Anciennes loix des François, conservées dans les coutumes angloises, recueillies par Littleton, Vol. I
[604] Zazius de Feud. alienat. part. nonâ. p. 93.
[605] Anc. Cout. ch. 115 & 127. Leg. Burg. Sken. collect.
SECTION 178.
Mes si le Roy ad un villein que purchase terre, & alien devant que le Roy entra, uncore le Roy poit enter en que maines que la terre deviendra. Ou si le villein achata biens, & eux vendist devant que le Roy seisist les biens, uncore le Roy poit seiser les biens en que maines que les biens sont: Quia nullum tempus occurrit Regi.
SECTION 178.—TRADUCTION.
Si un villain du Roi acquiert un fonds, & l'aliene avant que le Roi s'en soit saisi, le Roi peut le revendiquer en quelques mains qu'il le trouve, parce qu'il n'y a jamais de prescription contre le Roi.
SECTION 179.
Item, si home lessa certaine terre a un auter pur term de vie savant le reversion a luy, & un villeine purchase del lessor le reversion: en cest cas il semble que le Seignior del villeine poit maintenant vener a la terre, & claime le reversion come le Seignior le dit villein, & per cel claime le reversion est maintenant en luy. Car en auter forme il ne poit vener a le reversion. Car il ne poit enter sur le tenant a terme de vie. Et sil doit demurrer tanque apres le mort le tenant a term de vie, donques per cas il viendra trope tarde. Car peradventure le villeine voile granter ou alien, le reversion a un auter en le vie le tenant a terme de vie, &c.
SECTION 179.—TRADUCTION.
Si un homme cede à un autre une terre pour le terme de sa vie en se réservant le droit de réversion de cette terre, dans le cas où un villain acquiert ce droit de réversion, le Seigneur du villain peut clamer cette acquisition, & il ne doit pas attendre que le tenant à terme de vie soit décédé pour user du retrait sur le fonds qu'il possédoit, car le Seigneur pourroit alors être non recevable; son villain auroit pu, en effet, vendre son droit de réversion pendant la vie du possesseur.
SECTION 180.
Et mesme le maner est, lou un villeine purchase un Advowson dun Esglise plein dun incumbent le Seignior del villein poit vener al dit Esglise, & claime le dit advowson, & per cel claime ladvowson est en luy. Car sil doit attendre tanque apres le mort lincumbent, & adonque a presenter son clerke a le dit Esglise, donque en le meane temps le villeine poit aliener le advowson, & issint ouste le Seignior de son presentment.
SECTION 180.—TRADUCTION.
Il en est de même si un villain acquiert un Patronage d'Eglise tandis que le pourvu du Bénéfice existe, le Seigneur peut clamer ce Patronage au moment de la vente; car s'il attendoit le décès du bénéficier, le villain auroit pu vendre son Patronage, & par-là priver le Seigneur de son droit de clameur.
SECTION 181.
Item, il y ad villeine regarde & villeine en gros, villeine regardant est, sicome home est seisi dun manner a que un villeine est regardant, & celuy que est seisie, del dit manner, ou ceux que esteant il ad en mesme le mannor ount este seisies de le dit villein & de ses auncestors, come villeins & niefs regardants a mesme le mannor de temps dont memorie ne curt. Et villeine en grosse est, lou un home seisie dun mannor a que un villeine est regardant, & il graunt mesme le villein per son fait a un auter, donque il est villein en grosse & nemy regardant. (a)
SECTION 181.—TRADUCTION.
On distingue deux sortes de villains, le villain regardant & le villain en gros.
Le villain regardant est celui qui depuis un temps immémorial dépend, ainsi que ses ancêtres, d'une Seigneurie comme serf.
Le villain en gros est celui qui étant serf d'une Seigneurie est vendu comme villain à un possesseur d'une autre Seigneurie.
REMARQUE.
(a) Villein regardant... Et en grosse.
Le villain a été appellé regardant, parce qu'attaché à la glebe, sa personne devoit être uniquement occupée à suivre les volontés de son Seigneur. Il ne pouvoit s'écarter du Fief, & devoit être toujours prêt de faire, au premier signal, les services dont on le jugeoit capable; il étoit, en un mot, comme ces esclaves dont parle l'Ecriture, oculi servorum in manibus Dominorum suorum. Le villain n'étoit qu'en gros, lorsqu'il n'avoit point été vendu avec la glebe ou Fief duquel il étoit originairement dépendant, parce qu'en ce cas, ne devant ses services qu'à la personne & non aux Fiefs de son nouveau Seigneur, on ne pouvoit précisément lui indiquer l'origine de sa servitude; on ne la connoissoit, pour ainsi dire, qu'en gros.[606]
[606] Is that Wich belongs to the person of the Lord, and belongeth not to any manor, lands, &c, Coke, fo 120, vo.
SECTION 182.
Item, si un home & ses ancestors que heire il est, ount este seisies dun villein & de ses ancestors, come des villeins en grosse de temps dont memorie ne curt, tiels sont villeines en grosse.
SECTION 182.—TRADUCTION.
Si un villain en gros a été sous la dépendance d'un Seigneur ou de ses ancêtres de temps immémorial, il conserve toujours ce caractere.
SECTION 183.
Et hic nota, que tiels choses que ne poient este grants, ne aliens sans fait ou fine, home que voile aver tiels choses per prescription ne poet auterment presciber forsque en luy, & en ses auncestors que heir il est & nemy per ceux parols, en luy & en ceux que estate il ad, pur ceo que il ne poet aver lour estate sans fait ou auter escripture, lequel covient deste monstre a le court, si il voile aver ascun advantage de ceo. Et pur ceo que le grant & alienation dun villein en gros ne gist sans fait ou auter escripture home ne poit prescriber en un villein en gros sans monstrans descripture, sinon en soy mesme que claim le villeine, & en ses ancestors que heire il est. Mes de tiels choses que sont regardants ou appendants a un mannor, ou a auters terres & tenements, home poet prescriber que il & ceux que estate il ad, queux fueront seisies de le manor, ou de tiels terres & tenements, &c. ont este seisies de tiels choses come regardants ou appendants (a) a le manor, ou a tiels terres ou tenements, de temps dont memorie, &c. Et la cause est, pur ceo que tiel manor, ou terres & tenements poyent passer per alienation sans fait, &c.
SECTION 183.—TRADUCTION.
Observez qu'en toutes choses qui ne peuvent, selon la Loi, être vendues qu'en vertu d'actes judiciaires ou de transactions à l'amiable, mais écrites, on ne peut alléguer valablement d'autre prescription que celle de la possession que l'on auroit eue tant par soi-même que par ses ancêtres auxquels on auroit succédé, & on ne seroit pas recevable à prouver une possession qu'on prétendroit n'avoir acquise que par transport ou subrogation. Ainsi comme on ne peut acheter un villain en gros sans acte judiciaire ou sans écrit; si on est destitué d'actes de cette espece, on n'a d'autre ressource pour assujettir ce villain à l'être, au cas où il le méconnoîtroit, que celle de justifier de la possession qu'on a eue tant par soi que par ses ancêtres.
Il n'en est pas de même de ce qui regarde une Seigneurie ou une Terre ou de ce qui en dépend, comme du villain en gros qui ne dépend d'aucune Terre ni Seigneurie; car à l'égard de ces choses, il suffit pour s'en conserver la possession de prouver que ceux qu'on représente ont possédé tels manoirs ou tenemens, dont l'objet contesté a été une dépendance depuis un temps immémorial, & la raison de ceci se tire de ce qu'on peut acquerir des tenemens sans acte judiciaire ni écrit.
REMARQUE.
(a) De tiels choses comme regardants ou appendants.
Le Texte fait une distinction entre ce qui regarde le Fief & ce qui en dépend: tout ce qui entre dans la constitution primordiale du Fief, le regarde; tout ce qui a été attaché à une terre, depuis son érection en Fief, en dépend. Ainsi un villain en gros dépendoit d'un Fief, lorsqu'il étoit aliéné avec ce Fief, quoiqu'il n'en dépendît pas originairement: le villain regardoit le Fief quand il y avoit de tout temps dû ses services.[607]
[607] Brussel ne paroît pas avoir bien saisi le sens du mot dépendance de Fief, tom. 1, pag. 17.
SECTION 184.
Et est ascavoir, que nul chose est nosme regardant (a) a un mannor, &c. forsque villeine, mes certaine auters choses come advowson & common de pasture, &c. sont nosmes appendants al mannor ou al terres & tenements, &c.
SECTION 184.—TRADUCTION.
Il n'y a que le villain dont on dise qu'il regarde le Fief, car le Patronage de l'Eglise, le droit de commune Pâture, s'appellent dépendances de Fief.
REMARQUE.
(a) Nul chose est nosme regardant.
Il n'étoit pas de l'essence de tous Fiefs d'avoir des villains ou un patronage, ou un droit de pâturage sur les terres qui appartenoient à un canton en général; cependant comme ces prérogatives étoient inhérentes à certains Fiefs, en ce cas, ou elles avoient rapport à la glebe, terre ou corps de ce Fief, & on disoit qu'elles regardoient le Fief; ou elles n'avoient nul rapport à la glebe, ou elles s'exerçoient sur des fonds qui ne faisoient point partie du Fief; ou enfin elles consistoient en des droits incorporels, de pur honneur, & on les appelloit des dépendances de Fief.
SECTION 185.
Item, si home voile en Court de record soy conuster destre villein, que ne fuit villein adevant, tiel est villein en grosse.
SECTION 185.—TRADUCTION.
Si un homme libre vient en Cour de record s'avouer villain de quelque Seigneurie, il n'est villain qu'en gros ou personnel, & non villain réel & foncier.
SECTION 186.
Item, home que est villein est appelle villein, & feme que est villeine est appelle Nief: (a) Sicome home que est utlage est dit utlage, & feme que est utlage est dit Waive. (b)
SECTION 186.—TRADUCTION.
Le villain conserve toujours ce titre; mais la femme villaine s'appelle nief ou native, comme l'homme banni s'appelle utlage, & la femme bannie est appellée Waive.
REMARQUES.
(a) Nief.
On appelloit native ou nief, la femme, parce que sa naissance seule pouvoit lui imposer la servitude, à la différence de l'homme qui pouvoit se rendre volontairement serf. Lorsqu'un Seigneur reclamoit un villain qui s'étoit réfugié dans une autre Seigneurie que celle d'où il dépendoit, il étoit obligé de prendre un Bref de Chancellerie, par lequel il étoit enjoint aux Justiciers de toutes les Cours de faire perquisition du villain dans leur Ressort, si ce n'étoit dans les Domaines & Bourgs du Roi, & de faire restituer le fugitif à son Seigneur ou à ses Envoyés. Si le villain nioit qu'il le fût; il étoit obligé de donner caution pour obtenir la faculté de plaider: la caution admise, il prouvoit sa liberté par le témoignage de sa famille.[608]
[608] Quon. Attachiam. c. 5 & 7. Et Reg. Majest. c. 11.
(b) Waive.
Les Ecossois appellent Waif les animaux vagabonds[609] qui n'ont plus de maîtres. Vaive, vadiata.
[609] Glossar. in fin. Collect. Sken.
SECTION 187.
Item, si un villeine prent frank feme a feme, & ad issue enter eux, lissues serront villeines. Mes si neife prent libre, franke home a sa baron, lour issues serra franke.
Et cest contrarie a le Ley civil, car la est dit: Partus sequitur ventrem.
SECTION 187.—TRADUCTION.
Si un villain épouse une femme libre, ses enfans sont villains; mais si une Nief épouse un homme leurs enfans sont libres; ce qui est contraire à la loi civile, selon laquelle: Partus sequitur ventrem.
SECTION 188.
Item, nul bastard poet estre villeine, si non que il voyle soy conusier estre villeine en court de record, car il est en ley quasi nullius filius, pur ceo que il ne poit enheriter a nulluy.
SECTION 188.—TRADUCTION.
Nul bâtard ne peut être villain, à moins qu'il ne veuille s'avouer tel à un Seigneur en Cour de record; car il n'est réputé l'enfant de personne, puisqu'il ne peut succéder.
SECTION 189.
Item, chescun villein est able & franke de suer touts manners dactions envers chescun person forspris envers son Seignior a que il est villeine. Et uncore en certain choses il poit aver action envers son Seignior. Car il poit aver envers son Seignior un action dappeale de mort, (a) ou dauters de les auncesters que heire il est.
SECTION 189.—TRADUCTION.
Tout villain peut poursuivre en Justice contre toutes personnes pour toutes especes d'actions, si ce n'est contre son Seigneur, à moins que ce ne soit pour obtenir réparation de la mort de ses pere & aïeux dont il est héritier, car alors il peut appeller son Seigneur en duel.
REMARQUES.
(a) Appeale de mort.
Le combat avoit lieu: 1o. pour tout crime qui emportent peine de mort: 2o. pour les délits commis clandestinement: 3o. pour la découverte de faits importans dont il ne pouvoit y avoir eu ni titres ni témoins,[610] tels que la soustraction d'un trésor caché, &c. Les Nobles & les hommes libres pouvoient se défendre par personnes interposées; mais le villain étoit obligé de se battre en personne.[611] Si un Seigneur demandoit à se battre contre son vassal, il étoit obligé de le délier de l'hommage qu'il en avoit reçu;[612] & si le vassal étoit vainqueur, il ne relevoit plus de son Seigneur direct, mais du Suzerain ou du Roi.
On pouvoit s'excuser du duel pour minorité, vieillesse, ou parce qu'on étoit privé d'un bras, d'un œil, ou de quelqu'autre membre.[613] Comme Messieurs de Montesquieu, Vély & Brussel n'ont consulté, sur l'ordre de procéder au duel, que les Loix Françoises du temps de Saint Louis; & que les Coutumes Angloises & Normandes nous ont conservé cet usage dépouillé de cet éclat & de ce faste qui l'ont défiguré depuis les Croisades: je crois qu'on me sçaura gré de donner ici un précis de ces Coutumes dans leur simplicité originelle.[614]
[610] Statut. Robert. 3, Scot, Reg c. 16. Anc. Cout. ch. 75.
[611] Quon. Attach. c. 28.
[612] Anc. Cout. ch. 84.
[613] Lib. 4, c. 3. Reg. Majest. Leg. Burg. c. 24.
[614] La Loi du Combat fut établie par Gondebaud, Roi des Bourgignons, qui vivoit vers la fin du 5e siecle. Recueil des Ordonnances de la 3e Race, Préface, pag. 33.
Pour se plaindre d'un meurtre on se présentoit en la Cour du Comte, après avoit fait sommer celui qu'on accusoit d'y comparoître: là on lui reprochoit d'avoir, au préjudice des Loix de Dieu & du Prince, tué ou fait tuer telle personne, ce qu'on offroit prouver à telle heure de jour que la Cour voudroit fixer. Si l'accusé nioit le crime, & donnoit caution de s'en défendre, on procédoit d'abord à la réception de sa caution, & en suite à celle que le demandeur étoit dès lors tenu de présenter. Après cette premiere opération, les deux contendans étoient menés en prison sous la garde de personnes qui répondoient de les représenter au jour de la bataille morts ou vifs, sous peine d'être obligés de se battre en la place de celui qu'ils auroient laissé échapper.
Le jour choisi par les Juges & indiqué aux Champions, on les amenoit en l'Audience après midi, tous appareillés en leurs cuirées ou en leurs cotes, avec leurs écus & bâtons cornus, armés de drap, de cuir, de laine & d'étoupes. La laine ou les étoupes servoient à garantir les jambes, & le cuir ou le drap à donner plus de facilité de tenir le bâton, qui étoit la seule arme dont il étoit permis de faire usage.[615]
[615] Une Constitution de Charlemagne, insérée dans le titre 5 de la Loi des Lombards, ne permettoit aussi de faire usage que du bâton. Espr. des Loix, Tom. 3, L. 28, c. 10, Abreg. Chronolog. du Présid. Hesn. 1er vol. pag. 6.
Chaque combattant devoit avoir les cheveux coupés jusqu'au-dessus des oreilles, & ils pouvoient s'oindre s'ils voulaient. En cet état on recordoit hautement les faits qui faisoient l'objet de la querelle; & après que l'exactitude des expressions, dont le demandeur & le défendeur s'étoient servis en gageant ou donnant caution du duel, avoit été reconnue, on les menoit tous deux au champ pour combattre.
Des Chevaliers élus par les Juges étoient préposés pour empêcher que personne ne s'y introduisît, & que les champions ne pussent en sortir. Aussi-tôt que les parties y étoient entrées, un Sergent déclaroit à haute voix, qu'aucuns des spectateurs, sur vie & membre, ne fût si hardi que de donner aide ne nuisance par fait on par dict aux champions; & si quelqu'un violoit, en faisant quelque bruit, cette défense, qu'on appelloit la paix du Roi ou du Duc,[616] il payoit vingt vaches d'amende.[617] Si on poussoit ou arrêtoit un des combattans, on étoit puni corporellement.
[616] C'est de-là que vient le paix-la de nos Huissiers.
[617] Quoniam attach. c. 73.
Avant d'en venir aux mains, les champions se mettoient à genoux en se tenant par la main, le plaintif à droite, & l'accusé à gauche; & on leur demandoit, tandis qu'ils étoient dans cette posture, leur nom de baptême, s'ils croyoient au Pere, au fils, au Saint-Esprit, & en la Doctrine de l'Eglise. Après qu'ils avoient fait leur profession de foi, l'accusé faisoit le serment suivant: Ecoute, home que je tiens par la main gauche, & qui as été nommé lors de ton baptême N..... je n'ai point commis la faute que tu m'imputes; j'en prends Dieu & les Saints à témoins. Le plaintif reprochoit ensuite, dans les mêmes termes & sous le même serment, à l'accusé, qu'il venoit de se parjurer. Ces sermens étoient suivis d'un autre que les deux parties faisoient, qu'ils n'avoient sur eux aucun sortilége qui pût ne les aider, ne nuire à leur adversaire. Alors on leur donnoit à chacun leur bâton, leur bouclier; les Chevaliers préposés à la garde du champ de bataille se tenoient entr'eux deux jusqu'à ce qu'ils se fussent mis en état de combattre, & qu'on eût publié de nouveau la paix du Prince. Les combattans disposés, les quatre Chevaliers se retiroient aux quatre coins du champ, & les deux champions se joignoient.[618] Si le combat étoit gagé entre un homme qui se plaignoit d'avoir été battu à outrance & jusqu'à effusion de sang, ou de ce que l'on avoit deshonoré sa femme ou sa fille, & qu'il ne se mît pas en devoir de repousser son adversaire quand celui-ci s'avançoit vers lui, dès-lors l'accusé étoit réputé innocent: il l'étoit aussi dans le cas où, poursuivi pour le meurtre de l'enfant de son adversaire, les deux combattans étant aux prises, le fils de cet accusé se plaçant entre leurs armes, le plaintif suspendoit ses coups.[619] On ne pouvoit se battre en duel pour meurtre, à moins que le délit ne fût constant. Quand après un homicide commis, personne ne poursuivoit celui sur qui les soupçons du public se réunissoient, le Juge pouvoit le faire arrêter & le retenir en prison pendant un an & jour, s'il refusoit de soutenir l'enquête du pays. Mais lorsqu'il consentoit que cette enquête fût faite, on faisoit venir en la Cour ordinaire du lieu, soudainement & dépourvument, ceux que l'on présumoit instruits de quelques circonstances du crime, afin qu'on n'eût pas le temps de les séduire ni de les corrompre, & quatre Chevaliers procédoient à l'interrogatoire de vingt-quatre témoins choisis parmi les personnes les plus renommées pour leur probité dans le lieu où le crime avoit été commis.
[618] De suite de Meurdre, Anc. Cout. ch. 68. Reg. Maj. L. 3, c. 23. Quoniam attach. c. 31.
[619] Quoniam attachiament. c. 73.
J'ai dit [620] plus haut que les épreuves par le feu ou l'eau n'étoient point en usage parmi les Normands avant que Guillaume eût conquis l'Angleterre; cependant les Moines, dans leurs différends avec des laïcs, ne manquoient jamais de prétendre qu'ils ne devoient point être terminés par le combat, mais par l'épreuve du feu. Si l'Ordalie leur plaisoit davantage que le duel, c'étoit, sans doute, parce qu'ils comptoient plus sur ce genre de procédure, en ce qu'elle étoit dirigée par les Ministres Ecclésiastiques, que sur celle du duel, où la force & l'adresse des combattans, moins susceptible de supercherie, déterminoit seule les Sentences; mais les Juges rejettoient toujours l'offre que les Moines faisoient de ces épreuves superstitieuses, & de-là il arrivoit que le combat ordonné, les Moines, pour l'éviter, s'arrangeoient avec leurs parties.[621]
[621] Theodoricus Abbas Vice-Comitem adiit paratus aut calidi ferri judicio secundum Legem Monachorum per suum hominem probare, aut scuto & baculo secundum Legem Sæcularium deffendere. Duellum prætulit Vice-Comes; verùm intercessere Comitis optimates .... injustam consuetudinem opponentes (Nota. Que l'Abbé n'avoit pas considéré du même œil cette Coutume, puisqu'il avoit offert de s'y soumettre) eisque Vice-Comes bene morigeratus acquievit, Annal. Benedict. L. 57, no 74, anno 1036. Quand il ne se trouvoit point parmi les Assesseurs du Vicomte des gens assez favorables aux Religieux pour les exempter du combat qu'ils avoient gagé, ils donnoient un Champion; mais ce n'étoit pas sans beaucoup de répugnance, licet repugnanter admisere pugnam nobiliacenses, ibid, L. 70, pag. 438. Souvent même ils avoient recours au Prince pour s'y soustraire, quoiqu'ils eussent d'abord paru disposés à l'accepter. Ibid, L. 64, no79, ann. 1074. Les difficultés que les Ecclésiastiques éprouverent de la part des Juges pour la conservation des épreuves les anéantirent totalement. Les préventions du Clergé, à cet égard, étoient cessées bien avant que l'Ancien Coutumier fut rédigé. Anc. Cout. ch. 77.
SECTION 190.
Auxy un Niefe que est ravie per sa Seignior poit aver un appeale de rape (a) envers luy.
SECTION 190.—TRADUCTION.
Une femme née dans la servitude d'un Seigneur a le droit de l'appeller en jugement s'il l'a deshonorée avec violence.
REMARQUE.
(a) Appeale de rape.
La femme qui avoit éprouvé des violences de la part de son Seigneur ou d'autres, avant de se plaindre judiciairement étoit assujettie à des formalités bien humiliantes. Tenetur, dit la Loi, Reg. Majestatem,[622] mox dum recens fuerit maleficium vicinam villam adire; & ibi probis hominibus injuriam sibi illatam ostendere & cruorem si quis fuerit effusus patefacere tam in facie quam in corpore, sub vestibus, & vestium scissiones. Après avoir fait cette premiere démarche, elle devoit, dans l'espace de vingt-quatre heures,[623] donner sa plainte en la principale Cour du Comte, dans le Ressort duquel elle avoit reçu l'injure, & y faire de nouveau constater le délit, & eandem demonstrationem faciet. Lors de la rédaction de l'ancien Coutumier, la procédure à cet égard étoit moins indécente. Veuë de femme dépucelée étoit faite par sept veuves, femmes ou mariées, bien créables, par qui le dépucellement étoit recordé si besoin en étoit.[624]
[622] L. 4, c. 8.
[623] Reg. Majest. L. 4, c. 10.
[624] Anc. Cout. ch. 66.
SECTION 191.
Auxy si un villeine soit fait executor a un auter, & le Seignior del villeine fuit en dette a le testator en un certaine summe dargent que nest my paie, en ceo case le villeine come executor de le testator avera action de det envers son Seignior, pur ceo que il ne recovera le det a son use demesne, mes a use le testator.
SECTION 191.—TRADUCTION.
Si un villain est constitué par quelqu'un exécuteur d'un testament, il peut poursuivre en cette qualité son Seigneur pour le payement de ce qu'il doit au testateur, parce qu'en ce cas il ne poursuit pas comme propriétaire de la dette, mais comme représentant le créancier.
SECTION 192.
Item, le Seignior ne poit prender hors del possession de tiel villein que est executor les biens le mort, & sil face, le villein come executor avera action de trespasse de mesmes les biens issint prises envers son Seignior, & recovera damages al use le testator. Mes en touts tielx cases, il covient que le Seignior que est defendant en tielx actions face protestation que le plaintife est son villeine, ou auterment le villein serra enfranchise, coment que le matter soit trove pur le Seignior, & encounter le villein, come est dit.
SECTION 192.—TRADUCTION.
Le Seigneur ne peut s'approprier les biens d'un défunt que son villain ne possede qu'en qualité d'exécuteur testamentaire, & si le Seigneur s'en emparoit, le villain auroit une action de trépasse ou excès pour obliger son Seigneur à restituer les fonds avec dommages & intérêts au profit de la succession du testateur. Le Seigneur doit être attentif, avant de se défendre sur cette action ou autres semblables, de protester que par sa défense il n'entend pas reconnoître en son villain la capacité personnelle de plaider contre lui; car s'il ne faisoit pas cette protestation, le villain seroit affranchi, quand même celui-ci perdroit sa cause.
SECTION 193.
Item, si villeine suist un action de trespas, ou un auter action envers son Seignior en un Countie, & le Seignior dit que il ne serra respondus, pur ceo que il est son villein regardant a son manor en auter Countie, & le plaintife dit que il est franke & de franke estate, & nemy villein, ceo serra trie en le Countie lou le plaintife avoit conceive son action, & nemy en le County lou le manor est, & ceo est in favorem libertatis, & pur cel cause un estatute fuit fait, an 9. R. 2. cap. 2. le tenor de quel ensuest en tiel forme. Item pur la ou plusors villeins, & Niefes, sibien des graundes Seigniors, come des auters gentes, sibien espirituals come temporals sensuent, deins cities, villes, & lieux enfranchise, come en la citie de Londres, & auters semblables, & feignont divers suits envers lour Seigniors a cause de eux faits franks per le respons de lour Seigniors: Accorde est & assentus, que les Seigniors, ne auters, ne soyent my forbarres de lour villeines per cause de lour respons en ley. Perforce de quel estatute, si ascun villeine voylloit suer ascun maner de action a son use demesne en ascun Countie, ou il est fort a trier envers son Seignior, le Seignior poyt estyer de pleader que le plaintife est son villein, ou de faire protestation que il est son villein, & de pleder son auter matter en barre. Et si ils sont a issue, & lissue soit trove pur le Seignior, donque le villein est villeine come il fuit devant per force de mesme lestatute. Mes si le issue soit trove pur le villeine, donque le villeine est franke, pur ceo que le Seignior ne prist al commencement pur son plee que le villeine fuit son villein, mes ceo prist per protestation, &c.
SECTION 193.—TRADUCTION.
Tout villain qui intente une action en excès contre son Seigneur en un Comté, n'est point obligé, lorsque ce Seigneur lui conteste sa liberté, & prétend qu'il est dépendant d'un Fief situé en un autre Comté, de suivre son action en la Cour du Comte d'où ce Fief releve; & on en donne cette raison que la présomption est toujours en faveur de la liberté. Il y a un Statut exprès sur ce point de la neuvieme année de Richard II, c. 2, dont voici la teneur:
Comme plusieurs villains ou femmes soumises servilement à une Seigneurie, soit spirituelle, soit temporelle, se retirent dans des Cités, Villes ou autres lieux de franchise, tels que la Cité de Londres, & intentent diverses actions contre leurs Seigneurs pour avoir prétexte de dire que ceux-ci en se défendant contr'eux en la Jurisdiction de ces Villes ou Cités les ont reconnus libres, il a été accordé & convenu que les Seigneurs ne perdront point leurs droits sur leurs villains, par la seule raison qu'ils auront répondu à leurs demandes dans une Jurisdiction que la loi les force de reconnoître. Mais si un villain veut suivre une action en son propre nom en un Comté où il n'a pas droit d'appeller son Seigneur, ce Seigneur a le choix d'opposer au demandeur qu'il est villain, & qu'il ne peut plaider contre lui, ou de protester seulement qu'il n'entend le reconnoître libre; mais dans le cas où après cette protestation le Seigneur discute sa cause au fond dans la Jurisdiction où le villain l'a traduit, si le Jugement est favorable au villain, il acquiert sa liberté, parce que ce Seigneur ne la lui a pas expressément contestée, mais a seulement protesté contre. Il en est autrement quand dans ce même cas le villain perd sa cause; car il continue d'être villain comme il l'étoit avant le Jugement, quoique le Seigneur se contente d'une simple protestation.
SECTION 194.
Item, le Seignior ne poet mayhemer (a) son villeine. Car sil mayhema son villein, il serra de ceo endite a le suit le Roy, & sil soit de ceo attaint, il serra pur ceo un grievous fine & ransome al Roy. Mes il semble que villeine navera pas per le ley un appeale de Mayhem envers son Seignior, car en appeale de mayhem home recovera forsque dammages, & si le villeine en ceo cas recovera dammages envers son Seignior, & ent avoit execution, le Seignior poit prender ceo que le villeine avoit en execution de le villeine, & issint le recoverie voide, &c.
SECTION 194.—TRADUCTION.
Un Seigneur ne peut outrager son villain jusqu'à le priver de l'usage de quelques-uns de ses membres; car s'il exerce une violence de cette espece, le villain peut se plaindre en la Cour du Roi, & si le délit est prouvé, le Seigneur sera séverement puni, & en outre payera une forte amende au Roi. La Loi ne donne point au villain dans ce cas une action ordinaire en plainte contre son Seigneur, parce que cette sorte d'action ne se résout qu'en dommages & intérêts, & que si on ajugeoit des dommages & intérêts au villain, le Seigneur pourroit s'en emparer, & l'action à ce moyen n'auroit aucun effet.
REMARQUES.
(a) Mayhemer.
Mahamium dicitur ossis cujuslibet fractio, vel testæ capitis incussio, vel per abrasionem cutis attenuatio. Le villain recouvroit sa liberté, lorsque son Seigneur le maltraitoit jusqu'à effusion de sang, & l'exposoit par-là à perdre la vie; & si par ses violences le Seigneur avoit privé son villain de l'un de ses membres, non-seulement il perdoit tout droit sur l'outragé, mais il étoit encore puni selon la taxe imposée à chaque délit.
Cette taxe que Littleton appelle grievous fine, fin du grief, finis de transgressione, n'avoit point lieu pour simple bature qu'aulcun faisoit à son servant, à son fils, à son neveu, à sa fille, à sa femme, & à tout autre de sa mesgnie; car l'en doit entendre qu'il le fait pour les châtier.[625]
[625] Anc. Cout. c. 85.
Il falloit, pour l'obtenir, que les violences eussent été portées aux derniers excès. Nos anciennes Loix[626] entrent dans un détail curieux au sujet des différens outrages & des diverses peines pécuniaires dont on devenoit susceptible en les commettant.
[626] Leg. Salic. c. 19 & 22. Leg. Rip. tit. 3, 4, 5, 8 & 26. Leg. Alleman. tit. 60 & suivans.
Une plaie d'un homme libre à la tête, avec effusion de sang, coutoit quinze sols, si la blessure occasionnoit l'extraction de trois os de la tête, on payoit trente sols. Si cerebrum aut cervella appareat, l'amende étoit de quarante-cinq sols: la mort d'un serf étoit taxée à trente-six sols; la mutilation à dix-huit sols; & chaque coup qu'il recevoit de tout autre que de son maître, valoit autant de sols de composition. Avant l'avenement de Guillaume le Bâtard au Trône d'Angleterre, les compositions, pour les crimes, se payoient en bestiaux, mais il les réduisit en argent[627] lorsqu'il publia les Loix d'Edouard: ces Loix portent aussi loin que la Loi Salique le scrupule sur la distinction des délits, & sur celle des punitions qu'ils méritoient chacun en particulier; chaque ossement tiré de la tête du blessé, chaque doigt, chaque ongle, chaque dent y a sa valeur déterminée.[628] On payoit soixante-dix sols pour avoir crevé un œil, & lorsque la paupière étoit conservée, on ne devoit que moitié.
[627] Au lieu d'un cheval il permit de donner 20 s. pour un bœuf 10, & 5 s. pour un porc. Stat. David. I. in collect. Sken.
[628] Vide Leg. Willelm. Selden. Collect. in not. in Eadm. & c. 39 & 40. Reg. Majest. L. 4. La valeur de la composition ne se régloit pas chez nos premiers François ou Normands sur la difformité, mais sur l'incommodité que causoit la perte d'un membre. Le pouce étoit taxé à 12 s. & l'amputation du nez a 9 s. On ne pouvoir exiger que 5 s. pour la lèvre supérieure, & il en coutoit 40 pour une oreille. En un mot quand on étoit seulement défiguré par la blessure, le coupable en étoit quitte pour 3 s. Leg. Bojar. tit. 11 & 14.
Si la peine étoit proportionnée à l'offense,[629] elle l'étoit aussi à la qualité de ceux qui l'avoient reçue. La famille d'un Comte pouvoit exiger, de celui qui l'avoit tué, vingt livres, & il n'étoit dû que cent sols pour le meurtre d'un villain.
[629] Anc. Cout. ch. 85.
SECTION 195.
Item, si un villein soit demandant en action real, ou plaintife en action personal envers son Seignior. Si le Seignior voile plede en disabilitie de son person, il ne poit faire pleine defense, mes il deffendera forsque tort & force, & demandera judgement sil serra respondus, & monstre son matter maintenant. Come il est son mais villein, & demandera judgement sil serra respondue.
SECTION 195.—TRADUCTION.
Lorsqu'un villain est demandeur en action réelle, ou qu'il intente une action personnelle contre son Seigneur, & que le Seigneur le soutient inhabile à plaider, à cause de la servitude où sa personne est réduite, ce villain ne peut personnellement plaider la cause au fonds, à moins qu'il n'y soit question de violences & d'injures; quoique villain, il peut, par un répondant ou curateur qui lui sera donné, poursuivre le Jugement, & obliger son Seigneur à se défendre.
SECTION 196.
Item, 6 maners de homes y sont queux fils suont action, judgement poit estre demands sils serront respondus, (a) &c. Un est, lou villeine suist action envers son Seignior, come en le cas avantdit.
SECTION 196.—TRADUCTION.
Il y a six sortes de personnes contre lesquelles on n'est obligé de plaider qu'autant qu'elles ont un répondant. Tel est 1o le villain qui se trouve dans le cas de la Section précédente.
REMARQUES.
(a) Sils serront respondus.
Toute personne, sous les deux premieres Races de nos Rois, étoit obligée de plaider elle-même sa cause; il falloit un Bref du Roi pour obtenir la liberté de se substituer quelqu'un pour la défense de ses intérêts:[630] ce Bref étoit quelquefois accordé pour toutes les causes d'un particulier, & il n'avoit d'exécution qu'autant que le constituant & le constitué le trouvoient bon. Celui-ci étoit choisi parmi les personnes les plus respectables par leur naissance: le Bref lui donne le titre d'Illustre. On ne le réputoit cependant chargé du soin des affaires de l'autre, qu'après la tradition qui lui étoit publiquement faite d'une baguette ou d'une paille, per fistucam.[631] Mais outre ces Défenseurs ou Protecteurs, les Capitulaires nous apprennent qu'il y avoit des Reclamateurs, Plaideurs ou Causeurs, dont les fonctions différoient en ce que les uns, causatores, dirigeoient la procédure; l'accusateur, par exemple, ne pouvoit seul, & en l'absence du Causeur, choisir ses témoins;[632] & les autres clamatores, & causidici, exposoient le sujet de la demande, les motifs de l'action.[633] Ainsi quiconque avoit quelqu'incapacité de poursuivre ses affaires,[634] avoit recours au Prince pour être autorisé de se choisir un Curateur, & dans chaque Jurisdiction il y avoit des Avocats ou Défenseurs pour mettre la cause sous le point de vue le plus facile à saisir, & des Procureurs pour faire observer les formes établies pour l'instruction des procès. Or, ces divers Offices se sont conservés dans les Tribunaux Anglois & Normands.
[630] Bign. Not. ad Marculph. Form. 21, L. 1.
[631] L. 3, des Capitul. ch. 40 & 51. Voyez la Remarque sur la Section 534.
[632] Ibid, c. 10.
[633] L. 3, c. 59.
[634] Marc. Formul. 21, L. 1: Propter simplicitatem suam, &c.
J'ai parlé, sur la Section 66, des Attournés volontaires & légaux, c'étoit parmi ces derniers que l'on choisissoit les Répondans ou Curateurs dont il s'agit en la présente Section. Il leur suffisoit, pour diriger une procédure, d'être admis à cette fonction en la Cour où la cause devoit être discutée; mais pour représenter un villain, ou autres personnes incapables d'ester personnellement en Jugement, il leur falloit un Bref de la Chancellerie. Les diverses especes d'Attournés sont très-clairement distinguées dans l'ancien Coutumier Normand: les uns menent les querelles en Cour en demandant & en défendant,[635] & sont appellés Plaideurs; les autres parlent & content pour aultrui en Cour,[636] & on les nomme Conteurs; & ceux-là enfin retiennent le titre d'Attournés, qui sont appellés en Cour pour se charger du fait & cause d'un Demandeur ou d'un Défendeur.[637] Il y avoit outre cela des Attournés volontaires;[638] c'étoit de simples Porteurs de procuration. Le Conteur ou Avocat[639] ne pouvoit être désavoué par son client dès que celui-ci l'avoit garanti; mais cette garantie ne se devoit à l'Avocat qu'après son plaidoyer: car aucun sage home ne doit garantir les choses qui sont à dire, mais celles qui sont dictes, se il voit que ce soit bien.[640] Si les précautions prises pour resserrer les discours des Avocats de ce temps là, dans les bornes les plus étroites, s'opposoient au progrès de l'éloquence, le triomphe de la vérité n'en étoit peut-être que plus assuré.
[635] Anc. Cout. c. 63.
[636] Ibid, Ch. 64, & Sect. 10. supr.
[637] Ibid, ch. 65.
[638] Articles que doivent jurer les Avocats. Anc. Cout. fo 108.
[639] Rouillé, fo 85, vo.
[640] Ibid, c. 64.
SECTION 197.
Le 2. est, lou un home est utlage (a) sur action de det, ou trespas, ou sur auter action, ou indictment, le tenant ou defendant poit monstre tout le matter de record, & lutlagarie, & demaunde judgement sil serra respondue, pur ceo que il est hors de la ley de suent ascun action durant le temps que il soit utlage.
SECTION 197.—TRADUCTION.
Le second cas où on a besoin d'un répondant pour plaider, est lorsqu'un homme est utlage; car ceux qui ont droit de le poursuivre pour dette, excès ou autre cause, peuvent représenter à la Cour le Jugement qui l'a condamné par contumace, & demander qu'on lui nomme un curateur, parce que tant que dure sa condamnation il ne peut ni intenter aucune action ni se défendre contre celles qu'on lui intente.
REMARQUES.
(a) Utlage.
Utlagatus & Vaiviata, capita gerunt lupina, quæ ab omnibus possunt impunè amputari, merito enim sine lege perire debent qui secundum legem vivere recusant. Fleta, L. 2, c. 27. Utlage teignie leu pur loup, pur ceo que loupe est beast hay de tous gens, & de ceo en avant list[641] a aulcun de le occir. Aussi quiconque tuoit un loup ou un homme condamné par contumace à une peine capitale, portoit leur tête au chiefe-lieu du Comté où le Jugement avoit été prononcé, & il levoit, sur chaque habitation, une somme pour sa récompense.
[641] Libre.
La contumace contre un accusé de meurtre ou autre crime qui méritoit la mort, ne pouvoit s'acquerir qu'après quatre délais de quarante jours chacun;[642] ce temps passé le fugitif étoit déclaré utlage,[643] c'est à dire, hors de la protection des Loix & de la paix du Prince, & dès-lors ses biens étoient confisqués au Roi ou à son Seigneur;[644] & lors même que le Roi lui accordoit sa grace, le Seigneur n'étoit point pour cela privé de la confiscation, nec enim aliena jura potest infringere.[645]
[642] Quoniam attach. c. 59.
[643] Exlagatus.
[644] Anc. Cout. c. 24 & 27. Capitul. L. 3, c. 49. Ansegise, Collect. Quiconque recevoit un contumacé chez lui, sans l'arrêter, payoit une amende.
[645] Reg. Majest. L. 2, c. 56.
SECTION 198.
Le 3. est, un alien que est nee hors de la ligeance (a) nostre Seignior le Roy, si tiel alien voile suer un action reall ou personall, le tenant ou defendant poit dire que il fuit nee en tiels pais, que est hors de la ligeance le Roy, & demaund judgement si il serra respondue.
SECTION 198.—TRADUCTION.
L'étranger né hors de la ligéance du Roi ne pouvoit plaider sans répondant pour causes personnelles ou réelles.
REMARQUES.
(a) Ligeance.
On distinguoit deux sortes de Ligeance à l'égard du Roi, l'une étoit perpétuelle, l'autre momentanée. Tout homme né sujet d'un Etat, ou admis par lettres du Prince au nombre des Sujets d'origine, ne pouvoit plus s'expatrier sans crime.[646] Il n'en étoit pas de même des étrangers qu'un Souverain recevoit sous sa protection, & auxquels il accordoit, par grace ou par récompense, les priviléges de ses Sujets naturels; en acceptant cet honneur, ils n'étoient pas réputés avoir renoncé à leur patrie.
[646] Quand on s'absentoit on étoit obligé d'obtenir la permission du Roi, & d'établir des Attournés pour répondre aux actions pour lesquelles on pourroit être poursuivi durant son absence; car nul grand Seignior ne Chivalier ne doit prendre chemin sans notre congé, car issint poet le realme remainer disgarni de fort gente. Britt. fo 282.
Les Lettres de naturalité,[647] en Angleterre & en Normandie, s'appelloient aussi anciennement Lettres de denization. Tous les priviléges dont celui qui les obtenoit devoit jouir y étoient détaillés, ille in omnibus tractetur, reputetur, habeatur, teneatur, gubernetur tanquam ligens noster infra dictum regnum nostrum Angliæ oriundus. Mais la principale prérogative étoit d'ester en Jugement, in curiis audiatur ut Angli, non repellatur per illam exceptionem quod sit alienigena.
[647] Basnage, art. 235, Cout. Réform. 1er vol. pag. 341, distinguent les Lettres de naturalité de celles de dénization. Coke, pag. 129, les considere comme une seule & même chose; & en effet, dénizen est formé de ces deux anciens mots Normands, deins née, parce que les Lettres qu'obtenoient l'Aubain le mettoient au rang de ceux qui étoient nés dans le Royaume.
SECTION 199.
Le 4. est, un home que per judgement done envers lui sur un Brief de Præmunire facias, &c. (a) est hors de protection le Roy, si il suist ascun action, & le tenant ou le def. mettra tout le Record envers luy, il poit demaund judgement sil serra respondu, car la ley le Roy, & les briefes le Roy, sont les choses per queux home est protect & aide, & issint durant l' temps que home en tiel cas est hors de la protection le Roy, il est hors de estre aide ou protect per le ley le Roy, ou per briefe le Roy.
SECTION 199.—TRADUCTION.
Quand sur un Bref de Præmunire facias quelqu'un est déclaré indigne de la protection du Roi, aussi-tôt qu'on lui justifie du Record ou Jugement portant sa condamnation, il ne peut plaider en personne; car le sujet n'étant protégé que par la Loi & par les Brefs du Roi, il ne peut plus reclamer cette protection après avoir encouru la disgrace de son Souverain.
REMARQUE.
(a) Brief de præmunire.
On lit dans le Formulaire des Brefs Anglois, præmonere, au lieu de præmunire. Le Bref dont il s'agit en cette Section étoit établi pour avertir ceux qui avoient usurpé les droits, ou la Jurisdiction de la Couronne, de comparoître en la Cour du Roi, præmonere facias quod tunc sit coram nobis, &c. pour se purger du crime dont ils étoient accusés.
SECTION 200.
Le 5. est, un home qui est enter & profess en Religion: Si tiel suist un action, le tenant ou defendant poit monstrer, que tiel est enter en religion en tiel lieu, en lorder de Saint Benet, & la est moigne professe, ou en lorder des Friers Preachers, ou Minors, & la est frere professe, & issint des auters orders de religion, &c. & demaundera judgement sil serra respondue. Et la cause est, pur ceo que quant un home entra en religion, & est professe, il est mort en ley, & son fits ou auter cousin maintenant luy inheritera auxy bien sicome il fuit mort en fait. Et quant il entra en religion il poit fair son testament, & ses executors, les queux executors averont un action de det due a luy devant lentre en religion, ou auter action que executors poient aver sicome il fuit mort en fait. Et sil ne fait ses executors quant il entra en religion, donques Lordinarie poit committer ladministration de ses biens a auters homes, sicome il fuit mort en fait.
SECTION 200.—TRADUCTION.
Tout homme qui a fait profession dans un Monastere, comme en l'Ordre de Saint Benoît, ou des Freres Prêcheurs ou Mineurs, & autres, ne peut être poursuivi en Jugement qu'autant qu'on lui a fait constituer un répondant ou curateur, parce que tout Religieux après sa profession est réputé mort civilement, & ses enfans ou collatéraux ont droit de succéder à tous ses biens; il peut cependant, avant ses vœux, faire un testament, & en ce cas ceux qu'il aura chargés d'en poursuivre l'exécution pourront agir contre les débiteurs qu'il avoit avant sa profession, & au défaut de testament, l'Ordinaire peut confier à qui il lui plaît l'administration de ses biens.
ANCIEN COUTUMIER.
Aulcun qui en religion a fait profession, est comme mort au monde. Ch. 27.
SECTION 201.
Le 6 est, lou un home est excommenge per la ley de Saint Esglise, & il suit un action real ou personal, le tenant ou defendant poit plede que celuy que suit est excommenge, (a) & de ceo covient monstre lettre de lEvesque south son seale, tesmoignant lexcommengement, demaundera judgement sil serra respondue, &c. Mes en cest cas si le demandant ou plaintife ceo ne poit dedire, le brefe nabatera my, mes le judgement serra, que le tenant ou defendant alera quite sans jour, pur ceo que quant le demandant ou plaintife ad purchase les letters de absolution, & ceux sont monstres a le Court, il poit prender un resommons, ou reattachment sur son original, solonque la nature de son Briefe. Mes en les auters 5. cases le Briefe abatera, &c. si le matter monstre ne poit estre dedit.
SECTION 201.—TRADUCTION.
On peut encore valablement refuser de plaider contre un excommunié par lequel on est poursuivi, à moins qu'il n'ait un répondant; mais il faut observer que si l'excommunication est constatée par la Sentence de l'Evêque, duement scellée de son sceau ordinaire, & si ce demandeur excommunié ne peut nier l'existence de l'excommunication, le défendeur ne doit pas être renvoyé sans jour, ou sans retour déchargé de la demande: car l'excommunication n'anéantit pas les Brefs que l'on obtient tandis qu'on est dans ses biens, & ils reprennent leur force dès qu'on a obtenu des Lettres d'absolution dans les cas des Sections précédentes. Il en est autrement lorsque les exceptions dont elles font mention ne peuvent être méconnues, l'action du demandeur, qui n'a pu obtenir de curateur, tombe, & ne peut plus être réitérée.
ANCIEN COUTUMIER. CHAPITRE XXI.
Les Chastels[648] à ceulx qui s'occisent eulx mesmes, & qui meurent excommuniés ou desespérés, doibvent estre au Prince de Normandie, & n'y peut l'Eglise rien reclamer.
[648] Meubles.
Car aulcune priere que l'Eglise face ne leur peut valoir aux ames: & ce doibt estre entendu sainement, car s'aulcun autre a accoustumé à avoir tels Chastels par ancienne Coustume, par longue tenue ou par muniments, il ne doibt pas estre dépouillé à tort.
Ceulx meurent desespérés qui par neuf jours ou plus ont esté griefvement malades & de périlleuse maladie, & ont refusé à estre confessés & communiés, jaçoit ce qu'il leur ait esté offert, & meurent en telle maniere.
Mais pour icelle mort les hoirs ne perdront pas leurs terres; mais leurs chastels doibvent demeurer au Prince. Se par adventure aulcun a esté noyé, ars, tué, froissé en un fossé, ou aggravanté en une rive, pourtant qu'il ne s'entendist pas à occire, il ne doibt pas estre osté de la communie de l'Eglise, ne ses chastels ne doibvent pas demourer au Prince.
REMARQUES.
(a) Excommenge.
Le pouvoir qu'ont les Evêques de retrancher les Fidèles de la communion de l'Eglise, est peut-être celui dont ils ont le plus abusé. Les Canons se réunissent tous à leur recommander de ne prononcer une Sentence aussi terrible qu'après la plus mûre délibération, & jamais sur des causes légeres, par humeur pour leur propre intérêt.[649] Cependant rien de plus fréquent que les excommunications dans les quatre, cinq & six premiers siecles de la fondation de l'Empire François. Le refus du payement du plus foible droit appartenant à une Eglise suffisoit[650] alors pour attirer ce châtiment. Les vrais principes sur la matiere des excommunications s'obscurcissans de plus en plus par l'accroissement que l'ignorance où le peuple étoit plongé à cet égard procuroit à l'autorité des Evêques, ils ne se bornerent plus à priver de la participation des Sacremens ceux qui contestoient à leurs Siéges des prérogatives, ou qui revendiquoient quelque portion de leurs immenses possessions. Le refus ou l'omission de tester,[651] devint encore l'objet de leurs anathêmes. Delà cette Coutume, qu'après le décès d'un homme qui n'avoit pas fait testament, & dont on instruisoit le procès en la Cour du Roi pour crime d'usure, l'Evêque devoit être appellé, parce que si de l'enquête qui, dans ce cas, se faisoit par le serment de trente-deux témoins, choisis entre les voisins du défunt,[652] l'accusation ne résultoit pas appertement, l'Evêque avoit seul droit d'ordonner de ses châtels.[653] Les Evêques portoient encore les choses plus loin: un homme excommunié pour une faute pouvoit l'être successivement pour plusieurs autres, & il étoit obligé d'obtenir autant de Sentences d'absolution qu'il y avoit eu d'excommunications prononcées contre lui.[654] L'excommunication emportoit toujours après elle la privation de toute consolation humaine, & même de toute possession ou action civile. Il étoit défendu de boire, manger avec l'excommunié, de recevoir de lui la plus foible marque de reconnoissance, de lui faire politesse, de plaider & même de prier avec lui. Quelle défense! Dire que l'excommunié doit être regardé comme un payen ou un publicain, est-ce dire que les biens temporels qu'il possede cessent de lui appartenir? S'il en étoit ainsi, il faudroit donc en conclure que les payens n'auroient aucune propriété légitime: conséquence que le sçavant Bossuet juge non-seulement ridicule & absurde, mais digne de l'anathême. Quod non tantum risu sed etiam anathemate dignum esset.[655]
[649] Greg. Magn. L. 12, Epist. 6. Ann. Bened. L. 8, no32, pag. 204.
[650] Capitul. L. 5, c. 42.
[651] De Laur. c. 89. Etabliss. de Saint Louis.
[652] Reg. Majest. c. 54. Et Sken. Not. ad hanc Leg.
[653] Anc. Cout. ch. De Usur, & ch. 21.
[654] Si quis innodatus fuerit per diversas excommunicationes & profert litteras absolutionis, de unâ sententiâ non erit absolutus quousque de omnibus aliis absolvatur. Coke, pag. 134.
[655] Defens. Declarat. Cler. Gallic. 2e Part. L. 5, c. 22, pag. 159.
SECTION 202.
Item, si un villein est fait un Chapleine seculer, uncore son Seignior poit luy seiser come son villein, & seisie les biens, &c. Mes il semble que si le villeine enter en religion, (a) & est professe, que le Seignior ne poit luy prender ne seiser, pur ceo que il est mort en ley, nient plus que si un frank home prent un niefe a sa feme, le Seignior ne poit prender ne seiser la feme de la baron. Mes ses remedy est daver un action envers le baron, pur ceo que il prist sa niefe a feme sans son licence & volunt, &c. & issint poit le Seignior aver action envers le Soveraign del meason qui prist & admittast son villein destre professe en mesme le meason sans licence & la volunt le Seignior, & recovera ses damages a la value de le villein. Car celuy que est professe Moigne serra un Moigne, & come un Moigne serra pris pur terme de sa vie natural, sinon que il soit deraigne per la ley de Saint Eglise. Et il est tenu pur son religion de gard son cloyster, &c. & si le Seignior luy puissoit prender hors de sa meason, donques il ne viveroit come un mort personne solonque son religion le quel serroit inconvenient, &c.
SECTION 202.—TRADUCTION.
Si un villain entre dans une Congrégation Ecclésiastique séculiere, son Seigneur peut le retenir comme son villain, & s'emparer de ses biens, ce qu'il ne pourroit faire si son villain faisoit profession en un Monastere, parce qu'il est par cette profession réputé mort civilement. Il en est de même d'une femme de condition servile qu'un homme libre épouse, le Seigneur ne peut retenir cette femme, & il n'a qu'une action contre son mari pour avoir épousé une de ses niefes ou natives sans sa permission. Cette action appartient aussi au Seigneur contre le chef du Monastere où son villain a fait ses vœux sans son consentement; le Monastere en ce cas est tenu de lui payer la valeur d'un villain.
Tout Moine profès appartient à son Couvent pendant sa vie, à moins qu'il ne soit dégradé. Si le Seigneur avoit droit de le tirer de son Monastere, il cesseroit d'être Moine, d'être mort au monde, de tenir la clôture & la regle qu'il avoit fait vœu de garder: ce qui ne seroit pas juste.
REMARQUES.
(a) Si le villeine enter en Religion.
Il y a des rapports si parfaits entre les Coutumes Angloises & Normandes & les anciennes Loix Françoises, que je me bornerois, en bien des occasions, à les copier les unes & les autres, si je n'appréhendois d'être trop monotone: défaut cependant que l'aridité de mon travail ne m'a pas permis d'éviter autant que je l'aurois désiré.
On trouve dans les Capitulaires la maxime contenue en cette Section, proposée dans les mêmes termes, avec les mêmes restrictions. Ils défendent d'admettre les serfs aux Ordres sacrés ou à la profession Monastique, sans la volonté & la permission de leurs Seigneurs.[656] Lorsqu'un inconnu demande à être reçu dans une maison Religieuse, & qu'on ignore son origine, on doit différer pendant trois ans à lui faire prononcer ses vœux; & si le postulant a réussi à tromper l'Evêque ou le Chef du Monastere par de faux témoins sur son état, il doit être dégradé & restitué à son Seigneur, dès que la fraude est prouvée.[657] Les serfs des Ecclésiastiques ne pouvoient pas être promûs à la dignité du Sacerdoce, sans avoir été préalablement affranchis, & en avoir obtenu du Roi, la permission.[658]
[656] Capitul. L. 1. c. 23 & 57.
[657] Ibid, c. 88.
[658] Formul. Veter. Addit. Formul. Marc. L. 8. Priùs eos permissu Regis libertate donent, &c. Capitul. L. 5, c. 227.
Cependant les enfans des serfs, attachés à quelques terres d'une Eglise, pouvoient être ordonnés comme les enfans des ingénus;[659] mais ce n'étoit qu'en vertu de la Loi expresse que le Souverain avoit faite à cet égard, que ces enfans jouissoient de ce privilége: tant il est vrai que l'Eglise n'a jamais pensé avoir aucun pouvoir sur l'état des personnes. Aussi voyons-nous qu'une Dame nommée Ermesinde, ayant reclamé un Diacre ordonné par Hincmar, Archevêque de Rheims; ce Prélat lui opposa une fin de non-recevoir fondée sur les Loix, qui n'accordoient qu'un certain temps pour revendiquer un colon ou un esclave; & Hincmar ajoute que si cette Dame s'opiniâtre à contester qu'après ce temps passé l'ordination soit légitime, & que celui qui a été ordonné ait acquis sa liberté par le silence de son Seigneur, il le fera décider en Justice, si hæc illa præsumeret, ipse hoc legaliter & regulariter vindicare studeret.[660] Le délai prescrit pour la reclamation d'un villain étoit d'une année, à compter du jour qu'il avoit été admis ou dans le Séminaire de l'Evêque ou dans le Monastere, ou du jour que le Seigneur avoit eu connoissance que son villain s'y étoit retiré.[661] Pour affranchir un esclave, selon la Loi Salique, le maître recevoit de lui, en présence du Roi, un denier ou telle autre piece d'or ou d'argent qu'il lui plaisoit,[662] parce que cet esclave étoit par-là présumé avoir racheté sa liberté de ses propres deniers, & que le droit de posséder quelque chose en propre constituoit sa liberté. On délivroit à l'ingénu un Bref de son affranchissement, conforme au modele que Marculphe nous en a conservé.[663] Mais si le serf appartenoit à une Eglise ou à un Monastere; c'étoit devant l'autel, en présence des Prêtres, du Clergé & du Peuple, que l'Evêque ou l'Abbé le déclaroient libre:[664] déclaration dont on dressoit un acte, tabulam aut chartam; d'où les Capitulaires distinguent deux sortes d'affranchis, denariales, chartularii seu tabularii.[665] L'esclave ordonné Prêtre, à l'insçu de son maître, mais sans avoir pratiqué aucunes fraudes pour se soustraire à son autorité & se procurer l'ordination, n'étoit point sujet à la dégradation, quoique son Seigneur le reclamât dans le temps de droit; il étoit seulement obligé de lui continuer les corvées qu'il lui devoit, ou de lui donner quelqu'un pour s'en acquitter. Ceci étoit conforme au Droit Romain, par lequel se régissoit la Jurisdiction Ecclésiastique. Il n'en étoit pas de même du Moine qui avoit fait profession, ni de la femme qui avoit épousé un homme libre étant en servitude: car ayant par-là perdu la liberté de leurs corps, comme on ne pouvoit les obliger à remplir les devoirs de leur premier état, leurs supérieurs ou époux les acquittoient de tous services envers leurs Seigneurs, au moyen d'un dédommagement; & c'est delà d'où est né le droit de for-mariage, dont quelques-unes de nos Coutumes font mention.
[659] Capitul. 72, L. 1: Non solum servilis conditionis infantes, sed etiam ingenuorum filios aggregent sibique socient, &c.
[660] Hist. Ecclesiast. Rem. L. 3, c. 27.
[661] Reg. Majest. L. 2, c. 13.
[662] Lex Salic. tit. 28.
[663] Formul. 22, L. 1.
[664] Ex Formul. Veter. 8.
[665] Pipin. Reg. Leg. tit. 10.
SECTION 203.
En mesme le maner est, si soit gardeine en Chivalrie de corps, & désire dun enfant deins age, si lenfant quant il vient al age de 14 ans entra en religion, & est professe, le gardein nad auter remedy (quant a le garde de le corps) forsque breve de ravistment de garde envers le soveraign de le meason. Et si ascun esteant de plein age, que est cosin & heire del enfant enter en le terre, le gardein nad ascun remedie quant al garde de le terre, pur ceo que lentrie del heire lenfant est congeable en tiel case.
SECTION 203.—TRADUCTION.
Quand un Chevalier mineur à l'insçu du gardien de sa personne & de sa terre fait, après 14 ans, profession dans un Monastere, ce gardien n'a d'autre voie pour se faire restituer le jeune Profès que celle d'un Bref de rapt & de séduction contre le Supérieur qui l'a reçu; mais ceci n'empêche pas que l'héritier présomptif du mineur ne s'empare valablement, étant majeur, de la terre, & par ce moyen ne mette fin à la garde, parce qu'elle est de droit anéantie par l'entrée du mineur en Religion.
SECTION 204.
Item, en mults & divers cases le Seignior poit faire manumission (a) & enfranchissement a son villeine. Manumission est properment, quant le Seignior fait un fait a son villein de luy enfranchiser, per hoc verbum (manumittere) quod idem est, quod extra manum, vel extra potestatem alterius ponere. Et pur ceo que per tiel fait le villein est mis hors de la maine & de la poir son Seignior il est appel manumission. Et issint chescun maner de enfranchissement fait a un villein poit estre dit manumission.
SECTION 204.—TRADUCTION.
Un Seigneur a divers moyens d'affranchir son villain. L'affranchissement, à proprement dire, a lieu lorsque le Seigneur donne à un villain qui lui appartient, un acte par lequel il le met hors de sa main ou de sa puissance.
REMARQUE.
(a) Manumission.
Outre les formalités de l'affranchissement que nous avons ci-devant détaillées, les Seigneurs en pratiquoient de plus solemnelles selon le nouvel état auquel l'affranchi se destinoit. Comme celui qui vouloit se faire ordonner Prêtre étoit déclaré libre dans l'Eglise; quand ses vues étoient dirigées vers le commerce, c'étoit dans un marché que cette déclaration se faisoit; s'il se consacroit au service des armes, on lui ceignoit l'epée, & on lui mettoit en main les armes que les hommes libres avoient droit de porter.[666]
[666] Lib. Rub. c. 78.
SECTION 205.
Auxy si le Seignior a fait a son villein un obligation de certeine somme dargent, ou graunt a luy per son fait un anvitie, ou lessa a luy per son fait terres ou tenements pur terme de ans, le villein est en franchise.
SECTION 205.—TRADUCTION.
Si un Seigneur fait à son villain une obligation ou se constitue en une rente annuelle envers lui, ou lui donne des terres à bail pour quelques années, le villain est affranchi.
SECTION 206.
Auxy si le Seignior fait un feoffment a son villein dascun terres ou tenements per fait ou sans fait, en fee simple, fee taile, ou pur terme de vie, ou ans, & a luy livera seisin, ceo est un affranchissement.
SECTION 206.—TRADUCTION.
Il en est de même s'il cede à son villain des terres ou tenements, par écrit ou en présence de témoins, à titre de fief simple, de fief conditionnel pour sa vie ou pour un temps; car dès que le villain en a pris possession, il est libre.
SECTION 207.
Mes si le Seignior fait a luy un lease des terres ou tenements a tener a volunt le Seignior, per fait ou sans fait, ceo nest ascun enfranchissement, pur ceo que il nad ascun maner certaintie ne suertie de son estate, mes le Seignior luy poit ouster quant il voilet.
SECTION 207.—TRADUCTION.
Mais si un Seigneur ne lui donne ses terres qu'à volonté, le villain n'acquiert pas pour cela sa liberté.
SECTION 208.
Auxy si le Seignior suist envers son villeine un præcipe quod reddat, sil recover, ou soit nonsue apres appearance, cest un manumission, pur ceo que il puissoit loyalment enter en la terre sans tiel suit. En mesme le manner est, sil suist envers son villein un action d' debt, ou dacount, ou d' covenant ou de trespasse, ou de hujusmodi, ceo est un affranchissement, pur ceo que il puissoit emprison le villein, & prender ses biens sans tiel suit. Mes si le Seignior suist son villeine per appeale de felony, ou il suist endict de ceo devant, ceo ne enfranchisera pas le villeine coment que le matter de lappelle soit trove encounter le Seignior, pur ceo que le Seignior ne puissoit aver le villeine destre pendue sans tiel suist. Mes si le villeine ne suit endict de mesme le felony, devant lappeale sue envers luy, & puis est acquite de cest felony, issint que il recovera dammages envers son Seignior pur le faux appeale, donques le villeine est enfranchise, pur la cause de le judgement de dammages a luy destre done envers son Seignior. Et plusors auters cases & matters y sont, per queux un villeine poit estre enfranchise envers son Seignior, &c. Sed de illis quære.
SECTION 208.—TRADUCTION.
Qu'un Seigneur intente une action à son villain, en vertu d'un Bref, pour lui faire restituer quelque fonds, soit qu'il recouvre ce fonds, soit qu'il se désiste de son action, l'affranchissement est acquis: parce que tout Seigneur peut sans Bref s'emparer des possessions d'un villain. Celui-ci ne peut posséder que pour son Seigneur. Il en faut dire autant des villains que leurs Seigneurs actionnent pour dette, compte, convention ou infraction de quelque convention. Tout Seigneur peut, en effet, emprisonner son villain ou se saisir de ce qu'il possede sans avoir recours à la Justice. Cependant lorsqu'un Seigneur poursuit pour cause de félonie son villain qui auparavant en a été accusé, celui-ci ne sera pas affranchi, quand même son Seigneur succomberoit dans la poursuite, parce que le Seigneur ne peut de sa propre autorité faire pendre son homme; mais si le Seigneur, sans avoir été provoqué dans sa poursuite, a intenté l'action de félonie contre son villain, dans le cas où celui-ci réussit à s'en justifier, il obtient des dommages contre son Seigneur, & conséquemment la liberté. On peut juger par ces exemples des différentes circonstances où un villain peut devenir libre sans la formalité de l'affranchissement.
SECTION 209.
Item, si le Seignior dun mannor voile prescriber, que il ad estre custome deins son mannor de temps dont memory ne curt, que chescun tenant deins mesme le mannor que maria sa file a ascun home sans licence de le Seignior del mannor, fera fine, & ont faire fine al Seignior del mannor de le temps esteant, cest prescription est void. Car nul doit faire tiels fines forsque tantsolement villeins. Car chescun franke home poit franchement marier sa file a que pleist a luy & a sa file. Et pur ceo que cest prescription est en counter reason, tiel prescription est void.
SECTION 209.—TRADUCTION.
Si un Seigneur prétend, sans autre titre que la prescription, que tous ceux qui demeurent dans l'étendue de sa Seigneurie sont dans l'usage depuis un temps immémorial de ne marier leurs filles que de son consentement, & que ceci a été récemment exécuté & promis par écrit, sa prétention est illusoire; car il n'y a que des villains qui puissent contracter de pareils engagemens, tout homme libre ayant pour sa fille le choix d'un époux, & d'ailleurs toute prescription devant être fondée en raison.
REMARQUE.
Nota. Il faut entendre cet Article avec la restriction de la Section 174.
SECTION 210.
Mes en l' County de Kent, ou terres & tenements sont tenus en Gavel-kind (a), la ou per le custome est use de temps dont memory ne curt, les fits males doient ovelment enheriter, ceo custome est allovvable, pur ceo que il estoit ove ascun reason, pur ceo que chescun fits est auxy graund gentle-home come leigne fits est; & per case a pluis grande honor & valour cressera sil avoit rien per ses ancesters, ou auterment per adventure il ne puissoit tielment cresser, &c.
SECTION 210.—TRADUCTION.
En la Comté de Kent, où quelques terres ou tenemens sont tenus à charge de certaines redevances, il est d'usage immémorial que les mâles partagent également lesdites terres entr'eux. Or cette Coutume est raisonnable: car le défaut de fortune peut être un obstacle à des cadets pour acquerir de la gloire, & s'élever à un état honorable.
REMARQUE.
(a) Gavel-kind.
Voyez ce qui a été dit des Bourgs de la Province de Kent, Section 165. Ici il est question des tenemens hors Bourgage. Gavel-kind signifie sorte de rente; Gavel se prend en ce sens dans le Domesday, & dans un Statut de la vingtieme année d'Edouard II, de gavilleto, la Ville d'Oxford doit pour Gabelle vingt livres de miel, &c.
SECTION 211.
Item, lou per custome (a) appel Burgh English en ascun Burgh, le fits puisne heritera touts les tenements, &c. Ce custome estoit ove ascun certaine reason, pur ceo que le fus puisne (sil fault pere & mere) per cause de son juventute poit le pluis meins de touts ses ferres luy meme aider, &c.
SECTION 211.—TRADUCTION.
Il y a encore une Coutume appellée Bourgage Anglois, où le fils puîné hérite de tous les tenemens. Ceci n'a encore rien d'opposé à la raison, car le puîné, après la mort de ses pere & mere, est par sa jeunesse moins en état que tout autre de se procurer la subsistance.
REMARQUE.
(a) Lou per custome.
Ces dispositions contiennent les Coutumes de terres des ancientes Domeines. En certains Bourgs elles subsistoient avant la conquête faite de l'Angleterre par les Normands.[667]
[667] Britt. 188, 6.
SECTION 212.
Mes si home voile prescriber que si ascuns auns fueront sur les demesnes de son mannor la dammage feasants, que le Seignior del mannor pur le temps estant, ad use eux de distreyner (a), & le distresse retaine tanque fine fuit fait a luy pur l' dammage a sa volunt, cest prescription est void, pur ceo que il est encounter reason, que si tort soit fait a un home, que il de ceo serra son Judge demesne: Car per tiel voy sil avoit dammages forsque al value dun mail, il puissoit assesser & aver pur ceo cent s. que serroit encounter reason. Et issint tiel prescription, ou ascun auter prescription use (si ceo soit encounter reason) ceo ne doit estre allow devant Judges: Quia malus usus abolendus est.
SECTION 212.—TRADUCTION.
Mais si quelqu'un allegue qu'il est en possession du droit de distrainer ou dépouiller ceux qu'il prend en dommage sur les fonds jusqu'à ce qu'on lui ait payé la somme à laquelle il estime ce dommage, cette prétention doit être rejettée, parce qu'il est ridicule qu'on soit arbitre soi-même du tort dont on se plaint.
Il pourroit, en effet, arriver de-là que si le dédommagement étoit de la valeur d'une maille, on en exigeroit cent sols. Ainsi toute prescription contraire à l'équité ne peut jamais être admise en Jugement, & si elle subsiste, on doit l'abolir.
REMARQUES.
(a) Distreyner.
Ce mot indique le droit qu'avoit tout créancier de se saisir, en présence de témoins & du consentement des Seigneurs du lieu, de meubles ou de fonds appartenans à son débiteur jusqu'à concurrence de ce que ce dernier lui devoit.
On ne pouvoit en général, & hors quelques cas d'exception, tel que celui de dettes contractées par un Forain dans un Bourg, &c. user de ce droit qu'en vertu d'un Pref qui, quant à la forme & à ses effets, étoit semblable aux lettres de Debitis que l'on obtient encore parmi nous en la Chancellerie. Ce Bref étoit adressé au Juge en ces termes:
Rex, &c. justiciario aut vice-comiti, &c. ad quos præsentes litteræ pervenerint, salutem. Mandamus vobis quatenùs omnes illos in vestris balliis seu burgis, &c. qui debent N..... ad eadem debita ei vel suo certo attornato latori præsentium justè sine dilatione reddenda secundum quod idem N...., vel dictus ejus attornatus dicta debita sibi deberi ab iisdem rationabiliter probare poterit coram vobis, prout justum, fuerit compellatus, &c.
Aussi-tôt que le Juge recevoit ce Bref, il le remettoit à un Officier Summonitori, pour qu'il fût saisir chez le débiteur une quantité de meubles à peu près égale à la dette, & l'assignât à un jour certain pour venir la nier ou reconnoître. Après quarante jours écoulés, si le défendeur nioit la dette, le demandeur faisoit sa preuve sur le champ, ou sans cela son action tomboit. La preuve une fois acquise, il intervenoit une Sentence qui condamnoit au payement sous quinze jours: ce délai expiré, la somme n'étant pas payée, on faisoit porter les meubles saisis au principal marché de la Jurisdiction, & on les vendoit. Quand il ne se trouvoit point d'acheteurs, les meubles s'apprécioient par d'honnêtes gens, contre lesquels il n'étoit pas permis de proposer de reproches, & on en délivroit au créancier à proportion de son dû.
Si le débiteur étoit Seigneur de Fief, on commençoit par saisir les meubles de ses colons. Enfin, dans la poursuite du Bref de détresse on n'admettoit point d'exoines ou excuses de comparoître, parce que tout y étoit traité provisoirement.[668]
[668] Leg. Maj. L. 1, c. 5. Et Quoniam attach. c. 49.
CHAPITRE XII. DE RENTES.
SECTION 213.
Troys maners de Rents y sont, cest ascavoir, Rent service, Rent charge, & Rent secke: Rent service est lou le tenant tient sa terre de son Seignior per fealty, & certain rent, ou per homage, fealty, & certain rent, ou per auters services, & certaine rent. Et si rent service soit a ascun jour (que doit estre pay) aderre, le Seignior poit distrainer pur ceo de common droit.
SECTION 213.—TRADUCTION.
Il y a trois sortes de Rentes, la Rente de Service, la Rente appellée Rente-Charge & la Rente Seche. La Rente de Service est celle que doit un vassal pour une tenure qu'il releve de son Seigneur par féauté ou par hommage & féauté, avec l'obligation de payer une rente; si ce vassal néglige de payer cette rente au jour fixé, le Seigneur peut, de droit, saisir le fonds en sa main.
SECTION 214.
Et si home voyloit doner terres ou tenements a un auter en taile, rendant a luy certain Rent per an, il de common droit poit distreiner pur le rent aderere, coment que tiel done fuit fait sauns fait, pur ceo que tiel Rent est Rent service. En mesme le manner est, si leas soit fait a un home pur terme de vie, ou dauter vie, rendant al lessor certain rent, ou pur terme de ans rendant certaine rent.
SECTION 214.—TRADUCTION.
Ce sont encore des Rentes de service que celles auxquelles un possesseur s'oblige pour les terres ou tenements qu'il tient en fief tail ou conditionnel, ou pour sa vie ou pour un certain nombre d'années; car soit que l'inféodation ait été portée ou non par écrit, le Seigneur peut faire saisir le fonds pour les arrérages desdites Rentes.
SECTION 215.
Mes en tiel cas ou home sur tiel done ou lease voile reserver a luy rent service, il covient que le reversion de les terres & tenements soit en le donor ou lessor, car si home voile faire feoffement en fee, ou voile donor terres en taile, le remaindre oustre en fee simple sans fait, reservant a luy certaine rent, tiel reservant est void,[669] pur ceo que nul reversion remaine en le donor, & tiel tenant tient la terre immediatment de le Seignior de que son donor tenoit, &c.
[669] Vacuum.
SECTION 215.—TRADUCTION.
Mais afin que la Rente réservée par un vendeur ou un donateur soit une Rente de service, il faut qu'il se soit réservé le droit de retour du fonds; car si après avoir fait don de partie de son fief, à titre de fief conditionnel, il cede le résidu à pur fief, en ne se réservant qu'une rente, cette rente n'est point une Rente de service, parce que le vendeur ou donateur n'a plus aucun droit sur le fonds, & que l'acquereur ou donataire releve immédiatement du suzerain dont le vendeur ou donateur relevoit.
SECTION 216.
Et ceo est per force de lestatute de Quia emptores terrarum (a), car devaunt le dit estatute si home fesoit un feoffement en fee simple, per fait ou sans fait, rendant a luy & a ses heires certaine rent, ceo fuit rent service, & pur ceo il puissoit distreiner (b) de common droit, & sil fuit nul reservation dascun rent ne dascun service, uncore le feoffee tenust del feoffor per autiel service que le feoffor tenust oustre de son Seignior procheine paramount.
SECTION 216.—TRADUCTION.
Ceci est fondé sur le Statut Quia emptores terrarum. Avant ce Statut, si quelqu'un cédoit ou donnoit en fief simple, par écrit ou sans écrit, le fief qu'il possédoit, à la charge de lui faire, & à ses héritiers, une rente, cette rente étoit une Rente de Service pour laquelle il pouvoit saisir le fonds de commun droit. Et si lors de la cession ou du don du fief il n'étoit fait par le donateur aucune réserve de service ni de rente, le donataire ne devoit au donateur en ce cas que les mêmes services auxquels ce dernier étoit tenu envers son Seigneur suserain avant son aliénation.
REMARQUES.
(a) Quia emptores. Voyez ce qui est dit de ce Statut, Section 140.
(b) Distrainer, distringere, saisir, in suum usum capere aliquid ad debiti compensationem. Glossar. Willelmi Wast in fin. Matth. Paris. Le Seigneur ne pouvoit saisir le fonds, distringere, saisire, vel recognoscere tenementum, pour les arrérages du bail qu'il en avoit fait; mais il avoit ce droit pour tous les services qui lui étoient dûs par son vassal, ou pour tout ce qui représentoit les services relatifs aux sous-inféodations qu'il avoit faites.[670]
[670] Quoniam attach. c. 46 & 47.
SECTION 217.
Mes si home per fait endent a cel jour, fait tiel done en fee taile, l' remainder ouster en fee, ou lease a terme de vie, le remainder ouster en fee, ou un feoffment en fee & per mesme lendenture il reserve a luy, & a ses heires un certaine rent, & que si le rent soit aderere, que bien lirroit a luy & a ses heires a distreiner, &c. tiel rent est rent charge, pur ceo que tielx terres ou tenements sont charges ove tiel distresse per force de le scripture tantsolement, & nemy de common droit. Et si tiel home sur fait endent reserva a luy, & a ses heires certain rent sans ascun tiel clause mise en le fait, que il poit distreine, donque tiel rent est rent secke, pur ceo que il ne poit vener de aver le rent, si ceo soit deny per meane de distresse, & sil ne suit unques en cest cas seisie de la rent, il est sans remedie, come serra dit apres.
SECTION 217.—TRADUCTION.
Si quelqu'un par un acte autentique donne une partie de ses fonds en fief tail ou conditionnel, partie en fief à terme de vie, une autre partie en fief simple: dans le cas où par ce même acte il se réserve, & à ses successeurs, une rente & le droit de se saisir du fonds à défaut de payement, cette rente est une Rente-charge; parce que c'est par l'acte & non de droit que les fonds en sont chargés. Mais si la clause qui exprime la faculté de saisir à défaut de payement n'est pas employée dans l'acte, la rente s'appelle Rente-seche, parce qu'on ne peut saisir le fonds pour les arrérages de cette rente, comme il sera dit ci-après.
SECTION 218.
Auxy si home seisie de certain terre graunt per un fait polle,[671] ou per indenture un annual rent issuant hors de mesme la terre a un auter en fee ou en fee taile, ou per terme de vie, &c. ovesque clause de distresse, &c. donques ceo est rent charge, & si le grant soit sans clause de distresse, donques il est rent seck. Et nota, que Rent seck idem est quod redditus siccus, pur ceo que nul distresse est incident a &c.
[671] Du mot pollex.
SECTION 218.—TRADUCTION.
Si un possesseur de fonds constitue sous seing ou par acte autentique une rente sur ce fonds, soit en fief conditionnel ou en fief simple ou à terme de vie, avec la clause que l'acquereur pourra user de saisie, &c. cette rente, à l'égard de l'acquereur, n'est qu'une Rente-charge; & si en l'acte de cession de la rente le vendeur de la rente a omis la clause portant le droit de saisir, &c. la rente n'est qu'une Rente-seche en la main de l'acquereur, c'est-à-dire, qu'il ne peut saisir le fonds pour le payement des arrérages.
SECTION 219.
Item, si home granta per son fait un rent charge a un auter, & le rent est arere,[672] le grantee poet eslier sil voet suer un Briefe de Annuity de ceo envers l' grantor ou destreiner pur le rente arere, & l' distresse retaine tanque il soit de ceo pay, mes il ne poit faire ne aver ambideux ensemble, &c. Car sil recover per Briefe Dannuity, donques la terre est discharge de le distresse, &c. Et sil ne suist Briefe de Annuitie, mes distreine pur les arrerages, & le tenant suist son Replegiare (a), & donques le grantee avowa le prisel de le distresse en le terre en Court de record, donques est la terre charge, & la person del grantor discharge de action de Annuity.
[672] Arere, arréragée.
SECTION 219.—TRADUCTION.
Si quelqu'un ayant vendu une Rente-charge à un autre, cette rente s'arrérage sans payement, l'acquereur peut opter entre un Bref d'Annuité envers le vendeur, comme son garant, ou saisir le débiteur, & retenir en sa main ce qu'il a saisi jusqu'à ce qu'il soit payé; mais il ne doit pas cumuler les deux procédures: car si le Bref d'Annuité a son effet, la terre est déchargée de la saisie, &c. Et si au contraire cet acquereur use de saisie, & prouve contre son débiteur qui poursuit la restitution des objets saisis en Cour de Record que ce droit d'user de saisie sur la terre lui appartient, la terre reste dès-lors chargée du payement; mais la personne du vendeur se trouve à l'abri de toute poursuite.
REMARQUES.
(a) Replegiare.
Replegiare, c'est revendiquer ses meubles ou bestiaux saisis & déposés en la main de Justice. Lorsque le débiteur saisi nioit la dette, on lui restituoit les objets saisis, sous caution de les représenter après la décision du procès. C'étoit ordinairement chez les Seigneurs du saisi que les Namps du créancier étoient déposés. Il arrivoit quelquefois des difficultés de la part de ces Seigneurs sur la restitution qui leur en étoit demandée sous caution; mais le propriétaire des Namps pouvoit s'adresser aux Juges supérieurs de la Cour du Roi; & sur sa plainte, le Sergent de cette Cour, après avoir sommé le dépositaire de rendre les Namps, l'assignoit & l'obligeoit de donner lui-même caution de la justice de son refus. Quand le Seigneur étoit assez inconsidéré pour méconnoître qu'il eût reçu les objets réclamés, s'il résultoit de l'enquête le contraire de ce qu'il avoit avancé, il étoit puni sévérement; car jaçoit ce que l'en ne die pas plainement que ce soit larcin, si semble il qu'il y ait un pou de saveur de larçin.
On ne pouvoit saisir le fonds, qu'au préalable on n'eût discuté les meubles & avoirs, averia, comme bestiaux, grains, &c.
SECTION 220.
Item, si home voile que un auter averoit un Rent charge issuant hors de sa terre, mes il ne voile que sa person soit charge en ascun maner per briefe dannuitie, donques il poit aver tiel clause en la fine de son fait: Proviso semper, quod præsens scriptum, nec aliquid in eo specificatum, non aliqualiter se extendat ad onerandum personam meam, per breve, vel actionem de annuitate, sed tantummodo ad onerandum terras, & tenementa mea de annuali redditu prædicto, &c. Donques la terre est charge, & le person del grantor discharge.
SECTION 220.—TRADUCTION.
Un homme qui a une Rente-charge sur un fonds démembré de son domaine, & qui ne veut pas être personnellement appellé en garantie par Bref d'Annuité, peut, en vendant cette rente, employer dans le Contrat cette clause: Etant observé que le présent acte ni ce qui y est spécifié ne pourra donner aucune action contre moi, mais les terres chargées de ladite rente seront seules responsables des arrérages qui en pourroient être dues à l'avenir.
SECTION 221.
Item, si home fait tiel fait en tiel manner que si A. de B. ne soit annuelment pay al feast de Noel pur terme de sa vie xx s. de loyal mony, que adonques bien lirroit a mesme cestuy A. de B. a distreiner pur ceo en le mannor de F. &c. ceo est bone rent charge, pur ceo que l' mannor est charge ove le rent per voy de distresse, & uncore la person de celuy que fait tiel fait, est discharge en tiel case de action dannuitie, pur ceo que il ne granta per son fait ascun annuitie a l' dit A. de B. mes granta tantsolement, que il poit distrainer per tiel annuitie, &c.
SECTION 221.—TRADUCTION.
Si quelqu'un fait un acte par lequel il stipule que si A. n'est pas payé par B. à Noël pendant sa vie de 20 s. d'argent monnoyé, A. pourra user de saisie sur les fonds de F. Ceci constitue une Rente-charge, & le fonds est spécialement chargé de la rente, & sujet à la saisie; mais le vendeur de la rente ne peut être attaqué personnellement, car il n'a pas garanti le payement de B. il a seulement cédé un droit de saisir sur un fonds, &c.
SECTION 222.
Item, si home ad un rent, charge a luy & a ses heires issuant hors de certein terre, sil purchase ascun parcel de cel a luy, & a ses heires, tout le rent charge est extinct, & lannuitie auxy, pur ceo que rent charge ne poit per tiel maner estre apportion. Mes si home que aver rent service, purchase est issuant, ceo nextiendra tout, mes pur le parcel, car rent service en tiel cas poit estre apportion solonque le value de la terre. Mes si un tient sa terre de son Seignior per le service de render a son Seignior annuelment a tiel feast un chival, ou un esperon dor, ou un clove gylofer, & hujusmodi, si en tiel cas l' Seignior purchase parcel de la terre, tiel service est ale,[673] pur ceo que tiel service ne poit estre sever,[674] ne apportion.
[673] Ale, du mot aller.
[674] Separari.
SECTION 222.—TRADUCTION.
Si un propriétaire de Rentes-charges affectées sur un fonds acquere partie de ce fonds, le privilége de ces rentes qui lui étoient dues est anéanti; car ce qui caractérise une Rente-charge, est qu'elle ne peut être divisée.
Il en est autrement d'une Rente de Service: celui à qui elle appartient peut acquerir partie de la terre qui y est sujette, sans perdre sa rente, parce que cette sorte de rente se divise à proportion du fonds qui y est affecté. Il faut cependant entendre ceci avec cette restriction, que si au lieu d'une rente le Seigneur a sur une terre une redevance annuelle d'un cheval qui doit lui être présenté à telle Fête, ou d'un éperon d'or, ou d'un clou de géroffle, &c. en ce cas le Seigneur qui acquiere une partie du fonds assujetti à cette redevance, est censé l'avoir amortie, parce qu'elle ne peut être divisée.
SECTION 223.
Mes si un home tient sa terre dun auter, per homage, fealtie & escuage, & per certaine rent, si le Seignior purchase parcell de la terre, &c. en tiel cas l' rent sera apportion, come est avantdit; mes uncore en cest case l' homage & fealty demurront entier a le Seignior, car le Seignior avera le homage & fealtie de son tenant pur le remnant de les terres & tenements tenus de luy, come il avoit adevant, pur ceo que tiels services ne sont passe annuals services, & ne poyent estre apportion, mes lescuage poit, & serra apportion solonque lafferance & rate[675] de la terre, &c.
[675] Rate, ratio.
SECTION 223.—TRADUCTION.
Qu'un vassal tienne une terre par Hommage, Féauté, Escuage & une Rente, le Seigneur qui acquiert partie de la terre ne confond en sa personne qu'une portion équivalente à son acquisition, & indépendamment de cela l'hommage & la féauté lui sont dûs en entier par ses vendeurs; car l'Hommage & la Féauté ne sont pas des services annuels, mais des devoirs qui ne peuvent être divisés. Il n'en est pas de même de l'Escuage, chaque portion du fonds en doit supporter sa part.
SECTION 224.
Item, si home ad un rent charge, & son pier purchase parcel de les tenements charges en fee, & morust, & cel parcel descend a son fits, que ad l' rent charge, ore cel charge serra apportion solonque le value de la terre, come en avantdit de Rent service, pur ceo que tiel portion de la terre purchase per la piere, ne vient al fits per son fait demesn, mes per discent & per course del Ley.
SECTION 224.—TRADUCTION.
Si un pere acquiere partie des tenemens sujets à une Rente-charge, après son décès, son fils qui étoit propriétaire de cette rente avant son acquisition, supportera partie de ladite rente à proportion de ce qui lui en sera échu de la succession de son pere, parce que l'acquêt de son pere n'est point de son fait.
SECTION 225.
Item, si soit Seignior & tenant, & le tenant tient de son Seignior per fealty & certaine rent, & le Seignior grant le rent per son fait a un auter, &c. reservant a luy le fealty, & le tenant atturna al grantee de l' rent, ore tiel rent est rent seck a le grantee, pur ceo que les tenements ne sont tenus del grantor de le rent, mes sont tenus del Seignior que reserve a luy fealty.
SECTION 225.—TRADUCTION.
Si quelqu'un tient une terre d'un Seigneur par féauté & par une rente, dans le cas où le Seigneur vend la rente à un autre, & se réserve la féauté, quoique le possesseur de la terre agrée la cession de la rente, cette rente cependant n'est plus qu'une Rente-seche; l'acquereur, en effet, n'a acquis en ce cas, du consentement du possesseur, aucun droit sur la tenure, puisque ce Seigneur s'est réservé la féauté.
SECTION 226.
Et mesme le manner est lou home tient sa terre per homage, fealtie, & certaine rent, si le Seignior grant la rent, savant a luy le homage, tiel rent apres tiel grant est rent secke. Mes la ou terres sont tenus per homage, fealty & certaine rent, si le Seignior voit granter per son fait le homage de son tenant a un auter savant a luy le remnant de les services, & le tenant atturna a luy, solonque le forme del graunt, en cest case le tenant tiendra sa terre del grantee, & le Seignior que grantast le homage navera forsque le rent come rent seck, & ne unques distreynera pur le rent, pur ceo que homage ne fealtie, ne escuage ne poit estre dit seck, car nul tiel service poit estre dit seck. Car celuy que ad ou doit aver homage, ou fealty, ou escuage de sa terre poit per common droit distreyner pur ceo sil soit aderere, car homage, fealtie & escuage sont services, per queux terres ou tenements sont tenus, &c. & sont tiels que en nul maner poient estre prises forsque come services, &c.
SECTION 226.—TRADUCTION.
Il en est de même quand quelqu'un tient par hommage, féauté & une rente: car si le Seigneur aliene sa rente, en se réservant l'hommage, cette rente est une Rente-seche.
Mais si des terres étant tenues par hommage, féauté & rente, le Seigneur aliene l'hommage de son tenant de son consentement, & se conserve ses autres droits, en ce cas celui-ci releve sa terre de l'acquereur, & le Seigneur qui a vendu l'hommage n'a sa rente que comme Rente-seche, pour laquelle il ne peut distrainer ou saisir; car c'est sur-tout à cause du défaut de l'hommage, de la féauté, de l'escuage, qui ne sont pas des redevances, mais des services, qu'une terre peut être de droit saisie.
SECTION 227.
Mes auterment est de rent que fuit un foits rent service, pur ceo que quant il est sever per le grant le Seignior de les auters services, il ne poit estre dit rent service, pur ceo que il ne ad a ceo fealty, que est incident a chescun manner de rent service, & pur ceo est dit rent secke, si le Seignior ne poit grant tiel rent ove distresse, come est dit.
SECTION 227.—TRADUCTION.
Quand un Seigneur vend, séparément des autres devoirs ou services qui lui sont dûs, une Rente de service, cette rente perd sa qualité, parce qu'elle n'est pas jointe à la féauté, sans laquelle on ne reconnoît aucun service ou devoir Seigneurial; elle devient une Rente-seche, à laquelle le Seigneur ne peut attribuer le droit de détresse ou saisie.
SECTION 228.
Item, si home lessa a un auter terres pur terme de vie, reservant a luy certain rent, sil grant le rent a un auter per son fait, savant a luy la reversion de la terre issint lesse, &c. tiel rent nest forsque rent seck, pur ceo que l' grantee nad riens en le reversion del terre, &c. Mes sil grant le reversion del terre a un auter pur terme de vie, & le tenant atturne, &c. donques ad le grantee le rent come rent service, pur ceo que il ad le reversion pur terme de vie.
SECTION 228.—TRADUCTION.
Quand un homme abandonne à un autre ses terres pour sa vie, & se réserve seulement une rente, s'il vend la rente, sauf le retour de la terre à sa personne, &c. telle rente n'est qu'une Rente-seche, parce que le cessionnaire n'a pas à son profit ce droit de retour. Mais si celui qui s'est réservé le droit de retour le vend pour la vie de l'acquereur, & si le débiteur l'agrée, la rente est une Rente-service à l'égard de l'acquereur tant qu'il est vivant.
SECTION 229.
Et issint est a entendue que si home dona terres ou tenements en le taile, rendant a luy & a ses heires certaine rent, ou lessa terre pur terme de vie, rendant certaine rent, sil granta le reversion a un auter, &c. & le tenant atturna, tout le rent & service passe per cest parol (reversion) pur ceo que tiel rent & service en tiel cas sont incidents a le reversion, & passont per le grant de le reversion. Mes coment que il granta le rent a un auter, le reversion ne passa my pur tiel grant, &c.
SECTION 229.—TRADUCTION.
De la disposition précédente il faut conclure que si celui qui donne à quelqu'un à condition ou à terme de vie ses terres ou tenements à charge de rente, vend à un autre le droit de retour desdites terres, de l'agrément de celui qui les possede, la rente & les devoirs seigneuriaux passent, en vertu de ce seul mot (retour), à celui qui acquiert ce droit; parce qu'on ne peut concevoir le retour d'une terre séparément de celui des services dépendans de cette terre; mais quand on aliene seulement une rente affectée sur des fonds, le droit de retour n'est pas aliéné pour cela.
SECTION 230.
Issint nota, le diversitie. Et issint est tenus, P. 21, E. 4. Mes il est adjudge, an. 26., lib. Assisarum, ou les services del tenant en taile fueront grants, que ceo suit bone grant, nient obstant que le reversion demurt.
SECTION 230.—TRADUCTION.
On peut se convaincre de l'exactitude de ces décisions par les Actes du 21e Parlement tenu sous Edouard IV, en observant néanmoins, avec le 26e Livre des Assises, que quand les services d'un tenant à condition sont vendus, la vente est valable, quoiqu'on se soit réservé le retour des tenemens après la condition expirée.
SECTION 231.
Item, si soit Seignior, mesne, & tenant, & le tenant tient del mesne per service de 5 sols & le mesne tient ouster per service de 12 deniers si le Seignior paramount purchase le tenancie en fee, donques le service de le mesnaltie est extinct, pur ceo que quant le Seignior paramount ad le tenancie, il tient de son Seignior procheine paramount a luy, & sil doit tener ceo de luy que fuit mesne, donques il ce vassal, tiendra un mesme tenancie immediate de divers Seigniors, per divers services, que serroit inconvenient, & la ley voit plus tost suffer un mischiefe que un inconvenience, & pur ceo le Seigniory del mesnaltie est extinct.
SECTION 231.—TRADUCTION.
En supposant un Seigneur moyen qui a au dessus de lui un autre Seigneur, et que le tenant du Seigneur moyen doive à celui-ci pour service 5 sols, tandis que le Seigneur moyen devroit à son Seigneur, pour service, 12 deniers, si ce supérieur acquiert du tenant ses terres, le service dû par ce dernier à son Seigneur moyen se trouve éteint: car lorsque le Seigneur suzerain d'un vassal devient propriétaire de la tenure de ce vassal releve du suzerain, son nouveau Seigneur, par la raison que s'il relevoit de son premier Seigneur, vendeur de la tenure, il se trouveroit soumis immédiatement à deux Seigneurs; ce qui ne conviendroit pas.
Or, la Loi préfere ce qui est équitable en général, à ce qui peut être préjudiciable dans un cas particulier.
SECTION 232.
Mes entant que le tenant tenust del mesne per 5 s. & le mesne tenust forsque per 12 deniers, issint que il avoit pluis en advantage per 4 s. que il payast a son Seignior, il avera les dits 4 s. come rent secke annuelment de le Seignior que purchase le tenancie.
SECTION 232.—TRADUCTION.
Il est cependant à remarquer que dans la supposition qui vient d'être faite, comme le tenant releveroit de son Seigneur moyen par 5 s. de rente ou de service, & que ce Seigneur moyen ne devroit que 12 deniers, celui-ci ne payeroit réellement au Seigneur qui auroit été avant l'acquisition au-dessus de lui que 4 s.; & par cette raison il faut tenir pour maxime que le Seigneur suzerain du tenant aura, dans le cas exposé en la précédente Section, à payer au Seigneur moyen du tenant dont il a acquis la tenure, 4 s. comme Rente-seche par chaque année.
SECTION 233.
Item, si home que ad rent secke est un foits seisie dascun parcel de le rent, & apres l' tenant ne voit payer l' rent aderere, ceo est son remedie, il covient de aler per luy ou per auters, a les terres ou tenements dont l' rent est issuant, & la demaunder les arerages del rent, & si le tenant denia ceo de payer, cest denier est un disseisin de le rent. Auxy si le tenant ne soit adonques prist a payer, ceo est un denier que est un disseisin de rent. Auxy si l' tenant ne nul auter home soit demurrant sur les terres ou les tenements, pur payer le rent quaunt il demand les arrerages, ceo est un denier en ley & un disseisin en fait, & de tiels disseisins il poit aver assise de novel disseisin envers l' tenant, & recovera l' seisin del rent, & ses arrerages & ses dammages, & les costages de son briefe & de son plee, &c. Et si apres tiel recovry & execution ewe le rent soyt auter foits a luy denie, donque il avera un redisseisin, & recovera ses double damages, &c.
SECTION 233.—TRADUCTION.
Si quelqu'un propriétaire d'une Rente-seche ne peut s'en faire payer, il doit aller lui-même ou envoyer sur les terres qui sont affectées à cette rente pour sommer le débiteur d'en payer les arrérages; si le débiteur fait refus, c'est un trouble de la possession de la rente, & si ce débiteur n'est pas en état de payer, ou s'il ne se trouve point sur le fonds qui doit la rente lors de la sommation, ceci en droit équivaut à un refus de fait: le créancier peut dès-lors obtenir un Bref de nouvelle dessaisine contre le possesseur du fonds, à l'effet de recouvrer la possession de sa rente, ses arrérages, dommages & coût du Bref & de la Plaidoirie, &c. Si après avoir recouvré sa rente celui à qui elle est dûe éprouve de nouvelles contestations sur le payement, il peut, par un Bref de redessaisine, obtenir doubles dommages, &c.
ANCIEN COUTUMIER.
L'en doibt savoir que des dessaisines les unes sont de terres, les aultres de rentes, les aultres de faisances, les aultres de franchises, les aultres de services, de quoi les Briefs se varient. Ch. 93.
SECTION 234.
Et memorandum, que cest nosme Assise, (a) est nomen æquivocum, car ascun foits est prise sur un jurie, car le commencement de le record de Assise de novel disseisin issint commencera: Assisa venit recognitura, &c. quod idem est quod jurata venit recognitura, &c. Et la cause est, pur ceo que per le Briefe de Assise, il est command a la Vicont, quod faceret duodecim liberos & legales homines (b) de vicineto, &c. videre tenementum illud, & nomina illorum imbreviare, & quod summoneat eos per bonos summonitores, quod sint coram Justiciariis, &c. parati inde facere recognitionem, &c. Et pur ceo que pur tiel original, un panel per force de mesme le briefe devoit estre returne, &c. il est dit en l' commencement del Record en le Assise, Assisa venit recognitura, &c. Auxy en briefe de droit il est communement dit, que le tenant luy poi mitter en Dieu & grand Assise, &c. Auxy il y ad un briefe en le Register, que est appel briefe de Magna Assisa eligenda. Issint est ceo bien prove que cest nosme Assise, aliquando ponitur pro Jurat. Et ascun foits il est prise pur tout le briefe dassise, & solonque cel entent il est pluis properment, & pluis communement prise, sicome Assise de novel disseisin est prise pur tout l' breve de Assise de novel disseisin. Et en mesme le manner Assise de common de pasture est pris pur tout le briefe dassise de common de pasture, & Assise de mort dancester (c) est prise pur tout le briefe dassise de mort dancester & assise de darraine presentment (d) est prise pur tout le breve dassise de darraine presentment. Mes il semble que le cause pur que tiels briefes al commencement fueront appels Assises fuit pur ceo que per chescun tiel briefe il est commande al Viscont, Qd' summoneat xii, le quel est a tant adire, que doit summoner un Jurie. Et ascun foits assise est prise pur un ordinance, (e) son pur mitter certaine choses en certaine rule & disposition, sicome ordenance que est appel Assisa panis & cervisiæ.
SECTION 234.—TRADUCTION.
Il est bon de se rappeller que le nom d'Assise est susceptible de divers sens. On le prend quelquefois pour l'Audience où l'on procede à la réception des Jureurs qui doivent faire la vue ou examen du lieu en litige; c'est pour cela que le record de l'Assise commence par ces mots: Assisa venit recognitura, &c. quod idem est quod jurata venit recognitura; car le Bref d'Assise porte commandement au Vicomte de choisir douze hommes irréprochables du voisinage qui ayent vu le fonds contesté, & de joindre au Bref une liste de leurs noms, afin que les Appariteurs pussent les sommer de comparoître devant les Justiciers, &c. pour aller ensuite reconnoître la situation du fonds; & comme partie de ceux employés sur la liste peut être récusée, le Record de l'Assise s'intitule ainsi, Assisa venit recognitura. En second lieu, dans le Bref de droit on dit ordinairement que le tenant met sa cause en la volonté de Dieu & de la grande Assise, parce qu'en effet parmi les Brefs de Chancellerie il y en a un de Magnâ Assisâ eligendâ.
Ainsi tantôt Assise signifie la Jurée ou l'Audience où les Jureurs prêtent serment, tantôt il désigne toutes les Procédures qui se font en l'Assise; mais plus communément ces expressions, Assise de nouvelle dessaisine s'entendent de tout ce qui se fait en conséquence du Bref de nouvelle dessaisine. C'est aussi dans le même sens qu'on dit Assise de commun pâturage, Assise de mort d'ancêtres, Assise de derniere présentation. Ce nom d'Assise a été anciennement donné aux Brefs que l'on obtient pour la suite de différentes causes, parce que tous Brefs enjoignent aux Vicomtes de faire sommer douze voisins, ce qui est la même chose que s'il leur étoit ordonné de faire assembler le Siége où ils doivent être entendus. Quelquefois néanmoins Assise signifie une Ordonnance de Police, telles que celles qui reglent le prix & la qualité du pain, de la bière, &c.
ANCIEN COUTUMIER.
Assise est une Court en laquelle ce qui est faict doibt avoir perdurable fermeté, car se l'en nye ce qui a esté fait ès Plets de la Vicomté on le peut amender par une desrene;[676] mais ce qui est faict en Assise ne reçoit aulcun desrene, ains est confermé à toujours par le record de l'Assise, & doibt avoir 40 jours entre deux Assises. Ch. 55.