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Anciennes loix des François, conservées dans les coutumes angloises, recueillies par Littleton, Vol. I

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[262] Section 196, où je fais voir la différence des Conteurs, Plaideurs, Attournés.

[263] Fidelis propitio Deo ille ad nostram veniens præsentiam suggessit nobis, quod propter simplicitatem suam causas suas minimè possit prosequi.... petiit ut vir ille causas suas in vice ipsius defendat, &c.

[264] As attorneys at laws. Coke, Sect. 66.

[265] De-là on a cru que les fonctions des Procureurs & celles des Avocats avoient été les mêmes en certain temps. Dolive, Quest. notables, L. 1, c. 36. Voyez Sect. 196, en quoi ces fonctions différoient & convenoient entr'elles.

SECTION 67.

Item, si tenements soient lesses a un home pur terme de demy an, ou pur le quarter de un an, &c. en tiel case si le lessee fait Wast, (a) le lessor avera envers luy briefe de Wast, & le Briefe dirra, quod tenet ad terminum annorum; (b) mes il avera un speciall declaration sur le veritie de son matter, & le Count nabatera le briefe, pur ceo que il puit aver nul auter Briefe sur le matter.

SECTION 67.—TRADUCTION.

Si la cession d'une terre n'est que pour six mois, pour trois mois ou pour moindre temps, le cessionnaire ayant commis des dégradations, le propriétaire pourra obtenir un Bref de Wast, & ce Bref portera que la terre est tenue pour terme d'ans; mais on sera tenu de déclarer, en présentant le Bref au Comte, le véritable terme de la cession, & le Comte ne pourra taxer le Bref de faux énoncé, parce qu'on ne peut obtenir d'autre Bref de Wast que celui dressé pour les tenures à termes d'ans.

REMARQUES.

(a) Wast, du Latin devastare.

(b) Il avera un speciall declaration sur le veritie de son matter.

Il y avoit deux sortes de Brefs, les uns de Chancellerie, dont la forme avoit été déterminée par l'Echiquier, & cette forme ne changeoit jamais. Les autres s'accordoient par les Juges des Seigneurs, & ils varioient selon les cas pour lesquels on les requéroit.[266] Ainsi n'y ayant point en la Chancellerie de Bref de Wast pour un terme moindre que d'une année; lorsque la cession n'étoit que pour quelques mois, on étoit forcé de lever un Bref de Wast à terme d'ans; & pour empêcher que le Juge ne fût induit par l'énonciation de ce terme à accorder au plaintif des intérêts plus forts que ceux qu'il étoit en droit d'exiger, celui-ci déclaroit, en présentant le Bref, le terme précis de la cession qu'il avoit faite, & son indemnité étoit proportionnée à ce terme.

[266] Sunt quædam brevia formata in suis casibus & quædam de cursu quæ concilio totius regni sunt approbata, quæ quidem mutari non possunt. Magistralia autem sæpe variantur secundum varietatem casuum. Bracton, L. 4, fol. 315 & suiv.


CHAPITRE VIII. DE TENURE A VOLONTÉ.

SECTION 68.

Tenant a volunt est ou terres ou tenements sont lesses per un home a un auter a aver & tener a luy a la volunt le Lessor, (a) per force de quel lease le lessee est en possession, en tiel cas le Lessee est appel tenant a volunt, pur ceo que il nad ascun certaine ne sure estate, car le lessor luy poit ouster a quel temps que il luy plerroit: uncore si le lessee emblea la terre & le lessor apres lembleer, & devant que les blees sont matures luy ousta, uncore le lessee avera les blees & avera frank entrie, egres & regres a scier & de carier les blees, pur ceo que il ne scavoit a quel temps le lessor voloit entre sur luy. Auterment est si tenant pur terme dans qui conust le fine de son terme emblea sa terre, & le terme est finy devant que les blees sont matures, en ceo cas le lessor, ou celuy en la reversion avera les blees, pur ceo que le termor conust le certaintie de son terme quant son terme serroit finy.

SECTION 68.—TRADUCTION.

Le tenant à volonté est celui auquel on a cédé des terres ou ténemens pour ne les tenir qu'autant qu'il plairoit au propriétaire de lui en laisser la jouissance. On appelle le tenant, en ce cas, tenant à volonté, parce que son état n'a rien d'assuré, les fonds pouvant être retirés de ses mains toutes fois & quantes. Cependant si ce tenant ayant chargé les terres, le propriétaire avant que les bleds soient en maturité veut que sa jouissance cesse, ce tenant aura la liberté de récolter. Il n'en est pas de même du tenant à terme fixe & spécialement convenu: car si avant ce terme les terres sont semées, la récolte appartiendra au propriétaire de la terre, par la raison que le tenant a connu le temps où son occupation devoit finir.

REMARQUE.

(a) A la volunt le Lessor.

Le Livre des Fiefs fait mention de ceux qui étoient amovibles à la volonté du Seigneur,[267] & c'est sans doute à ces Fiefs qui, une fois reçus par le vassal, l'assujettissoient pour toujours au Seigneur, que l'on a donné le nom de Fiefs en l'air, non pas comme quelques-uns l'ont dit, parce qu'on avoit inféodé jusqu'au droit de respirer l'air d'un lieu;[268] mais parce que ces Fiefs n'avoient ascun estate certaine. L'usage de ces sortes de Fiefs remonte à Charlemagne: le vassal ne pouvoit plus désavouer un Seigneur de qui il avoir reçu la valeur d'un sol.[269]

[267] De Feudis impropriis quæ aufferuntur dantis arbitrio. Tit. 81.

[268] Brussel, L. 2, c. 31, pag. 397, 1er. vol.

[269] Art. 16, Capitul. 813, pag 510, 1er. vol. Collect. Balus.

SECTION 69.

Item, si un mese soit lesse a un home a tener a volunt per force de quel le lessee enter en se mese, deins quel mese il porta ses utensils de meason, & puis le lessor luy ousta, uncore il avera franke entre egresse & regresse en mesme le mese per reasonable temps, de carrier ses biens & utensils. Si come home seisie dun mese en fee simple, fee taile ou pur terme de vie, lequel ad certaine biens deins mesme le mese, & fait ses executors & devy, quecunque apres sa mort ad l'mese, uncore les executors averont frank entry egresse & regres de carier hors de mesme le mese les biens lour testator per reasonable temps.

SECTION 69.—TRADUCTION.

Si quelqu'un tient à volonté, dans le cas où celui de qui il tient, reprend la tenure, ce tenant a le temps convenable pour le transport de ses meubles & grains. Il en est de même des exécuteurs du testament d'un tenant à titre de fief simple ou de fief tail, l'héritier doit leur donner un délai convenable pour l'enlevement des meubles légués.

SECTION 70.

Item, si un home fait un fait de feoffment a un auter de certaine terre, & deliver a luy le fait, mes nemy liverie de seisin; en ceo case celuy a que le fait est fait poit enter en le terre, & tener & occupier a la volunt celuy que fist le fait, pur ceo que il est prove per les parols del fait, que il est la volunt que le auter avera la terre, mes celuy que fit le fait luy poit ouste (a) quaunt luy pleist.

SECTION 70.—TRADUCTION.

Si quelqu'un fait un acte d'inféodation, & délivre au cessionnaire cet acte sans qu'il y ait eu tradition du fonds ou prise de possession, le cessionnaire peut, en vertu de l'acte, se mettre en possession du fonds; mais celui qui le lui a cédé peut, à sa volonté, rentrer en ce fonds.

REMARQUE.

(a) Mes celuy que fit le fait luy poit ouste.

La tradition étoit aussi essentielle que la lecture l'est encore en Normandie pour assurer l'état de l'acquéreur; la lecture n'étant point faite, le Contrat est clamable dans les trente ans.

SECTION 71.

Item, si un mese soit lesse a tener a volunt, le lessee nest pas tenus a susteiner ou repairer le meason, si come tenant a terme dans est tenue. Mes si le lessee a volunt fait voluntarie wast, si come en abatement des measons, ou en couper des arbres, il est dit que le lessor avera de ceo envers luy action de trespasse. (a) Si come jeo bayle a un home mes barbits a compester ses terres ou mes boefes a areer la terre, & il occist mes avers, jeo puissoy bien aver un action envers luy nient obstant l'bailement.

SECTION 71.—TRADUCTION.

Si une ferme est cédée pour être tenue à volonté, le cessionnaire n'est pas obligé de réparer les bâtimens, comme le seroit celui qui tiendroit pour une ou pour plusieurs années; cependant si le cessionnaire dégrade le fonds en abattant les bâtimens ou les arbres, le propriétaire peut intenter contre lui action de trépasse. Si le propriétaire ayant loué à quelqu'un ses moutons pour les faire parquer sur ses terres, ou ses bœufs pour les labourer, le locataire tue ces bestiaux, l'action de trépasse a lieu contre le locataire.

REMARQUE.

(a) Action de trepasse.

Trespasse, du mot outre-passer, excéder, en Latin transgressio. C'est en se sens que l'ancien Coutumier appelle trepassement le défaut de payer une rente au terme.[270]

[270] Anc. Cout. tit. de Justicement, c. 6.

SECTION 72.

Nota, si le lessor sur tiel lease a volunt reserve a luy un annuall rent, il poit distrainer pur le rent arere, ou aver de ceo un action de debt (a) a son élection.

SECTION 72.—TRADUCTION.

Si le propriétaire donne son fonds pour être tenu tant qu'il lui plaira, a la charge du payement d'une rente annuelle, il peut, si on ne le paye pas, rentrer en possesion du fonds ou intenter l'action de debte.

REMARQUE.

(a) Action de debt. Voyez Section 282.


CHAPITRE IX. DE TENURE PAR COPIE, &c.

SECTION 73.

Tenant per copie (a) de court rol', est deins quel manor il y ad un custome que ad este use de temps dont memorie ne court, que certain tenants deins mesme le manor, ont use daver terres & tenements, a tener a eux & la lour heires en fee simple, ou en fee taile, ou a terme de vie, &c. a volunt le Seignior solonque le custome de mesme le manor.

SECTION 73.—TRADUCTION.

Le tenant par copie de rôle de Cour est celui qui tient un fonds en vertu de la coutume de la Seigneurie où ce fonds est situé; car si de temps immémorial il est établi dans l'étendue de cette Seigneurie que la tenure des vassaux sera en fief simple ou à tail ou à vie, &c, ce qu'on acquiert dans l'étendue du fief est de droit soumis à cet usage.

REMARQUE.

(a) Tenant per copie.

Quelques Seigneurs avoient soumis les concessions qu'ils faisoient à une regle générale & à des conditions uniformes; ensorte qu'eux-mêmes s'étant privés de fieffer à d'autres conditions, leurs vassaux ne pouvoient aliéner sans leur consentement.[271] Il étoit donc inutile, dans les Seigneuries où cet usage avoit lieu, d'avoir un acte de la concession; le Rôle ou Registre des Coutumes anciennes qu'on y observoit, & que l'on conservoit en la Cour ou Jurisdiction du Seigneur, suppléoit au titre particulier qui étoit nécessaire dans le ressort des Fiefs où les conditions auxquelles on les cédoit varioient. Cependant les tenures régies par ce Rôle n'étoient que les basses tenures, telles que celles en villenage,[272] dont il est question en la deuxieme Partie de cet Ouvrage, & c'est par cette raison que les droits que les Seigneurs avoient imposés dans l'étendue de leur Fief sur ces sortes de tenures ont retenu le nom de Coutume; car les Seigneurs n'avoient d'autre titre que la pratique constante & ancienne de leur Fief pour assujettir leurs vassaux au payement de ces droits.

[271] Lib. de Feudis, L. 1, tit. 2, L. 4, tit. 53.

[272] Terra quæ fuit ex scripto, erat libera atque immunis fundus; sine scripto censum pensitabant annuum, priorem viri nobiles atque ingenui, posteriorem rustici fere & pagani possidebant. Lamb. verbo, Terra ex scripto.Ce nome tenant per copie, est nuove, car d'ancien temps ils fuerent appellés tenants in villenage.—Ockam, ch. Quid murderium, fol. 12.—Coke, Sect. 73.

SECTION 74.

Et tiel tenant ne puit alien sa terre per fait, car donques le Seignior poit entre come en chose forfeit a luy; (a) mes sil voit adien sa terre a un auter, il covient solonque ascun custome de surrender les tenements (b) en ascun Court, &c. en le main le Seignior, al use celuy que avera le state, en tiel feoffment ou a tiel effect.

Ad hanc Curiam venit A. de B. & sursum reddidit in eadem Curia, unum mesuagium, &c. in manus Domini, ad usum C. de D. & hæredum suorum, vel hæredum de corpore suo exeuntium vel pro termino vitæ suæ, &c. Et super hoc venit prædictus C. de D. & cœpit de Domino in eâdem Curiâ, mesuagium prædictum, &c. habendum & tenendum sibi & hæredibus suis, vel sibi & hæredibus de corpore suo exeuntibus, vel sibi ad terminum vitæ, &c. ad voluntatem Domini, secundum consuetudinem manerii, faciendo & reddendo inde redditus, servitia, & consuetudines, inde prius debita & consueta, &c. & dat Domino pro fine, &c. & fecit Domino fidelitatem, &c.

SECTION 74.—TRADUCTION.

Un tenant de cette espece ne peut aliéner son fonds sans tomber en forfaiture; mais s'il veut qu'un autre ait ce fonds, il est tenu du moins, selon la pratique de certaines Seigneuries, de remettre en la possession du Seigneur sa tenure pour être ensuite accordée par ce Seigneur à celui qu'il lui désignera, & cette remise se fait en cette forme:

Un tel... s'étant présenté en cette Cour, & ayant déclaré remettre ès mains de son Seigneur pour tel... & ses héritiers ou pour sa vie seulement, &c. sa masure ou sa terre, &c. tel autre, est intervenu, lequel a reçu dudit Seigneur en cette Cour ladite terre ou masure qu'il tiendra à terme de vie ou à perpétuité, &c. selon la volonté dudit Seigneur, promettant d'acquitter les redevances, coutumes & services d'usage, ce que ledit Seigneur a agréé, & après féaulté prêtée par ledit... acquéreur, il a fait serment de fidélité, dont acte, &c.

REMARQUES.

(a) Forfeit a luy.

Forfait, du Latin foris facere. La forfaiture est le violement d'une coutume, d'une convention.[273]

[273] Voyez-en la Remarque, Sect. 745, sur le mot félonie, ce que l'Ancien Coutumier entend par forfaiture.

(b) Il convient de surrender les tenements en le main le Seignior.

Brussel[274] pense que le Fief de reprise procede de la soumission faite d'un héritage alodial & noble à un Seigneur, moyennant quelque fonds de terre que ce Seigneur donnoit au Propriétaire de cet Aleu, parce qu'après avoir acquis, par la cession de sa terre, l'Aleu en propriété, le Seigneur la restituoit à celui qui le lui avoit vendu, à la charge que ce dernier le tiendroit de lui en Fief. M. de Montesquieu adopte cette idée,[275] cependant elle ne paroît avoir aucune solidité.

[274] Chap. 14, pag. 126, tom. 1.

[275] L. 31, c. 8.

Dans la supposition de Brussel, ou le fonds de terre que le Seigneur donnoit à celui qui lui soumettoit son Aleu étoit lui-même un Aleu, ou c'étoit une portion du Fief ou du Bénéfice du Seigneur. Au premier cas, la cession mutuelle d'un Aleu, entre le vassal & le Seigneur, étoit superflue; car ce Seigneur, sans rien céder au vassal de ses fonds, pouvoit ériger de suite l'Aleu de ce vassal en Fief, en recevant son hommage. Au second cas, la cession d'une portion de Fief à un vassal pour le reprendre & ensuite lui restituer, sous le titre de Fief, l'Aleu que ce même vassal lui avoit auparavant cédé, auroit été une formalité ridicule, puisque cette cession de la part du Seigneur ne pouvoit influer en rien sur le privilége que le vassal desiroit qu'il attachât à sa terre. D'ailleurs, les Aleux érigés en Fiefs, par la seule soumission que le Propriétaire en faisoit à un Seigneur, étoient des ténemens libres, c'est-à-dire, qu'on pouvoit en disposer sans le consentement des Seigneurs,[276] pourvu qu'il en restât en la main de ce Propriétaire une partie suffisante pour garantir les services qui y avoient été affectés lors de l'inféodation; à la différence des fonds donnés en Fief par le Roi, & démembrés du fisc, ou de ceux provenans des domaines des Bénéfices, qui ne pouvoient, lors même qu'ils étoient héréditaires, être aliénés sans leur permission.[277] Le recours au Seigneur, pour faire passer son Fief à un autre, devenoit donc nécessaire à l'égard des Fiefs de cette derniere espece seulement; & comme dans le cas où le Seigneur auroit refusé d'agréer le nouveau vassal, l'ancien auroit repris son Fief, il est tout naturel de croire que le nom de Fief de reprise n'a été donné qu'aux Fiefs qui, après avoir été remis à un Seigneur pour qu'il les transportât à une personne qu'on lui désignoit, étoient rentrés en la possession du vassal, par le refus que ce Seigneur avoit fait d'approuver sa résignation.

[276] Sect. 57, suprà.

[277] Ne Countez, ne Barons, ne Chivaler, ne Sergents que tiengniont en chiefe de nous ne puriont dimembrer nous fees sauns le licence, que nous ne puissions par droit en gettre les purchassors. Britton, fol. 28, 88, 186, &c. Voyez Sect. 78, note 2, sur la Remarque.

Je ne crois pas qu'il soit déplacé d'observer ici que ces sortes de résignations de Fiefs ont servi de modele à celle des Bénéfices Ecclésiastiques.[278] Dans les premiers siecles de l'Eglise, on a vu des Prélats se démettre de leurs Dignités, & désigner leurs successeurs; mais cette désignation n'empêchoit point de procéder à l'élection, & de recueillir les suffrages du peuple, selon les regles établies par les canons. Ce n'a été que vers le dixieme siecle que la personne indiquée par celui qui se démettoit, a été nécessairement son successeur,[279] parce que cela se pratiquoit déjà ainsi à l'égard des Fiefs.

[278] Cet usage de résigner les Fiefs, du consentement des Seigneurs, s'établit à l'imitation de ce qui se pratiquoit sous nos premiers Rois. Quelquefois ils permettoient aux Leudes de désigner ceux qu'ils désiroient avoir pour successeurs aux fonds du fisc qu'ils possédoient en Aleu, en s'en retenant l'usufruit, 13e. Formul. de Marculph. L. 1; & cette résignation se faisoit en la Cour du Roi, à la différence de la donation des Aleux qui ne provenoient pas du fisc pour laquelle la présence du Comte ou des autres Officiers du Roi suffisoit.

[279] Thomass. tom. 2, L. 2, c. 55.

SECTION 75.

Et tiels tenants sont appelles tenants per copie de Court rolle, pur ceo que ils nont auter evidence concernant lours tenements forsque les copies des roles de Court. (a)

SECTION 75.—TRADUCTION.

Et cette tenure est appellée tenure de copie de rôle de Cour, parce que la seule preuve qu'ils puissent donner de leur possession se fait par la copie des Rôles ou Registres de la Jurisdiction de leur Seigneur.

REMARQUE.

(a) Court.

Les Seigneurs avoient des Officiers pour la manutention des droits & usages particuliers de leurs Fiefs. Je ferai connoître dans la suite quelle étoit la compétence de cette Cour, & la nature des fonctions des divers Officiers qui la composoient.[280]

SECTION 76.

Et tiels tenants ne emplederont, ne serront empledes de lour tenements per Briefe (a) le Roy. Mes sils voilent empleder auters pur lour tenements, ils averont un plaint fait en le Court le Seignior en tiel forme, ou a tiel effect: A. de B. queritur versus C. de D. de placito terræ, videlicet, de uno mesuagio, quadraginta acris terræ, quatuor acris prati, &c, cum pertinentiis & facit protestationem sequi querelam istam in naturâ brevis Domini Regis assisæ mortis antecessoris ad communem Legem, vel brevis Domini Regis assisæ Novæ disseisinæ ad communem Legem, aut in naturâ brevis de formâ donationis in discendere ad communem Legem, ou en nature dascun auter briefe, &c. Plegii de Prosequendo, F. G. &c.

SECTION 76.—TRADUCTION.

Les vassaux qui ont des tenures par copie, &c, ne seront point obligés, pour intenter action ou pour se défendre à l'égard de leurs fiefs, d'obtenir un Bref du Roi, mais ils donneront en la cour de leur Seigneur leur plainte en cette forme:

A... revendiqué contre D... la possession d'une Métairie, contenant quarante acres de terre en labour, & quatre acres en prairie; & il déclare vouloir poursuivre la querelle ou le procès en la forme du Bref du Roi, appellé Bref d'assise de mort d'ancêtres, selon la commune Loi, ou en la forme du Bref du Roi de nouvelle dessaisine, ou en celle du Bref de formedon, ou en telle autre forme, &c, offrant gages de ladite poursuite.

ANCIEN COUTUMIER.

Il y a un Brief de nouvelle dessaisine, aultre de mort d'ancesseur, aultre, &c; & pource que ces querelles naissent de divers commencements, & sont menées en diverses manieres, diverses Loix sont établies à les terminer.

REMARQUE.

(a) Briefe.

Les Ducs s'étoient réservés toute jurisdiction en Normandie. Mais les conditions différentes auxquelles les Seigneurs y avoient inféodé, ayant introduit différentes coutumes en chaque Fief, il fut permis aux Seigneurs d'avoir des Officiers pour veiller à la conservation des actes ou rôles qui contenoient ces conditions; & lorsqu'il s'élevoit quelque contestation au sujet de l'exécution de ces actes, ces Officiers ne pouvoient les terminer qu'en vertu d'un bref ou lettre du Prince; ainsi ils prononçoient moins comme Juges préposés par les Seigneurs, qu'en qualité de Commissaires du Duc. La forme des brefs du Prince étoit toujours la même,[281] comme l'est encore en France celles des Lettres de Chancellerie. Les Ducs n'ayant d'abord établi des brefs que pour les matieres les plus importantes, il en résulta qu'insensiblement on plaida dans la Cour des Seigneurs sans recourir au Prince pour les matieres à l'égard desquelles il n'y avoit point de brefs en la Chancellerie: les Officiers des Seigneurs accorderent même une sorte de bref sur ces matieres. Quelques Seigneurs porterent encore plus loin leurs entreprises: ils empêcherent leurs vassaux d'avoir recours, en quelque cas que ce fût, aux brefs du Prince; & au moyen que le vassal déclaroit en la Cour du Seigneur qu'il entendoit suivre son action en la même forme que s'il avoit obtenu tel bref de la Chancellerie, les Officiers du Seigneur faisoient droit sur sa prétention, comme s'il eût été muni de ce bref.

[281] Sect. 67, suprà.

Lorsque la Cour d'un Seigneur avoit réussi à se maintenir dans cet usage abusif, ses jugemens n'étoient cependant pas pour cela souverains, ni en dernier ressort; car si le vassal étoit lésé par le jugement qui étoit intervenu, il prenoit en la Chancellerie un bref de faux jugement, où ses[282] griefs étoient spécifiés. On étoit donc astreint en la Cour d'un Fief, dont les vassaux tenoient par copie, &c. aux formalités prescrites pour les autres Tribunaux, c'est-à-dire, d'y faire les enquêtes, d'y recevoir les sermens, d'y gâger ou ordonner les duels ou batailles, conformément à ce qui en sera dit dans la suite. Conséquemment on peut regarder la formule de demande ou de plainte que la Section 76 contient, comme la même que celles des brefs de Douaire, de Wast & autres, dont les Sections précédentes font mention, ou de ceux qui font l'objet des Sections 145, 234, 383, 384 & 515, & par lesquelles le Prince prescrivoit au Comte, ou autres Justiciers, la procédure qu'ils devoient tenir; & c'étoit parce que ces brefs fixoient la méthode d'instruire les différens procès, que la forme en étoit invariable.

[282] For he cannot have the kings writ of false judgement and there in assigne error. Coke, Pres. Sect.

Pour juger de la parfaite ressemblance des brefs usités en Angleterre avec ceux de Normandie, je rapprocherai les formules des brefs conservés dans l'ancien Coutumier, de chacune de celles indiquées par Littleton, qui y auront rapport.

SECTION 77.

Et coment que ascun tiels tenants ont inheritance solonque le custome del manor, unque ils nont estate forsque a volunt le Seignior solonque le course del common Ley. Car il est dit si le Seignior eux ousta, ils nont auter remedy forsque de suer a lour Seigniors per petition, (a) car sils averont auter remedy, ils ne serront dits tenants a volunt le Seignior solonque le custome del manor, mes le Seignior ne voile enfriender le custome qui est reasonable en tiels cases.

Mes Brian chiefe Justice dit, que son opinion ad touts foits este, & unques sera, si tiel tenant per le custome payant ses services (b) soit eject per le Seignior, que il avera action de trepasse vers luy. H. 21. Ed. 4. Et issint fuit lopinion de Danby, chiefe Justice, M. 7. Ed. 4. Car il dit que le tenant per le custome est si bien inheriter de aver son terre solonque le custome, come cestuy que ad franktenement al common Ley.

SECTION 77.—TRADUCTION.

Quoique les tenures par copie, &c. soient héréditaires, selon la coutume de certaines Seigneuries, cependant, selon la commune Loi, on les répute tenures à volonté; parce qu'il est de principe que si un Seigneur s'empare du fonds de son vassal, celui-ci n'a que la voie de requête pour recouvrer sa tenure. D'ailleurs si le vassal pouvoit obtenir un Bref pour déposséder son Seigneur, il ne seroit ni tenant à volonté ni tenant selon la coutume de la Seigneurie. Il faudroit cependant décider différemment, si un Seigneur enfraignoit sans motif, à l'égard d'un vassal, la coutume établie & observée pour tous ses autres vassaux; car, comme l'a fort bien remarqué Brian, chef de Justice, quand un tenant par copie, &c. acquitte exactement ses redevances, il a une action de trépasse contre son Seigneur, dans le cas où celui-ci voudroit s'emparer de son fonds. Danby étoit aussi de cette opinion; il vouloit même que la tenure par copie, &c. ne fut pas moins successive selon l'ordre de succéder établi dans la Seigneurie, que la tenure en franc ténement l'est, suivant la commune Loi.

ANCIEN COUTUMIER.

Se le Seigneur fait tort à son homme par la raison de son fief, la Court en appartient au Duc. C. 6.

REMARQUES.

(a) Forsque de suer a lour Seigniors per petition.

Les Requêtes que les Moines présentoient anciennement à leurs Abbés, pour être admis à faire leurs vœux, s'appelloient aussi petitions. Nova collectio Balusii, col. 575, 2e. vol.

(b) Si tiel tenant per le custome payant ses services.

L'état du tenant par copie, ou par coutume de Fief, quoique tenant à volonté (en ce que ce n'étoit point la commune Loi, mais la volonté du Seigneur qui régloit l'hérédité ou les conditions de la tenure) n'étoit pas aussi incertain que l'état du vassal tenant à volonté, dont parle le Chapitre 8 de ce premier Livre.

Car ce dernier ne devoit pas des droits ni des services qui eussent été déterminés & rendus perpétuels pour tous les vassaux de la Seigneurie où son Fief étoit enclavé: au lieu que le vassal dont il s'agit ici, en s'acquittant des devoirs & des droits imposés sur tous les hommes du Fief, son Seigneur ne pouvoit, sans injustice, l'évincer de sa tenure. C'est ce que Britton[283] avoit dit avant les deux Jurisconsultes que Littleton cite. Et ceux vassaux sont priviledgiés en tiel manner que nul ne les doit ouster de tiels tenements tant come ils font les services que lours tenements appendent, ne nul ne poet lour service acrestre ne changer, a faire autres services ou pluis.

[283] Britt. fol. 165, c. 65.


CHAPITRE X. DE TENURE PAR LA VERGE.

SECTION 78.

Tenants per le Verge sont en tiel nature come tenants per le copy de Court roll. Mes la cause pour que ils sont appelles tenants per la Verge, est pur ceo que quant ils voylent surrender lour tenements en le main lour Seignior al use dun auter, ils averont un petite Verge (a) (per le custome) en lour main, le quel ils bailera al Seneschal, ou al Bailife solonque le custome & use del mannor, & celuy que avera la terre prendra mesme la terre en le Court, & son prisel serra enter en le roll, & le Seneschal ou le Bailife, (b) solonque le custome delivera a celuy que prist la terre, mesme la verge ou un auter verge en nosme del seisin, & pur cel cause ils sont appelles tenants per le verge, mes ils nont auter evidence, sinon pur copie de Court roll.

SECTION 78.—TRADUCTION.

Les tenans par la Verge sont de même état que les tenans par copie; mais on les appelle tenans par la Verge, parce que, lorsqu'ils veulent remettre leurs fiefs en la main de leurs Seigneurs pour les faire passer à un autre, ils ont une petite verge en main qu'ils donnent au Senéchal ou au Baillif, selon qu'il est d'usage en la Seigneurie; & la remise qu'ils font de cette verge & de la terre étant inscrite sur le Registre de la Jurisdiction, le Senéchal ou Baillif donne la verge à celui que le premier tenant a désigné, & en même temps le déclare vrai possesseur de la terre.

Ces tenans, par la verge, n'ont d'autres preuves de leur propriété que les Rôles ou Registres de la Court du Seigneur.

REMARQUES.

(a) Ils averont une petite verge.

On mettoit en possession un acquereur de Fief en lui laissant toucher la porte du principal manoir,[284] ou en lui donnant une hache, un anneau, un bâton, ou une petite verge, selon que la vente consistoit en terres, rentes ou redevances; par la même raison, quand un vassal se démettoit de la terre qui lui avoit été inféodée, afin qu'un autre en fût investi, il rendoit au Seigneur, ou à ses Officiers, la verge ou le bâton, &c. qu'il avoit reçu lors de l'inféodation, & le nouveau vassal les recevoit d'eux.[285] Si le vassal étoit, par quelque crime ou délit, privé de son Fief, on rompoit en la Cour une verge, pour marquer que le contrat d'entre lui & le Seigneur ne subsistoit plus, ce qui s'appelloit exfestucare, ou exfusticare, du mot festuca, qui signifie une petite branche d'un jeune rameau,[286] ou de fustis verge, bâton; d'où est venu ce proverbe des François, en parlant de deux amis qui cessoient de l'être: Ils ont rompu la paille, parce que de festuca, on a formé le mot festu, que l'on a approprié aux brins de paille.

[284] Per ostium, per hastam, per annulum, per fustem vel baculum, per glebam, per herbam. Formulæ Incert. Author. c. 19 & 43. Notæ Bignon. Ad. L. 1. Formul. Marculph. pag. 273.

[285] Bract. L. 4, fol. 209, L. 2, c. 8 & 14.

[286] Pasquier, L. 7, c. 54, & Lex Salica, c. 48, 61 & 63.

Je ne sçais où M. de Montesquieu[287] a trouvé que la tradition des Fiefs par le sceptre constatoit ces Fiefs, comme fait aujourd'hui l'hommage. Il est certain que dans le même-temps où la tradition par le Sceptre avoit lieu pour les biens domaniaux, l'hommage étoit usité pour les Bénéfices.

[287] Esprit des Loix, c. 22, L. 30, & c. 33, L. 31.

Lorsque le Roi donnoit une portion du domaine en Aleu à un Monastere ou à des laïcs, les donataires ne pouvoient en rien aliéner à titre de Fief, ni conséquemment s'en former de vassaux.[288] L'hommage qui n'avoit été introduit que pour les cessions des Bénéfices, comme je le prouverai bientôt, n'étoit donc point nécessaire en ce cas, & le cessionnaire n'ajoutant point à la qualité de sujet celle de vassal, le Souverain l'investissoit seulement de la jouissance du fonds par le Sceptre.[289] De même quand un Seigneur accordoit un Fief, à condition qu'on ne pourroit en disposer sans son consentement; comme ce Fief, à proprement parler, n'en étoit point un, puisque ceux qui le possédoient ne pouvoient en ériger aucune portion en Fief,[290] l'investiture s'en faisoit par la verge, & il n'en étoit dû aucun hommage.

[289] Thomass. tom. 2, L. 2, c. 27, 28 & suiv.

[290] Nul ne peut demembrer fié, se le fié ne doit service de pluis d'une chevalerie. Assis. de Jerus. c. 192.

(b) Seneschal ou Bailife.

Le Senéchal étoit le premier officier du Seigneur: il tenoit sa Cour ou ses Pleds, connoissoit des refus de services, du défaut de payement des rentes, & autres droits dûs par les vassaux. Les Baillifs lui étoient subordonnés;[291] ils lui devoient compte de leurs fonctions, qui consistoient à veiller à ce que les vassaux cultivassent bien leurs terres, conservassent leurs possessions, ne fissent aucunes dégradations; elles consistoient aussi à faire leur rapport aux Pleds des contraventions commises aux droits des Seigneurs.

[291] Senescalli officium subballivos est Domini in suis erroribus & ambiguis instruere & docere; curias tenere manariorum & substractionibus consuetudinum, servitiorum, reddituum, sectarum ad curiam molendinorum aliarumque libertatum Domino pertinentium inquirere. Flet. L. 2, c. 66.—Ballivus esse debet in verbo verax, &c. clericus qui de communioribus legibus sufficienter se cognoscat & quod sit ità justus quod ob vindictam ceu cupiditatem non quærat versus tenentes, &c. Ibid, c. 69.

SECTION 79.

Et auxy en divers Seigniories & Manors, il y ad tiel custome, si tiel tenant que tient per custome voloit aliener ses terres ou tenements, il poit surrender ses tenements a le Baily ou a le Reeve, (a) ou a deux probes homes del Seigniorie, al use cestuy que avera le terre, daver en fee simple, fee taile ou pur terme de vie, &c. Et tout ceo ils presenteront al procheine Court, & donque celuy qui avera la terre per copy de Court Rol, avera mesme la terre solonque lentent del surrender.

SECTION 79.—TRADUCTION.

En diverses Seigneuries il est aussi d'usage de remettre au Seigneur sa tenure pour la faire passer à un autre, & la remise s'en fait ou au Bailli ou au Réeve, ou Prevôt, ou à deux honnêtes gens de la Seigneurie, afin que celui qui doit la posséder la tienne en fief simple, à tail ou à terme de vie, &c. Et quoique dans ces Seigneuries la tenure ne soit constante que par les Rôles de la Cour, & que conséquemment les tenans ne le soient que par copie, cependant le nouveau possesseur du fief le tiendra sous le titre auquel la cession lui en aura été faite.

REMARQUE.

(a) Ou a le Reeve.

Reeve, pour préve ou préfe, præfectus, præpositus, en François, Prevôt.[292]

[292] Præpositus tanquam cultor optimus Domino vel Seneschallo debet præsentari, vel non sit piger aut somnolentus, sed efficaciter & continuè commodum Domini adipisci nitatur exarare. Flet. L. 2, c. 69.

Cet Officier étoit choisi entre les plus considérés & les plus intelligens des vassaux. Il devoit se bien connoître à la culture des terres, être au fait des droits & coutumes de la Seigneurie, pour prévenir plus efficacement les moyens que les vassaux employoient pour s'y soustraire: il recevoit ces droits & dénonçoit aux Baillis ceux qui les fraudoient & refusoient de les payer: en un mot, il étoit à l'égard des Fiefs ce que les Sergens étoient à l'égard des Bénéfices.[293]

[293] Voyez Remarq. Sect. 1, pag. 42.

SECTION 80.

Et issint est ascavoire, que en divers Seigniories, & divers Manors, sont plusors & divers customes en tielx cases, quant a prender tenements, & quant a pleader (a) & quant as auters choses & customes a faire, & tout ceo que nest pas encounter reason, poit bien estre admitte & allow.

SECTION 80.—TRADUCTION.

Les usages sont encore différens en d'autres Seigneuries, soit pour remettre, soit pour reprendre, soit pour aliéner ses tenures, soit pour plaider, & on ne peut se soustraire à un usage qui n'a en soi rien d'injuste.

SECTION 81.

Et tiels tenants que teignont solonque le custome dun Seignorie ou d'un manor, coment que ils ont estate denheritance solonque le custome del Seigniorie ou manor unc pur ceo quils nont ascun franktenement (b) per le cours del common Ley, ils sont appelles tenants per base tenure.

SECTION 81.—TRADUCTION.

Tous tenans, suivant la coutume ou l'usage d'une Seigneurie, n'ont d'autre état que celui que cet usage leur donne, & comme ils ne sont point franc-tenans de la commune Loi, on les appelle tenans de basse tenure.

REMARQUES.

(a) A prender tenements & quant a pleader.

Les formes différentes pour plaider ou pour transporter sa tenure à un autre, admises dans certains Fiefs, n'étoient que des exceptions aux regles généralement observées dans les autres Fiefs; & il y a lieu de penser que vu que ces exceptions ne concernoient que des tenures en villenage, c'est-à-dire, celles qui étoient les moins importantes:[294] leur établissement n'étoit point un privilége. Le but des Ducs de Normandie étoit d'arrêter les progrès de l'autorité des Seigneurs, en empêchant leurs Officiers de ne rien décider que sous l'autorité des Justiciers; mais qu'un Seigneur de vassaux, qui ne devoient que des services totalement indifférens à l'ordre militaire, & qui ne consistoient qu'en redevances d'argent ou de denrées, connût des difficultés que l'exaction ou refus des services de cette espece faisoient naître, le Souverain n'en devoit prendre aucun ombrage.

[294] C. 2, second L. ci-après.

(b) Franktenement, &c.

Il n'y avoit que le Prince & la Loi qui pussent légitimer une possession. Les possessions fondées seulement sur l'usage d'une Seigneurie n'étoient donc que tolérées: elles n'étoient point comprises au nombre de celles que la commune Loi autorisoit, & elles n'avoient acquis de stabilité forsque par longe continuance de temps. Britton, chap. 47.

SECTION 82.

En divers diversities y sont perenter tenant a volunt, que est eins per lease son lessor per le course del common ley, & tenant solonque le custome del manor en le forme avantdit. Car tenant a volunt solonque le custome puit aver estate denheritance (come est avantdit) al volunt le Seignior solonque le custome & usage del manor. Mes si home ad terre ou tenements, queux ne sont deins tiel manor ou Seigniorie, on tiel custome ad este use en le forme avantdit, & voile lesser tiels terres ou tenements a un auter, a aver & tener a luy & a ses heires a le volunt le Lessor, ceux parols (a les heires de le Lessee) sont voides. Car en cest case si le lessee devie & son heire enter le Lessor avera bon action de trespasse envers luy, mes nemy issint. Envers le heire le terre per le custome en ascun cas, &c. pur ceo que le custome de le manor en ascun cas luy puit aide de barrer son Seignior en action de trespasse, &c. (a)

SECTION 82.—TRADUCTION.

Il y a encore cette différence entre la tenure à la volonté du Seigneur dans la Seigneurie duquel la commune Loi a cours, & la tenure à volonté, selon l'usage particulier d'une Seigneurie. La tenure selon l'usage ou coutume d'une Seigneurie est héréditaire, suivant que cet usage a reglé l'ordre de succéder; mais la tenure, qui n'est point dépendante d'une Seigneurie où il y avoit une coutume particuliere, peut être cédée à un autre tant pour lui que pour ses héritiers; parce que cependant si dans l'acte de cession le propriétaire a employé que la cession ne dureroit qu'à sa volonté, en ce cas quoique l'acte porte (pour le cessionnaire ou ses héritiers) ce propriétaire peut, après la mort de l'acquéreur, empêcher les enfans d'y succéder, & rentrer dans le fonds. Ceci n'a pas généralement lieu à l'égard des tenures soumises à la coutume particuliere d'une Seigneurie; car ces coutumes en certain cas autorisent l'ancien propriétaire après la mort de celui à qui il a cédé ses fonds, du consentement de son Seigneur, d'user de l'action en excès ou trépas contre le Seigneur, si celui-ci s'en empare.

REMARQUE.

(a) Le Custome luy puit aide de barrer son Seignior.

Les usages varioient à l'infini à l'égard des basses tenures: ou la coutume de la Seigneurie étoit que les terres du vassal fussent héréditaires, à la condition que ni lui ni ses héritiers ne pussent les céder à un autre sans le consentement du Seigneur, & qu'après le décès de ce cessionnaire sans postérité, le Seigneur rentreroit dans le fonds; ou c'étoit le vassal qui, après la mort du cessionnaire, reprenoit la jouissance de ce fonds. Dans ce dernier cas, si le Seigneur prétendoit préférer le vassal, celui-ci devoit recourir au Bref de trépasse ou excès. Voyez Sect. 77 & 193.

SECTION 83.

Item, lun tenant per le custome en ascuns lieux doit repairer & sustemer ses measons, & lauter tenant a volunt nemy.

SECTION 83.—TRADUCTION.

En quelques lieux, le tenant par la Coutume doit réparer les bâtimens, en d'autres il n'y est point obligé.

SECTION 84.

Item, lun tenant per le custome ferra fealtie, (a) & lauter nemy. Et plusors auters diversities y sont perenter eux.

SECTION 84.—TRADUCTION.

Certains tenans de cette espece font serment de fidélité, d'autres ne le font pas. Il y a encore d'autres différences entre les usages suivis à l'égard de cette sorte de tenure.

REMARQUE.

(a) Ferra fealtie, &c.

On regardoit tellement comme fief de nom seulement celui pour lequel l'investiture se faisoit par la verge ou bâton sans hommage, que non-seulement on étoit quelquefois dispensé de cet hommage pour ces sortes de fiefs, mais même de s'avouer sujet du Seigneur, & de lui faire à ce titre serment de fidélité.

Fin du premier Livre.


LIVRE SECOND. CHAPITRE I. D'HOMAGE.

SECTION 85.

Homage (a) est le pluis honorable service, (b) & pluis humble service de reverence que franktenant puit faire à son Seignior. Car quant le tenant ferra homage a son Seignior, il serra discinct, & son test discover, & son Seignior seera, & le tenant genulera devant luy sur ambideux genues, & tiendra ses maines extendes, & joyntes ensemble enter les mains le Seignior, & issint dirra: Jeo deveigne vostre home de cestiour en avant, de vie: & de member, & de terrene honour, & a vous serra foyall & loyall, & foy a vous portera des tenements que jeo claime de tener de vous, salve la foy (c) que jeo doy a nostre Seignior le Roy, & donques le Seignior issue seyant luy basera.

SECTION 85.—TRADUCTION.

L'hommage est le service le plus honorable & la plus grande marque de respect que l'on puisse devoir à un Seigneur pour une franche tenure. Lorsque le vassal fait hommage, il doit ôter sa ceinture, avoir la tête découverte & se mettre à genoux devant son Seigneur. Après que celui-ci s'est assis & a reçu les mains du vassal jointes & étendues dans les siennes, le vassal doit lui dire: Je me rends votre homme de ce jour, & à l'avenir; je vous consacre ma vie, mon corps, & je ne veux sur la terre acquerir d'honneur qu'en vous étant fidele pour les terres que je tiens de vous, sauf néanmoins la fidélité que je dois au Roi; après quoi le Seigneur se leve & embrasse le vassal.

ANCIEN COUTUMIER.

Aulcun ne doit recevoir d'alcun homage fors salue la féaulté au Prince, & doit être dit quand l'on reçoit les homages & féaultés, Chap. 14.

Homage est promesse de garder foy des choses droiturieres & nécessaires, & de donner conseil & aide, & cil qui fait homage doit estendre les mains entre celles à celuy qui le reçoit & dire ces paroles: je deviens votre home à vous porter foy contre tous, sauf la féaulté au Duc de Normandie, Chap. 18.

REMARQUES.

(a) Homage.

L'investiture, l'hommage, le serment de fidélité sont des cérémonies aussi anciennes que la Monarchie. On peut même donner à la derniere une origine plus reculée.

Les jeunes guerriers Germains, qui agréoient pour chef celui dont la Nation avoit fait choix pour commander l'armée, s'obligeoient par serment à sacrifier leur vie pour le succès de l'expédition qu'il méditoit;[295] & de-là nos premiers Rois eurent auprès d'eux des Fideles, Leudes ou Antrustions[296] qui, après avoir concerté avec eux dans les assemblées générales de la Nation les opérations de la campagne prochaine, leur prêtoient serment de fidélité, & les assistoient durant le combat. Tout Leude, tenu par état à ces deux devoirs de conseiller le Prince & de le suivre à la guerre, faisoit ce serment. Il exprimoit l'assujettissement[297] au Souverain; mais comme indépendamment de la qualité de sujet que les Leudes méritoient singulierement par la nécessité où les mettoit la noblesse de leur extraction de sacrifier leur vie pour conserver la personne des Rois,[298] ils étoient encore, à raison de cette extraction, les seuls capables de posséder les grands offices de la Couronne. Quand le Souverain les gratifioit de ces places éminentes, ils en étoient investis avec des formalités qui caractérisoient l'espece & la nature de l'autorité qui leur étoit confiée.

[295] Principem suum deffendere, tueri, sua quoque fortia facta gloriæ ejus assignare, præcipuum sacramentum est. Tacit. de Mor. German. Quand on violoit ce serment on étoit regardé comme infâme;[295a] mais comme ce serment étoit volontaire, & concernoit moins le service de la Nation que celui du Général, ceux qui le transgressoient n'étoient pas exposés à perdre la vie: ce châtiment étoit réservé à ceux qui, en retardant de se rendre aux assemblées générales, péchoient contre une Loi de l'Etat.

[295a] V. ci-dessus Rem. Sect. 1.

[296] Trew, nom qui, chez les Allemands, signifioit protection, Antrustio Regis, désigne donc un sujet plus particulierement protégé par le Prince, vir in truste Regis.

[297] Leudis ou Leodes veut dire sujet. Varoch prête serment de fidélité à Chilpéric en 580 comme Leude ou Sujet. Il n'avoit ni Office ni Bénéfice, puisqu'il ne se révolta que parce qu'il n'avoit pu obtenir le Gouvernement de Vannes. Greg. Turon. L. 5, c. 27.

[298] Clotaire fut maintenu sur le Trône par ses Leudes. Greg. Tur. L. 3, c. 23.

Ainsi on investissoit les Chanceliers ou Référendaires par l'Anneau,[299] pour marquer l'attachement particulier dont le Roi les honoroit en les rendant les dépositaires & les interpretes de ses volontés.

[299] Cujas de Feudis, L. 3, aux notes sur le tit. 3.

Les Evêques recevoient aussi après leur sacre un Anneau; il étoit le symbole de cette union, de cette concorde sans lesquelles l'Empire & le Sacerdoce, qui doivent réciproquement se soutenir, s'entredétruisent. Mais on joignoit à l'Anneau pour les Evêques une Crosse ou Verge; au lieu que les Bénéficiers laïcs, autres que les Référendaires, recevoient cette Crosse sans Anneau. Cette Verge étoit le gage de la possession qui étoit accordée aux Bénéficiers laïcs des droits dépendans de leurs Bénéfices, ou le signe de la jouissance que les Prélats acqueroient des biens profanes aumônés à leurs Siéges.

Le Bâton, la Verge ou la Crosse (car ces expressions sont employées indifféremment dans nos anciens Auteurs) étoient abandonnés à l'Evêque ou aux Leudes qui obtenoient du Roi quelque Ville ou Province à perpétuité,[300] à la différence de ce qui se pratiquoit à l'égard des Eglises ou des Leudes laïcs, auxquels les dons n'étoient faits que pour un temps ou à vie; car en ces deux cas la tradition se faisoit par le Sceptre dont les donataires avoient seulement l'honneur d'être touchés.

[300] Nos premiers Rois en montant sur le Trône recevoient des Grands de l'Etat une hache ou un javelot; c'étoit le signe du pouvoir qu'ils avoient de conserver ou d'étendre par les armes leur domination. Rex Gumtrannus datâ in manu Regis Childeberti hastâ, ait: hoc est indicium [300a] quod tibi omne Regnum meum tradidi, ex hoc nunc vade & omnes civitates meas tamquam tuas proprias sub tui juris dominationem subjice. Greg. Turon. L. 7, c. 33. Cet usage duroit encore au temps de Charlemagne: Ludovicus Carolimagni filius benedictione regnaturo congruâ insignitus, occurrit ad patris præsentiam, missile manu ferens. Aimoin. L. 5, c. 2, pag. 267. Mais dans la suite on joignit à la lance ou hache le bâton pour marque de l'administration que nos Rois avoient du domaine. Richildis attulit Ludovico (Carolicalui filio) spatham.... coronam ac fustem ex auro & gemmis. Id. Aimoin. C. 36, L. 5, pag. 337. Ce n'a été que dans le 14e siecle qu'on a substitué à la lance la Main de Justice. Louis Hutin la porta le premier. Nos Rois de la seconde race n'ayant plus à redouter ces troubles qui avoient agité l'intérieur de l'Etat, sous les Rois des deux premieres, crurent que cette Main à demi-fermée & d'yvoire seroit un symbole propre à faire connoître à leurs Peuples & aux Monarques leurs voisins qu'ils comptoient moins établir la prospérité & la durée de leur regne par les armes que par la sincérité, le secret, la persévérance avec lesquels ils se conduiroient envers leurs Alliés. Chez les Romains, ceux qui sacrifioient à la Foi avoient la main enveloppée jusqu'aux doigts, & le voile de leur main & celui de la statue étoient blancs. Valer. pag. 362. Horace, Od. 35, L. 1.

[300a] Quelques exemplaires portent judicium. C'est une faute de copiste.

Outre le serment de fidélité & l'investiture, quand un Antrustion recevoit du Souverain héréditairement un Duché, un Comté ou tout autre Bénéfice de dignité, il en faisoit hommage; & comme le serment de fidélité n'exemptoit point de l'investiture, de même l'hommage ne dispensoit ni de l'investiture ni du serment de fidélité.

Chacune de ces choses avoit un motif qui lui étoit propre.

L'investiture, dans un temps où l'usage d'écrire étoit rare, fixoit l'espece du droit qu'on devoit exercer sur le fonds dont la propriété ou la possession étoit cédée.

La prestation de foi, quoique de droit étroit pour tous les sujets, se faisoit plus solemnellement par ceux que leur état appelloit auprès du Roi plus fréquemment, que les sujets d'un ordre inférieur.

L'hommage étoit un acte de reconnoissance du don fait par le Prince d'une portion du fisc ou d'une partie de son autorité, à la condition de n'user jamais ni de l'une ni de l'autre contre l'intérêt des Peuples qui ressortissoient du domaine cédé.

Ainsi l'investiture constatoit la cession du domaine; l'hommage prévenoit l'abus qu'on auroit pu faire, au préjudice de l'Etat, de l'espece de Souveraineté inhérente à la cession; & le serment de fidélité exprimoit la dépendance particuliere où devoient être à l'égard du Prince ceux d'entre ses sujets qu'il jugeoit dignes de solliciter & d'obtenir par préférence des bienfaits d'un ordre si relevé.

En parcourant l'Histoire des temps qui ont précédé l'établissement des Fiefs, l'exactitude des caracteres que j'attribue à ces diverses formalités devient sensible.[301]

[301] Par exemple, on conçoit que l'on n'étoit touché du Sceptre lorsqu'on obtenoit à vie ou à temps la cession d'une partie du fisc, que parce que la propriété en restoit au Roi ou à l'Etat, & parce qu'on n'étoit admis qu'à participer à la jouissance. Au contraire, le Cessionnaire à perpétuité recevoit du Roi une verge ou bâton, parce qu'en ce cas le Roi ne se réservoit rien sur le fonds cédé.

Dans le sixieme siecle, Désidérius, Evêque de Cahors, se dit successivement le fidele & le sujet de deux de nos Rois.[302] Un siecle après Saint Leger, Evêque d'Autun, refuse de rétracter le serment qu'il avoit prêté à ces deux titres au Roi Théoderic.[303] En ce même-temps un Concile frape d'anathême les Prélats transgresseurs de ce serment;[304] & plusieurs Evêques en 680 & 693 subissent la peine fulminée par ce Concile. Marculphe, qui vivoit dans ce même siecle, donne la Formule du serment de fidélité des Antrustions;[305] & on en voit l'exécution dans le recit que fait Aimoin de la maniere dont Tassillon fit ce serment au Roi Pepin vers le milieu du huitieme siecle. Ce Duc joignit au serment de fidélité l'hommage à cause de la Baviere: ce qui étoit usité avant lui, à en juger par ces expressions de l'Historien: More Francico in manus Regis in vassaticum manibus suis semetipsum commendavit, fidelitatemque jurejurando promisit.[306]

[302] Bibl. Patr. Ep. 3, 4, 5, tom. 3, pag 412 & 413.

[303] Vit. 5, Leodeg. Duchesne, tom. 1, pag. 607.

[304] Concil. Tolet. Can. 6, Dup. tom. 6, pag. 81.

[305] Rectum est ut qui nobis fidem pollicitentur illæsam, nostro tueantur auxilio, &c. Et quia ille fidelis noster veniens ibi in palatio nostro unà cum Arimaniâ suâ in manu nostrâ trustem & fidelitatem nobis visus est conjurasse, per præsens præceptum decernimus, &c. Marculphe, Formul. 18, L. 1.

[306] Aimoin, de Gest. Franc. L. 4, c. 64.

C'étoit toujours le Roi qui recevoit les sermens de fidélité des Leudes.[307] On réservoit ordinairement les prestations d'hommage aux assemblées générales de l'Etat.[308]

[307] Les Commissaires du Roi recevoient cependant les sermens de fidélité des Villes conquises ou qui rentroient sous son obéissance. Greg. de Tours en fournit différentes preuves. Capit. 88, L. 3, & le 8e du même Liv.

[308] Le Roi envoyoit aussi des Commissaires pour faire rendre hommage & prêter serment de fidélité à ses Enfans lorsqu'il leur donnoit un Etat à gouverner. Voyez Marculphe, L. 1, Formul. 40.

Les Evêques ont, il est vrai, quelquefois fait le serment aux Commissaires du Roi;[309] mais cela n'a eu lieu que lorsqu'il y a eu contestation au sujet de leur élection. Il auroit été souvent dangereux dans cette circonstance que le Prélat élu se fût absenté pour se rendre à la Cour; au lieu que les Missi Dominici venant, au nom du Souverain, dans le lieu où l'élection s'étoit faite, recevoir le serment de l'Evêque, dissipoient facilement les cabales. Les ordres dont ils étoient porteurs faisoient perdre au Clergé & au Peuple l'espoir de faire agréer au Roi tout autre sujet que celui désigné dans leur commission.[310]

[309] Ob quam causam à Missis Dominicis non est plenâ benevolentiâ susceptus, &c. Epist. Senon. Eccles. Libert. de l'Egl. Gallic. tom. 1, c. 15, pag. 546.

[310] On voit dans Greg. de Tours nombre d'exemples de la nécessité de l'approbation du Roi pour le choix des Evêques, L. 7, c. 31, L. 6, c. 15, L. 8, c. 39.

On voit peu d'hommages faits par les Ecclésiastiques sous la premiere race, parce qu'il n'y a eu de Bénéfices ou Honneurs du domaine Royal attachés avec leurs dignités aux Eglises que vers la fin du huitieme siecle.[311]

[311] Greg. de Tours parle, il est vrai, d'une Ville qui étoit sous la protection d'une Eglise, mais ce passage doit être entendu du privilége d'exemption de jurisdiction qui s'accordoit à quelques Eglises non comme une dépendance des fonds qui leur étoient donnés, mais comme une exception à la regle suivie dans les donations d'Aleux faites par le Roi. Urbs sub tuitione matris Ecclesiæ habebatur. Greg. Turon. de Mirac. Sancti Martini. Voyez ce que j'ai dit à cet égard dans ma Préface, aux Notes; & l'interprétation que Thomassin donne à la troisieme & quatrieme Formule du Liv. 1 de Marculphe, Discipl. Eccles. part. 3, L. 1, c. 48.

Jusques-là le Clergé n'avoit eu que la jouissance d'Aleux aumônés par des Princes ou par des hommes libres, ou la propriété de biens ou de droits fiscaux, qui, n'ayant de jurisdiction que par privilége, & non par leur essence, n'obligeoient à l'hommage qu'autant que le Prince, en les donnant, accordoit au donataire le rang de Noble ou d'Antrustion:[312] titre que les Ecclésiastiques ambitionnoient d'autant moins, sous la premiere race, que les Evêques étoient tous tirés du corps de la noblesse.[313]

[312] Voyez Marc. L. 1, Form. 18.

[313] Greg. Tur. L. 4, c. 15.

Mais les Leudes laïcs qui, à cette qualité, joignoient celle des Bénéficiers, faisoient tellement l'hommage & le serment de fidélité pour les Bénéfices héréditaires, même avant que l'hérédité des Bénéfices fût généralement établie, que lorsqu'en 877, année en laquelle cet établissement eut lieu, les Evêques promirent à Charles le Chauve de lui être fideles & de l'aider de leurs conseils; les vassaux du Roi, Vassi Regii, après lui avoir fait le même serment, se recommanderent à lui:[314] or le terme de recommandation est le seul qui dans les plus anciens Auteurs soit spécialement consacré pour désigner l'hommage.[315]

D'ailleurs dès que les Evêques posséderent des Bénéfices, des honneurs, non-seulement ils se soumirent à l'investiture, au serment de fidélité, mais encore à l'hommage; & ils n'ont jamais cessé depuis de remplir ces trois formalités immédiatement après leur consécration.[316]

[314] Aimoin, L. 5, c. 36, ann. 877.

[315] Greg. Turon. L. 4, c. 41, pag. 163.—Nota. Thomassin, L. 2, part. 2, no. 11, c. 48, pag. 473, paroît n'avoir pas examiné avec assez d'attention l'usage différent que l'on faisoit avant le neuvieme siecle de ces expressions, professio fidei & commendatio. Elles ne caractérisent, selon cet Auteur, ni serment ni hommage. Cependant dès le regne de Charlemagne la fidélité ne pouvoit être promise sans serment, per sacramentum fidelitas promittatur, c'est une maxime du huitieme Capitulaire de cet Empereur, L. 3; & avant son regne on distinguoit tellement la profession de foi de la recommandation, qu'en tous les endroits où cette derniere est mentionnée, ou elle est distinguée de la premiere, ou cette premiere est passée sous silence.

[316] Suger in vitâ Lud. Gross. pag. 289. Cujas de Feud. tit. 7, col. 1840 & 1846, Marca. de Concord. L. 8, c. 19, n. 1.

Si elles n'avoient point été usitées auparavant à l'égard des Leudes ou des Seigneurs laïcs, le Clergé auroit il négligé de se récrier contre leur nouveauté, & de rappeller les temps où les Laïcs en auroient été exempts, pour s'y soustraire lui-même? Néanmoins lorsque les Evêques tenterent de secouer le joug de ces formalités, & qu'ils faisoient les plus grands efforts pour les faire envisager comme une servitude tyrannique & sacrilége, ils n'eurent point recours à ce moyen. Ils parurent toujours au contraire moins révoltés contre l'hommage & le serment de fidélité que contre l'investiture; & aussi tôt qu'elle ne se fit plus que par le Sceptre, & qu'ils ne reçurent plus du Prince ni la Crosse ni l'Anneau, leurs plaintes cesserent. Au reste on eut raison de faire droit sur ces plaintes; car c'étoit par le Sceptre seulement que les Laïcs avoient de tout temps été investis des Bénéfices que les Princes leur avoient cédés à vie. Les Bénéfices de cette espece convenoient en ce point essentiel avec ceux possédés par les Eglises, en ce qu'en aliénant les uns & les autres pour un temps, on ne pouvoit s'en former ni fiefs ni vassaux nobles. Il n'y auroit donc eu aucun prétexte fondé pour refuser de réduire à la même forme les cérémonies qui accompagnoient la concession de ces deux différentes sortes de biens.

Je crois en avoir dit assez pour dissiper les doutes que forme M. de Montesquieu[317] sur l'époque de la naissance de l'hommage, qu'il suppose être postérieure à l'hérédité des Bénéfices. Je n'ajouterai à cet article qu'une réflexion, que je prie le Lecteur de se rappeller toutes les fois que je lui paroîtrai opposé au sentiment de l'Auteur de l'Esprit des Loix.

[317] Espr. des Loix, L. 31, c. 38. Chop. L. 2, de Feud. Andeg. pag. 18.

Un Ecrivain habitué, comme M. de Montesquieu, à ne suivre que son génie, à créer, est souvent exposé à s'égarer dans la discussion des faits; la facilité avec laquelle il croit trouver dans son propre fonds des moyens de les concilier ou de les éclaircir, lui fait souvent négliger de puiser dans les sources où réside le vrai. Un esprit médiocre, au contraire, ne manque jamais de recourir à toutes les sources, tant la crainte de se tromper lui est naturelle; & s'il manque de discernement au point de ne pouvoir faire un bon choix entre des autorités qui semblent se contredire, du moins en développant sa marche il met le Lecteur en état d'appercevoir & d'éviter les écueils dont il n'a sçu se garantir lui-même.

(b) Le pluis honorable service.

Comme l'hommage n'étoit dû au Roi que par les Seigneurs en faveur desquels il avoit disposé d'une portion de son autorité; de même lorsque ces Seigneurs eurent obtenu la faculté de sous-inféoder leurs honneurs, le vassal qui participoit aux services honorables que leur rang leur imposoit ou qui s'acquittoit en leur nom de ces services, leur faisoit hommage. Les vassaux qui, au contraire, ne tenoient d'eux qu'à vie ou qui n'avoient point obtenu la concession de leurs Fiefs par le service militaire, ne faisoient que le serment de fidélité.

C'est ainsi que les Seigneurs copioient en tout le Souverain; les devoirs auxquels ils étoient obligés envers le Roi étoient le modele de ceux qu'ils imposoient à leurs sous-feudataires.

(c) Salve la foy, &c.

Cette réserve a toujours été d'usage en Normandie; il n'en a pas été de même dans les autres Provinces de France. Les Bénéficiers, dès la fin du regne de Charles le Simple, commencerent à regarder leurs vassaux comme leurs propres sujets; étrangers[318] à la personne du Roi, ils les obligeoient souvent à porter les armes contre les Princes qui se disputoient la Couronne. Cet abus monstrueux subsistoit encore sous Saint Louis, & il l'approuve dans le 49e Chapitre de ses Etablissemens, Cil poit semondre son hom d'aller gerroyer son chief Seigneur.[319] Aussi le Sire de Joinville quelque dévoué qu'il fût à ce Prince, ayant été convoqué par les Barons du Royaume, avant la premiere Croisade, pour prêter serment de fidélité au Roi, s'y refusa, par la raison que ne tenant aucune terre de la Couronne, il ne devoit ce serment qu'au Baron qui étoit son Suserain. Si me manda le Roi, dit-il, mais pour autant que je n'étois pas de ses sujets, je ne voulus pas faire le serment.[320]

[318] Bruss. L. 2, c. 5, pag. 161, M. le Présid. Hesn. sous l'an. 923, le vassal du Roi avoit ses droits pour lui refuser l'obéissance.

[319] Quelques Manuscrits portent le Roi, Laur. Rel. des Ord. 1er vol.

[320] Mém. de Joinville, par Ducange.—Joinville relevoit du Comte de Champagne, lequel relevoit du Roi; mais l'arriere-vassal ne devoit le serment de fidélité qu'à son suserain immédiat.

SECTION 86.

Mes si un Abbe ou un Pryor (a) ou auter home de Religion ferra homage a son Seignior, il ne dirra: Jeo deveigne vostre home, &c. pur ceo que il ad luy professe pur estre tant solement le home de Dieu; mes il dirra issint, jeo vous face homage & a vous serra foyal & loyal, & foy a vous portera des tenements que jeo teigne de vous, salve la foy que jeo doy a nostre Seignior le Roy.

SECTION 86.—TRADUCTION.

Si un Abbé, Prieur ou autre chef de Communauté Religieuse fait hommage à son Seigneur, il ne dira pas, je deviens votre homme: sa profession est d'être tout entier à Dieu; mais il dira seulement je vous fais hommage, je vous serai fidele & loyal, & je reconnoîtrai toujours tenir de vous seul les fonds dont vous êtes Seigneur, sauf la foi que je dois au Roi.

REMARQUE.

(a) Un Abbe ou un Pryor, &c.

Sous Pepin & Charlemagne les Eglises jouissoient des droits & des fonds du fisc à perpétuité, mais elles ne pouvoient les aliéner.[321] Les Laïcs les obtenoient seulement à titre précaire, & les faisoient valoir pour eux-mêmes au moyen d'une rétribution annuelle en argent ou en grains qu'ils payoient aux Eglises.[322] Un Capitulaire de 793, c. 23, prouve que les dons faits par Charlemagne ou ses Prédécesseurs aux Eglises étoient exempts du service militaire personnel,[323] puisqu'il fait mention d'hommes libres qui donnoient leurs Aleux aux Eglises, desquelles ils les reprenoient ensuite pour en jouir, à charge de cens[324] précairement, & pour se soustraire par-là aux services militaires personnels auxquels seuls ces Aleux étoient assujettis lorsque des Laïcs les possédoient. Mais si les Ecclésiastiques & leurs tenans étoient dispensés de se trouver en personne à l'armée, ils n'en étoient pas moins obligés de fournir au Roi des soldats.

[321] Formul. Marculph. L. 2, c. 5, 39 & 40.—Un Concile de Soissons, en 853, défend même d'échanger les esclaves des Eglises sans permission du Roi.

[322] Conc. de Leptines, en 743, Dup. pag. 130, 6e vol.

[323] Les Eglises n'étoient dispensées que du service personnel & non d'impôt. Théodebert, fils de Thierry, dans le 6e siecle, affranchit les Eglises d'Auvergne des impôts qu'elles payoient au fisc. Greg. Turon. L. 3, c. 25. Conc. d'Allem. en 742, 2e Can. Et Chilpéric, en exigeant des amendes des domestiques des Eglises, parce qu'ils n'auroient pas été à la guerre, fit une chose inouie jusqu'à lui, non erat consuetudo, dit Greg. de Tours, L. 5, c. 26.

[324] En combinant les expressions de Cens, de Tributs employées dans les Capitulaires quatre de 819 & dix de 812, avec le vingt-huitieme de l'an 864, on est convaincu, d'un côté, que les Aleux ne payoient point le cens au Roi; & d'un autre côté que le cens différoit des tributs, en ce que le cens n'étoit dû que par les serfs, & qu'il étoit perpétuel; & qu'au contraire les tributs ou impôts étoient payés par les Ecclésiastiques, les hommes libres, les serfs indistinctement & seulement pour un temps. Il est vrai que quelquefois le nom de tribut se donne au cens dans les Capitulaires; mais alors on reconnoit le cens à la perpétuité qui lui est attribuée, comme on discerne aisément le cens dû aux Eglises par des hommes libres du cens dû par les serfs du Roi, au moyen des bornes de la jouissance durant laquelle seule le premier cens subsistoit.

Ils s'acquittoient sans scrupule de cette charge, parce qu'elle étoit une condition que les donateurs leur avoient imposée. Ils ne devoient donc en éprouver aucun pour rendre hommage aux Seigneurs des fonds qui leur avoient été donnés, puisqu'il n'avoit pas été au pouvoir de leurs bienfaiteurs de les affranchir de cette formalité à laquelle eux-mêmes avoient toujours été assujettis. D'ailleurs il étoit moins contraire, ce me semble, à la dignité & à la liberté Ecclésiastique de rendre hommage au Roi & aux Seigneurs, que de stipendier des hommes pour faire la guerre. Aussi le Clergé, dans le 8e. siecle, & dans la plus grande partie du neuvieme, s'acquitta exactement de l'hommage. Il fit plus, il donna le dénombrement[325] de ses biens pour indiquer les différens services qui devoient lui être imposés.

[325] Ut non solum Beneficia Episcoporum vel Abbatum, Abbatissarum atque Comitum, sive vassorum nostrorum, sed etiam fisci nostri describatur in breve: ut scire possimus quantum etiam de nostro in unius cujusque legatione habeamus. Capitul. 82, L. 3, ann. 812. Concil. de Thionv. pag. 590. Collect. Balus. Flodoard, Hist. Eccles. Rem. L. 3, c. 28, pag. 304.

Les Parlemens rangerent en plusieurs classes leurs redevances. Quelques Eglises n'étoient obligées qu'à des prieres, parce qu'elles ne jouissoient que de pensions en grains;[326] d'autres faisoient chaque année des présens au Roi pour le défrayer de la dépense qu'exigeoit l'assemblée des Etats.[327] Plusieurs étoient tenus de fournir des gens de guerre[328] à cause des Aleux, des Fiefs ou des Bénéfices qui leur avoient été aumônés par des Laïcs; enfin il y en avoit, mais en petit nombre, qui jouissoient, du consentement de nos Rois, de l'exemption de toute domination temporelle.[329] Mais les troubles qui agiterent le Royaume vers la fin du 9e siecle ayant facilité aux Nobles l'usurpation des biens Ecclésiastiques, les charges & les priviléges de ces biens se trouverent dans une confusion dont le Clergé se prévalut pour se dispenser de l'homage. Charles le Simple, en écrivant aux Evêques en 921, ne leur parle en conséquence que du serment de fidélité.[330]

[326] Lupicinus, a qui le Roi Chilpéric offrit des fonds de terres, préféra une rente annuelle en grains, en vin & en argent, à prendre sur le fisc, parce que sans doute outre que la culture des terres auroit détourné de l'oraison les Moines qui lui étoient soumis, la possession de ces terres auroit assujetti son Monastere à des impôts dont une rente sur le domaine ne pouvoit naturellement devenir susceptible. Greg. Turon. vit. Patr. pag. 848.

[327] Ces présens ne se faisoient que lorsqu'on tenoit ces assemblées. Conc. de Verneuil en 755, Can. 6, Capit. tom. 2, not. Sirm. pag. 810 & ibid, ann. 833. Annal. Bénédict. L. 28, tom. 2, pag. 407, no. 64, ann. 817.

[328] Conc. Gallic. tom. 2, pag. 685. Voyez aussi dans les Capitul. tom. 1, pag. 590, ann. 817. Le Role dressé au Parlement d'Aix-la-Chapelle, Notitia de Monasteriis quæ Regi militiam, vel dona vel solas orationes debent, &c.

[329] Guillaume, Comte d'Auvergne, avoit accordé une semblable exemption à l'Abbaye de Cluny. L'Abbé Pierre, sous Innocent II, eut recours à ce Pape pour l'abolir, parce qu'aucuns Princes ne vouloient défendre les terres de l'Abbaye. Orig. des rev. Ecclésiast. par Jérôme Acosta, pag. 66.

[330] Thomass. pag. 2, L. 2, c. 48, no. 12, pag. 1019.

Le Duc Raoul, qui étoit redevable de la Souveraineté aux Evêques de Normandie,[331] ne leur imposa point de nouveaux devoirs, & de là le Clergé de cette Province se crut en droit de décider dans un Concile assemblé à Rouen en 1096, que les Prêtres ne devoient pas faire hommage aux Seigneurs laïcs, mais seulement prêter serment de fidélité pour les Fiefs qui appartiendroient à ces Prêtres héréditairement. D'où on peut conclure que quoique les premiers Ducs Normands n'eussent pas exigé des Evêques l'hommage, les Seigneurs n'avoient pas eu pour eux les mêmes ménagemens. Il y a apparence que ces Ducs avoient approuvé tacitement la conduite des Seigneurs sur ce point, & qu'ils avoient attendu une occasion favorable pour l'autoriser ouvertement par la leur. A peine Guillaume eut-il assuré sa domination en Angleterre, que les Evêques furent obligés de lui rendre hommage, & Henry son petit-fils l'exigea de Saint Anselme,[332] comme un droit ancien, & qui n'avoit éprouvé sous ses Prédécesseurs aucune contradiction.[333] Ce Prélat, malgré ses répugnances, se soumit, de l'avis du Pape même, aux ordres de son Prince: ce qui fut imité par tout le Clergé d'Angleterre lors de l'avénement de Guillaume, fils de Henry, au Trône.[334]

[331] Polidore Virgile dit, pag. 99 de son Hist. que Francon, Arch. de Rouen, qui fit le traité avec Charles le Simple, étoit homo Rolloni notus atque acceptus.—Dudon de Saint Quentin s'exprime plus fortement encore: Karolus autem Rex audiens quod Rollo in opportunis bellis attritum subjugasset Regi & sibi transmarinum regnum, consilio Francorum rogat ad se venire Franconem Rothomagensem Episcopum jam Rolloni attributum. Dud. de Moribus & actis Norman. L. 2, pag. 79, Collect. Duchesn.

[332] Brussel, tom. 2, L. 3, c. 7, pag. 825. Thomass. L. 2, c. 49, pag. 2.

[333] Eadmer, Hist. novor. L. 1, col. 2, pag. 40, & L. 4, col. 2, pag. 76, & L. 3, col. 2, pag. 57.

[334] Eadmer, Histor. novor. L. 5, 2e col. pag. 90.

Le motif de la différence qui se rencontre dans Littleton entre les termes employés pour exprimer l'hommage des Laïcs & ceux de la formule d'hommage des Ecclésiastiques, se tire donc de ce qu'au temps de Raoul les Eglises, dépouillées par les Grands de la plupart des Fiefs qu'elles tenoient de la Couronne, se prétendoient exemptes de l'hommage dû à cause de ces Fiefs. Mais comme elles tenterent d'étendre cette exemption aux Fiefs que les Seigneurs leur avoient aumônés, & dans la possession desquels elles n'avoient point été troublées, & que ces Seigneurs résisterent toujours à cette prétention du Clergé; Guillaume le Conquérant, pour concilier les droits anciens de ces Seigneurs avec les répugnances des Ecclésiastiques, permit d'autant plus volontiers, ainsi que ses Successeurs, à ceux-ci de ne point se reconnoître sujets à l'hommage pour leurs personnes, que depuis Charlemagne ils n'avoient dû en France, à cause de leurs inféodations, qu'une contribution en hommes propres à faire le service militaire.[335]

[335] Voyez Remarque sur la Sect. 96.

SECTION 87.

Item, si feme sole ferra homage a son Seignior, el ne dirra: Jeo deveigne vostre feme, (a) pur ceo que nest convenient que feme dirra que el deviendra feme a ascun home forsque a sa baron quant el est espouse; mes il dirra, jeo face a vous homage, & a vous serra foyall & loyall, & foy a vous portera des tenements que jeo teigne de vous, salve la foy que jeo doy a nostre Seignior le Roy.

SECTION 87.—TRADUCTION.

Si une femme fait hommage, elle ne dit pas au Seigneur: Je deviens votre femme, il y auroit de l'indécence à se dire la femme d'un autre que de son époux; mais elle dit seulement, je vous fais hommage, je vous serai fidele & loyale, & je vous reconnoîtrai toujours comme Seigneur des tenemens qui relevent de vous, sauf la foi que je dois au Roi notre Seigneur.

REMARQUE.

(a) El ne dirra: jeo deveigne vostre feme, &c.

La femme ne s'obligeoit point, par l'hommage, de s'acquitter en personne des services militaires attachés au Fief auquel elle avoit succédé. Elle ne pouvoit donc pas se dire la femme du Seigneur au même sens que le vassal en devenoit l'homme; il suffisoit qu'elle se substituât quelqu'un pour remplir les devoirs dont elle ne pouvoit décemment s'acquitter elle-même. Il y avoit cependant des Fiefs créés spécialement pour des femmes.[336] Tels étoient entr'autres ceux dont parle Cujas,[337] qui obligeoient les femmes qui les obtenoient, ou de veiller sur les domestiques de l'épouse d'un Seigneur, ou de l'accompagner, comme amie, en tous ses voyages, &c. Ces fonctions n'étoient pas ordinairement attachées à des terres, mais à des droits sur les denrées que l'on exposoit en vente dans les marchés ressortissans de la Seigneurie; au privilége exclusif de faire cueillir le miel de tout ou de partie d'une forêt, &c.[338] Cette espece de Fiefs étoit tenue par hommage, & presque toujours par hommage-lige,[339] parce qu'on étoit obligé de s'acquitter en personne du service en considération duquel le Fief avoit été érigé. C'est ce qui s'induit des exemples que Brussel en fournit, exemples qui me font appercevoir, en même-temps, que cet Auteur[340] s'est non-seulement trompé lorsqu'il a cru que l'hommage-lige n'avoit été établi que par rapport au service de guerre, mais encore plus, en avançant qu'on ne l'a connu que dans le douzieme siecle; car on trouve ce terme employé dans une Chartre du Roi Philippe de 1076, & dans une Lettre de Henri, Evêque de Soissons, en 1088.[341]

[336] Feudum muliebre, id est de quo fuerit à primo mulier investita. Cujas, de Feud. L. 1, tit. 1, col. 1802.

[337] Si feudum datum sit ut fœmina iter uxoris Domini officiosè comitetur, vel ut domi focique Dominæ ministret & rem ejus familiarem accuret, ibid, col. 1818.

[338] Domicella Eramburgis de Cheruy ligia de medietate examinum apum quæ inveniuntur in nemoribus, &c.—Isabellis de Castrovillani ligia de quatuor stallis piscium & carnium apud Barrum. Registr. de Champagne en 1256, fo. 13 & 44.

[339] On l'appelle lige, du mot ligare. Les vassaux qui devoient cet hommage étoient par la nature de leurs services plus intimement liés au Seigneur que les autres.

[340] Bruss. Exam. des Fiefs, L. 1, c. 11.

[341] Assis. de Jérus. aux Notes de la Taumass. pag. 255. C'est aussi parce que les droits d'avoir Garennes en Forêts, Quittances en Foire, emportoient la ligence, que l'Ancien Coutumier de Normandie, c. 28, appelle les tenures de ces droits tenures de dignité.

SECTION 88.

Item, home puit veier un bone note in M. 15 E. 3. lou un home & sa feme firent homage & fealtie en le common Bank, quil est escrie en tiel forme. Nota que J. Leukner & Elizabeth sa feme, fierent homage a W. Thorpe en cest maner; lun & lauter tiendront jointment lour mains enter les mains W. T. & le baron dit en cest forme: Nous vous ferromus homage, & foy a vous porterons, pur les tenements que nous teignomus de A. vostre conusor que a vous ad graunter nostre services en B. & C. & auters villes, &c. encounter touts gents, salve la foy que nous devons a nostre Seignior le Roy, & a ses heires, & a nostre auters Seigniors, & lun & lauter luy baseront. Et puis ils fierent fealtie, & lun & lauter tiendront lour mains sur un lieux, & le baron dit les parolx, & ambideux baseront le lieux.

SECTION 88.—TRADUCTION.

Dans le Recueil des Actes du regne d'Edouard III, on trouve cette note au sujet d'un homme & de sa femme qui firent homage & féaulté en la Cour du commun Banc.

Jean Leukner & Elizabeth son épouse ont fait hommage à Guillaume Thorpe de cette maniere: L'un & l'autre ont mis leurs mains jointes dans celles de Guillaume Thorpe, & le mari lui a dit: Nous vous faisons hommage, & nous vous promettons fidélité pour les ténemens relevans de vous, que A. nous a cédés, à charge de services en la Ville de B. en celle de C. & en d'autres Villes, sauf la fidélité que nous devons au Roi & à ses hoirs, & à nos autres Seigneurs, après quoi le mari & la femme ont embrassé Thorpe; ensuite ils ont fait féaulté en posant tous deux leurs mains sur un lieu qui leur a été désigné, & le mari ayant prononcé la formule d'usage, sa femme & lui ont baisé le lieu où leurs mains avoient été posées.

SECTION 89.

Nota, si un home ad severall tenancies queux il tient de severals Seigniors, si chescun tenansiie per homage, donques quant il fait homage a un des Seigniors, il dirra en le fine de son homage fait, salue la foy que jeo doy a nostre Seignior le Roy, & a mes outers Seigniors. (a)

SECTION 89.—TRADUCTION.

Lorsqu'un vassal a différens fonds relevans de divers Seigneurs par hommage, il doit toujours terminer sa prestation d'hommage par ces mots, sauf la foi que je dois au Roi & à mes autres Seigneurs.

REMARQUE.

(a) Et a mes ousters Seigniors.

J'ai déjà dit que lors même qu'un vassal ne tenoit rien du Roi, il ne faisoit, en Normandie, l'hommage qu'en réservant la foi qu'il devoit au Souverain; mais cette réserve cessa d'être usitée en plusieurs Provinces de France dès le regne du Roi Raoul, successeur de Charles le Simple.

Quand ce Prince parvint au Trône, l'autorité royale étoit dans la plus extrême foiblesse;[342] les Seigneurs étoient sans cesse en guerre les uns contre les autres, pour des arrieres-vassaux qu'ils se disputoient réciproquement; & ils forçoient les Princes, qui avoient des prétentions à la Couronne, & qui étoient toujours prêts d'en venir aux mains, de leur faire des concessions, au moyen desquelles ils pussent les aider d'un plus grand nombre de soldats. Ces Seigneurs embrassoient le parti de celui qui se prêtoit plus volontiers à leurs instances, & le Sous-Feudataire, forcé de combattre pour le Prince dont son Seigneur avoit épousé la querelle, ne reconnoissoit plus que l'autorité de ce Seigneur.

[342] Mézeray, ann. 930.

Cependant comme le vassal relevoit quelquefois de plusieurs Seigneurs dont les engagemens étoient opposés, & que chacun d'eux exigeoit en même temps les différens services qu'il leur devoit, la situation du vassal étoit d'autant plus critique, qu'il étoit également dangereux pour lui de refuser ou d'accorder les services qui lui étoient demandés; tout ce qu'il pouvoit faire de plus prudent, étoit de temporiser jusqu'à ce que la force eût décidé celui auquel de ses Seigneurs il devoit obéir.

La France étoit plongée dans ce désordre,[343] lorsque le Duc Raoul devint maître de la Normandie.

[343] Abregé chronol. de M. le Prés. Hesn. ann. 929, 930, 931.

La Souveraineté ne pouvant alors lui être contestée par aucuns des Grands de son Duché, ils n'eurent aucun prétexte d'étendre leur puissance aux dépens de la sienne, ou de celle de leurs égaux.

Le Vasselage, avant ce Duc, avoit prescrit des distinctions entre les devoirs dûs aux Rois par les Suzerains, & les services auxquels les arrieres-vassaux étoient tenus envers leurs Seigneurs; & sous sa domination, cet ancien ordre se rétablit comme de lui-même.

Les services des arrieres-vassaux n'étant plus dirigés par l'intérêt personnel des Seigneurs, mais selon les vues du Souverain, on ne vit plus, en la personne des Seigneurs & des vassaux, que des sujets soumis & fidèles. Tandis qu'en France, où les Loix féodales étoient violées dans leurs maximes fondamentales, tout se réunissoit à dépouiller le Souverain du pouvoir qu'exerçoit le Seigneur le moins accrédité de son Royaume; En Normandie, au contraire, ces Loix reprenant cette vigueur qu'elles avoient eue sous Charlemagne, concentroient toute espece d'autorité en celle du Duc, & le mettoient en état de se faire redouter des plus puissans Monarques.

SECTION 90.

Nota, que nul ferra homage, mes tiel que ad estate en fee simple ou en fee taile en son droit de mesne, ou en droit dung auter. Car il est un maxime en le ley que il qui ad estate forsque pur terme de vie ne ferra homage, ne prendra homage: car si feme ad terres ou tenements en fee simple ou en fee taile queulx ell tient de son Seignior per homage, & prent baron & ont issue, donque le baron en la vie la feme ferra homage, pur ceo que il ad title daver les tenements per le Curtesie de Angleterre sil survesquist la feme, & auxy il tient en droit de sa feme. Mes si la feme duy devant homage fait per le baron en la vie sa feme, & le baron soy tient eins come tenant per le Curtesie, donques ill ne ferra homage a son Seignior, pur ceo que il adonque nad estate forsque pur terme de vie.

Plus serra dit de homage en la tenure per homage ancestrel.

SECTION 90.—TRADUCTION.

Nul ne fait hommage, à moins qu'il ne possède à perpétuité ou héréditairement, ou par acquisition, des Fiefs simples ou des Fiefs conditionnels; car il est de maxime que l'hommage n'est point dû pour les tenures à vie, ni aux Seigneurs qui ne sont qu'usufruitiers.

Ainsi lorsqu'une femme ayant des terres en Fief simple ou conditionnel, sujettes à l'hommage, se marie, & a dans la suite des enfans, le mari peut faire hommage pour sa femme, tant qu'elle est vivante, parce qu'il la représente, & qu'il est réputé la représenter encore en vertu du droit de la Courtoisie d'Angleterre. Mais si la femme décede avant que son mari ait fait hommage, quoiqu'il jouisse au droit de la Courtoisie, il ne sera point admis à le faire, parce que ce n'est plus au nom de sa femme qu'il pourroit le faire en ce cas, & que comme simple usufruitier il n'a pas la faculté de s'acquitter de ce devoir.

Au reste, il sera traité de l'Hommage avec plus d'étendue sous le titre de Tenure par hommage d'Ancêtres.


CHAPITRE II. DE FÉAUTÉ.

SECTION 91.

Fealty, idem est quod Fidelitas (a) en Latin. Et quant franktenant ferra fealty a son Seignior, il tiendra sa maine dexter sur un lieux, & durra issint: Ceo oyes vous mon Seignior, que jeo a vous serra foyal & loyal, & foy a vous portera des tenements que jeo claime a tener de vous, & que loyalment a vous ferra les customes & services queux fair a vous doy as termes assignes, si come moy aide Dieu & ses Saints, & basera le lieux. Mes il ne genulera quant il fait fealty, ne ferra tiel humble reverence come avant est dit en homage.

SECTION 91.—TRADUCTION.

Féauté ou fidélité c'est la même chose. Lorsque le vassal rend ce devoir à son Seigneur il pose, en se tenant debout, la main droite sur un lieu qu'on lui indique, & il dit: Mon Seigneur, je vous serai fidele & loyal, je vous payerai toujours, pour les ténemens que j'avoue relever de vous, les coutumes & services auxquels je suis obligé, & dans les termes prescrits. Que Dieu & ses Saints me soient en aide en l'exécution de cette promesse; ensuite il baise le lieu où il a posé sa main.

ANCIEN COUTUMIER.

Et doit estre dict quand l'en reçoit les homages & les féaultés: Entre les Seigneurs & leurs hommes doit estre foy gardée en telle maniere que l'un ne doit faire force à l'autre. Ch. 14.

REMARQUE.

(a) Fealty.

Tant que les Bénéfices ne furent point héréditaires, le serment de fidélité ne fut prêté qu'au Roi; mais les Bénéficiers, devenus propriétaires de leurs Gouvernemens, s'étant procurés, en les démembrant, des vassaux, leur autorité sur ces hommes de Fief s'accrut par les troubles qui agiterent la Monarchie sous les derniers Rois de la seconde Race, au point qu'ils obligerent ces hommes, indépendamment de l'hommage dû à cause du Fief dont ils les avoient gratifiés, à leur promettre la foi qu'ils ne devoient qu'au Souverain. Ces vassaux devinrent donc, à proprement dire, les sujets des Seigneurs, puisqu'ils n'étoient fidèles au Souverain, comme je l'ai déjà remarqué, qu'autant que ces Seigneurs lui demeuroient soumis.

Mais non-seulement tout vassal qui possédoit un Fief sujet à l'hommage devoit à son Seigneur le serment de fidélité, celui même qui n'avoit pas de Fief faisoit ce serment.

La foi ou féauté n'étoit donc pas de l'essence du Fief;[344] c'étoit un simple aveu de la Jurisdiction[345] de laquelle on dépendoit, des qu'on avoit fixé son domicile dans l'étendue d'une Seigneurie.

[344] Guyot, Instit. Féod. c. 1, soutient l'affirmative.

[345] Non quod habeat feudum, sed quia de jurisdictione sit ejus. Cuj. L. 2, tit. 5, de Feudis, c. 1845.

Aussi ce n'étoit pas entre les mains du Seigneur que la foi se juroit, mais sur un lieu désigné, pour marquer, sans doute, que le vassal ne s'engageoit pas au Seigneur lui-même, & que sa soumission n'étoit relative qu'à l'autorité confiée à ce Seigneur par le Prince.

En prêtant le serment de fidélité on se tenoit debout; on ne donnoit point au Seigneur le baiser; le Senéchal ou le Bailli pouvoient même recevoir la foi en l'absence du Seigneur, comme les Missi Dominici avoient toujours reçu, au nom des Rois des deux premieres Races, le serment des nouveaux sujets, ou celui des anciens sujets dont la fidélité étoit suspecte. La fidélité n'étoit jurée aux Seigneurs, que parce qu'ils s'étoient substitués, à l'égard de leurs vassaux, aux délégués de nos Rois, sous le prétexte qu'ils conserveroient ou restitueroient, pour ainsi dire, au Prince, la foi des sujets de leur ressort, soit en lui prêtant eux-mêmes serment, soit en rappellant à ces sujets leurs vassaux, dans les actes de prestation de foi, que la promesse qu'ils en faisoient devoit toujours être restrainte par la volonté & les intérêts du Souverain.

Il n'est donc pas étonnant de trouver plus d'attention de la part des Seigneurs à exiger des hommes domiciliés en l'étendue de leur Fief, qui en étoient tenants, le serment de fidélité en certaines circonstances, qu'ils n'en ont eu en d'autres; ni de voir ces derniers, tantôt dispensés de ce devoir, tantôt obligés à l'hommage & à la féauté indistinctement ou divisément. Ces usages ont dû suivre le progrès ou le déchet qu'ont successivement éprouvé en France, dans les dixieme, onzieme & douzieme siecles, l'autorité Royale & le pouvoir des Seigneurs.

Quand un Seigneur réussissoit à se faire redouter du Souverain, & qu'il vouloit s'en choisir un entre deux Princes rivaux, il faisoit prêter le serment de fidélité, sans réserver celle dûe au Roi. Sous des regnes paisibles, où les droits du Monarque étoient respectés, les traces de l'usurpation qu'en avoient faite les Seigneurs, & qui se manifestoient dans les actes d'inféodation, disparoissoient bientôt, ou on omettoit, dans les nouveaux actes, la prestation de foi, ou elle n'y étoit présentée que comme identique avec les promesses indispensables pour assurer les droits du Vasselage.[346] C'est ce dont on demeure convaincu, en consultant les Chartres postérieures au regne de Charles le Simple. Les formules d'hommage & de féauté qu'on y emploie, sont toujours analogues à la situation où étoient les affaires de l'Etat lors de leur date; & en les comparant avec les actes par lesquels le Clergé a refusé aux Seigneurs, en diverses occasions, le serment de fidélité, on est naturellement porté à croire que son refus étoit moins fondé sur des vues d'indépendance, que sur l'appréhension de participer à l'abus que les Seigneurs faisoient des sermens qu'on leur prêtoit, au préjudice de l'autorité Royale.

[346] Capitul. anni 865, apud Tusiacum. Balus. col. 197.

SECTION 92.

Et graund diversity y ad per enter feasans de fealtie & de homage; car homage ne poit estre fait forsque al Seignior mesme: mes le Seneschal de court le Seignior ou Balife, puit prender fealtie pur le Seignior.

SECTION 92.—TRADUCTION.

Il y a une grande différence entre l'hommage & la féauté. L'hommage ne se rend qu'au Seigneur lui-même, & on prête serment de fidélité au Senéchal ou au Bailli en l'absence du Seigneur.

SECTION 93.

Item, tenant a terme de vie ferra fealtie, & uncore il ne ferra homage. Et divers auters diversities y sont perenter homage and fealtie.

SECTION 93.—TRADUCTION.

D'ailleurs un usufruitier prête serment de fidélité, & il ne fait point hommage.

SECTION 94.

Item, home poit veir 15. Ed. 3. coment home & sa feme fieront homage & fealtie en common banke, que lest escript devant en Tenure de homage.

SECTION 94.—TRADUCTION.

On a ci-devant vu comment, dans le 15e Record tenu sous Edouard III, un homme & sa femme firent féauté & hommage en la Cour du commun Banc.


CHAPITRE III. D'ESCUAGE.

SECTION 95.

Escuage est appell en Latine Scutagium, cest ascavoir, Servitium Scuti. Et tiel tenant que tient sa terre per escuage, (a) tient per service de Chivaler. Et auxy il est communement dit, que ascun tient per un fee de service de Chivaler, & ascun per le moitie dun fee de service de Chivaler, &c. Et il est dit, que quant le Roy face voyage royal en Escoce pur subduer les Scotes, donques il que tient per un fee de service de Chivaler, covient estre ove le Roy per 40 jours, (b) bien & convenablement array pur le guerre. Et celuy que tient sa terre per le moitie dun fee de Chivaler covient estre ove le Roy per 20 jours. Et il que tient son terre per le quart part dun fee de Chivaler covient estre ove le Roy per 10 jours, & issint que pluis, pluis; & que meins, meins.

SECTION 95.—TRADUCTION.

Escuage, en Latin Scutagium ou Servitium Scuti, s'entend du service de Chevalier dû par un Fief. Or certains tiennent par un service de Chevalier, d'autres par demi-service.

Tout tenant par service entier de Chevalier doit suivre, bien armé, le Roi pendant quarante jours lorsqu'il va faire la guerre en Ecosse; & celui qui ne tient que par demi-service ne doit être à l'armée que pendant vingt jours. Il en est ainsi à proportion de ceux dont la tenure est sujette à un plus grand ou un moindre service de Chevalier.

ANCIEN COUTUMIER.

Il y a alcuns Fiefs de Hautbert qui doivent à leur Seigneur le service de l'Ost qui doit estre fait au Prince; les aultres doivent l'aide de l'Ost. Ch. 44.

Les Fiefs en chef sont comme les Comtés, les Baronnies; les Fiefs de Hautbert, les franches Sergenteries & les aultres qui ne sont submis à alcun Fief de Hautbert. Ch. 34.

L'en appelle membre de Hautbert la huitieme partie d'un Fief de Hautbert, & toutes les aultres parties qui sont contenues sous moindre nombre, si come la septieme, la sixieme & aultres. Ch. 33.

REMARQUES.

(a) Et tiel tenant per escuage, &c.

Il y avoit[347] des Chevaliers chez les Gaulois: divers animaux étoient représentés en broderie d'or sur leurs habits de pourpre. Tandis qu'ils étoient à table, des Ecuyers se tenoient debout aupres d'eux, & gardoient leurs armes. Pausanias[348] distingue ainsi les fonctions des Chevaliers & de leurs Ecuyers. Chaque Chevalier, dit-il, étoit suivi de deux autres qui lui étoient subordonnés; ceux-ci le secouroient ou le remplaçoient dans la mêlée, selon le danger qu'il couroit, ou la supériorité de l'ennemi qu'il avoit à combattre; si son cheval étoit tué ils lui donnoient le leur. Procope[349] entre encore dans un plus grand détail; il divise les Chevaliers en trois classes: les uns étoient armés de haches; d'autres, couverts de boucliers, lançoient des javelots; certains portoient les bannieres ou étendarts sous lesquels les Chevaliers de chaque ordre devoient se rallier.

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