Hist. des Arch. de Rouen, p. 235.

Les Grands-Bénéficiers étant alors, en quelque sorte, les maîtres en France de l'interprétation des Loix, leurs divers intérêts faisoient varier les services de leurs hommes; & leurs véxations, à cet égard, forçoient ceux-ci à ne plus reconnoître d'autre autorité que la leur. De-là cet abus qui dura jusqu'au temps de Saint Louis, qu'un arriere-vassal devoit aider son suzerain contre le Roi même.[39]

[39] 50e Etablissement de Saint Louis, Recueil des Ordonnances, L. 1.

Si l'usurpation des droits du Roi étoit portée à ce point, il est aisé de juger combien peu ses volontés étoient respectées. Il en fut tout autrement en Normandie. L'établissement de l'Echiquier, où toutes les décisions des Délégués du Prince étoient confirmées ou réformées suivant les Loix dont on avoit eu soin auparavant de constater les anciennes dispositions, étoit une digue contre laquelle la corruption de ces Délégués ou la trop grande puissance des Seigneurs venoit échouer; la Loi mise comme en dépôt en la Cour du Souverain, le dernier des sujets y avoit recours, & obligeoit ceux qui tentoient de l'opprimer à resserrer leurs prétentions dans les bornes que cette Loi leur avoit prescrites.

Cet esprit d'équité passa de Raoul à ses descendans; & la formalité du record dans les Pleds particuliers ou généraux garantit les usages de toute altération. D'ailleurs dans les Tribunaux de France il n'y eut de Jugemens écrits que vers la fin du treizieme siecle; mais en Normandie la pratique en étoit générale dès le commencement du douzieme.[40] Aussi vit on insensiblement en France les Loix obscurcies par des interprétations arbitraires, au point qu'au commencement de la troisieme Race on n'en reconnut plus d'autre que celle du combat;[41] & lorsque Saint Louis voulut rétablir les Loix en leur premier état, il fut forcé de recourir aux Loix Romaines, & d'en emprunter des maximes qui pussent se concilier avec l'ancienne Jurisprudence. Ce procédé ne servit qu'à faire de plus en plus perdre de vue les principes qui, en liant les dispositions des anciennes Coutumes entr'elles, avoient formé le corps des Loix suivies dans les premiers temps de la Monarchie.

[40] Lettr. Hist. sur les Parl. Tom. 2, p. 32 & 39.

[41] Espr. des Loix, Tom. 3, p. 318 & 383.

Le droit Coutumier Normand ne fut point exposé à de semblables révolutions; on ne le vit point défiguré par le mélange des maximes du Droit Civil. La Jurisdiction des Ducs ne s'occupoit qu'à consulter les usages, à les maintenir & à diminuer plutôt qu'à accréditer la puissance des Seigneurs, qui seuls pouvoient désirer que ces usages fussent ou changés ou abrogés.

Guillaume le Conquérant, après avoir affermi son autorité en Angleterre, convaincu de l'avantage qu'il pouvoit retirer de l'introduction des Loix Normandes en ce Royaume, considérant d'ailleurs que les Ducs Normands, ses prédécesseurs, n'avoient été redevables de la subordination des Seigneurs & de l'affection du peuple qu'à la fermeté avec laquelle ils avoient maintenu ces Loix, défendit de suivre d'autres Coutumes que celles de son premier domaine.

Il érigea des Fiefs, reçut l'hommage des personnes auxquelles il les avoit distribués,[42] & fit dresser un rôle exact de toutes les terres.

[42] Traduxit Willelmus è suâ Normanniâ in Angliam Patrias Leges cum populi Coloniâ. Matth. Paris. Renat. Chopin. de Doman. Franc. p. 332.Pene omnes leges à superioribus Sanctissimis latas abolevit. Polyd. Verg. L. 9. p. 151.

Ce Rôle, connu sous le nom de Domesday,[43] subsiste encore, & contient un détail de ces terres & fiefs: c'est un répertoire curieux de tous les termes Normands employés alors pour indiquer la nature, ainsi que le motif des conventions, droits & services qui résultoient tant de la succession aux différentes tenures que de leur mutation & de leur division.

[43] Domes-day, veut dire en Anglois jour du Jugement. On a donné ce nom au Rôle que Guillaume fit dresser pour marquer la scrupuleuse attention de ceux qui le rédigerent. Districti & terribilis examinis illa novissima Sententia, nullà tergiversationis arte valet eludi, &c. Sic Sententia ejusdem libri inficiari non potest, vel impune acclinari: ob hoc nos eumdem librum judiciarium nominamus. Coke, Sect. 248, p. 168.

Ce Prince, en attachant ainsi aux Actes & aux choses qui devoient être à l'avenir les plus usuelles des noms inconnus en Angleterre jusqu'à lui, rendoit ses nouveaux sujets plus attentifs à discerner la vraie signification de ces noms, les excitoit à se familiariser avec eux, & les nécessitoit d'oublier les expressions de leur propre Langue, qui de tout temps avoient été consacrées à l'interprétation des Loix par lesquelles jusqu'alors ils avoient été régis.

Sans cette précaution, les Anglois auroient pu transporter de leurs Loix aux siennes des termes qui bientôt auroient anéanti ces dernieres, en faisant oublier le motif de leur institution.

Mais comme le Domesday auroit été inutile, si le Conquérant n'eût pas fixé les droits Normands auxquels il vouloit que les tenures fussent à l'avenir assujetties, il faut en conclure que les Coutumes de Normandie, pouvant seules déterminer ces droits, furent aussi les seules auxquelles ce Prince soumit son peuple.

Cette conséquence est démontrée, si l'on fait attention que les Loix de Guillaume n'ont rien emprunté des Loix d'Edouard ni des Loix attribuées à Malcolme: deux Loix que jusqu'ici on a prétendu être les sources dans lesquelles les siennes avoient pu être puisées.

En effet, le Recueil de Loix que Selden nous a donné dans ses Notes sur Eadmer, ne contient que les usages des Danois & des Merciens qui étoient suivis en Angleterre sous les regnes qui avoient précédé celui d'Edouard le Confesseur; ce pieux Monarque avoit rassemblé ces Loix & les siennes en un seul corps. Guillaume, en montant sur le Trône d'Angleterre après le décès de ce Prince, fut forcé de promettre de maintenir ces usages;[44] mais bien-tôt, sous prétexte qu'ils avoient été altérés en des points essentiels, il obtint qu'on travailleroit à les rédiger avec plus d'exactitude.

[44] Rex, pro bono pacis, juravit super omnes Ecclesias Sancti Albani, tactisque Evangeliis, minante juramentum Abbate Fretherico, bonas & adprobatas antiquas leges quas sancti ac pii Angliæ Reges ejus antecessores & maxime REX EDUARDUS statuit inviolabiliter observare. Seld. Not. in Eadmerum, p. 126.

Cette rédaction fut confiée, par son ordre, à deux Evêques courtisans,[45] peu au fait de la Jurisprudence civile, & dont le principal intérêt devoit être de conserver les immunités dont Edouard avoit comblé le Clergé.

[45] Aldredus Eboracensis Archiepiscopus qui Regem Willelmum coronaverat, & Hugo Londoniensis Episcopus per præceptum Regis scripserunt. Selden. Not. in Eadmerum.

Il ne fut donc pas difficile à ce Souverain de faire insérer dans les Statuts d'Edouard quelques maximes relatives aux Coutumes de Normandie qu'il avoit résolu de leur substituer; & la traduction qu'il fit faire de ces Statuts en langue Normande, lui fournit un moyen aisé de parvenir à ce but. Car, sous prétexte de rendre intelligibles certains droits particuliers à l'Angleterre, on se servit de noms qui étoient consacrés à désigner des droits Normands qui n'avoient avec les premiers que des rapports fort éloignés; & insensiblement la conformité des noms fit confondre ces différens droits auxquels on les avoit indistinctement appliqués.

On ne tarda point cependant à s'appercevoir des additions & des changemens que la Loi d'Edouard avoit éprouvés. Plusieurs articles[46] des Recueils qui portoient le nom de ce saint Roi, n'avoient aucune liaison avec ceux qui les précédoient ou qui les suivoient. Les plaintes qui s'éleverent à cet égard[47] donnerent lieu à des corrections successives qui mirent tant de différence entre les exemplaires de la Loi, répandirent tant d'incertitudes sur leur date, ainsi que sur la préférence qu'on devoit leur donner,[48] & multiplierent les erreurs des Copistes au point que l'on a toujours tenu pour suspectes[49] en Angleterre les compilations faites des Loix d'Edouard sous le regne du Conquérant. Aussi Eadmer s'est-il imposé le plus profond silence sur ces Loix.

[46] Art. 63 des Loix recueillies par Selden, le Conquérant, en recommandant d'observer les Statuts d'Edouard, avoue qu'il y a ajouté plusieurs dispositions, Adauctis his quas constituimus, &c. Et on ne peut douter que celle du 42e article ne soit de ce nombre. Il est intitulé De pignore quod namium vocant. Le Gage connu sous le nom de Namps parmi les Normands, ne l'étoit pas des Anglois, puisqu'en leur en imposant l'usage, le Législateur est obligé de leur en donner l'interprétation.

[47] Rex juravit..... & sic pacificati ad propria læti recesserunt. Selden. in Eadmerum, pag. 126.

[48] Cum tamen alias leges plurimùm dissidentes eodem lemmate, eodemque nomine insignes circumlatas & pro genuinis ac solis quibus Regis & ordinum authoritas accesserat habitas fuisse, si Ingulfo credas, sit exploratissimum, &c. Selden. Not. in Eadmerum.

[49] Arthur. Duck. L. 2., Part. 2, no. 13, p. 307.

Il se contente d'insinuer, à l'égard de celles qui ont été établies par Guillaume pour le civil, qu'elles s'accréditerent par les mêmes moyens dont ce Prince avoit fait usage pour soumettre le Clergé aux Loix Ecclésiastiques qui avoient été pratiquées en Normandie sous son regne & sous celui de ses ancêtres;[50] c'est-à-dire, qu'il parvint à anéantir les Loix d'Edouard, & à faire respecter les siennes par autorité, par l'attrait des récompenses: précautions qui auroient été de trop, si ces deux sortes de Loix eussent été d'accord entr'elles sur des points essentiels.

[50] Usus ergo atque leges quas Patres sui & ipse in Normanniâ habere solebant, in Angliâ servare volens de hujusmodi personis Episcopos, Abbates & alios Principes per totam terram instituit, de quibus indignum judicaretur si per omnia suis legibus, post positâ omni aliâ consideratione non obedirent, &c. Quæ autem in sæcularibus promulgaverit eâ re litterarum memoriæ tradere supersedemus, quoniam ex divinis quæ juxtâ quod delibavimus ordinavit, qualitas illorum, ut reor, adverti poterit. Eadmer. Histor. Novorum. L. 1.

Il y a plus: Polydore Vergile[51] détaille les principales Loix instituées par Guillaume, & on ne remarque entr'elles & les Loix qui sont attribuées à Edouard par Selden, aucune ressemblance.

[51] Polyd. Vergil. Hist. Ang. L. 9.

Selden a compris tout le poids du témoignage de cet Historien; il a essayé de l'atténuer en observant que la plupart des Réglemens que Vergile attribue à Guillaume avoient eu cours en Angleterre sous la domination des Saxons;[52] mais Selden, sans doute, ne s'est pas rappellé qu'à l'avenement de Guillaume au Trône, les Loix Saxonnes étoient abrogées depuis longtemps en Angleterre. Celles d'Edouard, qui ne conservoient aucunes traces de ces Loix, les avoient remplacées. D'ailleurs comme la plupart des anciennes Loix Françoises, d'où sont nées celles de Normandie, ont été, ainsi que les premieres Loix Angloises, tirées des Usages Saxons, il en résulte (quoiqu'on retrouve quelques Usages Saxons parmi les Coutumes instituées, selon Polydore Vergile, par Guillaume le Conquérant) que Vergile n'a pas été pour cela moins fondé à considérer ce Prince comme instituteur des Coutumes Angloises qui sont sous son nom. Ce sont ces Loix de Guillaume qui, étant les mêmes que les anciennes Loix Françoises, ont tiré de l'oubli les Usages pratiqués chez les Anglois dès l'origine de leur Monarchie.

[52] Sed caveant interim lectores ne à Polydoro in hisce fallantur; indiligentiâ enim suâ deceptus, quædam Guillelmo velut authori tribuit quas vetustioribus Saxonici Imperii temporibus certissimum est deberi. Selden. Not. in Eadmerum.

Une des principales Loix de ce Prince est celle qui a privé la plupart des terres Angloises de leurs franchises,[53] & qui a imposé aux propriétaires l'obligation de les relever du Roi ou des Seigneurs qui leur étoient désignés; or, cette Loi est comme l'ame de la Législation de Guillaume, & tout-à-fait conforme à l'idée que nous en donne Littleton. Toutes les maximes de ses Institutes se rapportent à l'inféodation; ou ces maximes en supposent l'existence, ou elles en développent les caracteres: on ne peut en bien concevoir aucunes sans consulter toutes les autres, tant leur liaison est intime.

[53] Ac primùm omnium legem agrariam tulit quâ se possessionum multarum Dominum dixit, quâ priores Domini eas postea redimerent, quarum bonæ partis proprietatem retinuit, sic ut qui in posterum tempus possiderent velut fructuarii in singulos annos aliquid vectigalis sibi & post-modum successoribus, Dominii causà, persolverent; & id juris voluit alios Dominos in suos habere fructuarios quos tenentes vocant, &c. Polyd. Vergil. L. 8, p. 52.—Ducange, verbo Chartâ.

Les Loix d'Edouard, au contraire, ne contiennent aucunes dispositions qui ne puissent également se concilier avec la liberté comme avec la servitude de la glebe. L'homme franc n'y est pas ainsi appellé par opposition à ceux qui sont assujettis au vasselage; mais parce qu'il a des priviléges personnels, indépendamment desquels ses propriétés & sa personne ne seroient pas moins libres.[54] Si chaque cultivateur y est obligé de résider en la Province ou Canton où il est né, ce n'est point pour l'avantage d'un Seigneur particulier, mais pour rendre plus facile & plus sûre la manutention du bon ordre & de l'abondance dans toutes les parties de l'Etat.[55] Enfin tout propriétaire, sans distinction, y a la faculté de tester; les enfans y partagent également les terres de leur pere; on n'y reconnoît de services personnels que ceux qui sont dûs par une convention libre ou résultans de l'esclavage:[56] tout cela est-il assorti aux principes d'où les Fiefs sont émanés?

[54] L'article 3 distingue l'homme libre qui a le droit d'avoir des esclaves, de leur distribuer des terres pour les cultiver, &c. d'avec altre home qui ces franchises non a, mais, suivant les articles 27 & 33, la personne & les fonds de cet homme privé des franchises, n'étoient pas pour cela moins indépendans. Il pouvoit traiter avec tel Propriétaire qu'il vouloit pour la jouissance d'un fonds, s'il n'en avoit pas de suffisans; & ni l'un ni l'autre ne pouvoient résoudre leurs conventions respectives avant qu'elles fussent expirées.

[55] L'article 33 le prouve. Les Seigneurages de chaque Hundred, ou les Chefs de chaque centaine de familles, devoient veiller à ce que toutes les terres de leur canton fussent cultivées; & quand le Chef d'une famille particuliere quittoit l'Hundred, les Seigneurages, ou à leur défaut la justice du Souverain, faisoit venir un Cultivateur pour le remplacer. Les Seigneurages n'avoient donc aucun droit sur les fonds de leur ressort quant a la propriété: c'étoit donc à l'Hundred & non à eux que le service étoit dû.

[56] Voyez art. 6.

S'il est évident que les Statuts d'Edouard le Confesseur n'ont contribué en aucune façon aux Etablissemens de Guillaume le Conquérant; il est aisé de faire voir avec la même évidence que ces Etablissemens de Guillaume ont précédé la compilation des Loix Ecossoises, en les considérant dans l'état où Skénée nous les a conservées.

Le Recueil de Skénée comprend diverses Loix.

Celle connue sous ce titre: Leges Malcolmi Mac-kenneth[57] ejus nominis secundi, & la Loi qui commence par ces mots: Regiam Majestatem, sont les plus anciennes & les seules qu'on ait pu supposer avoir eu quelqu'influence sur les Loix du Conquérant de l'Angleterre. Or en examinant d'abord la Loi du Mac-kenneth, on trouve que si elle s'accorde en quelques points avec les Coutumes Normandes, ce n'est que parce que les Ecossois ont fait passer dans leurs anciennes Loix postérieurement au temps où celles de Normandie sont devenues le droit commun d'Angleterre, les expressions qui avoient de tout temps caractérisé les Droits & les Usages particuliers des Normands.

[57] Mac, en Anglois, veut dire Fils, & Kenneth est le nom du Pere de Malcolme II. Skénée a fait précéder la Loi Regiam par celle du Mac-kenneth. De-là M. Roupnel, en sa Préface de la nouvelle Edition de Pesnelle, a cru que la Loi Regiam étoit de Malcolme.

En effet, Skénée, qui a mis en meilleur ordre la Loi de Malcolme II, convient que les Manuscrits les plus autentiques dont il s'est servi étoient mutilés, défigurés en tant d'endroits, qu'il y a trouvé des additions si mal-adroites, si fréquentes, & des leçons si contradictoires les unes aux autres, qu'il a été obligé non seulement de changer l'intitulé & l'ordre des Chapitres, mais même de retrancher du Texte un grand nombre de Gloses qu'on y avoit insérées; il ajoute que quelquefois les Manuscrits différoient tellement entr'eux, que pour se déterminer dans le choix des expressions & des divers sens que ces Manuscrits lui offroient, il a eu recours au Droit Civil, au Droit Canonique, au Droit Anglois ou aux Coutumes de Normandie.[58] Or de ces aveux de Skénée il résulte que le droit Anglo-Normand a dirigé la plupart des corrections que cet Editeur a faites dans le Texte & la distribution des Loix d'Ecosse. Mais comment le droit d'Angleterre & de Normandie, qui n'a de ressemblance, comme on va bien-tôt en être convaincu, avec les Loix Ecossoises que dans les formes de la procédure & dans les termes, a-t-il pu guider Skénée dans son travail? C'est ce qu'il convient d'éclaircir.

[58] Et certe mirum est scriptorum malitiâ vel ignorantiâ tot ineptias in his libris reperiri; tot locos corruptos, tot amissos, tot distortos, depravatos, tot imperite additos quales in singulis paginis inveniuntur, & cum in omnibus codicibus mira sit varietas, nulla est tam depravata lectio quæ non habeat suo errori confirmando codicem. Emendavi multa..... & si codices manuscripti alii ab aliis sunt varii, eam lectionem secutus sum quæ..... Juris civilis, Canonici, Normannici, Anglici authoritate firmatur..... Glossemata quæ in textum irrepserant expunxi, &c. Præf. Skænei ad Leges Scotiæ.

Avant que Skénée eut entrepris de rassembler en un seul corps les Loix pratiquées en Ecosse de son temps, ceux qui avoient mis en Latin le Mac-kenneth n'avoient pu rendre en cette Langue les expressions dans lesquelles cette Loi avoit été originairement promulguée; au-lieu que ceux qui avoient écrit sur les Loix Angloises & Normandes, qui étoient toutes féodales, avoient déjà latinisé les termes spécialement consacrés à caractériser les différens droits résultans de la féodalité. Ces termes parurent donc aux Traducteurs des Loix de Malcolme, les seuls propres à rendre le sens du Texte original de ces Loix. De-là ils désignerent par les noms de garda & de relevium un droit que Malcolme s'étoit réservé sur la succession de tous ses sujets, & qui n'avoit aucune analogie ni avec la garde ni avec le relief usités dans les Coutumes féodales. De-là encore ces Ecrivains appellerent fiefs les gages attachés aux Offices du Chancelier, du Senéchal, &c.[59] Cependant avant le douzieme siecle on n'avoit pas eu même l'idée, dans les divers Royaumes où les Loix féodales s'étoient introduites, de fiefs purement honorifiques sans domaine ni jurisdiction. Ainsi le terme de fief ne pouvoit raisonnablement être appliqué à des Offices établis en Ecosse antérieurement à cette époque. Les Traducteurs firent plus: ils donnerent des noms visiblement François, mais qu'ils latiniserent, à tous les Officiers dont le Mac-kenneth fait le détail.

[59] Leg. Malcolm. II. Chap. 2, 6 & 7.

C'est un Clerc des Livraisons, Clericus Liberationis;[60] un Pannetier, Panitarius; un Brasseur, Brasiator; un Lardier, Lardarius; un faiseur de feu dans la cour, factor ignis in aulâ. Il est donc visible que quand même tous ces Offices auroient existé en la Cour de Malcolme II, les Loix de ce Prince, avant que d'être traduites, avoient dû donner aux salaires & aux fonctions attachés à ces Offices d'autres dénominations que celles qu'ils ont dans le Recueil de Skénée, & que ce n'a été qu'après l'établissement des Loix Normandes en Angleterre que ces dénominations Françoises ont pu passer dans le droit Coutumier d'Ecosse. Aussi plus on approfondit les Loix de Malcolme, plus la vérité de ce raisonnement acquiert de force & devient palpable. A chaque ligne de cet Ouvrage le langage François ou Normand est employé pour interpréter les Réglemens mêmes qui, n'étant point essentiellement liés aux Loix féodales, ont pu subsister en Ecosse dans les temps les plus reculés. Les amendes y sont appellées amerciamenta;[61] les assassins, murdratores; les ravisseurs, deforciatores; les querelles, Melletæ.[62] Certainement ces termes n'étoient point connus des Ecossois sous le regne de Malcolme II. Recherchons donc le moment où ils sont devenus familiers à leurs Jurisconsultes.

[60] Liberatio pro livraison est Gallicum verbum. Skénée, Not. in Cap. 6. Leg. Malcolm. II.

[61] Du vieux mot François mercy.

[62] Du mot mêlée.

Le Préambule de la Loi Regiam Majestatem peut nous conduire à la découverte de ce fait.

Le Rédacteur de cette Loi, qui a aussi traduit en Latin le Mac-kenneth, déclare, dans la Préface de la Loi Regiam, qu'il a fait choix, pour la rédiger, de termes imaginés & forgés pour l'usage du Barreau, jura redigere decrevi, verbis utens curialibus ex industria.[63] Il ne se seroit pas exprimé, sans doute, de cette façon, si le langage qu'il avoit employé dans sa Rédaction eût été celui de la Loi dans son origine. Aussi est-il constant que ce n'est point dans le Texte primitif de cette Loi qu'il a puisé les expressions dont il s'est servi.

[63] Præfatio Legis Regiam Majestatem. On trouve ces mêmes expressions dans la Préface de Glanville.

Cet Ecrivain vivoit sous David II, Roi d'Ecosse.[64] Le Livre de Glanville, sur le Droit Anglois, qui commence par ces mots: Regiam Potestatem, existoit. Il avoit été composé par les ordres de Henri II, Roi d'Angleterre; & ce Livre servit de modele au Rédacteur Ecossois. Le but de ce dernier étoit de mettre des bornes à l'ardeur excessive avec laquelle on se livroit à l'étude du Droit Romain, de ranimer le goût pour les Loix Nationales que l'on négligeoit dans les Tribunaux, & de faire voir que ces Loix n'étoient pas moins conséquentes, ni moins susceptibles de méthode que les Romaines; mais en exécutant un dessein si essentiel à la conservation des anciennes Coutumes de son pays, il tomba dans un inconvénient qui a eu pour ces Coutumes les suites les plus funestes. Ceux qui voulurent, après ce Compilateur des Loix d'Ecosse, interpréter la Collection & la Traduction qu'il en avoit faite, Collection qu'à l'imitation de celle de Glanville, il avoit intitulée Regiam Majestatem, séduits par l'application qu'il avoit faite aux Loix Ecossoises des termes propres au droit Anglois,[65] se sont imaginés que ces termes dans les deux Loix avoient eu la même origine, & toujours le même sens. De-là ils ont cru ne devoir mettre aucune différence entre le style judiciaire des Cours d'Ecosse & celui des Cours d'Angleterre; les Procédures dans le Royaume d'Ecosse se sont modelées sur celles de l'Etat voisin;[66] les Jurisdictions Ecossoises se sont insensiblement persuadées être en droit de jouir des mêmes prérogatives que les Tribunaux Anglois s'étoient attribuées; ceux qui en ressortissoient ont reclamé les mêmes priviléges; en un mot, tout ce qui dans les Loix Ecossoises a pu se plier aux maximes des Loix des Fiefs, telles qu'elles subsistoient en Angleterre, y a été assujetti. Dès-lors on n'a plus considéré en Ecosse que comme un Feudataire de la Couronne chaque Gouverneur de Province; on a substitué à ce nom celui de Comte ou de Baron.[67] Le Comte a regardé comme son vassal tout propriétaire de fonds situés dans le ressort de son Gouvernement, & toute Capitation dûe ou au Fisc ou aux Juges, comme une redevance caractéristique de l'inféodation. Quelques maximes des anciennes Loix d'Ecosse n'ont pu cependant en être effacées; mais les Ecrivains de cette Nation n'ont pas hésité de conclure de ce que Kenneth ou Malcolme avoient incontestablement été les Auteurs de ces Maximes, qu'ils l'avoient aussi été de tous les autres Usages avec lesquels elles saisoient corps de leur temps.

[64] Skénée prétend que David Ier fit rassembler dans la Loi Regiam, &c. le Droit Coutumier d'Ecosse; mais ce sentiment ne me paroît pas fondé. Les Pandectes ne furent rétablies par l'Empereur Lothaire qu'environ l'an 1128; & Vacarius ne commença à les enseigner à Oxford qu'en 1149. Ce fut lui qui montra le premier aux Anglois la maniere d'étudier les Loix Romaines.[64a] Les Ecossois ne connoissoient point encore alors le Droit Civil. En supposant donc que ce Droit ait été reçu en Ecosse sous le regne de David Ier, cet événement auroit pour époque les 4 ou 5 dernieres années de ce regne. Or seroit-il présumable que dans un intervalle de temps si borné, on eût pu traduire toutes les Loix d'Ecosse, & les distribuer dans l'ordre que Justinien avoit donné à ses Institutes, car cet ordre est suivi dans la division de la Loi Regiam? J'ai donc, d'après cette réflexion, placé la rédaction de la Loi Regiam sous David II, & en cela j'ai l'avantage d'avoir en ma faveur le témoignage de Spelman.[64b] Son habileté dans les Antiquités Britanniques ne permet pas d'opposer à son sentiment celui de Skénée. Les Notes de ce dernier, dans l'édition qu'il nous a procurée des Loix d'Ecosse, décelent le Jurisconsulte, mais il n'y donne pas une grande idée de ses connoissances sur l'ancienne Histoire.

[64a] Arthur. Duck. L. 2, Sect. 27, pag. 319.

[64b] Spelman. Glossar. verbo Leg. Scot.

[65] Voyez Préface de Ducange, no. 21.

[66] On a copié mot à mot le Livre de Glanville dans la Loi Regiam, &c. Il suffit de lire les Préfaces de ces deux Recueils & la formule des Brefs que donne Glanville pour s'en convaincre.

[67] Cognomina sibi nobilitatis imponentes, eaque Anglorum more ostentantes, &c. Hinc illæ natæ sunt Ducum, Comitum ac reliquorum id genus ad ostentationem confictæ appellationes quum antea ejusdem potestatis esse solerent qui Thani, id est Quæstores Regii dicebantur, &c. Bœtius, in Scotiæ descriptione. C. 4., p. 92.Nota. Que Rapin de Thoiras, d'après Polydore Vergile, L. 9, convient (malgré tout l'art dont il use pour insinuer que la plus grande partie des Loix de Guillaume le Conquérant ont été puisées dans celles de ses Prédécesseurs) que ce Prince substitua aux Aldermans & aux Thanes des Comtes, des Barons, des Vavasseurs, des Ecuyers; & il avoue que tous ces Titres ont été tirés du langage Normand. Hist. d'Anglet. L. 6. Or ces Titres dans cette langue ne désignent pas tant le Droit de gouverner un canton ou une portion de l'état, que celui d'avoir le Domaine direct de toutes les terres comprises dans l'étendue d'une Seigneurie décorée de l'un d'eux. En changeant en Angleterre & les Noms & les Loix, on n'a donc rien fait que de raisonnable; mais on a tout brouillé en Ecosse en changeant les noms, & en laissant subsister des Loix auxquelles ils ne pouvoient convenir.

Après cela est-il étonnant que Littleton n'ait point eu recours aux Statuts d'Edouard le Confesseur, ni aux Loix d'Ecosse pour former sa Compilation? Ces deux sortes de Loix, considérées dans leur rédaction actuelle, étant postérieures au regne de Guillaume le Conquérant,[68] Littleton n'avoit pas besoin de les consulter pour donner au Public le Droit Normand tel que ce Prince l'avoit établi en Angleterre; & c'est par cette raison qu'il ne les a jamais citées dans le cours de son Ouvrage.

[68] Sunt in regno tuo natæ, dit Skénée en parlant des Loix d'Ecosse dans sa Dédicace à Jacques, sixieme Roi d'Angleterre; ce qui s'accorde avec ce passage de Boëce, de Scotorum priscis recentioribusque moribus & institutis. Ch. 4, p. 91. Labentibus autem sæculis idque maxime circa Malcolmi Cammoir tempora mutari cuncta cœperunt..... ubi affinitate Anglis conjungi cœpimus, expanso, ut ita dicam, gremio, quoque mores eorum amplexi imbibimus.—Ce Malcolme est le troisieme de ce nom, mort en 1097. Il adopta le premier quelques Coutumes Angloises, & David II, en les faisant rassembler & traduire, acheva de défigurer les anciens usages de sa Nation. Cambden ne s'exprime pas moins clairement que Boëce: Inter nobiles, amplissimi & honoratissimi olim erant Thani id est qui, si quid video, ex munere solum modo quo defungebantur erant nobilitati; dictio enim in antiquâ Anglo-Saxonum lingua Ministrum Regium denotat. Verum hæc nomina paulatim exoleverunt ex quo Malcolmus tertius Comitum, & Baronum titulos ex Anglia à Normanis acceptos nobilibus bene merentibus detulisset. Scot. descrip. ch. 6, p. 102 & 103, de Regimine Scotiæ. Edit. Elzevir. ann. 1627.

Littleton mit cet Ouvrage au jour sous Edouard IV, & il déclare l'avoir tiré d'un ancien Traité des Tenures. Il ajoute, il est vrai, en s'adressant à son fils auquel il consacre son travail, qu'il n'ose présumer que tout ce qu'il a écrit soit de Loi;[69] mais Coke, son Commentateur, attribue ces expressions à la modestie de l'Auteur.[70] Selon lui, le nom de Littleton désigne moins, parmi les Jurisconsultes Anglois, un Ecrivain particulier que la Loi elle-même;[71] & on est forcé de souscrire à cet éloge, lorsqu'on réfléchit sur la méthode suivie par Littleton. Il porte le scrupule jusqu'à distinguer en chaque article de son Recueil ce qui est de la commune Loi; c'est-à-dire, de la Loi établie par Guillaume le Conquérant[72] d'avec ce qui a été institué par des Chartes, Statuts ou Edits postérieurs.

[69] Section 749.

[70] Coke auroit pu donner une autre raison de la défiance que Littleton témoigne pour ses propres opinions. C'est que Littleton propose quelquefois les moyens qu'il croit les plus convenables pour l'interprétation ou la pratique des Loix qui ne sont pas clairement rédigées, & ces moyens ne sont pas toujours conformes à la doctrine des autres Jurisconsultes de sa Nation.

[71] Not the name of the author only but of the law it self. Coke, au frontispice de son Commentaire.

[72] Les Loix d'Edouard s'appelloient aussi Loix communes; mais c'étoit lorsqu'elles étoient en vigueur. Polydor. Verg. p. 139.

Quelque répugnance qu'eût marqué, sous ce Monarque, la Nation Angloise pour les Coutumes Normandes, elle s'y étoit cependant attachée insensiblement. Plusieurs fois on lui avoit proposé, dans les Etats tenus sous les regnes suivans, de les changer ou de les réformer sur le Droit Romain; mais les Seigneurs avoient toujours résisté à ce projet. Les Comtes & les Barons, sous Henri III, répondirent aux instances qu'il leur faisoit à cet égard: Nous ne voulons pas changer les Loix du Royaume que l'usage a approuvées jusqu'à nous.[73] Il y eut une reclamation aussi vigoureuse, en faveur de ces Loix, de la part de Thomas, Duc de Glocestre, sous Richard II qui commença de régner en 1377. Le Livre des Tenures, pris pour modele par Littleton, ayant été composé, selon Coke,[74] par ordre d'Edouard III, c'est-à-dire, plus de cent ans au moins avant le regne de Richard II, il n'est pas naturel de penser qu'il se fût glissé dans les maximes qu'il contenoit, rien qui ne fût appuyé sur les pratiques les plus anciennes.

[73] Arthur. Duck. L. 2, p. 334.

[74] Note derniere de son Comment. p. 394.

Ni l'Ouvrage où Bracton[75] expliquoit les Coutumes Angloises environ l'an 1260, ni celui de Britton, qui fut publié sous Edouard Ier, n'ont point acquis en Angleterre le dégré d'autorité dont a joui jusqu'à présent l'Ouvrage de Littleton. Ces Auteurs ont écrit avant lui; mais il n'ont pas eu, comme lui, soin de recueillir le Texte des Coutumes anciennes, & de les discerner des regles qui y avoient été substituées par erreur ou par ignorance. Ils avoient négligé de rechercher l'étymologie des noms donnés par le Conquérant, & de recourir à chaque Coutume pour en rappeller l'origine & le but. Ils s'étoient plus attachés à exposer ces Coutumes sous l'interprétation qu'on leur donnoit de leur temps, qu'à les ramener au vrai sens des maximes sur lesquelles le Législateur avoit cru devoir les établir, ou plutôt ils avoient commenté ces maximes.

[75] Je donnerai dans le second Volume une idée de l'Ouvrage de Bracton & la notice de quelques autres Ouvrages de Jurisprudence Anglo-Normande.

Littleton a pris une méthode plus réguliere & plus satisfaisante. Il nous présente ces Coutumes dans la simplicité des Actes qui avoient suppléé sous le Conquérant au défaut de leur rédaction.[76]

[76] Voyez les Notes sur le Code des anciennes Loix Angloises de Spelman, a la fin du second Volume.

Qu'on rapproche son Recueil du Livre Censier ou Domesday; leur correspondance est sensible. Celui-ci donne le nom aux Tenures, à leurs appartenances, soit honorifiques, soit utiles; l'autre indique les formalités requises pour les partager, les aliéner, les acquerir, les donner ou les conserver. Sans ces formalités la dénomination des choses seroit inintelligible, & sans cette dénomination les formalités auroient été impraticables.

Littleton & le vieux Coutumier Normand ne sont cependant point d'accord sur tous les points.

1o. Les regles prescrites dans le Coutumier pour succéder aux Fiefs sont relatives à la constitution des Fiefs qui étoit devenue uniforme lors de sa rédaction; & les regles que donne Littleton se rapportent à l'état des différens Fiefs qui étoient admis en Normandie lors de la Conquête par le Duc Guillaume; mais cette différence redouble le prix de ces deux Ouvrages: on n'a pas besoin, après les avoir consultés, de recourir à d'autres sources pour suivre le progrès des Loix féodales depuis l'érection de la Normandie en Duché jusqu'à sa réunion à la Couronne.

2o. En Angleterre il n'y a point de Hautes-Justices, & l'ancien Coutumier reconnoît que les Ducs en ont concédé par leurs Chartes; mais il est d'observation que lorsque l'Auteur de cette Compilation dit[77] que le Duc a Court de tous torts, exceptés ceux à qui les Princes de Normandie ont octroyé d'avoir Court de telles choses par Chartes, &c. Ces expressions de Princes de Normandie ne peuvent s'appliquer aux Ducs de cette Province du sang Normand & Angevin. En effet, le premier titre de concession de Justice en cette Province, qui nous soit connu, n'est que de 1211, sous Philippe Auguste; & les autorités que cite Basnage,[78] pour établir l'antiquité des Hautes-Justices en Normandie, ne remontent pas au-delà de 1207.

[77] C. 53 de Court.

[78] Basnage, sur l'article 13 de la Coutume, p. 38, premier Volume, cite Orderic Vital, pour prouver que les Moines de Saint Evroult avoient en 1055 fait le Procès à un Gentilhomme; mais ces termes de Vital justo judicio determinatum est, Monachis conquerentibus, signifient seulement que la condamnation fut poursuivie par les Moines, & non pas qu'elle ait été prononcée en leur Jurisdiction.

Si l'on met donc à part tout ce qui a été inséré dans l'ancien Coutumier, soit à l'égard des regles générales que l'on suivoit quand il fut composé, pour les successions aux Fiefs, soit relativement aux Jurisdictions seigneuriales établies par les Princes François postérieurement aux premiers Ducs de la race de Raoul; & si l'on ne s'attache qu'à ce que dit Littleton pour reconnoître 1o. quelles étoient les diverses especes de Fiefs, ainsi que la maniere d'y succéder lors de leur établissement primitif; 2o. pour sçavoir comment la Justice étoit exercée au temps du Duc Raoul: le Livre de cet Auteur & l'ancien Coutumier pourront être considérés, sur toutes les autres matieres, comme un seul & même dépôt des Loix Neustriennes[79] auquel on doit par conséquent recourir par préférence à tous les Recueils des anciennes Coutumes de France composées sous Saint Louis. C'est-là l'idée que le Rédacteur du Style de procéder, imprimé en 1552, a voulu que l'on conçût du vieux Coutumier. Les Loix contenues en ce Livre sont, dit-il, Etablissemens & Coutumes observées, tenues & gardées de toute ancienneté au pays de Normandie, & au-devant que la Duché fût baillée par Charles le Simple au Duc Raou.

[79] Basnage, article 13 de son Commentaire, Tom. 1, p. 57, pense que l'ancien Coutumier seroit l'ancien Droit Normand, s'il étoit constant que l'Auteur de cette collection eût écrit avant Philippe Auguste. Mais la conformité de cet ancien Coutumier avec Littleton, prouve beaucoup mieux qu'il contient l'ancien Droit Normand, que ne le feroit la certitude de sa rédaction avant Philippe; car cette conformité force de donner aux Coutumes recueillies dans ces deux Ouvrages une origine antérieure au temps où les Anglois les ont connues & adoptées.—Basnage, p. 55, premier Volume, dit encore que l'on chercheroit avec plus de raison l'explication de nos Coutumes dans les anciennes Loix d'Angleterre que dans les Coutumes de France: j'ai suivi ce Conseil.

Quoique celui qui a composé cet ancien Coutumier propose son travail aux Lecteurs pour qu'ils amendent ce qu'ils verront à amender, y mettent ce qu'il y faudra, & en ôtent ce que lieu n'y tiendra,[80] ce langage, de pure bienséance, ne doit pas faire douter de la fidélité avec laquelle celui qui le tient a procédé dans ses recherches.

[80] Prologue de l'anc. Cout.

Il y avoit, il est vrai, avant sa Compilation divers Recueils des Coutumes Normandes. Jacques Mango, Maître des Comptes à Paris, en fit voir un à l'Avocat-Général Servin;[81] & il le tenoit d'un Sieur de Saint Just, Maître en la Chambre des Comptes de Rouen. Rouillé rapporte des extraits d'autres Manuscrits[82] où ces Loix étoient en vers. L'Auteur de l'ancien Coutumier se plaint lui-même[83] de ce que de son temps les Droits & Coutumes avoient été muées, en certains points, par la force des puissans hommes; qu'elles n'étoient plus arrestées en certains Sieges, ains qu'elles sailloient en diverses Langues, si que nulle mémoire n'étoit des anciens établissemens.[84]

[81] Servin. 2. Vol. p. 467.

[82] Rouillé, p. 39. fol. vers. M. Lallemant a un de ces Manuscrits.

[83] Titre d'échéance & de brief de prochainneté d'Ancesseur.

[84] Prologue de l'anc. Cout.

L'usage du Record, qui s'étoit d'abord opposé à ces variations du texte de la Loi, n'avoit plus pour objet, depuis que l'écriture étoit devenue familiere à gens de tout état, que l'interprétation des termes dans lesquels les Jugemens avoient été prononcés. Leur mauvaise rédaction, & l'obscurité des expressions dont on s'étoit servi, avoient fait oublier les pratiques anciennes, ou les avoient rendues tellement équivoques qu'on ne manquoit jamais de prétextes, soit pour supposer qu'elles avoient été abrogées, soit pour nier leur existence.

L'Auteur du Coutumier, frapé de ces désordres, rappella & éclaircit les anciens Statuts; il s'enquit de ce qui étoit tenu pour Loi en chaque territoire;[85] il profita de ce qui avoit paru mériter ce nom en l'Assemblée des Prélats & Barons de la Province convoquée & tenue à Lislebonne par Philippe le Bel.[86] Aidé par les gens de l'Echiquier, & autres Officiers de la Justice souveraine qui étoient obligés par serment de maintenir & garder les Coutumes, il publia son Livre. Les Seigneurs & le Peuple y reconnurent leurs droits respectifs, & les Juges y conformerent leurs décisions.

[85] Prologue de l'anc. Cout.

[86] Ancien style de procéder, p. 86. ch. 110. Anc. Cout. & Rouillé sur ce Chap.

La Charte de Louis Hutin[87] ne fut donnée que parce que les Prélats, Chevaliers & menu peuple se plaignoient de ce qu'on enfreignoit leurs droits; & ce Prince ne crut pas innover en les maintenant dans tous les Priviléges contenus au Coutumier. Il fut enregistré au Parlement de Paris, en l'Echiquier & en la Chambre des Comptes de Rouen.[88]

[87] La Charte aux Normands.

[88] Arrêt pour la success. des Enfans condamnés, p. 121. Cout. Réform. édit. de Lambert.

L'ancien Coutumier n'a donc jamais cessé d'être considéré comme une Collection autentique des premiers Usages de la Province: c'est donc dans cet Ouvrage, & dans les Loix Angloises que se trouve notre ancien Droit Municipal conservé par deux Nations différentes, & par des moyens d'autant moins suspects qu'ils n'ont point été concertés.

On ne peut pas avoir la même opinion des Ouvrages de Jurisprudence des 12 & 13e siecles. De quelque utilité qu'ils ayent été au célebre Montesquieu, il ne s'est pas aveuglé sur leurs défauts.

Desfontaines,[89] selon lui, est le premier Auteur de Pratique que nous ayons, mais il fait un grand usage des Loix Romaines; il mêle à la Jurisprudence Françoise les Etablissemens de Saint Louis, & les maximes du Droit Civil.

[89] Espr. des Loix, L. 28. ch. 38 & suiv. p. 383 & 403.

Beaumanoir fait peu d'usage du Droit Romain; mais il concilie les Réglemens du Saint Roi avec les anciens Usages de France.

L'objet de ces deux Ecrivains, dit ailleurs M. de Montesquieu, a plutôt été de donner une Pratique judiciaire que les Usages de leur temps sur la disposition des biens.

Ces Auteurs donc, sans s'arrêter aux anciennes Pratiques ou à celles qui étoient en usage de leur temps, proposoient des regles qui ne pouvoient réformer les abus & la diversité des Procédures, qu'autant qu'on se seroit déterminé dans tout le Royaume ou à se fixer uniquement à ces regles ou à reprendre les usages antérieurs à l'Anarchie où s'étoit trouvé le Royaume sous nos derniers Rois de la deuxieme Race.

On apperçoit, au premier coup d'œil, combien des Ouvrages faits dans de pareilles vues sont peu propres à nous apprendre en quoi les Coutumes Françoises consistoient dans leur origine.

Au contraire, le principe, le but, les progrès, les variations de ces Coutumes se développent naturellement par la comparaison des Loix Angloises avec les Normandes qui nous restent. Ces Loix ne different en rien d'important, ce qui oblige de leur assigner une source commune. Or, cette source se manifeste dans l'introduction des Loix Normandes en Angleterre. Guillaume le Conquérant les avoit reçues de ses Prédécesseurs par une tradition que rien n'avoit interrompue depuis que Raoul les avoit trouvées établies en Neustrie: le droit particulier des François a donc incontestablement formé celui que les Anglois suivent encore, & qui seul a été admis en Normandie jusqu'à la réformation de ses Coutumes.[90]

[90] En 1577.

Mais inutilement faciliterois-je au Public la comparaison des Ouvrages où les Loix Françoises Neustriennes se retrouvent, si je ne lui indiquois pas les motifs qui les ont fait naître. C'est en approfondissant l'esprit dans lequel elles ont été faites que l'on découvre la source de la diversité des Usages suivis maintenant dans les différentes Provinces de ce Royaume, & que l'on peut parvenir à ramener ces Usages à des principes communs, au moins sur les principales matieres, en supposant qu'on ne puisse les rappeller, sur toutes les matieres, à la conformité, raison & équité d'une seule Loi.[91] Tel est le double profit que je désire que l'on retire de ce Commentaire.

[91] Loisel, introduct. à ses Instit. Coutum.


APPROBATION.

J'ai lu, par ordre de Monseigneur le Chancelier, cette Traduction de Littleton, avec des Notes & Observations critiques & historiques, par M. Hoüard, Avocat, &c. Je n'y ai rien trouvé qui en puisse empêcher l'impression. Les lumieres qu'on peut tirer de Littleton pour l'intelligence de différens points de notre Droit Coutumier & de nos anciens Usages, & pour la décision de plusieurs Questions intéressantes dans la Pratique, faisoient désirer depuis long-temps que quelque homme sçavant & laborieux, également versé dans la connoissance des Loix & de l'Histoire, voulût lever les difficultés qui privoient de la lecture de cet Ouvrage ceux à qui il pouvoit être le plus utile. Cette Traduction de M. Hoüard, & le docte Commentaire dont il l'a accompagnée, feront aisément juger que personne n'étoit plus capable que lui de remplir ce vœu, & de rendre un service si important à notre Jurisprudence.

GIBERT.


PRIVILEGE DU ROI.

Louis, par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre, à nos amés & féaux Conseillers les gens tenans nos Cours de Parlement, Maître des Requêtes ordinaire de notre Hôtel, grand Conseil, Prevôt de Paris, Baillifs, Senéchaux, leurs Lieutenans civils & autres nos Justiciers qu'il appartiendra; SALUT. Notre amé, le Sieur RICHARD LALLEMANT, ancien Consul, Conseiller-Echevin, & notre Imprimeur ordinaire à Rouen, nous a fait exposer qu'il désireroit faire imprimer & donner au Public un Ouvrage qui a pour titre: Anciennes Loix des François, conservées dans les Coutumes Angloises, recueillies par Littleton, avec des Observations historiques & critiques, où l'on fait voir que les Coutumes & les Usages suivis anciennement en Normandie sont les mêmes que ceux qui étoient en vigueur sous les deux premieres Races de nos Rois; s'il nous plaisoit lui accorder nos Lettres de Privilége pour ce nécessaires. A CES CAUSES, voulant favorablement traiter l'Exposant, nous lui avons permis, & permettons par ces Presentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui semblera, & de le faire vendre & débiter par-tout notre Royaume pendant le temps de douze années consécutives, à compter du jour de la date des Présentes. Faisons défenses à tous Imprimeurs, Libraires & autres personnes, de quelque qualité & condition qu'elles soient, d'en introduire d'impression étrangere dans aucun lieu de notre obéissance; comme aussi d'imprimer ou faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit Ouvrage, ni d'en faire aucun extrait, sous quelque prétexte que ce puisse être, sans la permission expresse & par écrit dudit Exposant ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de Confiscation des exemplaires contrefaits, de trois mille livres d'amende contre chacun des contrevenans, dont un tiers à Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, & l'autre tiers audit Exposant ou à celui qui aura droit de lui, & de tous depens, dommages & intérêts: A la charge que ces Présentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris dans trois mois de la date d'icelles; que l'impréssion dudit Ouvrage sera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en bon papier & beaux caracteres, conformément à la feuille imprimée, attachée pour modele sous le contre-Scel des Présentes; que l'Impétrant se conformera en tout aux Réglemens de la Librairie, & notamment à celui du 10 Avril 1725; qu'avant de l'exposer en vente, le Manuscrit qui aura servi de copie à l'impression dudit Ouvrage sera remis, dans le même état où l'Approbation y aura été donnée, ès mains de notre très-cher & féal Chevalier Chancelier de France le Sieur de Lamoignon, & qu'il en sera ensuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliotheque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, un dans celle dudit Sieur de Lamoignon, & un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier Vice Chancelier & Garde des Sceaux de France le Sieur de Maupeou, le tout à peine de nullité des Présentes; du contenu desquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Exposant & ses Ayant-causes pleinement & paisiblement, sans souffrir qu'il leur soit fait aucun trouble ou empêchement; voulons que la copie des Présentes, qui sera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage, soit tenue pour duement signifiée, & qu'aux copies collationnées par l'un de nos amés & féaux Conseillers-Secretaires, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent fut ce requis de faire, pour l'exécution d'icelles, tous Actes requis & nécessaires, sans demander autre permission, & nonobstant Clameur de Haro, Charte Normande, Lettres à ce contraites; CAR tel est notre plaisir. DONNÉ à Fontainebleau le dix-septieme jour du mois d'Octobre l'an de grace mil sept cent soixante-quatre, & de notre Regne le cinquantieme.

PAR LE ROI, EN SON CONSEIL,
LE BEGUE.

Registré sur le Registre XVI de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris, no. 385 fol. 192, conformément au Réglement de 1723, qui fait défenses, art. 41, à toutes personnes, de quelque qualité & condition qu'elles soient, autres que les Libraires & Imprimeurs, de vendre, débiter, faire afficher aucuns Livres pour les vendre en leurs noms, soit qu'ils s'en disent les Auteurs ou autrement, & à la charge de fournir à la susdit Chambre neuf Exemplaires prescrits par l'art. 108 du même Réglement. A Paris ce 16 Novembre 1764.

LE BRETON, Syndic.

Registré sur le Livre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de cette Ville, no. 182, conformément aux Réglemens. A Rouen le 7 Mai 1766.

CHARLES FERRAND, Syndic.


TABLE DES CHAPITRES CONTENUS DANS LE PREMIER VOLUME.

LIVRE PREMIER.

LIVRE SECOND.

LIVRE TROISIEME.

Chargement de la publicité...